pas une main sans force qui a écrit : Une Scène de nuit à Schœnbrunn, La Popularité des grands Noms, Les Impérialistes, La Mort de l’Empereur, et la plupart des odes de ce recueil. Seulement, si cette force était plus grande encore, la main du poète, qui attaque parfois l’expression avec une si remarquable énergie, frapperait toujours juste et ne tournerait pas.
On peut dire que par elle le génie s’étend, l’âme s’élève, l’homme tout entier multiplie ses forces ; et de là les travaux, les méditations sublimes, les idées du législateur, les veilles du grand écrivain ; de là le sang versé pour la patrie, et l’éloquence de l’orateur qui défend la liberté de sa nation. […] La plupart des hommes, faibles par leur nature, faibles par le peu de rapport qu’il y a entre leur esprit et leur caractère, plus faibles encore par les exemples qui les assiègent, par le prix que les circonstances mettent trop souvent à la bassesse et au crime, n’ayant ni assez de courage pour être toujours bons, ni assez de courage pour être toujours méchants, embrassant tour à tour et le bien et le mal, sans pouvoir se fixer ni à l’un ni à l’autre, sentent la vertu par le remords, et ne sont avertis de leur force que par le reproche secret qu’ils se font de leur faiblesse.
La force de cette littérature dynamique n’est pas encore épuisée. […] Quelle est cette force motrice ? […] Ce n’est pas de la force motrice perdue. […] Son intransigeance, son intégralisme, font sa force, au moins littéraire. […] Il est moins une force de la nature qu’une présence de la nature ; moins une date qu’une saison.
Une autre série de cinq planches : Les Cinq Forces, figurées par des femmes. […] A Ohkavabashi, un saltimbanque fait des tours de force devant des enfants. […] L’une des planches représente Hanarégoma déracinant des rochers à la force de ses bras tirant une corde. […] Ici les exercices du corps, dans un prestigieux rendu du déploiement de la force et de l’adresse. […] Une série intitulée : Comparaison de la force des héros de la Chine et du Japon.
» Ici Chaucer a les franchises de Molière, et nous ne les avons plus ; sa bourgeoise justifie le mariage aussi médicalement que Sganarelle ; force est de tourner la page un peu vite et de suivre, en gros seulement, toute cette odyssée de mariages. […] » Pour le cinquième, elle le vit pour la première fois à l’enterrement du quatrième, derrière la bière ; elle lui trouva la jambe si bien faite, que force lui fut de le prendre pour mari. « Il était vieux, je crois, de vingt hivers, et j’avais quarante ans, si je dois dire la vérité. […] Le meunier a bu trop d’ale et veut parler à toute force. […] L’accent mâle et ferme se soutient d’abord ; puis une note grêle et douce vient indiquer que cette croissance n’est pas achevée et que cette force a des défaillances. […] Il y a tel récit d’un jeune garçon qui, meurtri par son précepteur, veut à toute force le garder, afin d’apprendre.
Trop souvent il suit les traces de Pline: sa force est en lui-même ; il explique l’univers d’après les lois de sa physique, et les lois de la Providence lui restent inconnues. […] D’ailleurs, toute la force de l’auteur des Études vient de conviction: c’est parce qu’il y a un Dieu qu’il est éloquent. […] Il aurait voulu être un Romain, et n’eut pas même la force d’être toujours un honnête homme. […] Bernardin de Saint-Pierre admirait l’éclat et la force entraînante des écrits de Jean-Jacques, mais il condamnait ses paradoxes, et l’on peut dire qu’il ne cessa de les combattre. […] Le plus grand des écrivains de notre langue, Bossuet, a la force et l’élévation, mais c’est la force écrasante du prophète plutôt que la force persuasive de la vérité: il est terrible, il n’est pas bon ; on ne l’admire pas seulement, on le craint.
Avec des centres de force ? les lignes de force émises dans tous les sens par tous les centres dirigent sur chaque centre les influences du monde matériel tout entier. […] C’est peu à peu, et à force d’inductions, qu’elle adopte notre corps pour centre et devient notre représentation. […] Une fois cette traduction établie, l’original pâlit, mais elle n’aurait jamais pu se faire si l’original n’avait été posé d’abord, et si la sensation affective n’avait pas été, dès le début, localisée par sa seule force et à sa manière. […] Ayant attribué au corps l’unique fonction de préparer des actions, force nous sera bien de rechercher pourquoi la mémoire paraît solidaire de ce corps, comment des lésions corporelles l’influencent, et dans quel sens elle se modèle sur l’état de la substance cérébrale.
Guy de Maupassant d’éparpiller ses forces en récits écourtés, au lieu de les condenser en de gros ouvrages. […] Daudet avec la force de M. […] Désormais il y a contre nous une force plus forte que la vérité, et qu’on appelle l’Histoire. […] Plus nous allons, et plus tout ce qui émerge de l’universelle médiocrité, tout ce qui porte une force en soi, force sociale, force pensante, force artiste, vient du peuple. […] Il force les confidences, extirpe les bas aveux, il apprivoise les inoubliables rancunes.
« Quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, dit Néera, on perd un peu plus de temps, un peu plus de force, un peu plus d’argent, un peu plus d’illusions. […] C’est la force de la sensation qui crée la force de l’expression. […] A force d’archéologie, Jean Lombard a sombré dans le peinturlurage criard. […] A force de nous entendre parler d’Homère, il se décida à le lire. […] Armelin a réussi ce tour de force.
IV Nous vous l’avons dit tout à l’heure, certaines prédispositions intérieures ou extérieures sont nécessaires à l’âme de l’homme et à l’âme des animaux pour que cet instinct du chant se manifeste en eux dans toute sa force. […] Il suspendait alors son chant pendant quelques respirations, puis il le reprenait avec une force nouvelle, à mesure qu’il approchait du fond de la vallée et de la clairière de gazon et de rocaille où la gorge du château commence à monter vers la roche. […] Ses doigts, ouverts comme par une main de force, se détachèrent des deux touffes de bruyère qui le soutenaient sur l’abîme ; son orteil détendu glissa sur l’étroite corniche qu’il avait saisie comme point d’appui pour enjamber le sommet du précipice ; il glissa le long du rocher et roula évanoui et sanglant le front sur les pierres, sans pousser un cri. […] Ce fut la plus grande douleur de ma vie ; je me croyais à peine la force de survivre. […] Elles donnaient l’élan, elles doublaient les forces, elles voilaient la mort.
Nous avions résolu, après la victoire symbolique du drapeau tricolore, de fixer la Révolution, qui reculait déjà dans le possible, en la passant en revue tout entière au milieu de la place de la Bastille, et de la rallier avec tous les citoyens et toute la garde nationale, cette raison et cette force irrésistibles, à la vraie France, en la montrant vaste, enthousiaste, unanime, aux démagogues et aux songe-creux de l’utopie. […] J’allai au-devant d’eux dans une vaste enceinte, et, me plaçant devant une grande table qui rompait la colonne et qui m’empêchait d’en être submergé, j’attendis que la plénitude du lieu rendît la foule immobile, et, m’adressant aux premiers rangs, composés des chefs, au milieu desquels rayonnaient quelques belles figures d’artisans plus éclairées que les autres des rayons du bon sens qui transperce l’ignorance et la force brutale des masses : « — Que demandez-vous de nous ? […] Et, pendant que je retrempais mes forces à leur table, tout en les écoutant causer comme Périclès écoutait la marchande d’herbes d’Athènes, le cabriolet longtemps cherché se fit enfin entendre. […] Une telle éloquence était une grande force que Dieu nous prêtait pour imposer à la multitude. […] Secondement, ce même Valjean devient parfaitement digne des galères par le vol, dépourvu de toutes circonstances atténuantes, de l’argenterie de l’évêque, et parfaitement caractérisé d’une vraie perversité aggravante, par l’hésitation entre assassiner ou épargner son sauveur, et parfaitement surchargé d’une criminalité odieuse par le vol de la pièce de quarante sous, à main armée, du pauvre enfant sans force et sans armes !
Aucune force politique ne peut lutter, dans notre pays, contre cette force anarchique, excepté la force révolutionnaire. […] C’est là la question : la première semaine après sa défaite, la presse se tait ; la seconde, elle rallie par le droit de réunion ses forces disséminées ; la troisième, elle fermente et se révèle en symptômes menaçants par des mots d’ordre et par des rassemblements sur les boulevards, au sortir des clubs ; la quatrième, elle éclate et le sang coule. […] LXVI En 1844, les légitimistes imaginèrent de porter un défi impudent à cette révolution en passant avec éclat une revue de leurs forces à Londres : c’était la revue des ombres.
Schlegel), qui s’est cru le droit de traiter avec mépris notre littérature dramatique, ont suffi pour armer contre elle tous ceux qui ne se sentaient ni la force ni le courage de marcher sur les traces de nos grands maîtres. […] Il en est de même de vous, Monsieur : je ne vous cacherai pas qu’au moment où vous vous êtes armé pour détruire nos anciennes croyances ; de ce moment où Racine, Voltaire et Boileau ont provoqué vos mépris, j’ai redouté dans vous un ennemi d’autant plus dangereux pour le théâtre, que vous avez reçu du ciel ce génie adroit et persévérant qui fait triompher l’erreur et force la vérité à se cacher quelque temps. […] Il n’en est pas de même aujourd’hui, Monsieur ; et vous, plus que personne, pourriez nous donner une idée de la tactique employée de nos jours dans les premières représentations ; non que je prétende que votre intention ait été d’obtenir des succès de vive force ; mais on ne peut pas toujours diriger ses fanatiques prosélytes, qui, dans la crainte d’une opposition, deviennent hostiles et menaçants. […] Vos événements, pressés les uns sur les autres selon votre bon plaisir, sont plus romanesques qu’intéressants : ils se composent de la proscription d’un noble devenu chef de brigands, ce qui n’est pas nouveau ; d’un acte de générosité fait par un vieillard rodomont, jaloux et bavard, faible et fausse imitation du beau don Diègue de Corneille ; d’un galantin devenu empereur et philosophe profond au moment de son couronnement ; enfin, de la noce d’une demoiselle tant soit peu dévergondée ; et tout cela finit au bruit d’un cor merveilleux, qui force deux tendres amants, près de s’enivrer de la coupe du plaisir, à s’empoisonner de compagnie, le tout pour satisfaire la vengeance d’un vieillard stupide ; car c’est ainsi que vous l’appelez vous-même. […] Vous avez changé tout cela, je vous en félicite ; pour peu que l’on vous imite, et pour peu que chaque auteur se croie assez de talent pour faire l’éducation d’un parterre, MM. les comédiens qui paraissent être de votre avis en tout, à force d’avoir des publics, finiront par n’en plus avoir du tout.
quel peuple méconnaîtrait cette force qu’on appelle l’imprévu ? […] C’est dans le règne du passé et de la mort que la fatalité révèle sa force inexorable à l’œil le plus vulgaire. […] Parti pris naïf qui se nommera, si vous voulez, le mécontentement de tout ; parti sans parti, qui cherche partout des raisons de boire de l’opium et qui n’a pas la force de se dresser, une bonne fois, le bûcher de Sardanapale. […] Il est ensuite dans la circonstance piquante et exemplaire d’un homme, de révolution par les passions générales de son livre, par le tour d’esprit, par l’athéisme, frappant à coups redoublés le parti de la révolution et ses idées les plus chères, n’étant pas de la force de Samson et animé de l’esprit de Dieu, comme Samson ; mais n’en abattant pas moins la maison sur lui et les autres révolutionnaires. […] Mais ce qu’une analyse à grands traits, forcément rapides, ne peut pas donner, et ce qui fait la force du livre que nous annonçons, ce sont les détails et les développements.
Robinson Crusoé est d’une force de vie incroyable, comme des mémoires ; — Gil Blas est social. […] Buchon signale ce raisonnement vaniteux qui est une des forces de l’école vague. […] Défiez-vous des gens qui vous racontent leur histoire par force, tout autant que de ceux qui vous la racontent à propos de rien. […] Je suis passionné pour l’intelligence et le travail, et je hais de toute ma force l’inutilité, la stérilité et la vanité. […] pas si fragiles, pas si mous, pas si élégiaques : Goethe et Chateaubriand, les pères de ces Tristes, ont vécu avec activité, contentement et force.
J’avais vu à Rome, dans l’église de Saint-Pierre, le tombeau du pape ; les deux lions au repos, symbole de la force, et le Génie de la Mort, le plus bel adolescent qui soit sorti du marbre ; j’avais vu ce groupe, d’une tristesse sereine et lumineuse comme la mélancolie de l’espérance, éclairé par la coupole de Saint-Pierre de rayons de soleil du matin qui semblaient faire palpiter les chairs et frissonner la peau du marbre de la douce tiédeur de l’aurore. […] J’ai passé autant d’heures de contemplation délicieuses au pied du mausolée de Clément XIV, à Saint-Pierre, entre le Génie de la Mort et les lions de la force au repos, que j’en ai passé au pied du mausolée de Julien de Médicis, par Michel-Ange, à San-Lorenzo de Florence. […] Quiconque a vu ce bloc gigantesque, qu’on admire aujourd’hui dans la galerie du prince Torlonia à Rome, sent que la force et la grâce sont sœurs dans l’âme des puissants génies. […] Les combinaisons les plus étranges de la forme humaine avec des figures d’animaux ou de monstres imaginaires semblent avoir été recherchées par les Phéniciens pour exprimer l’idée confuse d’une divinité qui n’était que la personnification obscure des forces naturelles. […] Les Propylées, le temple d’Érechthée ou celui des Cariatides, sont à côté du Parthénon ; chefs-d’œuvre eux-mêmes, mais noyés dans ce chef-d’œuvre : l’âme, frappée d’un coup trop fort à l’aspect du premier de ces édifices, n’a plus de force pour admirer les autres.
Hors d’haleine, et presque mort de fatigue, à peine a-t-il eu la force d’accomplir son message. […] Nous courions sur ses talons, et voulions être son introducteur auprès de vous ; mais il est bon cavalier, et la force de son amour, aussi aiguë que son éperon, lui a fait atteindre sa maison avant nous. […] Le meurtre le plus sacrilége a ouvert par force le temple sacré du Seigneur, et a dérobé la vie qui en animait la structure. […] Nous avons tranché le serpent, mais nous ne l’avons pas tué ; il réunira ses tronçons et redeviendra ce qu’il était, tandis que notre impuissante malice sera exposée aux dents dont il aura retrouvé la force. […] Le cinquième acte les montre rentrant en Écosse avec des forces nombreuses.
À une théorie comme celle de l’unité des forces physiques qui établit leurs corrélations et transformations, on reconnaît à juste titre une haute portée philosophique. […] La loi de l’attraction universelle et celle de la corrélation des forces nous laissent entrevoir ce que les sciences peuvent découvrir par l’accumulation des faits, le calcul et la rigueur des méthodes. […] On traite les phénomènes psychologiques comme la mécanique pure traite les corps, les mouvements et les forces. […] Dans ce travail de détail, chacun en prend à sa mesure et selon ses forces. […] L’obscurité de l’idée de force rend compte de l’infériorité de ces dernières sciences.
Sous le régime de la force matérielle, la pensée est toujours révolutionnaire. […] À force d’esprit nous avons réussi à tuer l’enthousiasme en France et celui-ci s’en venge sur l’esprit même. […] Si elle oubliait ce noble rôle, elle n’aurait plus d’autre appui que les chances inconstantes de la force. […] Calcul et force, chiffre et sabre, tout est là ! […] « Il devrait y avoir : “Au commencement était la Force.”
… Je veux savoir… — Il y avait comme une force qui me poussait ! […] Il la serra avec force et s’inclina de nouveau. […] Les femmes, ou bien se récriaient et l’admiraient de toute leur force, ou bien ne lui accordaient rien. […] Avec une force surhumaine, elle écarta deux ou trois personnes. […] Il fallut la saisir, l’enlever de force.
Voilà l’histoire, ou la constatation d’un équilibre toujours menacé entre les forces impulsives et les forces dirigeantes. […] c’est bien malheureux de n’avoir pas une force physique adéquate à sa force morale… » Qu’est-ce qui les tourmente ? […] Je ne puis me situer parmi les faibles ; je dois mesurer ma force. […] La force est devant moi, pierre de fondation. […] Il l’a heurtée, dans le moment que triomphait sa force.
On devine en un mot dans ce portrait du jeune avocat un homme qui est né pour persuader par la parole, pour insinuer les raisons, les déduire, les étendre, les faire prévaloir avec un mélange de force, d’adresse et de politesse, encore plus que pour pérorer et plaider. […] Député du Tiers aux États de Blois de 1576, il a raconté comment MM. de Guise essayaient dès lors, par toutes sortes de brigues et de pratiques, d’obtenir des membres de l’assemblée une demande de guerre et d’emploi de force ouverte contre les huguenots : le roi n’était pas de cet avis, ni la majorité des provinces dans le tiers état. […] Mais que j’ai hâte, malgré les preuves d’énergie et d’habileté qu’il y donne, d’être sorti bientôt avec lui de ces époques pénibles de désordre et de confusion, où le patriotisme ne sait le plus souvent à quoi se prendre, où les routes du devoir sont douteuses et obscures, où il faut se cacher et user de ruse pour faire le moindre mal dans l’impuissance du bien, où les forces de l’État se consument dans des luttes intestines, et où les âmes généreuses seraient capables, à la longue, de s’aigrir et de s’altérer !
La petite exhortation que, dans ses mémoires, Montluc adresse ensuite, selon son usage, aux gouverneurs et capitaines qui le liront, est piquante de verve et brillante de belle humeur ; il ne veut point qu’ils cherchent des prétextes autour d’eux, qu’ils se déchargent de leur reddition sur les bourgeois qui les y ont forcés, ou sur leurs soldats qui étaient à bout de combattre : Ce ne sont qu’excuses, ce ne sont qu’excuses, croyez-moi : ce qui vous force, c’est votre peu d’expérience. Messieurs mes compagnons, quand vous vous trouverez en telles noces, prenez vos beaux accoutrements, parez-vous, lavez-vous la face de vin grec, et la faites devenir rouge ; et marchez ainsi bravement parmi la ville et parmi les soldats, la care levée (la face levée), ne tenant jamais autre propos sinon que bientôt, avec l’aide de Dieu et la force de vos bras et de vos armes, vous aurez en dépit d’eux la vie de vos ennemis, et non eux la vôtre… Mais si vous allez avec un visage pâle, ne parlant à personne, triste, mélancolique et pensif, quand toute la ville et tous les soldats auraient cœur de lions, vous le leur ferez venir de moutons. […] Et, pour énumérer quelques-unes de ses qualités spéciales et naturelles qui venaient en aide à sa bravoure et la distinguaient d’une aveugle témérité, il avait « le coup d’œil topographique », et là où d’autres ne voyaient rien qu’escarpement et difficulté absolue, il discernait l’assiette possible d’une batterie, le côté faible et vulnérable d’une place : aussi excellait-il aux reconnaissances. — Il avait cet autre coup d’œil qui sait nombrer de loin une troupe dans une plaine, et, à un demi-mille de distance, il savait son chiffre, si considérable qu’il fut à cinquante hommes près. — Il s’entendait à merveille, dans une escarmouche, à « tâter » l’ennemi, c’est-à-dire à connaître à sa marche et à son attitude s’il avait peur ou s’il était en force et solide
Dans le volume qu’il intitule Chants modernes, il a eu plus d’un dessein : il n’a pas voulu seulement recueillir les vers personnels et lyriques dans lesquels il a célébré ses rêves, ses désirs, ses amours, ses tristesses et ses souvenirs, il a prétendu ouvrir la route à des chants nouveaux, à l’hymne des forces physiques, des machines et de l’industrie. […] Parmi les cinq écrivains qu’il rassemble si singulièrement, et dont il fait les hommes forts de sa race (ce qui ne saurait se soutenir de deux d’entre eux, à qui ce caractère de force convient médiocrement), il en est qui n’ont pas obtenu du premier coup cette admiration religieuse et ce grand silence, en supposant qu’on les leur ait jamais accordés. […] Toute la diatribe contre l’Académie est de ce ton-là : « Aussi nous l’avouons sans pâlir, dit l’auteur en parlant de quelques académiciens qu’il désigne sans les nommer, nous les haïssons de toute la force de notre amour pour les lettres et de notre respect pour les grandeurs de l’esprit humain. » Non, tout cela n’est pas juste, et M. du Camp, qui, malgré ses violences de parole, a de la générosité dans le talent et dans le cœur, ne saurait nourrir de ces haines contre des gens qu’il ne connaît pas.
Le premier général français qui commandait à Perpignan en l’absence de Servan, général en chef, le vieux La Houlière, n’avait pas les forces suffisantes pour garder une frontière si étendue ; l’ennemi l’eut bientôt franchie. […] À défaut d’une force régulière et toute préparée, il courait alors sur tous les esprits un souffle et une flamme. […] Là, pour lui, était le terme de sa glorieuse carrière ; se sentant épuisé de forces, en proie depuis le combat de Monteilla à une fièvre dévorante, il revint sur ses pas, porté en litière par ses soldats, fiers de leur fardeau, mais furieux d’être arrêtés dans leur victoire.
Puis bientôt la confiance, la crédulité si naturelle à qui se croit de bonne foi l’instrument divin, la force de la prévention et du fanatisme, l’impossibilité aussi de s’arrêter dans une entreprise poussée si loin et tellement engagée, reprenaient le dessus ; et c’est ainsi qu’on arriva au bout du dessein le plus impolitique et désastreux. […] Cela ne l’empêchera pas de faire de son mieux et le plus énergiquement dans l’autre système, celui de la force et de l’attaque plus à découvert. […] Et puis, quand, tout cela sera fait et parfait, quand il se sera maintenu au premier rang des ministres du second ordre force de zèle et de miracles administratifs ; quand il pourra se vanter auprès du roi d’avoir accompli ses désirs les plus chers, d’avoir converti vingt-deux mille âmes sur vingt-deux mille, moins quelques centaines, et cela dans l’espace d’environ seize mois ; quand il aura plus que personne contribué, par cette fausse apparence d’une réussite aisée, au fatal Édit qui s’ensuivit ; lorsqu’il aura inscrit de gaieté de cœur son nom dans l’histoire au-dessous de celui de Baville, ce même, honnête homme s’en ira jouir de sa réputation acquise, dans une intendance heureuse et plus facile, il s’y fera aimer, aimer surtout des savants qu’il assemblera et présidera volontiers, et avec une entière compétence ; il fondera des chaires, il fera des fouilles, il découvrira d’antiques cités enfouies, en même temps qu’il embellira les cités nouvelles ; il recherchera des manuscrits, il aura un riche cabinet de médailles, il sera auprès des curieux l’aménité même et recueillera pour tant de services pacifiques et d’attentions bien placées des éloges universels.
Ceux qui admiraient son art et sa force sentaient pourtant quelques-uns de ses défauts, cette description trop continue, cette tension perpétuelle qui faisait que chaque objet venait saillir au premier plan et tirer le regard ; on aurait voulu aussi que, sans renoncer à aucune hardiesse, à aucun droit de l’artiste sincère, il purgeât son œuvre prochaine de tout soupçon d’érotisme et de combinaison trop maligne en ce genre : l’artiste a bien des droits, y compris celui même des nudités ; mais il est besoin qu’un certain sérieux, la passion, la franchise de l’intention et la force du vrai l’absolvent et l’autorisent. […] Se voyant de loisir et complètement livrés à eux-mêmes, comptant leurs forces et sentant croître leurs besoins, ils s’exaltèrent dans leurs prétentions ; la masse fermenta, des chefs ambitieux soufflèrent l’esprit de sédition, et lorsque Hannon, qui commandait pour les Carthaginois en Afrique, se fut rendu à Sicca et qu’au lieu de payer la totalité de la solde promise, il parla de réductions et de sacrifier une partie de la dette, on peut imaginer comme il fut reçu.
Mille écluses maîtriseraient et distribueraient l’inondation sur toutes les parties du territoire ; les huit ou dix milliards de toises cubes d’eau qui se perdent chaque année dans la mer, seraient réparties dans toutes les parties basses du désert, dans le lac Mœris, le lac Maréotis et le Fleuve sans eau, jusqu’aux Oasis et beaucoup plus loin du côté de l’ouest, — du côté de l’est, dans les Lacs Amers et toutes les parties basses de l’Isthme de Suez et des déserts entre la mer Rouge et le Nil ; un grand nombre de pompes à feu, de moulins à vent, élèveraient les eaux dans des châteaux d’eau, d’où elles seraient tirées pour l’arrosage ; de nombreuses émigrations, arrivées du fond de l’Afrique, de l’Arabie, de la Syrie, de la Grèce, de la France, de l’Italie, de la Pologne, de l’Allemagne, quadrupleraient sa population ; le commerce des Indes aurait repris son ancienne route par la force irrésistible du niveau… » Le mot de civilisation ne s’est pas rencontré encore ; il n’échappe qu’à la fin et aux dernières lignes, comme le résumé de tout le tableau ; il introduit avec lui et implique l’idée morale, qui a pu paraître jusque-là assez absente : « Après cinquante ans de possession, la civilisation se serait répandue dans l’intérieur de l’Afrique par le Sennaar, l’Abyssinie, le Darfour, le Fezzan ; plusieurs grandes nations seraient appelées à jouir des bienfaits des arts, des sciences, de la religion du vrai Dieu ; car c’est par l’Égypte que les peuples du centre de l’Afrique doivent recevoir la lumière et le bonheur ! […] Sans cette force matérielle, n’oublions pas que rien de grand, presque rien, même dans la science, et dès qu’elle veut s’exercer au dehors, ne peut s’accomplir. […] Duveyrier n’y trouve point ce gouvernail, cette hélice motrice qu’il cherche, cette force qu’il désire apparemment plus active, plus entreprenante et plus maniable, plus tournée à la découverte utile.
Il représente dans toute sa force le mal que peut faire un mauvais ordre social à un esprit énergique ; il se rencontre plus souvent en Allemagne que partout ailleurs. […] En France, la puissance du ridicule finit toujours par ramener à la simplicité ; mais dans un pays, comme l’Allemagne, où le tribunal de la société a si peu de force et si peu d’accord, il ne faut rien risquer dans le genre qui exige l’habitude la plus constante et le tact le plus fin de toutes les contenances de l’esprit. […] La liberté donne des forces pour sa défense, le concours des intérêts fait découvrir toutes les ressources nécessaires, l’impulsion des siècles renverse tout ce qui veut lutter pour le passé contre l’avenir : mais l’action inhumaine sème la discorde, perpétue les combats, sépare en bandes ennemies la nation entière ; et ces fils du serpent de Cadmus, auxquels un dieu vengeur n’avait donné la vie qu’en les condamnant à se combattre jusqu’à la mort, ces fils du serpent, c’est le peuple, au milieu duquel l’injustice a longtemps régné.
Il est libre et ne peut être retenu… L’amour surtout n’a pas de mesure, et s’exalte dans une ardeur sans mesure… L’amour ne sent point le poids ni la peine, il veut plus que sa force, et n’allègue jamais l’impossibilité, et se croit tout possible et tout permis… L’amour veille ; en dormant même il veille… Celui qui aime, sait la force de ce mot — On ne vit point sans douleur dans l’amour. […] Tandis que la poésie antique ne connaissait que la passion physique, et, pour rendre raison de la force de l’amour, regardait le désir allumé par Vénus dans la nature entière à la saison nouvelle, la poésie moderne, par une orientation toute contraire, assimilera l’amour humain à l’amour divin et en fondera la puissance sur l’infinie disproportion du mérite au désir Même quand le terme réel de l’amour appartiendra à l’ordre le plus matériel et terrestre, la pensée et la parole s’en détourneront, et c’est à peine si, comme indice de ses antiques et traditionnelles attaches au monde de la sensation physique, il gardera ces descriptions du printemps, saison du réveil de la vie universelle ; encore ces descriptions seront-elles de moins en moins sincères et vivantes, et ne subsisteront-elles chez la plupart des poètes que comme une forme vide de sens, un organe inutile et atrophié.
C’est dans les hémisphères cérébraux que la cohésion des actes associés se produit : deux courants de force nerveuse font jouer deux muscles l’un après l’autre ; ces courants, affluant ensemble au cerveau, forment une fusion partielle, qui, avec le temps, devient une fusion totale : — Ce qui est encore plus curieux que cette fusion des mouvements réels, c’est la fusion des simples idées de mouvements. […] Bain, est une parole ou un acte contenu ». « La tendance d’une idée de l’esprit à devenir une réalité, est une des forces qui régissent notre constitution ; c’est une source distincte d’impulsions actives…. […] La solidité, l’étendue et l’espace, qui sont les propriétés fondamentales du monde matériel, répondent à certains mouvements et énergies de notre propre corps, et existent dans notre esprit, sous forme de sentiments de force, d’impressions visuelles et tactiles.
Retz, qui en dispose, craint de l’employer, car ces sortes de forces aveugles frappent avant d’avertir : « Voilà le destin et le malheur, remarque-t-il, des pouvoirs populaires. […] Et comment se peut-il mettre dans l’esprit que l’on conquière à force d’armes la première place dans les Conseils du roi ? […] Et il montre ces idées comme alors très éloignées de lui, « je ne dis pas seulement par la force de la raison à cause des conjonctures, mais je dis même par mon inclination qui me portait avec tant de rapidité et au plaisir et à la gloire… ».
On retrouve, dans plusieurs beaux endroits de nos sermons, l’ame, le génie, le feu, cette force de raisonnement, cette éloquence véhémente & rapide, victorieuse des esprits & des cœurs, qui caractérise ces grands hommes. […] Quels traits de force & lumière, quelle diction pure && de lumière, quelle diction pure & coulante dans saint Jérôme ! […] Quelle force de raisonnement chez le P.
La force du sujet a même obligé La Fontaine à suivre l’intention du premier auteur, jusqu’au dénouement, où il l’abandonne. […] Voilà qui me paraît étrange ; mais à toute force peut-être les chiens anglais sentent-ils mieux le renard que les nôtres. […] Et il revient de nouveau au plaisir de prêcher l’amour de la retraite : et quelle force de sens dans ces vers-ci : V. 60.
Mais ses passions s’ajoutèrent à ses facultés et surtout cette « force en gueule », qui la met à part parmi les bas-bleus ; et pour cette raison, aux sots elle parut tonitruante, et on se souvient encore de son bruit. […] Incapable de creuser longtemps dans la nature humaine et de nous faire un livre profond de ce qu’elle y aurait trouvé, Mme Colet a pour ressource de plaquer autour des amours avilissants et avilis, dont elle nous raconte les orages, de longues descriptions de Venise, fourbues à force d’avoir servi, et des citations de Byron toujours inévitables, quand on parle de Venise et qu’on n’a pas en soi d’impression, neuve et sincère. […] Elle n’était point de force à la modifier.
Rien qui fasse plus rêver et sourire, et qui nous explique mieux l’homme que fut Sterne, l’humouriste qui, à force d’être aimable, se fait tout pardonner. […] Il donne à Don Quichotte une ampleur et une force d’imagination qu’assurément il exagère ; Cervantes est comme sa race, monotone et pompeux. […] s’il fut jamais un homme, au contraire, qui s’éloignât par tous ses instincts révoltés de la philosophie du xviiie siècle, ce fut Sterne, cet esprit tout âme, qui n’eut peut-être de génie qu’à force d’avoir de cette âme qu’on niait si fort dans son temps ; ce fut cette délicate sensitive humaine, dont la racine trempait dans cette idée de Dieu qui fait pousser leurs plus belles fleurs aux plus beaux génies !
Plus tard, Amiel le caractérisait ainsi : « La force de E. […] Parce qu’elles trouvent en moi ce qui leur est nécessaire, la force de l’esprit, la délicatesse du cœur, la douceur, la discrétion et la fragilité. […] » Une faiblesse, oui, qui n’a pas eu la force de mettre son verrou, à elle… Il est dix heures vingt du soir. […] Il admire sa force d’abnégation et de travail. […] Il y a une sorte de félicité religieuse à retremper la force et le courage de nobles caractères.
Figurons-nous bien le cortége : la plus pénétrante des analyses à droite, la plus fine des railleries à gauche ; et pourtant, il y a une ardeur, une conviction qui, chez cette nature élevée, a la force de cheminer entre ce double accompagnement. […] Véritable usurpateur des forces de la société, il s’en arrogea l’emploi pour s’en approprier le bénéfice, espèce de grand monopole qu’il voulut étendre sur l’Europe entière. […] Non content d’effrayer par la force, d’entraîner par le succès, d’éblouir par la gloire, il jugea qu’il fallait encore s’adresser à l’esprit des hommes et le séduire ; il se mit à plaider lui-même, dans le Moniteur, la cause qu’il gagnait avec son épée. […] Si l’ensemble de l’ouvrage prouve une grande force d’analyse, le style, par son caractère abstrait et scientifique, y jure un peu avec ce que cet élégant esprit a naturellement de souple et de dispos jusque dans sa fermeté. […] Et de quel prix serait la vie, avec les passions qui la corrompent et les chagrins qui la désolent, de quel intérêt serait la société que l’erreur égare et que la force ravage, sans le besoin de chercher la vérité et le devoir de la dire ?
Ces deux frères, originaires d’Argos, vivaient dans une honnête aisance ; ils étaient de plus distingués par la force du corps, et avaient remporté des prix dans les jeux publics. […] Les citoyens d’Argos, témoins de ce spectacle, admiraient la force des jeunes gens, et leur donnaient de grands éloges : les femmes félicitaient la mère, et l’estimaient heureuse d’avoir de tels fils. […] C’est une inclination que vous devez tenir de votre naissance, et la force du corps ne vous manque pas pour la suivre. […] Onésilus, instruit de cette particularité, en parla à un de ses écuyers, Carien de naissance, homme très-expert dans l’art de la guerre, et d’une grande force d’âme […] Il avait déjà entendu dire, en traversant la Thessalie, qu’un petit corps de troupes dont les Lacédémoniens étaient la principale force, s’était réuni aux Thermopyles, et qu’un descendant d’Hercule, Léonidas, le commandait.
Au lieu de la grâce maladive et pleureuse de quelques-uns des classiques de son siècle, nous trouvons en lui une force vitale prodigieuse, un élan vers toujours plus de lumière et plus de liberté. […] Toute ma force d’être, toute ma Vie, tout le mystère que j’appelle « mon moi » se révèle alors à moi-même sous la forme de cette sensation : tout ce que je suis semble, à ce moment-là, être cela. […] Ses vers ont la triple force du Rythme, de, la langue et de l’idée. […] Le monde d’images qu’il a créées donne le plus complet exemple de la force du génie appliqué à l’expression intégrale de soi-même. […] Mais je l’aime surtout parce que, comme l’a très bien dit de Gourmont, il est une force naturelle ; quand je le lis j’ai l’impression d’entendre les vents gronder et chanter dans les ramures d’une forêt éternelle.
Quelle impression ne produit-elle pas, cette langue créée pour la force et la raison, alors qu’on la consacre à l’expression de la tendresse ! […] Lorsque je parlerai de la littérature des modernes, et en particulier de celle du dix-huitième siècle, où l’amour a été peint dans Tancrède, La Nouvelle Héloïse, Werther et les poètes anglais, etc., je montrerai comment le talent exprime avec d’autant plus de force et de chaleur les affections sensibles, que la réflexion et la philosophie ont élevé plus haut la pensée.
La force du parti des modernes était dans les Perrault : ils étaient trois frères449, amateurs de lettres et de sciences, intelligents, présomptueux, actifs, remuants, mondains, pourvus de bonnes places et de la confiance de Colbert. […] La nature est toujours la même, inépuisable en sa force, constante en ses effets : donc il naît autant de bons esprits aujourd’hui que jadis.
Pour lui, athées, riches, savants, ces trois termes se tiennent ; et c’est l’égoïsme des privilégiés qui a inventé les idées impies de force centripète on centrifuge. […] Ici, nous sommes dépaysés ; et l’étrangeté de ce monde exotique a une force particulière pour exciter en nous le sentiment des beautés naturelles.
Grosclaude exécute depuis des années ce tour de force, de ne pas écrire une ligne qui ne soit un cliché ou un poncif. […] A force de secouer les mots comme des noix dans un sac, on amène entre eux d’étranges rencontres, des façons nouvelles et baroques de s’accrocher.
Souvent une seule Fable réunit la naïveté de Marot, le badinage & l’esprit de Voiture, des traits de la plus haute Poésie, & plusieurs de ces Vers que la force du sens grave à jamais dans la mémoire. […] La Fable du Statuaire, celle du Chêne & du Roseau, celle du Paysan du Danube, & une infinité d’autres, ne sont-elles pas des créations d’un esprit qui sait s’élever, dès que son sujet exige de la noblesse, de la force, de l’enthousiasme ?
Ce sont actuellement les symbolistes (la toute ou presque toute jeunesse contemporaine), et les Parnassiens qui, quoi qu’on en ait dit, existent encore, luttent toujours et sont une force : ce livre magnifique des Trophées en est la preuve. […] Dans l’œuvre où prédomine la Forme, la Rime se présente immanquablement à l’esprit ; elle affirme la clarté du vers, le rend plus net et le fixe en de précises limites ; car ainsi qu’ailleurs je le déclarerai, en certains sujets — tels épiques, plastiques, où l’ampleur et la force sont nécessaires — il faut employer le vers à rhythme binaire, le vers dit d’airain, tour d’ivoire où, sous la porte, sentinelle casquée d’or et gemmée de rubis, veille la Rime.
Ainsi s’explique une de ces mystérieuses vérités cachées dans les Écritures : en condamnant la femme à enfanter avec douleur, Dieu lui a donné une très grande force contre la peine ; mais en même temps, et en punition de sa faute, il l’a laissée faible contre le plaisir. […] Les plaintes d’Andromaque, plus étendues, perdent de leur force ; celles de la mère d’Euryale, plus resserrées, tombent, avec tout leur poids, sur le cœur.
Je n’ai pas la concience d’avoir encore employé la moitié de mes forces. […] Ajoutez que la plupart de ces questions sont oiseuses, et qu’on néglige de faire entrer dans leur solution les véritables élémens, comme la force de l’habitude, les prestiges de l’espérance etc.
Dans la musique même on ne sçauroit écrire en notes tous ce qu’il faut faire pour donner au chant son expression veritable, sa force et les agrémens dont il est susceptible. […] Je répondrai en premier lieu, que plusieurs personnes dignes de foi m’ont assuré que Moliere guidé par la force de son génie et sans avoir jamais sçu apparemment tout ce qui vient d’être exposé concernant la musique des anciens, faisoit quelque chose d’approchant de ce que faisoient les anciens, et qu’il avoit imaginé des notes pour marquer les tons qu’il devoit prendre en déclamant les rolles qu’il recitoit toujours de la même maniere.
pour qu’un décadent de cette force pût se produire et qu’un livre comme celui de M. […] Seigneur, donnez-moi la force et le courage De contempler mon cœur et mon corps sans dégoût !
Césara donc, Césara, cet idéal de grandeur et de génie, dont le romancier n’entend pas nous faire voir la faiblesse, mais la force, n’est plus qu’un homme qui a vautré son cœur dans un concubinage vulgaire. […] Littérairement trop martelé, trop retentissant des hugotismes qui tyrannisent la mémoire ou la pensée de l’auteur, il a parfois des pages d’une certaine grâce et même d’une certaine force ; mais tout cela se noie et se perd dans l’absurdité d’un système (si on ose ainsi nommer de telles billevesées) qui a eu sur Paul Meurice la même influence que sur son livre et sur son héros.
Dans ces temps d’effroi, les hymnes durent être animées par l’imagination et respirer l’enthousiasme ; car l’homme aux prises avec la nature conçoit des idées plus grandes par la vue de sa faiblesse même ; alors tout s’exagère à ses yeux ; ses expressions s’élèvent avec ses idées, il peint tout avec force, il emprunte de toute la nature des images pour louer celui à qui la nature est soumise. […] « Ô toi qui as plusieurs noms, mais dont la force est une et infinie !
Sous Octave, deux hommes qui étaient nés libres, et qui tous deux avaient vu les proscriptions, louèrent à l’envi l’assassin qui, à force d’art et de souplesse, avait asservi Rome ; j’en demande pardon à ces deux hommes, mais il faut les nommer, c’est Horace et Virgile. […] Nous trouvons cependant un historien à Rome, qui a prodigué, avec la plus grande pompe, les plus lâches éloges à Tibère : c’est Velleius Paterculus, auteur qui a de la rapidité et de la force, qui quelquefois pense et s’exprime comme Montesquieu, et peint les grands hommes par de grands traits, mais qui n’en a pas moins gâté son ouvrage, par le ton qui y règne.
L’un avait trouvé le point juste où la grandeur se mêle avec le goût ; le second eut les excès de la force, le troisième n’eut que les excès de la faiblesse. […] Obligé malgré lui d’abdiquer après un règne de vingt ans, n’ayant point assez de force pour supporter le repos, dans son activité inquiète, sans cesse occupé de conjurations et de crimes, il reprit trois fois la pourpre, qui lui fut arrachée trois fois.
Admirons la Providence d’avoir permis qu’avant cette époque les hommes fussent des géants : il leur fallait, dans leur vie vagabonde, une complexion robuste pour supporter l’inclémence de l’air et l’intempérie des saisons ; il leur fallait des forces extraordinaires pour pénétrer la grande forêt qui couvrait la terre, et qui devait être si épaisse dans les temps voisins du déluge.... […] Mais à cette époque où les hommes avaient encore tout l’orgueil farouche de la liberté bestiale, cette simplicité grossière où ils se contentaient des productions spontanées de la nature pour aliments, de l’eau des fontaines pour boisson, et des cavernes pour abri pendant leur sommeil ; dans cette égalité naturelle où tous les pères étaient souverains de leur famille, on ne peut comprendre comment la fraude ou la force eussent assujéti tous les hommes à un seul.
Il subalternisait la femme à l’homme, et limitait, d’une façon absolue, la femme à la condition que le hasard ou la force lui faisait sur la terre. […] Donc vous ne pouvez faire de cette question une question de force, de tyrannie, de violence ; donc c’est le droit qu’il faut examiner. […] Cette routine aveugle d’hommes pleins de vices et de douleurs, et s’attachant à perpétuer dans leurs enfants les mêmes vices et les mêmes douleurs ; cette lâcheté de l’esprit qui pose des principes et qui ne conclut pas ; cette vie égoïste, individuelle, sans force contre les fléaux qui assiègent l’Humanité, sans grandeur, sans variété, sans poésie, bornée au gain, et toujours exposée à la ruine, courant après de sottes distinctions qui ne sont fondées sur rien, pas même sur la naissance, sur la pureté du sang, sur la transmission du courage et de la force par voie de génération : tout cela fera gémir profondément nos descendants sur leurs pères. […] Vainement vous reculez, Matérialistes, devant vos propres conceptions ; vainement, devenus lâches à force d’avoir été audacieux, vous essayez de rassurer la conscience ébranlée du juge et du bourreau. […] Toute force a besoin d’un point d’appui.
Au besoin il insiste, accentue le trait, force la note. […] C’est dans toute la force du terme un despote. […] Il a arrêté un plan de réforme allant à doubler exactement les forces de son pays. […] On voudrait convaincre par la force du raisonnement plutôt encore que toucher. […] Il est « le religieux » dans toute la force du terme.
Malheur à l’abominable homme qui me force à faire 300 ou 400 lieues de plus, quand je croyais m’aller reposer ! […] Alors le premier le frappa de son long couteau de toute sa force au milieu de la poitrine. […] Rien ne doit régner ici-bas à l’exclusion de son contraire ; aucune force ne doit pouvoir supprimer les autres. […] la mort, la défaite, le triomphe de la force injuste sur la faiblesse et sur le droit. […] Il est clair que, dans cet ordre de questions, il n’eut jamais la force de pousser sa pensée jusqu’au bout.
Or, la force qu’ils semblent avoir, d’où leur vient-elle, sinon du conventionnel prestige que les hommes leur ont constitué ? […] Les commencements épouvantent certaines intelligences : mais ce sont celles-là qui ont le sens de la continuité, ce qui est une grande vertu, c’est-à-dire une grande force. […] Que l’enfant de la mort, avant de mourir, secoue sa tête, s’il en a la force et qu’il produise dans l’air la rumeur du chêne dont le vent remue la chevelure. […] Ghil chante avec force la vie, la terre, les usines, les villes, les labours, la fécondité des ventres et des glèbes. […] L’idée n’est pas banale et je ne suis pas surpris qu’à l’audition, dit avec émotion et force par le poète, ce morceau soit d’un effet saisissant.
La femme, même supérieure, s’ignore presque toujours elle et les limites de ses forces. […] Elle a énervé la force du sujet par toutes sortes de préparations lâches et adroites. […] L’homme a pourtant plus de forces de révolte. […] Dans le même article, elle remarque que « ces pauvres hommes ne sont pas de force ». […] Dans Marni, l’homme à la force de l’âge est le mondain quelconque, bêtement spirituel.
Peut-être que dans cet excès de misère, ne rien craindre et ne rien espérer donnent une force et un ressort qu’on ne verrait pas à un degré moins bas. […] Il est à remarquer qu’à part les orateurs chrétiens qui prêchent l’égalité chrétienne, égalité qui doit revenir à l’égalité civile, mais qui n’est pas la même chose, la littérature du xviie siècle, si hardie et si originale pourtant, n’a pas du tout le sentiment de l’égalité ; c’est une littérature qui n’en a pas même le pressentiment ; elle s’incline d’abord devant la force, elle se courbe devant la force, elle reconnaît et consacre le droit de la force. […] Mais Tartuffe a beaucoup nui en un sens à sa réputation littéraire ; à force d’admirer Tartuffe, on n’a plus regardé tout ce que Molière a semé de conceptions merveilleuses au-delà ou à côté. […] Voilà pourquoi il fallait à toute force qu’Arnolphe expliquât et commentât Les Maximes du mariage pour qu’il fût un caractère vrai, et Molière n’a sans doute pas eu d’autre intention que de faire un caractère vrai. […] Et depuis, combien d’autres ouvrages qui, représentant des mœurs trop étrangères aux nôtres, pour n’être point passés de mode au théâtre, ont cependant gardé pour le lecteur attentif leur force et leur profondeur !
Il voulut avec une force singulière tout ce que le commun des hommes estime et désire. […] Ce fut sa force et sa faiblesse, ce fut sa beauté. […] Il estimait sincèrement la force. […] La main tâte le verre, mais n’a plus la force de le saisir. […] On travaille à force à réparer la maison.
Il a été un instant un homme politique, à force d’être naïf. […] Il nous force à rire du Misanthrope ! […] Par quelle force (de nos jours cet accident n’est arrivé qu’à Fréron, insulté en plein théâtre par Voltaire) ! […] Victor Hugo a relevée à force d’éloquence et de génie ! […] Voyez la force des habitudes vicieuses !
Ainsi raisonnent les politiciens et les moralistes qui se préoccupent de la quantité de force que peut produire le mécanisme social. […] S’il y a un personnage que les hellénistes, réduits à leurs seules forces, sont incapables de ranimer, c’est bien Cléopâtre. […] Il l’a quelquefois maudite ; mais il l’a aimée de toutes ses forces, adorée avec une tendresse câline et une avidité gourmande. […] Et les bons villageois, jetant leurs chapeaux en l’air, criaient de toutes leurs forces : « Vive Savoie ! […] Taine a merveilleusement vu et décrit la puissance de ce génie, la force de cette volonté.
Elle s’est livrée parce que son amant allait se battre ; il a dit que cela lui donnerait des forces. […] Mais c’est aussi par là qu’il est si « intéressant » (je donne au mot toute sa force). […] (Les mots de cette force abondent dans ce deuxième acte.) […] Celui-ci refuse et le force de s’expliquer avec la comtesse. […] Il a une force en lui, d’où sortira quelque jour une œuvre vraiment belle.
C’est pourquoi il a gardé, en une si grande révolution de sentiments et d’idées, le courage d’espérer et la force de sourire. […] S. les évêques), que David, après avoir été un adolescent doué de grâce, de force et de vaillance, devint le modèle des rois. […] Il ne se révolte point, il subit tranquillement la force des choses. […] Qui ne sait l’influence qu’exerce sur nous la force des choses ? […] Aimons-les de toutes nos forces.
Encore une fois d’où vient cette force vitale ? […] Les êtres animés ne sauraient avoir eux-mêmes produit leurs forces vitales, car nul ne peut donner ce qu’il n’a pas. Quand nous imaginerons toutes les forces physiques ou chimiques, elles ne feront pas une force vitale et surtout une force pensante. […] C’est ce tour de force qu’a accompli, tout naturellement, M. […] Léonce de Foncières vient de publier et qui contient de nombreux morceaux pleins de couleur et de force descriptive.
Et les mots sont sa force. […] Il avait passé quelque temps dans l’inaction, suivant avec dégoût les intrigues d’une diplomatie qui ne refaisait pas d’un coup la grande Italie, et qui, doutant des forces italiennes, doutant surtout des forces populaires qu’elle refusait d’utiliser, laissait dans la servitude certaines contrées et certaines populations. […] Il combat pour la liberté et pour le bon droit, cela lui paraît une force suffisante : « L’Autriche est puissante, ses armées sont nombreuses. […] Et où Rome a-t-elle puisé la force de le repousser enfin, sinon dans son patriotisme et dans son énergie ? […] Il a en lui une force d’inconscience qui fait ses livres meilleurs que ses préfaces.
Elle ouvre dans leur roman un chapitre nouveau, qui est touchant à force d’absurdité. […] Aucun des deux n’avait la force d’en finir. […] Il est la Force qui meut l’Univers. […] Cela est au-dessus de mes forces. […] Ma force à lutter s’use et se prodigue.
Dès que l’on dit science, on dit opposition avec les forces religieuses. […] Des pessimistes affirmaient même qu’ils seraient épuisés dans moins d’un siècle, peut-être, et on se demandait déjà par quelle force remplacer cette force mourante. […] Il est dans la nature de l’homme d’aller jusqu’au bout de son droit, jusqu’au bout de sa force. […] Nous avons à peine la force de sourire devant l’impudence de la famille Badin qui n’a pas su « qu’on ne badine pas avec la mort ». […] Pourtant il faut bien reconnaître qu’elles ont plus de vanité encore que de fierté et que leur force est en partie faite de feintise.
Où est la force antique, où sont les armes, la valeur et la constance ? […] Et tu te tais et tu pleures, et tu n’as pas même la force de tourner ton tremblant regard vers la lutte douteuse ! […] et vous, soyez à jamais honorées et glorieuses, ò gorges de Thessalie, où la Perse tout entière et le destin furent de bien moindre force qu’une poignée d’âmes héroïques et généreuses ! […] Mais Leopardi garde en lui, nous le répétons, ce trait distinctif qu’il était né pour être positivement un Ancien, un homme de la Grèce héroïque ou de Rome libre, et cela sans déclamation aucune et par la force même de sa nature. […] Ranieri vous honore et vous salue de toutes ses forces.
Son génie naturel ayant trouvé là sa vraie voie, il déborda spontanément de facilité, de grâce et de force. […] Ne pouvant rien obtenir par la force, il eut recours aux supplications, en me certifiant qu’il m’en apporterait le prix le plus tôt possible ; mais je fus inébranlable. […] J’en fus tellement épouvanté que je n’eus pas la force d’aller visiter la cassette où étaient renfermés les joyaux du pape. […] Quand ils virent que la cassette n’avait pas été touchée, et que tous les trésors y étaient encore, ils poussèrent des cris de joie, ce qui me rendit toutes mes forces, et me fit remercier Dieu. […] Je considérais avec étonnement quelle est la force de la puissance divine dans les âmes simples et croyantes avec ferveur, auxquelles Dieu accorde de faire tout ce qu’elles s’imaginent ; et j’espérais la même grâce de Dieu, à cause de mon innocence.
On se fiait beaucoup à ses forces, sans avoir assez réfléchi à l’emploi qu’on en devait faire. […] Il en est ainsi de toute poésie spontanée, qui n’est point un art, mais qui est l’exubérance des forces de la nature. — La nature chantée, voilà toute la poésie. […] La force que nous sentons en nous vouloir, penser et sentir, est-elle la même que cette autre force qui conserve et répare notre organisme ? […] Il est aussi parfaitement sûr de ses forces que du chemin dans lequel il doit marcher, et pourtant il ne veut pas s’en remettre à lui seul. […] Ces philosophes, trop peu instruits, ont cherché à définir le mouvement dans l’âme, comme ils le définissaient dans l’univers, ne voyant pas que dans l’âme (l’âme humaine sans doute, malgré ce qu’en a dit plus haut Aristote), le mouvement tient surtout à cette force qu’on appelle la volonté et la pensée.
L’Énéide est un miracle d’ingéniosité, un extraordinaire tour de force. […] Il satisfait en nous ce désir de liberté, d’indépendance à l’égard des choses, de suprématie sur ce qui est soumis aux lois du hasard et de la force brutale. […] Ce qui lui déplaît dans la démocratie, c’est que, la force et le pouvoir s’y trouvant dans les mêmes mains, c’est-à-dire dans celles du plus grand nombre, « il n’y a point d’art, point d’équilibre et de beauté politique. » Il veut que la puissance soit séparée de la force matérielle, du nombre, et les tienne en échec. […] Ce déterministe, qui regarde l’histoire comme un développement de faits inéluctables et qui a souvent goûté en artiste les manifestations de la force, s’est troublé, s’est fondu en compassion, dès qu’il a vu le sang et la souffrance d’un peu près. […] C’est parmi les élégances et les plaisirs stupéfiants à force d’être conventionnels, l’histoire d’un adultère « décent », accablant de nigauderie, d’insincérité, de banalité, de nullité.
Et peut-être parviendrai-je à vous montrer, bien loin que son rôle se réduise à quelque secondaire emploi de gracieuse inutilité, que la poésie détient la principale force et la plus précieuse richesse de l’humanité moderne. […] quand les idées perdent leurs forces de cohésion, les hommes perdent leurs facultés d’association. […] Aussi la philosophie est-elle l’alliée nécessaire de la poésie, et quand celle-ci, sous toutes ses formes, déserte le culte, elle emporte avec elle le sens du mystère qui était la principale force de la doctrine révélée. […] Mais ces luttes sont stériles, l’avenir de la vie spirituelle est dans l’harmonie des deux suprêmes forces du monde humain. […] Les universités, enlisées dans d’immémoriales traditions, continuent, par la seule impulsion de la force acquise, à enseigner la jeunesse selon des doctrines et des programmes bâtards et dans un but de sanction immédiate qui bannit fatalement des jeunes esprits le sens réel de la vérité.
« Instruit par la force de la compassion, l’homme pur et simple, attends-le, lui que j’ai élu. » M. […] Wilder accomplit un tour de force : reproduire en des poèmes élégants, clairs, certes exacts, les intenses et profonds drames de Wagner ! […] Tantôt sa voix expire dans des tenues prolongées, comme si ses forces physiques l’abandonnaient à cette cruelle tâche ; tantôt sa force d’âme vient les ranimer, et avec des accents de plus en plus émouvants et pénétrants, elle atteste les Cieux et la terre que l’inflexibilité serait sacrilège ; elle devient inspirée pour désarmer une farouche indignation, et commande au nom du Rédempteur lui-même de renoncer à l’iniquité d’un jugement prématuré. […] Un bel et noble prince conquérant par ses forces, ou par l’aide de quelque dieu, la blonde princesse enchantée : cette histoire valait, pour vivre en ces premiers esprits, ce que valent aujourd’hui pour nous les œuvres des réalismes les plus subtils. […] Ses livres sont mal composés, les notions ne s’expliquent point l’une par l’autre : par instants, malgré ces défauts, une phrase surgit, qui bouleverse l’âme et la force à créer la plus intense vie d’une émotion précise.
Le premier empire arma, de son côté, en proportion des forces levées contre lui ; il chercha même des ennemis jusque parmi les amis de la France, comme en Espagne. […] Les victoires de la France humilièrent ses ennemis, nos revers les enhardirent ; en France même l’engouement pour les généraux popularisés dans les camps se substitua trop aisément, dans le peuple, à l’enthousiasme de la liberté ; la révolution philosophique et tous ses principes furent jetés comme en dérision aux soldats ; toutes les forces du patriotisme furent retournées contre la révolution de 89, qui avait excité ce noble patriotisme. […] Ces ambitions coalisées, ayant besoin de recruter des forces dans le peuple qui ne comprend que les idées simples, s’avisèrent de raviver l’esprit de conquête éteint, de souffler sur la gloire assoupie, de verser des larmes très hypocrites sur les cendres de l’empereur, dont les libéraux avaient été les premiers déserteurs et les plus acharnés blasphémateurs en 1814. […] Béranger n’agit pas ainsi, soit par amour évangélique des classes laborieuses, avec lesquelles il lui plaisait de se confondre par la langue et par les préjugés comme par le cœur ; soit pour poser son levier d’opinion sur les masses plus résistantes, afin d’y trouver plus de force contre le trône des Bourbons ; soit enfin pour complaire à ses amis, et pour servir par une action plus vive la triple opposition monarchique, républicaine et militaire, qui le couronnait alors d’une triple popularité. […] On n’y pourrait pas changer un mot ; mais aussi ses chansons manquent un peu de cette négligence qui est la souplesse de la force : elles ne sont pas assez jeunes, même quand elles chantent l’amour ; elles ne sont pas assez folles, même quand elles célèbrent la folie ; elles ne sont pas assez ivres, même quand elles simulent l’ivresse.
Il s’agit pour eux d’obtenir, de gré ou de force, du roi Éétès qui y règne, la toison d’or que Jason doit rapporter. […] car vous venez pour quelque chose, et l’on ne vous voit guère d’habitude, étant comme vous êtes les premières des déesses. » Je force peut-être un peu le ton, mais je l’indique du moins. […] Mais ce n’est pas de mains ni de force ouverte qu’il est besoin, lui dit-on ; qu’elle veuille bien seulement commander à son fils d’enflammer la fille d’Éétès pour Jason. […] Dans son ardeur pour le fils d’Éson, mille soins la tenaient éveillée ; elle craignait l’indomptable force des taureaux, sous lesquels il était près de périr d’une indigne fin dans la plaine de Mars. […] Le cœur lui tomba de la poitrine, ses yeux se troublèrent d’un brouillard, une chaude rougeur saisit ses joues ; elle n’avait la force de lever les genoux pour faire un pas en avant ni en arrière, mais ses pieds restaient fichés sur place.
C’est que, bien au dessus de sa concordance formelle avec son maître, le Démon de sa musique intérieure, impatient de tout lien, et enchaîné sous ces formalités, le poussait à une expression de sa force, qui, comme tous les actes de l’extraordinaire artiste, se manifestait toujours avec une étrange rudesse. […] Car bien misérable était la Compréhension musicale qui s’exprimait à lui, dans cet échafaudage architectonique des sons, lorsqu’il voyait les plus grands maîtres même de sa jeunesse, avec une répétition banale de phrases et de fleurs rhétoriques, avec des alternatives, rigoureusement distribuées, de force et de douceur, avec des graves introductions, et reprises, aux mesures par avance comptées, se traîner, passant sous les portes inévitables de demi-conclusions régulières, jusque le bienheureux tapage de la cadence finale. […] Nous avons vu qu’il nous fallait renoncer à toute rencontre d’une conception théorique propre à Beethoven, et qui eût pu contribuer à nous rendre plus claire cette imagination de son effort artistique ; en revanche, nous pouvons, et nous devons exclusivement, considérer la force virile de son caractère, indiquer, ainsi, l’influence de cette force sur le développement du génie intime du Maître. […] Ainsi, cette force effrayante enfermait et protégeait un univers intime, un univers d’une tendresse si légère et si fine que, si elle n’avait eu ce puissant abri contre le contact du monde extérieur, elle se serait, mollement, fondue, évaporée, comme le délicat génie et comme la vie de Mozart. […] Le Voyageur — L’éveilleur est moi, — et je force la Sage, — pour que, pleinement, veille — ce que le dur Sommeil enferme. — J’ai parcouru l’univers, — très voyagé, —à fin de gagner la Connaissance, — d’obtenir le Premier-Sage Conseil. — Plus sachant, il n’est — nul que toi : — tu connais ce que le gouffre cache, — ce que le mont et le val, — l’air et l’eau enlacent ; — où sont des êtres — là souffle ton Souffle ; — où pensent des cerveaux, — est ta Pensée : — tout, dit on, — te serait connu. — Pour qu’à présent j’obtienne la Connaissance, — je t’ai éveillée du Sommeil.
Et, comme nous avons vu Beethoven préservé contre cette tendance, dans l’art, par la puissante impulsion de sa nature, ainsi nous lui reconnaissons encore la même force, également vaillante à le détourner, dans sa vie et son caractère, de toute tendance frivole. […] La force revécue de ce charme, à lui propre, il l’exerce, à présent, (Andante 5/4) sous une forme adorablement douce ; il y retrouve, ravi, le signe divin de l’Innocence intérieure, et il poursuit, sans cesse, cette mélodie, avec des variations toujours nouvelles et inouïes, laissant tomber sur elle, sans arrêt, les rayons de l’Eternelle Lumière. […] Il est entièrement visible que, précisément, les paroles de Schiller ont été mises sous la mélodie principale, la première fois, avec peu d’enthousiasme, et par force ; car en elle-même, et supportée par les seuls instruments, cette mélodie s’est déjà développée une première fois devant nous avec sa pleine largeur, et nous a remplis, dès lors, de l’émotion innommée, étrangement joyeuse, à la vue de ce paradis regagné. […] Fantin a rendu le sens profond de la scène, et de ce drame entier, la Goetterdaemmerung, où le jeune Siegfried, avec la joie de sa force, nous donne aussi comme l’angoisse du fait cruel, si prochain. […] Par exemple, dans un tas de pierres, les deux forces, la Pesanteur et l’Impénétrabilité, existent, mais à l’état de germes seulement ; pour Schopenhauer, elles n’acquièrent l’absolue réalité que lorsque dans une œuvre d’art, un portique par exemple, elles se révèlent comme impression esthétique sur l’ame contemplative.
J’en excepte les nations où, comme en Espagne, en Italie, en Portugal, au Brésil, en Amérique, les secousses des révolutions et les enfantements de l’indépendance ou de la liberté ont redonné aux forces intellectuelles endormies une vitalité qui commence par l’héroïsme et qui finit par la poésie. […] Deux siècles ont été perdus à calquer avec un génie fourvoyé les littératures grecque et romaine ; nous ne saurions assez le déplorer pour ces grands hommes qui ont consumé ainsi leurs forces et leur nom à être des reflets et des satellites de littératures éteintes, au lieu d’être les phares et les lueurs d’une pensée française et originale. […] Il n’imite rien qu’un peu Sénèque dans la pensée et un peu Théophraste dans la brièveté, mais il fortifie la langue en la resserrant, comme on fortifie la corde trop lâche dans le nœud pour en centupler la force. […] Et d’abord un préjugé de piété, de force et de vertu se répand à l’instant sur le prêtre. […] N’y a-t-il pas là aussi de quoi imprimer à la langue une ampleur, une dignité, une force, une sublimité de tons et d’images qui dépassent mille fois ce que toutes les autres tribunes comportent de grandeur, de solennité et d’élévation ?
Elles avaient donné à la France tout ce que peut donner le despotisme : la concentration et la règle de toutes ses forces intellectuelles et matérielles dans un effort universel des intelligences disciplinées sous l’Église et sous le roi. […] L’oreille a déjà son harmonie, la conception n’a pas sa force, l’image n’a pas sa nouveauté, son relief et son coloris. […] Le poète cesse d’être tragique à force d’efféminer l’amour et le langage d’un héros. […] Pendant que ces deux poètes réunissaient leurs forces pour écrire, à la gloire du roi, ces pages couvertes d’or, Saint-Simon, seul, gravait dans l’ombre l’histoire. […] Il détourna de toutes ses forces son ami de cette idée : l’auteur des Satires n’avait pas assez d’âme pour avoir beaucoup de religion.
Leur esprit politique consiste à ne reconnaître en général que des chefs élus par eux, à laisser une autorité presque arbitraire aux supériorités physiques ou morales, de sorte qu’on y voit tantôt l’anarchie de la faiblesse, quand le chef a peu de force, tantôt le despotisme d’un guerrier habile et heureux. […] Mais ce chaos, si la nature humaine subsiste avec ses instincts et avec ses forces, n’est que le prélude d’une transformation prochaine et l’aurore d’une lumière nouvelle. […] La raison demande à la nature de l’instruire, non pas comme un écolier qui se laisse dire tout ce qui plaît au maître, mais comme un juge légitime qui force les témoins de répondre aux questions qu’il leur adresse. […] Ce jugement, il est vrai, a l’air de devancer l’expérience, mais en réalité il la suit ; car toute sa force repose en dernière analyse sur l’observation que les corps non soutenus tombent. […] En voyant notre philosophe s’engager dans la critique de la raison pure, des principes qui s’y rapportent et qui ne doivent rien à l’expérience, on est tenté de craindre qu’il ne se perde dans la profondeur même de son analyse, et qu’à force d’habiter le monde des notions pures à priori il ne se laisse entraîner à des chimères.
Ce fut une scène déchirante, lorsqu’il fallut l’emporter seule, sans sa mère, l’embarquer de force, le soir, dans une pirogue qui allait rejoindre le vaisseau. […] En parler est au-dessus de mes forces. […] … « Je n’ai aucune force morale en ce moment, et j’ai l’effroi d’écrire surtout à ceux que j’aime ; car, pour ne pas mentir, c’est bien triste à raconter. » « (13 août 1853)… Enfin, nous n’accomplissons en rien notre volonté ; une force cachée nous soumet à tous les sacrifices, et cette force est irrésistible. » « (13 août 1853)… Paris, qui a dévoré toutes nos ressources et nos espérances, devient de plus en plus inhabitable pour nous, et quelque coin de la province nous paraît déjà souhaitable pour cacher nos ruines et reposer tant de travail inutile.
J’avais, à ce moment, une force d’assimilation extraordinaire. […] En me livrant ainsi à la force des choses, je croyais me conformer aux règles de la grande école du xviie siècle, surtout de Malebranche, dont le premier principe est que la raison doit être contemplée, et qu’on n’est pour rien dans sa procréation ; en sorte que le devoir de l’homme est de se mettre devant la vérité, dénué de toute personnalité, prêt à se laisser traîner où voudra la démonstration prépondérante. […] Ce sont des épreuves pénibles, mais au fond honorables et salutaires, et je n’estimerais pas beaucoup celui qui arriverait au sacerdoce sans les avoir traversées… Je t’ai dit comment une force indépendante de moi ébranlait en moi les croyances qui ont fait jusqu’ici le fondement de ma vie et de mon bonheur. […] Ô Dieu, aurai-je la force de lui préférer mon devoir ? […] La croyance à l’éminente personnalité de Jésus, qui est l’âme de ce livre, avait été ma force dans ma lutte contre la théologie.
Balzac, qui est devenu si sérieux, qui s’est épuré en montant, qui est devenu le calme et l’impartial observateur de La Comédie humaine et cette grande tête d’ordre et d’autorité que les désordonnés d’esprit nient encore comme ils nient l’ordre dans la nature, Balzac avait dans le sang, et plus que personne puisqu’il était un génie français, cette goutte de lait maternel, cette propension au rire, à la comédie, à la gaîté qui touche aux larmes, tant sa force épuise vite la nature humaine ! […] Tour de force d’archéologie littéraire, ces Contes, qui seront appréciés un jour et rangés sur les hauteurs de l’art, ne seront jamais populaires. […] Mais si on admire un grand poète dramatique parce qu’il a la force de s’effacer et de parler à travers le personnage d’un autre, que doit-on penser de Balzac, qui, pendant trente Contes plus longs qu’aucun drame, parle à travers la passion, les manières de voir et la langue vraie du xvie siècle ? […] C’est nous, les derniers venus d’ici-bas, qui avons blanchi sous le faix de la science et des sensations de la vie, c’est nous qui pouvons posséder dans toute sa force et sa plénitude cette vertu de bonhomie, inhérente à tous les talents, qui nous prend le plus à la poitrine et qui rend humain l’idéal ! […] Il a toutes les confiances… et cette fougue qui est une espérance et qui, le jour qu’elle se contiendra, sera une force… Mais, comme beaucoup d’artistes plastiques, il se fie un peu trop à la matière, à la matière qui trahit souvent ceux qui l’aiment le plus !
. — Mettant à profit ce qu’il a vu en 1792, et écrivant, comme il le dit, non d’imagination, mais de mémoire, il rappelle les principes auxquels on ne revenait qu’avec lenteur, car les révolutions aussi ont vite leur routine ; il montre le nouveau pouvoir exécutif tel qu’on l’a conçu avec méfiance, incomplet, démembré, mutilé : Il était très bon sans doute d’ôter les forces à un mauvais gouvernement, disait-il, mais il est absurde de n’en pas donner à celui qu’on travaille à rendre bon. — Le Directoire exécutif, tel que le projet l’annonce, est un berceau, qu’on nous passe ce mot, un nid de factions ennemies ; et sa destinée serait de ressembler bientôt à tous les conseils de gouvernement que nous avons vus en France depuis trois ans, où Roland et Pache, Robespierre et Billaud se sont tour à tour arraché la puissance… Je n’entre pas dans le détail des voies et moyens, des remèdes plus ou moins efficaces qu’il proposait ; je ne fais qu’indiquer la ligne générale de Roederer en ces années. […] C’est dans cette discussion du Code civil que Bonaparte, étonné de la force, de la logique et de l’activité de pensée, de la profonde science de Tronchet, jurisconsulte octogénaire, l’étonne bien plus lui-même par la sagacité de son analyse, par le sentiment de justice qui lui fait chercher la règle applicable à chaque cas particulier ; par ce respect pour l’utilité publique et pour la morale qui le fait poursuivre toutes les conséquences d’un principe de législation ; par cette sagesse d’esprit qui, après l’examen des choses, lui laisse encore le besoin de connaître l’opinion des hommes de quelque autorité, les exemples de quelque poids, la législation actuelle sur le point en question, la législation ancienne, celle du Code prussien, celle des Romains ; les motifs et les effets de toutes. […] — Ce qui caractérise l’esprit de Bonaparte, c’est la force et la constance de son attention. […] Il faudrait voir, en bien d’autres détails, comme il était réellement épris et enthousiaste de la gloire, de la vertu du premier consul à cette époque, comme il luttait de toutes ses forces et avec passion contre l’influence de Fouché en laquelle il dénonçait un danger, et, qui pis est, une souillure pour la réputation immaculée du jeune chef d’empire.
On serait presque tenté de croire que ce qui suit est un petit apologue de son invention, qu’il débite à l’usage du ministre : Vous ne serez pas fâché, écrivait-il de Vienne à Chamillart, de connaître quelque chose du caractère de messieurs les princes de Bade et de Savoie, et vous en jugerez sur ce que je leur ai ouï dire de celui des autres généraux : — Les uns, disent-ils, parvenus aux dignités à force d’années et de patience, se trouvant un commandement inespéré, et qu’ils doivent plutôt à leur bonne constitution qu’à leur génie ou à leurs actions, sont plus que contents de ne rien faire de mal. — D’autres, plus heureux par des succès qu’ils doivent uniquement à la valeur des troupes, aux fautes de leurs ennemis, enfin à leur seule fortune, ne veulent plus la commettre, quelque avantage qu’on leur fasse voir dans des mouvements qui pourraient détruire un ennemi déjà en désordre, sans les trop engager. — Mais une troisième espèce d’hommes, assez rare à la vérité, compte de n’avoir rien fait tant qu’il reste quelque chose à faire, profitant de la terreur qui aveugle presque toujours le vaincu, à tel point que les plus grosses rivières, les meilleurs bastions ne lui paraissent plus un rempart. […] Dans cette guerre du Rhin en particulier, Louis XIV avait besoin, en 1702, qu’on opérât une puissante diversion en faveur de l’électeur de Bavière, qui osait, au cœur de l’Allemagne, se déclarer pour lui, et qui était en danger, si on ne les partageait, d’avoir à porter le gros des forces de l’empire. […] La pensée politique dominait ce monarque ; il sentait l’importance de garder l’électeur de Bavière pour allié au centre de l’empire, et il voulait à tout prix lui prouver qu’il ne négligeait rien pour occuper les forces du prince Louis de Bade, et pour faire pénétrer un corps d’armée jusqu’à lui. […] Après cela, allez vers l’Autriche, divisez les forces de l’empire, forcez-le à la paix, et nous verrons si l’on pourra croire sérieux ce que vous avez bien vu qui ne l’était pas quand je vous ai nommé l’emploi de connétable.
C’est surtout la force qui impose, qui étonne, et qui apparaît de loin aux neveux comme une merveille. […] Je vous montrerai à maintenir en paix la Castille et les autres royaumes pareillement : donnez-moi pour mari Rodrigue, celui qui a tué mon père. » Dans cette pensée de Chimène, il n’y a qu’une idée bien digne de ces temps de force et de violence. […] Rodrigue répliqua, fort irrité contre le roi de Castille : « Seigneur, vous m’avez marié plutôt de force que de gré ; mais je déclare devant le Christ que je ne vous baiserai point la main et que je ne me verrai point avec ma femme en désert ni en lieu habité jusqu’à ce que j’aie remporté cinq victoires en bon combat dans le champ. » Lorsque le roi entendit cela, il fut émerveillé. […] Quelques-unes de ces romances sont d’un grand caractère : la première entre autres, dans laquelle on voit don Diègue, tristement inconsolable de l’outrage qu’il a reçu du comte et qui cette fois est bien un soufflet, trop vieux et trop débile pour en tirer vengeance par lui-même, et se demandant si l’un de ses fils est de force et de cœur à le suppléer.
Il se disait non et oui à la fois ; il avait présentes à l’esprit toutes les idées et les raisons pour et contre : ce qui fait la force du penseur, mais qui est souvent l’embarras de l’homme d’État. […] Le radicalisme s’appuie momentanément sur l’orgueil national blessé : cela lui donne une force qu’il n’avait point eue. » Il se range, dès ce moment, dans l’Opposition, dans une Opposition « non démagogique, mais cependant très-ferme » ; et la raison qu’il en donne, c’est que « l’on n’a quelque chance de maîtriser les mauvaises passions du peuple qu’en partageant celles qui sont bonnes. » Cette chance, il l’aura très-peu pour son compte et n’acquerra jamais aucun ascendant à distance. […] Si nous cessions d’avoir l’orgueil de nous-mêmes, mon cher Mill, nous aurions fait une perte irréparable. » On sent parfaitement les diverses idées qui se combattent en lui : il n’est pas d’humeur militaire, et il n’est pas non plus absolument de doctrine industrielle et économiste : il voudrait assister à de grandes choses, et il doute que la nation en soit capable : faut-il conseiller la grandeur à qui n’est pas de force à la soutenir ? […] Je voudrais bien que tu m’aidasses à y voir plus clair… » Les sceptiques pourraient bien avoir raison : cette philosophie des faits, tirée à distance, avec tant d’effort, et qui varie au gré de chaque cerveau, ne prouve guère, après tout, que la force de tête et la puissance de réflexion de celui qui la trouve.
Présent au 14 juillet, il en a célébré le palpitant souvenir en 1829, sous les barreaux de la Force, après quarante années. […] » car il l’avait vue jeter, suivant la coutume, force eau bénite au commencement de l’orage. […] Ce n’est jamais dans la période impétueuse, au début ni au milieu des commotions publiques, que chante le poëte dont l’époque saluera la voix ; c’est plutôt au déclin, aux environs des dernières crises, quand la force sociale s’arrête de lassitude, fait trêve à son tumulte et s’entend gémir. […] Ainsi les ans, Poëte, te consolent, Et tes chansons encore une fois volent, Derniers essaims ; non plus du lourd frelon Purgeant leur ruche à force d’aiguillon, Non plus épris du sein pâmé des roses, Des vins chantants dont tu savais les doses, Des trois couleurs du siècle adolescent : L’esprit d’un siècle a ses métempsycoses, Cher Béranger, la sagesse y consent.
Il y touche cet état moral de son âme en traits ingénus et suaves qui marquent assez qu’il n’est pas guéri : « Je connois la foiblesse de mon cœur, et je sens de quelle importance il est pour son repos de ne point m’appliquer à des sciences stériles qui le laisseraient dans la sécheresse et dans la langueur ; il faut, si je veux être heureux dans la religion, que je conserve dans toute sa force l’impression de grâce qui m’y a amené ; il faut que je veille sans cesse à éloigner tout ce qui pourroit l’affoiblir. Je n’aperçois que trop tous les jours de quoi je redeviendrois capable, si je perdois un moment de vue la grande règle, ou même si je regardois avec la moindre complaisance certaines images qui ne se présentent que trop souvent à mon esprit, et qui n’auroient encore que trop de force pour me séduire, quoiqu’elles soient à demi effacées. […] Il obéit à un élan de cette voix mystique en entrant chez les bénédictins : seulement il compta trop sur ses forces, ou peut-être, parce qu’il s’en défiait beaucoup, il se hâta de s’interdire solennellement toute récidive de défaillance. […] Quant à ces fils d’Amulem, à ces neveux de M. de Renoncour, il se trouve que le plus charmant des deux est une nièce qu’on avait déguisée de la sorte pour la sûreté du voyage ; mais le marquis, si triste de la mort de sa Diana, n’a pas pris garde à ce piége innocent, et, à force d’aimer son jeune ami Mémiscès, il devient, sans le savoir, infidèle à la mémoire de ce qu’il a tant pleuré.
Celui-ci est donc une force historique et de premier ordre. […] Avec un scrupule admirable et une délicatesse de tact infinie, écrivains et gens du monde s’appliquent à peser chaque mot et chaque locution, pour en fixer le sens, pour en mesurer la force et la portée, pour en déterminer les affinités, l’usage et les alliances, et ce travail de précision se poursuit depuis les premiers académiciens, Vaugelas, Chapelain et Conrart, jusqu’à la fin de l’âge classique, par les Synonymes de Beauzée et de Girard, par les Remarques de Duclos, par le Commentaire de Voltaire sur Corneille, par le Lycée de Laharpe361, par l’effort, l’exemple, la pratique et l’autorité des grands et petits écrivains qui sont tous corrects. […] À mesure que le discours avance, chaque emplacement doit se remplir à son tour, jamais avant, jamais après, sans que jamais un membre parasite soit introduit, sans que jamais un membre légitime usurpe sur son voisin ; et tous ces membres, liés entre eux par leur position même, doivent concourir de toutes leurs forces à un seul objet. […] Chez lui la forme est plus belle que le fonds n’est riche, et l’impression originale, qui est la source vive, perd, dans les canaux réguliers où on l’enferme, sa force, sa profondeur et ses bouillonnements.
Pendant que les passions politiques et religieuses tournaient la poésie, l’éloquence, la science même et la philosophie en armes envenimées au service des partis, un homme anticipait la paix future, et offrait à ses concitoyens trop forcenés encore pour le suivre l’image de l’état moral où la force des choses devait finir par les amener eux-mêmes. […] « Je prends de la fortune le premier argument : ils me sont également bons, et ne desseigne jamais de les traiter entiers : car je ne vois le tout de rien… De cent membres et visages qu’a chaque chose, j’en prends un, tantôt à lécher seulement, tantôt à effleurer, et parfois à pincer jusqu’à l’os : j’y donne une pointe, non pas le plus largement, mais le plus profondément que je sais, et aime plus souvent à les saisir par quelque lustre inusité233. » De cette libre allure vient cette fraicheur vive d’impression qui donne tant de grâce primesautière, tant de force pénétrante aussi à son expression. […] Dans ce style si vif, si éclairé, la phrase est étonnamment inorganique : si longue, si chargée d’incidents et de parenthèses, d’une construction si peu nette, qu’à vrai dire il n’y manque pas une cadence, mais, dans la force du mot, une forme 237. […] 3° L’ennemi de la vie, ce n’est pas la mort, c’est la douleur, et c’est elle qu’il faut fuir de toutes les forces que nous prête la nature.
Préparé comme il l’était, doué d’ailleurs d’un talent dont la force et l’austérité convenaient à ce genre de sujets, M. […] Elle doit être de plus en plus, par la force des choses, une monarchie absolue dans le monde des âmes, une théocratie. […] De là des outrances et des naïvetés : continuellement il nous avertit que ce que nous voyons ou entendons est terrible, et, comme il le croit, il nous le fait croire. « Tout à coup il eut un soubresaut, et de sa bouche s’échappèrent ces paroles épouvantables. » Ou bien : « On ne saurait croire l’expression de force, de fermeté, que la figurine de ce vieillard de soixante-quinze ans, molle, souriante auparavant, venait de prendre tout à coup. » Et voyez quelle conviction dans cette réflexion candide : « En vérité, l’homme est-il ainsi fait que la passion le puisse ravaler à ce point ? […] Ce qui domine, c’est une impression de force.
On peut affirmer, je crois, que nul poète, ni dans les temps anciens, ni dans les temps modernes, n’a eu à ce degré, avec cette abondance, cette force, cette précision, cet éclat, cette grandeur, l’imagination de la forme. […] Voici la fin d’une de ces joyeuses énumérations : Zeb plante une forêt de gibets à Nicée ; Christiern fait tous les jours arroser d’eau glacée Des captifs enchaînés nus dans les souterrains ; Galéas Visconti, les bras liés aux reins, Râle, étreint par les nœuds de la corde que Sforce Passe dans les œillets de sa veste de force ; Cosme, à l’heure où midi change en brasier le ciel, Fait lécher par un bouc son père enduit de miel ; Soliman met Tauris en feu pour se distraire ; Alonze, furieux qu’on allaite son frère, Coupe le bout des seins d’Urraque avec ses dents ; Vlad regarde mourir ses neveux prétendants, Et rit de voir le pal leur sortir par la bouche ; Borgia communie ; Abbas, maçon farouche, Fait, avec de la brique et des hommes vivants, D’épouvantables tours qui hurlent dans les vents… etc… car ça continue. […] D’abord, et par la force des choses, il lui est arrivé, aussi souvent qu’aux plus grands des classiques, d’exprimer, selon la définition de Nisard, des idées générales sous une forme souveraine et définitive (laquelle d’ailleurs, quoique définitive, peut toujours être renouvelée). […] Mais enfin on peut croire qu’il en est d’aussi grands ; et sa suprématie ne s’impose point à tous les esprits avec la force irrésistible de l’évidence.
Or, voici qu’à cette mise en demeure extraordinaire, tout à l’heure, révoquant les titres d’une fonction notoire, quand s’agissait, plutôt, d’enguirlander l’autel ; à ce subit envahissement, comme d’une sorte indéfinissable de défiance (pas même devant mes forces), je réponds par une exagération, certes, et vous en prévenant — Oui, que la Littérature existe et, si l’on veut, seule, à l’exclusion de tout. […] Quand son initiative, ou la force virtuelle des caractères divins lui enseigne de les mettre en œuvre. […] Considérez, notre investigation aboutit : un échange peut, ou plutôt il doit survenir, en retour du triomphal appoint, le verbe, que coûte que coûte ou plaintivement à un moment même bref accepte l’instrumentation, afin de ne demeurer les forces de la vie aveugles à leur splendeur, latentes ou sans issue. […] Tirant une force de sa privation, croît, vers des intentions plénières, l’infirme élu, qui laisse, certes, après lui, comme un innombrable déchet, ses frères, cas étiquetés par la médecine ou les bulletins d’un suffrage le vote fini.
Louis XIV, au plus fort des désastres de la guerre de la succession, disait de Guillaume III : « Mon frère d’Angleterre connaît mes forces, mais il ne connaît pas mon cœur. » On peut de même dire de Voltaire, historien du dix-septième siècle : Il a connu les forces de ce siècle ; il n’en a pas connu le cœur. […] L’admiration pour le dix-septième siècle est une des forces morales de notre pays ; à qui nous l’a enseignée le premier il faut beaucoup pardonner. […] Où la philosophie croyait être arrivée par les seules forces de la raison, une tradition entrée dans le monde avec l’Évangile l’y avait amenée sans qu’elle s’en doutât.
On sait que le grand physicien ne croyait pas à l’existence des forces proprement dites ; il supposait que les points matériels visibles sont assujettis à certaines liaisons invisibles qui les relient à d’autres points invisibles et que c’est l’effet de ces liaisons invisibles que nous attribuons aux forces. […] Quoi que l’on doive penser de cette hypothèse, qu’on soit séduit par sa simplicité, ou rebuté par son caractère artificiel, le seul fait que Hertz ait pu la concevoir, et la regarder comme plus commode que nos hypothèses habituelles, suffit pour prouver que nos idées ordinaires, et, en particulier, les trois dimensions de l’espace, ne s’imposent nullement au mécanicien avec une force invincible. […] Ce que peuvent nous faire connaître les nerfs des canaux, c’est la différence de pression sur les deux extrémités d’un même canal, et par là : 1° La direction de la verticale par rapport à trois axes invariablement liés à la tête ; 2° Les trois composantes de l’accélération de translation du centre de gravité de la tête ; 3° Les forces centrifuges développées par la rotation de la tête ; 4° L’accélération du mouvement de rotation de la tête.
Zola symbolise dans Nana toute la force dissolvante du vice, fait, de la femme, un instrument de décomposition sociale. […] Il se rêve, comme Ganymède, emporté par une force surnaturelle, à travers l’espace, où il brûle : Enlaçant, enlacé, d’aller se fondre en Dieu17. […] Ils marchent à tâtons dans la nuit, faute d’avoir su identifier la force qui les pousse à « s’affranchir de la lourde nature ». Cette force, c’est l’Éros de Platon, qui n’a rien de commun avec l’Éros charnel, et chez qui la passion brûle plus haut que le désir.
Dumas, une force acquise qui lance et porte ses moins bons ouvrages ; mais l’immense crédit qu’on lui tient ouvert, risque d’être bientôt épuisé par l’abus qu’il en fait. […] Le mari, il le hait, et il attend résolument son soufflet, sûr de le tuer, étant au pistolet d’une force infaillible. […] Entrer de force, provoquer Nourvady, le tuer sur place, il ne le peut pas. […] Non point par ce réveil tardif de maternité, mais par la force de la situation qui la fait si violemment éclater.
Si notre jeunesse, si notre force servent à assurer leur existence d’homme, nous nous serons battus pour notre idéal qui reste vivant, souriant, à travers les éclairs et le tonnerre. […] On n’apprécie exactement une force que si l’on connaît, en même temps que son poids, sa direction et ses déplacements successifs. […] Les ouvriers (pauvres ou plus exactement prolétaires), renonçant à réclamer pour eux seuls le bon nom de producteurs, voudraient que la force travail individuelle, leur unique propriété, contribue également à l’exploitation collective. […] Dans les papiers de Sainte-Beuve, on a trouvé une note, qui demeure juste et qu’il semble qu’Albert Thierry ait méditée : « La bourgeoisie se corrompant si aisément par sa tête (et aujourd’hui, en 1917, j’ajoute : la France étant si fort décimée), le recours est dans le bon sens et la vigueur des masses qu’il faut éclairer le plus possible et animer d’un souffle à elles (c’est tout le programme de Thierry) en tâchant de corriger la brutalité sans attiédir la force ».
De toute façon, la victoire que nous aurons sera une victoire des forces de l’idéalisme… (Lettres publiées par Henri Brémont, chez Bloud.) […] Une heure grave arrive… il faudra marcher à la baïonnette… Si j’y reste, je demande une chose, c’est que le peu de forces consacrées qui était en moi puisse rejaillir sur ceux que j’ai aimés et qui m’ont aimé, sur tous mes compagnons d’idéal et de labeur. […] Corps flexibles, âmes molles et tendres, en qui la force précocement s’éveille, véridiques et modestes jusqu’à l’humilité, connaissant leur honneur et leur devoir, ces soldats de dix-sept, dix-huit, vingt ans, sont « les fils de France », comme dit l’univers qui les admire. […] c’est affaire d’énergie, de résistance morale plus que de force physique ».
Si un artiste produit cette année une œuvre qui témoigne de plus de savoir ou de force imaginative qu’il n’en a montré l’année dernière, il est certain qu’il a progressé. […] Souvent il arrive que c’est le principe même qui a fait leur force et leur développement qui amène leur décadence, surtout quand ce principe, vivifié jadis par une ardeur conquérante, est devenu pour la majorité une espèce de routine. […] possèdent-ils donc la force de l’aimant pour entraîner le char derrière eux sans traits et sans harnais ? […] Du dessin de Delacroix, si absurdement, si niaisement critiqué, que faut-il dire, si ce n’est qu’il est des vérités élémentaires complètement méconnues ; qu’un bon dessin n’est pas une ligne dure, cruelle, despotique, immobile, enfermant une figure comme une camisole de force ; que le dessin doit être comme la nature, vivant et agité ; que la simplification dans le dessin est une monstruosité, comme la tragédie dans le monde dramatique ; que la nature nous présente une série infinie de lignes courbes, fuyantes, brisées, suivant une loi de génération impeccable, où le parallélisme est toujours indécis et sinueux, où les concavités et les convexités se correspondent et se poursuivent ; que M.
« Vous savez la force meurtrière d’Ajax2, et comment, à une heure avancée de la nuit, se perçant de son propre glaive, il mit un reproche éternel sur tous les enfants des Hellènes venus il Troie ; mais Homère l’a honoré parmi les hommes ; et, en relevant toute la vertu d’Ajax, il a ordonné, de par le rameau de feuillage, au reste du monde, de se plaire toujours à ses chants inspirés ; car, si quelqu’un dit quelque chose en beaux vers, cette parole, une fois proférée, chemine toujours vivante ; et sur la terre et à travers les mers le rayon de la gloire a marché, sans s’éteindre jamais ! […] Si donc, disputant avec Perrault sur Homère et sur les Rapsodes, et lui citant à toute force Vitruve, Elien, et le commentaire d’Eustache, Boileau n’a pas étourdi son adversaire de cet éclatant témoignage, où l’existence d’Homère est personnifiée dans l’immortalité de ses chants, je suis tenté de croire qu’il ne le connaissait pas, ou l’avait trop peu remarqué. […] À ses yeux, ce n’est ni la force du nombre, ni la puissance populaire, ni la liberté même qui doit prévaloir : c’est une équité souveraine, analogue à la Providence divine elle-même. […] Le monstre cilicien aux cent têtes, Typhon, ne s’en sauva pas, ni le roi des géants ; ils furent domptés par le tonnerre et par les flèches de ce dieu Apollon, qui, d’un cœur bienveillant, a reçu le fils de Xénarque, revenant de Cirrha, couronné de l’herbe du Parnasse et des chants doriques22. » Et il poursuit cet éloge de la paix domestique, de la tranquille discipline des cités, dans la patrie de l’impétueux Achille : tant il semble surtout vouloir armer les hommes contre ce géant aux cent têtes, ce monstre populaire, dont la force brise tout, si la loi ne l’arrête !
Avouons-le : on sent la force et l’ascendant de ce rare esprit, soit qu’il prêche de génie et sans préparation, soit qu’il prononce un discours étudié et oratoire, soit qu’il explique ses pensées dans la conversation. […] En général, on le voit, la simplicité délicate de Fénelon n’est pas cette simplicité d’où l’on part, c’est celle à laquelle on revient à force d’esprit, à force d’art et de goût.
On n’a besoin que d’une certaine activité nécessaire pour une prompte expédition, que d’embrasser des détails familiers par l’habitude, d’avoir présent à l’esprit le texte de quelques règlements, des formes prescrites, des usages qui ont force de loi. […] Les révolutions sont des moyens périlleux de se régénérer et de se redonner des idées, de la vivacité, du nerf ; on perd souvent à ces tours de force et à ces convulsions bien autant qu’on y gagne, et ce n’est qu’après un long temps qu’on peut démêler avec quelque justesse les semences nouvelles qui ont réellement levé, et ce qui a pris racine avec vigueur au milieu des déchirements et des décombres. […] Sans faire entrer dans son analyse de l’homme d’autres éléments que les besoins physiques et, au moral, le mobile de l’ambition ou de la vanité, il a pourtant compris que cette bonne compagnie, définie comme on l’entendait alors, et devenue le plus tiède et le plus tempéré des climats, était mortelle au génie, à la grandeur, à la force naturelle en toutes choses : Ne cherchez pas le génie, dit-il, l’esprit, un caractère marqué dans ce qu’on appelle la bonne compagnie.
La crainte de Henri IV, en apprenant ces ouvertures faites sans lui et sans son conseil, c’était que les Hollandais ne se laissassent leurrer par l’Espagne, qu’une fois amorcés à cette idée de paix, ils ne la voulussent à tout prix et ne s’y précipitassent sans conditions suffisantes ; il y aurait perdu un allié utile qui occupait puissamment les forces de l’Espagne, en même temps que sa réputation politique en Europe eût grandement souffert d’un traité d’où il aurait été exclu. […] C’était tout à fait aussi le sentiment du président Jeannin, qui avait pour principe « que la force et violence n’enseigne jamais le chemin de la piété et du vrai culte et adoration de Dieu », et qui avait vu de près l’écueil où si souvent ses contemporains avaient fait naufrage. […] Le soin principal doit être lors de conserver le royaume, la paix et l’autorité royale plutôt avec prudence, en dissimulant, en achetant quelquefois l’obéissance, qu’on acquiert par ce moyen à meilleur prix que s’il y fallait employer la force et les armes, qui mettent tout en confusion… C’est ainsi que d’après son conseil, au commencement de la régence, la reine avait fait aux grands des cadeaux et présents « qui étourdirent la grosse faim de leur avarice et de leur ambition ; mais elle ne fut pas pour cela éteinte », a remarqué Richelieu ; il aurait fallu recommencer toujours.
avec quelle force il poursuit l’erreur ! […] Telle était la manière à la fois modérée et victorieuse par laquelle Vicq d’Azyr répondait aux requêtes et représentations de la faculté de Paris, qui demandait purement et simplement au roi le monopole absolu de l’enseignement et de l’examen médical, et qui disait : « Ordonnez qu’il n’y ait plus, comme il n’y a jamais eu, qu’un corps de médecine enseignant dans votre capitale ; et ce corps, jouissant de son institution, redoublera de zèle et méritera de plus en plus la protection et les bontés de son roi. » L’Ancien Régime se réformait de lui-même et se rajeunissait par parties ; bon gré mal gré, de bonne composition ou par la force, l’ère des corporations allait finir. […] Une scène tout à fait dans le goût du temps est celle des deux amis Gessner et Haller, que Vicq d’Azyr nous représente ensemble herborisant sur une haute montagne : Un jour, après avoir épuisé leurs forces dans une herborisation très pénible, M.
Ce qui frappe et touche dans la peinture est un caractère d’énergie, de force dans les hommes, et de sensibilité, de douceur dans les femmes. […] Il n’y a que les ouvrages de Michel-Ange qui se distinguent d’une manière particulière ; mais son génie était si supérieur qu’il a presque inventé la représentation d’une force, d’un caractère et d’une énergie qu’il n’a pu trouver dans la nature qu’avec de grandes difficultés et une observation continuelle. […] Que peut-elle si elle n’est accompagnée de ce sentiment intime de force, qui agit sans l’aide des raisonnements du devoir (lesquels bien souvent soulagent bien peu), mais qui vient comme un souffle divin et qui est notre espérance de repos et notre véritable consolation ?
Je me rappelle que j’avais sur ces hauteurs des idées et des sentiments que j’aurais peut être exprimés alors, mais que maintenant je serais non seulement dans l’impossibilité d’exprimer, mais incapable de me retracer avec quelque force. Jamais je ne suis descendu de ces sommets sans éprouver qu’un poids retombait sur moi, que mes organes s’obstruaient, que mes forces diminuaient et que mes idées s’obscurcissaient ; j’étais dans la situation où se trouverait un homme qui serait rendu à la faiblesse de ses sens inhumains après l’instant où ses yeux, dessillés par un Être supérieur, auraient joui du spectacle des merveilles cachées qui nous environnent. […] Ces cabanes, ces moissons, ces prés sont un miracle au-dessus des forces d’une grossière industrie : chez un peuple simple et crédule, il fallait chercher ailleurs les puissances capables de le produire.
C’est celui-ci, disent-ils, qui a porté leur langue à son point de perfection, qui a surpassé tous les autres en force et en majesté… J’ai lu quelque chose du Dante à grande peine ; il est difficile à entendre, tant par son style que par ses allégories, ………………………… Car un sublime dur S’y trouve enveloppé dans un langage obscur. […] Son vers se tient debout par la seule force du substantif et du verbe, sans le concours d’une seule épithète. […] Le nœud de tout le poème est à la fin du Purgatoire, dans les chants où Béatrix lui apparaît triomphante, le force à rougir et à confesser ses torts, et les lui pardonne en le ravissant après elle jusque dans les cieux.
Thiers, carte en main, non pas en courant, mais en lisant tout (c’est ainsi qu’il convient de le lire), on est profondément intéressé ; car on se rend compte de toute chose, et des difficultés, et de l’importance, et des dangers, et de la force d’âme et de l’héroïsme qu’il a fallu même pour aboutir, sans désastres, à un résultat si neutre et si négatif. […] Il croit me mettre dans l’embarras ; il se trompe fort ; rien ne m’arrêtera ; mes desseins s’accompliront ; j’ai la volonté et la force nécessaires. […] Masséna, par exemple, hésitait fort à s’engager dans cette expédition de Portugal ; il sentait qu’il n’avait pas assez de forces, et que les Anglais en avaient plus qu’on n’en accusait.
Si cela n’avait l’air d’une plaisanterie à force d’être vrai, je dirais qu’il est le contraire des Marot, des Sarrasin, des Voiture, de Voltaire dans le genre léger. […] Le noble vieillard était flatté de se voir si compris et si adoré par une femme d’esprit et de vertu, qui avait encore des restes de beauté, et dont le mari, ne l’oublions point (car Buffon était sensible à ces choses), tenait une si grande place dans l’État : « Mon âme, lui écrivait-il galamment, prend des forces par la lecture de vos lettres sublimes, charmantes, et toutes les fois que je me rappelle votre image, mon adorable amie, le noir sombre se change en un bel incarnat. » Il a le cœur en presse, dit-il, la veille du jour où il doit l’aller voir ; mais s’il l’attend chez lui, elle, en visite, à Montbard, que sera-ce ? […] Et l’inquiétude qu’il aura sur son retour va « lui ôter le sommeil et la force de penser ».
. — I… (un Piémontais prisonnier), qui était présent à la revue qui se fit avant de sortir de Moscow, m’a fait peur à moi-même en me disant : « Lorsque je le voyais passer devant le front, mon cœur battait comme lorsqu’on a couru de toutes ses forces, et mon front se couvrait de sueur, quoiqu’il fît très froid. » Ici nous touchons au grand problème que de Maistre se pose sans cesse, mais qu’il ne résout pas, ou du moins qu’il ne résout jamais que dans un sens exclusif, celui du passé. […] Dans un entretien confidentiel qu’il a avec l’empereur Alexandre, en mai 1812, il déconseille à ce monarque de faire la guerre en personne ; il faut laisser cela à l’usurpateur, dit-il : « Un usurpateur ne peut être tel qu’en vertu d’une volonté de fer et d’une force qui tient du miracle. […] Ce n’est pas le jour d’une bataille qu’on la gagne, c’est le lendemain et quelquefois deux ou trois jours après. » Et il conclut que Koutousov n’a pas eu la force de gagner la bataille. — Sur tout sujet, en toute rencontre, on n’a pas plus de trait, de mordant.
Difficile à instruire dans les commencements par son extrême vivacité qui l’empêchait de s’assujettir aux règles, il emportait tout par la promptitude de sa pénétration et la force de son génie. […] Le duc de Bourgogne, entouré de sa camarilla de saints, était-il donc de force à un tel labeur d’Hercule ? […] Telle manière d’être et de croire, qui pouvait être une force pour gouverner du temps de saint Louis, devenait manifestement une entrave et une complication à cette entrée du xviiie siècle.
Mais du jour où, dans une province de Judée éloignée de Jérusalem, sur une colline verdoyante, non loin de la mer de Galilée, au milieu d’une population de pauvres, de pêcheurs, de femmes et d’enfants, le Nazaréen, âgé de trente ans environ, simple particulier, sans autorité visible, nullement conducteur de nation, ne puisant qu’en lui-même le sentiment de la mission divine dont il se faisait l’organe inspiré comme un fils l’est par son père, se mit à parler en cette sorte, de cette manière pleine à la fois de douceur et de force, de tendresse et de hardiesse, « d’innocence et de vaillance », un nouvel âge moral commençait. […] « Placeo mihi in infirmitatibus meis, disait saint Paul ; ma faiblesse même me sied ; et me va, et je m’y complais ; elle fait ma force. » L’auréole spirituelle du maître incomparable éclate mieux dans la faiblesse et la médiocrité de ceux (excepté saint Jean) à travers lesquels on parvient et l’on remonte jusqu’à lui. […] Puis, quand la doctrine fut sortie de dessous terre et eut levé en mille endroits à la fois, comment devint-elle en peu d’années un ferment et une matière politique, un danger ou une ressource, une force avec laquelle il fallut compter et qui, non sans se modifier elle-même quelque peu dans le sens social, s’imposa enfin aux Empereurs eux-mêmes ?
Emmenant le gros de ses forces, il va assiéger Utique. […] Il le prouve, une fois de plus, en cette circonstance ; et l’on parvient à neutraliser l’effet de la victoire d’Hamilcar qui bientôt, rencontrant réunies toutes les forces des Barbares, est réduit à se tenir enfermé dans son camp et à s’y retrancher. […] Il croit que c’est une preuve de force que de paraître inhumain dans ses livres.
Plus une aristocratie se polit, plus elle se désarme, et, quand il ne lui manque plus aucun attrait pour plaire, il ne lui reste plus aucune force pour lutter Et cependant, dans ce monde, on est tenu de lutter si l’on veut vivre. L’empire est à la force dans l’humanité comme dans la nature. […] Ils ne savaient pas même ouvrir ou fermer une porte ; ils n’avaient pas la force de soulever une bûche pour la mettre dans le feu : il leur fallait des domestiques pour leur avancer un fauteuil ; ils ne pouvaient pas entrer et sortir tout seuls.
II Posons d’abord la difficulté dans toute sa force. […] Il est construit avec les mêmes substances chimiques, soumis aux mêmes forces physiques, assujetti aux mêmes lois mécaniques, et toutes les indications de la science concourent à le représenter comme autre en degré, mais le même en nature160 ; ce que nous appelons la vie est une action chimique plus délicate d’éléments chimiques plus composés. — Ainsi, en poursuivant l’analyse, depuis les plus hautes opérations des lobes cérébraux jusqu’aux phénomènes les plus élémentaires de la physique, on ne trouve que des mouvements mécaniques d’atomes, transmissibles sans perte d’un système à l’autre, et d’autant plus compliqués que les systèmes sont plus complexes. […] Extrait d’une leçon sur les forces physiques et la pensée faite à l’Association britannique pour l’avancement des sciences (session de Norwich).
Littérairement, le style de d’Aubray, c’est à-dire de Pithou, est plus piquant : mais, à part un ou deux mouvements pathétiques, la force oratoire est moindre. […] Bodin malheureusement ne nous appartient pas tout entier : il écrivit en latin cette Méthode pour l’étude de l’histoire où abondent les idées neuves et fécondes, et cet étrange Heptaplomeres inédit jusqu’à nos jours, où avec une force incroyable pour le temps il confronte toutes les religions et les renvoie dos à dos, sans raillerie impertinente, comme expressions diverses de la religion naturelle, seule raisonnable, et comme également dignes de respect et de tolérance. […] En somme, il ne faut pas y voir une des forces qui opérèrent la réunion des esprits sous la royauté légitime, mais l’expression des volontés à l’instant de cette réunion.
De gras rédacteurs dûment appointés, ayant tout juste produit deux mille chroniques dans leur existence, s’attendrirent ou devinrent lyriques devant la force de la belle jeunesse qui sait rester joyeuse au milieu de la misère, et qui, et que… La Vie de Bohème est, malgré tout, un livre rebutant et désolant, et je ne crois pas qu’il y ait un écrivain vrai, un homme de talent et de cœur qui n’ait la nausée devant ces plaisanteries vieillies alternant avec ces crachats de phtisique et ce dépenaillement. […] L’œuvre de Murger a pris en elle force de loi. […] La force de cohésion de la médiocratie a toujours fait défaut aux artistes ; leur nervosité et leur maladif désir de perfection les a poussés, bien plus que l’ambition ou l’envie, à se dénigrer et à se désunir.
Le nombre des opportunistes de la science, soit des esprits hypocritement curieux de nouveautés mais en fait bien décidés à ne pas se les annexer, est petit, et il est utile, car il force les savants non officiels à un surcroît de circonspection dans leurs exposés. […] Pour Leibniz, c’est force et non effort qu’il fallait lire. […] Il s’agit de préférer à son être son idée, de mettre la pensée devant la force et le renoncement devant la joie de vivre.
En ce sens, les classiques par excellence, ce seraient les écrivains d’un ordre moyen, justes, sensés, élégants, toujours nets, d’une passion noble encore, et d’une force légèrement voilée. […] Le chef-d’œuvre que cette théorie aime à citer, et qui réunit en effet toutes les conditions de prudence, de force, d’audace graduelle, d’élévation morale et de grandeur, c’est Athalie. […] Ayons la sincérité et le naturel de nos propres pensées, de nos sentiments, cela se peut toujours ; joignons-y, ce qui est plus difficile, l’élévation, la direction, s’il se peut, vers quelque but haut placé ; et tout en parlant notre langue, en subissant les conditions des âges où nous sommes jetés et où nous puisons notre force comme nos défauts, demandons-nous de temps en temps, le front levé vers les collines et les yeux attachés aux groupes des mortels révérés : Que diraient-ils de nous ?
Dans la même maison est une étude de procureur, avec force clercs bruyants et libertins. […] Aussi force est bientôt aux amoureux de passer au pied de la terrasse sous le feu des lorgnettes et des brocards. […] tu as joué non seulement avec l’argent de mes peuples, mais avec leurs croyances, et, ne pouvant pas la briser, cette force morale, tu l’as attaquée par tous les genres de bons mots et de mépris.
Si un homme peut soulever un certain poids à bras tendu, c’est qu’il a les os, les muscles, la force d’innervation, le motif, nécessaires pour cela. […] Or on sait qu’en psychologie un désir9 est considéré comme l’expression consciente d’une aptitude développée, et demandant à se manifester, d’une force de l’organisme contenue et apte à être mise on jeu. […] Selon la formule célèbre, l’esprit, dans la perspective tainienne, anti-spiritualiste, est un « polypier d’images », et un perpétuel rapport de forces entre ces images.
Cette appréhension impatiente et avide du futur, si souvent signalée par les moralistes, devient une fatigue quand on en prend conscience ; de là, il résulte que la vie est douce dans la jeunesse, malgré toutes les douleurs, parce que, la force de vivre étant toute fraîche, la vie ne coûte aucun effort, tandis qu’elle devient lourde au contraire, même au sein du bonheur, à mesure que l’on avance en âge, par la conscience accumulée de la fatigue passée et la prévision certaine de la fatigue future. […] La vie n’est donc pas seulement une existence, c’est une action, et le sujet pensant n’est pas seulement un être, c’est une force. […] Vacherot a également, dans l’article Conscience du Dictionnaire des sciences philosophiques, développé avec beaucoup de force le point de vue de Biran ; et malgré les changements ultérieurs de sa pensée en Théodicée, il est resté, en psychologie, profondément attaché à ce point de vue.
Vous avez tous cru — même vous, Monsieur Sainte-Beuve, qui voulez que mes opinions en morale soient la religion de l’avenir, — que j’étais un écrivain d’ordre philosophique, ayant des idées sociales à faire triompher, écrivant des romans comme Rousseau pour prêcher et enseigner quelque chose ; espérant arriver à soulever par l’imagination, cette grande force, tous les sentiments de la vie contre la Loi et l’Opinion, — ces choses mal faites. […] Elle dit sans cesse de telle ou telle œuvre : « Je la fis à bâtons rompus. » La conscience réfléchie de la chose qu’on fait ; l’idée vraie qui doit la dominer ; la mesure de son influence ; la caresse féconde de l’étude qui en approfondit la beauté ; le calcul de la route qu’on doit suivre pour arriver au but qu’on veut frapper ; toutes ces choses, grandes et difficiles, qui seraient l’orgueil et la force des plus nobles esprits, ne sont pas pour elle « du génie. » Tout cela est trop déduit, trop travaillé, trop voulu. […] Ouvrez les Lettres à Marcie, qui ne sont pas longues, et voyez si vous ne vous ferez pas, en entrant là-dedans, l’effet d’être dans le vestiaire d’une rhétorique tombée en loques, à force d’avoir servi à tout le monde, — le pire des maîtres !
Présenter la chemise au roi et aux princes, obtenir le bougeoir, faire des visites de deuil en mante ou sans mante, avoir le droit de s’enrhumer dans les carrosses du roi et d’étouffer dans un entre-sol de Marly, tels sont les graves intérêts qui emploient les forces, la pensée, le crédit des hommes les plus capables, et qui, selon l’issue, les transportent de bonheur ou les plongent dans l’extrême désespoir. « Hélas ! […] Le fond de la vraie beauté, comme de la vraie vertu, comme du vrai génie, est la force. Sur cette force répandez un rayon du ciel, l’élégance, la grâce, la délicatesse : voilà la beauté !
Il n’eut pas la force de se décider ; il fallut qu’il recourût à ses Mentors…. […] Tel était Louis XV dans toute sa force et dans toute sa virilité, à la veille de ce qu’on a appelé son héroïsme : ce qu’il devint après trente années encore d’une mollesse croissante et d’un abaissement continu, on le va voir lorsque, dans sa peur de la mort, il tirera la langue quatorze fois de suite pour la montrer à ses quatorze médecins, chirurgiens et apothicaires281.
Tandis qu’en effet les libelles incendiaires, les armes et munitions, les conspirateurs eux-mêmes, étaient continuellement versés sur nos rivages de Normandie et de Bretagne, il ne songeait pas un seul instant à user de semblables moyens contre l’Angleterre : ses guerres comme ses lois étaient empreintes de force et de dignité. […] Desmarest l’a très bien posé, rougissait désormais du rôle d’aventurier et d’assassin par ordre ; il tenait cette fois (et il l’a lui-même proclamé dans son interrogatoire) à réunir des conjurés d’élite, à attaquer le premier Consul de vive force, mais avec des armes égales à celles des gardes de son escorte, à le frapper enfin de l’épée dans un choc militaire, comme un vaillant, et non sous les formes clandestines du meurtre.
« Quiconque ne sent pas la beauté et la force de cette unité et de cet ordre n’a encore rien vu au grand jour : il n’a vu que des ombres dans la caverne de Platon. […] L’ordre est ce qu’il y a de plus rare dans les opérations de l’esprit : quand l’ordre, la justesse, la force et la véhémence se trouvent réunis, le discours est parfait. » Ceux qui penseraient que le mérite de bien placer chaque pensée est un mérite purement négatif, se tromperaient.
Ces deux lignes, aux environs de 1745, sont d’une belle force. […] Plus pénétrant que La Bruyère et que Lesage, opérant sur la matière vivante, toujours en mouvement et qui se dérobe à chaque instant, il démonte les actions avec une sûreté magistrale, dissèque les sentiments, saisit les plus fugitives traces des forces qui composent la vie morale.
chacun d’eux ne résume-t-il pas une direction choisie, une différenciation de la Force intellectuelle ? […] Comme une pierre jetée dans l’eau, elle troublera l’intimé de l’Être, éveillant des cycles de sensations antérieures. » Et Rimbaud, nullement ébranlé, selon moi, de répartir : « Vous énoncerez des idées touchantes, mais force vous sera de faire appel à mes passions, à mes sottises, à mes erreurs d’homme.
Si l’on cherche un point d’arrêt naturel, un moment critique qui marque un changement grave dans les mœurs et la marche de la nation, force est de pousser jusqu’en 1715. […] C’est ce qui s’appelle obscurcira force d’éclaircir.
Il n’y a rien là qui dépasse ses forces. […] En attendant le fruit complet de leurs découvertes, l’inventaire général de la littérature universelle, ou de l’expression mémorable de l’esprit humain par ses œuvres, est contenu dans nos bibliothèques en un petit nombre de chefs-d’œuvre en toute langue qui ne dépassent pas les forces de l’attention.
Or, personne ne peut comparer un Indien du Canada à Socrate, bien que le premier soit, rigoureusement parlant, aussi moral que le second ; ou bien il faudrait soutenir que la paix des passions non développées dans l’enfant a la même excellence que la paix des passions domptées dans l’homme ; que l’être à pures sensations est égal à l’être pensant, ce qui reviendrait à dire que faiblesse est aussi belle que force. […] La force étoit sans frein, le faible sans asile : Parlez, blâmerez-vous les Benoît, les Basile, Qui, loin du siècle impie, en ces temps abhorrés, Ouvrirent au malheur des refuges sacrés ?
Il était entré dans la vie par la plus large, la plus triomphale, la plus appienne des grandes naissances… La race dont il descendait était presque royale à force d’être féodale, et elle gouvernait la Provence depuis des siècles. […] Ce royalisme qu’aucune royauté, hors de France, n’inspira avec la même force et avec le même enthousiasme, non seulement mourait pour le roi, mais se ruinait pour le roi, — une manière de mourir plus terrible pour ces orgueilleux et ces puissants que de tout simplement mourir !
Il y jouissait du loisir et de la dignité qui doublent les forces de la vie et de la pensée. […] Nous avons certainement beaucoup d’estime pour l’homme qui passe neuf ans de sa vie — une année de moins que pour prendre Troie — à purifier le texte imprimé d’un grand écrivain, à lui ôter, avec une loupe pour les voir mieux, ses plus imperceptibles grains de poussière, et à le rétablir dans toute la force et dans toute la beauté de ses points et de ses virgules ; mais il nous reste dans l’âme encore beaucoup d’estime que nous lui aurions offerte, et avec quel élan !
. — Mais ce que nous en avons déjà pourra servir à nous en faire avoir encore ; et c’est là le but grandiose auquel le devoir ou l’honneur du dix-neuvième siècle est de pousser de toutes ses forces réunies. […] Je demande bien pardon de mettre de pareils mots l’un en face de l’autre, même par horreur des idées qu’ils expriment, mais j’en renvoie le sacrilège à la Philanthropie contemporaine qui, à force d’amour pour l’auguste liberté des hommes, est parvenue à faire de son Dieu la prostituée du genre humain !
Dès les premiers mots, on sent qu’il y a là dedans de l’Alfred de Musset, comme dans Alfred de Musset on sent qu’il y a du Voltaire : Dans mon panier tiennent déjà Pastèques, oranges, grenades, Des sonnets et des sérénades, Force vers à la Maruja Et des sifflets pour les alcades ! […] IV L’idéal entrevu, auquel je n’ai pas renoncé tant que Beauvoir vivra, m’a empêché d’appuyer sur tous les détails d’un talent que j’aime trop peut-être, et avec lequel, pour cette raison, je crains de manquer de force et de justice.
Et si Delille n’avait pas existé non plus, il aurait imité Fontanes ou quelque autre poète, — n’importe lequel, — et il l’eût imité non en se grimant péniblement, comme les faibles imitateurs, mais facilement, avec une appropriation pleine de force, en homme qui, s’il n’a pas les facultés créatrices du poète, a du moins des facultés poétiques d’une certaine puissance. […] dans beaucoup trop de rhétorique ; il a même quelquefois de l’inattendu, comme dans Le Secret, de la force partout et surtout dans son poème des Fossiles, où il peint des choses monstrueuses, avec le goût de M.
Il est délicat, il est gracieux, il n’est pas fort ; il a la grâce d’Omphale ; il n’a pas la force d’Hercule. […] Deltuf, qui a l’œil aux nuances et qui, quoique fin, a parfois le naturel de la force, était digne, ce me semble, d’entr’ouvrir ce sujet superbe et de nous donner une confession qui aurait été la confession de toute une vie, et non plus celle d’un moment dans la vie, comme La Confession d’Antoinette.
On voit combien ce nom et le souvenir d’une ancienne grandeur en imposaient encore : « L’orateur, dit-il, craint de faire entendre devant les héritiers de l’éloquence romaine, ce langage inculte et sauvage d’au-delà des Alpes, et son œil effrayé croit voir dans le sénat les Cicéron, les Hortensius et les Caton assis auprès de leur postérité pour l’entendre. » Il y a trop d’occasions où il faut prendre la modestie au mot, et convenir de bonne foi avec elle qu’elle a raison ; mais ici il y aurait de l’injustice : l’orateur vaut mieux qu’il ne dit ; s’il n’a point cet agrément que donnent le goût et la pureté du style, il a souvent de l’imagination et de la force, espèce de mérite qui, ce semble, aurait dû être moins rare dans un temps où le choc des peuples, les intérêts de l’empire et le mouvement de l’univers, qui s’agitait pour prendre une face nouvelle, offraient un grand spectacle et paraissaient devoir donner du ressort à l’éloquence : la sienne, en général, ne manque ni de précision, ni de rapidité. […] On trouve encore dans ce discours un morceau plein de force sur la lâcheté du tyran, qui, vaincu et sans ressource, n’avait pas eu, dit l’orateur, assez de courage pour ne pas tomber entre les mains du vainqueur.
Une observation vient à l’appui de cette idée, c’est que les libertins qui vieillissent, et qui sentent les forces naturelles leur manquer, deviennent ordinairement religieux. […] Notre libre arbitre, notre volonté libre peut seule réprimer ainsi l’impulsion du corps… Tous les corps sont des agents nécessaires, et que les mécaniciens appellent forces, efforts, puissances, ne sont que les mouvements des corps, mouvements étrangers au sentiment.
Si le génie est rare chez nous, le talent, dans toute la force du terme, court les rues. […] Les tours de force rhythmiques se succèdent accomplis avec une grâce et une aisance incomparables. […] Jamais vers plus magnifiques n’ont exprimé la satiété de l’héroïsme et le blasement de la force. […] Ce fut là l’écueil de la tragédie ; la force des choses l’entraînait à aborder l’histoire moderne. […] À la regarder vaillamment, hardiment, on contracte la force qui fait les hommes, et les hommes ne manquent pas à la comédie de nos jours.
Un personnage d’Au-delà des forces constate l’influence qu’a sur les esprits cette extraordinaire nature. […] Et le sculpteur le déteste, le sculpteur qui réalise les forces évidentes. […] Avec ses forces violentes et minutieuses, toute la nature est dans un pauvre paysage de campagne. […] L’exécution est surprenante de force et d’adresse. […] Elles avancent en vertu de quelque force qui est en elles et qui est autour d’elles, qui est leur désir et qui est leur fatalité.
Il va réunir toutes les forces de l’Orient et les lancer contre Rome. […] Elle est prête pour un coup de force irréfléchi et dangereux. […] Ils puisent leur droit dans leur force. […] L’extrême force et l’extrême faiblesse se rencontrent dans l’absolue inconscience. […] Il ne dit rien qui ne respire la force, une force calme, imposante, sacrée et redoutable, d’oracle, de sanctuaire ou d’arche sainte. — De là dérive sa confiance inébranlable en son étoile.
On lui accordait de la force et de la fierté de pinceau.
Elles s’opèrent avec l’impitoyable lenteur des forces naturelles. […] Parmi ceux-là les uns ont la douceur, les autres la force. […] Mais il n’est pas toujours impossible d’en venir à bout par la force du talent unie à la grandeur du caractère. […] Par la force de son caractère plus encore que par celle de son talent, il conquit d’emblée l’opinion. […] Il est vrai aussi que, pour armer la jeunesse, rien ne vaut la force latine.
Ne voyez-vous pas que c’est aux misères que vous lui avez fait souffrir qu’il doit sa force ? […] Tout être qui tient sa force d’un charme la perd en perdant un peu de sa chair. […] Taine s’est appliqué avec tant de force. […] Mais il n’est pas plus possible de nier la sincérité de sa pensée que la force de son talent. […] Il est plein de force, de génie et de vices.
Il se trouve plus à l’aise dans ce monde qu’il s’est créé ; là il est chez lui, là il peut croire encore à sa force et à son importance. […] Les chevaux marchaient d’un pas égal, soufflant avec force et agitant la tête pour chasser les mouches. […] Non, ne t’élance pas là-bas où est la félicité, la foi, la force, la puissance. […] De son côté, elle s’attacha à Ivan Pétrovitch de toute la force de son âme, comme les jeunes filles russes seules savent aimer, et se donna à lui. […] Lise sentit un léger frisson passer sur ses épaules ; elle serra les doigts avec plus de force encore contre son visage.
À mon avis, l’artiste moderne plus remarquable par la force du caractère que par le talent, est resté inférieur aux grands peintres du siècle de Louis XIV ; mais sans M.
Adam Le Prométhée qu’Adam a attaché à un rocher et qu’un vautour déchire, est un morceau de force dont je ne me sens pas capable de juger.
Un tel travail accaparait toute l’attention de l’ouvrier, — et pour l’idée celui-ci n’avait plus de forces disponibles. […] A mordre son propre cœur, il s’affole ; à force d’exaspérer son martyre, il le croit volontaire et il s’enivre alors d’orgueil révolté. […] Le poème prend ici la forme du drame : des forces déchaînées s’y heurtent. […] Une force inouïe est au travail et la besogne qu’elle accomplit, confuse en apparence, a la sereine majesté des grandes révolutions cosmiques. […] Le poète des Forces tumultueuses s’est enivré de ce mouvement, de cette exaltation suprême de la vie.
Azémar est lyrique dans toute la force du terme ; il est à la fois abondant, hardi et varié.
C’est un combat perpétuel et déchirant entre l’amour et la religion, qui n’avait alors rien perdu de sa force. […] Si Zopire, dans le tête-à-tête, paraît supérieur à Mahomet par le bon sens et la droiture, Mahomet à son tour écrase absolument Zopire par la force et par l’activité. […] On le force ensuite d’entrer dans l’intérieur du palais pour y recevoir la punition de son crime ; on l’égorge comme un vil scélérat et non comme un tyran. […] Hermogide n’a fait que changer son nom en celui d’Assur ; mais il a perdu avec son nom beaucoup de sa force et de son activité. […] Que les chefs des républiques ne s’assurent point sur la force physique ; elle ne résiste pas longtemps à la force morale.
Quand la mauvaise fortune le force à consulter les autres, il fait un beau discours sur le bien public, et ne songe qu’au sien. […] D’abord, vous voyez la grosse cité, les gras bourgeois mangeurs et bruyants (en ce temps-là il y en avait encore), qui partent pour la bataille, le visage frais et fleuri, avec force vivres dans leur bissac. […] Lorsque nous naissons, les forces de notre âme sont en équilibre. Qu’un métier soit un emploi utile de ces forces, un remède contre l’ennui, à la bonne heure. […] J’ai dévoré force moutons.
Nous savons, bien que nous sommes des forces, mais comment utiliser nos talents ? […] Certes, elle eut l’exquis résultat de pacifier ses nerfs, de donner à ses sensations de la jeunesse et de la force. […] On ne sait rien de ses origines, on ignore tout des péripéties de son existence et de ses occupations journalières, qui agissent avec tant de force sur notre action intérieure. […] La sève ancestrale se divise en deux grandes branches, d’un côté la branche légitime, forte et puissante, aboutissant à Eugène Rougon, « l’aigle de la famille se dégage des vulgaires intérêts, aimant la force pour la force et conquérant Paris en vieilles bottes » ; de l’autre, la branche bâtarde, pleine de vitalité et de sang, elle aussi, mais qui, jetée dans les bas-fonds prolétariens, victime de l’alcool, de la faim, de la misère finit par produire les Gervaise Macquart, les Lantier ou les Nana, ces déchets de l’arbre social. […] Il nous aura montré des difformités des individus disparaissant et se fondant, dans la splendeur, la force et la vitalité des races.
mon ami, la force des choses, les événements, les hommes. […] Buloz d’être joué malgré lui, ne se sentant pas la force d’aller à minuit au théâtre, faire répéter pour la soixantième fois sa tragédie, mon illustre confrère me vint trouver et me pria de faire pour cette derrière fois sa besogne de metteur en scène. […] Et cependant, demeurez tranquille, madame ; notre force est en nous-mêmes, et non dans les autres. […] Maintenant, puisqu’on nous force à entrer dans ces détails, alignons au-dessous de ces 35 800 fr. ci 35 500 fr. […] Aux vingt drames ou comédies que j’ai composés en seize ans, et qui ont fait entrer dans les caisses des différents théâtres où je les ai donnés plus de trois millions de recette, je suis prêt à ajouter, si Dieu me donne encore seize ans de vie et de force, vingt autres comédies ou drames ; mais ce ne sera pas, comme on comprend bien, sur la scène où M.
Il ne se rendrait qu’à l’évidence, et cette force d’âme déployée dans un pareil moment avait pour résultat de m’exaspérer. […] Je le vis sourire de mépris, et alors, de toute ma force, je le frappai avec le couteau dans la direction du cœur. […] René Maizeroy est passée à l’actif des succès de l’année, de par cette force magnétique qui relie tout le monde parisien. […] À force d’être feuillu, le fond de cet abîme se violetait, et quelque part des eaux y couraient, invisibles, avec l’attirance d’une chanson. […] Belle et rare tenue, mais qui exige une certaine force de volonté et de travail.
Ses Quatrains sont connus de tout le monde ; mais la plupart de ceux qui les lisent sont dégoûtés par le style, sans faire attention à la force des pensées & à la beauté des maximes.
Buffier, l'Abbé Regnier, M. de la Touche, & tous ceux qui avoient écrit avant lui sur cette matiere, qu'il a embrouillée à force d'exceptions aux regles qu'il établit.
Quelques morceaux de Poésies de Pope, qu’il a traduits avec autant d’élégance que de force & de précision, font connoître de quoi il seroit capable, si des occupations importantes lui permettoient plus de délassemens.
Comme témoignage de lui-même, comme déploiement de sa force et de son talent, si l’auteur n’avait visé qu’à cela, Lélia atteindrait certes le but. […] L’auteur, nous l’espérons, reviendra au roman de la vie réelle, comme Indiana et Valentinel’ont posé ; mais il y reviendra avec toute la force acquise dans une excursion supérieure.
Tout ceci est pour dire que les écoles littéraires sont dissoutes depuis huit ans, que les limites et les garanties de caractère autour des plus nobles talents ont cédé brusquement ou graduellement à je ne sais quelle force de choses confondante et dissolvante. […] Les poésies, les romans sont arrivés à un tel degré d’individualité, comme on dit, à un tel déshabillé de soi-même et des autres ; — le style, à force d’être tout l’homme, est tellement devenu non plus l’âme, mais le tempérament même, — qu’il est à peu près impossible de faire de la critique vive et vraie sans faire une opération inévitablement personnelle, sans faire presque de la physiologie à nu sur l’auteur et parfois de la chirurgie secrète ; ce qui frise à tout moment l’offensant.
L’homme de génie fait quelques pas dans des sentiers inconnus ; mais il ne faut pas moins que la force commune et réunie des siècles et des nations pour frayer les grandes routes. […] L’importance politique de chaque citoyen est telle dans un pays libre, qu’il attache plus de prix à ce qui lui revient du bonheur public, qu’à tous les avantages particuliers qui ne serviraient pas à la force commune.
On ne peut faire mieux que de suivre cet exemple selon ses forces. […] S’il vous est arrivé jamais de concevoir l’idée d’un enfantillage, d’une équipée, d’une folie, pure fantaisie de l’esprit inquiet et désœuvré, et de passer à l’exécution sans autre raison que l’idée conçue, sans entraînement, sans plaisir, mais fatalement, sans pouvoir résister ; — si vous avez repoussé parfois de toutes les forces de votre volonté une tentation vive, si vous en avez triomphé, et si vous avez succombé à l’instant précis où la tentation semblait s’évanouir de l’âme, où l’apaisement des désirs tumultueux se faisait, où la volonté, sans ennemi, désarmait ; — si vous avez cru, après une émotion vive, ou un acte important, être transformé, régénéré, naître à une vie nouvelle, et si vous vous êtes attristé bientôt de vous sentir le même et de continuer l’ancienne vie ; — si par un mouvement de générosité spontanée ou d’affection vous avez pardonné une offense, et si vous avez par orgueil persisté dans le pardon en vous efforçant de l’exercer comme une vengeance ; — si vous avez pu remarquer que les bonnes actions dont on vous louait n’avaient pas toujours de très louables motifs, que la médiocrité continue dans le bien est moins aisée que la perfection d’un moment, et qu’un grand sacrifice s’accomplit mieux par orgueil qu’un petit devoir par conscience, qu’il coûte moins de donner que de rendre, qu’on aime mieux ses obligés que ses bienfaiteurs, et ses protégés que ses protecteurs ; — si vous avez trouvé que dans toute amitié il y a celle qui aime et celle qui est aimée, et que la réciprocité parfaite est rare, que beaucoup d’amitiés ont de tout autres causes que l’amitié, et sont des ligues d’intérêts, de vanité, d’antipathie, de coquetterie ; que les ressemblances d’humeur facilitent la camaraderie, et les différences l’intimité ; — si vous avez senti qu’un grand désir n’est guère satisfait sans désenchantement, et que le plaisir possédé n’atteint jamais le plaisir rêvé ; — si vous avez parfois, dans les plus vives émotions, au milieu des plus sincères douleurs, senti le plaisir d’être un personnage et de soutenir tous les regards du public ; — si vous avez parfois brouillé votre existence pour la conformer à un rêve, si vous avez souffert d’avoir voulu jouer dans la réalité le personnage que vous désiriez être, si vous avez voulu dramatiser vos affections, et mettre dans la paisible égalité de votre cœur les agitations des livres, si vous avez agrandi votre geste, mouillé votre voix, concerté vos attitudes, débité des phrases livresques, faussé votre sentiment, votre volonté, vos actes par l’imitation d’un idéal étranger et déraisonnable ; — si enfin vous avez pu noter que vous étiez parfois content de vous, indulgent aux autres, affectueux, gai, ou rude, sévère, jaloux, colère, mélancolique, sans savoir pourquoi, sans autre cause que l’état du temps et la hauteur du baromètre ; — si tout cela, et que d’autres choses encore !