Sainte-Beuve était loin, sans doute, de se croire aussi bon prophète, quand, quelques pages plus loin, dans l’étude ci-dessus (page 272), à propos de l’édition moderne de l’Art poétique de ce même Vauquelin, par M.
⁂ Nous adressons donc, à tous nos maîtres de la Marine et de la Faculté, ce premier remercîment : de nous avoir ouvert la voie intellectuelle la plus féconde et la plus vraie, cet Art Médical dont le champ s’élargit tous les jours.
Sainte-Beuve Son rôle eût été, si ses vers avaient su se rassembler et se publier alors, de reproduire avec un art achevé, et même superstitieux, de jolis ou grotesques sujets du moyen âge finissant de nous rendre quelques-uns de ces joyaux, j’imagine, comme les Suisses en trouvèrent à Morat dans le butin de Charles le Téméraire.
Mais je suis convaincu que ce volume sera, pour les intéressés d’art, une heureuse surprise.
Leur probité prononce l’éviction des autres arts de la poésie.
Il a voulu qu’on devinât le joyeux garçon à côté du rêveur et le buveur auprès de l’amant… Comme art, le poème de M.
Paul Redonnel donne l’ensemble de son œuvre ; et son œuvre résulte entièrement et exclusivement de sa vie, de son humanité ; c’est un livre souffert, livre d’art et de vie.
[La Revue d’art dramatique (juin 1900).]
Léon de Wailly L’intention, qui est presque tout dans l’ordre moral, ne compte pour rien dans l’ordre intellectuel ; l’art ne s’occupe que des résultats obtenus.
Son Ovide Chrétien est dans le même goût ; tout y change de face : les Héroïdes sont des Lettres pieuses ; les Fastes, les six jours de la création ; les Tristes, les Lamentations de Jérémie ; un Poëme sur l’amour de Dieu, remplace celui de l’Art d’aimer, l’Histoire de quelques Conversions tient lieu des Métamorphoses.
Cailhava, & donne de lui les plus grandes espérances : les scenes y sont filées avec art, la versification en est simple & facile ; l’on y remarque, comme dans le Tuteur dupé, le ton de la bonne Comédie.
Corneille avoit élevé le cœur de l’homme, Racine l’avoit attendri, Crébillon y a répandu cette terreur, un des plus grands & peut-être le premier ressort de l’art de Melpomene.
Les avantages que les Sciences, les Belles-Lettres & les Arts procurent à notre Royaume, nous invitent à ne négliger aucun des moyens qui peuvent contribuer à leur maintien & à leurs progrès.
Pour y parvenir, il doit plaire, il doit prouver, il doit toucher ; car il ne peut rien obtenir de l’Auditeur ou du Lecteur, que par l’art de s’attirer sa bienveillance par la force des raisons, & par le trouble où il le jette : le dernier point, le plus difficile sans doute, mais le plus infaillible, & sans lequel il n’y a point de véritable éloquence évangélique, est précisément celui qui nous paroît manquer à M. l’Abbé Poule.
C'est pourquoi, sans négliger les événemens principaux, il s'est attaché, dans son Histoire de France, à suivre l'Esprit humain dans sa marche, à développer les progrès successifs des vices & des vertus, les changemens opérés dans le caractere & les usages de la Nation, les principes de nos libertés, les sources de la Jurisprudence, l'origine des grandes dignités, l'institution des divers Tribunaux, l'établissement des Ordres Religieux & Militaires, l'invention des Arts, & tout ce qui peut avoir rapport à ceux qui les ont cultivés & perfectionnés.
Des Livres sur l’Art Militaire & sur les sciences qui y ont rapport, 370 §.
Les instruments y sont disposés avec goût ; il y a dans ce désordre qui les entasse une sorte de verve ; les effets de l’art y sont préparés à ravir, tout y est pour la forme et pour la couleur de la plus grande vérité.
Virgile ne s’est pas même contenté de ces images répanduës avec un art infini dans tout l’ouvrage.
Une main invisible m’a conduit des montagnes du Vivarais au faîte des honneurs ; laissons-la faire, elle saura me conduire à un état honorable et tranquille ; et puis, pour mes menus plaisirs, je dois, selon l’ordre de la nature, être l’électeur de trois ou quatre papes, et revoir souvent cette partie du monde qui a été le berceau de tous les arts. […] Les écrivains se moquent quelquefois de cette bonne compagnie avant d’y être admis, mais il est bien rare qu’ils en saisissent le ton ; or, ce ton n’est autre chose que « l’art de ne blesser aucune bienséance ». […] Tout ce qui est dû à la nation française et à son roi rejaillit sur sa personne par l’art avec lequel il le leur fait rendre.
L’ouvrage des Considérations sur l’esprit et les mœurs est bien composé ; il l’est en apparence au hasard et comme un jardin anglais ; ce sont des pensées, des analyses morales, relevées de temps en temps par des descriptions, des portraits ; animées en deux endroits par des dialogues, par des fragments de lettres : l’ensemble de la lecture est d’une variété agréable et d’un art libre que Duclos dans son livre n’a point connu. […] Parmi les morceaux les plus distingués du livre, je compte le Fragment de lettre d’une femme qui a substitué avec préméditation la vanité au sentiment, et qui, dans l’art de la vie, ne fait entrer comme principe dominant que l’amour-propre et le plaisir de briller : elle se raconte à une amie et expose son système complet de domination, son code de Machiavel. […] Quoique l’auteur ait dit dans une note que ce portrait est le seul qui s’applique réellement à une personne déterminée, je ne saurais croire que le portrait d’Ismène ou de la beauté sans prétention, à qui il n’a manqué pour être célèbre que de mettre enseigne de beauté ; que celui de Glycère, la femme à la mode, et qui « s’est fait jolie femme il y a vingt ans sans beauté, comme on se constitue homme d’esprit sans esprit, avec un peu d’art et beaucoup de hardiesse » ; — je ne puis croire que le portrait d’Herminie si entourée, si pressée d’adorateurs, si habile à les tenir l’un par l’autre en échec, et qui n’aime mystérieusement qu’un seul homme sans esprit, sans figure, qui n’est plus jeune, qui se porte très bien toutefois, et qui est… son mari ; — que le portrait d’Elvire, la femme de cinquante ans, qui s’avise soudainement d’un moyen de se rajeunir en s’attachant à un homme de soixante-quinze ; — que tous ces portraits si nets et si distincts n’aient pas eu leur application dans le monde d’alors.
Il aime le luxe à cause qu’il idolâtre les arts, étant poète, bel esprit et homme de goût ; il n’est pas fait pour se ravaler aux choses communes et éloignées des excès. […] Il y avait dans Montesquieu une partie d’art à laquelle d’Argenson était peu sensible : il était fort choqué au contraire des conjectures hasardées et trop générales, des raisonnements incomplets et qui n’allaient pas jusqu’au bout ; il ne tenait pas assez compte de l’élément historique que Montesquieu respectait en toute rencontre et mettait en relief avec tant d’éclat ; ce qui l’a conduit à dire, après une seconde lecture du livre des Considérations sur la grandeur et la décadence des Romains : Septembre 1754. — Lu pour la seconde fois. […] Ce n’est point l’art ni la difficulté surmontée que je cherche et j’admire.
Voici ce portrait, cette sortie contre les gens non initiés au bel art d’aimer, misanthropes ou loups-garous, d’une vie sordide, égoïste et farouche ; cela sent son Rabelais, et, à l’avance, son Regnier : « Et qui est celui des hommes, s’écrie-t-il, qui ne prenne plaisir ou d’aimer ou d’être aimé ? […] Il fait inventer les modes, la nouveauté et l’élégance dans les costumes ; il apprend aux femmes l’art de se bien mettre : « Et que dirons-nous des femmes, l’habit desquelles et l’ornement de corps dont elles usent est fait pour plaire, si jamais rien fut fait ? […] Genty a fait réimprimer aussi l’Art Poétique de Vauquelin de La Fresnaye.
On sent à quelques éclairs lumineux combien il n’a manqué à cette exquise intelligence qu’un peu de recueillement et d’étude pour tout entendre des arts, de la littérature proprement dite, de tout ce qui constitue une culture accomplie. […] L’art n’y est pour rien, mais les premières et douces croyances font que j’adore leurs voiles raides doublés de rose et leurs immobiles couronnes de fleurs d’une batiste si ferme que tous les orages du monde n’en feraient pas bouger une feuille. — J’ai à vous faire le récit d’un cabinet de peinture où nous avons pénétré hier, chez le duc d’Aremberg. […] » Et qui a connu Mme Valmore en ces longues années d’épreuves, qui l’a visitée dans ces humbles et étroits logements où elle avait tant de peine à rassembler ses débris, qui l’y a vue polie, aisée, accueillante, hospitalière même, donnant à tout un air de propreté et d’art, cachant ses pleurs sous une grâce naturelle et y mêlant des éclairs de gaieté, brave et vaillante nature entre les plus délicates et les plus sensitives, qui l’a vue ainsi et qui lira ce qui précède se prendra encore plus à l’admirer et à l’aimer.
» La campagne d’Iéna, comme celle d’Ulm, « devait servir de modèle un jour pour apprendre aux généraux l’art de réunir à propos leurs forces, et de les diviser ensuite quand elles ont frappé : je dis modèle, si tant est qu’il y en ait à pareil jeu ; car tout jeu savant suppose le joueur, tout art suppose essentiellement l’artiste ; et la variété, la nouveauté dans l’application, qui se différencie et recommence sans cesse à chaque cas imprévu, c’est l’habileté souveraine, c’est le génie35. […] Homme de l’art avant tout, Jomini ne pouvait retenir son impression sur la partie qu’il voyait engagée sous ses yeux, qu’il aurait voulu jouer, et dont il appréciait chaque coup à sa valeur : un coup de maître le transportait ; un coup de mazette le faisait souffrir.
Aux soi-disant poëtes de son époque qui dépensaient leurs rimes sur des descriptions, des tragédies ou des épopées, toutes de convention et d’artifice, Saint-Martin fait honte de ce matérialisme de l’art : Mais voyez à quel point va votre inconséquence ! […] Un jour, c’était au temps des oisives années, Aux dernières saisons, de poésie ornées Et d’art, avant l’orage où tout s’est dispersé, Et dont le vaste flot, quoique rapetissé, Avec les rois déchus, les trônes à la nage, A pour longtemps noyé plus d’un secret ombrage, Silencieux bosquets mal à propos rêvés, Terrasses et balcons, tous les lieux réservés, Tout ce Delta d’hier, ingénieux asile, Qu’on devait à quinze ans d’une onde plus facile ! […] Si, en effet, Lamartine resta tout à fait étranger au travail de style et d’art qui préoccupait alors quelques poëtes, il ne restait nullement insensible aux prodigieux résultats qu’il en admirait chez son jeune et constant ami, Victor Hugo ; son génie facile saisit à l’instant même plusieurs secrets que sa négligence avait ignorés jusque-là.
La chose littéraire (à comprendre particulièrement sous ce nom l’ensemble des productions d’imagination et d’art) semble de plus en plus compromise, et par sa faute. […] Chaque époque a sa folie et son ridicule ; en littérature nous avons déjà assisté (et trop aidé peut-être) à bien des manies ; le démon de l’élégie, du désespoir, a eu son temps ; l’art pur a eu son culte, sa mysticité ; mais voici que le masque change ; l’industrie pénètre dans le rêve et le fait à son image, tout en se faisant fantastique comme lui ; le démon de la propriété littéraire monte les têtes, et paraît constituer chez quelques-uns une vraie maladie pindarique, une danse de saint Guy curieuse à décrire. […] « Certes, si la France exerce une prépondérance si incontestable et si transcendante en Europe, elle le doit à dix ou douze hommes éminents, hommes d’art, d’intelligence, de poésie et de cœur…, parmi lesquels je suis. » Voilà le début nouveau de toute complainte : c’est à son de trompe qu’on entonne désormais sa pétition ; j’aimais mieux le flageolet de Marot.
M. de Maistre a beaucoup plus peut-être réfléchi et raisonné sur celui des deux arts auquel il ne doit pas sa gloire : il manie l’autre sans tant d’étude et d’analyse des couleurs. […] L’auteur du Lépreux, de la Jeune Sibérienne et des Prisonniers du Caucase a, sans doute, bien moins de couleur, de relief et de burin, bien moins d’art, en un mot, que l’auteur de la Prise d’une redoute ou de Matteo Falcone, mais il est également parfait en son genre, il a surtout du naïf et de l’humain. […] » — Mais pour saisir ces choses véritables, comme M. de Maistre l’a fait dans son récit, pour n’en pas suivre un seul côté seulement, celui de la foi fervente qui se confie et de l’héroïsme ingénu qui s’ignore, pour y joindre, chemin faisant et sans disparate, quelques traits plus égayés ou aussi la vue de la nature maligne et des petitesses du cœur, pour ne rien oublier, pour tout fondre, pour tout offrir dans une émotion bienfaisante, il faut un talent bien particulier, un art d’autant plus exquis qu’il est plus caché, et qu’on ne sait en définitive si, lui aussi, il ne s’ignore pas lui-même.
Elles ne valent que par l’emploi et non par l’essence. » Combien, dans une académie, de ces savants par art, qui ne valent que par l’emploi, qui ne sont ni originaux, ni inventeurs, qui ont tout appris, même l’esprit ! […] Dégager de notre Académie des Inscriptions les savants par essence des savants par art et même sans art, serait chose plus amusante qu’on ne croit.
Très proche encore des chansons de geste, il en a le ton, les formules, la couleur : mais, à l’exemple des traducteurs du faux Turpin, il allège le genre du poids inutile des rimes, simple embarras quand elles ne sont pas moyen d’art et forme de poésie ; d’autre part, suivant les premiers narrateurs des croisades, et plus rigoureux qu’eux encore, il saisit les événements avant toute déformation, tels que ses yeux, et non son imagination, les lui donnent : enfin, de la même épopée qui achevait en ce temps-là de dégénérer en roman, il dégage définitivement l’histoire. […] Aussi ce soldat « qui ne mentit jamais », est-il souvent à demi sincère : il sait l’art de ne pas faire connaître la vérité sans rien articuler de faux. […] Nul art ne vaut mieux que ce naturel, et c’est de pareilles sensations qu’un autre Champenois, quatre siècles plus tard, fera l’étoffe de sa poésie : Joinville a ce qui manque aux auteurs de fabliaux, pour annoncer La Fontaine.
Je veux dire la mesure : la délicatesse et la sobriété dans la plaisanterie, l’art de conter, et de faire avec rien une œuvre exquise. […] Mais c’est aussi la même vivacité de récit, la même aisance de dialogue, le même art de railler, et la même ironie qui circule à travers le roman, pétille et déborde comme une mousse légère. […] L’ouvrage est devenu ainsi de jour en jour davantage quelque chose de plus que l’épopée de Renart, l’apothéose de renardie : et renardie, c’est l’esprit au service de l’égoïsme, c’est pis encore, c’est l’esprit faisant de la « malfaisance » un art, et se faisant gloire de n’être jamais court d’invention pour procurer le mal d’autrui.
N’étudier l’histoire que pour les leçons de morale ou de sagesse pratique qui en découlent, c’est renouveler la plaisante théorie de ces mauvais interprètes d’Aristote qui donnaient pour but à l’art dramatique de guérir les passions qu’il met en scène. […] La combinaison est aussi impuissante à reconstruire les œuvres de l’instinct que l’art à imiter le travail aveugle de l’insecte qui tisse sa toile ou construit ses alvéoles. […] La politique, c’est-à-dire la manière de gouverner l’humanité comme une machine, disparaîtra en tant qu’art spécial, aussitôt que l’humanité cessera d’être une machine.
La décadence n’a lieu que selon les esprits étroits qui se tiennent obstinément à un même point de vue en littérature, en art, en philosophie, en science. […] L’art, la littérature, l’éloquence ne sont vrais qu’en tant qu’ils ne sont pas des formes vides, mais qu’ils servent et expriment une cause humaine. […] Il faut, par conséquent, concevoir la possibilité d’associer la philosophie et la culture d’esprit à un art mécanique.
Madame Gros, institutrice libre à Lyon, est peut-être la personne de notre temps qui possède le mieux l’art exquis de faire vibrer, par une sorte de savant coup d’archet, le sentiment moral non encore éveillé. […] Le naturel, l’élan de cœur, la vivacité, l’entraînement, un esprit prodigieusement inventif, joint à une fermeté à toute épreuve, font de madame Gros un exemple unique peut-être de l’art d’exprimer au peuple dans son langage les plus hauts sentiments. […] Ce fut l’art de tous les grands initiateurs.
L’art lui devient suspect ; tout ce qui brille lui semble mauvais ; les grands mouvements comme le grand éclat sont proscrits. […] Aux catholiques l’habitude de s’adresser à l’imagination ; le goût des pompes théâtrales et des arts qui parlent aux yeux ; un style volontiers sensuel, coloré, voluptueux. […] Une crainte de l’art dramatique, si puissante et si durable, que les Genevois, il y a cent ans, brûlèrent la première salle de spectacle qui se fut élevée sur leur territoire, et que la création d’un théâtre dans la ville de Lausanne rencontra, voici une trentaine d’années, une vive opposition religieuse ; un goût persistant pour le roman sérieux, moral et volontiers prêcheur ; une philosophie, qui, grâce à l’élasticité de la doctrine protestante, n’a pas eu besoin, comme en pays catholique, de secouer un joug pesant et est demeurée par cela même en bon accord avec la théologie108.
entre l’art d’amuser et celui d’intéresser ; entre le frivole avantage de montrer de l’esprit, et le talent d’en donner ! […] Dans cette période de splendeur pour le royaume, les arts y furent rois en honneur et les plaisirs enivraient la cour. […] La Chaise, ni les jésuites, ni le clergé tout entier ne seraient parvenus à la faire épouser si elle n’eût charmé le roi ; et il était fort possible que sans leur secours elle réussît par l’art uni à ses charmes.
Dumas fait l’effet d’un chirurgien consommé, aux mains infaillibles, lorsqu’il les applique aux instruments de son art, qui manierait gauchement des compas et des télescopes. […] Mais ces idées sont vraies et salubres, revêtues d’art et de vraisemblance, exprimées par des caractères d’une grâce charmante ou d’un relief vigoureux, attendries par une émotion pénétrante. […] C’est ici que se place une scène d’une invention pathétique, d’une originalité saisissante, et conduite avec un art merveilleux.
Lucas sur le système pénal, et en particulier sur la peine de mort, il essaie de fixer dans ses limites et de rattacher à son principe le droit qu’a la société de punir, qu’il recherche les raisons qui rendent la vie humaine respectable encore jusque chez les criminels, et qu’il s’inquiète des moyens de régénérer ceux mêmes qu’on châtie ; soit que, réfutant la théorie brutalement matérialiste de Broussais, il se complaise à rétablir les titres authentiques, selon lui, et irréfragables, de la spiritualité et de l’énergie propre de l’âme ; soit enfin qu’abordant, à propos de l’Othello de M. de Vigny, la question de l’art dramatique en France, il se félicite de la disposition du public, et que, de ce côté aussi, il marque sa foi en un certain bon sens général qui semble mûr pour le vrai et pour le beau. […] Ce qu’il disait là sur un point de la question, il le disait ou le pensait sur les autres points ; il estimait que l’art dramatique était en bonne voie. […] Ainsi, dans l’article si distingué sur Othello et sur l’art dramatique, il y a comme plusieurs chapitres qui sont offerts tout d’une pièce, qui ne sont pas détachés et découpés à temps.
Il faut les avoir bien étudiés pour se mêler de les gouverner. » Il déniait cette connaissance et cet art à M. […] On n’a jamais mieux parlé de la France, on ne l’a jamais mieux jugée que l’abbé Galiani ; il faut l’entendre expliquer pourquoi Paris est la « capitale de la curiosité » ; comme quoi « à Paris il n’y a que l’à-propos » ; comment nous parlons si bien des arts et de toute chose, en n’y réussissant souvent qu’à demi. […] Ils sont causeurs, raisonneurs, badins par essence ; un mauvais tableau enfante une bonne brochure ; ainsi, vous parlerez mieux des arts que vous n’en ferez jamais.
Elle sait le monde à fond, elle a le sentiment et l’observation de tous les travers de la société ; elle a l’art des portraits ; elle a le vers satirique, piquant et gai ; elle peut et elle ose tout dire : ce n’est pas assez encore, mais c’est beaucoup. […] L’auteur écrit ces petits feuilletons si légers, d’un style des plus nets, et les compose avec un art parfait ; l’imagination aussi s’en mêle. […] Dans les romans de Mme de Girardin, on retrouverait le même genre d’esprit que dans ses feuilletons, des portraits et des scènes de société, des observations fines, force paradoxes, quelque charge, peu d’émotion, peu d’action, une grande science du monde à la mode, l’art et jusqu’au métier de l’élégance.
En même temps qu’elle réussissait, sans trop de peine, à faire ainsi de son fils une petite-maîtresse, elle s’attachait à lui inculquer les principes et l’art du courtisan, et elle semble avoir réduit à ce point toute la morale : Écoutez, mon fils, lui disait cette petite-fille amollie du chancelier de L’Hôpital, ne soyez point glorieux, et songez que vous n’êtes qu’un bourgeois… Apprenez de moi qu’en France on ne reconnaît de noblesse que celle d’épée… Or, mon fils, pour n’être point glorieux, ne voyez jamais que des gens de qualité. […] Basset, saisira très bien, tout à côté, et nous rendra d’une manière charmante l’art et l’esprit habile des Jésuites qui, à peine débarqués dans un endroit, au cap de Bonne-Espérance ou à Batavia, chez les Hollandais protestants, se hâtent d’établir leur observatoire et de se faire bien venir en mettant du premier jour leur science, leurs lunettes astronomiques, au service de la curiosité populaire : « Ils vont dresser leurs machines, dit Choisy, pour au moins payer leur hôte avec un peu de Jupiter et de Mercure. » Et il ajoute comme moralité : « C’est une bonne chose, par tout pays, que l’esprit. » Pourtant, cette nature fine et mobile de Choisy a bien saisi, par éclairs, le vrai sentiment de l’inspiration apostolique. […] L’abbé de Choisy avait l’art de faire causer les personnages bien informés, ceux qu’il appelait de vieux répertoires.
Les types vont et viennent de plain-pied dans l’art et dans la nature. […] Ces œuvres surhumaines de l’homme sont d’ailleurs plus nombreuses qu’on ne croit, car elles remplissent l’art tout entier. […] Aux yeux de la philosophie de l’art, la folie feinte d’Edgar éclaire la folie feinte de Hamlet.
La beauté est, pour la femme, la grâce unie à un sentiment moral ; pour l’homme, la grâce unie à la force et à un sentiment généreux : la vertu, pour les deux sexes, est la poésie en action : le sublime dans les arts est une des vues les plus élevées du génie : le goût, résultat d’une civilisation avancée, est le tact des convenances et des proportions. […] Chez nous, la littérature, ni la poésie, ni les arts, n’ont jamais pu devenir populaires. […] Agathon mit sur le théâtre des sujets de pure invention : l’art alors fut perdu.
VII Je l’ai déjà signalé à propos de ces Colifichets, cette poésie de langue et d’expression, — la seconde certainement dans la Hiérarchie poétique, car les Poésies ont leur hiérarchie, évidemment comme les Arts et les Sciences, — cette poésie, que M. […] Transposition bizarre que l’art désavoue ! […] Amédée Pommier, cet artiste acharné qui n’a pas besoin de l’impulsion des autres, à des effets nouveaux et à des tentatives nouvelles, nous lui conseillons plutôt, maintenant qu’il a prouvé qu’il pouvait être un grand maître dans l’art des vers pour les vers, de remonter de cette poésie de l’expression pure vers la poésie plus mâle de la pensée et de préférer désormais aux difficultés, cherchées pour les vaincre, du rythme, les inspirations victorieuses des sentiments auxquels il est impossible de résister !
Ce n’est point une préoccupation d’art ou de littérature qui les domine. […] Malgré la devise si fièrement arborée « l’art pour l’art », elle est soumise plus qu’aucune autre à l’influence et aux idées du jour. […] L’asservir sans lui faire violence, la plier sans la rompre est un art qui devient de plus en plus difficile. […] Il est, lui a-t-on dit, un art de la vie comme un art du sommeil. […] L’art s’épuisait dans la copie servile du laid ou dans les mièvreries ingénieuses de la forme.
La morale, c’est la science des mœurs, c’est l’art de vivre, ou plutôt l’art de soumettre sa vie à l’autorité de la conscience, de l’assujettir à des principes assez élevés et assez puissants pour dominer l’existence. […] Il se rendit à Montpellier, déjà célèbre par son école de médecine, et y étudia, sous d’habiles maîtres, l’art de guérir. […] Ainsi quand il attribue à Gaster, c’est-à-dire à la faim, l’invention des arts : « Si croyez que le feu soit le grand maistre des arts, comme escript Ciceron, vous errez, et vous faictes tort. […] Avec quelle force il se plaint de ceux qui artialisent la nature au lieu de naturaliser l’art ! […] Il a une sagesse pratique, moyenne et tempérée ; il possède sur beaucoup de points l’art de bien vivre, je veux dire l’art d’appliquer le bon sens aux occurrences ordinaires de la vie, petites ou grandes.
Valery Vernier, un Duel aux lanternes, étourdissante comédie où le vers atteint aux effets d’art les plus inattendus, Ilote, jolie fantaisie athénienne rimée en compagnie de Charles Monselet, et le Char, opéra-comique en vers libres, dont Alphonse Daudet cisela l’une des roues.
Cladel est très grande, c’est là sa forte qualité ; son art, minutieux et brutal, turbulent et enfiévré, se restreindra plus tard, sans nul doute, dans une forme plus sévère et plus froide, qui mettra ses qualités morales en plus vive lumière, plus à nu.
Il assumait ainsi un art de groupement et d’harmonie — non de ligne et de déduction.
Pour nous, elles ont un caractère plus sacré encore, car c’est le secret d’une tristesse naïve sans draperie, sans spectateurs et sans art ; et il y a là une poésie naturelle, une grandeur instinctive, une élévation de style et d’idées, auxquelles n’arrivent pas les œuvres écrites en vue du public et retouchées sur les épreuves d’imprimerie… Il a été panthéiste à la manière de Goethe sans le savoir, et peut-être s’est-il assez peu soucié des Grecs, peut-être n’a-t-il vu en eux que les dépositaires des mythes sacrés de Cybèle, sans trop se demander si leurs poètes avaient le don de la chanter mieux que lui.
M. d’Olaiband de la Grange, qui s’est également exercé dans l’Art de la Comédie, mais dont les Pieces n’ont été jouées que sur des Théatres de Société.
Rien ne seroit plus contraire aux progrès des Arts, qu’une si aveugle séduction.
Les Elémens de l’Histoire de France en sont dignes sur-tout, parce qu’ils réunissent le mérite de l’abrégé, à l’attention de ne laisser échapper aucun fait intéressant, comme à l’art de les bien présenter.
Une imagination vive & gaie, un bon sens exquis, une connoissance bien étendue du Théatre, le naturel du dialogue, un art admirable de saisir les ridicules & de les peindre dans leur jour le plus brillant, la rendront toujours digne d'être proposée pour modele.
Platon a merveilleusement défini la nature de la musique : « On ne doit pas, dit-il, juger de la musique par le plaisir, ni rechercher celle qui n’aurait d’autre objet que le plaisir, mais celle qui contient en soi la ressemblance du beau. » En effet, la musique, considérée comme art, est une imitation de la nature ; sa perfection est donc de représenter la plus belle nature possible.
Sa mine est bien torchée (passez-moi ce mot, il est de l’art), largement peinte et d’un faire très-ragoûtant.
Jusqu’à présent on ignorait que les pompons, les étoffes de Lyon à fleurs d’argent, les sirsaccas, fussent en usage chez les grecs : où est le costume et la sévérité de l’art ?
L’invention m’en semble même selon l’art, et je n’y ai rien trouvé qui me donne scrupule, sinon que vous y introduisez la Renommée comme une divinité qui pénètre dans les choses futures, quoique sa fonction ne soit que de parler des événements présents ou passés. […] Quaeque suis agitur studiis, sua cuique cupido est… Du sein des nuages, Cupidon lui-même prépare furtivement ses doux pièges, il exerce son art et fait son jeu ; prenant son carquois, il en a tiré des traits délicieusement perfides et trempés d’un charmant poison ; il les lance sur nos groupes de nymphes, le méchant ! […] Son livre, d’ailleurs, a de la composition, de l’art ; Fléchier en met à tout. […] Le compliment guindé que lui adressent les précieuses du lieu en l’abordant ; L’Art d’aimer, traduit par le président Nicole, qu’elles trouvent sur sa table, et qu’il leur prête avec le regret de ne pouvoir en même temps les rendre plus aimables ; la demande d’un sermon à faire, qui lui arrive précisément ce jour-là, tout cet ensemble compose un petit tableau malin, moqueur, assorti pourtant, et où rien ne jure.
Ces religions ne sont, au fond, que l’État, la famille, l’art, la morale, élevés à une haute et poétique expression. […] Elle suça tout jusqu’à la dernière goutte dans la pauvre humanité : suc et force, sang et vie, nature et art, famille, peuple, patrie ; tout y passa, et sur les ruines du monde épuisé il ne resta plus que le fantôme du Moi, chancelant et mal sûr de lui-même. […] Nous autres, qui avons l’art, la science, la philosophie, nous n’avons plus besoin de l’église. […] Chez l’homme réfléchi, elle m’apparaît comme une révoltante absurdité, le signe d’un art épuisé, l’amulette d’une avilissante dévotion ; chez le paysan, elle m’apparaît comme le rayon de l’idéal qui pénètre jusque sous ce toit de chaume.
Villemain savait la séduction insinuante et déployait les grâces. » Deux seuls alors étaient véritablement éloquents : le troisième, qui devait les surpasser un jour et arriver à l’excellence souveraine dans l'art de la parole, M. […] Cousin de hasarder bien des vues historiques contestables qu’il avait l’art de coordonner avec son système philosophique.
Cette forme d’expression pour l’imagination et pour le sentiment, lorsqu’on la possède à un haut degré, est tellement supérieure, d’une supériorité absolue, à l’autre forme, à la prose ; elle est si capable d’immortaliser avec simplicité ce qu’elle enferme, de fixer en quelque sorte l’élancement de l’âme dans une attitude éternelle, qu’à chaque retour d’un grand et vrai talent poétique vers cet idiome natal il y a lieu à une attente empressée de toutes les âmes musicales et harmonieuses, à un joyeux éveil de la critique qui sent l’art, et peut-être, disons-le aussi, au petit dépit mal caché des gens d’esprit qui ne sont que cela. […] Je sais bien qu’après tout la manière dont les fruits naissent en poésie ne fait rien à l’affaire ;l’essentiel est ce qu’ils sont et ce qu’ils paraissent au goût : mais le mal serait que le goût y découvrît quelque chose du procédé factice, artificiel, qu’un redoublement d’art eût peut-être recouvert, fondu, dissimulé.
Dans les œuvres, à qui une idée d’art ne donne pas naissance, et qui usent de la prose, les conséquences du fait capital que j’ai déjà signalé continuent de se développer : les gens se distinguent, les esprits se spécialisent, et le domaine de la littérature se précise en se restreignant. […] P. de la Ramée, né en 1515 dans un village du Vernandois, soutint avec succès, en 1530, pour être maître ès arts, sa fameuse thèse contre Aristote ; mais, ayant redoublé ses attaques dans deux livres latins, il fut condamné en 1543.
Il a l’art de tout utiliser, de suite, avec une aisance souveraine. […] Mais, abandonné par une actrice glorieuse, amoureuse, puissante en son art et en ses séductions, il a tourné sa misère morale vers les misères physiques.
La race des égoïstes, qui n’ont le sens ni de l’art, ni de la science, ni de la morale, est de tous les temps. […] L’homme ne vivra jamais seulement de pain ; poursuivre d’une manière désintéressée la vérité, la beauté et le bien, réaliser la science, l’art et la morale, est pour lui un besoin aussi impérieux que de satisfaire sa faim et sa soif.
Elle n’avait guère de monuments anciens, car jusqu’aux Asmonéens, les Juifs étaient restés étrangers à tous les arts ; Jean Hyrcan avait commencé à l’embellir, et Hérode le Grand en avait fait une des plus superbes villes de l’Orient. […] Jésus, qui envisageait les ouvrages d’art comme un pompeux étalage de vanité, voyait tous ces monuments de mauvais œil.
Il lui arrive cependant, comme à tout grand poète, d’atteindre à cette partie de l’art et il dira : Et la terre et le fleuve et leur flotte et le port Sont des champs de carnage où triomphe la mort. […] Mais nous sortons un peu de l’art de lire proprement dit.
Raturez. » Nous enseignons « l’art d’avoir un beau style ». […] » En d’autres termes, nous enseignons l’art de travailler.
L’éternelle consigne du Protestantisme et de la Philosophie est d’ôter tout doucement de l’histoire le merveilleux, le mystérieux, le religieux (ces choses synonymes), comme il faut les ôter de l’art, comme il faut les ôter de la vie, et déjà on avait cherché à expliquer, à humaniser, à naturaliser Colomb, au point qu’il n’était presque plus un grand homme. […] Roselly de Lorgues, qui l’a étudié comme il a étudié la géographie, l’art nautique et les divers problèmes scientifiques que la découverte de Christophe Colomb résolvait, a rencontré un intérêt et une vie qu’il a su élargir et dont il a renvoyé les réverbérations tantôt sombres, tantôt brillantes, sur la figure épique et presque biblique de son héros.
Alors, encore, ce qui était facile à la Critique quand il s’agissait des combinaisons d’un roman, devient extrêmement difficile lorsqu’il faut rendre compte de cette adorable chose qu’on appelle des lettres d’amour, pour en faire apprécier intégralement la délicate et opulente beauté… Il n’y a plus là, en effet, ni plan qu’on puisse saisir, ni mise en œuvre, ni drame, ni visée d’art quelconque, mais seulement les tendresses et les transports d’une âme exceptionnelle, dépaysée par sa supériorité dans un temps de civilisation excessive, où l’amour, tel qu’il est dans ces lettres, a presque cessé d’exister. […] L’amour de Réa est l’amour d’une âme déjà éprouvée, mais en possession de toutes ses puissances ; c’est l’amour d’un cœur riche qui se dilate encore plus qu’il ne se concentre, et qui répand son sentiment dans toutes les choses de ce monde, dans toutes les sensations de la vie, dans toutes les poésies de la nature et de l’art, et jusque dans les idées de son esprit ; car chez elle l’amour remonte du cœur au cerveau ; car au sein de cette passion à laquelle elle s’est abandonnée trop librement et sans combat, elle reste invariablement spirituelle, et si spirituelle qu’un moment elle m’a fait trembler !
La comédie est donc obligée d’être art réaliste, et c’est-à-dire, car c’est la définition de l’art réaliste, de peindre les mœurs moyennes, c’est à savoir vérifiables, tout en choisissant les cas qui offrent de l’intérêt. […] Si tout son art consiste à nous montrer les malfaiteurs pour nous les rendre odieux, je ne vois pas ce que cet art a de si admirable et l’on ne prend là-dessus que trop de leçons sans celle-là. […] Il n’y a point d’art pour produire cet intérêt, mais seulement pour s’en prévaloir. […] Or cet art s’apprend-il ? […] Point du tout ; car il conclut de cette sorte : « Plus une femme a de réserve, plus elle doit avoir d’art, même avec son mari.
L’article qui porte la date du 29 mai 1833 et qui commence par ces mots ; « L’art est aujourd’hui à un bon point.
Van Bever Outre de nombreuses études qui le désignèrent comme l’historien des tendances nouvelles, apportant à l’art une compréhension très complète de la Beauté (lire ses travaux sur quelques maîtres contemporains, tels Rodin, Monet, etc.), on lui doit une œuvre personnelle offrant dans le domaine du rythme et de la fiction une surprenante originalité.
Auguste Desplaces Les Sentiers perdus eurent cela de particulier, que, paraissant à une époque où la poésie se préoccupait outre mesure de couleur et de rythme, ils osèrent se passer de tout cet art savant jusqu’à la raideur.
Lebrun qu’un homme de lettres et un homme de talent s’essayant avec art, avec étude, avec élégance, à des productions estimables et de transition.
[L’Art littéraire (1900).]
Telle, dans des canaux pressée, Avec plus de force élancée, L’onde s’éleve dans les airs : Et la regle, qui semble austere, N’est qu’un art plus certain de plaire, Inséparable des beaux Vers.
Des traits d’Histoire semés adroitement, des réflexions judicieuses, des pensées agréables & souvent énergiques, l’art d’exprimer de grandes choses d’une maniere naïve, l’abondance des métaphores, la multitude & la variété des images, sont des titres suffisans pour contenter les Esprits superficiels, parce qu’ils se laissent facilement entraîner à ce qui leur plaît, & qu’ils sont incapables de rien approfondir.
L’amour de Pyrrhus & de Téglis est le seul objet d’intérêt qui y regne ; mais cette passion est conduite avec tant d’art, que seule elle suffit pour attacher le Spectateur, & même le Lecteur.
Si quelque chose pouvoit justifier M. l’Abbé Prévot, de s’être abaissé à des Ouvrages, qui, pour le plus grand nombre, captivent l’imagination pour l’égarer, parlent à l’esprit sans le rendre plus éclairé, agirent le cœur sans le corriger & le former ; ce seroient l’art singulier, l’imagination vive & féconde, le sentiment tendre & profond, la touche mâle & vigoureuse, qui dominent avec tant de richesse dans tout ce qu’il a écrit.
Autre exemple de l’art de ramper en peinture.
Mais c’est aux épaules surtout que l’art semble s’être épuisé ; combien il a fallu d’études, de séances et de longues séances, de modèles et même de connaissance anatomique du dessous de la peau !
Pourquoi alors ne pas se faire tout simplement recevoir docteur en médecine et ne pas se livrer incontinent à l’exercice d’un art où il était déjà maître, et où les maîtres le traitaient au moins en égal ? […] J’aurais aimé à trouver dans son Introduction d’Hippocrate quelque page vivante, animée, se détachant aisément, flottante et immortelle, une page décidément de grand écrivain et à la Buffon, comme il était certes capable de l’écrire, où fut restauré, sans un trait faux, mais éclairé de toutes les lumières probables, ce personnage d’Hippocrate, du vieillard divin, dans sa ligne idéale, tenant en main le sceptre de son art, ce sceptre enroulé du mystérieux serpent d’Épidaure ; un Hippocrate environné de disciples, au lit du malade, le front grave, au tact divinateur, au pronostic sûr et presque infaillible ; juge unique de l’ensemble des phénomènes, en saisissant le lien, embrassant d’un coup d’œil la marche du mal, l’équilibre instable de la vie, prédisant les crises ; maître dans tous les dehors de l’observation médicale, qu’il possédait comme pas un ne l’a fait depuis. […] Lui aussi a partagé le sentiment qui pénétrait alors les Hellènes, enorgueillis de leur liberté, enthousiasmés de leurs triomphes, épris de leurs belles créations dans les arts, dans les lettres et dans les sciences. […] Je regrette que ce ne soit pas ici le lieu d’entrer dans le détail des commentaires si sagaces et si fins qu’il donne de quelques-uns des aphorismes, notamment de ce premier aphorisme si célèbre : « La vie est courte, l’art est long, l’occasion fugitive, l’expérience trompeuse, le jugement difficile. […] Comme il n’est pas docteur, dès qu’il se rencontre un cas grave, il ne décide de rien sans appeler un homme de l’art ayant diplôme.
N’avons-nous pas vu récemment renaître et remourir la mode de Dante, très grand mais très barbare poète du moyen âge de l’Italie, et placer son illisible poème épique à mille piques au-dessus des poèmes, aujourd’hui avilis, du Tasse, de l’Arioste et de Pétrarque, ces trois royautés légitimes de l’art italien ? […] Quand je sortis des collèges, et que mes parents, pour me perfectionner dans les arts et dans les lettres, me firent voyager, le poète piémontais Alfieri venait de mourir. […] La famille d’Alfieri était noble ; mais, comme en Italie la noblesse et les arts de la main ne s’excluent pas, un de ses oncles paternels était architecte du roi, d’autres étaient militaires, commandaient à Coni ou en Sardaigne. […] Si ceux qui viendront après moi jugent que cette méthode m’a conduit à mon but plus heureusement que d’autres, cette petite digression pourra, avec le temps, éclairer et fortifier quelque disciple de l’art que je professe. […] Instruite sans pédantisme, passionnée pour les arts sans nulle affectation, Louise de Stolberg semblait faite pour régner avec grâce sur l’aristocratie intellectuelle de son époque, dans les plus pures régions de la société polie.
Un abbé gentilhomme, philosophe par principes, ecclésiastique par état, l’interrogeait sur l’art de vivre en homme, et de concilier ses devoirs avec son mépris pour les préjugés, c’est-à-dire avec l’incrédulité à la mode. […] Si la science et les arts engendrent tous les vices, faut-il donc brûler les bibliothèques, les musées et les laboratoires, fermer les écoles, renvoyer l’homme dans les forêts, et, comme disait spirituellement Voltaire, se mettre à marcher à quatre pattes ? […] Et si vous ne parvenez à étouffer dans le cœur de l’homme le désir d’acquérir pour lui et les siens ; si vous ne lui liez les bras en présence des forces de la nature ; si vous ne pouvez empêcher que sa lutte avec elle, nécessaire sous peine de périr, ne suscite les arts et les sciences, et par eux la richesse ; comment, dans votre impuissance absolue d’anéantir la cause, supprimerez-vous ou modérerez-vous l’effet ? […] Quand Rousseau écrivit son fameux discours sur les sciences et les arts, déjà il avait livré à ce qu’il appelle l’éducation publique le premier de ses cinq enfants114. Il n’est pas besoin de rechercher si, comme l’a raconté Marmontel, Rousseau songeait à défendre les sciences et les arts, et si l’idée de les attaquer lui vint de Diderot.
Tout un monde d’art et de matières précieuses était là : statues et vases, trépieds d’or et d’argent, de marbre et de bronze ; les ex-voto d’un peuple d’artistes s’y étaient accumulés depuis de longs siècles. […] Mais la guerre, dont les Grecs avaient fait un art, n’était pour les Perses qu’une fantasia déréglée. […] Mardonios passa le premier par ces Fourches caudines de l’art : Sparte l’écrasa en effigie, sous la colonne d’un temple de la Victoire. […] Sans parler de l’histoire détournée de son cours normal, des législations abolies, des cités extirpées, des démocraties naissantes enchaînées, des marches en avant immobilisées, de Rome, cette seconde floraison de la Grèce, étouffée en germe, tout art idéal, toute poésie vivante, toute science progressive auraient disparu du monde obscurci. […] L’Art, engagé dans les entraves de l’archaïsme, n’en aurait été délivré, ni par le compas d’Ictinos, ni par le ciseau de Phidias.
France semble surtout destiné à exercer son art sur les petites choses.
Aux plus brillants succès de son talent d’écrivain et d’orateur, il eût préféré la bonne fortune de découvrir un de ces chefs-d’œuvre de la poésie grecque, modèles d’un art incomparable, où la suprême élégance elle bon sens, loin de s’exclure, se réunissent en une divine harmonie.
Bref, la science sera en possession de vérités qui, rendant plus intelligible la façon dont le passé s’est déroulé, rendront par-là plus facile l’art de prévoir et de créer l’avenir.
La multitude de connoissances historiques que ces Mémoires supposent, l’art avec lequel l’Auteur les a mises en œuvre, l’ordre & la sagacité qui regnent dans ses discussions, font regretter qu’il n’ait pas entrepris d’écrire l’Histoire de la Lorraine.
L’Auteur de l’Art Poétique n’auroit-il pas dû retrancher du nombre des mauvais Poëtes, un homme qui pensoit & versifioit ainsi* ?
La connoissance du monde, la facilité à en saisir les ridicules, l’art plus piquant encore de les peindre agréablement, donnent à ses Romans un caractere qui les distingue de ces Productions frivoles, chargées d’aventures & de sentimens parasites, rebattues cent fois, & toujours exprimées d’une maniere insipide ou bizarre.
Dans notre étude sur la Littérature et la Critique littéraire au xixe siècle nous avons rencontré le problème si difficile, et d’un intérêt si général, de la conciliation de l’autorité et de la liberté, de la tradition et du changement, des lois du goût et des droits du génie ; et tout en restant fidèle à notre admiration pour les principes éternels de l’art classique, nous avons défendu la liberté de l’invention en littérature ; car ces lois éternelles elles-mêmes ne sont que l’expression des grandes inventions du génie.
3º Les costumes modernes conviennent peu aux arts d’imitation : mais le culte catholique a fourni à la peinture des costumes aussi nobles que ceux de l’antiquité130.
Elles fournissent au cœur de majestueux souvenirs, et aux arts des compositions touchantes.
La Grenée Voici un artiste qui a fait un grand pas dans son art depuis deux ans.
Les gens de l’art ont confirmé mon jugement.
Quand je dis que Monsieur Woton a défendu la même cause que Monsieur Perrault : je dois ajouter que Monsieur Woton en mettant le sçavoir des modernes au-dessus de celui des anciens dans la plûpart des arts et des sciences, tombe d’accord néanmoins que dans la poësie et dans l’éloquence les anciens ont surpassé les modernes de bien loin.
La reine Élisabeth, qui se proclamait protectrice des arts et des lettres, ne fit aucune attention à lui ; son pays l’oublia pendant près de deux siècles ; sa grande gloire d’aujourd’hui ne fut qu’une lente réaction du temps. […] Tous les faux systèmes tombèrent devant lui ; il ne déplaça pas l’intérêt de sa vie en nous formulant, comme on le fait aujourd’hui, un génie naissant sur un grand homme consommé arrivant du ciel ici-bas, avec un arsenal d’idées préconçues, comme si rien n’eût existé avant lui, et apportant comme un soleil de l’art une lumière incréée jusque-là à la terre. […] On travaille aujourd’hui d’un art miraculeux ; Jamais, en toute chose, on n’a vu si bien faire ! […] L’art du poëte comique n’est pas de peindre les travers de la pauvre humanité dans leurs plus grands excès, mais de saisir ce point unique qui excite tout à la fois la réflexion et la gaieté du spectateur. […] comme dans sa détresse il appelle à son aide tous les secrets de son art infernal !
Même cette guenon et ces singes qui font bouillir la marmite de la sorcière, avec leurs cris rauques et leur imagination détraquée, valent la peine que l’art les ranime. […] L’homme s’est trouvé roidi dans l’effort, concentré dans la résistance, attaché à l’action, et partant exclu de la spéculation pure, de la sympathie ondoyante et de l’art désintéressé. […] En Italie, la beauté du climat, le sens inné du beau et le despotisme du gouvernement suggéraient la vie oisive, les mœurs relâchées, la religion imaginative, le culte des arts et la recherche du bonheur. […] Refuserez-vous de reconnaître le divin, parce qu’il apparaît dans l’art et la jouissance, et non pas seulement dans la conscience et l’action ? […] Dans cet emploi de la science et dans cette conception des choses il y a un art, une morale, une politique, une religion nouvelles, et c’est notre affaire aujourd’hui de les chercher.
L’honneur militaire, de ce point de vue borné, paraît une folie ; le goût des grandes choses, la gloire de l’esprit sont des chimères ; l’argent dépensé pour l’art et la science est de l’argent perdu, dépense follement, pris dans la poche de gens qui se soucient aussi peu que possible d’art et de science. […] Les classes éclairées n’ont pas laissé dépérir le goût de l’art, de la science, de la littérature, d’un luxe élégant ; mais la carrière militaire a été abandonnée. […] L’esprit allemand avait appliqué à l’art de tuer la puissance de ses méthodes. […] Il faut un centre aristocratique permanent, conservant l’art, la science, le goût, contre le béotisme démocratique et provincial. […] Les bons élèves d’un lycée de Paris sont supérieurs aux jeunes Allemands pour le talent d’écrire, l’art de la rédaction ; ils sont mieux préparés à être avocats on journalistes ; mais ils ne savent pas assez de choses.
Corinne est, pour Mme de Staël, ce qu’elle aurait voulu être, ce qu’après tout (et sauf la différence du groupe de l’art à la dispersion de la vie) elle a été. […] Toutefois, un soin attentif préside au détail de ce monument ; l’écrivain est arrivé à l’art, à la majesté soutenue, au nombre73. […] Mais c’est dans le domaine de l’art que son action, de plus en plus, je me le figure, eût été belle, efficace, cordiale, intelligente, favorable sans relâche aux talents nouveaux, et les recherchant, les modifiant avec profit pour eux et bonheur. Parmi tous ceux qui brillent aujourd’hui, mais disséminés et sans lien, elle eût été le lien peut-être, le foyer communicatif et réchauffant ; on se fût compris les uns les autres, on se fût perfectionné à l’union de l’art et de la pensée, autour d’elle. […] L’amour des arts fut toujours chez Mme de Staël quelque chose d’acquis, d’exotique, et comme une plante qui ne poussa jamais en pleine terre.
Il était né d’une famille où le courage, la noblesse morale, le sentiment des arts s’étaient assemblés pour murmurer les plus belles et les plus éloquentes paroles autour de son berceau. […] Partout son érudition, son beau style italien et latin lui conciliaient l’amitié et les empressements des humanistes, tellement que, revenant à Florence, « il s’y trouvait aussi bien que dans sa propre patrie. » Il faisait provision de livres et de musique qu’il envoyait en Angleterre, et songeait à parcourir la Sicile et la Grèce, ces deux patries des lettres et des arts antiques. […] Était-ce la peine de quitter la terre pour retrouver là-haut la charronnerie, la maçonnerie, l’artillerie, le manuel administratif, l’art de saluer et l’almanach royal ? […] He who had the art and proper eloquence… might in a short space gain them to an incredible diligence and courage… infusing into their young breasts such an ingenuous and noble ardor, as would not fail to make many of them renowned and matchless men. […] If in less noble and almost mechanick arts he is not esteemed to deserve the name of a compleat architect, an excellent painter, or the like, that bears not a generous mind above the peasantly regard of wages and hire, much more must we think him a most imperfect and incompleat Divine, who is so far from being a contemner of filthy lucre, that his whole Divinity is moulded and bred up in the beggarly and brutish hopes of a fat prebendary, deanery, or bishoprick.
Il a semé des chefs-d’œuvre dans tous ses recueils et déployé dans son art une certitude, une souplesse qu’aucun autre n’a dépassées.
La vertu et l’art n’excluent pas de fortes illusions.
On peut en juger par l’Ouvrage immortel de la perpétuité de la Foi, fait en société avec Nicole ; par celui de l’Art de penser, non moins admirable dans son genre, & auquel il eut plus de part que ce dernier : la Grammaire générale & raisonnée qu’il composa avec Lancelot, est également digne du succès dont elle jouit.
Descartes possédoit, dans un degré supérieur, l’art du raisonnement & celui d’en trouver les principes, le talent d’analyser les idées, d’en créer de nouvelles & de les multiplier par une méditation profonde ; talent unique & sublime qu’on ne peut devoir qu’à la Nature, que le travail & l’étude peuvent aider quelquefois, mais qu’ils ne sauroient donner ni suppléer.
D'un autre côté, il apprécie, avec autant de justesse que de précision, les Ecrivains qui ont fait époque, soit en perfectionnant les Arts, soit en étendant leurs limites.
La Grèce créatrice, mère glorieuse de tout art et de toute beauté, a inventé le Théâtre.
Ces idées furent introduites en France en 1881 (Théorie scientifique des couleurs et leurs applications à l’art et à l’industrie, Germer-Baillière) ; elles eurent en particulier une grande influence sur Seurat et les néo-impressionnistes.
Quand la première saison est passée, quand le front se penche, quand on sent le besoin de faire autre chose que des histoires curieuses pour effrayer les vieilles femmes et les petits enfants, quand on a usé au frottement de la vie les aspérités de sa jeunesse, on reconnaît que toute invention, toute création, toute divination de l’art doit avoir pour base l’étude, l’observation, le recueillement, la science, la mesure, la comparaison, la méditation sérieuse, le dessin attentif et continuel de chaque chose d’après nature, la critique consciencieuse de soi-même ; et l’inspiration qui se dégage selon ces nouvelles conditions, loin d’y rien perdre, y gagne un plus large souffle et de plus fortes ailes.
Gayot de Pitaval, le même qui a fait les Causes célébres, nous a donné la Bibliothèque de gens de Cour, l’Art d’orner l’esprit : collections insipides & mal faites.
La propriété des biens et celle de la personne, ou la liberté civile, supposent de bonnes lois et avec le temps amènent la culture des terres, la population, les industries de toute espèce, des arts, des sciences, le beau siècle d’une nation.
Ce sont les incidents singuliers et pathétiques qu’entraîne une pareille scène, qu’il faut savoir imaginer, c’est l’art de montrer la fureur et d’exciter la compassion, qu’il faut avoir.
Je crois plutôt que sa prédilection pour l’art antique transformait à son insu les impressions qu’il avait éprouvées. […] Hugo, de seize à vingt-deux ans, prend la poésie au sérieux, et cherche dans l’art des vers plutôt un soulagement qu’une profession. […] L’art est partout et ne se montre nulle part. […] Ce n’est pas, en effet, un médiocre triomphe que de donner à sa pensée un accent de réalité où l’art semble n’avoir aucune part. […] Pour fondre ensemble ces trois manières, il faudrait une main puissante, un art infini ; mais à quoi bon dépenser l’art et la puissance dans une tâche aussi ingrate ?
Tout le monde est forcé de s’apercevoir du désordre organique qu’il y a dans Phèdre, (je dis organique de tragique, je dis ici organique d’art seulement, je ne parle pas des autres, des autres organiques) ; non seulement un désordre (intime) de vie ; mais un désordre d’art ; un désordre organique croissant d’art. […] — Il faut dire aussi que cet éclatant désordre (organique) d’art de Phèdre traduit admirablement en art, sur le registre de l’art, cet incroyable désordre (organique) de vie. […] Ils perdent l’art, la philosophie, la morale, la religion, et n’acquièrent point une science, nulle science, aucune science. […] Ils prennent justement leur temps quand les véritables savants, les véritables mathématiciens, les véritables physiciens, les véritables chimistes et biologistes en viennent à reconnaître très heureusement la part capitale, la part originelle, la part primordiale que prennent dans le travail scientifique même, dans l’invention, dans la découverte de science les méthodes d’art, l’intuition, les intuitions, les souplesses d’art, les docilités d’art, les inventions d’art. […] Au moment même que par un extraordinaire mouvement parallèle toutes les sciences et tous les savants, toutes les quatre grosses sciences, toutes les quatre grosses branches, tous les quatre gros troncs en viennent aux souplesses, aux docilités d’art, aux réalités d’art, ce sont justement ces littéraires qui s’en veulent dispenser, qui s’en veulent priver.
Elle connaît, mieux que personne, l’art des poses. […] Art. 2. […] Art. 3. […] Art. 4. […] Art. 2.
Howyn de Tranchère nous faisait connaître en quels termes Diderot posait sa candidature à l’Académie impériale des arts. […] C’est que les événements ne sont presque rien en eux-mêmes, et que c’est de l’art magique du poëte qu’ils empruntent toute leur importance. […] Luneau, l’Académie répète les objets d’un art à un autre, et fait bien. […] pour l’art de le posséder, il le possède, et me le laisse au suprême degré. […] Personne ne connaît mieux qu’elle l’art de mettre tout le monde à son aise.
Par un prodige de son art, il a été à la fois étincelant — et circonspect. […] Si l’art est toujours en dernière analyse une « imitation de la nature », l’entente est assez facile, en musique, en poésie et dans les arts plastiques, sur la fidélité de cette imitation. […] La matière d’art est ici changeante et fuyante. […] Le beau en art, ce n’est pas la vertu, c’est la vie, et la vie n’est jamais pure. […] Cette totale absence de liaison, de plan, de composition, c’est peut-être un art nouveau ; mais alors cet art nouveau n’est donc qu’un retour aux essais amorphes des littératures enfantines.
Et ce luxe de l’art n’est là que pour récréer les yeux d’émail ou de carton peint d’une momie ! […] L’art s’est rarement assimilé la vie à un degré plus intense. […] Comme il enseigne au tyran, dans le livre du Prince, l’art d’asservir le peuple, il apprend au peuple, dans les Discours sur Tite-Live, l’art de renverser le tyran. […] Son art le possède si bien tout entier qu’il le poursuit jusque dans ses rêves. […] L’art des médecins galvanisa, sans l’animer, son corps avorté.
J'ai encore visité dans son atelier Overbeck, le peintre ascétique, dévot à l’art pur chrétien.
L’art d’écrire s’apprend donc en même temps qu’on apprend la littérature, l’histoire, les sciences, par cela même qu’on les apprend, en même temps qu’on avance dans la vie, par cela même qu’on vit : l’étude et l’expérience sont les vraies sources de l’invention et du style.
Tâchez d’attraper l’art de tirer votre interlocuteur du lieu commun : faites-le parler de ce qu’il sait le mieux, de ce qu’il a pu sentir ; forcez-le d’évoquer son expérience personnelle : dépouillez-le.
Gregh est un poète heureusement doué ; c’est un travailleur qui aime son art ; c’est un ouvrier habile.
Marcel Schwob est, dès aujourd’hui, un maître dans l’art de soulever tous les fantômes de la peur et de donner à qui l’écoute un frisson nouveau.
Le tempérament du poète persiste sous ses multiples aspects et à travers ses manifestations les plus diverses ; son âme n’est ni violente, ni véhémente : réservée, lointaine, insaisissable presque, elle laisse cependant parvenir jusqu’à elle les émotions de la vie, qu’elle ressent intimement, mais adoucies et purifiées, et c’est avec un art parfait que le poète les exprime et les réalise avec un luxe simple de mots et d’images.
Elle prêtera un cachet d’art même aux vulgaires affiches de son spectacle pour lesquelles elle mobilisera des talents neufs : Orazi, Grasset, Mucha.
Elle est dans les arts.
Il n’a pas de rôle à jouer, il n’est pas comédien. » — Sciences, beaux-arts, arts de luxe, philosophie, littérature, tout cela n’est bon qu’à efféminer et dissiper l’âme ; tout cela n’est fait que pour le petit troupeau d’insectes brillants ou bruyants qui bourdonnent au sommet de la société et sucent toute la substance publique En fait de sciences, une seule est nécessaire, celle de nos devoirs, et, sans tant de subtilité ou d’études, le sentiment intime suffit pour nous l’enseigner. — En fait d’arts, il n’y a de tolérables que ceux qui, fournissant à nos premiers besoins, nous donnent du pain pour nous nourrir, un toit pour nous abriter, un vêtement pour nous couvrir, des armes pour nous défendre En fait de vie, il n’en est qu’une saine, celle que l’on mène aux champs, sans apprêt, sans éclat, en famille, dans les occupations de la culture, sur les provisions que fournit la terre, parmi des voisins qu’on traite en égaux et des serviteurs qu’on traite en amis En fait de classes, il n’y en a qu’une respectable, celle des hommes qui travaillent, surtout celle des hommes qui travaillent de leurs mains, artisans, laboureurs, les seuls qui soient véritablement utiles, les seuls qui, rapprochés par leur condition de l’état naturel, gardent, sous une enveloppe rude, la chaleur, la bonté et la droiture des instincts primitifs Appelez donc de leur vrai nom cette élégance, ce luxe, cette urbanité, cette délicatesse littéraire, ce dévergondage philosophique que le préjugé admire comme la fleur de la vie humaine ; ils n’en sont que la moisissure. […] Discours sur l’influence des sciences et des arts — Lettre à d’Alembert sur les spectacles. […] Il faut des arts, des lois, des gouvernements aux peuples, comme il faut des béquilles aux vieillards. » (Lettre à M.
V Les poëtes de la cour commençaient de célébrer dans leurs vers les merveilles de sa figure et les trésors de son esprit : En votre esprit le ciel s’est surmonté ; Nature et art ont en votre beauté Mis tout le beau dont la beauté s’assemble, écrit du Bellay, le Pétrarque du temps ; Ronsard, qui en était le Virgile, trouve, toutes les fois qu’il en parle, des images, des suavités et des finesses d’accent qui prouvent que la louange venait de l’amour et que son cœur séduisait son génie. […] Mais l’amour et la poésie même, selon Brantôme, étaient impuissants à reproduire à cette période encore croissante de sa vie une beauté qui était dans la forme moins encore que dans le charme ; la jeunesse, le cœur, le génie, la passion qui couvait encore sous la sereine mélancolie des adieux ; la taille élevée et svelte, les mouvements harmonieux de la démarche, le cou arrondi et flexible, l’ovale du visage, le feu du regard, la grâce des lèvres, la blancheur germanique du teint, le blond cendré de la chevelure, la lumière qu’elle répandait partout où elle apparaissait, la nuit, le vide, le désert qu’elle laissait où elle n’était plus, l’attrait semblable au sortilége qui émanait d’elle à son insu et qui créait vers elle comme un courant des yeux, des désirs, des âmes, enfin le timbre de sa voix qui résonnait à jamais dans l’oreille une fois qu’on l’avait entendu, et ce génie naturel d’éloquence douce et de poésie rêveuse qui accomplissait avant le temps cette Cléopâtre de l’Écosse sous les traits épars des portraits que la poésie, la peinture, la sculpture, la prose sévère elle-même nous ont laissés d’elle ; tous ces portraits respirent l’amour autant que l’art ; on sent que le copiste tremble d’émotion, comme Ronsard en peignant ; un des contemporains achève tous ces portraits par un mot naïf qui exprime ce rajeunissement par l’enthousiasme qu’elle produisait sur tous ceux qui la voyaient : « Il n’y avoit point de vieillards devant elle, écrit-il : elle vivifioit jusqu’à la mort. » VI Un cortége de regrets plus que d’honneur la conduisit jusqu’au vaisseau qui allait l’emporter en Écosse. […] À son retour en France, l’ambassadeur avait amené Rizzio avec lui, à la cour de François II ; attaché à un des seigneurs français qui avait escorté Marie Stuart en Écosse, la jeune reine l’avait demandé à ce seigneur pour conserver auprès d’elle, dans ce royaume où elle se sentait moins reine qu’exilée, un souvenir vivant des arts, des loisirs et des délices de la France et de l’Italie, pays de son âme ; musicienne elle-même autant que poëte, charmant souvent ses tristesses par la composition des paroles et des airs dans lesquels elle exhalait ses soupirs, la société du musicien piémontais lui était devenue habituelle et chère. L’étude de son art et l’infériorité même de la condition de Rizzio couvraient, aux yeux de la cour d’Holyrood, l’assiduité et les familiarités de ce commerce.
La premiere chute des Arts se fût perpétuée jusqu'à la fin du monde, si de petites craintes eussent arrêté ceux qui étoient faits pour s'engager dans la carriere des Lettres, & prétendre, comme vous, à ses distinctions. […] Vous aimez, Sire, les Lettres ; vous les aimez, non seulement en Prince, mais en Littérateur éclairé, capable de saisir avec justesse les beautés de l’Art, &, ce qui est bien supérieur, en Sage qui en fait sentir les abus & les détester. […] Si l'Homme de génie, en Littérature, est celui-là seul qui a reculé les bornes d'un Art ; M. de Voltaire, qui n'a pas été plus loin, ni si loin qu'Homere, Virgile & le Tasse dans l'Epopée, que l'Arioste dans la Poésie Héroïque, que Corneille, Moliere, Quinault, J. […] Cette Lettre a été publiée la même année 1773, dans le Journal des Beaux Arts, dans le Mercure de France, & dans plusieurs autres Feuilles périodiques.
C’est là le plus grand problème du temps ; il est posé, mais non résolu. » Il a l’art d’élever les questions, mais aussi de les éloigner en les généralisant. […] Mais en y réfléchissant, il me vient de grandes hésitations à traiter le sujet de cette manière : ainsi envisagé, l’ouvrage serait une entreprise de très-longue haleine ; de plus, le mérite principal de l’historien est de savoir bien faire le tissu des faits, et j’ignore si cet art est à ma portée : ce à quoi j’ai le mieux réussi jusqu’à présent, c’est à juger les faits plutôt qu’à les raconter ; et, dans une histoire proprement dite, cette faculté que je me connais n’aurait à s’exercer que de loin en loin et d’une façon secondaire, à moins de sortir du genre et d’alourdir le récit. […] L’une de celles qui me troublent le plus l’esprit vient du mélange d’histoire proprement dite avec la philosophie historique ; je n’aperçois pas encore comment mêler ces deux choses (et il faut pourtant qu’elles le soient, car on pourrait dire que la première est la toile, et la seconde la couleur, et qu’il est nécessaire d’avoir à la fois les deux pour faire le tableau) ; je crains que l’une ne nuise à l’autre, et que je ne manque de l’art infini qui serait nécessaire pour bien choisir les faits qui doivent, pour ainsi dire, soutenir les idées ; en raconter assez pour que le lecteur soit conduit naturellement d’une réflexion à une autre par l’intérêt du récit, et n’en pas trop dire, afin que le caractère de l’ouvrage demeure visible.
Il n’était pas de ces talents qui doivent réussir, dans leur première poussée, par des essais de création et d’art : il n’a rien fait en art (que je connaisse), hormis plus tard une toute petite nouvelle (la Laitière d’Auteuil), qu’il a donnée comme échantillon d’histoire simple, et qui est la faiblesse même157. […] Nisard, que l’absence de passion enthousiaste et d’initiative, soit en politique, soit en art, avait tenu un peu en dehors et au second rang, dans ce premier âge où il est si difficile de ne pas faire de fausse pointe, en avait pourtant fait une petite fausse, à ce qu’il lui semblait, en louant d’abord, plus que sa raison modifiée ne l’admettait, certaines œuvres ou de M.
Un grand art de combinaison, un calcul exact d’agencement, une construction lente et successive, plutôt que cette force de conception, simple et féconde, qui agit simultanément et comme par voie de cristallisation autour de plusieurs centres dans les cerveaux naturellement dramatiques ; de la présence d’esprit dans les moindres détails ; une singulière adresse à ne dévider qu’un seul fil à la fois ; de l’habileté pour élaguer plutôt que la puissance pour étreindre ; une science ingénieuse d’introduire et d’éconduire ses personnages ; parfois la situation capitale éludée, soit par un récit pompeux, soit par l’absence motivée du témoin le plus embarrassant ; et de même dans les caractères, rien de divergent ni d’excentrique ; les parties accessoires, les antécédents peu commodes supprimés ; et pourtant rien de trop nu ni de trop monotone, mais deux ou trois nuances assorties sur un fond simple ; — puis, au milieu de tout cela, une passion qu’on n’a pas vue naître, dont le flot arrive déjà gonflé, mollement écumeux, et qui vous entraîne comme le courant blanchi d’une belle eau : voilà le drame de Racine. […] Il faut envoyer consulter l’oracle… » Au troisième acte, au moment où Thésée, qu’on croyait mort, arrive, et quand Phèdre, œnone et Hippolyte sont en présence, Phèdre ne trouve rien de mieux que de s’enfuir en s’écriant : Je ne dois désormais songer qu’à me cacher ; c’est imiter l’art ingénieux de Timanthe, qui, à l’instant solennel, voila la tête d’Agamemnon. […] Toutefois, malgré la parenté des religions et la communauté de certaines croyances, il y a dans le judaïsme un élément à part, intime, primitif, oriental, qu’il importe de saisir et de mettre en saillie, sous peine d’être pâle et infidèle, même avec un air d’exactitude : et cet élément radical, si bien compris de Bossuet dans sa Politique sacrée, de M. de Maistre en tous ses écrits, et du peintre anglais Martin dans son art, n’était guère accessible au poëte doux et tendre qui ne voyait l’ancien Testament qu’à travers le nouveau, et n’avait pour guide vers Samuel que saint Paul.
De composition et d’art dans le cours de son premier ouvrage, non plus que dans les suivants, il n’y en a pas l’ombre ; le marquis raconte ce qui lui est arrivé, à lui, et ce que d’autres lui ont raconté d’eux-mêmes ; tout cela se mêle et se continue à l’aventure ; nulle proportion de plans ; une lumière volontiers égale ; un style délicieux, rapide, distribué au hasard, quoique avec un instinct de goût inaperçu ; enjambant les routes, les intervalles, les préambules, tout ce que nous décririons aujourd’hui ; voyageant par les paysages en carrosse bien roulant et les glaces levées ; sautant, si l’on est à bord d’un vaisseau, sur une infinité de cordages et d’instruments de mer, sans désirer ni savoir en nommer un seul, et, dans son ignorance extraordinaire, s’épanouissant mille fois sur quelques scènes de cœur, renouvelées à profusion, et dont les plus touchantes ne sont pas même encadrées. […] Le Pour et Contre, « ouvrage périodique d’un goût nouveau, dans lequel on s’explique librement sur ce qui peut intéresser la curiosité du public en matière de sciences, d’arts, de livres, etc., etc., sans prendre aucun parti et sans offenser personne », demeura consciencieusement fidèle à son titre. […] Je trouve, dans le nombre 36, tome III, un compte rendu de Manon Lescaut qui se termine ainsi : « … Quel art n’a-t-il pas fallu pour intéresser le lecteur et lui inspirer de la compassion par rapport aux funestes disgrâces qui arrivent à cette fille corrompue !
On pourra s’amuser un moment à voir le prince Alexandre étudier les sept arts et se faire adouber chevalier par sa mère, inaugurant la brillante carrière qui le mènera à figurer sur nos jeux de cartes entre Arthur et Charlemagne sous les traits d’un empereur à la barbe fleurie. […] Tout nous froisse et nous rebute dans ces inconscientes mascarades, où toute la beauté de l’art antique comme toute la vérité de la nature antique sont si cruellement détruites. […] Il aura l’art de ménager l’intérêt, dans un court épisode, d’engager, de conduire, de conclure le récit d’une aventure vraisemblable : il dira à merveille les émotions d’une demoiselle qui erre la nuit, sous la pluie, par les mauvais chemins, ne voyant pas les oreilles de son cheval, et invoquant tous les saints et saintes du paradis.
C’est un débat qui n’est pas de mon sujet ; mais s’il est vrai que les catholiques du seizième siècle, secoués par le mouvement général des esprits, et réveillés par cette renaissance des lettres et des arts qui rendit bientôt toute ignorance ignominieuse, se seraient enfin arrachés d’eux-mêmes aux puérilités de la scolastique et aux langueurs de l’autorité ; s’il est vrai qu’ils auraient enfin retrouvé par la science la philosophie chrétienne ; il ne l’est pas moins, et avec l’avantage d’un fait accompli sur un fait probable, que la Réforme seule a provoqué et consommé cette restauration. […] L’étude que Calvin avait faite des anciens et particulièrement de Cicéron, dont la méthode est si naturelle et si agréable, lui avait donné le secret de ce grand art d’approprier une matière à l’intelligence du lecteur, de la proportionner à son attention, de raisonner avec force, sans abuser de l’appareil du raisonnement. […] Le même art de composition qui, dans l’exposition de la doctrine, range les choses dans leur ordre et leur proportion, se fait voir dans le langage, par la suite, la gradation, l’exactitude des expressions, qui, pour le plus grand nombre, sont définitives.
C’est un art de qui l’imposture est toujours respectée. » Bientôt paraît Tartufe, et la fausse dévotion est si bien le vice de cette seconde moitié du xviie siècle que La Bruyère, vingt ans plus tard, peindra sous le nom d’Onuphre un Tartufe retouché et affiné. […] C’est ce qu’on appelle souvent la théorie de l’art pour l’art. […] Si l’on admet que l’art doive être « fainéant », comme dit Victor Hugo, si l’on veut qu’il ressemble aux lys des champs, qui ne travaillent ni ne filent et sont pourtant velus de splendeur, si l’on exige qu’il plane, indifférent et superbe, au-dessus des vils intérêts humains, sans avoir ni patrie, ni religion, ni préférence politique ou philosophique, on supprime, on retranche de la littérature plusieurs genres qui comptent pourtant plus d’un chef-d’œuvre.
Mais ce n’est point assez de s’en prendre à chaque individu, il faut attaquer l’Art même ; & jugez si les Troupes sentiront fermenter leur courage, quand elles entendront ainsi parler de leur métier : Cette science exécrable consiste à savoir modifier, arranger, coller plusieurs milliers d’imbécilles côte à côte comme des harengs en caque, les faire tourner à droite, à gauche tous en même temps, comme des mannequins qui tiennent au même fil, & ne faire de ces troupeaux de bêtes féroces qu’un seul corps, une seule muraille composée d’un pareil nombre d’automates, puisse les renverser du même choc & les étouffer le plus lestement possible. […] Qu’on ose dire, après cela, que la Philosophie n’est pas l’art de manier les esprits ; que son flambeau n’est pas un guide capable de se faire suivre par-tout où il veut conduire ; que ses prestiges n’ont pas le pouvoir de transformer les êtres au gré de ceux qui ont le don de la métamorphose. […] Je tâche de les lire, comme les ont lues de tout temps les Sages & les Littérateurs éclairés : les Sages, pour n’y admettre que des mœurs, des sentimens, des caracteres, des maximes propres à donner à l’ame de l’énergie & des vertus ; comme les Littérateurs éclairés, pour condamner & rejeter les vains efforts de l’Art, les bizarreries de l’imagination, le clinquant de la fausse parure, la manie des sentences & des déclamations.
Sans parler de l'Egypte, qui donna ses Dieux, avec les Arts, aux autres Nations, on fait que les Grecs & les Romains avoient, dans le temps même qu'ils furent le plus tolérans, un Magistrat pour veiller à la conservation de la Religion. […] Aujourd'hui, plus combinés, plus réfléchis, couverts du masque de la décence, ils sont devenus très-communs, & l'on n'en blâme & punit que la forme ; aujourd'hui les méchans ont acquis l'art funeste de donner un libre essor à leur perversité ; l'art de la rendre plus active, d'en faire mouvoir plus fûrement les ressorts, & le talent plus funeste encore de se dérober au glaive vengeur des Loix.
* * * — Jeté sur le pavé Les Saint-Aubin : la première livraison d’un beau livre de biographies d’art sur le xviiie siècle que nous avons en tête. […] * * * — Dans les troubles de l’art, à la fin des vieux siècles, quand les nobles doctrines sont mourantes, et que l’art se trouve entre une tradition perdue et quelque chose qui va naître, il apparaît des décadents libres, charmants, prodigieux, des aventuriers de la ligne et de la couleur qui risquent tout, et apportent en leurs imaginations, avec une corruption suave, une délicieuse témérité.
* * * — En voyant le chœur de la cathédrale de Mayence, d’un rococo si tourmenté, si joliment furibond, avec ses stalles qui semblent une houle de bois, en voyant ces églises de Saint-Ignace et de Saint-Augustin, aux balustres des orgues, égayés d’Amours comme un théâtre Pompadour, la pensée se perd sur ce catholicisme, si rude en ses commencements, si ennemi des sens, et tombé dans cette pâmoison, dans cet éréthisme, qui est l’art jésuite. […] 18 septembre Décidément, c’est le plus triste métier que ce bel art des lettres. […] Mais en art et en littérature, les opinions consacrées sont sacrées et peut-être, au xixe siècle, est-il moins dangereux de marcher sur un crucifix que sur les beautés de la tragédie !
En s’exerçant avec Clymène, La Fontaine n’a pas fait autre chose qu’expérimenter son talent et s’essayer dans l’ordre d’art qu’il devait plus tard adopter et ne jamais quitter. […] Il a dit lui-même comment il comprend l’art et comment il voudrait qu’on le pratiquât autour de lui. […] Une personne que le Ciel a composée avec tant de soin et avec tant d’art, doit faire honneur à son ouvrier et régner ailleurs que dans le désert.
La splendeur du soleil, la magnificence des rois, les merveilles des arts, les palais, les fêtes, la solennité des sacrifices, la guerre avec ses terribles images et sa sanglante parure, les casques d’airain, les aigrettes flottantes plaisent également aux deux poëtes et leur reviennent d’un attrait si vif que ce qui semblerait parfois image vulgaire brille toujours nouveau sous leurs paroles de feu. […] On y verrait ce même art, ou plutôt cette création spontanée, cette création par le verbe du génie, sans matière préexistante, qui tire de soi la grandeur que les choses n’ont pas, en même temps que, d’instinct et sans hausser la voix, elle s’égale par la parole à tout ce qui est sublime dans la nature, ou dans l’homme. […] C’est elle qui fait violence à la vérité, et sur des noms obscurs jette une gloire corrompue21. » Sa complaisance de cœur semble être pour l’île d’Égine, la conquête et l’auxiliaire d’Athènes, grande dans l’imagination poétique par le nom des Éacides, et mêlant, comme Athènes, la guerre, la marine et les arts.
Lorsque Ulysse, après avoir tiré vengeance des prétendants et avoir reconquis son palais, veut se faire reconnaître de Pénélope, l’intendante Eurynome le met au bain et le parfume ; puis, au sortir de là, Minerve le revêt de toute sa beauté première et même d’un éclat tout nouveau ; elle le fait paraître plus grand de taille, plus puissant encore d’attitude ; elle répand autour de sa tête, par boucles épaisses, sa chevelure semblable à une fleur d’hyacinthe : « Et comme lorsqu’un artiste habile, que Vulcain et Minerve ont instruit dans la variété de leurs arts, verse l’or autour de l’argent et accomplit ses œuvres gracieuses, ainsi elle verse la grâce autour de la tête et des épaules du héros, et il sort du bain tout pareil de corps aux Immortels… » Certes l’habile critique Aristarque, si bien enseigné qu’il fût par Minerve, n’en a pas tant fait pour son poëte ; il n’a pas ajouté la couche d’or, il n’a pas rehaussé l’Homère qui lui était transmis ; mais il l’a lavé de ses taches, il lui a enlevé la rouille injurieuse des âges et a dissimulé sans doute quelque cicatrice ; il l’a fait, en un mot, sortir du bain avec toute sa chevelure auguste et odorante, ambrosiæque comæ : c’est tel à jamais que nous le reconnaissons. […] uatremère de Quincy dans son Jupiter olympien, — ce qu’est un tel art si divers par opposition à l’ancienne idée de la statuaire, réputée classique, toute de marbre uniforme et de froide blancheur.
Si c’est dans l’art qu’elles se produisent et s’expriment, la forme en sera nue, sèche et aride, comme tout ce qui vient avant la saison. […] Cette charmante mythologie que le xviie siècle avait défigurée en l’adoptant, et dont le jargon courait les ruelles, il la recompose, il la rajeunit avec un art admirable ; il la fond merveilleusement dans la couleur de ses tableaux, dans ses analyses de cœur, et autant qu’il le faut seulement pour élever les mœurs d’alors à la poésie et à l’idéal.
Il a professé d’abord que, sur la foi de l’observation du passé, il croyait fermement au progrès, et au progrès en tout, en politique, en art, en philosophie, etc., etc. ; puis il a vivement, et par d’énergiques exemples, étalé l’anarchie présente qui se manifeste sur tous les points. […] Cette conception nouvelle qui doit instituer sur des bases inconnues la politique, la morale, l’art, etc., etc., M.
Il faut soutenir chaque absurdité dont est formée la longue chaîne qui conduit à la résolution coupable ; et le caractère resterait, s’il est possible, plus intact encore après des actions blâmables que la colère aurait inspirées, qu’après ces discours dans lesquels la bassesse ou la cruauté se distillent goutte à goutte avec une sorte d’art que l’on s’efforce de rendre ingénieux. […] Échappe-t-elle aux beautés de l’art tragique, aux sons divins d’une musique céleste, à l’enthousiasme des chants guerriers ?
Il va au-devant des barbares, ou les gagne aussitôt après leur entrée ; service énorme ; jugeons-en par un seul fait : dans la Grande-Bretagne, devenue latine comme la Gaule, mais dont les conquérants demeurèrent païens pendant un siècle et demi, arts, industries, société, langue, tout fut détruit ; d’un peuple entier massacré ou fugitif, il ne resta que des esclaves ; encore faut-il deviner leurs traces ; réduits à l’état de bêtes de somme, ils disparaissent de l’histoire. […] Jusqu’à la fin du douzième siècle, si le clergé pèse sur les princes, c’est surtout pour refréner en eux et au-dessous d’eux les appétits brutaux, les rébellions de la chair et du sang, les retours et les accès de sauvagerie irrésistible qui démolissaient la société. — Cependant, dans ses églises et dans ses couvents, il conservait les anciennes acquisitions du genre humain, la langue latine, la littérature et la théologie chrétiennes, une portion de la littérature et des sciences païennes, l’architecture, la sculpture, la peinture, les arts et les industries qui servent au culte, les industries plus précieuses qui donnent à l’homme le pain, le vêtement et l’habitation, surtout la meilleure de toutes les acquisitions humaines et la plus contraire à l’humeur vagabonde du barbare pillard et paresseux, je veux dire l’habitude et le goût du travail.
Il est vrai que le souvenir de leur sexe peut également se retourner contre elles… En somme, soit que l’idée d’un autre charme que celui de leur style agisse sur nous, soit qu’au contraire l’effort de leur art et de leur pensée nous semble attenter aux privilèges virils, il est à craindre que nous ne les jugions avec un peu de faveur ou de prévention, qu’elles ne nous plaisent à trop peu de frais dans les genres pour lesquels elles nous semblent nées (lettres, mémoires, ouvrages d’éducation), et qu’elles n’aient, en revanche, trop de peine à nous agréer dans les genres que nous considérons comme notre domaine propre (poésie, histoire, critique, philosophie). […] Et voici, je crois, une question qui se rattache à celle-là et qui, si elle peut être résolue, doit l’être de la même façon : pourquoi, à considérer l’ensemble de notre littérature, les femmes sont-elles restées sensiblement en deçà des hommes dans l’art de colorer le style ou de le ciseler et d’évoquer par des mots des sensations vives et des images précises ?
Renan, jusqu’à « comprendre plusieurs espèces de beauté » ; et ce Phocéen conçoit quand il le veut la mélancolie des Sarmates et des Saxons et les tristesses et raffinements d’art et de pensée des hommes du Nord. […] La cité qu’il rêve serait la république des grâces et des jeux ; le courage même y serait un fruit de l’amour ; les femmes y inspireraient l’héroïsme dans la guerre, et elles y conseilleraient les arts de la paix.
Cuvillier-Fleury, cette clarinette aveugle du pont des Arts, dans son discours funèbre, que Janin était mieux que le Prince de la Critique, mais qu’il en était le roi, — ce qui est un couac en critique comme en font les académiciens, quand ils veulent jouer, aux enterrements, de leurs vénérables clarinettes ! […] deux sous pour votre bouquet de violettes et deux sous pour le pont des Arts » (aller et retour !).
C’est une richesse, mais c’est une richesse qui nuit à l’unité du roman, et qui éparpille et disperse l’intérêt que l’art aurait été de concentrer… La femme du monde experte qu’est madame de Molènes, cette observatrice qui a des observations de rechange toujours à son service, s’est trop souvenue des femmes qui ont passé devant elle, et elle en a mis trois autour de son orpheline, qui, sans être orphelines, ont plus de charme que celle qui l’est, et même, sur les trois, il en est une — Hélène — qui, selon moi, en a beaucoup plus ! […] Qu’elle entre plus ou moins bien dans les combinaisons plus ou moins usées du théâtre, elle n’en a pas moins pour moi l’observation, l’imagination et le style avec lesquels, quand l’art du théâtre subsistait encore, on faisait la comédie autrefois !
Les arts du fondeur et du sculpteur restèrent chez eux dans l’enfance ; et quant à la magnificence de leurs pyramides, on peut dire que la grandeur n’est point inconciliable avec la barbarie. […] Orphée surtout, si on le considère comme un individu, offre aux yeux de la critique l’assemblage de mille monstres bizarres. — D’abord il vient de Thrace, pays plus connu comme la patrie de Mars, que comme le berceau de la civilisation. — Ce Thrace sait si bien le grec qu’il compose en cette langue des vers d’une poésie admirable. — Il ne trouve encore que des bêtes farouches dans ces Grecs, auxquels tant de siècles auparavant Deucalion a enseigné la piété envers les dieux, dont Hellen a formé une même nation en leur donnant une langue commune, chez lesquels enfin règne depuis trois cents ans la maison d’Inachus. — Orphée trouve la Grèce sauvage, et en quelques années elle fait assez de progrès pour qu’il puisse suivre Jason à la conquête de la Toison d’or ; remarquez que la marine n’est point un des premiers arts dont s’occupent les peuples. — Dans cette expédition il a pour compagnons Castor et Pollux, frères d’Hélène, dont l’enlèvement causa la fameuse guerre de Troie.
Quoiqu’il n’eût pas été disciple de Pythagore, il reçut la tradition récente encore de ses leçons : il y joignit les voyages en Orient, dont profita de bonne heure le génie grec, à part la supériorité que ses lois et ses arts lui donnaient sur les peuples que la Grèce appelait barbares. […] Très grande de son vivant, sa célébrité s’accrut avec le temps dans l’imagination des Grecs ; et, après le grand siècle des arts et de la science, lorsque le monde polythéiste fut troublé et divisé par une lumière nouvelle, le nom d’Empédocle, les légendes sur sa vie, les prodiges attribués à sa science magique, furent un des secours dont s’étayait l’ancienne croyance.
Scribe ressemble en un sens aux poëtes dits de la forme qui s’inquiètent, avant tout, des circonstances de l’art et négligent souvent l’inspiration toute naturelle.
Sa vocation, ce semble, si elle avait pu se développer naturellement, eût été le commerce des poètes, des artistes, parmi lesquels il n’aurait pris, à titre de poète lui-même, qu’une place modeste ; il se faisait de l’art une si haute idée, il avait un tel dédain du goût vulgaire, qu’il n’admettait guère les essais incomplets et qu’il ne voulait que les œuvres sûres.
Viollet-Le-Duc, qui dans sa jeunesse s’est essayé contre l’école alors régnante de Delille par un petit Art poétique qui parut une satire hardie, a depuis pris place parmi les érudits en vieille littérature par une très-bonne édition de Mathurin Regnier (1822) ; il y mit en tête, comme Introduction, une histoire de la Satire en France.
L’ouvrage de M. de Latena, avec plus d’élévation, appartient à cette branche d’écrits estimables et qui laissent après eux un bon témoignage de l’art moyen d’une société.
. — Sensations d’art (1886). — Memoranda (1887). — Les Philosophes et les Écrivains religieux (1887). — Les Œuvres et les Hommes, seconde édition (1889 et années suivantes).
[L’Art romantique (1868).]
Il a l’art de dire la chose à laquelle on ne s’attend pas et qui, cependant, est celle qu’il fallait dire.
Maurice Perrès Le vers libre pour donner au lecteur l’impression musicale et le frisson du grand art doit être manié avec une dextérité rare et une haute conscience d’artiste.
Qualités et défauts de cet art se trouvent pour le mieux synthétisés, pour son point de départ, d’un vers trop martelé, aux timbres uniformes, dans l’Aventurier, et pour son point d’arrivée, au Jardin de Cassiopée, vers plus libres, plus larges, mieux disposés.
Il imita les mouvemens de Pindare ; mais, à l’exemple d’Horace, il sut captiver l’enthousiasme sous le joug de la raison, de sorte que le désordre est chez lui un effet caché de l’Art ; qualité bien préférable à cette impétuosité fougueuse, plus semblable au délire, qu’à la chaleur du vrai génie.
Boileau a très-bien jugé ce Poëte ; quand il a dit après avoir parlé de Marot : Ronsard, qui le suivit, par une autre méthode, Réglant tout, brouillant tout, fit un Art à sa mode, Et toutefois long-temps eut un heureux destin ; Mais sa Muse, en François, parlant Grec & Latin, Vit dans l'âge suivant, par un retour grotesque, Tomber de ses grands mots le faste pédantesque.
Nos arts lui doivent aujourd’hui leur tristesse, leur ferveur, leur grandeur, d’être devenus de gravité presque septentrionale dans leurs chefs-d’œuvre et d’avoir perdu en gaîté narquoise, en faconde conteuse.
On reconnut Homère à son talent de rendre la nature avec une noble simplicité ; à sa poësie vive, pleine de force, d’harmonie & d’images ; à son érudition agréable, lorsqu’il décrit l’art de la guerre, les mœurs & les coutumes des peuples différens, les loix & la religion des Grecs, le caractère & le génie de leurs chefs, la situation des villes & des pays.
Nous avons entendu dire : « Si Bossuet et Pascal revenaient, ils n’écriraient plus comme cela. » C’est nous, prétend-on, qui sommes les écrivains en prose par excellence, et qui sommes bien plus habiles dans l’art d’arranger des mots.
Les modernes doivent à la religion catholique cet art du discours qui, en manquant à notre littérature, eût donné au génie antique une supériorité décidée sur le nôtre.
L’art seul aide le musicien qui voudroit mettre en chant des vers tels que ceux où Corneille fait une peinture si magnifique du triumvirat.