/ 1097
149. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Je comprends bien pourquoi il y a eu une tragédie française : mais pourquoi l’individu Corneille, pourquoi l’individu Racine ont-ils fait des tragédies ? […] Puis, la théorie explique Pradon et Racine : elle explique même, je le veux bien, pourquoi Racine, helléniste, janséniste, a mis dans son œuvre ce que Pradon, ignorant et galant, ne mettait pas dans la sienne ; mais la différence d’intensité, d’énergie dans les esprits, de beauté dans les ouvrages, d’où vient-elle ? Pourquoi le niveau de Pradon et de Racine n’est-il pas le même ?

150. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

Oui, avant 1661, avant les beaux temps de Boileau, de Racine, de Bossuet, les genres étaient démêlés dans notre littérature. […] Aujourd’hui Racine ne regarderait pas comme héroïque cette réponse de Porus à Alexandre qui lui demande comment il veut être traité : En roi . […] Aujourd’hui Racine ne mettrait pas dans la bouche d’un jeune prince déclarant son amour à une captive, cette humilité religieuse : Peut-être le récit d’un amour si sauvage Vous fait, en m’écoutant, rougir de votre ouvrage ; D’un cœur qui s’offre à vous, quel farouche entretient Quel étrange captif pour un si beau lien !

151. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Liste des écrivains » pp. -655

Racine. […] Racine.

152. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

À quelques siècles de distance, en dépit de la plus sûre tradition et des documents les moins contestables, nous n’imaginons même pas la façon dont la Champmeslé ou la Du Parc interprétait Racine. […] Non que le mécanisme de l’action ait déjà la rigueur que nous admirons chez Racine. […] Mais la preuve la plus frappante de la crise de l’art dramatique classique au lendemain de son épanouissement, je la trouve dans le vrai continuateur de Racine, dans le merveilleux Marivaux. […] Mais un fait nouveau est intervenu : la fondation d’un « théâtre clos » à l’usage de l’élite, amorcée sinon accomplie par Racine. […] La « pièce bien faite », selon Racine, était devenue peu à peu la « pièce bien faite » selon Scribe, puis selon Victorien Sardou.

153. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIX » pp. 316-320

Les ingénieurs étaient donc à l’œuvre ; on essayait de tracer à la moderne bande des novateurs dramatiques une route qui tournât les temples de Racine et de Corneille et qui n’en fût pas écrasée ; car les vieux critiques, logés dans ces temples, en faisaient des espèces de forteresses d’où ils tiraient sur les nouveaux venus et croyaient leur barrer le passage. […] Il arriva même, je pense, que pour élargir un peu cette route disputée, il y eut quelques jeunes critiques plus osés qui n’hésitèrent pas à faire sauter (surtout du côté de Racine) quelque portion du marbre sacré, quelque coin des degrés de ces temples augustes.

154. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 532-537

Pour peu qu’on ait la connoissance du Théatre, sa Tragédie de Didon paroîtra toujours le début d’un génie capable d’égaler les plus Grands Maîtres, & particuliérement Racine que personne n’a atteint de plus près. […] M. Racine le fils, sur les Tragédies de son pere ; sa Traduction des Dialogues de Lucien, celle des Tragédies d’Eschyle sur-tout, sont autant de travaux qui déposeront en faveur de son génie, de son savoir, de ses lumieres, de son zele pour le progrès des Arts, contre les esprits jaloux qui l’ont attaqué sans le valoir ; contre les esprits superficiels qui l’ont jugé sans le connoître ; contre les Philosophes qui l’ont décrié sans pouvoir lui nuire ; ils prouveront encore, avec ses autres Ouvrages, l’énorme différence qu’il y a entre l’Honnête homme qui sait faire un noble usage de ses talens, & l’Ecrivain dangereux qui en abuse pour dépriser ceux de ses Rivaux.

155. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VI. La Mère. — Andromaque. »

Lorsque la veuve d’Hector dit à Céphise, dans Racine : Qu’il ait de ses aïeux un souvenir modeste : Il est du sang d’Hector, mais il en est le reste, qui ne reconnaît la chrétienne ? […] L’antiquité ne parle pas de la sorte, car elle n’imite que les sentiments naturels : or, les sentiments exprimés dans ces vers de Racine ne sont point purement dans la nature ; ils contredisent au contraire la voix du cœur.

156. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « en tête de quelque bulletin littéraire .  » pp. 525-535

Si Racine, dans les vingt-six années environ qui forment sa pleine carrière depuis les Frères ennemis jusqu’à Athalie, avait eu le temps de voir une couple de révolutions politiques et littéraires, s’il avait été traversé deux fois par un soudain changement dans les mœurs publiques et dans le goût, il aurait eu fort à faire assurément, tout Racine qu’il était, pour soutenir cette harmonie d’ensemble qui nous paraît sa principale beauté : il n’aurait pas évité çà et là dans la pureté de sa ligne quelque brisure. […] On en est aux regrets ; il faut se résigner, nous le croyons ; l’Horace et le Virgile, le Racine et le Despréaux, ces suprêmes et légitimes dictateurs qui couronnent et consolident une grande époque littéraire, manqueront à une époque brillante, mais diffuse, mais anarchique poétiquement et démocratique de prétentions et de concessions sur ce point comme partout ailleurs.

157. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre III. L’analyse externe d’une œuvre littéraire » pp. 48-55

Ce n’est pas chose indifférente de savoir que Corneille pour ses tragédies puisa surtout dans l’histoire romaine et que Racine tira la plupart de ses pièces de la légende grecque ou de la Bible qu’Augustin Thierry s’enferma dans le moyen âge ; que Zola n’est pas sorti des mœurs contemporaines. […] On s’aperçoit bien vite que la femme a été le sujet d’études favori de Racine et de Marivaux ; que V. […] N’a-t-on pas fait le compte de ceux qu’a employés Racine ?

158. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 9, des obstacles qui retardent le progrès des jeunes artisans » pp. 93-109

M. Racine, concernant la facilité de faire des vers. […] Racine lui dit en parlant de son travail, qu’il trouvoit une facilité surprenante à faire ses vers. […] Racine disoit que Despreaux lui avoit tenu parole.

159. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Silvio Pellico »

… le Racine de la poésie italienne, comme l’a osé dire de Silvio cette menteuse de littérature pour faire sa cour à la politique, le Racine de la poésie italienne ne sera plus peut-être qu’un imbécile, quelque chose de niais et de plat, — un Pradon ! […] Si Pellico n’est pas Racine, ce sont eux qui l’ont donné pour tel, et si c’est Pradon, — ce qui pourrait bien être, — qu’importe encore !

160. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVII. Silvio Pellico »

… le Racine de la poésie italienne, comme l’a osé dire de Silvio cette menteuse de littérature, pour faire sa cour à la politique, le Racine de la poésie italienne ne sera plus peut-être qu’un imbécile, quelque chose de niais et de plat, — un Pradon ! […] Si Pellico n’est pas Racine, ce sont eux qui l’ont donné pour tel, et si c’est Pradon — ce qui pourrait bien être — qu’importe encore !

161. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre VI. Le beau serviteur du vrai »

Louis XIV trouvait Racine bon à coucher dans sa chambre quand il était, lui le roi, malade, faisant-ainsi du poëte le second de son apothicaire, grande protection aux lettres ; mais il ne demandait rien de plus aux beaux esprits, et l’horizon de son alcôve lui semblait suffisant pour eux. Un jour, Racine, un peu poussé par madame de Maintenon, s’avisa de sortir de la chambre du roi et de regarder le galetas du peuple. […] Louis XIV frappa Racine d’un coup d’œil meurtrier. […] Racine, sur la suggestion de madame de Maintenon, risque une remontrance qui le fait chasser de la cour, et il en meurt ; Voltaire, sur l’insinuation de madame de Pompadour, aventure un madrigal, maladroit à ce qu’il paraît, qui le fait chasser de France, et il n’en meurt pas. […] Nous ne leur demandons pas autre chose. » Remarquez l’étendue et l’envergure de ce mot : les poëtes, qui comprend Linus, Musée, Orphée, Homère, Job, Hésiode, Moïse, Daniel, Amos, Ézéchiel, Isaïe, Jérémie, Ésope, David, Salomon, Eschyle, Sophocle, Euripide, Pindare, Archiloque, Tyrtée, Stésichore, Ménandre, Platon, Asclépiade, Pythagore, Anacréon, Théocrite, Lucrèce, Plaute, Térence, Virgile, Horace, Catulle, Juvénal, Apulée, Lucain, Perse, Tibulle, Sénèque, Pétrarque, Ossian, Saadi, Ferdousi, Dante, Cervantes, Calderon, Lope de Vega, Chaucer, Shakespeare, Camoëns, Marot, Ronsard, Régnier, Agrippa d’Aubigné, Malherbe, Segrais, Racan, Milton, Pierre Corneille, Molière, Racine, Boileau, La Fontaine, Fontenelle, Regnard, Lesage, Swift, Voltaire, Diderot, Beaumarchais, Sedaine, Jean-Jacques Rousseau, André Chénier, Klopstock, Lessing, Wieland, Schiller, Goethe, Hoffmann, Alfieri, Chateaubriand, Byron, Shelley, Woodsworth, Burns, Walter Scott, Balzac, Musset, Béranger, Pellico, Vigny, Dumas, George Sand, Lamartine, déclarés par l’oracle « bons à rien », et ayant l’inutilité pour excellence.

162. (1875) Premiers lundis. Tome III « Maurice de Guérin. Lettre d’un vieux ami de province »

Racine sent bien plus les Grecs ; mais, en bel esprit tendre, il sent et suit surtout ceux du second et du troisième âge, non pas Eschyle, non pas même Sophocle, mais plutôt Euripide ; ses Grecs, à lui, ont monté l’escalier de Versailles et ont fait antichambre à l’Œil-de-Bœuf. On voit dans la querelle des Anciens et des Modernes, où Racine et Boileau défendent Homère contre Perrault, combien il y avait peu, de part et d’autre, de sentiment vrai de l’antique.

163. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XVI. Le Paradis. »

On oppose toujours Milton, avec ses défauts, à Homère avec ses beautés : mais supposons que le chantre d’Éden fût né en France, sous le siècle de Louis XIV, et qu’à la grandeur naturelle de son génie il eût joint le goût de Racine et de Boileau ; nous demandons quel fût devenu alors le Paradis perdu, et si le merveilleux de ce poème n’eut pas égalé celui de l’Iliade et de l’Odyssée ? […] Nous couronnerons ce que nous avons dit sur ce sujet par une vue générale de l’Écriture : c’est la source où Milton, le Dante, le Tasse et Racine ont puisé une partie de leurs merveilles, comme les poètes de l’antiquité ont emprunté leurs grands traits d’Homère.

164. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Mais pour nous garder de ces fantaisies, il suffira de songer que Racine donnait une parfaite satisfaction à Boileau, par l’usage qu’il faisait de l’histoire. […] Racine, en écrivant Iphigénie ou Bajazet, ne s’est pas soucié d’archéologie ni d’orientalisme : mais il a costumé ses caractères généraux selon l’idée qu’il se faisait des Grecs ou des Turcs. […] Comme Molière et comme Racine, Boileau ne saurait admettre que la poésie n’ait pas pour objet de plaire. […] Et voilà pourquoi Racine a eu raison de fonder tous ses drames sur les effets de l’amour : De cette passion, la sensible peinture Est, pour aller au cœur, la route la plus sûre. […] Ni la nouveauté, ni la hardiesse de l’expression ne souffrent de la correction grammaticale : Racine est là pour le prouver.

165. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — II. La versification, et la rime. » pp. 257-274

Jamais un vrai poëte, jamais le Tasse, Despréaux, Racine & Pope, n’eurent de pareilles idées. […] Issé & l’Europe galante ne le rendent pas plus égal à Quinault, que Romulus & Inès de Castro à Corneille & à Racine. […] Racine & l’auteur de la Henriade ont-ils perdu le leur ?

/ 1097