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266. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

Tout événement, quel qu’il soit, a des conditions, et, ces conditions données, il ne manque jamais de suivre. […] Considérer tour à tour chaque province distincte de l’action humaine, décomposer les notions capitales sous lesquelles nous la concevons, celles de religion, de société et de gouvernement, celles d’utilité, de richesse et d’échange, celles de justice, de droit et de devoir ; remonter jusqu’aux faits palpables, aux expériences premières, aux événements simples dans lesquels les éléments de la notion sont inclus ; en retirer ces précieux filons sans omission ni mélange ; recomposer avec eux la notion, fixer son sens, déterminer sa valeur ; remplacer l’idée vague et vulgaire de laquelle on est parti par la définition précise et scientifique à laquelle on aboutit et le métal impur qu’on a reçu par le métal affiné qu’on obtient : voilà la méthode générale que les philosophes enseignent alors sous le nom d’analyse et qui résume tout le progrès du siècle  Jusqu’ici et non plus loin ils ont raison : la vérité, toute vérité est dans les choses observables et c’est de là uniquement qu’on peut la tirer ; il n’y a pas d’autre voie qui conduise aux découvertes. — Sans doute l’opération n’est fructueuse que si la gangue est abondante et si l’on possède les procédés d’extraction ; pour avoir une notion juste de l’État, de la religion, du droit, de la richesse, il faut être au préalable historien, jurisconsulte, économiste, avoir recueilli des myriades de faits et posséder, outre une vaste érudition, une finesse très exercée et toute spéciale. […] CXLVII, résumé. « Un lecteur sage s’apercevra aisément qu’il ne doit croire que les grands événements qui ont quelque vraisemblance, et regarder en pitié toutes les fables dont le fanatisme, l’esprit romanesque, la crédulité ont chargé dans tous les temps la scène du monde. » 340.

267. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Malouet lui écrivait en 1791 : « Nous qui raisonnons juste, nous ne rencontrons presque jamais avec précision aucun événement, parce que les actions des hommes ont fort peu de ressemblance aux bons raisonnements. » Cela est vrai pour tous les peuples et pour tous les hommes ; mais cela est encore plus vrai en France, car la nature française résume en elle avec plus de rapidité et de contraste les défauts et peut-être aussi les qualités de l’espèce. […] Il est curieux de voir la velléité de 1796 redevenue, par le cours fatal des événements, la nécessité de 1830. […] Mallet était déjà dans ces dispositions très peu espérantes quand il publia à Hambourg, en 1796, quelques mois après les événements du 13 Vendémiaire, sa brochure intitulée Correspondance politique pour servir à l’histoire du républicanisme français.

268. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

Dans ce dernier volume, par exemple, — qui nous reporte aux événements dont la Chine fut le théâtre après la prise de Pékin, et tandis que les batailles finissaient dans l’effondrement des pagodes ou dans les sinistres lueurs d’incendies grandioses, — apparaissent un laisser-aller plein d’art, une ordonnance savante dans son apparent désordre, des impressions qui ont l’air d’être fugitives et dont la mémoire demeure obsédée. […] Histoire vécue plutôt que roman, c’est comme le journal de la guerre de 1870, tenu minutieusement à jour, racontant par le détail tous les événements, expliquant le retentissement et le contrecoup qu’ils eurent, sur l’heure même, dans l’intelligence, dans l’âme et dans le cœur de ceux qui en ont été les acteurs et les victimes, et unissant à une dramatique précision une chaleur et une émotion communicatives. […] Au reste, la gravité redoutable du problème rend plus angoissant encore qu’un drame de pitié ce débat intime qui, sans aucun moyen artificiel, par le jeu des seuls événements de la vie courante, étreint quelques âmes jusqu’au plus violent désespoir. […] Il a mis une passion et une vibration d’autant plus frémissantes dans ses tableaux, qu’il a été lui-même mêlé de fort près aux événements dont il parle, qu’il a été témoin et acteur dans ces batailles politiques et qu’il a pu les observer en annaliste journalier. […] Il rattache les événements à leurs causes les plus lointaines, il recherche leur prolongement probable dans le temps et extrait de la vie de chaque jour ses éléments substantiels et significatifs.

269. (1904) Zangwill pp. 7-90

Cette affirmation que je fais emplira de stupeur, sincère, un assez grand nombre de braves gens qui modestement ; du matin au soir, jouent avec l’absolu, et qui ne s’en doutent jamais ; comment, diront-ils en toute sincérité, comment peut-on nous supposer de telles intentions ; nous sommes des petits professeurs ; nous sommes de modestes et d’honnêtes universitaires ; nous n’occupons aucune situation dans l’État ; nous sommes assez maltraités par nos supérieurs ; nous n’avons aucun pouvoir dans l’État ; nous ne déterminons aucuns événements ; nous sommes les plus mal rétribués des fonctionnaires ; nul ne nous entend ; nous poursuivons modestement notre enquête sur les hommes et sur les événements passés ; par situation, par métier, par méthode, nous n’avons ni vanité ni orgueil, ni présomption, ni cupidité de la domination ; l’invention des méthodes historiques modernes a été proprement l’introduction de la modestie dans le domaine historique. […] Séailles en Sorbonne est surpopulaire, surhumaine, qu’il s’y passe des événements extraordinaires, et que, au fond, l’orateur y prononce des paroles surnaturelles ; quelle résonance n’aurions-nous pas obtenue si nous avions choisi un exemple maximum, et même des exemples communs ; les manifestations laïques ne sont-elles pas devenues des cérémonies toutes religieuses, des répliques, des imitations, des calques, des contrefaçons des cérémonies religieuses ; et pour la commémoration de Zola, pour l’anniversaire de sa mort, ne nous a-t-on pas fait une semaine sainte, une neuvaine ; sentiment religieux et naissance de la démagogie. Les prêtres aussi, les petits prêtres, en ce sens, n’occupaient aucune situation dans l’État, n’avaient aucun pouvoir dans l’État ; les prêtres aussi étaient assez maltraités par leurs supérieurs et ne déterminaient aucuns événements ; les prêtres aussi étaient les plus mal rétribués des fonctionnaires, et nul ne les entendait ; et quand ils ne seront plus des fonctionnaires mal rétribués d’État, ils seront des fonctionnaires mal rétribués d’Église ; et nul ne les entendra ; ils poursuivent modestement leur prédication de la vie future ; par situation, par métier, par humilité chrétienne ils n’ont ni vanité ni orgueil, ni présomption ni cupidité de la domination ; un curé de campagne est un petit seigneur ; l’exercice du ministère ecclésiastique est essentiellement un exercice d’humilité chrétienne. […] « Une race se rencontre ayant reçu son caractère du climat, du sol, des aliments, et des grands événements qu’elle a subis à son origine. […] Son œuvre nous tient lieu des expériences personnelles et sensibles qui seules peuvent imprimer en notre esprit le trait précis et la nuance exacte ; mais en même temps elle nous donne les larges idées d’ensemble qui ont fourni aux événements leur unité, leur sens et leur support.

270. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Une lettre de M. Sainte-Beuve au général Jomini »

J’y apprends bien des particularités curieuses ; et ces particularités, par cela même qu’elles vous concernent, touchent aux plus grands événements et aux crises militaires décisives des dix mémorables années.

271. (1927) Approximations. Deuxième série

C’est qu’importants aussi bien que ténus, des événements qu’un roman s’applique à traduire la plupart ne le sont que sur un plan tout humain, et dans un livre de Jaloux ce plan n’est jamais le seul. […] La technique adoptée est celle-là même à laquelle James avait abouti, et que dans une de ses Préfaces il définit à peu près en ces termes : « J’ai trouvé profit à confier le récit des événements à un observateur qui sans être directement engagé dans les événements eux-mêmes en soit un témoin aussi intelligent que possible ; j’ai toujours éprouvé que la matière à traiter s’en trouvait enrichie en cours de route ». […] J’incline pour ma part à penser qu’il eût mieux valu les instiller graduellement, et chacun autant que possible à propos de quelque événement qui survient au cours du récit, — bref procéder à l’extrême début comme Jaloux l’a d’ailleurs si bien fait aussitôt après. […] Je ne puis lire ces lignes — dont le symbole nous livre la signification dernière des Profondeurs de la Mer — sans songer à ces Causeries du Vieux-Colombier où l’an dernier, en une de ses plus belles intuitions critiques, Gide nous découvrait chez Dostoïevski, sous le plan des événements et sous celui des passions, un certain troisième plan que ni les événements ni les passions ne parviennent jamais à atteindre, et qu’il nous signalait chez Dostoïevski comme fondamental. […] Il veut répondre au coup qui le frappe par un cri pur, juste et surpris… Ainsi l’honnête homme demeure tout occupé à vivre, en échange perpétuel et dans une conversation liée avec les événements.

272. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Ses mémoires sont un peu vagues sur ce point et ne suivent pas les événements d’assez près. […] Dans l’intervalle, il s’était passé deux événements. […] Un second événement, qui dut lui donner de l’aiguillon dans l’intervalle, fut le mariage de Kestner avec Charlotte, qui s’accomplit vers Pâques 1773 ; non pas qu’il eût du tout, à cette occasion, l’envie de se brûler la cervelle ; il a soin, dans sa correspondance, de rejeter bien loin une pareille pensée, et je crois fort que c’est sincère. […] Or, jugez de l’impression pénible qu’il dut faire à une première lecture sur les deux jeunes époux, qui y voyaient toute leur liaison de ces quatre divins mois dans la vallée de la Lahn divulguée en même temps et comme profanée par un mélange avec d’autres événements et des circonstances étrangères, moins délicates et moins pures.

273. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

pas une porte où je puisse aller frapper ; les événements semblent avoir écrit sur toutes : Détresse. » Je continuerai de suivre la trame de l’existence qui nous intéresse, moyennant encore des passages de lettres écrites après 1848 : celles que je citerai dorénavant sont la plupart adressées par Mme Valmore à ses parents de Rouen. […] C’est le jour de Noël que cet événement imprévu a éclaté. […] « Mon cher enfant, Que je voudrais que ta raison fût assez mûre pour peser à leur juste valeur les horribles événements dont nous venons d’être témoins et te servir de règle pour l’avenir ! […] Sainte-Beuve, auquel ce journal avait emprunté la partie relative aux événements de Lyon.

274. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

Ces événements sortent trop de la classe commune : on les contemple comme ces phénomenes effrayants qui étonnent d’abord les regards, & qui les fatiguent le moment d’après. […] Voilà ce qui dut faire naître d’assez bonne heure l’idée de rapprocher, dans une narration suivie, un certain nombre d’événements & de situations propres à intéresser le Lecteur. […] On vit alors de simples Bergers prendre la place des Paladins, substituer au ton gigantesque le ton du sentiment, aux événements incroyables, des incidents naturels. […] Le premier s’avance & s’arrête où il veut : il est le maître des caracteres & des événements.

275. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » p. 399

Puisqu'il s'étoit proposé de donner, dans cet Abrégé, la substance de sa grande Histoire, il auroit dû avoir plus d'attention à n'y faire entrer que les événements principaux, en les réduisant à une juste étendue ; au lieu que, s'étant laissé aller à l'envie de ne rien omettre, les faits y sont accumulés, & ne forment qu'une énumération qui rend cet Abrégé assez semblable à une Table des Matieres.

276. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Sur le comte Dandolo. (Article Marmont, p. 51.) » p. 514

Napoléon, rencontrant son nom à l’occasion des événements qui amenèrent la chute de l’antique république de Venise, a dit de lui dans ses Mémoires (t. 

277. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

Sous le titre d’Odes, il a compris, nous dit-il, toute inspiration purement religieuse, toute étude purement antique, toute traduction d’un événement contemporain ou d’une impression personnelle ; et il a rejeté, sous le nom de Ballades, des esquisses d’un genre fantastique, des scènes de magie, des traditions superstitieuses et populaires. […] Il n’est aucune âme tant soit peu délicate et cultivée qui ne se sente émue à l’aspect de certaines scènes de la nature ou au spectacle de certains événements historiques.

278. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Je pourrais faire voir cette unité dans Othello ou dans Macbeth : j’aime mieux la rendre sensible dans une des pièces où l’on s’attendrait le moins à la trouver, dans un de ces drames que sa fantaisie découpait dans les vieilles chroniques, et où il ne semblait guère songer à mettre un autre ordre que l’ordre historique des événements : dans Richard III. […] Encadrées entre la malédiction de Marguerite et la vision du roi, toutes ces scènes, où se distribuent les événements de tout un règne, vivent d’une même vie et s’éclairent d’un même jour, sinistre et effrayant.

279. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVIII. Gentils conteurs » pp. 218-231

Mais les événements peuvent impressionner autrement un cerveau d’autre exception. […] Le fait est que le peuple, y compris la pourpre et le cordon bleu, a été désaccoutumé par force à se faire une opinion ; contrairement à la théorie de Taine, il est avéré que les événements maniés par quelques individus (appelés « grands hommes » dans le vocabulaire de la méthodologie historique) déterminent le plus souvent ses avis intellectuels comme ses mœurs.

280. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La révocation de l’Édit de Nantes »

Il se serait demandé encore si, dans la prévision des événements qui allaient suivre, il ne valait pas mieux se séparer de tout ce qui pouvait entretenir dans le pays les antiques et effroyables divisions intestines, que de l’y garder en affrontant les éventualités les plus funestes ; car, à cette époque de l’histoire, la religion pesait plus dans les décisions des hommes que cette idée de la patrie qui, deux siècles plus tard, l’a remplacée. Enfin, il aurait peut-être prouvé ce que nous disions tout à l’heure sur les formes diverses qu’a revêtues souvent en France une politique unitaire : c’est que, bon pour pacifier le pays, l’Édit de Nantes, qui avait rapproché deux partis sans les fondre, présentait des inconvénients et des dangers alors que, défatigués des événements qui avaient longtemps pesé sur eux, ils se retrouvaient avec leurs vieilles haines augmentées de prétentions nouvelles… Si, après un tel examen, l’écrivain qui l’aurait tenté eût condamné comme une faute radicale, une faute politique et à tout point de vue, la révocation de l’Édit de Nantes, personne, du moins parmi ceux qui ont le sentiment de la dignité de l’Histoire, ne l’eût accusé de superficialité ou de mauvaise foi.

281. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Valmiki »

Le Ramayâna n’a ni action, ni drame, ni individualité, ni génération d’événements, ni rien enfin de ce qui constitue, chez les peuples qui possèdent la notion de l’ordre et de la liberté, une épopée. […] » Cependant, tel que le voilà traduit, ce livre bizarre, c’est un événement, et non pas seulement pour l’Académie des inscriptions et belles-lettres ; car il atteste, ce que l’on commençait bien d’entrevoir, il est vrai, et ce qu’il faudra bien finir par proclamer tout haut, que les païens de toute espèce, battus par les doctrines chrétiennes, qui voulaient faire sortir de l’Inde une poésie et une philosophie pour les opposer à tout ce que le Christianisme a créé dans l’ordre du beau et du vrai parmi nous, n’ont trouvé, en somme, ni l’une ni l’autre.

282. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Catulle Mendès »

L’important, pour lui, l’art suprême, c’est l’impression et l’expression, — c’est la scène qui succède à la scène, — c’est le pathétique et le poignant des choses, des événements et des personnages. […] Trop compliqué d’événements, trop surchargé de personnages (et quels personnages !)

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