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1070. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Qu’on lise le Journal d’une dame moderne, l’Ameublement de l’esprit d’une dame, et tant d’autres pièces : ce sont des dialogues transcrits ou des jugements notés au sortir d’un salon. […] Quant à notre cité de Dublin, on pourra y disposer des abattoirs dans les endroits les plus convenables ; pour les bouchers, nous pouvons être certains qu’il n’en manquera pas ; cependant je recommanderai plutôt d’acheter les enfants vivants, et d’en dresser la viande toute chaude au sortir du couteau, comme nous faisons pour les cochons à rôtir. […] Ce sont là ses misères et ses forces ; on sort d’un tel spectacle le cœur serré, mais rempli d’admiration, et l’on se dit qu’un palais est beau, même lorsqu’il brûle ; des artistes ajouteront : « Surtout lorsqu’il brûle. » 945. […] I never yet knew a tolerable woman to be fond of her sex… your sex employ more thought, memory and application to be fools than would serve to make them wise and useful… When I reflect on this, I cannot conceive you to be human creatures, but a sort of species hardly a degree above a monkey ; who has more diverting tricks than any of you, is an animal less mischievous and expensive, might in time be a tolerable critick in velvet and brocade, and, for aught I know, would equally become them. […] They had no tails, nor any hair at all on their buttocks, except about the anus… They climbed high trees as nimbly as a squirrel, for they had strong extended claws before and behind, terminated in sharp points and hooked… The females had long lank hair on their head but none on their faces, nor any thing more than a sort of down on the rest of their bodies, except about the anus and pudenda.

1071. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 459

Nous nous garderions bien de donner une pareille preuve en faveur de certains Ouvrages de notre siecle, qui, sans être bons, ont eu le même sort ; mais du temps du Pere Caussin, les Auteurs n’avoient pas l’adresse d’envoyer leurs Productions aux Princes étrangers : l’utilité seule en faisoit la vogue.

1072. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 219

Dulard, qui aura bientôt le même sort.

1073. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 376

Les Ouvrages sortis de sa plume n’ont fait aucune fortune dans le Public ; mais les différens Recueils qu’il a formés des Poésies de nos meilleurs Auteurs, ont été accueillis.

1074. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXI » pp. 129-130

Quand l’auteur reparaîtra dans un an ou dix-huit mois avec un nouveau drame en main, il sortira comme Épiménide de son antre, on lui demandera peut-être qui il est, ce qu’il veut : il aura tout à refaire, — surtout la curiosité si vive, si mobile, si passagère et inconstante, qui se porte toujours ailleurs, et, à tous ces titres, plus française de nos jours qu’elle ne fut jamais.

1075. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 271

Voilà pourtant tout ce qui est sorti de la plume de M.

1076. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 375

Tel est le sort de cette sorte de Prophetes ; on conserve le souvenir de quelques faits qui se sont trouvés d’accord avec leurs prédictions, & on en oublie mille où ils se sont trompés.

1077. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Travailleurs de la mer » (1866) »

La mystérieuse difficulté de la vie sort de toutes les trois.

1078. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Hypatie eût été un païen au lieu d’être une païenne, que son sort eût été le même. […] En général, on se plaît à rappeler, à cette occasion, l’instabilité des choses de ce monde et les caprices étonnants du sort. […] Pasdeloup, vous y entendrez la plus belle musique du monde, admirablement exécutée ; vous en sortirez charmé ; enivré, consolé. […] ces bons Parisiens que j’avais crus indifférents à son sort l’ont vu sortir, acquitté, de la prison de Douai avec presque autant de satisfaction qu’ils l’avaient vu entrer, innocent, à Mazas. […] Mirès est sorti de prison non seulement avec un acquittement, mais encore avec un crédit renouvelé.

1079. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Dieu ou le sort, ou plutôt ni Dieu ni le sort (que diable ont-ils à faire dans notre correspondance ?) […] Nous ne croyons pas nous tromper ni même deviner trop au hasard, en affirmant que, sur un fonds d’indulgence et sous un air d’enjouement, des accents douloureux en sortiraient. […] Effectivement c’est bien dommage que le sort nous ait si entièrement, et pour jamais séparés. […] Il dit qu’il pense à la retraite : il soupire après la douce solitude de l’Allemagne… Je sors de chez lui. […] Une jeune enfant, qui se trouvait présente à certaines de ses visites, disait quelquefois lorsqu’il sortait : « Oh !

1080. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Je ne sors pas du milieu, du pays même de mon action, comme vous voyez. […] Je ne regrette plus d’avoir fait ces articles, puisque je vous ai amené à sortir ainsi toutes vos raisons. […] Lebrun (de l’Académie), un homme juste, me disait l’autre jour à propos de vous : « Après tout, il sort de là un plus gros monsieur qu’auparavant. » Ce sera l’impression générale et définitive… » (Voir page 428. — Article sur le Père Lacordaire.) […] Ces talents étaient éclos et inspirés d’eux-mêmes et sortaient bien en droite ligne du mouvement français inauguré par Chateaubriand.

1081. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

L’auteur et l’homme chez Chateaubriand étaient deux ; Sismondi s’en aperçoit avec une surprise qui, dans son expression, ne laisse pas d’être naïve : « 14 mars 1813 (au sortir d’une conversation)… Chateaubriand considère l’Islamisme comme une branche de la religion chrétienne, dans laquelle cette secte est née, et en effet il a raison. […] Quand ces grands acteurs sortent de dessus la scène et qu’ils posent leurs habits de théâtre, il me semble que toute la passion cesse à leur égard. […] Il expose nettement, sans prétendre tout justifier, comment est sorti le cri de guerre de la philosophie du XVIIIe siècle contre ce qui était réellement haïssable sous la forme tout oppressive où on l’avait devant soi et au-dessus de soi. […] Il faisait passer le sort des populations bien avant le triomphe des idées.

1082. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

La prononciation, le sort de certains mots semblaient être encore, selon l’expression des Grecs, sur le tranchant du rasoir : il dépendait d’un rien qu’on allât à droite ou à gauche. […] Alors tous les mauvais mots demandaient à sortir : aujourd’hui tous les mots plébéiens, pratiques, techniques, aventuriers même, crient à tue-tête et font violence pour entrer. […] Je vois des substantifs techniques et tout armés qui se lèvent de toutes parts, d’audacieux et splendides, adjectifs qui nous crèvent les yeux, de gros, de très-gros adverbes (l’adverbe énormément, entre autres, dans le sens usuel de beaucoup), nombre de verbes dont on n’a pas voulu jusqu’ici enregistrer la naissance : — activer ; — préciser que s’interdisait Biot, ce physicien bien dégoûté ; — baser, qui faisait dire à Royer-Collard : Je sors s’il entre ; — impressionner ; dérailler au figuré, pour dévier, comme l’employait l’autre jour dans un fort bon article tout classique M.  […] Si l’on récite devant vous, par exemple, le Sommeil de Booz, de Victor Hugo, quelle est la parole qui sort la première de votre bouche pour exprimer votre impression ?

1083. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Sorti de l’Université, M. de Latour était par nature encore plus poète que professeur. […] » Enfin dans une autre lettre du 23 décembre 1837 : « Je sors encore une fois de mes brouillards pour essayer de vous atteindre. […] « … Mon sort a été d’une rigueur ces derniers temps à ne pas me laisser reprendre haleine. […] J’en ai quelquefois pleuré par les mille souvenirs qu’ils réveillent… » Elle forme le vœu modeste qui pour elle ne se réalisera jamais : « Je suis effrayée de l’obligation de sortir demain samedi vers une heure, malade ou non. — Si vous alliez venir !

1084. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

L’ancienne Académie française, née sous Richelieu, a péri bel et bien avec le trône de Louis XVI : institution essentiellement monarchique, elle a suivi le sort de la royauté au 10 août. […] La théorie qui y préside et qui n’est autre que celle de l’école du goût, de l’école d’Horace, de Despréaux et de Voltaire, s’appliquait avec une exacte convenance à des ouvrages qui ne sortaient point des cadres connus. […] Vous, public, vous croyez peut-être sur la foi des journaux que tels et tels académiciens sont en guerre, à couteaux tirés, et vous êtes tout étonné, si vous passez par hasard dans la cour de l’Institut, un jeudi à quatre heures et demie, de voir ces mêmes hommes sortir ensemble, presque bras dessus dessous, et causer familièrement, amicalement. […] Au moment du vote, les zélés ne permettaient pas aux tièdes de sortir sans avoir auparavant déposé leur scrutin dans l’urne.

1085. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

La forte séve qui, plus haut, s’en va mûrir et se transformer merveilleusement sous un soleil dont les rayons ne viennent pas également à chacun, on la voit sortir et monter de cette terre qui est notre commune mère à tous. […] Si l’on essaye d’énumérer la quantité d’hommes honnêtes, recommandables par le talent, l’étude et des vertus de citoyen, que 89 avait fait sortir du niveau, qui avaient traversé avec honneur et courage les temps les plus difficiles, que la Terreur même n’avait pas brisés, que le Directoire avait trouvés intègres, modérés et prêts à tous les bons emplois ; si l’on examine la plupart de ces hommes tombant bientôt un à un, et capitulant, après plus ou moins de résistance, devant le despote, acceptant de lui des titres ridicules auxquels ils finissent par croire, et des dotations de toutes sortes qui n’étaient qu’une corruption fastueusement déguisée, on comprendra le côté que j’indique, et qui n’est que trop incontestable. […] Ainsi Mirabeau sortira plus homme, et non moins grand homme à notre gré, de l’épreuve de cette nouvelle lecture. […] Il ne se maria qu’après cet accident, à quarante ans passés, et c’est d’un homme si mutilé que sortit encore cette génération de fer, le marquis et le bailli.

1086. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

La Révolution française a changé plus d’une fois d’aspect pour ceux qui se disent ses fils et qui sont sortis d’elle. […] Maintenons commerce avec ces personnages, demandons-leur des pensées qui élèvent, admirons-les pour ce qu’ils ont été d’héroïque et de désintéressé, comme ces grands caractères de Plutarque, qu’on étudie et qu’on admire encore en eux mêmes, indépendamment du succès des causes auxquelles ils ont pris part, et du sort des cités dont ils ont été l’honneur. […] Dégoûtée vite de Lyon, et désespérant de rien voir sortir d’intérêts contraires aussi aveugles à se combattre et aussi passionnés, elle n’apporta que plus d’irritation dans la querelle générale qu’elle n’avait pas suivie de près et dont la complication, même de près et durant la première phase d’enthousiasme, lui eût peut-être également échappé. […] Elle se porte du premier pas à l’avant-garde, elle le sait et le dit : « En nous faisant naître à l’époque de la liberté naissante, le sort nous a placés comme les enfants perdus de l’armée qui doit combattre pour elle et triompher ; c’est à nous de bien faire notre tâche et de préparer ainsi le bonheur des générations suivantes. » Tant qu’elle demeure dans cette vue philosophique générale de la situation, son attitude magnanime répond au vrai ; le temps n’a fait que consacrer ses paroles.

1087. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Il s’y ennuyait et aspirait à en sortir à tout prix, quand le meurtre du duc d’Enghien vint soulever le monde et qu’il donna sa démission, très honorable, pour ne pas être à jamais impliqué dans une machine gouvernementale qui égalait du premier coup la Terreur. […] On oublie que des siècles ont remué ces lieux et ces peuples, et qu’il peut en sortir des peuples nouveaux à force de vieillesse, mais jamais d’anciens peuples. […] L’âme totalement dégagée de l’esprit de parti, et se remettant entièrement à la Providence du sort de sa cause, il se contentait de rester fidèle pour lui-même, et ne s’inquiétait plus des fidélités ou des infidélités des autres. […] XXII J’ai écrit une Médée dans ma première jeunesse ; elle est encore enfouie dans les caisses de mon grenier, où les voyageurs de la vie enferment leurs hardes usées qui n’en sortiront jamais que pour faire du vieux papier pour des hommes nouveaux.

1088. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Tel fut le sort de ce roman d’Eudore et de Cymodocée, épitaphe des prétentions du génie humain à ressusciter le poëme épique dans un siècle où il n’y avait plus de foi que dans le raisonnement des âmes pieuses et dans l’avenir des idées fortes. […] tel fut ton sort, telle est ma destinée. […] Nous l’avons éprouvé en 1848, par nécessité temporaire d’une révolution où toutes les lois anciennes étaient abolies ; mais une émeute violente en sortait exactement tous les quinze jours, et la sagesse du peuple tenait lieu de loi pour réprimer la démence du peuple. […] Chateaubriand paraît avec eux comme un météore ; il ne sort d’aucune école, il est lui.

1089. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

C’est le sort de la philologie comme de toutes les sciences, d’être inévitablement enchaînée à la marche des choses et de ne pouvoir avancer d’un jour par des efforts voulus le progrès qui doit s’accomplir. […] Si quelques Alexandrins, comme Porphyre et Longin, réunissent la philologie et la philosophie, ces deux mondes chez eux se touchent à peine ; la philosophie ne sort pas de la philologie, la philologie n’est pas philosophie. […] Dans les sciences morales, au contraire, il n’est jamais permis de se confier ainsi aux formules, de les combiner indéfiniment, comme faisait la vieille théologie, en étant sûr que le résultat qui en sortira sera rigoureusement vrai. […] Jamais les anciens ne sont bien nettement sortis du point de vue étroit où l’esthétique est censée donner des règles à la production littéraire ; comme si toute œuvre devait être appréciée par sa conformité avec un type donné, et non par la quantité de beauté positive qu’elle présente.

1090. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

Souvent même l’Imprécation, s’identifiant avec l’Érynnys, sortait vivante des lèvres de celui qui la prononçait, comme ces démons qu’on voit, dans nos tableaux primitifs, jaillir, grilles ouvertes et ailes déployées, de la bouche des possédés. […] L’homme a laissé les Sept tirant au sort les portes où chacun d’eux conduira sa troupe : — « Choisis donc les meilleurs guerriers, dit-il au jeune roi, et place les promptement aux avenues de la ville. » C’est alors que le Chœur des femmes entonne sa longue plainte par des litanies de dieux protecteurs appelés à l’aide : Arès d’abord, patron de la guerre : — « Antique enfant de cette terre, regarde cette ville que tu as tant aimée autrefois. » — Puis Zeus « Père » universel ». […] Un ciel constellé remplit l’orbe de ce bouclier, et la pleine lune, « Œil de la nuit », s’arrondit au centre de son champ d’étoiles. — La porte d’Électre est échue par le sort à Capanée, géant de taille et d’orgueil. […] vous qui avez renversé la demeure paternelle, le fer vous a conciliés… C’est un cruel pacificateur, cet étranger d’outre-mer, le Fer sorti de la fournaise ; c’est un amer partageur de biens ! 

1091. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

Il ne s’intitula M. de Chamfort qu’au sortir du collège et pour se présenter dans le monde d’un air plus décent74. […] Je ne sais quelle escapade le fit sortir du collège des Grassins avant qu’il eût terminé sa philosophie. […] C’est un petit ballon dont une piqûre d’épingle fait sortir un vent violent. » Tous les témoignages s’accordent dans la ressemblance. […] Chamfort, au reste, pensait de même : « J’ai, disait-il, du Tacite dans la tête et du Tibulle dans le cœur. » Ni le Tibulle ni le Tacite n’ont pu en sortir pour la postérité.

1092. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1877 » pp. 308-348

Il dit qu’il n’a jamais été malade, qu’il n’a jamais eu rien, qu’il n’a jamais souffert de quoi que ce soit, sauf un anthrax, un charbon dans le dos, qui l’a empêché de sortir dix-sept jours. […] Elle avait la tête renversée en arrière, avec un regard flottant entre ses paupières entrouvertes, et de la bouche de la jolie fillette sortaient toutes les impuretés, toutes les obscénités, toutes les salauderies imaginables, ainsi que le flot de purin d’un fumier — cela, pendant que pleurait auprès d’elle une vieille tante, en se cachant la figure dans ses mains. […] Et voilà l’affreux même, que sa grand’mère nous dit déjà boire de l’eau-de-vie comme un homme, qui, toussaillant et pleurant, fume, pendant que sa chemise breneuse sort par sa culotte fendue. […] Il est engraissé, épaissi, et du gros garçon sortent des esthétiques supérieures, des théories nébuleuses, qui le font ressembler à un toucheur de bœufs, attaqué de mysticisme… Il vient de modeler une bouteille, haute comme une chambre, une bouteille, dont s’échappent, dans une mousse pétillante, les hallucinations matérialisées de l’ivresse, enfin une dive bouteille grand format, et dont un bronzier lui demande pour la fonte, 50 000 francs.

1093. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Nous avons hâte de sortir de ce bain d’eau de senteur dans lequel il nage. Sortons-en et essuyons-nous. […] Cousin sortirait enfin pour jamais ! Mais en sort-il réellement ?

1094. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Comme Proudhon, qu’il admire, il veut la Justice, un idéal de justice sorti des tendres entrailles de la Révolution, mais, plus comiquement que Proudhon, il veut surtout « l’idée dans son globe de cristal », et ceci est peut-être plus difficile à admettre. […] L’esprit humain peut s’agiter tant qu’il voudra, et battre du pied et s’ébrouer comme un cheval encastré dans l’entrepont d’un vaisseau, il ne peut pas plus sortir du Christianisme que, de l’entrepont du vaisseau qui remporte, la bête hennissante ! […] La nature des choses, maintenant, c’est l’impossibilité de sortir du Christianisme, même quand le petit homme (homunculus) que nous avons tous en nous, et qui s’y révolte lilliputiennement, n’y croit pas ! […] Parmi les sensations sérieuses que nous fait éprouver ce volume sorti de la tombe de Michelet, la meilleure, pour nous, est la sensation de l’ennemi qui s’enfile lui-même sur le glaive de la Vérité.

1095. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Grâce à lui, ils ont la ressource des beaux coups d’épée, des mots braves, de certaines façons cavalières de sortir d’une difficulté, qui plaisent infiniment à tant de bonnes gens emprisonnés et emmurés dans la perpétuelle incertitude. […] Les héros de roman, pour la plupart, sont beaucoup plus anciens, dans ces réserves de l’esprit, que l’intrigue qui les a groupés, et leur vie littéraire a été précédée d’une période plus ou moins longue de disponibilité, d’où ils sortent tout à coup, appelés et désignés par cette force qui s’appelle l’idée, et qui n’hésite pas, et qui va droit à eux, et leur dit : « C’est toi que je veux, tu vas vivre !  […] Après quelque temps, la connaissance de l’atelier, le souvenir de conversations nombreuses, et de nombreuses lettres, me firent apercevoir jusqu’à l’évidence, parmi d’autres choses, l’obstacle au mariage, que les jeunes filles de la mode rencontrent dans leur profession même ; comment celle-ci les affine et les déclasse ; comment elles sont d’un monde par leur naissance et d’un autre par leurs rêves, partagées entre le luxe du dehors et la misère de chez elles, jetées de l’un à l’autre par le travail qui reprend ou le travail qui cesse, également impuissantes à oublier la richesse qu’elles côtoient et à faire oublier la condition d’où elles sortent. […] La rencontre d’un ami peut achever un rôle incomplet ; une fin de chapitre sortir d’une course en fiacre ; l’audition d’un concert jeter dans une rêverie qui dictera, en la chantant, toute la poésie d’un livre.

1096. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

Ces événements sortent trop de la classe commune : on les contemple comme ces phénomenes effrayants qui étonnent d’abord les regards, & qui les fatiguent le moment d’après. […] C’est le sort de tout ce qui n’est que Vaudeville. […] La Fontaine eut long-temps le même sort. […] J’ai vu qu’il pouvoit résulter de cette position des tableaux intéressants, même pour ceux que le sort a placés dans une sphere plus élevée.

1097. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Coran, Charles (1814-1901) »

Sainte-Beuve C’est un poète délicat ; aussi a-t-il eu contre lui le sort.

1098. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 197-198

Tout ce qui est sorti de sa plume, porte la marque d’un esprit réfléchi, & du bon goût.

1099. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 200

Les Histoires pieuses, les Hymnes, les Cantiques qu’il fit pour elles, sont aujourd’hui dans l’oubli, & ne méritent pas d’en sortir.

1100. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Pourquoi ne les a-t-on pas fait sortir sur-le-champ de la ville espagnole, dont l’entrée est interdite à tout Américain ? […] Dans les premiers actes, il n’est question que du sort de l’orphelin ; dans les derniers, il s’agit de savoir si l’usurpateur enlèvera la femme du mandarin. […] Le monde se dépeuplerait si un affront suffisait aux hommes pour sortir de la vie. […] On fit de vains efforts pour le calmer : c’était dans ce moment un vrai tigre ; il sortit plein de rage, et courut s’enfermer dans son appartement. […] La nature et le bon sens leur disaient qu’un héros est plus ridicule qu’intéressant, lorsqu’il fait dépendre son sort du caprice d’une femme.

1101. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre II. Le Rire » pp. 28-42

Un éclat de rire universel sort des voitures qui suivaient la sienne ; le Suisse sur sa porte se tient les côtés, la foule des laquais rit aux larmes et fait cercle autour du malheureux. […] Le rire fou que nous cueillons sur le Falstaff de Shakspeare lorsque dans son récit au prince Henri (qui fut depuis le fameux roi Henri V), il s’enfile dans le conte des vingt coquins sortis des quatre coquins en habit de Bougran, ce rire n’est délicieux que parce que Falstaff est un homme d’infiniment d’esprit et fort gai.

1102. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre III. Du récit des faits. — Antécédents et conséquents. — Causes et effets »

On croit être bref quand on dit : « J’arrivai à la maison ; j’appelai le portier ; il me répondit ; je demandai après son maître ; il me dit qu’il était sorti. […] Il était midi, et le roi sortait déjà forêt pour entrer dans une plaine de sable où le soleil frappait d’aplomb.

1103. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

De cette constitution immuable de notre nature sort la nécessité qui s’impose à l’artiste et à l’écrivain de découper dans le monde immense et divers des formes et des pensées un fragment de médiocre dimension, formant un tout homogène, capable d’être supposé indépendant et isolé du reste, présentant un rapport des parties facilement intelligible à l’esprit, et fournissant une diversité d’impressions facilement réductibles en une émotion dominante. […] Toutes ces idées se succèdent sans se tenir, elles ne s’amènent pas, ne s’engendrent pas, ne sortent pas les unes des autres.

1104. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Coppée, François (1842-1908) »

Paul Stapfer D’une manière générale, son progrès a été de sortir et se dégager du faux pour entrer et pénétrer plus avant dans « ce que le vulgaire appelle des riens », creuser ces riens jusqu’au fond et en extraire la perle de poésie. […] Le médecin l’a dit : il faut que vous sortiez !

1105. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XX. Opposition contre Jésus. »

Aussi vous dis-je qu’au jour du jugement, Tyr et Sidon auront un sort plus supportable que le vôtre. […] Sans doute, ces mesures conservatrices avaient eu leur côté utile ; il est bon que le peuple juif ait aimé sa Loi jusqu’à la folie, puisque c’est cet amour frénétique qui, en sauvant le mosaïsme sons Antiochus Épiphane et sous Hérode, a gardé le levain d’où devait sortir le christianisme.

1106. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

L’appréhension de lui déplaire était la seule chose que craignait l’armée romaine ; jamais les soldats ne méprisèrent autant l’ennemi et ne redoutèrent si fort leurs chefs ; jamais ne furent tous ensemble si ders et si dociles, ne se débordèrent avec tant d’impétuosité à la campagne, et ne reprirent leur place dans le camp avec moins d’apparence d’en être sortis. […] L’auteur annonce, au début, qui y reprend ce qui a déjà été dit entre eux, pour en faire un tout avec ce qu’il va ajouter, « La gloire et les triomphes de Rome, lui dit, l’auteur, ne suffisent pas à votre curiosité ; elle me demande quelque chose de plus particulier et de moins connu ; après voir vu les Romains en cérémonie, vous les voudriez voir en conversation et dans la vie commune… Je croyais, en être quitte pour vous avoir choisi des livres et marqué les endroits qui pouvaient satisfaire votre curiosité ; mais vous prétendez que j’ajoute aux livres… La volupté qui monte plus haut que les sens, cette volupté toute chaste et tout innocente, qui agit sur l’âme sans l’altérer, et la remue ou avec tant de douceur qu’elle ne la fait point sortir de sa place, ou avec tant d’adresse qu’elle la met en une meilleure, cette volupté, madame, n’a pas été une passion indigne de vos Romains.

1107. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXII » pp. 222-236

Elle n’eut pas achevé cela, qu’on vint lui dire qu’elle (madame de Montausier) la demandait, que monsieur de Montespan venait de sortir de chez elle. […] La suite prouverait qu’alors les yeux de cette femme respectable furent dessillés sur les relations du roi avec madame de Montespan ; qu’elle fut épouvantée de l’idée d’avoir opposé de la résistance à un mari qu’elle croyait follement jaloux d’une femme irréprochable : il est du moins certain, par le témoignage de mademoiselle de Montpensier, par celui du duc de Saint-Simon, qu’à la suite de l’apparition qui eut lieu dans le passage de l’appartement de la reine, madame de Montausier rentra chez elle malade, ne sortit plus de sa chambre que pour quitter la cour et rentrer dans sa propre maison, à Paris, où elle languit, ne recevant qu’un petit nombre d’amis particuliers.

1108. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIII » pp. 237-250

« Elle ne vivait point comme le reste des mortels ; elle ne s’abaissait point à se régler sur les horloges… Elle était ennemie du soleil… Elle ne sortait jamais en plein midi ; elle ne se levait qu’au coucher du soleil, elle ne se couchait qu’à son lever. […] Madame de La Sablière regarda d’abord cette distraction, cette désertion ; elle examina les mauvaises excuses, les raisons peu sincères, les prétextes, les justifications embarrassées, les conversations peu naturelles, les impatiences de sortir de chez elle, les voyages à Saint-Germain où il jouait, les ennuis, les ne savoir plus que dire ; enfin, quand elle eut bien observé cette éclipse qui se faisait, et le corps étranger qui cachait peu à peu tout cet amour si brillant, elle prit sa résolution, le ne sais ce qu’elle lui a coûté.

1109. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre V, la Perse et la Grèce »

. — Tout ordre sorti de sa bouche était fatal et irrévocable. […] Thèbes, elle-même, la cité de Cadmus, envoya au Grand Roi une motte de la glèbe héroïque, d’où ses pères étaient sortis en armes, des dents semées du Dragon.

1110. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre premier. L’idée force du monde extérieur »

Ils partent d’abord d’un moi qu’ils supposent tout formé, et fermé, d’une monade en possession de soi par la conscience ; ils prêtent même à ce moi une conscience de son unité, de son identité ; puis, après avoir ainsi clos toutes les portes et fenêtres du moi sur le dehors, ils se demandent comment le moi pourra sortir de soi. En outre, nous avons vu qu’ils assimilent métaphoriquement et géométriquement la conscience à un intérieur, à un dedans, le monde à un extérieur, à un dehors ; ils posent donc le problème en termes d’espace, — ce qui le rend insoluble, puisqu’il faudrait alors sortir hors de soi.

1111. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — II. La versification, et la rime. » pp. 257-274

Celui-ci fit voir, dans une ode, que les difficultés de la versification disparoissent devant ceux qui sont nés poëtes ; & que, bien loin d’être nuisibles au talent, elles contribuent à le faire sortir, & deviennent la source de mille beautés : De la contrainte rigoureuse, Où l’esprit semble resserré, Il acquiert cette force heureuse Qui l’élève au plus haut dégré. […] mon père y tient l’urne fatale ; Le sort, dit-on, l’a mise en ses sévères mains.

1112. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre II. Mme Le Normand »

Quand, en 1812, on cria contre les Français au théâtre de Moscou et qu’on la fit, comme Française, sortir de sa loge, elle se mit à pleurer à sanglots, comme une petite fille, cette forte personne taillée dans ce marbre bistré qu’on reprochait à son teint ! […] Enfin, elle est entrée, sans sortir de chez elle, chez M. de Loménie, qui a fait, nous dit-elle par manière de renseignement, une notice sur Gœthe, spirituelle et piquante.

1113. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIII. Henry Gréville »

Que si, au contraire, À travers champs et Autour d’un phare (que, par parenthèse, l’éditeur Plon vient de publier, après tous les autres) sont les derniers sortis de sa plume, Mme Henry Gréville est évidemment en baisse de talent, et la neige de l’indifférence retombera bientôt sur la perce-neige, qui ne la percera plus ! […] Elle n’a pas le regard qu’on rabat du ciel sur les choses de la vie et qui, tombant de si haut, va au fond… C’est une femme du monde, qui peint une société dont les surfaces l’attirent, bien plus qu’un romancier moraliste qui prend les passions et les jauge partout où elles sont… Mais, si elle n’est pas, si elle ne peut pas être le moraliste à la façon des grands romanciers qui savent l’ordre le cœur humain pour tirer la morale du sang, des larmes et de la fange qu’ils en font sortir, elle est toujours et partout la plume pure que j’ai dit qu’elle était.

1114. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Royalistes et Républicains »

Il aurait pu sortir du relatif d’une question contemporaine pour entrer dans l’absolu d’une conclusion historique, qui pourrait bien être une loi de l’histoire. […] Si nous ne sommes pas tout à fait perdus, tel sera le bénéfice définitif et compensateur qui sortira de ce gouvernement parlementaire, que la foi publique abandonne.

1115. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Taine » pp. 231-243

C’est ainsi qu’il a fait sortir des analyses les plus ingénieuses et les plus subtiles un Carlyle très complet et très contrasté, lequel, malgré tout ce qui aurait dû, dans ce vieux puritain halluciné, répugner à la raison philosophique de M.  […] Taine, en finissant ainsi sa notice sur Carlyle, n’a pas exprimée ; mais un tel jugement sort entièrement la Critique, à ce qu’il me semble, de l’explication que M. 

1116. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ch. de Barthélémy » pp. 359-372

Ch. de Barthélémy ne remplacera pas l’édition qui manque, et qui sortirait la gloire et les travaux de Fréron de la crypte des bibliothèques où ils gisent ensevelis, — comme dans la crypte des monastères mérovingiens, les cadavres des fils de Roi assassinés ! […] Voltaire écrivit gravement, comme si ç’avait été un point d’histoire, que Fréron sortait des galères, et les autres de rire de ce bon tour !

1117. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sophie Arnould »

C’est par là que sortait ce souffle dont le marquis de Louvois, blessé certainement par quelque épigramme de Sophie, disait, avec la haine qui trouve le mot comme le génie : « Savez-vous pourquoi elle sent si mauvais, Sophie Arnould ? […] C’est cette gloire de l’esprit qu’il fallait faire sortir de cette infamie et en arracher !

1118. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Valmiki »

On sortira de sa lecture l’esprit fourbu. […] » Cependant, tel que le voilà traduit, ce livre bizarre, c’est un événement, et non pas seulement pour l’Académie des inscriptions et belles-lettres ; car il atteste, ce que l’on commençait bien d’entrevoir, il est vrai, et ce qu’il faudra bien finir par proclamer tout haut, que les païens de toute espèce, battus par les doctrines chrétiennes, qui voulaient faire sortir de l’Inde une poésie et une philosophie pour les opposer à tout ce que le Christianisme a créé dans l’ordre du beau et du vrai parmi nous, n’ont trouvé, en somme, ni l’une ni l’autre.

1119. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVI. Médecine Tessier »

Si nous pouvions, par le peu que nous en dirons aujourd’hui, avancer le moment où ce système, parachevé et complet, sortira de l’esprit auquel il a donné tant de résistance et de vigueur contre les tendances d’un enseignement vicieux et funeste, nous croirions avoir fait assez. […] L’immutabilité des maladies s’explique par les prédispositions morbides ; les prédispositions morbides, par une hérédité qui, elle-même, confine à un état antérieur dont l’homme n’est sorti qu’en se laissant criminellement tomber.

1120. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXII. L’Internelle Consolacion »

C’est le livre de l’Internelle Consolation, sorti au xve  siècle de l’Imitation de Jésus-Christ. […] Il y a des choses cent fois dignes de l’auteur de Polyeucte dans sa paraphrase, mais c’est précisément pour cela qu’il ne traduit pas ce livre d’ombre fait par une ombre qui n’a qu’une voix comme un souffle, — la voix de l’esprit, — et qui semble sortir d’un in-pace.

1121. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

Et, d’un autre côté, si le sort définitif de ces colonies est lié étroitement à la civilisation des peuples sauvages qui les entourent, cette civilisation peut-elle s’obtenir autrement que par un travail fixe et des idées fixes, par une tradition qui persévère de génération en génération, comme la tradition catholique ? […] Jusqu’ici, malgré la vapeur qui raccourcit le monde sur la terre et qui ouvre au tourisme les pays les plus désespérés, malgré la glu d’or à laquelle l’Australie prend l’Europe fascinée, nous n’avions sur ce pays étrange, à moitié sorti de son chaos, que des renseignements suspects et vagues dont nous ne pouvions rien déduire, parce que nous devions nous en défier.

1122. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Charles Baudelaire. Les Fleurs du mal. »

Telle est la moralité, inattendue, involontaire peut-être, mais certaine, qui sortira de ce livre, cruel et osé, dont l’idée a saisi l’imagination d’un artiste ! […] C’est un de ces matérialistes raffinés et ambitieux qui ne conçoivent guère qu’une perfection matérielle, — et qui savent parfois la réaliser ; mais par l’inspiration il est bien plus profond que son école, et il est descendu si avant dans la sensation, dont cette école ne sort jamais, qu’il a fini par s’y trouver seul, comme un lion d’originalité.

1123. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Ronsard »

nous n’ignorions pas que Ronsard avait, dans la trentième année de ce siècle, brisé avec assez d’éclat la pierre trop oubliée de son sépulcre, mais nous ne l’avions pas vu sorti tout entier de son tombeau. […] En définitive, c’est Ronsard, qui, après son trépas, est sorti de sa tombe pour enterrer Malherbe, et qui l’a enterré : À quatre pas d’ici, je te le fais savoir !

1124. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Lamartine »

Il est le Virgile de notre âge, et bien plus grand que Virgile encore, comme nous, modernes et sortis du Christianisme, nous sommes, en âme, bien plus que n’étaient les Romains. […] On ne s’étonne plus de la grâce de bucolique qui, partout, dans ses œuvres poétiques, se mêle sans cesse au lyrisme grandiose de Lamartine, quand on voit de quel nid était sorti le rossignol qui chantait inextinguiblement en lui, quand l’aigle, qui y était aussi, ne criait pas… La première impression que reçut son génie, cette première impression dont nous restons marqués à jamais, fut l’impression de la maison de son père, où il était né parmi les pasteurs, comme Virgile, et les vendangeurs du Mâconnais.

1125. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « L’Abbé *** »

Il vient de sortir du séminaire, cet abbé Julio, dont le vieux cardinal-archevêque de T… a fait son secrétaire, son bichon épiscopal. […] Elles ont vu sortir la jeune fille, que Julio renvoie à son père du presbytère où une nuit il l’avait recueillie, et c’en est assez pour qu’elles fassent prendre en suspicion les mœurs du jeune prêtre par ses supérieurs ecclésiastiques.

1126. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre xi‌ »

En même temps que nous allons libérer la vie française sur des territoires retrouvés, nous la dégagerons en nous-mêmes, et comme la patrie va sortir de cette crise héroïque avec un élargissement physique, chacun de nous veut y trouver une augmentation de l’âme.‌ […] » Et voilà qu’il y a quelque temps, m’étant trouvé séparé de mon cercle habituel d’amis, je fus mis dans une intimité étroite et prolongée avec quelques-uns de mes camarades qui pouvaient, en raccourci, me représenter à peu près toute la nation : il y avait des ouvriers et des agriculteurs, des gars du Nord, du Midi, du Centre et de l’Est… Peu à peu, je vis combien, sans qu’ils s’en doutent eux-mêmes, la souffrance avait fait son œuvre en eux, les avait épurés, combien ils sortiraient modifiés de la guerre.‌

1127. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. Des oraisons funèbres de Bourdaloue, de La Rue et de Massillon. »

C’est une leçon à tous les hommes ; aux uns pour ne pas sortir de leur caractère ; aux autres pour ne pas sortir de leur talent.

1128. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

C’était toujours une des tantes ; grand-père, qui souffrait d’un catarrhe, ne sortait pas le soir. […] — Non, non, je ne la sors jamais le soir, elle pourrait s’enrhumer. […] Puisqu’on y entrait, on pourrait peut-être en sortir. […] On vit sortir des religieuses, qui couraient vers la chapelle en se bouchant les oreilles. […] C’était la première fois, depuis bien longtemps, qu’elles pouvaient sortir toutes les deux à la fois.

1129. (1887) George Sand

N’était-ce pas un néant relatif que cet oubli qui succédait si vite en elle à la présence réelle de tous ces personnages, dont le nom même sortait parfois de sa mémoire ? La fournaise ardente s’était refroidie ; pour se rallumer, elle attendait d’autres types, d’autres moules d’où allait sortir un monde nouveau. […] Notre héros sort de cette féerie, tour à tour ravi, épouvanté, humilié, meurtri. […] C’est de la même source de romanesque heureux qu’est sorti Teverino. […] La vie n’en sort pas.

1130. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 168-169

Il est connu par deux Ouvrages, dont le premier est mort subitement, & le second est prêt à éprouver le même sort.

1131. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 262-263

Son extravagance & la folie se sont peintes dans ses Sermons & dans ses Ecrits de Religion, comme dans ses Productions littéraires ; ce qui lui valut un séjour de quelques années à Saint Lazare, d’où il sortit pour aller mourir dans sa patrie, à peu près comme il avoit vécu, c’est-à-dire, au milieu de la plaisanterie & du sarcasme.

1132. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » p. 535

Cet Auteur, si bien fêté, eut peu après des Rivaux qui firent oublier ses Essais : son nom eût éprouvé le même sort, si ce Poëte ne faisoit époque dans l’Histoire de notre Théatre.

1133. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 13-14

Par malheur, le génie de M. de Lacroix est morne, sec, empesé, pédantesque, & ne sort de sa gravité que pour lancer des pointes & des jeux de mots plus désastrueux encore que son style ordinaire.

1134. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » p. 364

Son Année chrétienne a subi ce sort, parce qu’elle laisse transpirer des opinions que l’Auteur avoit puisées dans un commerce intime avec MM. de Port-Royal.

1135. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Monnet » p. 281

Au sortir des mains de Pierre, il tomba dans celles de Bachelier, qui l’a livré cette année à Parocel, à Brenet, à Lépicié, à Monnet qui le tient à présent.

1136. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Nous sortîmes. […] À peine sort-elle de l’étude décadente. […] De même que Shakespeare sort de Lyly, nos merveilleux Classiques sortent des marinistes et des ruelles. […] Mais non, rien ne sort, rien, de leur galimatias. […] Le romantisme, dont nous sommes tous sortis, est encore là, trop près.

1137. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Chacun sait, et ce n’est point ici le lieu de le répéter, quel fut son sort et celui du généreux Pellisson. […] Cet aimable héros de boudoir, forcé de sortir de France, avait emporté aux bords de la Tamise et ses goûts passagers et sa changeante humeur. […] Celui du poème De Natura rerum aura éprouvé le même sort. […] Ce dernier confia d’ailleurs, un peu plus tard, le sort de deux pièces nouvelles à la troupe du Palais-Royal. […] Celui-ci sortit aussitôt de sa cachette et fit la même déclaration.

1138. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

Il est intéressant de voir, dans une histoire toute réelle et où la fiction n’a point de part, comment une personne qui semblait destinée par le sort à n’être qu’une adorable Manon Lescaut redevient une Virginie : il fallait que cette Circassienne, sortie des bazars d’Asie, fût amenée dans ce monde de France pour y relever comme la statue de l’Amour fidèle et de la Pudeur repentante. […] Cette décadence de Louis XIV, où la corruption pour éclater n’attendait que l’heure, faisait encore une société bien spirituelle, bien riche d’agréments ; cela était surtout vrai des femmes et du ton ; le goût valait mieux que les mœurs ; on sortait de Saint-Cyr, après tout, on venait de lire La Bruyère. […]   « Lorsque je vous retiray des mains des infidelles, et que je vous acheptay, mon intention n’estoit pas de me préparer des chagrins et de me rendre malheureux ; au contraire, je prétendis profiter de la décision du destin sur le sort des hommes pour disposer de vous à ma volonté, et pour en faire un jour ma fille ou ma maistresse. […] Une telle conduite semble assez répondre de celle qu’elle tint envers M. de Ferriol ; les deux sultans eurent le même sort ; seulement elle y mit avec l’un toute la façon désirable, tout le dédommagement du respect filial et de la reconnaissance. […] Inquiète sur le sort de cette jeune étrangère, elle était sans cesse occupée du soin de faire son bonheur : de son côté, Mlle Aïssé, dont le cœur était aussi bon que sensible, avait pour M. et Mme de Ferriol les sentiments d’une fille tendre et respectueuse ; sa conduite envers eux la leur rendait tous les jours plus chère : elle était bonne, simple, reconnaissante.

1139. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Qui ne trouvera le compte de son amour-propre à sortir de la foule des simples et des ignorants, pour se ranger parmi les délicats et les raffinés ? […] Le plus bel écrit de direction qui soit sorti de sa plume est l’Examen de conscience sur les devoirs de la royauté. […] Que sortira-t-il de ces critiques si vives et si indiscrètes du gouvernement de Louis XIV, sinon ce formidable esprit d’analyse qui va discuter tout le passé, et qui du mal comme du bien ne fera qu’une même ruine ? […] Dans cet homme, à qui Bossuet trouve de l’esprit à faire peur, vous n’en surprenez jamais l’affectation : c’est ce feu qui, au dire de Saint-Simon, sortait de ses yeux comme un torrent. […] Ne point toucher à l’amour dans un plan d’éducation eût été d’un précepteur éludant le plus délicat de ses devoirs ; le peindre trop au vif, c’était risquer de faire sortir le mal du remède même.

1140. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Mais si c’est pour faire une énumération vide de sens, de laquelle ne doit se dégager aucune impression véritable, si c’est le fastidieux plaisir de voir pour voir, non pour comprendre et sentir, mieux vaut laisser dans l’ombre ce qui ne mérite pas d’en être tiré ou peut-être ce qu’on n’a pas su en faire sortir. […] Ce dernier a moins à faire pour créer, car les images fantastiques peuvent nous charmer par des rencontres de hasard comme dans les rêves, tandis que, pour qui ne sort pas du réel, la poésie et la beauté ne sauraient guère être une rencontre heureuse, mais sont une découverte poursuivie de propos délibéré, une organisation savante des données confuses de l’expérience, quelque chose de nouveau aperçu là où tous avaient regardé. […] Or, les moyens dont dispose l’écrivain sont tels qu’il ne peut pas à proprement parler faire surgir à nos yeux un objet, une chose quelconque ; il ne peut que décrire, et alors il est aisé, tout en restant exact, de faire sortir de l’ombre ce que nous ne voyons habituellement pas, et par contre d’effacer ce que nous sommes habitués à voir. […] Mais un fusil Gras, un sabre, c’est pour nous le pantalon rouge et trop large du soldat qui passe dans la rue, avec sa figure souvent rougeaude et mal éveillée de paysan qui sort de son village. […] On ne doit jamais sentir d’ennui en lisant une description, pas plus qu’on n’en ressent à sortir de la maison, à ouvrir les yeux et à regarder ce que l’on a devant soi.

1141. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Venancourt, Daniel de (1873-1950) »

« Le devoir suprême, dit une phrase de la lettre-préface, c’est de vivre, c’est de réaliser la fraternité par des actes, c’est de s’employer pour la cause des ignorants et des abusés. » Et les vers disent ensuite : Ceux-là seuls ont vaincu la mort Qui, meurtris et vaillants quand même Et grands jusqu’à l’oubli du sort, Poursuivaient leur devoir suprême !

1142. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 65-66

Que seroit-ce donc si le Public alloit juger leurs freres dignes d’un pareil sort ? 

1143. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » p. 324

Ton sort est glorieux, & le mien est fatal : Nos aïeux, autrefois, marchoient d’un pas égal ; Cependant entre nous que je vois de distance, Et combien ton mérite y met de différence !

1144. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 111-112

Nous ne croyons pas aggraver, par cette expression, le sort de cette triste famille, destinée à vivre peu de temps, étant le fruit d’une Muse froide, foible & décharnée, dont la postérité ne pouvoit être qu’éphémere.

1145. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 269-270

On l’a vu successivement Capucin, Apostat, Secrétaire du Roi de Pologne Auguste III, puis rentrer dans son Ordre, en sortir ensuite pour parcourir un nouveau cercle d’aventures, & finir par mourir Protestant.

1146. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 326-327

Son Ode à Louis XIII est pleine de métaphores trop hardies, d’expressions trop guindées, comme tout ce qui est sorti de sa plume ; mais elle a des Strophes, dont l’enthousiasme & l’élévation le rendent égal, & quelquefois supérieur à Malherbe.

1147. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Vien » pp. 95-96

Vous rappelez-vous, mon ami, la Résurrection du Rembrant ; ces disciples écartés ; ce Christ en prière ; cette tête enveloppée du linceul, dont on ne voit que le sommet, et ces deux bras effrayants qui sortent du tombeau.

1148. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Challe » p. 219

Il faut que ce soit un sort qu’on ait jeté sur vous quand vous étiez au berceau.

1149. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Les enfants ne sortent des mains de la sage-femme que pour passer dans celles d’une nourrice. […] Du reste l’urine diminue en quantité de jour en jour, et sort plus difficilement, excepté quand elle est tout à fait crue et couleur d’eau claire : alors elle sort avec un peu plus d’abondance et de facilité. Mais en quelque état que ce soit, il faut toujours presser le bas-ventre pour la faire sortir. […] Ses livres sortent de la même source profonde et trouble : mais je ne vois pas bien qu’ils s’engendrent logiquement l’un l’autre. […] Mais la peine du misérable lui vient des choses, de la rigueur du sort qui s’appesantit sur lui.

1150. (1896) Le livre des masques

A lui tout seul il travaille comme une ruche, et au moindre soleil les idées abeilles sortent tumultueuses et se dispersent vers les vastes campagnes de la vie. […] Les cloches de la vallée sonnent la fin d’un sort, Et l’on voit luire des pelles au soleil du matin. […] Si l’on veut, joyau ou caillou, le livre sera jugé en soi, sans souci de la mine, de la carrière ou du torrent dont il sort, et le diamant ne changera pas de nom, qu’il vienne du Cap ou de Golconde. […] par de timides jeunes gens enivrés, de l’odeur de nouveau qui sortait des pâles petites pages ! […] Comme sa vie, les rythmes qu’il aime sont des lignes brisées ou enroulées ; il acheva de désarticuler le vers romantique et, l’ayant rendu informe, l’ayant troué et décousu pour y vouloir faire entrer trop de choses, toutes les effervescences qui sortaient de son crâne fou, il fut, sans le vouloir, un des instigateurs du vers libre.

1151. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

On est sorti de la physique de l’hydrostatique. […] Le plus récemment sorti, le plus sorti des mains de Dieu. […] Le moins sorti, le plus éloigné de sortir des mains de Dieu. […] Elle a traversé l’épreuve, elle sort du feu. […] C’est la pesée même qui donne son poids et qui sort son plein et qui sort son effet.

1152. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre premier. Explication du titre de la seconde section. »

Mais quand l’amitié et les sentiments de la nature seraient sans exigence, quand la religion serait sans fanatisme, on ne pourrait pas encore ranger de telles affections dans la classe des ressources qu’on trouve en soi ; car ces sentiments modifiés rendent cependant encore dépendant du hasard : si vous êtes séparé de l’ami qui vous est cher, si les parents, les enfants, l’époux que le sort vous a donné, ne sont pas dignes de votre amour, le bonheur que ces liens peuvent promettre, n’est plus en votre puissance ; et quant à la religion, ce qui fait la base de ses jouissances, l’intensité de la foi, est un don absolument indépendant de nous ; sans cette ferme croyance, on doit encore reconnaître l’utilité des idées religieuses, mais il n’est au pouvoir de qui que ce soit de s’en donner le bonheur.

1153. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Le Fèvre-Deumier, Jules (1797-1857) »

Eugène Crépet Il a, dans ses volumineuses œuvres, laissé d’admirables vers que les plus illustres contemporains signeraient hardiment, et cependant c’est à peine si son nom est sorti de cette pénombre qui confine à l’oubli… Entre toutes ces pièces, une surtout fut remarquée c’est celle qui a pour titre : Hommage aux mânes d’ André Chénier , et qui se termine par ces vers : Adieu donc, jeune ami, que je n’ai pas connu un de ces vers-proverbes qui profitent plus au public qu’à leur auteur, car tout le monde s’en souvient et les cite, sans que personne puisse dire qui les a écrits.

1154. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vermenouze, Arsène (1850-1910) »

. — Il en sort Tout effaré, le cou raidi, criant d’angoisse Ennui les rameaux nus, qu’il éclabousse et froisse, Un canard au jabot de moire, — vert et bleu.

1155. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 220-221

D’après cela, les connoisseurs se flattoient de voir bientôt sortir du tombeau la Comédie d’intrigue, & peut-être à sa suite celle de caractere, qui est la véritable.

1156. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 289-290

Le sort plein d’injustice, M’ayant enfin rendu Ce reste, un pur supplice ; Je serois plus heureux, si je l’avois perdu.

1157. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 435-436

Tel sera toujours le sort de ces Pieces où l’intérêt domine, quand elles seront réduites aux justes bornes que leur bon goût doit leur prescrire.

1158. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 275-276

Le plus acharné de tous, a été celui qui avoit mis au bas de son portrait : Son sort est de fixer la figure du monde, De lui plaire, & de l’éclairer.

1159. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 281

Mortels, qui commencez ici-bas votre cours, Je ne vous porte point d'envie, Votre sort ne vaut pas le dernier de mes jours.

1160. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — II. (Suite.) » pp. 155-174

Sur quoi Rosny piqué répliqua que tout ce procédé conduisait à la grandeur du roi de Navarre bien plus qu’à sa ruine, et il en revint, selon son usage, à rappeler ce que son diable de précepteur La Brosse lui avait prédit ; puis il sortit brusquement, quittant sans autre façon la compagnie et le parti devenu contraire, pour se mettre en devoir de rejoindre le sien. […] Lors l’on commença à piller ; vous et huit ou dix des vôtres ne fîtes qu’entrer et sortir dans six ou sept maisons où chacun gagna quelque chose, et y eûtes par hasard quelque deux ou trois mille écus qui vous furent baillés pour votre part. » — De même au sac de Louviers (1591), où toute la ville fut pillée, des gens du pays qui étaient parmi les vainqueurs, et qui savaient tous les êtres de l’endroit, indiquaient les magasins de toiles et de cuirs qui faisaient le fort du butin : Rosny en eut quelque mille écus pour sa part. […] Le compte entier ne s’y trouvant point (et encore ce qui paraissait n’était qu’en lettres de change), et Sully s’en plaignant au gentilhomme porteur et qui était le père de celui même qui avait donné l’avis, tout d’un coup, comme il se promenait dans la chambre avec ce gentilhomme, il arriva que les poches de celui-ci crevèrent et qu’il en sortit une traînée d’écus au soleil : « Nous ne nous amuserons point, disent les secrétaires, à réciter les colères de monsieur votre frère et de M. de Bellengreville (autre gouverneur), ni les risées du roi lorsque tout cela fut su. » Pour couronner le récit de cette petite affaire, il faut savoir que cet argent de contrebande, ainsi intercepté par Rosny, ne fit pas retour au roi et fut pour lui de bonne prise.

1161. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

C’est, avant tout, le bon ménager et l’économe du roi ; c’est l’homme le plus diligent et industrieux à lui rassembler des deniers sans surcharger le peuple, à les faire entrer dans le coffre royal, et à les empêcher ensuite d’en sortir autrement qu’à bon escient : Il ne faut pas faire apporter ici lesdits deniers, lui écrivait Henri IV du camp d’Amiens, qu’il ne soit temps de les employer ; car il y a tant d’affamés ici comme ailleurs, que s’ils savaient que notre bourse fût pleine, ils ne cesseraient de m’importuner pour y mettre les doigts, et me serait difficile de m’en défendre. […] Il a horreur des mésalliances, et il appelle de ce nom les mariages des enfants de la noblesse d’épée « aux fils et filles de ces gens de robe longue, financiers et secrétaires, desquels les pères ne faisaient que de sortir de la chicane, de la marchandise, du change, de l’ouvroir et de la boutique ». […] Un jour (1607), Henri IV, étant venu lui parler à l’Arsenal de quelque projet nouveau et s’étant vu désapprouver, sortit en grondant : « Voilà un homme que je ne saurais plus souffrir, dit-il tout haut ; il ne fait jamais que me contredire et trouver mauvais tout ce que je veux ; mais, par Dieu !

1162. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

Le xvie  siècle était pour Mézeray ce que le xviiie a été pour nous : il en sortait, il en était nourri, il en savait les traditions, le langage ; il en avait ouï raconter les derniers grands événements à des vieillards ; les souvenirs et l’esprit lui en venaient de tous les côtés ; nul n’était plus propre que lui à en retracer une histoire entière, et c’est ce qu’il a fait pendant l’étendue d’un in-folio et demi. […] Mézeray l’embrasse dans son ensemble ; il la décrit au naturel dans tout son cours, et, quand on l’a parcourue avec lui d’un bout à l’autre, on peut dire véritablement qu’on a vécu avec ces hommes du xvie  siècle, qu’on les a vus au juste point, ni trop loin ni trop près, qu’on les a entendus parler, qu’on a eu la saveur de leurs propos, qu’on a conçu la suite des événements dans leur exacte proportion, avec mille particularités de mœurs qui les animent et qui en sortent d’elles-mêmes. […] C’est ainsi qu’après l’assassinat de Blois, Mézeray paraît douter que Henri III, du moment que Guise est par terre, « soit sorti de son cabinet l’épée à la main comme victorieux, qu’il lui ait mis le pied sur le front ; que, revenant par deux ou trois fois et faisant lever la couverture pour voir s’il ne respirait point encore, il ait demandé aux uns et aux autres s’il était mort.

1163. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Le mérite de Bourdaloue s’annonça dès l’enfance : « Il était naturel, plein de feu et de bonté, dit Mme de Pringy ; il suça la vertu avec le lait, et ne sortit de l’enfance que pour entrer dans les routes laborieuses du christianisme. » Il n’eut dans sa vie qu’une seule aventure et qui fut décisive, ce fut, si j’ose dire, l’aventure de piété qui devint le point de départ de sa carrière. […] Ici l’usage qu’il fait du texte est simple, et l’avertissement sort de lui-même. […] Il en a un assez pareil dans le sermon qui ouvre son premier Avent, pour le jour de la Toussaint, lorsque voulant inspirer le désir et donner un avant-goût du bonheur réservé aux justes et auquel ils atteignent dès cette vie, il s’écrie : Avoir Dieu pour partage et pour récompense, voilà le sort avantageux de ceux qui cherchent Dieu de bonne foi et avec une intention pure.

1164. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

On s’aperçoit pourtant, à mesure qu’on avance dans cette lecture, et quand on est sorti du service avec La Fare, que sa narration languit et devient vague, inexacte. […] Je voulus, comme son serviteur, lui en faire quelque remontrance ; je n’en tirai d’autre réponse que : Ou buvez avec nous, ou allez, etc… J’acceptai le premier parti et en sortis à six heures du soir quasi ivre-mort. […] Il était grand gourmand, et, au sortir d’une grande maladie, il se creva de morue et en mourut d’indigestion.

1165. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

les voies étaient aplanies, nous étions familiarisés avec les premiers éléments ; en un mot, nous étions sortis du chaos des principes, nous n’avions plus qu’à aller devant nous. […] Cowper voit dans cette disposition et dans ce vœu universel un cri de la conscience qui, longtemps méconnue, mais non abolie, rappelle toute créature humaine à son origine et à sa fin, et l’avertit de sortir du tourbillon des villes, de cette atmosphère qui débilite et qui enflamme, pour revenir là où il y a des traces encore visibles, des vestiges parlants d’un précédent bonheur, et « où les montagnes, les rivières, les forêts, les champs et les bois, tout rend présent à la pensée le pouvoir et l’amour de Celui qui les a faits. » Et dans une description minutieuse et vivement distincte, où il entre un peu trop d’anatomie, mais aussi de jolis traits de pinceau, il donne idée de la manière d’interpréter et d’épeler la création, et il montre qu’ainsi étudié, compris et consacré, tout ce qui existe, loin d’être un jeu d’enfant ou un aliment de passion, ne doit plus se considérer que comme une suite d’échelons par où l’âme s’élève et arrive à voir clairement « que la terre est faite pour l’homme, et l’homme lui-même pour Dieu. » Tout cela est grave et solennel sans doute, il faut s’y accoutumer avec le poète : Cowper, c’est à bien des égards le Milton de la vie privée. […] La femme, ce don qu’il accorda à la terre quand il voulut créer un paradis ici-bas, le bien terrestre le plus riche qui soit sorti de ses mains, la femme mérite d’être aimée, non adorée.

1166. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Ce qu’on ne saurait oublier en le lisant, c’est qu’il a été élève de l’École normale, qu’il s’y est formé dans le recueillement et la méditation, que sa première jeunesse, dont il est à peine sorti, a été forte, laborieuse, austère. […] Dès que le récit est terminé, la moralité sort et on la déduit ; elle se grave dans l’esprit par l’exemple : car ce que l’homme aperçoit moins quand il s’agit d’hommes ses semblables, et ce qui glisse sur lui, le frappe davantage quand cela se transpose et se réfléchit par allégorie chez des êtres d’une espèce différente. […] De toutes ces plantes montagnardes sort une odeur aromatique et pénétrante, concentrée et exprimée par la chaleur.

1167. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

C’est toute une âme qui sort de l’obscurité et qui se révèle pleinement à nous après plus de deux siècles. […] Il est très vrai que les études étaient fort tombées en France après les saturnales de la Ligue ; elles n’avaient pas moins besoin de réparation alors qu’elles n’en eurent besoin plus tard sous l’Empire au sortir des désastres de la Révolution : « Les fureurs de Mars, écrivait en ces années Casaubon à Scaliger, ont presque entièrement éteint dans les âmes le culte et l’amour des muses. […] lorsque Casaubon allait entendre à Saint-Paul ou ailleurs (car il se laissait mener volontiers aux églises catholiques) quelqu’un des prédicateurs du temps si détestables de goût, le célèbre Valladier, par exemple, faisant le panégyrique de la Vierge, célébrant les louanges de Marie, il se sentait redevenir très protestant, et il avait quantité de réponses toutes prêtes à opposer à du Perron ; au contraire, il y avait des jours où quand il sortait d’un prêche, d’un sermon protestant de Du Moulin, il se sentait rejeté vers les catholiques.

1168. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Quoi qu’il en soit, en croyant un tel jour possible, Béranger se distinguait de tous les philosophes qui ne le sont que dans le cabinet et qui n’en sortent pas ; il allait infiniment plus loin qu’Horace et même que Montaigne, qui veulent bien de cette philosophie pratique pour eux et pour leurs intimes, mais qui ne visent guère au-delà. […] Vous voilà dans le vrai ; soyez heureux en faisant des heureux ; vous méritez un pareil sort : tous vos amis s’en féliciteront, et les vieux garçons comme moi, en voyant votre bonheur, regretteront de n’avoir pas su prendre la même route. » Avec des faiblesses et de légers travers, on le voit donc foncièrement ami des hommes et philanthrope dans le juste sens du mot, bien plus que politique. […] Au contraire, le critique liseur, si je puis dire, celui qui, dans son fauteuil, reprenait pour la centième fois de vieux écrits et se mettait à penser tout haut en refermant le livre, c’est celui-là qu’il y avait plaisir à entendre et à faire causer : idées justes, idées fines ou hardies, boutades légères et inspirées, lui sortaient en foule à la fois.

1169. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Horace a remarqué que presque aucun mortel n’est content de son sort, et qu’on est disposé plutôt à louer et à envier ceux qui suivent des conditions différentes. Étienne donne un démenti formel à cette première satire d’Horace : il n’envie personne, il n’a jamais aspiré à un autre sort que le sien ; il est vrai qu’il n’a jamais eu proprement de profession (hormis pour un temps très court), et que de bonne heure une fortune suffisante lui a permis de lire, d’étudier à son aise et de se livrer à l’heureuse modération de ses penchants. […] » Puis s’arrêtant tout à coup : « Il y aurait là cinquante mille fenêtres que je m’en précipiterais d’un coup, en témoignage de ce que j’avance. » En laissant échapper ces dernières paroles, il appuyait la main tantôt sur l’épaule de M. de Laval, tantôt sur celle de Lord Kinnaird et du duc de Rohan, qui, ainsi que les autres assistants, ne pouvaient se tenir de rire, hilarité à laquelle le bon Ballanche se laissa bientôt aller lui-même. » Voilà un portrait d’ami pris sur nature et qui sort tout : vivant d’un croquis, ou d’un procès-verbal tracé évidemment le soir même.

1170. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Quand il créa le Centaure, son seul morceau achevé (et qui me fait regretter qu’on ait retrouvé la Bacchante, autre morceau de lui bien inférieur et capable, vraiment, de faire tort au premier), quand au sortir d’une visite au Musée des Antiques, après avoir admiré cette œuvre vivante, correcte, magnifique, irréprochable, qu’on attribue à des sculpteurs cariens, il se dit qu’il allait, « par sa plume, commenter et étendre le ciseau29 » que fit-il, qu’imagina-t-il dans sa conception vraiment puissante ? […] Il était chez M. de Lamennais, il vient d’en sortir : il a fort à faire, craint-elle, de lutter avec cet éloquent démon et ce grand tentateur. […] J’aime assez cette harmonie qui sortait de tous les carreaux mal joints, des contrevents mal fermés, de tous les trous des murailles, avec des notes diverses et si bizarrement pointues, qu’elles percent les oreilles les plus dures.

1171. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Il y a tant d’autres manières d’employer son temps, quand on est jeune, beau, riche, noble, un pied, je le crois, dans les fonctions publiques, que j’ai peine à m’expliquer, chez quelqu’un qui n’y est pas condamné par le sort, cette précipitation à écrire, à compiler, à copier, à éditer sans prendre même la peine de se relire. […] Giraud nous prépare une sorte de résurrection littéraire, Saint-Évremond, dans une conversation avec M. de Candale, disait de La Rochefoucauld, bien avant les Maximes et au début de la seconde Fronde (1650) : « La prison de M. le Prince a fait sortir de la Cour une personne considérable que j’honore infiniment : c’est M. de La Rochefoucauld, que son courage et sa conduite feront voir capable de toutes les choses où il veut entrer. […] L’amour-propre, s’il est fin, change de ton et de voix ; il a des gémissements et des soupirs ; il se fait inquiet sur le sort de ses frères, sur le danger que courent des âmes fidèles et simples ; il faut, à tout prix, préserver les faibles : et l’amour-propre agit et s’en donne alors en toute sûreté de conscience et, comme on dit, à cœur joie : il accuse l’adversaire, il le dénonce, il le conspue, il le qualifie dans les termes les plus outrageux, les plus humiliants ; et comme il ne veut point cependant paraître, même à ses propres yeux, de l’amour-propre, il se retourne, quand il a fini, et se fait humble aussitôt ; il demande pardon à son semblable d’en avoir agi de la sorte : il n’a voulu que le toucher, le convertir ; on assure même qu’il est de force à lui proposer en secret (après l’avoir insulté en public) de lui donner le baiser de paix et de l’embrasser.

1172. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Roland avait peu d’étendue dans l’esprit ; tous ceux qui la fréquentaient ne s’élevaient point au-dessus des préjugés vulgaires. » Il aurait fallu à Mme Roland quatre ou cinq années de plus de cette scène publique, pour atteindre à tout son développement et à sa maturité sous sa seconde forme, pour sortir de ses vues de coterie, de ses préventions exclusives et de son intolérance contre tout ce qui s’écartait d’un premier type voulu, pour comparer entre eux les hommes, apprécier chacun à sa valeur et se dégoûter des médiocres de son bord qu’elle surfaisait. […] Louis Blanc, ce qu’on ne trouve pas chez elle ; le sort de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre ne paraît pas occuper beaucoup déplacé dans ses préoccupations ; du moins, il n’en tient guère dans son livre. » La remarque est fine ; je la crois juste, bien que trop généralisée. […] Plus heureux dans les camps, l’on nous croit : leur entrée Aux plaintes des proscrits n’a point été livrée… Ainsi ces Girondins, qui osaient combattre les Jacobins et mourir, n’osaient sortir de la phraséologie fade et plate en poésie.

1173. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

D’Alembert, en demandant à l’art de sortir du cercle des initiés et des intimes, a-t-il dit là, réellement, une si grande sottise ? […] Et cependant, c’est grâce à cette méthode, à ce genre de procédé, il faut bien le reconnaître, que j’obtiens en littérature des tableaux et des paysages comme on n’en avait pas auparavant : ainsi, sans sortir de ce volume, cette exacte, rebutante et saisissante description des Petits-Ménages, rue de Sèvres ; — ainsi la vue, l’impression, l’odeur même d’une salle d’hôpital, dans Sœur Philomène ; — ainsi, dans Renée Maupérin, le frais rivage de la Seine à l’île Saint-Ouen, et, dans Germinie Lacerteux, le coucher du soleil à la chaussée de Clignancourt : ce sont des Études sur place, d’après nature, d’un rendu qui défie la réalité. […] Et, par exemple, pour ne pas sortir du détail du style, MM. de Goncourt ont dit : « L’épithète rare, voilà la marque de l’écrivain. » Ils ont raison, à la condition que l’épithète rare ne soit pas toujours le ton pris sur la palette.

1174. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

La poésie franche y embaume à l’ouverture du premier chant : « Du pied de cette haute montagne, où se dresse Castel-Cuillé, dans la saison où le pommier, le prunier et l’amandier blanchissaient dans la campagne, voici le chant qu’on entendit, un mercredi matin, veille de Saint-Joseph : Les chemins devraient fleurir, Tant belle épousée va sortir ; Devraient fleurir, devraient grener, Tant belle épousée va passer ! Et le vieux Te Deum des humbles mariages semblait descendre des nues, quand tout d’un coup une grande troupe de jeunes filles au teint frais, propres comme l’œil, chacune avec son fringant, viennent sur le bord du rocher entonner le même air, et là, semblables, tant elles sont voisines du ciel, à des anges riants qu’un Dieu aimable envoie pour faire leurs gambades et nous apporter l’allégresse, elles prennent leur élan, et bientôt, dévalant par la route étroite de la côte rapide, elles vont en zigzag vers Saint-Amant, et les volages, par les sentiers, comme des folles vont en criant : Les chemins devraient fleurir, Tant belle épousée va sortir, etc. […] Et le soir, un cercueil avec des fleurs passait au même chemin ; le De Profundis avait remplacé les chansons, et, dans la double rangée de jeunes filles en blanc, chacune maintenant semblait dire : Les chemins devraient gémir, Tant belle morte va sortir ; Devraient gémir, devraient pleurer, Tant belle morte va passer !

1175. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Même dans cette seconde moitié de sa carrière où il eut affaire à un milieu de société décidément modifié, à certains goûts littéraires que nous connaissons très-bien, moins réguliers, moins simples ou moins traditionnels, et, comme on dit, plus exigeants, là encore il sut trouver je ne sais quel point agréable ou tolérable dans le mélange : il étendit ses ressources sans trop sortir de ses données habituelles ; il put paraître quelquefois sur la défensive, il réussit toujours à garder ses avantages, il ne fut jamais vaincu. […] Il composait en même temps son Épître à Messieurs de l’Académie française sur l’étude, pour ce brillant concours de 1817 d’où sortirent tant de jeunes noms. […] Aussi, malgré son prélude de la veille, on peut dire de Casimir Delavigne qu’il entra à la première représentation de ses Vêpres Siciliennes incertain, pauvre, à peu près inconnu, et qu’il en sortit maître de sa destinée.

1176. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

L’Europe, au sortir des troubles religieux et à travers les phases de la guerre de Trente ans, enfantait laborieusement un ordre politique nouveau ; la France à l’intérieur épuisait son reste de discordes civiles. […] Ce ne fut qu’après Richelieu, après la Fronde, sous la reine-mère et Mazarin, que tout d’un coup, du milieu des fêtes de Saint-Mandé et de Vaux, des salons de l’hôtel de Rambouille1 ou des antichambres du jeune roi, sortirent, comme par miracle, trois esprits excellents, trois génies diversement doués, mais tous les trois d’un goût naïf et pur, d’une parfaite simplicité, d’une abondance heureuse, nourris des grâces et des délicatesses indigènes, et destinés à ouvrir un âge brillant de gloire où nul ne les a surpassés. […] Quant au bon goût, il y trouva son compte à la longue, puisque Mme de Sévigné en sortit.

1177. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Mais il ne s’intéresse qu’aux idées, aux idées générales, qu’il fait sortir avec une rare puissance. […] Le parti pris politique s’y fait peu sentir, par la vertu du sujet ; l’état d’esprit orléaniste s’élargit en pitié des vaincus, en sentiment douloureux des misères individuelles ou collectives ; l’historien est tout à la joie de faire sortir des vieilles chroniques, dans toute la barbarie de leurs noms germaniques hérissés de consonnes et d’aspirations, les Franks et leurs chefs, les Chlodowig, les Chlother, les Hilderik, les Gonthramm, de montrer par de petits faits significatifs ce qu’était un roi franc, comment étaient traités les Gaulois, de substituer dans l’imagination de son lecteur, à la place des dates insipides et des faits secs qu’on apprend au collège, une réalité précise, dramatique, vivante. […] Les récits d’une tante, une promenade au musée qui avait recueilli les tombes de Saint-Denis, lui révélèrent sa vocation : à peine sorti du collège, il s’appliqua à l’histoire.

1178. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

La direction de l’inspiration échappe au cœur, est reprise par l’esprit, qui fait effort pour sortir de soi, et saisir quelque ferme et constant objet882. […] Il y pense partout et toujours, il la voit partout, il la désire toujours ; et par là il sort du romantisme. […] Par sa bizarrerie voulue et provocante, mais aussi par sa facture magistrale, Baudelaire a exercé une influence considérable : ne lui reprochons pas les sots imitateurs qu’il a faits, c’est le sort de tous les maîtres.

1179. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

Une fois les lourds battants feutrés retombés derrière vous, tout est fini, rien de tout cela n’existe plus : vous entrez dans un monde nouveau, dans un lieu de mystère où vous pouvez croire que la vie est un vague et mauvais rêve allégé par des trêves bienfaisantes qui font pressentir le réveil ailleurs ; et vous sortirez avec une douceur dans l’âme et une résignation un peu moins inutile que la révolte. « Venez, vous qui peinez et qui êtes chargés, et je vous soulagerai. » Mais, au lieu de gueux et de claque-patins, des messieurs, qui ont toutes sortes de raisons pour se consoler de vivre, viennent occuper les places d’abonnés, les stalles de velours en face de la chaire. […] Ce cadavre lié à notre âme, nous l’avons jeté dans un tombeau, d’où il ne sortira plus pour nous tourmenter. […] N’est-ce pas que je vois sortir de vos yeux comme un flot de votre vie qui vient se mêler à ma vie ?

1180. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Sa manière rageuse m’amuse, car il se fâche contre ses fantoches comme si vraiment ils étaient vivants, comme si c’étaient des êtres de chair, sortis du cerveau Balzac, au lieu de pauvres marionnettes faisant trois tours sur la gélatine Montégut. […] Mais ce n’est pas de ces vieux livres, c’est de lui-même qu’il a voulu sortir « un Christ nouveau tout entier » : « J’ai laissé de côté les Évangiles antiques, je me suis écarté du Christ qui y est peint. » Pourquoi alors conserver le nom de Christ à son personnage ? […] Les habitants sortent, inquiets.

1181. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Il sort, acquitté et diffamé, du procès que lui ont fait ses actionnaires aux abois. […] Augier au cancan qui frappe la marquise, s’il l’avait fait sortir de l’organe bruyant d’un pamphlet célèbre ; mais c’est un article de modes qui lance ce trait meurtrier ! […] Il en sort des réputations toutes faites qui sont reçues dans toutes les coteries et des excommunications mystérieuses qui mettent au ban de tous les salons.

1182. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

Là, pourtant, fut la souche première dont tout le reste est sorti ; la matière toute neuve dont, avec le temps et l’art, il forma sa gloire. […] Il n’a pas assez de raillerie pour la race des Renés qui sont sortis de lui ; il est allé jusqu’à écrire : « Si René n’existait pas, je ne l’écrirais plus ; s’il m’était possible de le détruire, je le détruirais. […] à un endroit, par exemple, où il vient de parler admirablement de la Grèce et de Fénelon, il dira : « Si Napoléon en avait fini avec les rois, il n’en avait pas fini avec moi. » Tout au sortir d’un mot digne de Sophocle, on a tiré phrase à la Cyrano.

1183. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Il sort de ce cœur des flammes qui manquent d’aliment, qui dévoreraient la création sans être rassasiées, qui te dévoreraient toi-même… C’est bien cela, et il nous la définit en maître cette flamme sans chaleur, cette irradiation sans foyer, qui ne veut qu’éblouir et embraser, mais qui aussi dévaste et stérilise. […] Tant qu’il put marcher et sortir, la badine à la main, la fleur à sa boutonnière, il allait, il errait mystérieusement. […] Le soleil se levait plus beau ; il remettait la fleur à sa boutonnière, sortait par la porte de derrière de son enclos, et retrouvait joie, liberté, insouciance, coquetterie, désir de conquête, certitude de vaincre, de une heure jusqu’à six heures du soir.

1184. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

Je sentis ayant de penser, c’est le sort commun de l’humanité. […] Quand il en est, lui, sur les torts de son père, qui, honnête homme, mais homme de plaisir, léger et remarié, l’abandonne et le livre à son sort, avec quelle délicatesse il indique ce point douloureux ! […] Rousseau est le premier qui ait forcé tout ce beau monde d’en sortir, et de quitter la grande allée du parc pour la vraie promenade aux champs.

1185. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Je ne prétends point atténuer la gravité des circonstances où se trouve engagé notre pays, et je crois qu’on a besoin en effet de mettre en commun toute son énergie, toute sa prudence et tout son courage pour s’aider et pour l’aider lui-même à en sortir avec honneur. […] « Qui ne me voudra savoir gré, dit-il, de l’ordre, de la douce et muette tranquillité qui a accompagné ma conduite, au moins ne peut-il me priver de la part qui m’en appartient par le titre de ma bonne fortune. » Et il est inépuisable à peindre en expressions vives et légères ce genre de services effectifs et insensibles qu’il croit avoir rendus, bien supérieurs à des actes plus bruyants et plus glorieux : « Ces actions-là ont bien plus de grâce qui échappent de la main de l’ouvrier nonchalamment et sans bruit, et que quelque honnête homme choisit après, et relève de l’ombre pour les pousser en lumière à cause d’elles-mêmes. » Ainsi la fortune servit à souhait Montaigne, et, même dans sa gestion publique, en des conjonctures si difficiles, il n’eut point à démentir sa maxime et sa devise, ni à trop sortir du train de vie qu’il s’était tracé : « Pour moi, je loue une vie glissante, sombre et muette. » Il arriva au terme de sa magistrature, à peu près satisfait de lui-même, ayant fait ce qu’il s’était promis, et en ayant beaucoup plus fait qu’il n’en avait promis aux autres. […] Et, loin de s’abattre et de maudire le sort de l’avoir fait naître en un âge si orageux, il s’en félicite tout à coup : « Sachons gré au sort de nous avoir fait vivre en un siècle non mol, languissant ni oisif. » Puisque la curiosité des sages va chercher dans le passé les confusions des États pour y étudier les secrets de l’histoire et, comme nous dirions, la physiologie du corps social à nu : « Ainsi fait ma curiosité, nous déclare-t-il, que je m’agrée aucunement de voir de mes yeux ce notable spectacle de notre mort publique, ses symptômes et sa forme ; et, puisque je ne la puis retarder, je suis content d’être destiné à y assister et m’en instruire. » Je ne me permettrai pas de proposer à beaucoup de personnes une consolation de ce genre ; la plupart des hommes n’ont pas de ces curiosités héroïques et acharnées, telles qu’en eurent Empédocle et Pline l’Ancien, ces deux curieux intrépides qui allaient droit aux volcans et aux bouleversements de la nature pour les examiner de plus près, au risque de s’y abîmer et d’y périr.

1186. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Petite-fille de l’illustre capitaine d’Aubigné du xvie  siècle, fille d’un père vicieux et déréglé, d’une mère méritante et sage, elle sentit de bonne heure toute la dureté du sort et la bizarrerie de la destinée ; mais elle avait au cœur une goutte du sang généreux de son aïeul, qui lui redonnait de la fierté, et elle n’aurait pas changé sa condition contre une plus heureuse, et qui eût été de qualité moindre. […] J’allais à l’hôtel d’Albret ou à celui de Richelieu, sûre d’y être bien reçue, et d’y trouver mes amis rassemblés, ou bien de les attirer chez moi, en les faisant avertir que je ne sortirais pas. […] dites-moi, s’écriait-elle, si le sort de Jeanne Brindelette d’Avon (quelque petite paysanne) n’est pas préférable au mien ? 

1187. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

     Dès que j’ai vu l’espérance me fuir,      J’ai suspendu ma course volontaire, J’ai dans un sort nouveau pris un nouveau plaisir, Et mon repos forcé devient un doux loisir. […] Et comme le visiteur ne sortait pas assez tôt : « Bonsoir, monsieur ; allez finir votre Défiant. » — « Je vais vous obéir ; mais pardon, mon cher Jean-Jacques, est-ce défiant qu’il faut dire, ou méfiant ? […] En lui conseillant cette noble revanche du sort, Rulhière montrait qu’il était digne d’en embrasser l’idée élevée et de la comprendre.

1188. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

Entendons-nous bien : ne demandons à La Harpe aucune de ces vues supérieures qui sortent de certaines habitudes et de certaines limites, et qui supposent des comparaisons neuves et étendues. […] N’importe ; il est bon que cette première impression se donne, dût-on ensuite la pousser plus loin ; il est bon de se laisser faire avec lui, d’accueillir et de ressentir ce premier jugement, situé, si je puis dire, dans le vrai milieu de la tradition française ; il est bon en un mot d’avoir passé par La Harpe, même quand on doit bientôt en sortir. […] Quand il sortit de prison à cinquante-cinq ans, on le vit plus ardent, plus enflammé que jamais, incandescent comme un jeune homme, ou peut-être déjà comme un vieillard.

1189. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Léonie a seize ans ; orpheline de sa mère, elle a été élevée au couvent ; elle en sort ramenée par son père, M. de Montbreuse, qui va songer à l’établir. […] Elle finit par l’épouser sans qu’Alfred en souffre trop ; et la morale du roman, cette fois excellente, c’est que, « de tous les moyens d’arriver au bonheur, le plus sûr (pour une jeune fille qui sort du couvent) est celui que choisit la prévoyante tendresse d’un père ». […] L’auteur, en y mettant, dès les premières pages, de cette érudition dont on est curieux aujourd’hui, est sorti de son genre et de sa nature.

1190. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Il s’était attaché d’abord à étudier les écrivains français que la Réformation a produits au xvie  siècle, et qui relevaient plus ou moins de Genève ; mais aujourd’hui il sort de ce point de vue qui avait son uniformité un peu triste et sa particularité trop exclusive : son coup d’œil se porte avec plus de liberté et d’étendue sur tout ce qui a parlé ou écrit en français avec quelque distinction en dehors de la France. […] Comme la plupart des ouvrages vrais et qui saisissent le plus la société à leur moment, il ne fut point écrit de propos délibéré : il sortit d’une inspiration naturelle et toute particulière. […] s’écrie saint François de Sales, vous sortirez un jour de ce corps.

1191. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

Tu connais le sort des armes ; la vie des rois n’est pas plus respectée que celle des particuliers. […] Laissez à chacun le soin de démêler sa fusée comme il pourra, et bornez-vous à partager le sort de vos amis, c’est-à-dire d’un petit nombre de personnes. […] Ôtez de devant mes yeux cette épée qui m’éblouit et me blesse. » Frédéric ne se choque point, et à l’étrange boutade du philosophe sauvage il n’oppose que ces mots : « Il veut que je fasse la paix ; le bonhomme ne sait pas la difficulté qu’il y a d’y parvenir, et, s’il connaissait les politiques avec lesquels j’ai affaire, il les trouverait bien autrement intraitables que les philosophes avec lesquels il s’est brouillé. » Aussitôt la paix conclue, Frédéric se fait une joie de revoir son ami le Milord Maréchal, et, quand celui-ci l’a quitté pour retourner en Écosse, il essaye de le rappeler à Postdam par ces paroles où perce cette fois un sourire et un vrai parfum de poésie : « Je finis ma lettre en vous apprenant, mon cher Milord, que mon chèvrefeuille est sorti, que mon sureau va débourgeonner, et que les oies sauvages sont déjà de retour.

1192. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

La poésie comme la science a une racine abstraite ; la science sort de là chef-d’œuvre de métal, de bois, de feu ou d’air, machine, navire, locomotive, aéroscaphe ; la poésie sort de là chef-d’œuvre de chair et d’os, Iliade, Cantique des Cantiques, Romancero, Divine Comédie, Macbeth. […] D’où sort la main de Shakespeare ?

1193. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

Dès le lendemain, le Symbolisme s’effondrait sous le choc des rivalités et de nouvelles sectes allaient sortir de ses ruines. […] Les autres sont : Alcide Guérin, Arthur Bernède, André Lénéka, Louis Le Dauphin, Pierre Devoluy, Marcel Batilliat, Marcel Legay (m’assure-t-on), etc… Le Romanisme L’École romane est le groupe le plus important qui soit sorti de la faillite symboliste. […] C’est une sorte de paradis où l’on n’est admis qu’à la faveur de certaine notoriété, et où l’on se garde bien de gémir sur son sort dans la crainte d’être renvoyé.

1194. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Depuis plus de trente ans, Édelestand du Méril — un bénédictin solitaire — dépense une volonté et une intelligence de premier ordre dans le fossé de l’érudition, dont malheureusement il n’est jamais sorti ; et quand j’écris « malheureusement », je l’écris moins pour lui que pour nous, — les idolâtres de l’esprit, sans aucune conversion possible !  […] Dans cette histoire de la comédie inédite, qui a passé avec les hommes qui la jouaient sans laisser des œuvres après elle, ce n’est ni la comédie ni l’histoire qui m’ont le plus intéressé, mais l’auteur lui-même, cet esprit, confisqué jusqu’ici par la science, doué de tant de forces différentes, et qui, sorti enfin de ses études spéciales, me donne aujourd’hui l’occasion de parler de lui pour la première fois ! […] Mais l’historien impatient de naître, l’historien sortait vite de ces généralités fondamentales, et il recherchait alors les origines de la Comédie, non plus dans une des quatre manifestations nécessaires de l’esprit humain, mais dans les contingences et les différences des sociétés et des civilisations.

1195. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Baudelaire  »

Telle est la moralité, inattendue, involontaire peut-être, mais certaine, qui sortira de ce livre, cruel et osé, dont l’idée a saisi l’imagination d’un artiste. […] C’est un de ces matérialistes raffinés et ambitieux qui ne conçoivent guères qu’une perfection, — la perfection matérielle, — et qui savent parfois la réaliser ; mais, par l’inspiration, il est bien plus profond que son école, et il est descendu si avant dans la sensation, dont cette école ne sort jamais, qu’il a fini par s’y trouver seul, comme un lion d’originalité. […] Quoiqu’il soit sérieux d’apparence, à travers ses notions nombreuses, scientifiquement très affermies, — une littérature sui generis sur les deux substances dont il s’occupe, — à travers enfin les descriptions de l’ivresse, cet abîme qu’il descend marche par marche, s’arrêtant à chaque marche pour la décrire, sous tous ses côtés, le comique sort (est-ce malgré lui ?)

1196. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Je mets ton sort éternel entre tes mains : suis-moi au Calvaire. […] Mon âme est prête à l’accueillir, elle sera ma délivrance… Si je sors de la guerre, avec quelle ardeur je me livrerai à l’apostolat des âmes…. […] Et puis Pâques, résurrection glorieuse…   Ainsi écrit-il, puis il sort de son abri pour son service.

1197. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

Certainement, si quelqu’un était enclin à sortir de l’ancienne route, c’était lui ; car personne n’était plus opposé, de caractère et d’éducation, aux maximes et à l’esprit du dix-huitième siècle. […] Si on l’en croit8, Descartes, Malebranche, Leibnitz, Locke, Hume, Condillac, etc., bref, tous les philosophes modernes, ont admis des idées représentatives, sortes d’êtres interposés entre l’esprit et les objets, ayant de la ressemblance avec les objets, présentant à l’esprit l’image des objets, et fournissant à l’esprit, qui ne peut pas sortir de soi ni apercevoir les objets directement et en eux-mêmes, les moyens de les apercevoir indirectement et dans un portrait. […] Donc, dans la perception extérieure, il y a en nous le simulacre d’un objet extérieur qui paraît réel. — Au sortir d’une perception extérieure, nous conservons la représentation très-exacte, très-claire, très-complète de l’objet perçu.

1198. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Logicien sévère, par nécessité et pour sortir du doute, il trouvait, en cherchant les dépendances mutuelles des questions philosophiques, qu’elles dépendent toutes de la psychologie, et que pour définir le beau, le bien, le vrai, pour conjecturer la cause, l’avenir, le passé, les devoirs et les espérances de l’homme, il faut d’abord observer l’homme. […] Une fois enfermé dans cette enceinte, il ne voulut plus en sortir. […] Il souffrait les reproches des gens pressés qui le blâmaient « de ne point sortir des questions de méthode, et de ne jamais arriver à la science elle-même68. » Il s’en embarrassait peu, croyant qu’après deux mille ans de disputes, cette lenteur est le seul moyen d’établir quelque vérité fixe.

1199. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Par cette méthode, toute spontanée, il apparut aux uns tel qu’un philosophe, aux autres tel qu’un poète, et les clients qui suivirent sa litière sortirent de toutes les régions intellectuelles. […] Mauclair sort toujours vainqueur, et on le vit forcer le symbolisme à ne plus être qu’un système d’allusions, un pont de lianes jeté au-dessus de rien pour relier l’abstrait au concret. […] Cependant, l’énergie acquise, il faut sortir du jardin pour exercer son énergie. […] Mais incapable d’égoïsme même intellectuel, dès qu’il a été assuré d’avoir récolté de bonnes graines, il est sorti pour les semer au hasard du geste. […] Elle se réveille de sa douleur, elle crie ; Tête d’or sort de la mort, se traîne, arrache les clous.

1200. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Comment en sortir ?  […] « Et le général sort, sans avoir rien compris. […] Sur quoi Jorgan sort d’une cachette et nous apprend qu’il se vengera. […] On se dit : « D’où sortent-ils ?  […] Il s’ensuit que nous ne sommes pas sortis de là notablement meilleurs.

1201. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

LIX) au sortir d’une plaidoirie où celui-ci avait été fort applaudi. […] III)  ; et Livilla, sa sœur, ne cessait de plaindre le peuple romain, à qui le sort destinait un pareil maître. […] Avant Vinicius, Appius Silanus avait eu le même sort (Id. ibid. […] , dont César a loué la beauté sans dessein, subit le même sort. […] XII, cap. vi)  : « Comment un prince à peine sorti de sa dix-septième année pourrat-il soutenir un tel fardeau ?

1202. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Nous nous mettons à table, où a été invité Drumont, et poursuivis par les images du chemin, nous nous entretenons de l’amélioration du sort de ces hommes, de l’injustice des trop grosses fortunes. […] Eh bien, ce serait une société dans deux maringotes, s’arrêtant, chaque soir, dans un coin de nature… et là, une causerie sur les plus grands sujets… cela me permettrait d’éjaculer un tas de choses, que j’ai en moi, et que je ne serais pas fâché de voir sortir… Tenez, jeudi, je me suis laissé aller à émettre devant des jeunes, deux ou trois idées, qu’il serait vraiment dommage de laisser perdre. […] La vie de théâtre a cela, qu’elle donne la fièvre à votre cervelle, qu’elle la tient, tout le temps, dans une excitation capiteuse, et qui vous fait craindre, quand vous en serez sorti, que la vie tout tranquillement littéraire du faiseur de livres, paraisse bien vide, bien fade, bien peu remuante. […] Au milieu de clouements à grands coups de marteau, un conciliabule qui n’en finit pas, entre un machiniste, un pompier au casque qui brille, auquel se mêle la voix de la souffleuse, qui a l’air de sortir d’une cave, pendant qu’un décorateur fait un croquis pour retoucher la chambre de Mlle de Varandeuil. […] Mais votre pièce nous a saisis, bouleversés, enthousiasmés, et des jeunes gens qui, comme moi, ne vous connaissaient guère, trois heures avant, et qui n’avaient pour votre art qu’une estime profonde, sont sortis pleins d’une admiration affectueuse pour vous.

1203. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Et dans ce garni, d’étranges déclassés de tous les sexes : une vieille femme de la société, une absintheuse, se mettant sous la peau, dans un jour vingt-deux absinthes, de cette terrible absinthe, colorée avec du sulfate de zinc, une sexagénaire que son fils, avocat à la cour d’appel, n’a jamais pu faire sortir de là ; et qui, d’après la légende du quartier, se serait tué de désespoir et de honte. […] Maintenant du naturalisme, j’ai été le premier à en sortir, et non par l’incitation d’un succès dans un autre genre à côté de moi, mais par ce goût du neuf en littérature qui est en moi. […] L’esquisse, ce serait chez Whistler, une ruée sur la toile : une ou deux heures de fièvre folle, dont sortirait toute construite dans son enveloppe, la chose… Puis alors des séances, des longues séances, où la plupart du temps, le pinceau approche de la toile, le peintre ne posait pas la touche au bout de son pinceau, et le jetait ce pinceau, et en prenait un autre — et quelquefois en trois heures posait une cinquantaine de touches sur la toile — « chaque touche, selon son expression, enlevant un voile à la couverte de l’esquisse ». […] Sur la réponse que je suis sorti, des pleurs lui montent aux yeux, dans l’impossibilité qu’elle a de repasser mercredi. […] Une demoiselle, à laquelle j’ai fait la cour, dans les temps passés, arrivant dans un grand manteau de deuil, de la traîne duquel sortait soudain, un petit prêtre, pareil à ces diablotins jaillissant d’une boîte, qui, un papier à la main, l’étendait sur mon lit, et me faisait signer un mariage in extremis.

1204. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Sortez-nous de vos doutes, et sortez-en vous-même. […] Sors ! […] sors donc de tes langes, brise tes liens, essaye tes forces ! […] Nous n’avons pas de calendrier, personne ne nous écrit : le pire est d’ignorer quand nous en sortirons. […] D’où sort chaque homme, ce petit monde ?

1205. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VIII. Du pathétique »

Dans les sermons de Bossuet et de Bourdaloue, le pathétique sort pour ainsi dire de toutes les mailles d’une argumentation serrée, poussé dehors par la chaude conviction et l’inépuisable charité de l’orateur, sans qu’une seule phrase tende par soi-même à autre chose qu’à prouver.

1206. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 421-422

Tel est le sort ordinaire de ces réputations soufflées par l’esprit de parti, ou par une amitié indiscrette ; elles s’évanouissent aussi promptement qu’elles ont été créées.

1207. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 105-106

Pourquoi donc leur sort est-il si différent ?

1208. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre II. Des tragédies grecques » pp. 95-112

Les comédies rappellent souvent l’état politique de la nation ; mais, dans les tragédies, on peignait sans cesse les malheurs des rois18, on intéressait à leur sort. […] Sous l’empire d’un monarque tel que Louis XIV, sa volonté devait remplacer le sort, et l’on n’osait lui supposer des caprices ; mais dans un pays où le peuple domine, ce qui frappe le plus les esprits, ce sont les bouleversements qui s’opèrent dans les destinées ; c’est la chute rapide et terrible du faîte de la grandeur dans l’abîme de l’adversité.

1209. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XV. Les jeunes maîtres du roman : Paul Hervieu, Alfred Capus, Jules Renard » pp. 181-195

Entre ces quelques-uns, il en sortira bien deux ou trois qui demain, ou dans un an, ou dans dix ans, donneront le la aux snobs, aux précieux snobs qui répercutent pour les naïfs les goûts des intelligents… M.  […] On nous conte ses petits malheurs, et une tristesse en sort d’autant plus vive que Poil de Carotte est plus philosophe, d’une résignation précoce qui désole : « Tout le monde ne peut pas être orphelin. » Le mal n’est pas d’avoir les oreilles tirées ; c’est, tout jeune, de n’apprendre pas l’art d’espérer qui est tout l’art de vivre.

1210. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXIV. Conférence sur la conférence » pp. 291-305

Muni d’une bonne bibliothèque, il s’instruisait, avant que de sortir, d’anecdotes variées relatives à l’histoire de son auteur. […] Au sortir d’une conférence, nul ne songera à se dire fortifié ni même édifié, il se sera ou non amusé.

1211. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 272-292

Elle apprend, en un mot, à respecter la Religion, à écouter la voix de la belle Nature, à aimer son pere, sa patrie, à être citoyen, ami, malheureux, esclave même, si le sort le veut. […] Son grand principe, d’après la Religion chrétienne, est de rappeler tous les hommes à la concorde & à l’union, d’établir entre eux une correspondance de secours mutuels, d’émouvoir tous les cœurs en faveur de l’humanité, & de les intéresser au sort des malheureux, de quelque Nation qu’ils soient.

1212. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau, et Joseph Saurin. » pp. 28-46

Les suivans, matière du procès, sembloient ne pouvoir être sortis que de la même main. […] Cependant le public, sensible au sort des malheureux, commence à le plaindre.

1213. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre III : Le problème religieux »

Le déiste ne ressemble pas mal à un philosophe qui se contenterait de démontrer l’existence du beau, mais qui ne serait jamais sorti de son cabinet pour contempler les beautés de la nature et de l’art. […] Quel centre plus naturel d’union que cette antique Église dont nous sommes sortis, et qu’aiment toujours du fond du cœur ceux qui en sont le plus séparés ?

1214. (1757) Réflexions sur le goût

Si la sage timidité de la physique moderne a trouvé des contradicteurs, est-il surprenant que la hardiesse des nouveaux littérateurs ait eu le même sort ? […] Ainsi, sur une impression confuse et machinale, ou bien on établira de faux principes dégoût, ou, ce qui n’est pas moins dangereux, on érigera en principe ce qui est en soi purement arbitraire ; on rétrécira les bornes de l’art, et on prescrira des limites à nos plaisirs, parce qu’on n’en voudra que d’une seule espèce et dans un seul genre ; on tracera autour du talent un cercle étroit dont on ne lui permettra pas de sortir.

1215. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre X. Mme A. Craven »

Les livres qu’elle n’aurait jamais dû écrire et qu’elle se plaît à multiplier, font un grand contraste avec le premier qui lui sortit de l’âme comme un cri, et l’Académie n’avait pas besoin d’être émue pour les couronner. […] C’est un livre qui rappelle les romans qu’on écrivait il y a soixante ans, et auxquels le terre n’est pas légère, car elle pèse assez sur eux pour qu’ils n’en sortent pas, et qu’ils soient parfaitement oubliés… Afin de ne pas imiter Mme Sand, l’auteur d’Indiana et de Valentine, ces décrépites à la vieillesse affreuse, et qui aura prochainement le même sert, Mme Craven a sauté par-dessus jusqu’à Mme de Montolieu.

1216. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Tallemant des Réaux »

Sans l’histoire, en effet, sans l’intérêt de la vérité historique, qui, comme le blé, sort souvent du fumier le plus infect, il n’y aurait guères à reprendre aujourd’hui le livre de Tallemant des Réaux. […] Sa publication rentre dans les bonnes et anciennes traditions de la typographie ; et quand, au lieu de ce vieux archiviste des malpropretés du xviie siècle, il nous donnera quelque beau livre tombé en oubliance, comme, par exemple, la magnifique Histoire de Louis XI du grand Mathieu, ce chef-d’œuvre qui fait chrysalide pour la gloire dans la poussière des bibliothèques, d’où il faudrait le faire sortir, nous applaudirons de toute la force de notre plume.

1217. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Ch.-L. Livet »

Il oublie cela, et il la fait sortir, cette conversation, cette gloire française (comme s’il y avait une conversation française), de cette précieuse, accorte dans les riens et trônant dans le vide au milieu de ces poètes parasites, domestiques et faméliques, d’entre le bichon et la perruche, d’entre le tabouret et le perchoir. […] Les grands hommes qui donnèrent à la langue de Louis XIV, je ne dis pas son caractère définitif, — car une langue ne finit jamais que quand on ne la parle plus, — mais les chefs-d’œuvre qui l’assirent et la posèrent dans sa majesté, sont sortis des grands écrivains du xvie  siècle, qui en a de si grands, et non pas des précieuses, ces bréhaignes, qui ont tué des poètes, mais qui n’en ont jamais fait un.

1218. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

Que peut-on croire, en effet, de la vérité de ses conclusions historiques quand on se rappelle qu’entre dans des idées nouvelles au moment où il allait sortir de la vie, il se proposait de reconstruire, de fond en comble, l’édifice qu’on nous avait donné, depuis tant d’années, comme un monument inébranlable ? […] C’était si bien la vie normale et non exceptionnelle, que le mouvement si spontané des croisades, régulières et organiques, en est sorti.

1219. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme au XVIIIe siècle » pp. 309-323

Très modernes, et fous de son art, ils en avaient l’idolâtrie, et de leur livre il sortait clairement un xviiie  siècle plus grand que la réalité. […] ces jeunes gens, qu’aucun système, à cette époque, n’avait faussés, ambitionnaient encore l’aperçu qui sort des faits et qui, retombant sur eux comme une gerbe de lumière, les illumine.

1220. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

Il n’ose pas le dire, mais il n’ose pas dire non plus que c’est l’œuvre des républicains… II Telles sont les pitoyables idées de cette introduction, dont il faut sortir au plus vite, et qui déshonore le seuil de ce livre, qu’on ne lira peut-être plus une fois qu’on aura lu cette introduction. […] Et quant à Lamartine, cet idéal du Citoyen, placé en contraste des trois autres dans toute la perfection de son personnage à la fin du livre de Pelletan, Lamartine, dont Pelletan est sorti comme les Méditations, — mais j’aime mieux les Méditations, — Pelletan s’en regarde trop comme la géniture pour ne pas se croire parricide s’il convenait d’une seule des erreurs de ce grand génie de poète égaré.

1221. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Benjamin Constant »

Dès le premier jour, il en sortit foudroyé… D’un seul regard elle lui avait passé la chemise de Nessus ! […] Votre influence sur mon sort n’est pas méconnaissable.

1222. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VII. Vera »

Vera, dans des notes d’une transparence profonde et, selon moi, bien supérieures au texte de sa traduction, s’est efforcé à nouveau de dégager cette chétive lueur, si c’en est une, qui a tant de peine à sortir de la langue obscure et rétractée d’Hegel… Eh bien ! […] Elle sort de Kant et respecte son père.

1223. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVIII. M. Flourens »

Descartes a toujours fait des efforts enragés pour sortir du moi et il y est resté. Moins heureux que le renard de la fable, il n’a pas trouvé d’échine de bouc pour s’aider à sortir du puits dans lequel il était descendu et qui n’est pas le puits de la vérité.

1224. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Jules Soury. Jésus et les Évangiles » pp. 251-264

Soury est un Romain contre les Juifs et contre les chrétiens qui sont sortis des Juifs, et parce qu’ils sont sortis des Juifs et quoique le cordon ombilical qui unissait le Christianisme au Judaïsme ait été coupé par le plus épouvantable et le plus irrémissible des crimes.

1225. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Matter. Swedenborg » pp. 265-280

Et cette poésie, d’une originalité incomparable, à laquelle il ne manque que le rythme pour être, dans tous les sens du mot, le plus beau poème qui soit jamais sorti d’un cerveau humain, ternit et effaça d’un trait, à force de lumière et d’idéale beauté, ces inventions de Swedenborg, d’une ingéniosité bizarre, mais qui par le relief, la couleur, le détail, — tout ce qui constitue la poésie, — n’étaient guères, en somme, que les souvenirs déteints de la littérature biblique ou chrétienne. […] Il entra tout à coup de plain-pied, — tranquillement, — sans combat, et comme s’il se fût agi de l’évolution la plus simple, dans le monde extraordinaire dont il n’est plus sorti et qui a fait de lui la curiosité et l’énigme de l’Europe.

1226. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Athanase Renard. Les Philosophes et la Philosophie » pp. 431-446

Physiologiste donc avant tout et d’étude première, ce qui l’a d’abord frappé, c’est le vice de l’École de Médecine d’où il est sorti, et qui n’a cessé, depuis le commencement de ce siècle, de vouloir justifier scientifiquement la misérable idéologie de l’Encyclopédie, qui, sans cette École, n’eût pas eu de portée ; car, ainsi que l’a dit le Dr Athanase Renard dans un éclair : « Le Matérialisme n’est pas français. » Il vient de Bacon et de Locke. […] , qu’il ne lui est plus possible d’en sortir jamais, — soit pour aller aux hommes, soit pour aller à Dieu (le chemin manque), — et qu’il n’est plus capable d’inventer un criterium absolu et universel, comme doit être tout criterium de vérité.

1227. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

Si l’on osait parler d’originalité à propos d’un livre qui est bien plus une action sacerdotale qu’autre chose, on dirait que, parmi tous les livres, histoires et biographies dont nous sommes recrus sur le xviie  siècle, celui-ci a changé tout ce qu’on connaît, en éclairant l’histoire de la divine lumière qui sort de saint Vincent de Paul. […] Étendre par terre la vieille soutane de Vincent de Paul, qu’on trouve assez touchante, et dire à l’abbé Maynard : « Voilà votre cercle de Popilius ; plantez-vous là, mais ne sortez pas de ce bout de soutane ! 

1228. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Victor Cousin »

C’est l’homme des faits de conscience, le psychologue sorti de Descartes, et qui, sans Descartes, n’existerait pas. […] Il a toujours fait d’elle quelque chose qui sortait du rôle intérieur, placide, intellectuel, désintéressé (et surtout désintéressé), qui est l’auguste prétention séculaire de la philosophie.

1229. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

Depuis le sort des enfants morts sans le baptême, et le dogme : Hors de l’Église, pas de salut !  […] Il dit les tristes variations des corps savants sur ce sujet, et, mêlant la polémique à l’histoire, séparant, dans la question magnétique, l’agent mystérieux confondu tous les jours avec le fluide qu’il emploie, il marque l’agent magnétique du double caractère de la fascination et de la surintelligence, et fait alors sortir la notion catholique de l’observation de tous les faits.

1230. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gustave Rousselot  »

Est-il sorti de là, Gustave Rousselot, le poète ? […] La Critique, qu’il brave, et qui voudrait le voir sorti de ce fatras d’idées fausses dans lesquelles il galvaude un bel enthousiasme, peut lui dire avec mansuétude : Vous seriez un fameux Jocrisse si vous n’étiez pas un poète.

1231. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Théodore de Banville »

l’homme des Idylles prussiennes est sorti de l’homme des Odes funambulesques ! […] Il y a une Muse qui ne descend pas du ciel, celle-là, mais qui sort du sang de la France et vient mettre sa pâle, main divine et blessée sur l’épaule rose divine d’une autre Muse invulnérable.

1232. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

Fais énergiquement ta longue et lourde tâche Dans la voie où le sort a voulu t’appeler, Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler. » Et cette magnifique implacabilité d’idée devant une destinée implacable, cette revanche sublime du vaincu contre son vainqueur par l’inflexibilité de l’attitude, cette glorification du silence, si neuve dans la bouche d’un poète, — un oiseau chanteur ! […] Elles ne révèlent pas un de Vigny — Zénon inconnu et sorti du de Vigny — Coleridge et Milton des premières années.

1233. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIV. Siècles de barbarie. Renaissance des lettres. Éloges composés en latin moderne, dans le seizième et le dix-septième siècles. »

Dès qu’elle sortit de l’enfance, chaque année de son règne fut marquée par un éloge ; et, après son abdication même60, elle conserva des panégyristes quand elle n’eut plus de courtisans. […] L’éloquence et les discours de ces temps-là étaient donc bien loin d’avoir cette rudesse originale et forte, qu’il semblerait qu’on dut attendre au sortir des siècles de barbarie.

1234. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

Les oraisons funèbres de madame de Montausier, de la duchesse d’Aiguillon et de la dauphine de Bavière, ne pouvant offrir des événements, offrent une foule d’idées morales qui en sortent et qui les embellissent. […] Il y a des mots qui disent plus que vingt pages, et des faits qui sont au-dessus de l’art de tous les orateurs ; par exemple, le mot de Saint-Hilaire à son fils : Ce n’est pas moi qu’il faut pleurer, c’est ce grand homme  ; et ce trait du fermier de Champagne qui vint demander la résiliation de son bail, parce que, Turenne mort, il croyait qu’on ne pouvait plus ni semer, ni moissonner en sûreté ; et cette réponse, si grande et si simple, à un homme qui lui demandait comment il avait perdu la bataille de Rhétel, par ma faute  ; et cette lettre qu’il écrivit au sortir d’une victoire : « Les ennemis sont venus nous attaquer, nous les avons battus ; Dieu en soit loué.

1235. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

L’abbé Sieyès, devenu depuis l’apôtre un peu ténébreux de la révolution française, roulait déjà dans sa pensée les vérités et les nuages d’où devaient sortir les éclairs et les foudres de l’Assemblée constituante. […] Saisi plus qu’un autre de l’enthousiasme des nouveautés, toutes les fois que les nouveautés semblaient promettre une amélioration du sort du peuple, il sentait la nécessité et la gloire du sacrifice volontaire dans les classes privilégiées ; pressé de s’immoler lui-même, au nom de cette aristocratie dont il était le chef, ce fut lui qui monta à la tribune pour demander l’abolition de la noblesse ; il y avait prévoyance et générosité dans cette initiative, il n’y avait qu’un crime contre la vanité. […] L’anxiété de sa situation, la pensée de l’honneur de son nom compromis, la ruine possible de tant de personnes dont le sort dépendait du sien, c’étaient là des tortures que son excellente et faible nature n’était pas capable de surmonter ; il était anéanti. […] Quel sort pourrait être comparé à celui de l’homme que vous aimerez ?  […] Récamier, vieilli et toujours tendre, pouvait d’autant moins être ainsi répudié que son sort était maintenant tout entier dans ce titre d’époux d’une femme célèbre et européenne : c’était répudier la reconnaissance, le malheur et la vieillesse.

1236. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Pour Bossuet, tout est obscur, douteux, fragile sans la foi : par la foi, l’univers, la vie, la morale deviennent intelligibles ; de la foi sortent la clarté, la certitude. […] Au lieu de s’étonner que ce prêtre n’ait pas pensé comme un athée, il vaut mieux remarquer combien sa pensée a su garder de largeur et de liberté sans sortir de l’orthodoxie, et que nulle vérité ne lui a fait peur. […] Bossuet n’a raconté l’histoire du protestantisme que pour en faire sortir cette démonstration : de là les lacunes de son histoire, et le mélange continuel de la discussion à la narration. […] De la mort sort la tendresse émue, la triste sympathie qui s’étendent sur les choses éphémères ; de la Providence, la confiance robuste et joyeuse, l’optimisme définitif, dont il regarde tant de misères et de bassesses, qui sont la vie et qui sont l’homme. […] Il développait de belles périodes, avec une exubérance cicéronienne : le malheur était qu’une fois entré dans un tour, il n’en sortait plus, il le représentait avec insistance, jetant toutes ses phrases dans le moule qu’il avait d’abord choisi.

1237. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

De cet amour éphémère, si vite rompu par la mort, et des états de sensibilité qu’il détermina, sortit le recueil des Premières Méditations 750 (1820). […] Ici Lamartine a voulu peindre : il a prodigué les couleurs, et ses descriptions pourtant ne sortent pas. […] La composition est sévère, de proportions très calculées, de coupe et déstructuré soigneusement étudiées ; le développement est d’une sobriété puissante : les images, choisies, précises, fortes, sortent en pleine lumière ; Vigny a l’expression pittoresque, qui dessine de vastes paysages avec ampleur et netteté : voyez-le nous mener au haut d’une montagne d’où Les grands pays muets longuement s’étendront. […] Des « mots de tous les jours » notent délicatement d’originales émotions ; au hasard de la causerie sortent spontanément des profondeurs de l’âme toutes sortes d’images des choses, fraîches et comme encore parfumées de réalité : une physionomie d’homme, une scène de la vie, un aspect de la nature, mille formes apparaissent ainsi, en pleine lumière, sobrement indiquées, d’un trait à la fois large et précis. […] D’autre part, son exactitude de peintre ou de graveur l’a fait sortir du romantisme : il a renoncé au lyrisme subjectif pour s’asservir à l’objet, au modèle.

1238. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Ils ne peuvent pas plus nous apprendre quelle est la tendance de l’esprit humain, quel germe de progrès l’Humanité porte actuellement dans son sein, quels désirs la tourmentent, quel est son sort aujourd’hui, quel sera son lendemain, que ne le feraient des chants grecs ou illyriens. Nous dire cela ne peut être réservé qu’à des poètes sortis directement des trois grands peuples qui se pressent l’un contre l’autre au centre de l’Humanité, la France, l’Allemagne et l’Angleterre ; qu’à des poètes qui auront porté avec douleur les graves pensées de notre âge ; qu’à des poètes qui auront senti l’impulsion des philosophes du Dix-Huitième Siècle, ces prédécesseurs des poètes actuels ; qu’à des poètes, enfin, qui nous montreront leur ligne de parenté avec Rousseau, Diderot et Voltaire, la Révolution Française et Napoléon, soit qu’ils se soient mis en lutte ouverte ou qu’ils vivent en harmonie avec tous ou quelques-uns de ces grands colosses qui avaient dernièrement en eux la vie du monde, et qui, glacés dans leur tombeau, tiennent encore en main le sceptre de l’avenir. […] Ainsi, suivant ton caprice, tantôt tu vois les âmes sortir des corps avec des ailes d’or comme les séraphins ; tantôt, comme les mânes des anciens, ce sont de tristes fantômes, des ombres du corps attachées comme lui à la terre ; et, devant l’ombre silencieuse de ton Napoléon, passent et repassent sans cesse les ombres silencieuses de ses capitaines. […] Seulement l’une, la poésie que nous appelons Byronienne, sort des entrailles mêmes de la société actuelle, si je puis m’exprimer ainsi ; elle découle naturellement de la Philosophie du Dix-Huitième Siècle et de la Révolution Française ; elle est le produit le plus vivant d’une ère de crise et de renouvellement, où tout a dû être mis en doute, parce que, sur les ruines du passé, l’Humanité va commencer l’édification d’un monde nouveau ; tandis que l’autre, bien que progressive en ce qu’elle révèle le même besoin par son retour au Christianisme, est pour ainsi dire l’inspiration du passé voulant vivre dans le présent, le résultat d’une reprise momentanée de l’ancien ordre social et religieux dont l’Humanité, inquiète et reculant d’effroi devant l’enfantement de ses destinées nouvelles, s’est donné à elle-même une représentation avant de le délaisser à jamais : ainsi les Juifs dans le désert, marchant vers la terre promise, recommencèrent un jour à adorer les dieux d’Égypte. […] Voltaire n’est pas poète quand, pour peindre l’amour, il emploie tous les termes abstraits ou toutes les métaphores usées du dictionnaire ; mais l’auteur du Cantique des Cantiques, dont Voltaire se moquait, est poète quand il compare les dents de sa maîtresse à de petits moutons blancs qui sortent en rang du lavoir.

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