Un chasseur arriva, apportant le gibier qu’il avait tué dans la journée ; de sa carnassière qu’il vida sur la table s’échappèrent des lièvres, des pluviers, des halbrans, dont un plomb cruel avait ensanglanté la fourrure ou le plumage. […] Encore un printemps, — encore une goutte de rosée qui se bercera un moment dans mon calice amer, et qui s’en échappera comme une larme.
Les pointes qui lui échappent ne changent pas le caractère de son œuvre : il a un naturel mou, qui parfois étale des grâces nonchalantes, souvent, il faut le dire, se dilue en prolixité plate. […] La centralisation littéraire n’est pas faite : la littérature échappe encore au joug du monde et de la cour.
Quand on croit la tenir, elle vous échappe ; elle se livre quand on sait l’attendre. […] L’ironie lui échappait ; il ne la comprenait pas en philosophie ; elle lui déplaisait en politique.
Elle n’échappe pas aux causes d’erreur que nous venons de signaler ; elle est également variable et contradictoire. […] Je voudrais surtout que sous le voile de la fable il laissât entrevoir aux yeux exercés quelque vérité fine qui échappe au vulgaire. » Qu’est-ce à dire, sinon que les ordres inférieurs de beauté sont la base et par suite la condition d’existence des ordres supérieurs ; que la beauté morale et la beauté idéale sont le couronnement d’un édifice qui peut se passer d’elles, mais dont elles ne peuvent point se passer ?
Leclercq, cette finesse si fréquente a le mérite d’être rapide, légère, naturelle ; elle échappe et sort à ses personnages comme une naïveté. […] quand je considère où nous en sommes venus à vingt-cinq ans de distance, quand je repense à cette vigueur de l’attaque et à cette confiance excessive avec laquelle on remettait alors à la bourgeoisie éclairée un rôle qu’elle n’a pas su tenir, la plume m’échappe des mains, et j’ai trois fois rejeté le livre au moment d’extraire ce que j’en voulais d’abord citer.
On était au dessert, il n’y avait pas un instant à perdre, et les deux cent cinquante convives allaient échapper. […] C’est sur cette vigne que compte le poète pour empêcher ses amis de lui échapper, pour les lui rattacher avec son fruit savoureux.
Et Retz, dans cette comparaison, a le désavantage d’avoir survécu, d’avoir assisté à l’entier avortement de ses espérances, de s’y être en partie démoralisé, rabaissé et dégradé, comme il peut arriver aux plus fortes natures à qui le but échappe. […] Bazin nous mène à ne voir en lui que le plus spirituel, le plus personnel et le plus fanfaron des intrigants, M. de Sainte-Aulaire cherche à la conduite de Retz, et à travers toutes les infractions de détail, une ligne qui ne soit pas celle uniquement d’une ambition frivole et factieuse : Bien qu’en écrivant son livre, dit M. de Sainte-Aulaire, il n’ait pas échappé aux influences que je viens de signaler (les influences régnantes et les changements introduits dans l’opinion depuis l’établissement de Louis XIV), on y trouve cependant la preuve qu’il avait tout vu, tout compris ; qu’il mesurait les dangers auxquels le despotisme allait exposer la monarchie, et qu’il cherchait à les prévenir.
Courier. » Ce premier mot échappé sans dessein en amena d’autres, et la justice obtint de cette fille une révélation entière. […] Les traits de raillerie échappaient d’eux-mêmes de ses lèvres comme par un ressort irrésistible, mais il n’était content que quand il les avait polis à loisir et serrés les uns contre les autres en faisceau.
Mais, dans le même temps où il travaillait à ce petit mémoire sur des objets d’histoire naturelle, il laissait échapper un autre ouvrage pour lequel il n’avait pas eu besoin de microscope, et où son coup d’œil propre l’avait naturellement servi. […] Au milieu des hardiesses et des irrévérences des Lettres persanes, un esprit de prudence se laisse entrevoir par la plume d’Usbek ; en agitant si bien les questions et en les perçant quelquefois à jour, Usbek (et c’est une contradiction peut-être à laquelle n’a pas échappé Montesquieu) veut continuer de rester fidèle aux lois de son pays, de sa religion : « Il est vrai, dit-il, que, par une bizarrerie qui vient plutôt de la nature que de l’esprit des hommes, il est quelquefois nécessaire de changer certaines lois : mais le cas est rare ; et, lorsqu’il arrive, il n’y faut toucher que d’une main tremblante. » Rica lui-même, l’homme badin et léger, remarquant que dans les tribunaux de justice, pour rendre la sentence, on prend les voix à la majeure (à la majorité), ajoute par manière d’épigramme : « Mais on dit qu’on a reconnu par expérience qu’il vaudrait mieux les recueillir à la mineure : et cela est assez naturel, car il y a très peu d’esprits justes, et tout le monde convient qu’il y en a une infinité de faux. » C’est assez pour montrer que cet esprit qui a dicté les Lettres persanes ne poussera jamais les choses à l’extrémité du côté des réformes et des révolutions populaires.
» Cette méthode un peu scotique et sophistique, à laquelle Socrate lui-même ne me paraît pas avoir entièrement échappé, fut un des travers de jeunesse de Franklin ; il s’en guérit peu à peu, se bornant à garder volontiers dans l’expression de sa pensée la forme dubitative et à éviter l’apparence dogmatique. […] Et cette méthode, que je n’adoptai pas d’abord sans faire quelque violence à mon inclination naturelle, me devint à la longue aisée et si habituelle que, peut-être, depuis ces cinquante dernières années, personne n’a jamais entendu une expression dogmatique échapper de ma bouche.
Un de ses frères, qui était pourvu de l’évêché de Luçon, s’étant fait chartreux, Richelieu dut prendre la soutane pour ne pas laisser échapper cet évêché qui était dans sa famille. […] À quel point Montesquieu n’était-il pas imbu de l’ancien esprit parlementaire ou de l’idée philosophique moderne, le jour où il lui échappa une telle parole !
Grimm, vivant dans le monde, échappa à cette difficulté moyennant le secret de sa Correspondance ; mais, si la publicité est un écueil presque insurmontable pour la critique franche des contemporains, le secret est un piège qui tente à bien des témérités et à bien des médisances. […] Ne demandons pas plus que cet aveu échappé à l’un des hommes qui se piquaient le plus d’être sans préjugés : cette seule plainte mal étouffée est un hommage au devoir.
Pour exprimer que Colbert, dès sa jeunesse, s’occupait des choses publiques et qu’il échappait aux passions personnelles, M. […] Ce sont des pensées-anecdotes, si je puis dire ; on sent qu’il y a là-dessous un ou plusieurs noms propres, qu’il a sous-entendus ; par exemple : On pourrait se former une idée du principal caractère d’un homme en remarquant seulement les mots parasites qui lui échappent habituellement.
Et si ces philosophes privilégiés me paraissent échapper à mes critiques, ne serait-ce point parce que je ne veux pas leur en faire et que je les dispense du sévère examen que j’inflige aux autres ? […] On ne peut échapper à cette vérité évidente, que « tout système est étroit et erroné », ni à cette autre non moins évidente, « que la raison ne peut comprendre le tout des choses sans être elle-même ce tout. » Et cependant que deviendrait la philosophie, s’il n’y avait plus de système ?
Toujours Ève sortant du flanc d’un homme, la femme, cette réceptivité, comme ils disent en allemand, la femme n’est jamais que la réverbération de quelque chose, l’écho et le reflet de quelqu’un, et l’auteur des Horizons prochains n’a pas échappé à cette destinée. […] Ainsi, dans sa nouvelle intitulée l’Hégélien, la protestante s’échappe dans l’exhibition de la Bible qu’elle donne à ce beau capitaine, — rouge d’idées comme de barbe, — qui n’a plus que la religion de M.
C’est ainsi qu’il fut toujours cloué au discours, quand il voulut s’échapper au livre. […] Ils en versèrent même dans la Révolution, où ce qu’il y eut encore de mieux dans le mal furent des prêtres… On y vit Talleyrand, Sieyès, Foucher et beaucoup d’autres, plus avancés dans l’Église que l’abbé Rivarol, et qui s’en échappèrent avec scandale quand lui n’y était pas entré.
Il en est d’autres, généralement inaperçues ou dont la signification échappe, qui sont mille fois plus complexes et plus vitales, composant dans leur ensemble ce que nous pouvons appeler la sociabilité de l’hyper-organisme nation. […] Si, d’autre part, il envisage l’ensemble des nationalités, seules les divergences d’individus de nations différentes lui apparaîtront, tandis que les ressemblances entre les mêmes individus lui échapperont.