Ce qui me frappe, c’est que Grimm, vers cette date, dit à peu près la même chose ; parlant de la lettre adressée par le prince à Jean-Jacques Rousseau en 1770, lettre dans laquelle il lui offrait un asile contre la persécution et une retraite à Belœil, comme M. de Girardin la lui fit accepter plus tard à Ermenonville, Grimm ajoute : « Cette lettre n’a pas eu de succès à Paris, parce qu’on n’y a pas trouvé assez de naturel, et que la prétention à l’esprit est une maladie dont on ne relève pas en ce pays. » Il y a sur ceci deux points à remarquer : d’abord, c’est que les personnes, déjà en crédit et en possession, qui vous voient à vos débuts, ont peine à vous admettre : elles vous comparent à d’autres qui tiennent déjà un rang ; les places sont prises dans leur esprit, les hauteurs sont occupées. […] Celui que Mme Du Deffand et Grimm faisaient d’abord quelque difficulté d’admettre comme de la pure race des esprits français, l’était si naturellement devenu, qu’écrivant en 1807 de Tœplitz à son compatriote le prince d’Arenberg, l’ancien ami de Mirabeau, et lui parlant de M. de Talleyrand, qui venait d’arriver : « Jugez, disait-il, de son plaisir d’être reçu par moi, car il n’y a plus de Français au monde que lui, et vous et moi, qui ne le sommes pas. » Et il disait vrai en parlant ainsi.
Delécluze ait eu peu d’illusions en aucun temps, nous assure-t-il, et qu’il soit à peu près uniformément satisfait de tous les pas de sa carrière, il est pourtant un moment qui, a ses yeux, eut une importance décisive et qui se peint en beau dans son imagination : c’est l’heure de son entrée dans la carrière littéraire, lorsque ayant renoncé décidément au crayon pour la plume, il fit ses premières armes au Lycée, petite revue distinguée qui parut vers 1819, et lorsque ensuite, après deux ou trois années de prélude, il fut admis parmi les rédacteurs des Débats. […] Il appelait l’alexandrin un cache-sottise ; il demandait pourquoi le vers français se vante de n’admettre que le tiers des mots de la langue, tandis que les vers anglais peuvent tout dire.
Il lui reproche comme une erreur, non pas précisément d’avoir pensé que, pour enrichir la langue, il ne fallait rejeter aucune des locutions populaires, mais bien d’avoir voulu les introduire et les admettre dans toute espèce de style, même dans le discours élevé. […] Cela ne se discutait pas, c’était généralement admis par les plus polis comme par les plus doctes, et même par les réfractaires et récalcitrants.
J’insiste donc parce que le danger aujourd’hui est dans le sacrifice des littérateurs et poètes que j’appellerai modérés : longtemps ils ont eu l’avantage et tous les honneurs ; on plaidait pour Shakespeare, pour Milton, pour Dante, pour Homère même ; on ne plaidait pas pour Virgile, pour Horace, pour Boileau, Racine, Voltaire, Pope, le Tasse, admis et reconnus de tous. […] C’était aussi la théorie déclarée de Balzac qui n’admettait pas que Pascal pût demander à l’âme des grands hommes l’équilibre et l'entre-deux entre deux vertus ou qualités extrêmes et contraires.
Ces résultats dorénavant sont admis de ceux même qui ne s’en rendent pas bien compte : l’homme du peuple qui regarde une éclipse admet volontiers l’explication que lui donne le demi-savant qui la regarde en même temps que lui, et qui lui-même tient pour démontrée la conclusion du profond et vrai savant.
La religion de l’histoire, le numen historiæ de Pline le Jeune et de Tacite, ils n’en ont pas une bien haute idée, ils ne l’admettent pas : « L’histoire, disent-ils, est un roman qui a été ; le roman est de l’histoire qui aurait pu être. » — La tragédie, ils n’en pensent pas mieux que de l’histoire, mais ils la redoutent davantage, et ils lui en veulent comme au fantôme ennemi qu’on évoque de temps en temps et qu’on fait semblant de ressusciter contre les genres vivants et modernes ; ils disent : « Il est permis en France de scandaliser en histoire : on peut écrire que Néron était un philanthrope, ou que Dubois était un saint homme ; mais en art et en littérature les opinions consacrées sont sacrées : et peut-être, au xixe siècle, est-il moins dangereux, pour un homme de marcher sur un crucifix que sur les beautés de la tragédie. » Artistes jusqu’à la moelle, ils voient le monde par ce côté unique de l’art ; c’est par là qu’ils sont offensés, c’est par là qu’ils jouissent ; c’est à être un artiste indépendant, sincère, absolu et sans concession, qu’ils mettent le courage civil : « Il faut plus que du goût, il faut un caractère pour apprécier une chose d’art. […] le genre admis, il y a excès.
Je ne saurais admettre non plus la façon dont il parle de Louis Racine. […] Je n’admettrai jamais qu’en poésie (autrement qu’une fois par hasard et comme tour de force) on se mette à peindre des pots cassés, des chaudrons, ou, si vous voulez, des porcelaines, uniquement pour le plaisir de les peindre.
La jeune Claire fut admise dès l’âge de sept ans dans la société familière de ses parents ; Mme de Duras disait volontiers qu’elle n’avait pas eu d’enfance, ayant été tout d’abord raisonnable et sérieuse. […] Villemain vers qui elle se sentait portée, tant à cause de son prodigieux esprit de conversation qu’en faveur de ses opinions politiques modérées, aux confins du seul libéralisme qu’elle pût admettre.
La nef centrale, où sont admis seulement les hommes est déjà à moitié pleine au moment où j’arrive. […] Et s’il s’agit de la révélation considérée comme un fait historique, j’ai rencontré des ecclésiastiques qui reconnaissaient que pour un esprit muni de critique et non prévenu par la grâce, il peut y avoir, à la rigueur, autant de raisons de rejeter ce fait que de l’admettre.
Lacordaire s’était fait le raisonnement que voici : La société, à mes yeux, est nécessaire ; de plus, le christianisme est nécessaire à la société ; il est seul propre à la maintenir, à la perfectionner : donc le christianisme est vrai, non pas d’une vérité politique et relative, comme l’admettent bien des gens, mais d’une vérité supérieure et divine : toute autre vérité secondaire serait un compromis et une sorte de malentendu indigne et de la confiance de l’homme et de la franchise de Dieu. […] Il n’y a pas du tout de Bourdaloue en lui, c’est-à-dire de cette suite égale, modérée, toujours satisfaisante à la réflexion, toute judicieuse (le dogme une fois admis).
Dès l’avènement de la Restauration, il sentit que, sous un gouvernement non militaire, qui admettait le droit de discussion et la parole, il était de ceux que leur vocation naturelle et leur mérite appelaient à compter dans les affaires et dans les délibérations du pays. […] Faire acte d’impartialité, admettre tous les éléments constitutifs de l’histoire, l’élément royal, aristocratique, communal, ecclésiastique, n’en exclure aucun désormais, à condition de les ranger tous et de les faire marcher sous une loi, voilà son ambition.
» Vauvenargues a l’âme antique, et, comme les plus éclairés des anciens, il n’est pas disposé à admettre si aisément des contradictions dans la nature. […] Or, Vauvenargues, tout en reconnaissant les imperfections et les faiblesses dans l’homme, n’admet pourtant pas de ces contradictions fondamentales et de ces difficultés qui soient un nœud inextricable dès l’origine.
Ce dernier, traducteur de Juvénal, homme enthousiaste, expansif, nourri de toute la sentimentalité du siècle, s’était fort jeté à la tête de Jean-Jacques, qui l’avait d’abord pris en gré et l’avait, par exception, admis dans son intimité. […] Admis à puiser aux sources officielles manuscrites, il en fit usage avec habileté, avec art.
Dans une discussion du Conseil à laquelle il est admis, il a peine à entendre Danton, qui pourtant parlait assez fort et assez haut : M. […] Ceux qui n’y apportent d’autre intérêt que celui de la vérité ne feront aucune difficulté d’admettre l’apoplexie, en se réservant tout au plus un léger doute.
Nous admettons donc implicitement que ces jugements correspondent à quelque réalité objective sur laquelle l’entente peut et doit se faire. […] Il faudrait donc admettre que Dieu, lui aussi, varie dans l’espace comme dans le temps, et à quoi pourrait tenir cette surprenante diversité ?
Nous admettons volontiers que Les sociétés « uniques » aient une tendance à absorber les individus qu’elles englobent, à faire d’eux leurs choses et à les empêcher de se poser comme des personnes ; en ce sens on a raison de dire que les groupements primitifs, simples et fermés, tendent non pas à détruire l’individualisme, mais à l’empêcher de naître. […] Ainsi, la centralisation, conséquence du militarisme, ici admettrait et là exclurait la multiplicité des groupements.
Et puis, en certains cas, à l’égard dès œuvres retentissantes qui font époque et révolution — ou du moins beaucoup de bruit (comme chaque jour en voyait naître alors), la critique était encore tenue à de plus grandes réserves par les journaux eux-mêmes qui n’admettaient pas qu’on s’exprimât en public en toute liberté sur ces grands sujets littéraires.