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53. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

L’état intellectuel porte donc ici, imprimée sur lui, en quelque sorte, la marque de l’effort. […] Quels sont ces états ? […] par où l’état de tension différera-t-il de l’état de relâchement intellectuel ? […] Il est, à l’état ouvert, ce que l’image est à l’état fermé. […] Si les images constituent le tout de notre vie mentale, par où l’état de concentration de l’esprit pourra-t-il se différencier de l’état de dispersion intellectuelle ?

54. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

Mais comme la variabilité est beaucoup plus grande, et les monstruosités plus fréquentes à l’état domestique ou cultivé qu’à l’état sauvage, il faut bien admettre que les conditions de vie auxquelles les représentants d’une espèce sont exposés pendant plusieurs générations ont quelque influence sur les déviations de type de leurs descendants. […] En quelques autres genres ils existent, mais dans un état rudimentaire. […] Il est probable que cet état de l’organe visuel provient d’une atrophie graduelle résultant du défaut d’exercice, mais aussi de la sélection naturelle. […] Je citerai cependant un exemple curieux, non pas en ce qu’il affecte aucun organe important, mais en ce qu’il se présente chez plusieurs espèces du même genre, en partie à l’état domestique et en partie à l’état sauvage. […] À l’état sauvage elles pourraient être soit avantageuses, soit nuisibles aux représentants de l’espèce.

55. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

1° Nous savons une science ou une langue, etc. ; elles existent en nous à l’état latent, tant que nous n’en faisons pas usage. 2° Certains états anormaux, comme la folie, le délire, le somnambulisme, nous révèlent des connaissances ou des habitudes d’action que nous n’avions aucune conscience de posséder dans notre état normal. […] Mais le vrai rapport de causalité est entre la totalité des antécédents (constitution particulière du corps, état de santé, état de l’atmosphère, etc.) et la totalité des conséquents (phénomènes qui constituent la mort). […] Or, cette conscience de l’effort dont on parle, c’est la conscience de cet état de conflit. […] Il est vrai que Leibniz ne dit pas que cet état du corps en est l’antécédent, ce qui eût été en désaccord avec son harmonie préétablie.

56. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

Tyndall155, que tous les grands penseurs qui ont étudié ce sujet, sont prêts à admettre l’hypothèse suivante : que tout acte de conscience, que ce soit dans le domaine des sens, de la pensée ou de l’émotion, correspond à un certain état moléculaire défini du cerveau ; que ce rapport du physique à la conscience existe invariablement, de telle sorte que, étant donné l’état du cerveau, on pourrait en déduire la pensée ou le sentiment correspondant, ou que, étant donnée la pensée ou le sentiment, on pourrait en déduire l’état du cerveau. […] Mais les deux cas diffèrent en ceci, que, si l’on ne peut démontrer l’influence du courant sur l’aiguille, on peut au moins se la figurer, et que nous n’avons aucun doute qu’on finira par résoudre mécaniquement le problème ; tandis qu’on ne peut même se figurer le passage de l’état physique du cerveau aux faits correspondants du sentiment. — Admettons qu’une pensée définie corresponde simultanément à une action moléculaire définie dans le cerveau. […] Si notre intelligence et nos sens étaient assez perfectionnés, assez vigoureux, assez illuminés, pour nous permettre de voir et de sentir les molécules mêmes du cerveau ; si nous pouvions suivre tous les mouvements, tous les groupements, toutes les décharges, électriques, si elles existent, de ces molécules ; si nous connaissions parfaitement les états moléculaires qui correspondent à tel ou tel état de pensée ou de sentiment, nous serions encore aussi loin que jamais de la solution de ce problème : Quel est le lien entre cet état physique et les faits de la conscience ? […] Vue d’un côté, la nature a pour éléments des événements que nous ne pouvons connaître qu’à l’état de complication extrême, et qu’en cet état nous nommons sensations. Vue de l’autre côté, elle a pour éléments des événements que nous ne concevons clairement qu’à l’état de simplicité extrême, et qu’en cet état nous nommons mouvements moléculaires.

57. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre I : Sensations et idées. »

Ce sont les deux états de conscience primitifs. […] Après avoir parlé, dit-il28, des états de conscience simples, nous devons passer aux états complexes. […] Dans l’un et l’autre cas, la reconnaissance du souvenir, comme appartenant au passé, est une idée très complexe qui consiste en ces trois principaux éléments : 1° un état de conscience actuel que nous appelons le moi se souvenant ; 2° un état de conscience que nous appelons le moi qui a perçu ou conçu ; 3° les états de conscience successifs qui remplissent l’intervalle entre ces deux points. […] Tout se réduit donc à une association d’idées, puisqu’il n’y a que l’idée du moi présentée (moi qui se souvient), l’idée du moi passé (le moi dont on se souvient), et l’idée d’une série d’états de conscience qui remplissent l’intervalle. […] Quand je dis que je me rappelle l’incendie du théâtre de Drury-Lane ; dire que je me rappelle cet événement et que j’y crois, c’est dire la même chose : ce sont deux états de conscience indiscernables.

58. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

Par le fait du malaise ou de la douleur qui fixent sur eux notre attention, nos états pathologiques ainsi qu’on l’a noté déjà, nous sont mieux connus que les autres, en sorte qu’ils évoquent des idées plus claires et qui nous font mieux pénétrer dans la nature des choses. […] Cet être qui se répète indéfiniment semblable à lui-même va se trouver dans un état d’infériorité flagrant vis-à-vis de tous les êtres de même nature, qui subissent une évolution normale. […] La loi paraît être celle-ci : la possibilité de varier, c’est-à-dire, en langage psychologique, de se concevoir autre avec efficacité sous le jour de la conscience, est d’autant plus étendue pour un être — individu ou collectivité — que cet être a varié avec plus de continuité depuis ses origines ; cette possibilité est d’autant plus limitée que cet être est demeuré plus longtemps stationnaire à quelque état de son évolution, c’est-à-dire qu’il a été maintenu sans variation dans ce même état pendant un temps plus long. […] Ce pouvoir virtuel, faut-il ajouter, se trouve paralysé, si cette réalité a été retenue dans une forme fixe, pendant une longue durée, fût-ce à un état de son développement proche de ses origines. […] Il importe donc, on le voit, pour évaluer les chances d’avenir d’un groupe social, de ne pas tenir compte seulement de son état de civilisation avancée ou rudimentaire.

59. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Conclusion »

Morell reconnaît devoir à Herbart ou à ses disciples, Drobisch, Waitz et Volkmann, la doctrine de l’élaboration des idées, de leur action et réaction, de leur transformation de l’état conscient à l’état inconscient, et vice versa, de leur fusion par la loi de ressemblance, de leur combinaison en groupes, en séries, etc. […] La perception du monde extérieur n’est pas un état purement passif, où l’esprit ressemblerait à un miroir reflétant fatalement les objets. […] Nos perceptions sont donc les états internes qui correspondent aux existences externes, mais qui ne leur ressemblent pas. […] Qu’est-ce qu’une idée à l’état latent, une idée qu’on ne pense point ? […] Sans doute, puisqu’ils sont le résultat de la totalité des états de conscience qui précèdent la résolution, et que cet ensemble d’états de conscience est notre moi.

60. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — IV »

Sous ces deux aspects, un même but est envisagé : il s’agit de réaliser un état de contentement, avec la sensation comme moyen et comme matière première. […] Il faut donc reconnaître que, pour la plus grande part de l’humanité, les joies et les souffrances attachées à la sensation et à ses dérivés sont si fortes qu’elles expliquent tous les efforts tentés pour augmenter et fixer les états de joie, pour diminuer et abolir les états de souffrance. […] Au contraire, la digue qu’opposait au mouvement ce pouvoir d’arrêt vient-elle à se rompre, le caractère fictif qu’impliquait le récent état de connaissance se dévoile au regard de l’esprit qui va s’ingénier à recommencer son œuvre de construction systématique à l’égard d’un état plus fragmentaire de la substance phénoménale immobilisée par une intervention nouvelle et victorieuse du pouvoir d’arrêt. […] Ces notions seraient alors les moyens et les conditions nécessaires de tout état de connaissance. […] Les vérités n’ont par elles-mêmes aucune réalité objective, mais elles sont des moyens de créer des réalités, c’est-à-dire des phénomènes, mœurs, sentiments, actes, états de connaissance.

61. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Un peu plus, elle retournerait à l’état fluide. […] Et qu’y a-t-il précisément de beau dans cet état psychique ? […] On entre dans l’état purement contemplatif. […] C’était un état de pure contemplation musicale. […] Or c’est le vers qui nous amène le mieux à l’état de rêverie.

62. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

De la sympathie et de la société avec les êtres de la nature. — Un paysage est un état d’âmes, un phénomène de sympathie et de sociabilité. — L’émotion esthétique et l’émotion morale. […] Les sensations de l’ouïe et de la vue semblent d’abord comme abstraites, étrangères à l’état intime des corps dont elles nous transmettent la forme ou les sons. […] Grâce à de la correspondance entre les mouvements et les états psychiques, il est démontré que percevoir la souffrance ou le plaisir d’autrui, c’est commencer à souffrir ou à jouir soi-même. […] C’est que le caractère agréable ou pénible d’une émotion provient, non du premier état mental qui lui sert de prélude, mais de l’activité de la réaction intérieure consécutive. […] Il est probable qu’a tous les états physiologiques correspondent des odeurs déterminées, et, comme à tout état physiologique correspond un état psychologique, il n’est pas étrangede supposer avec M. 

63. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre V : Rapports du physique et du moral. »

Non, mais c’est cette émotion accompagnée d’un état particulier du cerveau et du système. […] Lorsqu’il nous arrive, comme dans le pur sentiment de plaisir ou de peine, de passer de l’état, objectif à l’état subjectif ; nous subissons un changement qui ne saurait être traduit dans l’espace. […] La seule expression convenable est changement d’état, passage d’un état où l’on connaît, sous la condition de l’étendue, à un état où l’on connaît indépendamment de l’étendue. […] Si nous prenons un homme de constitution moyenne, chez qui le travail de la pensée et l’excitation mentale ne demandent qu’une petite quantité de force, nous trouvons un meilleur état physique, une force et une résistance musculaire plus grandes, une digestion plus vigoureuse, bref une plus grande aptitude à supporter les fatigues physiques. — Au contraire, si le travail mental demande une grande quantité de force, alors il doit se faire, chez cet homme, une dépense disproportionnée d’oxydation dans le cerveau : il en revient d’autant moins aux muscles, à l’estomac, aux poumons, aux organes de sécrétion.

64. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

. — Ces cas extrêmes sont des indices de l’état normal. — Dans l’état normal, l’illusion est aussitôt défaite. — Elle est défaite par la présence d’un antagoniste ou réducteur. […] Absente, elle diminuait la force et la netteté de ce fantôme sensible jusqu’à le ramener à l’état ordinaire, c’est-à-dire à l’état de vague représentation. […] Dans le premier cas, on rétablit l’état normal en ajoutant des poids, dans le second en en retirant. […] Ce balancement est l’état de veille raisonnable. […] Mlle R., après une série d’hallucinations, « caractérise très nettement l’état dont elle est sortie. 

65. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Tel est l’état de l’individu dans ces sociétés d’insectes dont l’organisation est savante, mais l’automatisme complet. […] L’état où il achemine l’âme est au-delà du bonheur et de la souffrance, au-delà de la conscience. […] Mais il y a des états morbides qui sont des imitations d’états sains : ceux-ci n’en sont pas moins sains, et les autres morbides. […] Pour atteindre la déification définitive, ils passent par une série d’états. Ces états peuvent varier de mystique à mystique, mais ils se ressemblent beaucoup.

66. (1903) La pensée et le mouvant

Au lieu d’états contigus à des états, qui deviendront des mots juxtaposés à des mots, voici la continuité indivisible, et par là substantielle, du flux de la vie intérieure. […] Je veux bien, encore une fois, que les états futurs d’un système clos de points matériels soient calculables, et par conséquent visibles dans son état présent. […] Telle est pourtant l’entreprise des philosophes qui cherchent à recomposer la personne avec des états psychologiques, soit qu’ils s’en tiennent aux états eux-mêmes, soit qu’ils ajoutent un fil destiné à rattacher les états entre eux. […] L’état, pris en lui-même, est un perpétuel devenir. […] Il n’existe pas de choses faites, mais seulement des choses qui se font, pas d’états qui se maintiennent, mais seulement des états qui changent.

67. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, par M. Le Play, Conseiller d’État. »

. — Ailleurs, plus à l’est de l’Europe, il était témoin d’un état d’organisation que nous appelons arriéré, et qui reproduisait assez fidèlement sous ses yeux l’ancien état féodal, mais qui lui expliquait aussi les ressources et les racines profondes de ce régime disparu. […] Cet état de société plus élémentaire et dès longtemps aboli dans notre Occident, reparaissant aux yeux de l’observateur à l’état actuel et pratique, lui commentait d’une manière vivante, lui expliquait le passé, comme en géologie on s’explique mieux les couches, partout ailleurs ensevelies, en les retrouvant à la surface et non encore recouvertes, telles qu’elles parurent autrefois dans leur règne et à leur véritable époque, en pleine lumière et sous le soleil. […] Il les a pris dans tous les états et toutes les professions, depuis le pasteur du versant de l’Oural et le paysan agriculteur de la Russie méridionale jusqu’au moissonneur émigrant du Soissonnais, au maître blanchisseur de la banlieue et au chiffonnier de Paris. […] La nourriture, la boisson la plus recherchée et la plus agréable pour ces peuples pasteurs est du lait de jument fermenté, qui laisse ceux qui en ont trop pris dans un léger état d’assoupissement et d’ivresse d’où l’on sort d’ailleurs sans trop de fatigue et sans détérioration pour les organes. […] Ces idées qu’il jetait à l’état de questions, à la fin de son premier ouvrage, montraient que le second était déjà en germe dans son esprit.

68. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre VI : Règles relatives à l’administration de la preuve »

La concomitance constante est donc, par elle-même, une loi, quel que soit l’état des phénomènes restés en dehors de la comparaison. […] On en vient ainsi à se demander si l’un et l’autre fait ne seraient pas la conséquence d’un même état. […] Mais il ne faut pas croire que la sociologie soit dans un état de sensible infériorité vis-à-vis des autres sciences parce qu’elle ne peut guère se servir que d’un seul procédé expérimental. […] Car, d’une part, elle nous montrerait à l’état dissocié les éléments qui le composent, par cela seul qu’elle nous les ferait voir se surajoutant successivement les uns aux autres et, en même temps, grâce à ce large champ de comparaison, elle serait beaucoup mieux en état de déterminer les conditions dont dépendent leur formation et leur association. […] En effet, l’état où se trouve une société jeune n’est pas le simple prolongement de l’état où étaient parvenues à la fin de leur carrière, les sociétés qu’elle remplace, mais provient en partie de cette jeunesse même qui empêche les produits des expériences faites par les peuples antérieurs d’être tous immédiatement assimilables et utilisables.

69. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

On a constaté par des exemples nombreux des états physiologiques entièrement différents et même contraires chez les individus dont le crâne offrait les mêmes apparences à la surface. […] Le génie lui-même, cet état supérieur de la nature humaine, n’échappe point aux formules outrées d’une certaine analyse physiologique. […] Des observations nombreuses sur le développement moral comparé à l’état physique venant s’ajouter à ces expériences, permettent d’aller encore plus loin. […] Au lieu de s’arrêter à la surface de la vie humaine et de se laisser prendre à certains signes équivoques de l’état physiologique, pour peu que l’on pénètre dans l’état psychologique, on voit au contraire un développement supérieur de la raison, du sentiment, de la volonté, là où le physiologiste n’avait observé ou supposé qu’une affection pathologique. […] L’état de sagesse constitue une sorte de nécessité morale qui est la perfection même de la liberté.

70. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

L’ordre même des représentations, à l’état normal, est tantôt senti comme notre œuvre, tantôt comme l’œuvre d’une force étrangère. […] Si on imagine, à l’exemple de Spencer, une conscience « toute sérielle », qui ne peut saisir qu’un état à la fois, la comparaison et la synthèse des états différents sera impossible dans le souvenir : quand le second état existera, le premier sera entièrement évanoui ; chaque état sera toujours premier, toujours nouveau, et le sentiment de familiarité sera impossible. […] Mais ce caractère n’est qu’apparent, et la « ligne » de nos états intérieurs n’est pas plus une ligne véritable que toute autre ligne visible et concrète. […] Un homme instruit, raisonnant assez bien sa maladie, et qui en a donné une description écrite, fut pris, vers l’Age de trente-deux ans, d’un état mental particulier. […] Supposons, avec Pascal, un homme devenu machine en tout un homme dont les sens seraient entièrement fermés aux impressions nouvelles, dont la conscience même serait close à tout état nouveau, idée, image, sentiment ou désir, « les séries d’états de conscience et de souvenirs auxquelles cet homme serait réduit finiraient à la longue, dit Th.

71. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre premier. L’idée force du monde extérieur »

Le premier moment du processus est la conscience d’une appétition identique et d’un état identique. […] Sans doute notre conscience la conçoit, mais elle la conçoit cependant comme non elle, comme autre qu’elle, comme n’existant en elle qu’à l’état subjectif de conception, non à l’état objectif d’existence. Avec le raisonnement des idéalistes, il faudrait soutenir que je ne puis concevoir un temps où je n’existais pas, par exemple le siècle de César, puisque ce temps où ma conscience n’existait pas est cependant dans ma conscience à l’état d’idée et conçu par elle. […] Selon Riehl, on s’en souvient, toute sensation étant le discernement d’une différence entre l’état actuel senti et un autre état non senti ou inconscient, la sensation se trouve toujours en rapport avec du non-senti, et c’est ce non-senti qui devient « le réel » au-delà de la sensation. — Nous avons déjà répondu qu’on ne peut pas établir un rapport entre un terme donné à la conscience et un autre qui ne l’est pas. C’est entre deux états de conscience qu’on peut saisir une différence.

72. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Ce bruit est vraiment une parole ; il en a l’allure, le timbre, le rôle ; mais c’est une parole intérieure, une parole mentale, sans existence objective, étrangère au monde physique, un simple état du moi, un fait psychique. […] Et comme la prière mentale devenait l’état habituel des âmes profondément religieuses, parvenir à un état plus parfait encore n’était possible qu’à la condition de faire cesser cet état d’oraison muette et discursive que les premiers préceptes avaient déjà nettement défini ; il était donc naturel que l’extase fut mieux décrite par les mystiques chrétiens qu’elle ne l’avait été par les néoplatoniciens, et, par contraste, la parole intérieure devait facilement apparaître comme l’état ordinaire de l’âme humaine. […] VI, § 10], et l’âme, revenue à l’état normal, s’imagine à tort qu’elle a été momentanément vide de toute parole comme de toute pensée et de tout sentiment25. […] Quant à ceux qui ne savent pas lire ou écrire en silence, ils sont, à cet égard, encore enfants ; leur état n’est qu’un épisode de l’histoire de la parole inférieure. […] IV, § 2 et 6 ; etc.], qu’elle restitue aux états psychiques la vivacité que la répétition leur enlève ; les états qui résistent, comme la parole intérieure, à la destruction lente que produit l’habitude, sont les états que l’attention préfère et cultive, les états auxquels elle s’attache à l’exclusion des autres, qu’elle dédaigne.

73. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Hartley »

Ainsi se forme cet état mental que nous appelons volonté et qui est en réalité « une somme de vibrationcules composées. » Si l’on chatouille la main d’un enfant, il réagit, sans pouvoir rien de plus, puis après un certain nombre d’essais infructueux, il devient maître de ses mouvements ; l’automatisme se transforme en volonté. […] Il ne s’agit pas ici d’entrer dans les détails, ni de montrer comment les états complexes de l’esprit peuvent se former par la juxtaposition et la fusion finale des états simples. […] En d’autres termes, les états de l’esprit les plus complexes ou les plus abstraits, les notions dites a priori, les idées les plus étrangères en apparence à l’expérience, les sentiments les plus raffinés ; tout, sans exception, est réductible par l’analyse aux sensations primitives, qui associées et fondues de mille manières, par suite des combinaisons qu’elles forment, des métamorphoses qu’elles subissent, deviennent méconnaissables au sens commun. […] Tandis que ses successeurs n’ont pas craint de s’attaquer aux idées si embarrassantes de temps, d’espace, etc., et de les résoudre en associations d’états primitifs de conscience, Hartley méconnaît ou esquive ces difficultés. […] En rapprochant, sur la foi d’une hypothèse d’ailleurs, la vibration nerveuse de la sensation, il pose les premières bases d’une explication nouvelle du rapport physique et du moral, qui consiste à tout réduire, en dernière analyse, à l’association d’un état de conscience et d’un mouvement ; nous la verrons se produire dans la deuxième période de notre Ecole.

74. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 17, quand ont fini les représentations somptueuses des anciens. De l’excellence de leurs chants » pp. 296-308

, dit ce pere, en parlant de la situation présente de l’état. […] Elle sera redevenuë dans l’état où Livius Andronicus l’avoit trouvée. […] Cependant notre roi Charles IX fut encore obligé de la défendre dans l’édit qu’il publia en mil cinq cens soixante et un sur les cahiers et doleances des états generaux assemblez dans Orleans. L’article vingt-quatriéme de cet édit, porte : défendons à tous joüeurs de farces, bâteleurs et autres semblables… etc. ce qui prouve que cette loi ne fut point exactement observée, c’est qu’elle fut renouvellée dans l’édit que publia le roi Henri III sur les remontrances des états géneraux assemblez à Blois en mil cinq cens soixante et seize. […] Voici ce qu’on trouve à ce sujet dans un livre intitulé : rémontrances très-humbles au roi de France et de Pologne Henri III du nom, imprimé en mil cinq cens quatre-vingt huit, et à l’occasion des états generaux que ce prince venoit de convoquer, et qu’on appelle communement, les seconds états de Blois , parce qu’ils furent encore tenus dans cette ville.

75. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

. — Mécanisme de l’idée du moi à l’état normal. — Mécanisme de l’idée du moi à l’état anormal. — Analogie du travail mental et du travail vital. […] Mais ces événements et ces états sont supposés et non donnés ; ils ne font partie que de mon être possible, ils ne font pas partie de mon être réel. […] En fait d’éléments réels et de matériaux positifs, je ne trouve donc, pour constituer mon être, que mes événements et mes états, futurs, présents, passés. […] Si j’insiste dessus à l’état normal, ce nom évoque en moi, par association, son équivalent, à savoir la série de mes événements actuels et antérieurs, jointe aux nombreuses séries d’événements possibles dont je suis effectivement capable. […] Ayant démêlé en nous les précédents et les suites de la peur, de la douleur, de la joie et en général, de tel ou tel état interne, nous reproduisons pour lui ces précédents ou nous constatons chez lui ces suites, et nous concluons que l’état interne et intermédiaire, qui, visible chez nous, est invisible chez lui, a dû se produire chez lui comme chez nous.

76. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

Lors donc que, d’une part, des animaux et des plantes domestiques, quoique souvent faibles et malades, se reproduisent volontiers à l’état de réclusion, et que, d’autre part, des individus, pris jeunes à l’état sauvage, parfaitement apprivoisés, capables de longévité et bien portants, ce dont je pourrais fournir de nombreux exemples, ont néanmoins leur système reproducteur si profondément affecté par des causes inaperçues, qu’il est incapable de fonctionner, nous ne pouvons être surpris que ce système, quand il agit à l’état de réclusion, n’agisse pas régulièrement, et ne produise pas des petits parfaitement semblables à leurs parents. […] Le grand développement, transmissible par héritage, des mamelles des Vaches et des Chèvres, en comparaison de l’état de ces organes en d’autres contrées, est encore un exemple des effets de l’usage. […] Ce que nous pourrions affirmer en toute sécurité, c’est qu’un grand nombre de nos races domestiques les plus distinctes ne sauraient vivre à l’état sauvage. […] Je me résume : il y aurait toute improbabilité à supposer que l’homme eût apprivoisé sept ou huit espèces de Pigeons capables de se reproduire entre elles à l’état domestique ; ces espèces supposées sont inconnues à l’état sauvage ; elles ne sont nulle part retournées à cet état ; elles ont en outre des caractères anormaux à certains égards, si on les compare avec d’autres Colombins, quoiqu’elles soient très semblables sous d’autres aspects au Biset ; la couleur bleue et les diverses marques propres à ce dernier réapparaissent d’ailleurs en toutes les races pures ou croisées ; et enfin, leurs produits métis sont parfaitement féconds. […] Même l’instinct si remarquable du Messager trouve ses analogues à l’état sauvage, et cependant on serait porté à croire qu’il est exclusivement l’effet de l’éducation.

77. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre quatrième. L’aperception et son influence sur la liaison des idées »

L’attention est un état spécial de l’appétition, qui produit en effet l’entrée de l’objet au point de fixation ; mais c’est l’intelligence qui distingue ensuite et sépare les détails auparavant perdus ou confondus dans la masse grâce à leur insuffisante intensité. […] Nous avons vu que Spencer admet une association spontanée de chaque état de conscience avec la classe, l’ordre, le genre, la variété des états de conscience antérieurs et semblables ; cette association est un acte de pensée qui ne peut jamais manquer dans un être doué de cerveau ; elle enveloppe la reconnaissance même de chaque état de conscience : c’est grâce à elle que les changements intérieurs, au lieu d’être une pure succession de changements sans lien, deviennent une combinaison de changements organisés et conscients de leurs rapports. […] Cette réaction intellectuelle est d’ailleurs produite par un intérêt quelconque que le sujet sentant et agissant prend à ses sensations, en vertu de leur rapport à son état total ; l’intérêt sensible produit une concentration de l’activité intellectuelle dans la direction de tel objet, avec conscience plus ou moins claire de la réaction du sujet sur l’objet. […] La « production d’énergie intellectuelle » n’est point illimitée89 ; l’attention n’est libre que d’une liberté toute relative ; « l’aperception » est une certaine quantité de force donnée à une image, à une idée, elle est une des conditions de ce que nous appelons l’idée-force, mais, encore une fois, la réaction intellectuelle qui la constitue est elle-même causée par l’état général de la sensibilité, par l’intérêt que nous prenons à la chose, — intérêt déterminé, fini, en rapport avec les deux termes subjectif et objectif, et qui, en somme, est un désir. Sans doute le désir d’un état de jouissance plus grande est insatiable et, en ce sens, on peut dire que la réaction psychique va toujours de plus en plus loin, mais chacun de ses pas en avant est lui-même provoqué et déterminé par ses antécédents immédiats, internes et externes.

78. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

D’abord, dans notre conscience même, nous ne saisissons jamais un changement qui ne soit précédé de quelque chose, puisque la conscience même du changement implique une comparaison plus ou moins explicite entre un état antérieur et un état postérieur. […] Parmi les éléments d’explication de cette idée, il faut placer le caractère de nécessité irrésistible que présente en fait l’apparition de nos états de conscience, surtout des états passifs. […] Il ne dépend pas de nous de suspendre le cours de notre conscience, d’empêcher un état présent de suivre l’état antécédent et d’entraîner l’état subséquent. […] C’est ce lien d’un état antécédent à l’état conséquent qui donne une continuité au cours de la conscience ; celle-ci n’est plus une énumération discontinue, une procession d’états détachés : nous sentons très bien que la fin d’un de nos états est le commencement de l’autre, et il nous semble qu’il y a sous le premier une énergie accumulée, plus ou moins intense, qui se décharge pour ainsi dire dans le second. […] Le grand tort des associationnistes, c’est de substituer en nous une vicissitude d’états détachés à cette série continue d’états intensifs, où l’intensité du premier se prolonge dans celle du second et s’y exprime sous une autre forme.

79. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

La conception d’un vide naît ici quand la conscience, retardant sur elle-même, reste attachée au souvenir d’un état ancien alors qu’un autre état est déjà présent. […] Un pareil esprit verrait des faits succéder à des faits, des états à des états, des choses à des choses. […] Il ne notera plus seulement l’état actuel de la réalité qui passe. […] Pour que notre activité saute d’un acte à un acte, il faut que la matière passe d’un état à un état, car c’est seulement dans un état du monde matériel que l’action peut insérer un résultat et par conséquent s’accomplir. […] Adjectifs et substantifs symbolisent donc des états.

80. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

Les usages les plus bizarres, comme la couvade, le lévirat, l’exogamie, etc., s’observent chez les peuples les plus divers et sont symptomatiques d’un certain état social. […] Mais il est impossible de concevoir comment l’état où la civilisation se trouve parvenue à un moment donné pourrait être la cause déterminante de l’état qui suit. […] L’état antécédent ne produit pas le conséquent, mais le rapport entre eux est exclusivement chronologique. […] Aussi, sa fameuse loi des trois états n’a-t-elle rien d’un rapport de causalité ; fût-elle exacte, elle n’est et ne peut être qu’empirique. […] C’est tout à fait arbitrairement que Comte considère le troisième état comme l’état définitif de l’humanité.

81. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre III : Sentiments et Volonté »

Une idée de plaisir ou de douleur est un état de conscience très net et connu de chacun. […] Quant « à l’anticipation de l’avenir, elle consiste dans la même série d’associations, avec cette différence que, dans la mémoire, l’association des états de conscience qui convertit l’idée en mémoire va du conséquent à l’antécédent, c’est-à-dire à reculons ; tandis que dans le cas d’anticipation, l’association va de l’antécédent au conséquent, c’est-à-dire en avant46. » Quand une sensation agréable est conçue comme future, mais sans qu’on en soit certain, cet état de conscience s’appelle espoir ; si l’on en est certain, il s’appelle joie. Quand une sensation désagréable est conçue comme future, mais sans qu’on en soit certain, cet état de conscience s’appelle crainte ; si l’on en est certain, il s’appelle chagrin (sorrow). […] « Dans l’état présent de l’éducation, la louange et le blâme sont distribués par la plupart des hommes d’une manière erronée, précipitamment, en général avec excès dans les petites circonstances, avec peu de souci de les appliquer justement. […] L’auteur nous dit qu’une fausse conception de l’idée de cause a fort obscurci la controverse, sur cet état de l’esprit que nous appelons volonté.

82. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre II : Termes abstraits »

On y trouve, à l’état d’ébauche et de solutions entrevues, bon nombre d’explications que les contemporains ont données d’une manière plus claire et plus complète. […] Le mot infini, dans ce cas, n’est qu’une marque pour cet état de conscience, dans lequel l’idée d’un de plus est intimement associée à tout nombre qui se présente. […] Notre idée d’un corps qui se meut consiste dans une somme de sensations successives ; somme où l’état présent est joint, grâce à la mémoire, à tous les états antérieurs. […] Deux ou plusieurs objets, physiques ou intellectuels, sont en rapport l’un avec l’autre, en vertu de quelque état de conscience complexe où ils entrent tous deux, quand même cet état de conscience complexe se réduirait simplement à les penser ensemble.

83. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

À l’état de veille, nous avons bien des souvenirs qui paraissent et disparaissent, réclamant notre attention tour à tour. […] Mais les souvenirs que ma mémoire conserve ainsi dans ses plus obscures profondeurs y sont à l’état de fantômes invisibles. […] Ce n’est donc pas par l’abolition du raisonnement, non plus que par l’occlusion des sens, que nous caractériserons l’état de rêve. […] Mais adaptation et choix te maintiennent dans un état de tension ininterrompue. […] Je veille pendant le jour un malade dont l’état est désespéré.

84. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

M. d’Aumont s’y prêtait de toute sa bassesse, et n’avait même mandé à personne l’état du roi, pour faciliter à cette femme le parti qu’elle voudrait prendre. […] d’Aumont avait tant à cœur de lui amener, et n’ouvrant la bouche, dans l’état d’affaissement où il était, que pour geindre et parler de lui à la Faculté. […] D’ailleurs, l’état du roi était même plus fâcheux que ne l’est communément à cette époque celui de ceux qui ont cette maladie. […] J’aurais dès lors été fort effrayé de l’état du roi si j’avais pris quelque intérêt à la conservation de ses jours. […] Celui-ci était instruit de son côté par Lorry, et plus encore par M. d’Aumont, de l’état du roi, des inquiétudes de la nuit et de l’opinion générale.

85. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

et reconnaître, n’est-ce pas comprendre qu’un état de conscience a un certain genre de signification, qu’il signifie, bien que présent, un état passé ? […] Sur ce point, comme dans toute sa théorie du langage, Bonald prend pour l’état primitif et constant des phénomènes un état idéal et parfait qui n’est pas même leur état actuel. […] Cette description contient plus d’une inexactitude, et surtout elle ne correspond qu’à l’état adulte de l’intelligence ; à l’âge où l’observation psychologique est devenue possible247, les choses se passent à peu près ainsi ; elles ne peuvent se passer de même chez les enfants. En somme, ni l’état primitif, ni l’état constant de l’intelligence ne sont bien représentés dans l’analyse qui précède. […] L’état de distraction est une circonstance favorable à ces oublis ; on comprend mal un discours mal écouté ; plus tard, on se répète à loisir ce qu’on en a retenu, et l’on comprend mieux [ch.

86. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

En effet, comment un tel animal aurait-il pu vivre pendant son état transitoire ? […] Dans le cas où nous ne connaissons aucun de ces états intermédiaires, nous devrons mettre la plus grande réserve à conclure qu’ils ne peuvent avoir existé ; car les homologies de beaucoup d’organes et leurs états intermédiaires montrent qu’il peut se produire d’étonnantes métamorphoses dans les fonctions. […] D’ailleurs si l’on n’a pas encore trouvé ces formes transitoires à l’état fossile, on les trouvera peut-être. […] Constatons pour le moment qu’on en a trouvé, puisqu’on connaît à l’état fossile de nombreux Ptérodactyles et de rares poissons volants. […] La cause de ces courants, dit le savant physicien, réside dans les états électriques opposés qui se produisent par les actions chimiques de la nutrition du muscle.

87. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IV. La folie et les lésions du cerveau »

C’est un état de l’âme dont les conditions physiologiques nous sont inconnues. […] En dehors même de ces cas de folie, nous voyons que la lièvre produit le délire, que le sommeil change les conditions de la pensée, que la catalepsie produit des états intellectuels anormaux. […] Le lien entre ces deux faits est immédiat, et il est même possible d’en saisir la trace dans l’état normal. […] S’il en est ainsi, le désordre intellectuel ou affectif peut être un de ces faits qui se produisent spontanément dans l’âme, ou du moins dont la cause déterminante est dans un des états antérieurs de l’âme elle-même. […] On a pourtant fait des expériences de ce genre : telles sont celles du docteur Moreau (de Tours) sur le haschisch ; mais, outre qu’elles ne peuvent pas se renouveler sans danger, elles ne donnent guère de résultats appréciables sur l’état physiologique du cerveau pendent l’ivresse.

88. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre troisième. La volonté libre »

Il a sa première origine dans la réelle activité du désir, qui n’est point un état passif ni reposant en soi, mais un effort vers l’avenir. […] Chaque état psychique étant, par rapport à l’état antérieur, hétérogène, nouveau et original, du moins dans ce qu’il offre de vraiment personnel et de caractéristique, il n’y aurait plus lieu de lui appliquer un raisonnement qui ne conclut à l’identité des effets que par l’identité des causes. […] On en peut dire autant de chaque état du monde, à chaque instant ; si vous voulez prétendre que cet état est libre, à votre aise ; il est ce qu’il est, et au-delà il n’y a rien à chercher. […] Si donc il suffit qu’un « état psychique » soit « unique en son genre et ne doive plus se produire jamais en nous » pour que cet état soit libre, alors nous sommes libres jusque dans les souffrances les plus aiguës et les plus profondes, uniques en leur genre, où pourtant la fatalité nous domine tout entiers. Bien plus, nous sommes libres en tout et partout, car aucun état psychique, même « superficiel », ne se reproduira absolument le même.

89. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

Et cependant elle n’est rien en soi qu’un caractère, une propriété, une particularité d’un fait, la particularité qu’il a d’être constamment suivi par un autre, particularité détachée de lui par abstraction, posée à part par fiction, maintenue à l’état d’être distinct par un nom substantif distinct, jusqu’à ce que l’esprit, oubliant son origine, la juge indépendante et devienne la dupe de l’illusion dont il est l’ouvrier. […] S’ils admettent des forces différentes, c’est que, dans l’état présent de nos connaissances, les couples auxquels se ramènent tels et tels groupes d’événements ne peuvent pas être ramenés l’un à l’autre ni à d’autres couples. […] Par suite, l’on verrait, dans les groupes de sensations rudimentaires dont nous n’avons pas conscience, des âmes rudimentaires ; et, de même que l’appareil nerveux est un système d’organes à divers états de complication, de même l’individu psychologique serait un système d’âmes à divers degrés de développement. […] À mesure qu’il s’élève plus haut dans l’échelle, il s’écarte davantage de l’état où il était une somme et approche davantage à l’état où il sera un individu ; voilà tout. Même quand il est à l’état d’individu, on le fait repasser a l’état de somme ; en pratiquant des sections transversales sur la moelle d’un jeune mammifère174, on peut, si la circulation et la respiration persistent, maintenir en lui, pendant plusieurs semaines, des segments indépendants, chacun capable de son action réflexe et incapable de recevoir des autres ou de transmettre aux autres aucune excitation.

90. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Dans cet état que je rêve, le métier manuel serait la récréation du travail de l’esprit. […] Le philosophe est possible dans un état qui ne réclame que la coopération de la main, comme le travail des champs. […] L’humanité a encore besoin d’un stimulant matériel, et maintenant un tel état serait préjudiciable ; car il n’engendrerait que la paresse. […] La savante organisation de l’humanité ramènera cet état, mais avec des relations bien plus compliquées que n’en comportait la vie patriarcale, et sans avoir besoin de l’esclavage. […] Dans un état meilleur de la société humaine, on serait d’abord homme, c’est-à-dire que le premier soin de chacun serait la perfection de sa nature.

91. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

En cet état adulte et définitif les Cirripèdes peuvent également, selon les points de vue, être considérés comme plus ou moins élevés en organisation qu’ils ne l’étaient à l’état de larves. […] Car l’embryon, c’est l’animal dans un état moins modifié, et, par cela même, il nous révèle la structure de ses anciens progéniteurs. […] Si nous regardons le passé, les êtres pourvus d’un organe à l’état naissant auront généralement été supplantés et exterminés par leurs successeurs, pourvus de ce même organe à un état plus parfait et plus développé. […] Elle pourrait donc représenter l’état naissant des ailes des oiseaux. […] C’est pourquoi aussi l’on dit souvent d’un organe rudimentaire chez un adulte qu’il a gardé son état embryonnaire.

92. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

» À l’état où en sont venues les choses, le problème est posé dans des termes excessivement difficiles. […] L’état actuel étant défectueux et senti défectueux, quiconque se propose comme pouvant y apporter le remède est le bienvenu. […] C’est la transition qui est l’état habituel. […] J’imagine qu’il faudrait leur faire traverser un état analogue aux théocraties anciennes. […] Mais il s’agissait d’esquisser en pierre un des états de l’humanité.

93. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

Les serviteurs, au contraire, étaient obligés de passer leur vie dans le même état de dépendance. […] Nous avons déjà indiqué dans les axiomes, d’une manière générale, que les serviteurs avaient fait violence aux héros dans l’état de famille, et que cette révolution avait occasionné la naissance des républiques. […] Les pères de famille avaient reçu les terres de la divine Providence, comme une sorte de fiefs divins ; souverains dans l’état de famille, ils formèrent par leur réunion les ordres régnants dans l’état de cités. […] De l’opposition de ces éléments résulta une loi éternelle, c’est que les plébéiens veulent toujours changer l’état des choses, les nobles le maintenir ; aussi dans les mouvements politiques donne-t-on le nom d’optimates à tous ceux qui veulent maintenir l’ancien état des choses, (d’ops, secours, puissance, entraînant une idée de stabilité). […] Les héros avaient fondé les états par la sagesse des auspices.

94. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

Mais dans l’état normal ces centres sont intimement liés avec le cerveau et l’affectent. […] La perception n’est rien de plus qu’un état du sujet percevant, c’est-à-dire un état de conscience : elle peut être causée par des objets externes, mais elle ne leur ressemble en rien. […] Il trouverait dans sa conscience l’état nommé eau, qui serait fort différent de son état antérieur ; et il supposerait que cet état, si différent de l’état précédent, est une représentation de ce qui le cause. […] Mais comment alors expliquer la continuité de la conscience, puisque entre deux états il y a nécessairement un intervalle ? la conscience s’évanouit-elle, durant cet intervalle, pour reparaître avec l’état d’après ?

95. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

Tout ce que je sais de lui, c’est qu’il est un changement d’état qui, se produisant dans la vapeur, éveille en moi la sensation de froid. […] Et finalement l’état liquide, tel que nos sens le constatent, est une propriété de l’équilibre ainsi atteint. […] Tous partent d’un état antérieur dénoté par des indices convergents ou attesté par des documents transmis, et, de cet état probable ou certain, ils déduisent, d’après les lois actuelles, l’état suivant, puis encore le suivant, et ainsi de suite jusqu’à l’état actuel. […] Par l’influence combinée de l’état antérieur et des aptitudes et facultés héréditaires, il explique son état social, intellectuel et moral au moment donné ; par l’influence combinée de cet état nouveau et des mêmes aptitudes et tendances héréditaires, il explique son état social, intellectuel et moral au moment postérieur, et ainsi de suite, soit en remontant le cours des temps depuis l’époque contemporaine jusqu’aux plus anciennes origines historiques, soit en descendant le cours des temps depuis les plus anciennes origines historiques jusqu’à l’époque contemporaine. — On conçoit que dans cette prodigieuse évolution, qui s’étend depuis la formation du système solaire jusqu’à celle de l’homme moderne, les lacunes soient grandes et nombreuses ; elles le sont en effet, et souvent nous n’avons pour les combler que des conjectures. […] Si, aujourd’hui, nous ne pouvons dire pourquoi le carbone pur, selon ses états différents, fournit avec les mêmes molécules des composés aussi différents que le diamant et le graphite, c’est que, ne connaissant pas les vitesses et les masses de ses molécules, nous ne pouvons définir leurs divers états d’équilibre.

96. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Deuxième leçon »

Mais je ne pense pas qu’une telle entreprise, même indépendamment de son étendue, puisse être convenablement tentée dans l’état présent de l’esprit humain. […] Sans avoir aucunement en vue le progrès des connaissances scientifiques, elle les considère dans leur état présent pour en déduire les applications industrielles dont elles sont susceptibles. […] Ainsi, dans l’état présent de l’esprit humain, il y aurait une sorte de contradiction à vouloir réunir, dans un seul et même cours, les deux ordres de sciences. […] Car, c’est suivant l’ordre énoncé par cette formule que les différentes théories humaines ont atteint successivement d’abord l’état théologique, ensuite l’état métaphysique, et enfin l’état positif. […] Cette considération est, à mes yeux, d’une si grande importance, que je ne crains pas d’attribuer en partie à ce vice de nos éducations actuelles l’état d’imperfection extrême où nous voyons encore les sciences les plus difficiles, état véritablement inférieur à ce que prescrit en effet la nature plus compliquée des phénomènes correspondants.

97. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Les choses, hors de leur état naturel, ne peuvent y rester, ni s’y maintenir. […] Cet état dont, selon l’opinion unanime des politiques, sortirent les peuples et les cités, l’histoire profane n’en fait point mention, ou en dit à peine quelques mots confus. […] La dureté des premiers fut nécessaire, afin que l’homme, obéissant à l’homme dans l’état de famille, fût préparé à obéir aux lois dans l’état civil qui devait suivre ; les seconds incapables de céder à leurs égaux, servirent à établir à la suite de l’état de famille les républiques aristocratiques ; les troisièmes à frayer le chemin à la démocratie ; les quatrièmes à élever les monarchies ; les cinquièmes à les affermir ; les sixièmes à les renverser. […] Ils s’efforcent ensuite de surpasser leurs égaux ; voilà le petit peuple dans les états populaires qui dégénèrent en oligarchies. […] Il nous démontre le premier principe du christianisme, qui se trouve dans le caractère d’Adam, considéré avant le péché, et dans l’état de perfection où il dut avoir été conçu par son créateur.

98. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Il y soutenait les droits et privilèges de la ville d’Autun, à laquelle les habitants de Beaune (d’autres disent de Châlons) disputaient la préséance qu’elle prétendait sur toutes les autres villes lorsque les états étaient assemblés. […] Il faut certes que dans ses débuts de palais la supériorité de Jeannin, la sûreté de son jugement surtout, aient éclaté d’une façon bien notable, pour qu’après deux ans à peine il ait été choisi par les élus des états de Bourgogne pour être le conseil de la province. Les élus étaient une commission de cinq membres, qui représentaient les états dans l’intervalle des sessions, et qui dirigeaient l’assiette des impôts, les travaux publics, et presque toute l’administration du pays. […] Député du Tiers aux États de Blois de 1576, il a raconté comment MM. de Guise essayaient dès lors, par toutes sortes de brigues et de pratiques, d’obtenir des membres de l’assemblée une demande de guerre et d’emploi de force ouverte contre les huguenots : le roi n’était pas de cet avis, ni la majorité des provinces dans le tiers état. […] [NdA] L’orateur qui parla pour le tiers état et qui trompa ainsi son vœu, était Versoris, avocat fameux de Paris.

99. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). […] Ce fut M. de Choiseul qui, sans être peut-être au-dessus de lui par la naissance, mais en y joignant de tout temps les façons et l’état d’un grand seigneur, sut gagner cette influence nécessaire, et la justifia en définitive par sa capacité. […] Son bonheur et sa sûreté dépendent de l’état des affaires ; je ne vous en dirai pas davantage. […] J’ai l’esprit trop juste, madame, et j’ai l’âme trop sensible pour résister à l’idée de notre situation présente et à venir, il est vrai que l’état de mes nerfs ajoute beaucoup à ma sensibilité naturelle. […] Je ne veux pas attendre à l’extrémité pour avertir de l’état où je suis.

100. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Introduction »

Je n’ai point été déçu dans mon attente : dans ce cas, comme dans tous ceux qui présentent quelque perplexité, j’ai toujours dû reconnaître que l’étude des variations survenues à l’état domestique, quelque incomplète qu’elle soit, est toujours notre meilleur et notre plus sûr guide. […] Ces considérations m’ont déterminé à consacrer le premier chapitre de ce livre à l’examen des variations constatées à l’état domestique. […] Dans le chapitre dixième, je considérerai la succession géologique des êtres organisés dans le temps ; dans le onzième et le douzième, leur distribution géographique dans l’espace ; dans le treizième, leur classification et leurs affinités mutuelles, soit à l’état adulte, soit à l’état embryonnaire. […] Cependant, ces rapports sont de la plus haute importance, car ils déterminent l’état présent, et, je crois, le sort futur et les modifications de chaque habitant de ce monde.

101. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 39, qu’il est des professions où le succès dépend plus du génie que du secours que l’art peut donner, et d’autres où le succès dépend plus du secours qu’on tire de l’art que du génie. On ne doit pas inferer qu’un siecle surpasse un autre siecle dans les professions du premier genre, parce qu’il le surpasse dans les professions du second genre » pp. 558-567

Mais il est d’autres professions où les derniers venus n’ont pas le même avantage sur leurs prédecesseurs, parce que le progrès qu’on peut faire en ces sortes de professions, dépend plus du talent d’inventer et du génie naturel de celui qui les exerce, que de l’état de perfection où ces professions se trouvent lorsque l’homme qui les exerce fournit sa carriere. […] On devient grand general et grand orateur dès qu’on exerce ces professions avec le génie qui leur est propre, en quelque état qu’on puisse trouver l’art qui enseigne à les bien faire. Le mérite des ouvriers illustres et des grands hommes dans toutes les professions dont je viens de parler, dépend principalement de la portion de génie qu’ils ont apportée en naissant, au lieu que le mérite du botaniste, du physicien, de l’astronome et du chymiste, dépend principalement de l’état de perfection où les découvertes fortuites et le travail des autres ont porté la science qu’ils entreprennent du cultiver. […] Parmi les professions que j’ai citées comme ressortissantes principalement du génie, celle du medecin paroît la plus dépendante de l’état où est la médecine quand un certain homme vient à la professer. Cependant quand on entre dans le détail de cet art, on trouve que ses operations sont encore plus dépendantes du génie, à proportion duquel chaque medecin profite des connoissances des autres et de ses propres expériences, qu’elles ne le sont de l’état où est la médecine quand il la fait.

102. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Du moins c’est vers cette socialisation que l’on tend, ou vers un état économique assez analogue. […] Vous les entretiendrez dans un état d’imagination qui n’est plus accommodé au temps où ils vivent. Il ne faut pas créer des états d’esprit anachroniques. […] En cet état ils sont comme des tuteurs, et il n’aime pas se sentir en tutelle. […] Il y a pour lui, pour lui seul, par illusion personnelle, des apparences de changements dans son état.

103. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — De l’état de savant. » pp. 519-520

De l’état de savant. Si une nation n’est pas instruite, peut-être sera-t-elle nombreuse et puissante, mais elle sera barbare, et l’on ne me persuadera jamais que la barbarie soit l’état le plus heureux d’une nation, ni qu’un peuple s’achemine vers le malheur à mesure qu’il s’éclaire ou se civilise ou que les droits de la propriété lui sont plus sacrés. […] Tout bien considéré, l’état de savant est doux ; on s’y portera naturellement partout où la science sera un peu récompensée et fort honorée. […] Il y a deux sortes d’écoles publiques : les petites écoles ouvertes à tous les enfants du peuple au moment où ils peuvent parler et marcher ; là ils doivent trouver des maîtres, des livres et du pain, des maîtres qui leur montrent à lire, à écrire et les premiers principes de la religion et de l’arithmétique ; des livres dont ils ne seraient peut-être pas en état de se pourvoir ; du pain111 qui autorise le législateur à forcer les parents les plus pauvres d’y envoyer leurs enfants.

104. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Il tient que ce qui provoque en nous l’état poétique, c’est uniquement le son du vers. […] 2e état. […] 3e état. […] l’éther prendrait un état « solide », à structure cellulo-réticulaire éminemment vibratoire ; un état « liquide », à structure gyroscopique éminemment rotative ; un état « gazeux », à structure disloquée éminemment expansive. […] en « stéréodynamique », par exemple, le passage de l’état solide à l’état liquide, ou vice-versa, a lieu par voie de résonance de « vibration-rotation » ; il en est de même pour le passage d’un état allotropique à un autre.

105. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

Ni l’un ni l’autre ne se rencontrent jamais à l’état pur. […] Au contraire, le déficit est l’état normal de l’intelligence. […] L’intelligence, à l’état naturel, vise un but pratiquement utile. […] Notre attention est-elle appelée sur le changement interne d’un de ces états ? […] Si la première était vraie, la conscience dessinerait exactement, à chaque instant, l’état du cerveau ; le parallélisme (dans la mesure où il est intelligible) serait rigoureux entre l’état psychologique et l’état cérébral.

106. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Telles sont les deux formes extrêmes de la mémoire, envisagées chacune à l’état pur. […] Quels sont ces états ? […] J’ai commencé par un état où je ne distinguais que ma perception ; je finis par un état où je n’ai plus guère conscience que de mon automatisme : dans l’intervalle a pris place un état mixte, une perception soulignée par un automatisme naissant. […] Elles apparaissent alors, en fait, à notre conscience, alors qu’elles sembleraient devoir, en droit, rester couvertes par l’état présent. […] Mais d’autre part, comme nous le montrerons plus loin, l’image-souvenir elle-même, réduite à l’état de souvenir pur, resterait inefficace.

107. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

Seuls, les êtres organisés de certaines classes peuvent se conserver à l’état fossile, au moins en nombre de quelque importance. […] À l’état domestique on constate une grande variabilité. […] Il n’est aucune bonne raison pour que les mêmes principes qui ont agi si efficacement à l’état domestique n’agissent pas à l’état de nature. […] On ne peut tirer une objection valable de ce que la science, en son état actuel, ne jette encore aucune lumière sur le problème bien plus élevé de l’essence ou de l’origine de la vie. […] Le nombre infini des espèces animales ou végétales ont-elles été créées à l’état d’œuf ou de graines ou à l’âge de parfait développement ?

108. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

Un certain état d’équilibre instable entre les instincts multiples et communs à tous, donne à l’individu cette apparence de la liberté. […] Le moi, qui n’est qu’une raison sociale, qu’une représentation abstraite, comme la cité ou l’état, est pris pour un être pourvu d’une unité réelle. […] Parmi les privilégiés de cet état de satiété, les plus ingénieux inventent les arts et se réfugient en une attitude esthétique. […] Le même état de sensibilité qui explique les premières hypothèses où le désir se satisfait dans la foi, sans regarder à l’invraisemblance de ses inventions, le même état de sensibilité explique encore ces échafaudages plus complexes au moyen desquels l’esprit s’ingénie à construire, à côté du monde visible, ces apparences logiques dont l’harmonie dissimule la fragilité et qui composent les métaphysiques. […] Ce qui nous semblerait aujourd’hui une torture épouvantable fut pour nos ancêtres un progrès sur un pire état précédent, une occasion de se réjouir.

109. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

Les primitives sont de tous les états ; si on ne les acquiert pas dans la jeunesse, il faudra les acquérir dans un âge plus avancé, sous peine de se tromper ou d’appeler à tout moment un secours étranger. Les secondaires ne sont propres qu’à l’état qu’on a choisi. […] Les connaissances primitives approfondies donnent des connaissances d’état. Tous les états n’exigent pas la même portion des connaissances primitives ou élémentaires qui forment la longue chaîne du cours complet des études d’une université. […] Les enfants ne sont pas tous en état de marcher au même âge.

110. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Selon eux, elle sappe tôt ou tard les fondemens des états : elle est la mère de tous les vices ; elle enfante l’ignorance, l’orgueil, l’ambition, la paresse, la débauche, la vengeance, le parjure, l’inceste & l’adultère, l’ivresse de toutes les passions & le mépris de la religion. […] Dans la réfutation des préjugés, répandus contre la poësie, on n’oublia pas de répondre à celui qui fait regarder ceux qui la cultivent, comme des membres inutiles à l’état, & qui ne sont d’aucune ressource. […] L’Arioste fut aussi chargé d’affaires d’état. […] Il regardoit les fables comme le plus puissant ressort de toute poësie, & principalement de cette poësie enjouée, légère, & galante que ses ennemis lui reprochèrent, & qu’il soutint n’être pas contraire à son état, attendu le grand nombre d’ecclésiastiques qui l’ont cultivée. […] Le roi, courroucé, le mande sur le champ, Le poëte, en paroissant, s’attendoit à une récompense ; mais, qu’il fut étonné quand ce monarque lui dit avec menace : Je vous ordonne de sortir incessamment de la ville & de mes états.

111. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre III. Besoin d’institutions nouvelles » pp. 67-85

Il peut paraître hardi de nous présenter dans un tel état de dénuement sous le rapport des institutions : mais cela est exactement vrai ; car il ne faut point oublier que le peuple français est le représentant et le législateur de la grande société européenne. […] Et ici je vais donner un signe sensible ; car, en même temps que la parole intérieure s’exprime par la parole extérieure, l’état de la société se montre toujours par des monuments. […] Ne pourrait-on pas dire que l’état physique de Rome raconte la révolution faite en Europe par le temps, et que l’état de la France raconte la même révolution aidée par les hommes ? […] Oui, j’en suis persuadé, la résistance à la révolution n’a commencé que lorsqu’on a voulu aller au-delà de ce qui était dans les mœurs, dans l’état des lumières, dans nos besoins réels. […] Les souverains de l’Europe doivent savoir à présent une chose qu’ils ont trop ignorée ; ils doivent savoir qu’il ne s’agit plus ni de la force des armes, ni des limites de territoires, ni de la balance politique entre les différents états.

112. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Note sur les éléments et la formation de l’idée du moi » pp. 465-474

Krishaber, le trait essentiel de la maladie est probablement une contracture des vaisseaux qui nourrissent la région sensitive cérébrale où se produisent les sensations brutes128 ; et probablement il n’y a d’autre contracture que celle-là ; les vaisseaux sanguins des hémisphères restent à l’état normal. […] Mais, comme presque toujours la maladie arrive brusquement, l’effet est immense ; on ne peut mieux comparer l’état du patient qu’à celui d’une chenille qui, gardant toutes ses idées et tous ses souvenirs de chenille, deviendrait tout d’un coup papillon avec les sens et les sensations d’un papillon. Entre l’état ancien et l’état nouveau, entre le premier moi, celui de la chenille, et le second moi, celui du papillon, il y a scission profonde, rupture complète. […] Tâchons de nous représenter cet état extraordinaire, et nous verrons naître peu à peu, mais très logiquement, ces conclusions plus extraordinaires encore. […] Il fallut qu’un de mes amis s’offrît pour m’accompagner ; sans cela, je ne serais pas parti, et pourtant, à cause de mon hyperesthésie de l’ouïe, je prévoyais l’état affreux où me mettrait le bruit du siège à Paris.

113. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VI. L’Astronomie. »

Quel changement ont dû subir nos âmes pour passer d’un état à l’autre ? […] C’est Newton qui nous a montré qu’une loi n’est qu’une relation nécessaire entre l’état présent du monde et son état immédiatement postérieur. […] Ne venons-nous pas de voir que c’est par l’Astronomie que, pour parler son langage, l’humanité est passée de l’état théologique à l’état positif. […] La matière s’y montrera à nous sous mille états divers, depuis ces gaz raréfiés qui semblent former les nébuleuses et qui s’illuminent de je ne sais quelle lueur d’origine mystérieuse, jusqu’aux étoiles incandescentes et aux planètes si voisines et pourtant si différentes de nous.

114. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Je les ai donc laissés dans l’état et dans l’ordre où ils virent le jour. […] La vie ramène de communs états d’âme. […] Celles-ci s’orientent dans le Temps, comme la succession de nos états de conscience. […] Cette dissociation de deux états, état intellectuel et état moral de notre société, crée un perpétuel malentendu entre l’homme qui pense et l’homme qui agit, entre l’artiste et la foule. […] La poésie n’est plus seulement une peinturerais une communication d’états d’âme.

115. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

L’état actuel de la pratique médicale donne à présumer que cette solution se fera encore longtemps chercher. […] L’état physiologique et l’état pathologique sont régis par les mêmes forces, et ils ne diffèrent que par les conditions particulières dans lesquelles la loi vitale se manifeste. […] La physiologie est la science vitale active à l’aide de laquelle l’homme pourra agir sur les animaux et sur l’homme, soit à l’état sain, soit à l’état malade. […] Les principes de la médecine expérimentale seront donc simplement les principes de l’analyse expérimentale appliqués aux phénomènes de la vie à l’état sain et à l’état morbide. […] Je regardai l’état des organes et des liquides.

116. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

quelle étude pour être en état de le juger ! […] Le dénouement, pour être imprévû, doit donc être le passage d’un état incertain à un état déterminé. […] Telles sont les moeurs des bergers pris dans l’état d’innocence. […] Or l’état de grossiereté & de bassesse n’est point cet heureux état. […] parce qu’on se propose de peindre un état heureux.

117. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre III. Coup d’œil sur le monde politique, ancien et moderne, considéré relativement au but de la science nouvelle » pp. 371-375

Les trois formes de gouvernement se succédèrent chez eux conformément à l’ordre naturel ; l’aristocratie dura jusqu’aux lois Publilia et Petilia, la liberté populaire jusqu’à Auguste, la monarchie tant qu’il fut humainement possible de résister aux causes intérieures et extérieures qui détruisent un tel état politique. […] Mais ce peuple est en partie retenu dans l’état héroïque par une religion pleine de croyances effrayantes, et dont les dieux tout couverts d’armes menaçantes inspirent la terreur. […] De là sa haute civilisation. — Les principaux états européens sont de grandes monarchies. Celles du Nord, comme la Suède et le Danemark il y a un siècle et demi, et comme aujourd’hui encore la Pologne et l’Angleterre, semblent soumises à un gouvernement aristocratique ; mais si quelque obstacle extraordinaire n’arrête la marche naturelle des choses, elles deviendront des monarchies pures. — Cette partie du monde plus éclairée a aussi plus d’états populaires que nous n’en voyons dans les trois autres.

118. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Il ne saurait ni engendrer ni occasionner un état intellectuel. […] Nous avons séparé radicalement, en effet, le pur souvenir de l’état cérébral qui le continue et le rend efficace. […] C’est dire que je touche la réalité du mouvement quand il m’apparaît, intérieurement à moi, comme un changement d’état ou de qualité. […] Et le mécanisme ne fait que formuler avec plus de précision cette croyance quand il affirme que les états de la matière peuvent se déduire les uns des autres. […] II, p. 618). — Van der Waals a montré, d’autre part, la continuité des états liquide et gazeux.

119. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre III. Buffon »

Sa théorie des périodes géologiques, il la cherche dans l’observation de l’état actuel de la terre, où sont épars quelques vestiges des états antérieurs. […] Il lui suffit qu’il y ait eu à un moment donné de la matière : quels changements relient à l’état actuel le plus ancien état où puissent remonter l’observation et l’hypothèse, voilà l’objet des recherches de Buffon. […] Et cependant, cet homme qui voyait d’une si puissante imagination les transformations anciennes de l’univers, retombait étrangement dans les idées et dans les regards de son siècle, quand il regardait l’état actuel de la nature.

120. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

La première c’est la tendance à prendre un état, attitude ou mouvement corporel, quand nous voyons une autre personne le produire. La seconde, c’est la tendance à prendre un état de conscience par le moyen des états corporels qui l’accompagnent. […] De là les gestes, l’expression de la physionomie, bref tous ces états des muscles qui nous permettent de lire les sentiments des autres. […] C’est ce qui se produit quand nos pensées et nos sentiments sont calmes ; et c’est de là que résultent les états successifs qui constituent la conscience. […] c’est que vous étiez en proie à une forte émotion, ou, physiologiquement parlant, votre système nerveux était en état de tension.

121. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Toutefois il est des moyens sûrs qui peuvent nous conduire de l’actuel au primitif, et, si l’expérimentation directe de ce dernier état nous est impossible, l’induction s’exerçant sur le présent peut nous faire remonter à l’état qui l’a précédé et dont il n’est que l’épanouissement. En effet, si l’état primitif a disparu pour jamais, les phénomènes qui le caractérisaient ont encore chez nous leurs analogues. […] En général, nous ne formulons les lois de la nature que pour l’état actuel, et l’état actuel n’est qu’un cas particulier. […] Cela même en fait l’intérêt : aucune étude ne fait mieux comprendre l’état médiocre de l’esprit humain. […] Car il est plus facile d’étudier les natures diverses dans leurs crises que dans leur état normal.

122. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Plus un drame a de grandeur, plus profonde est l’élaboration à laquelle le poète a dû soumettre la réalité pour en dégager le tragique à l’état pur. […] Toute poésie exprime des états d’âme. Mais parmi ces états, il en est qui naissent surtout du contact de l’homme avec ses semblables. […] Ce qui nous intéresse, en effet, dans l’œuvre du poète, c’est la vision de certains états d’âme très profonds ou de certains conflits tout intérieurs. […] C’est l’état de rêve.

123. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

Ce qui les constitue, ce sont les croyances, les tendances, les pratiques du groupe pris collectivement ; quant aux formes que revêtent les états collectifs en se réfractant chez les individus, ce sont choses d’une autre espèce. Ce qui démontre catégoriquement cette dualité de nature, c’est que ces deux ordres de faits se présentent souvent à l’état dissocié. […] Ce qu’il exprime, c’est un certain état de l’âme collective. […] C’est un état du groupe, qui se répète chez les individus parce qu’il s’impose à eux. […] Mais un état individuel qui fait ricochet ne laisse pas pour cela d’être individuel.

124. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

Ainsi, je crois que si notre science du mécanisme cérébral était parfaite, et parfaite aussi notre psychologie, nous pourrions deviner ce qui se passe dans le cerveau pour un état d’âme déterminé ; mais l’opération inverse serait impossible, parce que nous aurions le choix, pour un même état du cerveau, entre une foule d’états d’âme différents, également appropriés 4. […] Pourvu que les actions relativement simples — gestes, attitudes, mouvements — en lesquels se dégraderait un état d’âme complexe, soient bien celles que le cerveau prépare, l’état mental s’insérera exactement dans l’état cérébral ; mais il y a une multitude de tableaux différents qui tiendraient aussi bien dans ce cadre ; et par conséquent le cerveau ne détermine pas la pensée ; et par conséquent la pensée, en grande partie du moins, est indépendante du cerveau. […] Mais comment passer en revue les états normaux et pathologiques dont il y aurait à tenir compte ? […] La seconde ne vise d’abord qu’à la probabilité ; mais comme elle opère sur un terrain où la probabilité peut croître sans fin, elle nous amène peu à peu à un état qui équivaut pratiquement à la certitude. […] Encore ces états ne pourraient-ils être représentés que vaguement, grossièrement, tout état d’âme déterminé d’une personne déterminée étant, dans son ensemble, quelque chose d’imprévisible et de nouveau.

125. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre III. Éducation de Jésus. »

Dans cet état social, l’ignorance, qui chez nous condamne l’homme à un rang inférieur, est la condition des grandes choses et de la grande originalité. […] Qu’il n’eût aucune connaissance de l’état général du monde, c’est ce qui résulte de chaque trait de ses discours les plus authentiques. La terre lui paraît encore divisée en royaumes qui se font la guerre ; il semble ignorer la « paix romaine », et l’état nouveau de société qu’inaugurait son siècle. […] Le merveilleux n’était pas pour lui l’exceptionnel ; c’était l’état normal. […] Cet état intellectuel fut toujours celui de Jésus.

126. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

La parole intérieure morale, telle que nous l’avons décrite, est un reste de l’état sauvage : avec les progrès de la civilisation, elle doit devenir de plus en plus rare ; il est donc naturel que nous en cherchions dans le passé les traces les plus vives, les exemples les plus frappants. […] Avant même que la parole soit devenue extérieure et audible, les muscles s’agitent et trahissent aux yeux l’état vif de la parole intérieure. […] Souvent la parole intérieure vive et l’état de l’âme qui la cause n’ont été révélés que par les éclats imprévus de la parole extérieure ; celle-ci n’étant évidemment que la suite d’un discours, il faut bien supposer que le début préexistait à l’état de parole imaginaire dans la conscience du parleur maladroit qui livre sa pensée secrète à des oreilles indifférentes ou railleuses. […] Il est incontestable qu’aliéner des faits de conscience sans les externer constitue un état très faiblement anormal, et, sans nul doute, il est à souhaiter « que la nature produise souvent des fous tels que Socrate ». […] Sans parler ici de l’ivresse, tous ces effets de l’imagination et de la passion se retrouvent à un plus haut degré d’exaltation, et surtout à l’état continu, chronique, chez les aliénés.

127. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Satire contre le luxe, à la manière de Perse » pp. 122-126

Là du moins il n’y a d’inégalité que celle qu’il a plu à la nature de mettre entre ses enfans ; et les forêts ne retentissent pas de cette variété de plaintes, que des maux sans nombre arrachent à l’homme dans ce bienheureux état de société. — Mais quoi ! […] De là la fausseté du crédit dans tous les états. […] Que celui qui a de l’or puisse avoir des palais, des jardins, des tableaux, des statues, des vins délicieux, de belles femmes ; mais qu’il ne puisse prétendre sans mérite à aucune fonction honorable dans l’état ; et vous aurez des citoyens éclairés, des sujets vertueux. […] La condition la plus heureuse d’un homme, d’un état, a son terme. […] Où trouverai-je un état de bonheur constant ?

128. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

Le cerveau est à l’état de tension et agit toujours dans sa totalité ; chaque pensée particulière suppose une décharge cérébrale qui ne peut se produire sans altérer les tensions de toutes les autres parties et sans amener par cela même une suite indéfinie d’autres décharges dans une direction déterminée75. […] Il résulte de ces lois physiologiques des rapports d’exclusion mutuelle ou d’affinité mutuelle soit entre les « états vifs de conscience », simultanés ou successifs, soit entre les états faibles (souvenirs, conceptions, etc.). De même, une force d’affinité ou d’exclusion mutuelle peut exister entre les états vifs et les états faibles. On peut admettre avec Spencer que les états vifs de conscience (comme les sensations), résistent plus aux souvenirs et idées du même ordre qu’à ceux d’un ordre différent. […] L’appétition et l’émotion apparaissent ainsi au fond do la mémoire, comme le ressort caché de l’association des états de conscience et comme le principal moyen de leur synthèse.

129. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Le cerveau participe de l’état général, il est très actif. […] Voulez-vous voir bien clairement les influences diverses de l’état sain et de l’état maladif dans les ouvrages de l’esprit ? […] C’est sans doute parce que cet état relève de la science médicale, et parce que d’ailleurs l’état maladif se manifeste d’une façon plus frappante que l’état normal et sain. […] Toujours est-il qu’il faut tenir compte de l’état sain — autant, pour le moins, que de l’état morbide. […] L’état de santé complète est plus rare qu’on ne croit.

130. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

Primitivement, toutes les sensations sont de simples états d’excitation perceptibles à la conscience, lesquels peuvent être différents en qualité et en degré, mais ne fournissent directement à la conscience aucune notion de lieu. […] Le lecteur les a vues quand nous avons montré la persistance sourde des images, leur vie latente, leur état rudimentaire, l’effacement qu’elles subissent, souvent pendant des années entières, et la prédisposition organique qui les conserve à l’état hibernant ou nul, comme la vie d’un rotifère desséché, jusqu’au moment où les cellules corticales en qui cette prédisposition est établie reprendront leur jeu, propageront leur danse et ramèneront l’image correspondante au premier plan cérébral. […] Telle est en effet la conception que nous avons aujourd’hui de l’étendue visible ; en cet état, nous n’y trouvons plus rien qui nous rappelle son origine. […] Tel est l’état actuel. — Il suit de là que, lorsque aujourd’hui je touche une table, l’objet touché doit m’apparaître non seulement comme autre que moi, mais encore comme en dehors de moi et de ma superficie sensible. […] Ce sont là des symboles commodes, mais qu’il faut laisser à l’état de symboles.

131. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

Rien de mieux, si la doctrine eût été complète, et si la raison, instruite par l’histoire, devenue critique, eût été en état de comprendre la rivale qu’elle remplaçait. […] Et, par une rencontre admirable, ces traits étaient justement les seuls que leur siècle, leur race, un groupe de races, un fragment de l’humanité fût en état de comprendre. […] Vingt millions d’hommes et davantage avaient à peine dépassé l’état mental du moyen âge c’est pourquoi, dans ses grandes lignes, l’édifice social qu’ils pouvaient habiter devait être du moyen âge. […] Des particules mobiles et mouvantes dont les diverses sortes ont divers états d’équilibre, voilà les minéraux, la substance inanimée, marbre, chaux, air, eau, charbon396. […]  » — Que des fous signent ce traité ; puisqu’ils sont fous, ils sont hors d’état de contracter, et leur signature n’est pas valable.

132. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre I : Philosophie religieuse de M. Guizot »

D’une part, ils soutiennent avec Condillac que toutes nos idées viennent des sens, et par là ils sont logiquement conduits à nier tout ce qui est au-delà ; de l’autre ils invoquent une prétendue loi historique d’après laquelle l’homme passerait de l’état théologique à l’état métaphysique, et de l’état métaphysique à l’état positif. Ces deux arguments succombent, l’un devant la philosophie, qui avec Kant et Leibniz découvre dans l’esprit humain des idées supérieures aux sens, l’autre devant l’histoire qui nous montre les trois états d’Auguste Comte, non pas successifs, mais toujours simultanés. […] Tous les peuples ont eu l’idée d’un âge d’or, d’un état primitif de parfaite paix et de parfaite innocence : n’est-ce point là le sentiment secret et comme le souvenir de l’état dans lequel ont été créés nos premiers parents ?

133. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VIII. Du crime. »

Cet horrible état demande une explication particulière, et peut-être faut-il avoir été témoin d’une révolution, pour comprendre ce que je vais dire sur ce sujet. […] On ne peut guères comparer cet état qu’à l’effet du goût du sang sur les bêtes féroces, alors même qu’elles n’éprouvent ni la faim, ni la soif. […] Je n’ai pas besoin de parler de l’influence d’une telle frénésie sur le bonheur ; le danger de tomber d’un tel état est le malheur même qui menace l’homme abandonné à ses passions, et ce danger seul suffit pour épouvanter de tout ce qui pourrait y conduire. […] On se demande pourquoi, dans un état si pénible, les suicides ne sont pas plus fréquents, car la mort est le seul remède à l’irréparable ? […] Le scélérat est inquiet et défiant au fond de sa propre pensée ; il traite avec lui-même comme avec une sorte d’ennemi ; il garde avec sa réflexion quelques-uns des ménagements qu’il observe pour se montrer au public ; et, dans un tel état, il n’existe jamais l’espèce de calme méditatif, d’abandon à la réflexion, qu’il faut pour contempler toute la vérité et prendre d’après elle une résolution irrévocable.

134. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Seconde faculté d’une Université. Faculté de médecine. » pp. 497-505

Quelque profonde connaissance qu’on ait de la théorie et de la pratique de l’art, suffit-il de lâter le pouls, d’examiner la langue, de s’assurer de l’état du ventre et de la peau, d’observer les urines, de questionner lestement le malade ou sa garde et d’écrire une formule ? […] Ce professeur remplira ses leçons de l’histoire naturelle de chaque drogue ; il décrira les caractères particuliers qui la constituent dans son état le plus parfait, dans son état de médiocrité et dans son état défectueux. Il conviendrait même qu’il eût à sa disposition un droguier qui contînt des échantillons de chaque drogue sous ces états différents.

135. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

La première a dû prendre l’empire au temps de Bacon1508, et commence à le perdre ; la seconde a dû perdre l’empire au temps de Bacon, et commence à le prendre : en sorte que la science, après avoir passé de l’état déductif à l’état expérimental, passe de l’état expérimental à l’état déductif. […] Cette réduction est son état final. […] Lorsque je découvre par induction que le froid cause la rosée, ou que le passage de l’état liquide à l’état solide produit la cristallisation, j’établis un rapport entre deux abstraits. Ni le froid, ni la rosée, ni le passage de l’état solide à l’état liquide, ni la cristallisation n’existent en soi. […] Nous y trouvons un fait commun et un seul, le passage de l’état liquide à l’état solide ; nous concluons que ce passage est l’antécédent invariable de la cristallisation.

136. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

La première a dû prendre l’empire au temps de Bacon37, et commence à le perdre ; la seconde a dû perdre l’empire au temps de Bacon, et commence à le prendre : en sorte que la science, après avoir passé de l’état déductif à l’état expérimental, passe de l’état expérimental à l’état déductif. […] Cette réduction est son état final. […] Lorsque je découvre par induction que le froid cause la rosée, ou que le passage de l’état liquide à l’état solide produit la cristallisation, j’établis un rapport entre deux abstraits. Ni le froid, ni la rosée, ni le passage de l’état solide à l’état liquide, ni la cristallisation n’existent en soi. […] Nous y trouvons un fait commun et un seul, le passage de l’état liquide à l’état solide ; nous concluons que ce passage est l’antécédent invariable de la cristallisation.

137. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Or une représentation peut être en état de jouer utilement ce rôle tout en étant théoriquement fausse. […] Or, c’est surtout en sociologie que ces prénotions, pour reprendre l’expression de Bacon, sont en état de dominer les esprits et de se substituer aux choses. […] En effet, les faits psychiques sont naturellement donnés comme des états du sujet, dont ils ne paraissent même pas séparables. […] Bien loin qu’ils nous apportent des clartés supérieures aux clartés rationnelles, ils sont faits exclusivement d’états forts, il est vrai, mais troubles. […] Dès lors, chaque homme cherche naturellement à se procurer une femme et une seule, parce que, dans cet état d’isolement, il lui est difficile d’en avoir plusieurs.

138. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Appendices de, la deuxième édition »

C’est ce Paul en route (ni conscient, ni vivant, réduit à l’état d’image) qui est dans un Temps plus lent que celui de Pierre. […] On remarquera que le système de référence y est défini « un système dont tous les points sont dans le même état de mouvement ». Par le fait, le « système de référence lié à M₁ » est supposé en translation uniforme, tandis que le « système de référence lié à M₂ » est en état de mouvement varié. […] Nous venons de considérer le rapport de S″ immobile à S en translation uniforme, puis le rapport de S″ immobile à S′ en état de mouvement varié. […] Reste alors à envisager directement le rapport de S en translation uniforme à S′ en état de mouvement varié.

139. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

Paul Bourget est sans doute poète et romancier, mais est peut-être avant tout un critique — et non pas un critique qui juge et qui raconte, mais un critique qui comprend et qui sent, qui s’est particulièrement appliqué à se représenter des états d’âme, à les faire siens. […] Paul Bourget nous dit que tous les états sentimentaux qu’il a analysés mènent au pessimisme. […] Vainement le moraliste déclare certains de ces états de conscience criminels, certaines de ces complications méprisables, certains de ces changements haïssables. […] Le danger, c’est que l’écrivain doué d’un pareil instrument d’analyse ne soit tenté d’en user avec un peu d’indiscrétion et ne décompose parfois, avec un soin et un luxe d’anatomie un peu excessifs, des états d’âme assez simples et assez connus. […] Armand de Querne, c’est l’homme d’aujourd’hui, un homme qui a conçu et éprouvé tous les états d’âme analysés dans les Essais et qui résume en lui toute la distinction morale et intellectuelle où s’est élevé l’effort des deux dernières générations.

140. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

Même à nos propres états de conscience nous attribuons une vérité intrinsèque, qu’ils conserveront dans le passé quand nous nous en souviendrons, et qu’ils possédaient d’avance dans l’avenir, alors qu’ils n’existaient pas encore. […] Il y a donc en nous une pensée qui, élevée au-dessus de tous les temps, voit mes états de conscience dans ce qu’ils sont, dans ce qu’ils ont été, dans ce qu’ils doivent être144. — La conscience intellectuelle, la pensée pure, quoique numériquement identique à la conscience sensible, et n’ayant pas par elle-même de contenu particulier, en diffère en ce qu’elle convertit de simples états subjectifs en faits et en êtres qui existent en eux-mêmes et pour tous les esprits : elle est la conscience, non des choses, mais de la vérité ou de l’existence des choses. […] L’idée de l’existence, si on l’analyse, renferme d’abord l’image confuse de ce qu’il y a de plus général dans nos états de conscience ; et cette image, en s’associant à une perception donnée, particulière, la classe dans le genre des perceptions mêmes, l’assimile à toutes les autres perceptions, la reconnaît comme reproduction d’un état dont on a eu l’expérience, lui enlève ainsi déjà quelque chose de sa particularité pour lui donner une valeur générique et générale. — Mais cette association d’une vague image avec une perception particulière n’est toujours qu’un état momentané de notre conscience individuelle. — Sans doute ; mais en cet état momentané il y a le retentissement de toute l’existence passée, de toutes les perceptions passées : c’est une perspective ouverte. […] La résistance ne se conçoit pas sans notre sensation, le temps ne se conçoit pas sans le sentiment interne que nous en donne le changement de nos états de conscience ; l’étendue même est avant tout un mode de représentation ; enfin le mouvement ne peut manquer d’en être un, puisqu’il se ramène aux éléments qui précèdent et, en définitive, à un certain ordre temporel et spatial de nos sensations. […] Il est plus logique d’admettre que le sujet pensant et voulant a un mode d’action qui se confond avec le mode d’action fondamental de l’objet pensé, et que les idées sont les réalités mêmes arrivées, dans le cerveau, à un état de conscience plus élevé.

141. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

. — Description Quel que soit le sujet qui vous occupe, vous avez à considérer un objet physique ou moral, une idée concrète ou abstraite, à représenter un être, un fait, un état, un acte, à porter un jugement de bonté, d’utilité ou de vérité. […] Il faut donc que Bourdaloue détermine exactement son objet ; il ne manque pas de le faire, et voici comme il s’y prend : N’entrons point, je le veux, chrétiens, dans la discussion de vos états ; supposons-les tels que vous les imaginez, tels que votre présomption vous les fait envisager ; voyons seulement ce qu’il y a dans ces états ou de nécessaire pour vous ou de superflu. […] Car, pour ne rien exagérer, je ne prends de ces états que ce qui sert à en fomenter les dérèglements, tes excès, les crimes, et cela me suffit pour y trouver du superflu. […] De sorte que pour décrire un état moral il faut voir le reflet qu’a jeté la sensibilité sur les perceptions et sur les déterminations de l’âme. […] Voyez de quelle façon l’écrivain russe Tolstoï représente un homme dans un état de joie extrême : il fait sa première visite à sa fiancée : Il rôda dans les rues pour passer le temps qui lui restait à attendre, consultant sa montre à chaque instant, et regardant autour de lui.

142. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre III. L’antinomie dans la vie affective » pp. 71-87

Les désirs de l’individu ne seraient certainement pas plus satisfaits à l’état isolé qu’à l’état social. […] L’individu à l’état isolé, ayant moins de jouissances, aurait des désirs infiniment moins vastes et moins délicats. Les satisfactions qui lui sont données par l’état social actuel ne viendraient même pas à son imagination. […] Le cœur humain est en état de guerre avec lui-même. […] On peut admettre, pour faire la part de la sociabilité, que l’incohérence sentimentale qui caractérise la sensibilité humaine est en partie créée ou tout au moins favorisée par l’état de discorde et d’incohérence des institutions sociales, par ce que les sociologues appellent le manque d’intégration sociale.

143. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VII. Le langage et le cerveau »

Dans certains cas, on voit la faculté du langage articulé, ou entièrement perdue, ou profondément altérée ; cependant l’intelligence demeure saine, dit-on ; les organes vocaux sont dans un état normal, sans paralysie ; enfin les autres modes d’expression (écriture, geste, dessin) continuent à subsister. […] Bouillaud cite également ce fait d’une jeune fille qui, malgré son état d’aphasie, avait conservé toute son intelligence et répondait si bien par oui et non, et par ses gestes, aux questions qu’on lui faisait, qu’un jeune interne, qui avait eu à l’examiner pour un concours et à en faire le sujet de sa leçon, ne s’était pas même aperçu qu’elle était aphasique52. Dans l’état d’aphasie, la faculté d’articulation n’est pas absolument perdue, le malade est encore capable d’articuler un certain nombre de mots, mais toujours les mêmes, et qui tantôt ont un sens, tantôt n’en ont pas. […] Baillarger, une femme qui ne peut nommer aucun des objets les plus usuels ; elle ne peut même dire son propre nom… Elle a conscience de son état et s’en afflige… Cependant elle prononce une foule de mots incohérents, en les accompagnant de gestes très expressifs qui prouvent que derrière cette incohérence il y a des idées bien déterminées qu’elle veut exprimer61. » M.  […] Dans une visite faite il y a quelques années à l’asile de Stéphansfeld, en Alsace, nous eûmes occasion de voir un vieux desservant, âgé de soixante-dix ans, et arrivé à un état très-avancé de démence.

144. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 13, de la saltation ou de l’art du geste, appellé par quelques auteurs la musique hypocritique » pp. 211-233

Comme l’art du geste se subdivisoit encore en plusieurs especes, on ne doit pas être surpris qu’il se soit trouvé chez les anciens un nombre de danses differentes, assez grand pour mettre Meursius en état de composer de leurs noms, rangez suivant l’ordre alphabetique, un dictionnaire entier. […] Suetone dit en parlant de Caligula, qui aimoit la saltation avec fureur. " ce prince aïant mandé au palais plusieurs personnes des plus considerables de l’état, il entra brusquement vétu d’un habit à la grecque, et qui lui venoit jusques sur les talons, dans le lieu où ses gens les avoient fait entrer, et là il fit devant eux, au bruit des instrumens les gestes d’un monologue, après quoi il se retira sans leur avoir dit un mot. " ce que dit Quintilien en parlant de la necessité d’envoïer les enfans dans les écoles où l’on enseignoit l’art de la saltation, suffiroit seul pour persuader que l’art du geste en étoit la principale partie. […] Les états de l’Asie ont toujours été aussi sujets que les états de l’Europe aux revolutions politiques ; mais il semble que les états de l’Asie aïent été moins sujets que les états de l’Europe aux revolutions morales.

145. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXI. Philosophie positive »

« L’intelligence humaine, dit-il, a passé par trois états — rien de plus, rien de moins (toujours l’escamoteur !) : — l’état théologique, qui est la fiction ; — l’état métaphysique, qui est l’abstraction, — et l’état positif, qui sera la démonstration », et auquel nous sommes arrivés à grandes guides et avec M.  […] c’est sur cette division des trois états qu’il aperçoit successivement dans les Annales du monde, et qu’un autre historien ne verra pas et traitera de chimérique, c’est sur cette division que M. Comte appuie la négation des deux premiers états du genre humain qui ont existé, mais qui sont finis, la période de la fiction, c’est-à-dire de toutes les religions, depuis le fétichisme jusqu’à la religion positive — exclusivement, et la période de la métaphysique depuis Aristote jusqu’à Hegel… ma foi !

146. (1900) La culture des idées

Il faut comprendre aussi que l’expression qui est à l’état de cliché dans un style peut se trouver dans un autre à l’état d’image renouvelée. […] L’état subconscient, quoique le rêve puisse être une de ses manifestations, diffère encore de l’état de rêve. […] L’inspiration, si elle est un état second, peut donc être un état second provoqué par la volonté. […] Les vrais dieux, il faut peut-être qu’ils aient d’abord vécu ; leur choix sera alors dicté au peuple par l’idée qu’il se fait de l’état divin, c’est-à-dire de l’état héroïque. […] Il faudrait vérifier la moindre information avant d’en faire état.

147. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

Bientôt les deux puissances rivales, sentant qu’une lutte ouverte était inévitable, travaillèrent à engager dans leur querelle les divers états du continent : la France s’allia à l’Autriche, l’Angleterre s’unit à la Prusse. […] Ses lumières et son expérience, jointes à sa correspondance, peuvent le mettre en état de juger si on est effectivement dans l’intention d’abandonner le roi de Prusse à toute la rigueur de sa mauvaise destinée, en cas qu’il soit sans ressource, et si on veut détruire absolument une balance qu’on a jugée longtemps nécessaire. […] Mais, après cet aveu, j’ose vous supplier d’examiner le pitoyable état de votre ennemie (Marie-Thérèse) lorsque vous étiez devant Prague. […] Ce sont là, mon adorable sœur, de tristes réflexions ; mais elles conviennent à mon état présent. […] Frédéric essaie de sauver aux états de sa sœur les horreurs de la guerre, et, par ses diversions, d’attirer l’ennemi d’un autre côté.

148. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Le roi ne convoque les états généraux que pour qu’on le supplie de faire ce qu’il a déjà décidé. […] D’autre part, il est impossible de sortir d’un pareil état avec le suffrage universel. […] La France de même avait été créée par le roi, la noblesse, le clergé, le tiers état. […] Un pays n’a qu’une dynastie, celle qui a fait son unité au sortir d’un état de crise ou de dissolution. […] Plutôt que de travailler, il choisit de se battre, c’est-à-dire qu’il revient à son premier état.

149. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre II. Les sensations totales de la vue, de l’odorat, du goût, du toucher et leurs éléments » pp. 189-236

En d’autres termes, ces malades ne peuvent plus apprécier l’état de leurs muscles ; mais ils peuvent encore très bien apprécier l’état de leur peau. Réciproquement, d’autres malades ne peuvent plus apprécier l’état de leur peau, mais peuvent encore apprécier très bien l’état de leurs muscles96. — Un ouvrier cité par Landry avait les doigts et les mains insensibles à toute impression de contact, de douleur et de température ; mais chez lui les sensations musculaires étaient intactes. […] En premier lieu, la condition peut être un état spécial du même nerf, ce qui semble le cas dans l’expérience où le genou refroidi devient exsangue. En second lieu, la condition peut être un état spécial des parties qui environnent le nerf et à travers lesquelles l’excitant extérieur agit sur le nerf ; en ce cas, le même nerf, soumis au même excitant extérieur, transmettrait des sensations différentes, selon que les parties intermédiaires entre lui et son excitant seraient en des états différents. […] « L’ingestion de la santonine détermine une variété particulière de daltonisme en rendant la rétine insensible aux rayons violets… » Certains sujets « ne perçoivent pas le bleu ; cet état coïncide toujours avec l’insensibilité de la rétine aux rayons rouges.

150. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Les poètes, les moralistes caractérisent d’avance la nature des belles actions ; l’étude des lettres met une nation en état de récompenser ses grands hommes, en l’instruisant à les juger selon leur valeur relative. […] La pureté du langage, la noblesse des expressions, image de la fierté de l’âme, sont nécessaires surtout dans un état fondé sur des bases démocratiques. […] Il est impossible que, dans un état libre, l’autorité publique se passe du consentement véritable des citoyens qu’elle gouverne. […] La raison ne sert, dans les empires despotiques, qu’à la résignation individuelle ; mais, dans les états libres, elle protège le repos et la liberté de tous. […] L’influence trop grande de l’esprit militaire, est aussi un imminent danger pour les états libres ; et l’on ne peut prévenir un tel péril que par les progrès des lumières et de l’esprit philosophique.

151. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Mais si la liaison de l’état moral et de l’état littéraire d’une société n’a pas besoin d’être démontrée, on se heurte, quand on veut la préciser, à plusieurs difficultés. La première est de connaître exactement l’état moral d’une société à un moment donné. […] On voit que de précautions il faut prendre pour se représenter nettement l’état moral d’une époque. […] Ainsi l’état moral de la société féodale se reflète, sous ses deux faces contraires et inséparables, dans les types imaginés par les poètes. […] Il me semble inutile d’insister : on voit assez comment l’état moral des trois époques trouve son expression chez les trois poètes.

152. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Mais il se maintient en fort bon état, très vivant, dans la société la plus civilisée. […] Encore une fois, ce n’est pas par une dilatation de soi qu’on passera du premier état au second. […] Mais prenons même les états d’âme effectivement causes par des choses, et comme préfigurés en elles. […] Dans la première, l’émotion est consécutive à une idée ou à une image représentée ; l’état sensible résulte bien d’un état intellectuel qui ne lui doit rien, qui se suffit à lui-même et qui, s’il en subit l’effet par ricochet, y perd plus qu’il n’y gagne. […] Nous la trouvons à l’état implicite partout où le christianisme n’a pas pénétré, chez les modernes comme chez les anciens.

153. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre IV. Conclusion. — D’une république éternelle fondée dans la nature par la providence divine, et qui est la meilleure possible dans chacune de ses formes diverses » pp. 376-387

Lorsque les citoyens, ne se contentant plus de trouver dans les richesses des moyens de distinction, voulurent en faire des instruments de puissance, alors, comme les vents furieux agitent la mer, ils troublèrent les républiques par la guerre civile, les jetèrent dans un désordre universel, et d’un état de liberté les firent tomber dans la pire des tyrannies ; je veux dire, dans l’anarchie. […] On a pleinement démontré dans cet ouvrage que les premiers gouvernements du monde, fondés sur la croyance en une providence, ont eu la religion pour leur forme entière, et qu’elle fut la seule base de l’état de famille. […] Si la religion se perd parmi les peuples, il ne leur reste plus de moyen de vivre en société ; ils perdent à la fois le lien, le fondement, le rempart de l’état social, la forme même de peuple sans laquelle ils ne peuvent exister. […] Au défaut des sentiments religieux qui faisaient pratiquer la vertu aux hommes, les réflexions de la philosophie leur apprirent à considérer la vertu en elle-même, de sorte que, s’ils n’étaient pas vertueux, ils surent du moins rougir du vice.À la suite de la philosophie naquit l’éloquence, mais telle qu’il convient dans des états où se font des lois généralement bonnes, une éloquence passionnée pour la justice, et capable d’enflammer le peuple par des idées de vertu qui le portent à faire de telles lois. Voilà, à ce qu’il semble, le caractère de l’éloquence romaine au temps de Scipion-l’Africain ; mais les états populaires venant à se corrompre, la philosophie suit cette corruption, tombe dans le scepticisme, et se met, par un écart de la science, à calomnier la vérité.

154. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

A un moment donné, la quantité de force nerveuse qui correspond à l’état de conscience appelé sensation doit nécessairement se dépenser de quelque manière et engendrer quelque part une manifestation équivalente de force. […] Il faut donc, pour rendre compte d’un mouvement expressif, chercher : 1° l’état sensitif et intellectuel qu’il exprime ; 2° l’état affectif ; 3° l’attitude correspondante de la volonté. […] En second lieu, l’état de la sensibilité a aussi son expression caractéristique de contentement ou de tristesse, qui se mêle à toutes les passions. […] Maintenant, considérons quels états de sensibilité devaient correspondre, chez les animaux rudimentaires, aux divers modes d’activité générale, accompagnés de mouvements généraux d’expansion et de contraction. […] Chez les animaux supérieurs, sortes d’états très centralisés, la concentration de la conscience dans la tête ne fait qu’obscurcir le rudiment de sensibilité qui doit subsister encore dans les autres parties.

155. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Il réussit, le premier, en rapprochant ces éléments simples, à reconstituer les corps à l’état normal, à l’état naturel. […] La vie normale n’est que cela, un état d’équilibre, un état statique. […] Est-ce un état qui soit personnellement inconnu ? […] Les rapports de l’état de folie et de l’état de rêve ont été très bien exposés par Alfred Maury. […] L’état religieux des mégalithiques est incontestable.

156. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Argument » pp. 287-289

Autres preuves tirées de la manière dont chaque état nouveau de la société se combine avec le gouvernement de l’état précédent. La démocratie conserve quelque chose de l’état aristocratique qui a précédé, etc.

157. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

Par quelle fatalité les intérêts d’état & de patrie ne réussissent-ils plus qu’à Londres ? […] Il a le courage de s’élever au-dessus des préjugés de son état, & de dire librement ce qu’il pense. […] Son but est d’exciter les passions, & de jetter l’ame dans un état violent, & les comédiens sont flétris. […] C’est qu’on ne la souffre dans un état policé, que par le même esprit qu’on y tolère les lieux de débauche. […] On a vu que l’état de comédien n’est pas plus autorisé en France, par la législation, que par la religion.

158. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VIII : Hybridité »

Des espèces pures ont leurs organes reproducteurs en parfait état ; néanmoins, quand on les croise, elles ne produisent que peu ou point de postérité. […] Dans le premier cas, les deux éléments sexuels qui concourent à former l’embryon sont en parfait état ; dans le second ils sont ou complétement rudimentaires, ou plus ou moins atrophiés. […] Ces deux cas présentent des différences fondamentales ; car, ainsi que nous venons de le voir, dans l’alliance de deux espèces pures les deux éléments sexuels sont en parfait état, tandis que chez les hybrides ils sont plus ou moins atrophiés ou impuissants. […] Si nous argumentons ainsi en tournant touj ours dans un cercle vicieux, il est certain que la fécondité des variétés produites à l’état sauvage devra être accordée. […] Il semble que la stérilité des premiers croisements entre des espèces pures dont les organes reproducteurs sont en parfait état, dépende de circonstances très diverses, et peut-être, en des cas fréquents, de la mort hâtive de l’embryon.

159. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

Ne contribuent-elles pas à la difference prodigieuse qui se remarque entre l’état des arts et des lettres dans deux siecles voisins ? […] Aucune de ses grandes villes ne fut saccagée, et il n’arriva plus de révolutions violentes dans les cinq états principaux qui la partagent presque entr’eux. […] La mauvaise humeur des empereurs, n’en vouloit qu’aux grands de l’état. […] Le séjour des arts dans un état contigu, ce fut toujours la capitale de l’état. […] La plûpart des sculpteurs romains faisoient leur apprentissage dans l’état d’esclaves.

160. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

En effet, pour ne parler que des états extrêmes, le souverain doit la justice au dernier de ses sujets aussi rigoureusement que celui-ci lui doit l’obéissance. […] Il est à peu près de même genre que celui qu’on fait à certaines professions agréables, qui demandent sans doute des talents, mais qu’en les recherchant, même nous affectons de rabaisser, comme nous honorons d’autres états, sans savoir pourquoi. […] C’est ce qui fait que le rôle des gens de lettres est, après celui des gens d’église, le plus difficile à jouer dans le monde ; l’un de ces deux états marche continuellement entre l’hypocrisie et le scandale ; l’autre entre l’orgueil et la bassesse. […] Si on croit devoir laisser un libre cours aux libelles et aux satires, en ce cas que toutes les conditions et tous les états en puissent être indifféremment l’objet. […] La nécessité de se délivrer d’un état de misère profonde, rendant excusables presque tous les moyens d’en sortir, familiarise insensiblement avec ces moyens : il en coûte moins ensuite pour les faire servir à l’augmentation de sa fortune.

161. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — I »

Il semblait alors que l’intervention néfaste de ce pouvoir détournât sans cesse l’esprit humain d’atteindre un état de certitude, de perfection et de repos, qui semblait devoir être le but de tout effort et dans lequel semblaient devoir se résoudre, en une harmonie bienheureuse, toutes les divergences et toutes les oppositions où se manifeste le fait de l’existence phénoménale. Cet état que l’on convoitait et qui seul semblait digne de susciter et d’orienter l’aspiration humaine devait être procuré par la connaissance et la possession de la vérité. […] Quelque manifestation de la réalité que l’on considère, il apparaîtra que cette forme quelconque doit son existence à un état d’antagonisme entre deux tendances d’une même force.

162. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Il lui est accordé d’avoir des enfants jusqu’à un âge où évidemment il ne peut plus espérer de les voir en état de se faire leur propre destinée. […] Ainsi tous les raisonnements que l’on peut faire sur un état antérieur à la société sont inadmissibles, puisque cet état serait contraire à la nature et à la destination de l’homme. […] L’état qu’on a appelé l’état de nature est donc une chimère. L’état sauvage ou de barbarie n’est qu’une dégénération dont nous n’avons pas pu suivre les périodes, mais qui certainement n’est ni un état naturel, ni un état primitif. […] Il n’a pas même été libre de choisir l’état social, car la société lui a été imposée comme les autres conditions de son existence.

163. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 33, que la veneration pour les bons auteurs de l’antiquité durera toujours. S’il est vrai que nous raisonnions mieux que les anciens » pp. 453-488

Qu’on juge par l’état où sont aujourd’hui les sciences naturelles de combien notre siecle est déja plus éclairé que les siecles de Platon, d’Auguste et de Leon X. […] Que les roïaumes et les republiques, dira-t-on, se mettent dans la necessité de ruiner, ou leurs sujets qui leur auront prêté, ou le peuple qui soutient ces états par un travail qu’il ne sçauroit plus continuer dès qu’il est réduit dans l’indigence. […] Qu’on juge de la supériorité d’esprit et de raison que nous avons sur les hommes des temps passez, par l’état où sont aujourd’hui les sciences naturelles, et par l’état où elles étoient de leur temps. […] Newton n’auroient point poussé la geométrie où ils l’ont poussée, s’ils n’eussent pas trouvé cette science en un état de perfection qui lui venoit d’avoir été cultivée successivement par un grand nombre d’hommes d’esprit, dont les derniers venus avoient profité des lumieres et des vûës de leurs prédecesseurs. […] On peut appliquer à l’état présent des sciences naturelles l’emblême du temps qui découvre toujours, mais peu à peu, la verité.

164. (1890) L’avenir de la science « Préface »

Je vis les fatales nécessités de la société humaine ; je me résignai à un état de la création où beaucoup de mal sert de condition à un peu de bien, où une imperceptible quantité d’arôme s’extrait d’une énorme caput mortuum de matière gâchée. […] Ma pensée, dans son premier état, était comme un fardeau branchu, qui s’accrochait de tous les côtés. […] Réciproquement, on pourrait concevoir un état d’instruction primaire très perfectionné, sans que la haute science fit de bien grandes acquisitions. […] L’état actuel de l’humanité, par exemple, exige le maintien des nations, qui sont des établissements extrêmement lourds à porter. Un état qui donnerait le plus grand bonheur possible aux individus serait probablement, au point de vue des nobles poursuites de l’humanité, un état de profond abaissement.

165. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre I : De la méthode en psychologie »

« La psychologie, dit-il, a pour but les uniformités de succession ; les lois soit primitives, soit dérivées, d’après lesquelles un état mental succède à un autre, est la cause d’un autre, ou du moins la cause de l’arrivée de l’autre. » C’est une opinion commune que les pensées, sentiments et actions des êtres sensibles ne peuvent être l’objet d’une science, dans le même sens que les êtres et phénomènes du monde extérieur. […] Elle aurait atteint la perfection scientifique, idéale, si elle nous mettait en état de prédire avec certitude comment un individu pensera, sentira ou agira dans le cours de sa vie. […] D’ailleurs, en fait, nous savons ce qui se passe en nous-mêmes, soit grâce à la conscience, soit grâce à la mémoire, par voie directe dans les deux cas et non pas (comme cela arrive pour ce que nous avons fait en état de somnambulisme) uniquement par leurs résultats. […] Le plus simple de tous les phénomènes, une sensation extérieure, a besoin, selon elle, d’un élément mental pour être une perception, et pour devenir ainsi, au lieu d’un état passif et fugitif de notre propre être, un objet durable extérieur à l’esprit. […] « Il est certainement vrai que la psychologie de l’association représente plusieurs des états mentaux supérieurs comme étant en un certain sens le développement des états inférieurs. » Mais dans d’autres cas semblables, comme le fait remarquer finement l’auteur, on a exalté précisément la sagesse et l’art merveilleux de la nature qui tire, dit-on, le meilleur du pire et le noble du bas.

166. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 12, des siecles illustres et de la part que les causes morales ont au progrès des arts » pp. 128-144

Or cette attention generale aux plaisirs, suppose une suite de plusieurs années exemptes des inquiétudes et des craintes qu’amenent les guerres, du moins celles qui peuvent faire perdre aux particuliers leur état, parce qu’elles mettent en danger la constitution de la societé, dont nous sommes des membres. […] Ce genre de mérite faisoit d’un homme du commun un personnage, et il l’égaloit à ce qu’il y avoit de plus grand et de plus important dans un état. […] Comme nous voïons présentement qu’il se forme de temps en temps des congrès où les représentans des rois et des peuples qui composent la societé des nations, s’assemblent pour terminer des guerres et pour regler la destinée des états ; de même il se formoit alors de temps en temps des assemblées, où ce qu’il y avoit de plus illustre dans la Grece, se rendoit pour juger quel étoit le plus grand peintre, le poëte le plus touchant et le meilleur athlete. […] On les reputoit les joïaux d’un état et un tresor du public, dont la joüissance étoit dûë à tous les citoïens. Qu’on juge donc de l’ardeur que les peintres et les poëtes avoient alors pour perfectionner leurs talens, par l’ardeur que nous voïons dans nos contemporains, pour amasser du bien et pour parvenir aux grands emplois d’un état.

167. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Démosthéne, et Eschine. » pp. 42-52

Dans cet état bisarre, il étoit plusieurs mois sans paroître. […] Ses murs étoient dans un état déplorable. […] Il s’élève contre le décret porté par ses concitoyens ; il les appelle téméraires, insensés, ennemis des loix & de l’état. […] Il ne vit qu’en tremblant son ami Démosthène se mettre en état de répondre.

168. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre IX. Du vague des passions. »

Il reste à parler d’un état de l’âme, qui, ce nous semble, n’a pas encore été bien observé : c’est celui qui précède le développement des passions, lorsque nos facultés, jeunes, actives, entières mais renfermées, ne se sont exercées que sur elles-mêmes, sans but et sans objet. Plus les peuples avancent en civilisation, plus cet état du vague des passions augmente ; car il arrive alors une chose fort triste : le grand nombre d’exemples qu’on a sous les yeux, la multitude de livres qui traitent de l’homme et de ses sentiments, rendent habile sans expérience. […] L’amertume que cet état de l’âme répand sur la vie est incroyable ; le cœur se retourne et se replie en cent manières, pour employer des forces qu’il sent lui être inutiles.

169. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Ils firent de leurs aumônes un fond qui le mit en état d’y représenter. […] Son économie le mit encore en état de faire beaucoup de charités. […] Ses diverses aventures l’avoient mis dans un état déplorable. […] L’évêque de Séès & toute le communauté le virent expirer dans cet état. […] Il ne fut en état d’être revu que l’an 1672.

170. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

Caractère à la fois extensif, intensif et protensif des états de conscience. […] Cet état général est la cœnesthésie ; or cette cœnesthésie est, selon nous, un état de conscience extensif, c’est-à-dire percevant synthétiquement l’étendue de l’organisme, de même qu’elle est un état de conscience intensif, c’est-à-dire percevant synthétiquement l’énergie de l’organisme. […] Il y a dans toute sensation et même dans toute nuance de sensation, il y a dans tout état actuel de conscience quelque chose de particulier, qui est cet état-là, non un autre. […] Il n’est donc pas étonnant que, dans l’état de conscience particulier qui répond à l’extension, il y ait un élément irréductible, un mode de représentation et comme de coloris mental qui ne peut pas se deviner d’avance, ni se construire par des associations ou des synthèses mentales. […] En outre, revenant en arrière, il retrouve tout dans l’état primitif, et avec les dimensions primitives.

171. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre I : Principe de la métaphysique spiritualiste »

Non, l’être que je sens en moi est un être actif, éternellement tendu, aspirant sans cesse à passer d’un état à l’autre : c’est un effort ou au moins une tendance, à un moindre degré encore une attente, mais toujours quelque chose tourné vers l’avenir, une anticipation perpétuelle d’être, et en quelque sorte une prélibation de l’avenir. […] Cette disparition est-elle absolue, ou n’est-elle qu’une transition à un autre état de conscience ? […] Ces différents états, susceptibles d’une infinité de degrés, sont comme des passages de la conscience à l’inconscience, sans qu’on puisse affirmer qu’il y ait jamais un état d’inconscience absolue. L’esprit semble ainsi retourner par degrés vers cet état de végétation obscure d’où il est sorti, et par où il se rattache aux êtres inférieurs. Que devient l’âme dans ces états d’évanouissement, dans cette aliénation de conscience, dans cette perte et cet oubli de soi-même, en supposant qu’il y ait oubli complet ?

172. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Qu’offre-t-il donc, cet état, qui soit particulier ? […] » Cet état d’aspirations stériles est habituel à Deleyre. […] C’était un des symptômes les plus incontestables de l’état moral du temps. […] Quel est l’état de son âme en ces années ? […] Divers aveux nous font connaître quel était en ces temps son état moral.

173. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre II. Causes générales qui ont empêché les écrivains modernes de réussir dans l’histoire. — Première cause : beautés des sujets antiques. »

L’état suit l’homme, passant du gouvernement royal ou paternel au gouvernement républicain, et tombant dans le despotisme avec l’âge de la décrépitude. […] Ils n’ont point commencé par le premier pas ; ils ne se sont point formés eux-mêmes par degrés : ils ont été transportés du fond des forêts et de l’état sauvage, au milieu des cités et de l’état civil : ce ne sont que de jeunes branches entées sur un vieux tronc. Aussi tout est ténèbres dans leur origine : vous y voyez à la fois de grands vices et de grandes vertus, une grossière ignorance et des coups de lumière, des notions vagues de justice et de gouvernement, un mélange confus de mœurs et de langage : ces peuples n’ont passé ni par cet état où les bonnes mœurs font les lois, ni par cet autre où les bonnes lois font les mœurs.

174. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Beaucoup de compassion pour la noblesse indigente, parce que j’avais été orpheline et pauvre moi-même, un peu de connaissance de son état, me fit imaginer de l’assister pendant ma vie. […] Ce que vous sentez là-dessus est encore matière de sacrifice ; il faut, que votre esprit devienne aussi simple que votre cœur… Employez votre esprit non à multiplier vos dégoûts, mais à les vaincre, mais à les cacher en attendant qu’ils soient vaincus, mais à vous faire aimer les plaisirs de votre état. […] Elle voulait que les Dames parlaient hardiment à leurs élèves de l’état de mariage, et leur montrassent le monde et ses conditions diverses telles qu’elles sont : « La plupart des religieuses, disait-elle, n’osent pas prononcer le nom de mariage ; saint Paul n’avait pas cette fausse délicatesse, car il en parle très ouvertement. » Et elle était la première à en parler comme d’un état honnête, nécessaire, hasardeux : Quand vos demoiselles auront passé par le mariage, elles verront qu’il n’y a pas de quoi rire. Il faut les accoutumer à en parler sérieusement, chrétiennement et même tristement, car c’est l’état où l’on éprouve le plus de tribulations, même dans les meilleurs, et leur apprendre que plus des trois quarts sont malheureux. Et quant au célibat auquel trop de jeunes filles, en sortant, pouvaient être condamnées faute de dot et de fortune (car « ce qui me manque surtout, disait-elle agréablement, ce sont des gendres »), elle y voyait également un état triste.

175. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

Tessé écrivait à Barbezieux, à la fin de janvier 1694 : « L’important, c’est de cacher sur cette frontière l’indigence d’argent ; il y a six mois que nous vivons d’emprunt. » Cet état de pénurie se prolongea ; au mois de mai suivant il y avait tout à craindre du manque de payement des troupes ; dans une apostille de lettre au ministre. […] Il souffrait et l’on souffrait autour de lui d’être hors d’état de rien entreprendre et de ne pouvoir renouveler la leçon de La Marsaille : « Au nom de Dieu, écrivait Tessé le 30 juin 1694. que le roi se détermine à prendre la vaisselle d’argent de cent hommes qui la lui enverront de bon cœur, et ayons une fok dans la vie de quoi donner les étrivières à tous ces gens-là. […] Ajoutons que si, au point de vue militaire et immédiat, la victoire de La Marsaille ne parut guère rien changer à l’état général des affaires, l’effet moral fut produit. […] Ce que je dis pour la nature des troupes, je le dis pour l’argent, pour les vivres, pour les voitures, et pour tout ce qui regarde la dépense : on ne peut pas ôter de la tète de M. le maréchal de Catinat que le roi et l’État ne seront pas en état de la fournir, de sorte que l’amas de toutes ces difficultés le prévient qu’il n’y a rien de bon dans la suite de cette guerre-ci que de l’entretenir sur le pied de l’épargne, d’où dérive la défensive. […] Je suis bien persuadé de la part sensible que vous prenez à mon état présent.

176. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

L’aîné se fit marin ; celui des frères qui eut la plus grande influence sur La Mennais, l’abbé Jean, embrassa l’état ecclésiastique. […] Depuis quelques mois je tombe dans un état d’affaissement incompréhensible. […] Je suis habituellement dans l’état que les Anglais appellent despondency, où l’âme est sans ressort et comme accablée d’elle-même. […] Certainement je ne veux pas profaner la mémoire d’un saint par une comparaison odieuse ; mais, avec toutes les différences et les modifications qu’on doit y mettre, je ne pourrais souvent mieux peindre mon état qu’en répétant ce qu’il disait de lui-même ; seulement il faudrait rembrunir un peu les couleurs. […] Le poète, durant toute la jeunesse de La Mennais, ne se montre pas ; il nous présente de son état intérieur des analyses expressives : il ne trouve de lui-même ni tableau ni couleurs.

177. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome II

La fécule hydratée et le glucose représentent deux états successifs d’une même substance, tellement voisins l’un de l’autre, qu’il suffit de la plus légère impulsion pour opérer le passage du premier au second état. […] Un lavement d’amidon, par exemple, est rendu souvent à l’état d’eau sucrée. […] Dans tous ces états le suc pancréatique reste toujours alcalin. […] D’autres fois, une portion de cette huile reste en effet à l’état d’émulsion. […] Je vous ai dit, en effet, que ce suc à l’état frais possède une réaction alcaline.

178. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. De la France en 1789 et de la France en 1830 »

En 89, tout était à détruire, clergé d’État, noblesse à privilèges, monarchie prodigue et dévorante, parlements usurpateurs et stationnaires ; le tiers état, accablé d’humiliations et de charges, se ressaisissait de ses droits ; une philosophie hostile battait en brèche la religion ; une politique absolue, éprise de certaines formes, tendait à se réaliser dans les lois. […] Mais ce n’était pas du tout l’état de la société en 96 ni en 91. Si ce n’était pas l’état de la société en 1830 ; si après ce qui s’est passé durant ces trois jours fameux et tout ce qui en est sorti, il y avait encore dans le pays les mêmes éléments de passions et de désordres qu’aux deux époques précédentes, je craindrais fort que la méthode politique de nos trembleurs ne nous sauvât pas plus que la méthode expectante en médecine ne sauve un homme jeune et vigoureux qui a le délire au cerveau. […] Que dans un état de société si calme et sensé, au milieu d’une modération si profonde et d’une intelligence si impartiale, on vienne maintenant conseiller à ceux qui demandent haut les conséquences politiques des événements de juillet, de ne pas pousser à l’anarchie ; qu’on leur vienne parler à l’oreille du 10 août et des excès républicains ; que, s’ils persistent, on signale leurs doctrines comme imprudentes et pernicieuses : c’est presque une moquerie ; c’est faire une étrange confusion des choses et des temps.

179. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Préface »

. — Demander l’avis du propriétaire, soumettre au peuple français les plans de sa future habitation, c’était trop visiblement parade ou duperie : en pareil cas, la question fait toujours la réponse, et d’ailleurs, cette réponse eût-elle été libre, la France n’était guère plus en état que moi de la donner : dix millions d’ignorances ne font pas un savoir. […] Autour d’elle, les autres nations, les unes précoces, les autres tardives, toutes avec des ménagements plus grands, quelques-unes avec succès meilleur, opèrent de même la transformation qui les fait passer de l’état féodal à l’état moderne ; l’éclosion est universelle et presque simultanée. […]   Ancien Régime, Révolution, Régime nouveau, je vais tâcher de décrire ces trois états avec exactitude.

180. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre II. Bovarysme essentiel de l’être et de l’Humanité »

Mais dès qu’un pareil être sort de cet état d’inconscience où on le situe et, brisant son unité, se pose vis-à-vis de lui-même en une infinité d’objets pour une infinité de sujets, il ne semble pas possible de donner à cet acte une autre explication que le désir de prendre conscience de soi-même et de se donner à soi-même en représentation. Quelque effort que fasse l’esprit pour attribuer à la vie une autre signification, il n’aboutit qu’à des conceptions puériles où il construit, avec des matériaux fragiles et éphémères, dont l’instabilité fait seule le charme, un état qu’il imagine heureux et parfait. Mais il n’imagine cet état heureux et parfait qu’en attribuant à ce qui est privé de mouvement, à ce qu’il formule éternellement semblable à soi-même, les propriétés et les passions de ce qui est en mouvement incessant sous l’aiguillon d’un désir inassouvi et qui ne se peut procurer de la joie que par l’intermédiaire de la douleur et de la privation. L’esprit s’élève-t-il au-dessus de cette conception contradictoire, il ne trouve un terme et un but à la vie phénoménale que dans la cessation de celle-ci, dans sa résorption en un état d’unité absolue hors de la conscience de soi-même : c’est à quoi aboutissent tous les efforts logiques du souci religieux ou métaphysique, le Boudhisme avec une entière sincérité, le Brahmanisme et le Déisme avec la confusion en Dieu assignée comme but au perfectionnement individuel.

181. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence du barreau. » pp. 193-204

Les anciens, nés dans des républiques, au milieu des plus violentes factions, traitoient, dans leurs plaidoyers, des affaires d’état les plus importantes. […] L’avocat qui les regardoit comme le plus puissant ressort pour amener les juges à ce qu’on veut, paroissoit au réformateur une peste dans l’état. […] Néanmoins on se plaint que cet état est déchu de son ancienne splendeur. […] On trouve, dans ceux qui furent appellés les deux lumières du barreau, des applications forcées, un assemblage d’idées singulières & de mots emphatiques, un ton insupportable de déclamateur ; quelques belles images, il est vrai, mais souvent hors de place ; le naturel sacrifié à l’art, & l’état de la question presque toujours perdu de vue.

182. (1913) Le bovarysme « Deuxième partie : Le Bovarysme de la vérité — II »

Or, si l’on se reporte aux origines de la vie phénoménale, telles qu’elles ont été montrées ici, si l’on est bien convaincu de l’évidence de cette proposition, qu’aucun état de connaissance n’est possible que d’un objet pour ira. sujet, en sorte que toute entité vivante ne prend conscience d’elle-même qu’au moyen d’une falsification de soi, il apparaît que la vérité n’a pas de place dans la vie phénoménale, qu’on ne peut imaginer et situer l’idée de vérité qu’en un état d’identité absolue entre toutes les choses où toutes les choses se confondraient et s’évanouiraient et où cesserait, avec toute différence et tout reflet, toute conscience. […] Elle consiste à appliquer aux modes de la vie phénoménale une conception qui exclut la vie phénoménale, la loi d’un autre état que nous ne pouvons imaginer et décrire qu’en niant à son sujet faut ce que nous savons de la vie ordinaire, — en niant qu’il soit soumis aux conditions du temps, de l’espace, de la cause et que la diversité y ait place.

183. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

Voyons les choses, pour le moment, comme étant à l’état normal et régulier, et telles qu’elles se dessinent généralement aujourd’hui, en écartant certains incidents récents, qui feraient trouble et complication à notre regard. […] Cet état, qui est celui de la plupart des esprits, qui, s’il n’est pas la non-croyance absolue, est un état d’examen plus ou moins libre, plus ou moins raisonné et approfondi, avec tous ses résultats et ses conséquences, cet état, je l’ose dire, est tout à fait légal depuis 1789 : il a droit à être reconnu, à être respecté. […] En effet, la fièvre a son type dans l’état normal, où sans cesse se font des combustions de l’organisme. […] Or, comme la chaleur est la source du mouvement, il est naturel que le cœur et les artères battent avec plus de force que dans l’état normal. […] C’est là un triste état moral pour une nation et le plus grand symptôme de l’énervement intellectuel.

184. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

On verra peut-être ainsi jusqu’à quel point une morale, théorique ou réalisée, correspond aux besoins réels d’un peuple, jusqu’à quel point elle repose sur une fausse conception de l’état social. […] Peut-être est-il possible de parvenir à un état plus logique, à une coordination plus serrée. […] Elles se prolongent dans un état social qu’elles froissent comme de chères et pénibles impressions d’enfance dans une conscience d’homme. […] Et la morale qui correspond à tel ou tel état de civilisation n’a d’autre valeur morale que celle de ce genre de civilisation. […] Il est douteux que l’humanité arrive à un état très élevé.

185. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

L’état de souffrance où vous êtes me pénètre le cœur ; il a fallu que des circonstances bien impérieuses m’aient empêchée de vous écrire. […] » Effectivement, au collège, tous ceux qui apprenaient quelque chose se destinaient à l’état ecclésiastique. […] Il était horloger et m’envisageait comme devant être le continuateur de son état. […] Certaines erreurs que je professe eussent été le fait d’un homme qui a l’esprit de son état. […] La jeunesse destinée à l’état ecclésiastique et la jeunesse destinée au premier rang social lui paraissaient devoir être élevées de la même manière.

186. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Olier conçoit comme l’idéal de la vie du chrétien ce qu’il appelle « l’état de mort ».   Qu’est-ce que l’état de mort ? […] Olier imagine comme bien supérieur à l’état de mort l’état de sépulture. […] Les mystiques vivaient dans un état de tension si extraordinaire que quelques-uns d’entre eux moururent. […] Sur la question de l’état ecclésiastique, il mettait toujours beaucoup de discrétion.

187. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

Villars paraît s’être acquitté fort convenablement de sa mission délicate d’ambassadeur auprès d’une cour naturellement très mécontente de Louis XIV et très alarmée de l’ambition qu’il témoignait à l’égard de la succession d’Espagne ; il sut y soutenir avec fierté et hauteur la dignité du roi son maître, amuser et contenir les ministres de Léopold, et suspendre, arrêter à temps la prise de possession provisoire, par les armées impériales, des états espagnols en Italie, tandis que le roi d’Espagne vivait encore et dans un moment où il s’y prêtait. […] Catinat, chargé de former et de commander un corps d’armée en état de tenir tête au prince Louis de Bade sur cette frontière, et qui d’ailleurs ne fut instruit par sa cour de l’alliance avec la Bavière qu’au dernier moment et lorsqu’elle fut déclarée, se trouva trop faible dès le début pour s’opposer au siège de Landau, qui était alors à la France, et se résigna tout d’abord à la perte de cette place. […] Je me persuade qu’avec le corps de troupes que vous avez, lorsqu’il sera renforcé par celui-ci, vous serez en état par vous-même de vous avancer, sans craindre que l’armée des ennemis puisse vous en empêcher… Catinat recevait en même temps une lettre du roi qui lui disait, après les motifs déduits : Tout cela bien examiné et discuté, je ne vois pas de meilleur parti à prendre que de soutenir et de renforcer le marquis de Villars, afin de le mettre en état d’entreprendre seul ce qu’il jugera à propos pour faciliter sa jonction avec l’électeur de Bavière. […] Car Villars, quel que soit le rang qu’on lui assigne en ordre de mérite, est un général en chef : ce n’est pas un lieutenant ni un second. « En lui, commander, a-t-on dit, était comme son état naturel. […] Vous m’avez tiré de cet état ; comptez sur ma reconnaissance.

188. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Il fera connaître des états précis de civilisation : Ruy Blas sera la monarchie espagnole vers 1695. […] C’était une orgie de couleur locale ; chaque mot était un renseignement d’histoire : état des partis, état des finances, intérêts des princes, passions des bourgeois, topographie du vieux Paris, astrologie, nécromancie, jurons, bilboquets, sarbacanes, sabliers, pourpoints tailladés, les quatre sous que l’on payait au spectacle des Gelosi, toute l’histoire politique et toute la chronique de la mode pour l’année 1578 sont là. […] Encore y a-t-il plus de bon sens à montrer un Antony dans la vie contemporaine, parce qu’Antony représente au moins un état de l’imagination française en 1830. […] Son théâtre est exquis par la fine notation d’états sentimentaux très originaux et très précis : il s’analyse lui-même sous ses noms divers avec une acuité poignante. […] Musset a le sens du dialogue : il voit les interlocuteurs comme personnes distinctes, et il entend manifestement le timbre de chaque voix, l’accent, la réplique, qui manifestent chaque âme en son état et qualité.

189. (1890) L’avenir de la science « XXI »

L’état habituel d’Athènes, c’était la terreur. […] Le soufi et le corybante croyaient, en s’égarant la raison, toucher la divinité ; l’instinct des différents peuples a demandé des révélations à l’état sacré du sommeil. […] Sitôt qu’un pays s’agite, nous sommes portés à envisager son état comme fâcheux. […] Quand l’humanité sera arrivée à son état rationnel, mais alors seulement, les révolutions paraîtront détestables, et on devra plaindre le siècle qui en aura eu besoin. […] L’état le plus dangereux pour l’humanité serait celui où la majorité, se trouvant à l’aise et ne voulant pas être dérangée, maintiendrait son repos aux dépens de la pensée et d’une minorité opprimée.

190. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

Remettez la bouche dans son premier état, et relevez les sourcils ; le caractère devient orgueilleux, et il vous plaira moins. […] Chaque état de la vie a son caractère propre et son expression. […] Il est dans un état de guerre perpétuelle. […] La république est un état d’égalité. […] N’y a-t-il pas un teint plus analogue qu’un autre, à certains états, à certaines passions ?

191. (1761) Apologie de l’étude

L’expérience l’a dit longtemps avant Horace : on ne se trouve heureux qu’à la place des autres, et jamais à la sienne ; le seul avantage que donnent les lumières, si c’en est un, est de n’envier l’état de personne, sans en être plus content du sien. […] Dans cet état comme dans les autres, quelques prédestinés échappent à la loi commune ; et chacun se flatte qu’il sera le prédestiné : sans cela, il faudrait être imbécile pour ne pas brûler ses livres, à commencer par ceux qu’on pourrait avoir faits. […] Quel mal vous ont fait les gens de lettres, me diront ces zélés citoyens, pour vouloir les dégoûter de leur état ? […] Si l’état dont nous jouissons parmi nos semblables nous met à portée de satisfaire sans, aucun travail les besoins physiques et réels, les besoins factices et métaphysiques viennent s’offrir alors comme un aliment nécessaire à nos désirs, et par conséquent à notre existence. […] Concluez en attendant, qu’avec du choix dans ses études, et de l’équité envers lui-même et envers les autres, l’homme de lettres peut être aussi heureux dans son état que le permet la condition humaine.

192. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

L’olympien est un être supérieur qui unit en lui l’état dionysiaque et l’état apollinien. […] Dans sa tragédie il cherche la synthèse ou au moins l’union de l’état apollinien et de l’état dionysiaque. Il met l’état dionysiaque dans le chœur [très douteux] et l’état apollinien dans les personnages. […] Elle donne aux hommes la vue approximative de cette union de l’état apollinien et de l’état dionysiaque que réalisent là-haut les immortels ; et elle leur donne l’exemple de cette union de l’état apollinien et de l’état dionysiaque qu’ils doivent réaliser sur la terre. […] C’est l’égoïsme à l’état pur qui est beau et qui est bon.

193. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre III : Le problème religieux »

Le christianisme a justement prouvé sa supériorité sur toutes les religions de l’univers par sa facilité à s’assouplir à tous les états d’esprit, à tous les états de sociétés. […] On objecte contre une religion sans surnaturel qu’elle n’est autre chose qu’une philosophie, et que la philosophie est hors d’état de fonder une religion ; mais on confond ici bien des choses distinctes. […] Que la philosophie, considérée ainsi, soit hors d’état de fonder une religion et n’ait rien d’analogue à la religion, nous l’accordons sans hésiter. […] Cette souplesse merveilleuse du protestantisme s’accommodant aux divers états des esprits et aux différents degrés de lumières, au lieu de nous paraître, comme elle l’est, un signe de vitalité et une garantie de durée, nous est, sur l’autorité de Bossuet, un témoignage évident d’erreur et d’hérésie.

194. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

J’en fus frappé ; je prévis un grand événement, un grand changement dans l’état des choses, et même dans la forme du gouvernement. […] Dès les premières séances, Bailly, qui se croyait peu connu dans cette assemblée des électeurs du tiers état, y est nommé secrétaire. […] Target avait présidé le tiers état de Paris (c’est-à-dire la réunion des électeurs) ; je me regardais comme incapable de m’en acquitter avec la même distinction. […] Il se dit que l’honneur de présider le tiers état du royaume était jadis un privilège des députés de Paris ; que, s’il décline cette charge, il peut priver la ville qui l’a nommé d’un avantage auquel elle a des droits. […] Cette présidence d’un mois fut mémorable, et coïncide avec les premières et grandes démarches du tiers état, qui conquirent et constituèrent véritablement la souveraineté nationale.

195. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

s’écriait-elle à ce sujet, quand je les vis, ces princes, en Angleterre, ils écoutaient la vérité ; je leur peignais l’état de la France, ce qu’elle demandait, ce qu’il était si facile de lui donner. […] my dear sir, que je voudrais être près de vous pour quelques heures, et vous bien peindre l’état de la France ! […] Ils sont donc connus aujourd’hui, ne sont plus employés, et la Coalition ne les aura plus pour l’appeler et l’instruire de l’état de la France. […] Soyez certain que l’état que je vous donne des forces de l’armée et de l’exaltation du pays est absolument, exactement vrai ; et si l’Empereur avait une victoire, le Brabant deviendrait aussi pour les Alliés une Espagne. […] « J’ai encore bien des choses curieuses à vous dire sur notre état, mais ce sera pour demain : aujourd’hui, j’ai mal à la tête. » Qu’en dites-vous ?

196. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

De telles idées, en un mot, à ce degré de crudité et de réaction, tendaient à ramener violemment cette société vers un état à jamais détruit et de toutes parts dépassé ; et, si l’on n’y parvenait pas, elles n’allaient à rien moins qu’à faire jeter, comme on dit, le manche après la cognée, à faire désespérer de tout, du présent et de l’avenir. […] Sa préconisation absolue de l’ancien régime, en ce qui est de l’état des populations rurales, peut se résumer en ces termes ; « Dans le cas de maladie, de vieillesse ou d’incendie, le presbytère, l’abbaye ou le château voisin devenaient la ressource naturelle de la victime de ces calamités. […] Avec de tels hommes, pas plus avec celui qui rendait ses oracles d’un ton chagrin, négatif et répulsif, qu’avec celui qui nous lançait à la tête ses anathèmes à l’état de singularités et de boutades, il n’y avait moyen de s’entendre ; la guerre continuait ; les passions s’entretenaient par contraste et se réchauffaient : c’était une contre-révolution de toutes pièces qu’eux et leurs amis nous proposaient, ce n’était pas une réforme véritable. […] Léopold Delisle pour l’état des terres et le rapport des classes en Normandie ; il aurait pu citer également, en portant son regard à l’autre extrémité du royaume et vers le Midi, M.  […] Le Play la véritable unité sociale ; or, cette unité, dans l’état présent, est faible, instable, précaire et caduque : les fortunes, par suite du partage égal forcé, se brisent à chaque génération ; les plus grandes créations d’existence sociale, après deux ou trois transmissions successives, tendent à se fondre et à rentrer dans la masse : c’est à recommencer toujours.

197. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

C’est dommage que ce ne soit un de nos petits Messieurs (sans doute les jeunes princes de Vendôme) qui fût en état de faire son apprentissage sous le grand Sobieski et cette campagne à ma place. […] Il n’y a rien de plus opposé à l’état où nous sommes revenus d’Ukraine, depuis M. de Béthune jusques au dernier de nous. […] Il a fallu rester huit jours avec toutes les dames de la Cour en ce déplorable état, parce que nos hardes sont dans le garde-meuble de la reine, à Léopold. […] Je vois bien que je n’avais vécu jusque-là que dans l’état d’innocence, et j’avais cru à tout le monde le cœur fait comme moi ; je me suis bien trompé, mais je ne saurais me repentir de l’avoir été pour n’avoir jugé de l’âme des hommes que par ce que je sentais. […] Quand on vient de relire leurs ouvrages et de traverser leur monde, on demeure bien convaincu en un point : c’est que les mœurs de la Régence existaient déjà sous Louis XIV ; elles y étaient depuis longues années à l’état latent.

198. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

Entre ces deux états, il y a eu une transition insensible, difficile à démêler ; le premier état subsiste encore en certaines occasions, quoique le second soit établi ; parfois elle joue encore avec le son, quoiqu’elle en comprenne le sens. — Cela se voit très aisément pour d’autres mots ultérieurs, par exemple pour le mot kaka ; elle le répète encore souvent hors de propos, sans intention, en façon de ramage, dix fois de suite, au grand déplaisir de sa mère, comme un geste vocal intéressant, pour exercer une faculté nouvelle ; mais souvent aussi elle le dit avec intention, quand elle a besoin ; de plus, il est clair qu’elle en a changé ou élargi le sens, comme pour le mot bébé ; hier, dans le jardin, voyant deux petites places humides, deux traînées d’arrosoir sur le sable, elle a répété son mot, avec un sens, visible et voulu ; elle désigne par ce mot ce qui mouille. […] … L’observation a été interrompue par suite des calamités de l’année 1870. — Néanmoins les notes qui suivent peuvent servir à constater l’état mental d’un enfant. […] En général, l’enfant présente à l’état passager des caractères mentaux qui se retrouvent à l’état fixe dans des civilisations primitives, à peu près comme l’embryon humain présente à l’état passager des caractères physiques qui se retrouvent à l’état fixe dans des classes d’animaux inférieurs. […] En tout cas, ils annonçaient le premier éveil de l’intelligence : ils n’étaient plus aigus, prolongés, monotones ; c’étaient, pour ainsi dire, les sons d’une langue nouvelle ; cette langue, très différente du cri primitif, ne traduisait plus seulement la douleur brute, le simple malaise ; quoique rudimentaire et bornée, elle manifestait des nuances de sentiment, des états variés et compliqués de l’esprit et surtout de l’âme. […] Le meilleur représentant de cet état est la famille des langues touraniennes ; les langues qu’elle comprend ont, en général, été nommées agglutinatives, parce que la seconde racine altérée vient se coller à la première intacte. — La troisième étape, qu’on peut appeler celle des inflexions, a ses meilleurs représentants dans les familles aryenne et sémitique.

199. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

L’état extrême où Henri a trouvé et pris en main la France à la mort de son prédécesseur, la situation désespérée d’où il l’a tirée en luttant, et la situation florissante et forte où il l’a replacée, où il l’a élevée en elle-même et dans ses relations avec l’Europe, telle est l’idée du livre de M.  […] La menue noblesse, quand elle était mandée, venait bien en armes et avec grand état pour une quinzaine de jours ; mais, le terme passé, rien ne les pouvait retenir, pas même les brevets de pension qu’exigeait en partant un chacun pour son salaire. […] En une grande tempête, l’une des plus assurées confiances que l’on peut avoir, c’est quand on sait que le pilote entend bien son état… Pour te le peindre d’un seul trait de pinceau, je te dis que c’est un grand roi de guerre, et je conseille à quiconque de ses voisins, qui se voudra jouer à lui de n’oublier hardiment rien à la maison. […] Sous Henri IV, l’élément prédominant ou qui tendait à le devenir était le gentilhomme de campagne, bon économe bon ménager de son bien ; Henri IV l’aimait et le favorisait de cette sorte, se piquant de n’être lui-même que le premier gentilhomme de son royaume ; bien différent en cela de Louis XIV, qui attirait tout à sa Cour et n’aimait les grands et les nobles qu’à l’état de courtisans. Le coup de poignard de Ravaillac ne laissa pas le temps à cette monarchie ainsi faite, s’appuyant d’un nombreux corps de noblesse sédentaire (sauf les cas de guerre), brave et intéressée, adonnée à sa maison des champs et assez protectrice d’ailleurs du tiers état, à cette monarchie tempérée par des parlements, des notables, et surtout par la bonne humeur et une sorte de familiarité du prince, de se dessiner et de former institution.

200. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre III. La notion d’espace. »

Nous observons ensuite que parmi les changements externes, il y en a qui peuvent être corrigés grâce à un changement interne qui ramène tout à l’état primitif ; d’autres ne peuvent pas être corrigés de la sorte (c’est ainsi que quand un objet extérieur s’est déplacé, nous pouvons en nous déplaçant nous-mêmes nous replacer par rapport à cet objet dans la même situation relative de façon à rétablir l’ensemble des impressions primitives ; si cet objet ne s’est pas déplacé, mais a changé d’état, cela est impossible). De là une nouvelle distinction, parmi les changements externes : ceux qui peuvent être ainsi corrigés, nous les appelons changements de position ; et les autres, changements d’état. […] Dans les deux cas la sensation du rouge a remplacé celle du bleu ; nos sens ont éprouvé les mêmes impressions qui se sont succédé dans le même ordre, et pourtant ces deux changements sont regardés par nous comme très différents ; le premier est un déplacement, le second un changement d’état. […] Si elle ne se vérifiait pas, au moins approximativement, il n’y aurait pas de géométrie, il n’y aurait pas d’espace, parce que nous n’aurions plus intérêt à classer les changements externes et internes comme je viens de le faire, et, par exemple à distinguer les changements d’état des changements de position. […] Je n’y aurais jamais songé, si je n’avais pas appris d’avance, par le moyen que nous venons de voir, à distinguer les changements d’état des changements de position, c’est-à-dire si mon œil était immobile.

201. (1890) L’avenir de la science « II »

De là ce fier caractère d’audace contre les dieux que portent les premiers inventeurs ; de là ce thème développé dans tant de légendes mythologiques : que le désir d’un meilleur état est la source de tout le mal dans le monde. […] Mais ce qui reste incontestable, c’est que l’humanité tend sans cesse, à travers ses oscillations, à un état plus parfait ; c’est qu’elle a le droit et le pouvoir de faire prédominer de plus en plus, dans le gouvernement des choses, la raison sur le caprice et l’instinct. […] En effet, dans l’état aveugle et irrationnel, les choses marchaient spontanément et d’elles-mêmes, en vertu de l’ordre établi. […] Tel est donc l’état de l’esprit humain en ce siècle. […] Le vrai, c’est que la nature humaine ne consiste qu’en instincts et en principes très généraux, lesquels consacrent non tel état social de préférence à tel autre, mais seulement certaines conditions de l’état social, la famille, la propriété individuelle par exemple.

202. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Ces relations peuvent être fugitives, uniques, rares ; elles peuvent être permanentes ou, malgré leur diversité, considérées selon leur état le plus fréquent, le plus visible, le plus connu : une phrase faite une fois pour toutes exprime parfaitement ces rapports vulgaires au retour rythmique ou périodique. […] Ribot, s’exalter dans leur portion saine : et ceci fait comprendre l’état de l’homme qui ne pense que par clichés ; il y a là un phénomène très curieux d’exaltation de la mémoire partielle. […] Les clichés ne concorderaient que si la vision était exactement celle qui a déterminé la première fois le choix des mots particuliers, ensuite répétés et arrivés à l’état de cliché. […] C’est parce que les images de Télémaque sont devenues des clichés que nous ne pouvons plus les aimer ; mais si elles étaient restées en leur état original, nous ne les comprendrions peut-être plus et nous n’aurions même pas l’idée d’entr’ouvrir le livre pour nous réjouir à des visions énigmatiques. […] On a dit qu’il y a des écrivains dont le style, entièrement purgé d’images, n’est qu’une suite de propositions grammaticales demeurées à l’état d’armatures ou de lignes ; c’est une illusion.

203. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Il subsiste encore des monuments de ce premier état de choses, comme il y a des monuments géologiques qui attestent le premier état du globe. […] L’homme ne peut se perfectionner qu’en devinant un ordre de choses plus parfait : encore, dans ce cas, ne fait-il que se rappeler, comme disait Platon, un souvenir confus de l’état qui a précédé la déchéance. […] Dans les traités diplomatiques le français n’a jamais eu à lutter que contre le latin ; à présent cette langue est celle de tous les pays policés, de la bonne compagnie de tous les états de l’Europe. […] Milton peignit l’homme dans son état d’innocence, puis déchu de cet état primitif par le mauvais usage de sa liberté. Homère peignit l’homme luttant avec ses seules forces contre les limites de la liberté, assignées par l’état de déchéance.

204. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

Dans les anciennes républiques, l’éloquence faisait partie de la constitution ; sans elle point de gouvernement, point d’état. […] Les rangs et les distinctions d’état étant plus marqués, imposent plus de gêne ; de là naissent les ménagements et les égards. […] Souvent les causes étaient mêlées à des affaires d’état ; souvent il s’agissait de juger des hommes qui avaient gouverné une partie du monde : des députés de l’Afrique et de l’Asie sollicitaient au nom de l’univers. […] Parmi nous tout est différent ; point de ces causes qui tiennent aux affaires d’état ; point même de ces grandes causes criminelles où un orateur puisse sauver la vie d’un citoyen. […] Tel fut l’état de la nation française, depuis François II jusqu’à la douzième année du règne de Louis XIV, c’est-à-dire, pendant l’espace d’un siècle.

205. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

Sur ce fond d’expression analytique, grise et sèche, s’appliquent des paysages tournés en états d’âme et des couplets lyriques où l’émotion intime déborde : Senancour à son heure, entre Rousseau et Lamartine, a fait un « lac ». […] Aussi, selon ses lectures, ses fréquentations et ses états de sentiment, distingue-t-on dans son œuvre trois courants, ou trois sources d’inspiration, qui y caractérisent trois périodes successives. […] L’étude de l’énergie est l’âme des romans de Stendhal : mais sous cette idée maîtresse il a saisi, expliqué bien des caractères individuels et divers états sociaux. […] Il ne se perd pas en longues analyses : il se place entre Balzac et Stendhal : comme le premier, il indique le dedans par le dehors, mais il indique avec précision des états de conscience perceptibles seulement au second. […] A moins que l’état social ne leur recommande plutôt l’hypocrisie, comme c’est le cas de Julien Sorel sous la Restauration, qui fait la Congrégation toute-puissante.

206. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

L’observation la plus patiente des astres ne révélera pas plus le secret de leurs mouvements, que l’observation la plus attentive des états de conscience ne découvrira leurs lois. […] Chaque état mental est ainsi une fonction de trois variables. […] Dans l’état de veille, rien de plus fréquent que de voir des objets, d’entendre des sons qui ne correspondent à rien de réel. […] Dans l’état d’excitation cérébrale appelé hallucination, cette confrontation des diverses données des sens est négligée ; dans l’état d’isolement cérébral nommé rêve, cette confrontation est impossible. […] Le mouvement est un fait spécial en termes duquel tous les autres états de conscience sont traduits, quand nous les considérons objectivement.

207. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XI. Le royaume de Dieu conçu comme l’événement des pauvres. »

Ne rien posséder fut le véritable état évangélique ; la mendicité devint une vertu, un état saint. […] Elle offrit à une foule d’âmes contemplatives et douces le seul état qui leur convienne. […] Il n’appréciait les états de l’âme qu’en proportion de l’amour qui s’y mêle. […] Si les retranchements de Marcion sont sans valeur critique, il n’en est pas de même de ses additions quand elles peuvent provenir, non d’un parti pris, mais de l’état des manuscrits dont il se servait.

208. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

Un état où l’on dit des choses dont on n’a pas conscience, où la pensée se produit sans que la volonté l’appelle et la règle, expose maintenant un homme à être séquestré comme halluciné. […] Les plus belles choses du monde se sont faites à l’état de fièvre ; toute création éminente entraîne une rupture d’équilibre, un état violent pour l’être qui la tire de lui. […] La société juive offrait l’état intellectuel et moral le plus extraordinaire que l’espèce humaine ait jamais traversé. […] Un novateur, dans un tel état de société, ne risquait que la mort, et la mort est bonne à ceux qui travaillent pour l’avenir.

209. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

On peut dire qu’à l’état de domesticité l’organisation tout entière devient en quelque sorte plastique. […] Il en est ainsi de la forme, de la taille et de la saveur des graines dans les nombreuses variétés de nos plantes culinaires et agricoles, des variations du Ver à soie à l’état de chenille ou à l’état de cocon, des variations des œufs de nos volailles et de la couleur du duvet des petits ou des cornes de nos Moutons et de nos Bœufs approchant de l’âge adulte. […] — À l’état domestique certaines particularités apparaissent quelquefois chez l’un des sexes, et deviennent héréditaires chez celui-là seul. […] Pareille singularité eût apparu à l’état domestique, qu’on l’eût considérée comme une monstruosité. […] Il s’ensuit que toutes les formes intermédiaires entre l’état primitif et l’état actuel, c’est-à-dire entre le plus et le moins parfait des états successifs d’une espèce, aussi bien que la souche originelle elle-même, doivent généralement s’éteindre.

210. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

. — Il ne servirait à rien de dire que, si le goût littéraire varie, c’est que l’état social en se modifiant modifie l’état mental. […] Il faudrait se demander ensuite pourquoi l’état d’une société varie. […] Même en de pareilles conditions il ne saurait rester dans cet état d’équilibre ; il doit changer et avec lui la littérature qui en fait partie. […] Chaque moment ne voit-il pas un état de conscience nouveau s’ajouter à ceux dont la série constitue notre personnalité ? […] Mais, s’il est vrai qu’une alternance régulière ramène tour à tour le règne d’états d’esprit et de procédés contraires, du réalisme et de l’idéalisme, de la raison et de l’imagination, de l’analyse et de la synthèse, de l’optimisme et du pessimisme, etc., il semble que la littérature, revenue au pôle qui fut son point de départ après avoir atteint l’autre, devrait se retrouver dans la situation même où elle était quand commençait l’oscillation.

211. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre IV. De la morale poétique, et de l’origine des vertus vulgaires qui résultèrent de l’institution de la religion et des mariages » pp. 168-173

En effet, chez toutes les nations, la piété a été généralement la mère des vertus domestiques et civiles ; la religion seule nous apprend à les observer, tandis que la philosophie nous met plutôt en état d’en discourir. […] C’est le premier de tous les symboles divins après celui de Jupiter…   Considérons le genre de vertu que la religion donna à ces premiers hommes : ils furent prudents, de cette sorte de prudence que pouvaient donner les auspices de Jupiter ; justes, envers Jupiter, en le redoutant (Jupiter, jus et pater), et envers les hommes, en ne se mêlant point des affaires d’autrui ; c’est l’état des géants, tels que Polyphème les représente à Ulysse, isolés dans les cavernes de la Sicile : cette justice n’était au fond que l’isolement de l’état sauvage.

212. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Il observoit les moindres pratiques de son état. […] Quelle raison pourroit-il y avoir de respecter, dans un état, la chose qui lui seroit la plus nuisible ? […] Si les jésuites le gagnoient, on croyoit que c’étoit fait du repos de l’état. […] Vint alors le fameux interdit des états de Venise. […] L’état de simple religieuse lui parut préférable à celui d’abbesse.

213. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

si les mots étaient assez ductiles, assez malléables, assez règle de plomb pour s’adapter sans solution de continuité à tous nos états d’âme ! […] Soit, exorcisons le fantôme de l’Absolu, pour ne parler que d’états d’âme. […]   En ce qui concerne l’expression correspondante à cette multiplicité d’état d’âmes deux attitudes sont permises. […] Un terme banal ou rongé par l’usure ne recouvre jamais que des états d’âme rances62. […] Le monde est de l’esprit précipité et l’essence volatile s’en échappe incessamment à l’état de pensée libre.

214. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 15, observations concernant la maniere dont les pieces dramatiques étoient représentées sur le théatre des anciens. De la passion que les grecs et les romains avoient pour le théatre, et de l’étude que les acteurs faisoient de leur art et des récompenses qui leur étoient données » pp. 248-264

Il faut même qu’on eut augmenté les appointemens de Roscius depuis le temps où l’état que Pline avoit vû fut dressé, puisque Macrobe dit que notre comédien touchoit des deniers publics près de neuf cent francs par jour et que cette somme étoit pour lui seul. […] Il y a même plusieurs états en Europe où l’or est encore plus cher. […] En Gréce les comédiens illustres étoient reputez des personnages, et l’on y a vû même des ambassadeurs et des ministres d’état tirez de cette profession. Quoique les loix romaines eussent exclu la plûpart des gens de théatre de l’état de citoïen, on avoit néanmoins à Rome beaucoup de consideration pour eux, et nous en citerons tantôt de bonnes preuves.

215. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Mais cet état semble rare. […] C’est notre état naturel. […] Mais l’état d’homme est lié à l’existence de la conscience. […] Quel est son état ? […] Quel que soit l’état social, l’individu s’accommode à cet état, puisqu’il y vit et s’y reproduit.

216. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

M. de Falloux s’étonne que le Tiers état de 89 ait songé à venger des pères qui ne s’étaient pas trouvés offensés. […] Dans l’état normal des choses, la majorité sera en effet le critérium le plus direct pour reconnaître le parti qui a raison. […] L’état d’une société n’est jamais tout à fait légal, ni tout à fait illégal. Tout état social est forcément illégal, en tant qu’imparfait, et tend toujours à plus de légalité, c’est-à-dire à plus de perfection. […] Rien de mieux, si les intelligences étaient dans l’état normal ; mais jusque-là rien de plus frivole.

217. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

Leurs conclusions dépendraient uniquement du nombre de formes intermédiaires qu’ils pourraient découvrir, et la découverte à l’état fossile d’une pareille série bien graduée de spécimens est de la dernière improbabilité134. […] Godwin-Austen que l’état actuel de l’Archipel Malais, avec ses îles vastes et nombreuses, séparées par des mers larges et peu profondes, représente probablement l’ancien état de l’Europe, à l’époque où la plupart de nos terrains s’accumulaient. […] Si ces anciennes couches primitives avaient été complétement détruites par dénudation ou oblitérées par le métamorphisme, nous devrions retrouver seulement de faibles restes des formations qui les ont immédiatement suivies, et ces lambeaux devraient se présenter également à nous dans un état général d’altération métamorphique. […] Mais nous ignorons quel a pu l’être l’état des choses pendant les longs intervalles qui ont séparé les formations successives ; nous ignorons si l’Europe et les États-Unis existaient à l’état de terres émergées ou d’aires sous-marines près des terres, mais sur lesquelles ne se formait aucun dépôt, ou enfin comme le lit d’une mer ouverte et insondable. […] Peut-être même qu’une telle supposition devra demeurer à l’état de pure hypothèse, sans qu’il nous soit jamais possible d’en confirmer la vérité ou d’en prouver la fausseté.

218. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Mais c’est une habitude de l’esprit humain de projeter au dehors ses propres états d’âme. […] « Le coup d’œil le plus superficiel sur l’état du monde nous montre », écrit M.  […] Cette personne éprouvait à l’état de veille le besoin de tuerie médecin. Sa conscience n’avait aucune idée de ce que ce besoin lui avait été suggéré dans l’état hypnotique. […] Celle-ci est exclusivement imputable à l’état de dégénérescence des inventeurs de cette tendance.

219. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Vous êtes obligé, pour être orthodoxe, de croire que je suis en cet état par ma faute, cela est dur. […] n’y a-t-il pas des états où il faut de force que l’individu et l’humanité posent sur l’instable ? […] Je lui fis d’abord connaître par une lettre mon état intérieur et les démarches que je croyais devoir faire en conséquence. […] Du reste, en tout ce qui ne tenait pas à l’appréciation de mon état, il fut bon autant qu’on peut l’être… Ces messieurs de Saint-Sulpice et M.  […] Non, mon ami, ne craignez pas de me dire que je suis dans cet état par ma faute ; je sais que vous devez le croire.

220. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

Celui-ci voyant son dégoût pour l’état de fabricant de chandelles, et après avoir essayé de le diriger vers quelque profession mécanique proprement dite (menuisier, tourneur, etc.), le fit engager comme apprenti chez un autre de ses fils imprimeur. […] Il y arrive dans un assez piteux état, en habit d’ouvrier, mouillé par la pluie, ayant ramé durant la traversée ; il ne lui restait que bien peu d’argent en poche, et il voulut pourtant payer son passage aux bateliers. […] Il arrivait, par une voie laborieuse, à une fortune honnête et à une indépendance qui allait le mettre en état de se livrer à ses goûts pour l’étude et pour les sciences. […] Rien donc ne vint à la traverse de ses premiers projets d’amélioration si bien calculés pour l’état social et moral de ses compatriotes. […] [NdA] « Le mariage, après tout, est l’état naturel de l’homme.

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