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35. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

En un mot, le génie est pour nous l’esprit humain dans son état le plus sain et le plus vigoureux. […] La preuve par analogie consiste à montrer que dans l’état de lièvre, de délire même, d’exaltation cérébrale, dans toutes sortes d’états nerveux irréguliers et morbides, et enfin à l’agonie, on voit très souvent l’intelligence se déployer d’une manière extraordinaire et inattendue : d’où l’on peut conclure que la maladie amène, dans le cours de son évolution, précisément cette sorte d’état organique d’où dépend le génie. […] La distraction est un fait parfaitement normal, qui ne suppose en aucune façon un état maladif du cerveau. […] Il n’y a donc rien de plus différent que ces deux états. […] Ce sont deux états très différents.

36. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre III : Théorie psychologique de la matière et de l’esprit. »

Nous ne pouvons ni le connaître, ni l’imaginer, sous une forme autre que la succession de divers états de conscience. Il n’en est pas moins vrai que notre notion, d’esprit, comme celle de matière, est la notion de quelque chose de permanent par opposition au flux perpétuel des états de conscience que nous y rapportons. […] à croire à une possibilité permanente de ces états. […] Vous réduisez le moi à une série d’états de conscience, mais il faut quelque chose qui lie entre eux ces états. […] De plus, il accorde au lien qui unit les états de conscience autant de réalité qu’aux états eux-mêmes.

37. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre deuxième. Rapports du plaisir et de la douleur à la représentation et à l’appétition »

Ainsi, en nous-mêmes, la représentation objective est dérivée ; dans l’état total dont nous avons conscience, nous extrayons certaines qualités pour nous les représenter, mais le plaisir et la douleur sont des états irréductibles aux fonctions purement intellectuelles. Ce sont des états ou plutôt des modes d’action et de réaction du sujet même, qui indiquent comment nous sommes et non comment les choses sont. […] Seuls, les états intellectuels qui les accompagnent, sensations, perceptions, jugements, raisonnements, leur communiquent une couleur distinctive et établissent entre eux des différences discernables. […] Néanmoins ils demeurent à l’état naissant, toujours près de reparaître et aussitôt disparaissant, comme une légère ondulation qui agite la surface des eaux calmes. […] Il y a un côté vrai dans la théorie pessimiste : c’est que la peine a, en général, une plus grande force que le plaisir pour mouvoir l’activité, pour lui faire changer de direction au lieu de la laisser à l’état rectiligne, pour lui donner même une direction déterminée au lieu de la laisser à l’état flottant.

38. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

Chez les mammifères, cet état est appelé état d’hibernation : la marmotte, le loir nous en fournissent des exemples. […] Cela arrive lorsqu’ils sont à l’état d’œuf. […] Ce premier état transitoire donne bientôt naissance à des états plus complexes. […] L’absence de nucléole, état énucléolaire de M.  […] Ainsi, par un perpétuel mouvement alternatif, la chlorophylle prendrait l’état vert et l’état incolore : décomposant l’eau et dégageant l’oxygène lorsqu’elle passe de l’état vert à l’état incolore, faisant la synthèse des produits carbonés en repassant de l’état incolore à l’état vert.

39. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — III »

Si l’on considère, pour le mieux concevoir, ce phénomène de réalisation par rapport au sujet, il apparaît que tout état de conscience où le sujet s’empare de l’objet, exige le recul d’un spectateur rapportant à lui un fait accompli déjà, par lequel il est nécessaire qu’il ait été devancé, par rapport auquel en conséquence il témoigne de l’existence d’un pouvoir d’arrêt et de ralentissement. […] L’état de conscience, qui suppose pour se constituer l’intervention de ce principe d’arrêt, persiste, se perfectionne et s’amplifie par l’exercice du même principe. […] La réalité objective consiste en un certain état de ralentissement du mouvement. […] Il apparaît suffisamment qu’il n’est pas de connaissance possible de l’indivisible et du continu que, d’autre part, une matière qui irait se divisant à l’infini, renient à tout moment ses états antérieurs, et répudiant toute détermination, serait de même insaisissable. Il faut donc conclure que la réalité consiste en un état d’équilibre entre deux forces, dont l’une tend à disjoindre et à diviser sans cesse le continu et l’homogène, dont l’autre s’oppose à ce travail de disjonction, s’efforce de maintenir assemblés, de soustraire à la possibilité d’une division nouvelle les états fragmentaires déterminés déjà par la force adverse parmi la trame du continu.

40. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 1, de la necessité d’être occupé pour fuir l’ennui, et de l’attrait que les mouvemens des passions ont pour les hommes » pp. 6-11

Il n’est personne qui n’ait éprouvé l’ennui de cet état où l’on n’a point la force de penser à rien, et la peine de cet autre état, où malgré soi l’on pense à trop de choses, sans pouvoir se fixer à son choix sur aucune chose. Peu de personnes mêmes sont assez heureuses pour n’éprouver que rarement un de ces deux états, et pour être ordinairement à elles-mêmes une bonne compagnie. […] Cette conversation avec soi-même met ceux qui la sçavent faire à l’abri de l’état de langueur et de misere dont nous venons de parler. […] Dès qu’ils ont connu l’inaction, sitôt qu’ils ont comparé ce qu’ils souffroient par l’embarras des affaires et par l’inquietude des passions avec l’ennui de l’indolence, ils viennent à regreter l’état tumultueux dont ils étoient si dégoutez. […] Veritablement l’agitation où les passions nous tiennent, même durant la solitude, est si vive, que tout autre état est un état de langueur auprès de cette agitation.

41. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Je constate d’abord que je passe d’état en état. […] Je dis bien que je change, mais le changement m’a l’air de résider dans le passage d’un état à l’état suivant : de chaque état, pris à part, j’aime à croire qu’il reste ce qu’il est pendant tout le temps qu’il se produit. […] A ce moment précis on trouve qu’on a changé d’état. […] Si l’état qui « reste le même » est plus varié qu’on ne le croit, inversement le passage d’un état a un autre ressemble plus qu’on ne se l’imagine à un même état qui se prolonge ; la transition est continue. […] L’état d’un corps vivant trouve-t-il son explication complète dans l’état immédiatement antérieur ?

42. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

L’attention est un état fixe ». […] Ribot conclut que l’attention, comme tous les états intellectuels, est quelque chose de surajouté, d’artificiel, etc. […] Le jugement vient de ce que les divers états de conscience persistent sous forme de souvenirs, d’images encore conscientes, et s’agrègent : éclair, tonnerre, peur, fuite, tous ces états de conscience subsistent pendant la fuite de l’animal, et il n’est besoin que de réflexion pour changer ce souvenir, cette association en jugement : le jugement sera une nouvelle association, une association avec la conscience d’un changement d’état et avec le souvenir d’états semblables à l’état présent. […] La croyance est la conscience réfléchie de l’état général où se trouve notre intelligence, avec toutes ses sensations et représentations actuelles ; elle est une répétition, un écho, qu’il ne dépend pas de nous d’empêcher ; elle est suivie immédiatement d’une réaction appétitive et motrice déterminée par l’état émotionnel que produit l’état intellectuel. […] Ce qu’on nomme l’observation interne ou la réflexion n’est le plus souvent que l’imagination se représentant et analysant des états de conscience possibles.

43. (1890) L’avenir de la science « Sommaire »

Possibilité de grands dévouements dans un état critique très avancé. […] Les lois de l’état primitif identiques à celles de l’état actuel. […] Les états exceptionnels, les extravagances, les fables fournissent plus à la science que les états réguliers. […] Comment la théologie se conserve encore en cet état. […] L’état habituel d’Athènes, c’était la terreur.

44. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre troisième. L’appétition »

« Ressentir à un faible degré les états de conscience impliqués dans les actes de prendre, de tuer et de dévorer, c’est avoir le penchant à prendre, à tuer et à dévorer. Le penchant à produire un acte n’est autre que l’excitation naissante des états psychiques impliqués dans cet acte. […] Il y a d’abord la peine du manque, qui tend à produire un changement d’état ; en second lieu, il y a l’idée qui tend à se réaliser elle-même, principalement par contiguïté. […] C’est pour cette raison que l’existence même de cette activité a pu être niée ; mais l’impossibilité de représenter sous la forme d’un état particulier ce qui est le fond commun de tous nos états, ne prouve nullement que l’activité n’existe point et même n’ait pas conscience de son existence. […] De même pour l’activité primitive qui le constitue ; le sujet est présent à lui-même, mais non représenté à lui-même ; il a conscience, mais il n’a pas conscience de soi comme d’un changement particulier, ni comme d’un état particulier, quoiqu’il n’acquière la conscience distincte et claire de soi que dans des changements et des états offrant eux-mêmes distinction et clarté.

45. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Si je pouvais rendre cet état permanent, que manquerait-il à mon bonheur ? […] Mais une heure de ce doux calme va être suivie de l’agitation ordinaire de ma vie ; je sens déjà que cet état de ravissement est loin de moi ; il n’est pas fait pour un mortel. […] La liberté ne serait-elle autre chose que la conscience de l’état de l’âme tel que nous désirons qu’il soitw, état qui dépend en réalité de la disposition du corps sur laquelle nous ne pouvons rien, en sorte que lorsque nous sommes comme nous voulons, nous imaginons que notre âme, par son activité, produit d’elle-même les affections auxquelles elle se complaît. […] J’ai cherché ce qui constitue mes moments heureux, et j’ai toujours éprouvé qu’ils tenaient à un certain état de mon être, absolument indépendant de mon vouloir… Moi-même qu’ai-je fait de bien lorsque je me trouve dans cet état de calme dont je désire la prolongation ? […] De là bien des mécomptes, bien des subtilités et des poursuites toujours nouvelles et toujours recommençantes, auxquelles il est secrètement intéressé et induit par son état tout personnel.

46. (1842) Discours sur l’esprit positif

L’adoration des astres caractérise le degré le plus élevé de cette première phase théologique, qui, au début, diffère à peine de l’état mental où s’arrêtent les animaux supérieurs. […] Quelque imparfaite que doive maintenant sembler une telle manière de philosopher, il importe beaucoup de rattacher indissolublement l’état présent de l’esprit humain à l’ensemble de ses états antérieurs, en reconnaissant convenablement qu’elle dût être longtemps aussi indispensable qu’inévitable. […] Telle est la participation spéciale de l’état métaphysique proprement dit à l’évolution fondamentale de notre intelligence, qui antipathique à tout changement brusque, peut ainsi s’élever presque insensiblement de l’état purement théologique à l’état franchement positif, quoique cette situation équivoque se rapproche, au fond, bien davantage du premier que du dernier. […] Cette longue succession de préambules nécessaires conduit enfin notre intelligence, graduellement émancipée, à son état définitif de positivité rationnelle, qui doit ici être caractérisé d’une manière plus spéciale que les deux états préliminaires. […] Pour chaque rapide initiation individuelle, comme pour la lente initiation collective, il restera toujours indispensable que l’esprit positif, développant son régime à mesure qu’il agrandit son domaine, s’élève peu à peu de l’état mathématique initial à l’état sociologique final, en parcourant successivement les quatre degrés intermédiaires, astronomique, physique, chimique et biologique.

47. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre III. Trois espèces de jurisprudences, d’autorités, de raisons ; corollaires relatifs à la politique et au droit des Romains » pp. 299-308

Cette jurisprudence est observée sous les gouvernements humains, c’est-à-dire, dans les états populaires, et surtout dans la monarchie. […] Cette autorité qui appartient aux pères dans l’état de famille, appartient aux sénats souverains dans les aristocraties héroïques. […] C’est ce qui explique le courage qu’ils déployaient en défendant l’état, et la prudence avec laquelle ils réglaient les affaires publiques. […] Il en est tout au contraire dans les temps humains, où les états sont démocratiques ou monarchiques. […] Elles restaient d’autant plus facilement cachées dans l’état de famille, qu’elles se conservaient dans un langage muet, et ne s’expliquaient que par des cérémonies saintes, qui restèrent ensuite dans les acta legitima.

48. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

C’est toujours dans l’état sain que doit être cherchée l’explication du symptôme pathologique, car tout phénomène morbide a sa racine dans un trouble de l’état physiologique. […] Si à cette deuxième épreuve il n’y a pas de réduction, on en conclura qu’il n’y avait pas de principe sucré, ni à l’état de sucre de deuxième espèce, ni à l’état de sucre de la première espèce. […] Il était impossible, dans cet état, de le soumettre à l’appareil de polarisation. […] Maintenant en quoi différera l’état diabétique de l’état normal ? […] J’ai retrouvé ce sucre en partie à cet état dans le sang de la veine porte.

49. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Il étudie des états de conscience qui sont des faits. […] Supprimez-le, il n’y a plus d’états de conscience. […] Les états de conscience inconscients qu’admet M.  […] Enlevons par la pensée ces états de conscience. […] La loi alors est à l’état d’hypothèse.

50. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre I. De la sélection des images, pour la représentation. Le rôle du corps »

Ce troisième argument se tire de ce qu’on passe, par degrés insensibles, de l’état représentatif, qui occupe de l’espace à l’état affectif qui paraît inétendu. […] Notre entendement, cédant à son illusion habituelle, pose ce dilemme qu’une chose est étendue ou ne l’est pas ; et comme l’état affectif participe vaguement de l’étendue, est imparfaitement localisé, il en conclut que cet état est absolument inextensif, Mais alors les degrés successifs de l’extension, et l’étendue elle-même, vont s’expliquer par je ne sais quelle propriété acquise des états inextensifs ; l’histoire de la perception va devenir celle d’états internes et inextensifs s’étendant et se projetant au dehors. […] Elle demeure à l’état d’entité mystérieuse. […] Notre perception, à l’état pur, ferait donc véritablement partie des choses. […] On veut que ces états mixtes, tous composés, à doses inégales, de perception pure et de souvenir pur, soient des états simples.

51. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

Nous avons conscience de nos états, nous nous en souvenons, nous en prévoyons plusieurs. […] Et cependant l’action des centres sensitifs est celle que provoqueraient en eux, à l’état normal, des rayons gris et jaunâtres, tels qu’en lancerait une véritable tête de mort. […] La maladie dégage l’événement interne et le montre tel qu’il est, à l’état de simulacre coloré, intense, précis et situé. […] Il suit de là que, dans toutes ces opérations, une hallucination se trouve incluse, au moins à l’état naissant. […] Nous n’avons qu’à regarder les maladies mentales pour voir le germe se développer et prendre la croissance qui, dans l’état normal, lui est interdite.

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