Car, dans cette formule sont impliquées pour moi telles folies et dangereuses imaginations inspirées par les religions (citons plus près de nous Milton et Dante), et sensationnelles seulement, pour peu qu’on les pense, sont les ordinaires visions de paradis ou d’enfers sous divers noms, où se meuvent les diverses théogonies d’amour et d’effroi. […] mon ironie et dès l’entrée en l’art ma méditation scientifiquement s’avère ont levé une rationnelle révolte, J’ai dit : Le devoir du Poète ; maintenant, est : « de penser et de savoir, selon en premier lieu la pensée et le savoir du savant qui expérimenta, et ensuite, lorsque, lui, le savant, est pour longtemps épars, de, induisant et déduisant plus vite et plus loin, d’un nœud génial, lois et loi et lois aidantes, synthétiser en une parole multiple et logique et musique ! […] « À s’aimer, en s’aimant la matière devient : qui intégrale et possessoirement ne s’aimera, que si elle se sent, et, en se sentant, se pense, et, en se pensant, intégrale se sait.
Et, pour le dire en passant, combien il est difficile d’admettre que l’esprit ne soit qu’un produit mécanique de la nature, même dans les questions qu’il lui fait, lorsque nous le voyons diriger son interrogatoire comme le juge celui d’un témoin, et penser les choses avant de les rencontrer réalisées devant lui ! Dira-t-on qu’il ne pense et ne réfléchit qu’après avoir observé ? Soit ; mais qu’est-ce qu’observer, si ce n’est penser les phénomènes que l’on a devant les yeux ?
Sans qu’ils y pensent l’un et l’autre, le lecteur se disposera de la manière la plus commode pour lui ; l’auditeur en fera autant. […] Sans doute il y aura un moment de bruit, de mouvement, de tumulte, de flux, de reflux, d’ondulations ; c’est le moment où chacun ne pense qu’à soi, et cherche à se sacrifier la république entière. […] La nature a diversifié les êtres en froids, immobiles, non vivants, non sentants, non pensants, et en êtres qui vivent, sentent et pensent.
Je ne pense pas que les personnages allegoriques y doivent être eux-mêmes des acteurs principaux. […] Des veritez, ausquelles nous ne sçaurions penser sans terreur et sans humiliation, ne doivent pas être peintes avec tant d’esprit ni répresentées sous l’emblême d’une allegorie ingenieuse inventée à plaisir. […] Ce que je dis des peintres je le pense des poëtes, et je n’approuve pas plus le poëme de Sannazar, sur les couches de la vierge, ni les visions de L’Arioste, que la composition dont Rubens s’est servi pour répresenter le merite de l’intercession des saints.
Personne ne pense à exposer la méthode et à préciser comment on fait une bonne phrase, par quel travail acharné on parvient à la rendre excellente, définitive, comment on traduit, on pousse, on fait resplendir une idée. […] Cette lecture, au contraire, leur a montré que l’art d’écrire était beaucoup plus difficile qu’ils ne pensaient, et si cela n’a découragé personne, c’est évidemment parce que nous avons dit ce qu’il fallait dire et que nous avons conseillé ce qu’il fallait conseiller. […] Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de revenir là-dessus.
Une première mère écrira : « Nous pensions, monsieur le directeur, que votre feuille était un journal de famille, un journal honnête. […] Je pense seulement que le livre sera bon si le lecteur, en le fermant, a senti plus vivement le danger, personnel ou social, de la faute ou de l’erreur que l’auteur a décrite, ou s’il a plus clairement compris la grandeur et la nécessité de la loi morale à laquelle il est, comme homme, obligé d’obéir. […] Je suis de ceux qui pensent que les vertus les plus fermes, et peut-être aussi les plus pures, sont celles qui ont au moins un pressentiment ou un avertissement du mal.
Que penser de la doctrine, si on la juge par l’expression ? […] On pense d’abord. Et après avoir pensé, on réfléchit sur sa pensée.
Cousin, a fait quatre révoltes contre Marie de Médicis, pour avoir des titres, des charges, des pensions. […] il n’y a pas de quoi fouetter un laquais. » « L’État, c’est moi », dit plus tard Louis XIV. « L’État, c’est nous », pensait la noblesse. […] « La Providence en a disposé autrement, et Chantilly attend encore une main réparatrice. » Cela fait penser à cette phrase célèbre qu’il semble avoir copiée dans une oraison funèbre : « Ô maison d’Orléans, maison illustre et infortunée, je briserais à jamais ma plume plutôt que de la tourner contre vous.
Les Allemands sont assurément les plus admirables travailleurs classiques que l’on puisse imaginer ; depuis qu’ils se sont mis à défricher le champ de l’antiquité, ils ont laissé bien peu à faire pour le détail et le positif des recherches ; ils ont exploré, commenté, élucidé les grandes œuvres ; ils en sont maintenant aux bribes et aux fragments, et ils portent là-dedans un esprit de précision et d’analyse qu’on serait plutôt tenté de leur refuser lorsqu’ils parlent et pensent en leur propre nom. […] J’ai sous les yeux un de ces doctes et méritoires écrits, qui, en instruisant beaucoup, ne laissent pas de faire aussi beaucoup penser et rêver.
Il fait penser à M. d’Epernon et à Michelet. […] Saint-Simon pensa de bonne heure à être l’historien de son temps : à l’armée, à la cour, il a ramassé curieusement la plus ample information.
Je ne pense pas que jamais jeune homme ait jeté sur le monde un regard plus clairvoyant, plus tranquille et plus froid que Maupassant à vingt-cinq ans. […] Vous, mon cher Bourget, vous avez un tas d’intentions et d’affectations ; nul romancier ne transforme plus complètement que vous la matière première de ses récits ; vous ajoutez votre esprit tout entier à chacune des parcelles du monde que vous exprimez dans vos livres ; vous vous donnez un mal de tous les diables, vous fatiguez, vous exaspérez ; avec tout cela vous contraignez à penser et l’on peut disserter sur vous indéfiniment.
La stagnation c’est la mort, quoi qu’on en pense de par les Instituts et Académies. […] … L’école du vrai dans le roman français ne semble pas avoir achevé son évolution… et je ne dis pas le vrai photographique et plat, mais le vrai suggestif qui fait penser, — difficulté aussi grande au moins que l’invention du symbole.
De notre temps (de notre temps qui, selon les uns fait époque, et selon les autres lacune dans la littérature française) on pense que les genres en se démêlant se sont appauvris, que les tons en se soutenant se sont affaiblis. […] Des vers qui étaient entendus avec frémissement comme les blasphèmes d’un insensé contre les prêtres, Les prêtres ne sont pas ce qu’un vain peuple pense, Notre crédulité fait toute leur science.
Cette femme pense qu’il faut imiter scrupuleusement la nature ; et je ne doute point que si son imitation était rigoureuse et forte et sa nature d’un bon choix, cette servitude même ne donnât à son ouvrage un caractère de vérité et d’originalité peu commun. […] Je lui dis : comment demander, en dépit de ce qu’en pourront penser les artistes de ce pays qui à cet égard en vaut bien un autre, de l’ouvrage pour une étrangère à des ministres qui refusent des àcomptes sur celui qu’ils ont ordonné à des hommes du premier ordre ?
Vous me feriez presque penser que le génie vous manque. […] Vous n’y avez pas pensé, et vous m’autorisez à vous demander : quoi !
Enfin Le Correge parvint à voir un tableau de ce peintre si célebre : après l’avoir examiné avec attention : après avoir pensé à ce qu’il auroit fait, s’il avoit eu à traiter le même sujet que Raphaël avoit traité, il s’écria : je suis un peintre aussi-bien que lui. […] Il est bien rare qu’il nous faille emprunter d’autrui des expressions pour rendre ce que nous avons pensé.
Il le fut toute sa vie, mais surtout un jour, dans un procès dont les détails semblent fantastiques quand on pense au temps où une telle cause se produisit. […] C’est un esprit très érudit que Vitu, fort au courant de la bibliographie du xviiie siècle et de la Révolution, qui n’est pas du tout épuisée, comme beaucoup de gens ont la superficialité de le penser.
Le figuier de ce Timon-ci est un arbre innocent, pas si cruel aux amours-propres que je l’avais pensé. […] Eh bien, on en dirait… ce qu’il faut maintenant en penser !
On n’y pensait plus. […] Enfantin représente la foi, la volonté, le consentement de plusieurs, en faisant la déclaration scandaleuse qu’il vient d’opposer tout à coup à l’enseignement d’un prêtre catholique, orthodoxe et respecté, nous dirons qu’il nous importe, à nous chrétiens, de savoir le danger qui nous menace, et si tout cela, comme nous le pensons bien plutôt, n’est que rêverie de visionnaire attardé qui ne peut guérir de son mal de jeunesse, il importe qu’on le sache aussi, afin que justice soit faite encore une fois de cette folie qui repousse, après vingt-trois ans, comme un polype indestructible, dans les têtes dont on le croyait arraché, et qu’enfin on n’y revienne plus !
., M. le Conte de L’Isle est un Indien qui parle en indien et pense en indien, si une telle chose s’appelle penser !
Autrefois, il suffisait de se déplacer pour avoir un avantage très net sur son voisin qui ne bougeait pas ; mais aujourd’hui les déplacements étant devenus fort aisés pour tout le monde (preuve de grande civilisation, comme l’on sait), les descriptions et les faits nouveaux, qu’allaient chercher au loin des voyageurs incapables de penser et d’inventer au coin de leur feu et les portes fermées, deviennent, par la facilité avec laquelle on se les procure, du domaine commun, tout autant que si ce domaine était immobile. […] Le dernier rayon crépusculaire de l’Orient est plus puissant sur tout ce qui pense que les aurores américaines, si pleines de jour et d’espérance qu’elles puissent être pour les dénicheurs d’idées ou de perroquets.
Penses-tu qu’une ville puisse subsister, si les jugements publics n’y ont plus de force, si tout citoyen, à son gré, peut les enfreindre ? […] Je me plais à penser que tous les juges qui avaient condamné Socrate, lurent du moins avant de mourir ces trois discours où il est représenté si vertueux et si grand.
Le Nord travaille, il se peut ; le Midi rêve et pense. […] Augustin Filon l’a pensé et nous avons tout lieu de nous en féliciter. […] Buet, ce que je pensais du roman, tel que le martyrisent les éditeurs dits catholiques, qui prennent l’étude de mœurs pour un candidat chantre à la chapelle Sixtine et la traitent comme on pense. […] Cette phrase qu’il ne fallait ni penser, ni écrire, M. […] Qu’en pense l’auteur du Prêtre ?
Nous avons senti, pensé et surtout écrit de bonne heure. […] mais vous n’y pensez pas, monsieur Nisard ! […] Mais mademoiselle Manon ne pense pas à son grand-père, elle pense aux beaux jeunes seigneurs qui la trouvent belle ; elle pense aux folles joies de la nuit, aux mystères du jour, à ce hasard bienveillant qui est son dieu ; elle pense à être heureuse, libre, riche, aimée ! […] » Ainsi pensait l’indigné Jean Monteil. […] On frémit rien qu’à penser à ces douleurs.
« Mais enfin, dit Elvire, que pensez-vous donc faire ? […] Peut-être le poète rouennais, pour se donner cette licence, a-t-il pensé à ce qu’on nomme la barre ou le mascaret de la Seine, qui se fait sentir jusqu’à mi-chemin du Havre à Rouen. […] Pour moi, je pense que Corneille a eu raison de ne pas troubler le plaisir bien autrement noble et bien autrement vif de voler sur les cimes et de sentir que l’humanité dont on fait partie peut s’élever si haut. […] Lygdamon Pouvez-vous voir de l’eau sans penser à mes larmes ? […] Don Garcia Je le pense, seigneur.
Il y a deux manières de bien écrire, dont la première est de bien penser. […] Il se contente presque de penser. […] Tel Pascal qui est plus ému de ce qu’il pense d’après Montaigne que Montaigne lui-même. […] On s’étonne parfois qu’un homme qui pense si peu fasse penser les choses, que Notre-Dame de Paris. […] C’est s’exprimer par une image ; ce n’est point penser en images, comme Montaigne ou Victor Hugo.
Elle pense que la protestation du dernier héritier du nom suffira. […] » Il restait là, cloué, ne sachant à quoi il pensait. […] Oblomoff continua de rester couché et de penser à cette diable de lettre. […] Tu ne penses à rien ! […] C’est à la légende de don Juan qu’il faut penser.
— Qu’en pensez-vous ? […] Comment n’y avait-il pas pensé plus tôt ? […] Pense à ce que c’est, une enfant de seize ans ! […] pensait-elle. […] » pensai-je.
Mézières C’est le recueil posthume du noble écrivain disparu… Ces vers, si pleins, si forts, font penser à la poésie, toute virile, de Mme Ackermann.
Il fait penser à une paire de pantoufles inamovibles. […] Je pense que la figure extérieure de M. […] Pourquoi, pensait-il, s’adonner à ces laborieux divertissements ? […] L’empereur Jean pensa qu’il fallait en finir avec le péril russe. […] Sa place est marquée partout où il y a des hommes d’esprit, curieux de penser et de sentir.
Si avant M. de Polignac quelqu’un eût pu penser que cet article donnait au roi le droit de supprimer la Charte, c’eût été l’objet d’une perpétuelle protestation ; or personne ne protesta ; car personne ne pensa jamais que cet insignifiant article contînt le droit implicite des coups d’État. […] Cette âme peut résider en un fort petit nombre d’hommes ; il vaudrait mieux que tous pussent y participer ; mais ce qui est indispensable, c’est que, par la sélection gouvernementale, se forme une tête qui veille et pense pendant que le reste du pays ne pense pas et ne sent guère. […] La liberté de penser, alliée à la haute culture, loin d’affaiblir un pays, est une condition du grand développement de l’intelligence. […] La supériorité intellectuelle et militaire appartiendra désormais à la nation qui pensera librement. […] Là se fonderait la vraie liberté de penser, qui ne pas sans de solides études.
Pourquoi devinait-on ce que je pensais ? […] Il faudrait cependant, je le pensais bien, de la ruse et de la patience. […] Je me dirigeai, sans avoir l’air d’y penser, vers le jardin des religieuses. […] — Ma foi, je n’y pensais guère en la faisant, dit mon père en riant. […] Il me faisait penser à Mlle du Médic, et, peut-être, venait-il d’elle.
Son inutilité dans la société n’est pour lui ni un souci ni un remords ; d’ailleurs il n’y pense pas, et s’il y pense, il n’y croit pas. […] Il y eut des matinées de fatigue, d’insomnie, de colère, où je me moquais de la veille et où je pensai tous les blasphèmes que j’écrivis. […] Il ne pense pas, dans ce moment-là, il jouit, il est heureux ; il boit par les yeux le poison fatal dont il mourra. […] Je laisse à penser le plaisir que me causa une si aimable surprise… Dès cet instant nous travaillâmes ensemble. […] C’est l’autre qui chante à son gré, mal ou bien, et, quand j’essaye de penser à ça, je m’en effraye et me dis que je ne suis rien, rien du tout.
Le Roy, par exemple, c’est une fenêtre où deux mains apparaissent en un geste d’énigme ; mais au lieu de donner à penser qu’il évoque ainsi un moment du cœur humain, ce poète a cru devoir en avertir dès les premiers mots, et en spécifiant qu’il s’agit des mains de la Mort.
Ainsi en pense-t-on, du moins en Allemagne, en Angleterre & dans tous les autres pays [sans doute barbares], où l’on n’est pas encore persuadé, d’après nos graves Littérateurs, qu’il est impossible à un Moderne de bien écrire dans une langue morte.
Corneille était encore l’objet unique de l’admiration et de l’enthousiasme ; c’était un crime de penser que jamais personne pût s’élever à sa hauteur. […] Le portrait de Mithridate, tracé par Racine, est d’une ressemblance parfaite ; c’est Mithridate lui-même qui pense, agit et parle. […] Il revient d’une expédition galante, où il a pensé périr en essayant, avec Pirithoüs, de ravir la femme du tyran de l’Épire. […] Madame de Caylus, au contraire, pense que la pièce avait été mieux jouée par ces aimables pensionnaires qu’elle ne le fut depuis par les comédiens de Paris. […] Le comique de choses demande encore quelque attention ; il faut y penser pour en rire : c’est trop de fatigue pour nos cerveaux.
C’est tout le contraire, lorsque je pense à la faiblesse de l’homme, à ses pauvres moyens, aux embarras et à la courte durée de sa vie, et à certaines choses qu’il a entreprises et exécutées. […] Je vous jure que je le crois plus vrai et moins dangereux qu’un autre. — Je consulterai là-dessus leurs parens. — Leurs parens pensent bien et vous ordonneront d’apprendre à leurs enfans à penser mal. — Mais pourquoi ? […] — Je ne sais, et vous m’y faites penser pour la première fois. — C’est une chose toute simple. […] Vous n’y pensez pas, cher abbé ; j’aurais été à la fin de mon oraison, que vous en seriez encore au premier mot ; à la fin de ma description, que vous n’eussiez pas esquissé la première figure de mon tableau. — Ma foi, vous pourriez bien avoir raison. — Si je l’ai ! […] Il faut alors recourir à la nature, au premier modèle, à la première voie d’institution ; de là le plaisir des ouvrages originaux, la fatigue des livres qui font penser, la difficulté d’intéresser, soit en parlant, soit en écrivant.
Et Eugène Delacroix, qui venait de lire un article de lui sur le Cid, lui écrivait : « Je penserai à cela pendant quinze jours, et j’en ferai de meilleure peinture. » Ce sont là des suffrages, des titres de noblesse, et ils sont justifiés par ce qu’on lit depuis près de quinze ans, chaque dimanche soir, sous cette fière et résonnante signature : analyses d’ouvrages d’art ou de pièces de théâtre, feuilletons ou salons, comptes rendus qui sortent du cadre et qui sont eux-mêmes de brillants portraits ou des tableaux. […] Je ne pense pas que Théophile Gautier, de qui on a souvent rapproché M. de Saint-Victor, et qui, en effet, a pu être son maître un moment, soit aussi neutre, aussi indulgent, aussi placide d’impression qu’on veut bien le dire : il est facile, quand on lit Gautier avec intelligence, de saisir sa vraie impression et de la discerner, comme un sable fin, au fond de ce beau lac d’indifférence où il se joue ; mais enfin M. de Saint-Victor se distingue absolument de lui par la vivacité avec laquelle il articule et accuse en toute rencontre ses affections ou ses répugnances.
De quelque manière qu’on veuille interpréter ces symptômes évidents, qu’on y voie, comme les plus illuminés semblent le croire, l’annonce de je ne sais quelle femme miraculeuse destinée à tout pacifier ; qu’on y voie simplement, comme certains esprits plus positifs, la nécessité de réformer trois ou quatre articles du Code civil, nous pensons qu’il doit y avoir sous ce singulier phénomène littéraire une indication sociale assez grave ; nous aimons surtout à y voir un noble effort de la femme pour entrer en partage intellectuel plus égal avec l’homme, pour manier toutes sortes d’idées et s’exprimer au besoin en sérieux langage. […] Si l’on me demande ce que je pense de la moralité de Lélia, dans le seul sens où cette question soit possible, je dirai que, les angoisses et le désespoir d’une telle situation d’âme ayant été admirablement posés, l’auteur n’a pas mené à bon port ses personnages ni ses lecteurs, et que les crises violentes par où l’on passe n’aboutissent point à une solution moralement heureuse.
XVI En philosophie comme en amour, il est de ces esprits grossiers qui vont droit au fait, ils pensent aussitôt à réaliser ; c’est supprimer le plus délicat des plaisirs, qui est de connaître le vrai, de le goûter, et de savoir qu’il s’altère aussitôt qu’on le veut mettre en action parmi les hommes. […] XVIII Je pense sur la critique deux choses qui semblent contradictoires et qui ne le sont pas : 1° Le critique n’est qu’un homme qui sait lire, et qui apprend à lire aux autres ; 2° La critique, telle que je l’entends et telle que je voudrais la pratiquer, est une invention, une création perpétuelle.
. — Dans une deuxième édition (1857) sont ajoutés : Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée ; Louison ; On ne saurait penser à tout ; Carmosine ; Bettine. — Nouvelles (1841-1846) : Les Deux Maîtresses ; Emmeline ; Le Fils du Titien ; Frédéric et Bernerette ; Croisilles ; Margot. — Nouvelles, avec M. […] Il a pensé tout haut.
Stéphane Mallarmé, M. de Régnier n’a voulu borner à la forme ses désirs ; il est, pour penser ainsi, trop poète. […] Et enfin le poème de l’Homme et la Sirène, quoi qu’on pense de la polymorphie, enferme, sous des apparences compliquées, un sens très simple et très beau.
Je vois à l’énormité de son succès deux causes, dont l’une (la plus forte) est son excellence, et dont l’autre est, sans doute, une lassitude du public et comme un rassasiement, après tant d’études psychologiques, tant d’historiettes d’adultères parisiens, tant de pièces féministes, socialistes, scandinaves ; toutes œuvres dont je ne pense, à priori, aucun mal, et parmi lesquelles il y en a peut-être qui contiennent autant de substance morale que ce radieux Cyrano, mais moins délectables à coup sûr, et dont on nous avait accablés ces derniers temps. […] Je pense à vous, ô pauvres hères, À vous dont peut-être ce soir Je partagerai les misères, Parmi lesquels j’irai m’asseoir.
Reconnaître la distinction de ces deux vies, c’est reconnaître que la vie supérieure, la vie idéale, est tout et que la vie inférieure, la vie des intérêts et des plaisirs, n’est rien, qu’elle s’efface devant la première comme le fini devant l’infini, et que si la sagesse pratique ordonne d’y penser, ce n’est qu’en vue et comme condition de la première. […] Ce serait sans doute porter ses espérances sur l’avenir de l’humanité au-delà des limites respectées par les plus hardis utopistes que de penser que l’homme individuel pourra un jour embrasser tout le champ de la culture intellectuelle.
Et penser qu’il existe de bons petits journalistes parisiens qui n’ont pas assez d’ironies méprisantes pour l’art d’un pays, où les ouvriers sont de tels poètes ! […] Votre papa a beaucoup d’ennuis, et il ne faut pas parler ainsi. » L’infortuné pensa à ses devoirs envers son prince mort, et s’armant d’un cœur d’acier contre tout sentiment, il se recoucha et recommença à faire semblant de sommeiller.
Cette plaisanterie & l’Histoire des oracles pensèrent être fatales à leur auteur. […] Baltus & le maltraitèrent : ils vengèrent sur lui la liberté de penser opprimée & condamnée à se taire.
Mais quant aux autres, à ceux-là qu’on répudie aujourd’hui, je ne pense pas que l’avenir s’en soucie beaucoup, et l’avenir, en ce moment, commence, car, excepté moi, parmi les critiques contemporains, qui a songé à signaler cette réimpression des œuvres complètes de Gay, et à dire sur elle ce mot suprême après lequel on ne dit plus rien, et qui est à une renommée ce que le dernier clou, qu’on y plante, est à un cercueil ? […] Mais Mme Gay, qui a abordé la question du ridicule avec l’esprit d’un vaudevilliste, Mme Gay peint à peu près comme elle pensé, et ses caricatures n’ont pas plus de profondeur que ses aperçus.
En toutes choses, l’idéal est loin et recule, mais ici, il est si loin qu’il n’a plus besoin de reculer. » L’homme qui écrivait les lignes précédentes, en 1828, dans un des recueils périodiques les plus estimés de l’Angleterre, devait plus tard devenir lui-même un historien, et il serait piquant de savoir si, quand il écrivait ainsi, il pensait déjà à le devenir, et s’il ne méritait pas qu’on lui appliquât le mot de Pope sur Addison : « Addison — disait Pope — ressemble à ces sultans d’Asie, qui ne croient jamais régner en sûreté qu’après avoir fait périr tous leurs frères. » En décapitant tous les historiens d’un seul revers de plume, Macaulay songeait-il à se préparer un royaume ? […] Voilà pourtant ce qu’est devenu un homme qui pensait, observait et remuait des faits autrefois, et qui semblait organisé pour autre chose que pour pêcher à la ligne, dans l’Histoire, une idée qu’il avait commencé par y mettre — comme on met du poisson dans un étang — pour l’y retrouver.
Hatin aurait dû examiner tout d’abord s’il avait eu seulement en lui velléité d’homme d’État, cette question n’a pas même été abordée, et rien n’a pu l’y faire penser dans les circonstances du récit qu’il a commencé et qu’il va poursuivre. […] Qu’il cite moins et pense davantage en son nom personnel.
C’est à Paris, en effet, que cet Italien, naturalisé Français par un langage aussi étonnant pour un étranger que celui d’Hamilton (dans les Mémoires de Gramont), publia son fameux livre dialogué sur les blés, que Voltaire appela du Platon égayé par Molière, et qui fricassa les économistes balourds de ce temps dans la poêle à frire de la plaisanterie, chauffée avec cette verve qui faisait penser Catherine II au Vésuve, quand elle lisait Galiani ! […] Antiquaire, il avait trouvé l’épée de César Borgia, et c’est à propos de cette épée qu’il pensa à écrire la vie de l’homme indéchiffrable de scélératesse qui l’avait portée.
Aussi, pour peu qu’on aimât les lettres et qu’on tînt à elles, au bien qu’elles font, à la gloire qu’elles donnent, par quelque ardente sympathie, on était heureux de penser que les lettres seules avaient préservé les quarante premières têtes de France de cette contagion d’idées fausses qui, à cette époque, avait saisi tous les esprits, et les savants plus que personne. […] La critique, qui exigera davantage, sera bien obligée de reconnaître que le Remède au paupérisme a pour tout mérite une consciencieuse vulgarité, et on n’expliquera son succès qu’en disant qu’il est une de ces œuvres qui reposent une Académie lasse de penser, comme madame Grant, d’apathique et de somnolente mémoire, reposait le prince de Talleyrand.
Plus grand qu’eux tous enfin, l’empereur Napoléon, qui un moment put se croire Charlemagne, — et qui, plus catholique, peut-être l’aurait été, et a trop fait voir qu’il ne l’était pas, — Napoléon, ce Napoléon qui, par parenthèse, avait pensé à donner à son fils pour précepteur le catholique Bonald, si son fils n’avait pas été le roi de Rome, Napoléon lui-même, malgré tout son génie, avait partagé l’erreur commune — cette erreur qu’on pourrait appeler la grande erreur du xixe siècle ! […] Il n’a pensé qu’à réfléchir exactement les choses contemporaines.
Et il l’a été en effet, pour penser, ce fils d’hommes armés, avec ce désarmement de pensées : Je ne demande rien en somme, Ne flattant pas, on le sait bien… Ma route est solitaire comme La route où l’on ne gagne rien ! […] De même, dans le Dimanche des Rameaux où tout est peint d’un ardent et vif mouvement de brosse, tout, excepté l’intérieur de l’église qui importait plus que le dehors, le poète va chanter la Mère Godichon, ce qui soulève… et fait penser que, si le pauvre et noble Dépouillé se souvient de son blason pourpré de gentilhomme, en regardant la pourpre et l’or d’un beau soleil couchant, les poètes ont aussi leurs blasons, comme les gentilshommes, leurs blasons qu’ils doivent toujours regarder !
Pensez, à leur exemple, que le bonheur est la liberté, et que la liberté est dans la grandeur de l’âme. » Il s’adresse ensuite aux pères de ces guerriers. […] On sait que, seul et sans secours, il fit trembler Philippe ; qu’il combattit successivement trois oppresseurs ; que, dans l’exil même, il fut plus grand que ses concitoyens n’étaient ingrats ; qu’il pensa, parla, vécut toujours pour la liberté de son pays, et travailla quarante années à ranimer la fierté d’un peuple devenu, par sa mollesse, le complice de ses tyrans.
Pendant leur vie, la plupart existent séparés de la foule, méditant tandis qu’on ravage, et occupés à penser sur ce globe que l’avarice et l’ambition bouleversent. […] Des savants dans les langues, tels qu’Adrien Turnèbe, un des critiques les plus éclairés de son siècle, Guillaume Budé, qu’Érasme nommait le prodige de la France, et dont il eut la faiblesse ou l’orgueil d’être jaloux, qui passait pour écrire en grec à Paris comme on eût écrit à Athènes, et qui, malgré ce tort ou ce mérite, fut ambassadeur, maître des requêtes et prévôt des marchands ; Longueil, aussi éloquent en latin que les Bembe et les Sadolet, et mort à trente-deux ans, comme un voyageur tranquille qui annonce son départ à ses amis ; Robert et Henri Étienne, qui ne se bornaient pas, dans leur commerce, à trafiquer des pensées des hommes, mais qui instruisaient eux-mêmes leur siècle ; Muret exilé de France, et comblé d’honneurs en Italie ; Jules Scaliger, qui, descendu d’une famille de souverain, exerça la médecine, embrassa toutes les sciences, fut naturaliste, physicien, poète et orateur, et soutint plusieurs démêlés avec ce célèbre Cardan, tour à tour philosophe hardi et superstitieux imbécile ; Joseph Scaliger sort fils, qui fut distingué de son père, comme l’érudition l’est du génie ; et ce Ramus, condamne par arrêt du parlement, parce qu’il avait le courage et l’esprit de ne pas penser comme Aristote, et assassiné à la Saint-Barthélemi, parce qu’il était célèbre, et que ses ennemis ou ses rivaux ne l’étaient pas.
Travaillons donc à bien penser. […] Mais l’homme ne serait pas l’homme s’il ne pensait librement. […] Et puis, il y a tant de manières de dire ce qu’on pense ! […] Ne pensez pas nous réconcilier avec la nature. […] Mais on peut penser qu’il y dévorait Valentine et Lélia.
Celui qu’il fit la rassura bien sur la façon de penser de l’auteur, mais non sur celle de tous ses confrères. […] On a parlé si diversement du cardinal de Noailles, que bien de personnes ne sçavent qu’en penser. […] Un de ces philosophes qui pense le plus, dit que tout homme qui pense est un animal dépravé. […] S’en sente donc, qui voudra, offensé ; Car ceux à qui un tel bien ne peut plaire, Doivent penser, si ja ne l’ont pensé, Qu’en vous plaisant, me plaist de leur deplaîre. […] Il fait un effort pour oublier sa cruelle situation, & pense à sauver ce qu’il avoit de plus cher au monde.
Nous savons aujourd’hui, grâce aux confidences d’Eckermann, ce qu’il pensait de Molière. […] Vous pouvez penser de la langue de Beaumarchais tout ce que vous voudrez, vous n’en penserez jamais autant de mal que je ne fais moi-même. […] Car, qu’y a-t-il de plus inconséquent que de penser d’une façon et de parler ou d’agir d’une autre ? […] Chez eux aussi, dit-on, chacun pense, parle et agit, comme soi, sans crainte du ridicule. […] Je pense que vous exagérez, mon cher ami.
Et tout d’abord, nous avons pensé à l’offrir (telle que M.
Avant-propos On pensera, peut-être, qu’il y a de l’empressement d’auteur à faire paraître la première partie d’un livre quand la seconde n’est pas encore faite ; d’abord, malgré la connexion de ces deux parties entre elles, chacune peut être considérée comme un ouvrage séparé ; mais il est possible aussi que, condamnée à la célébrité, sans pouvoir être connue, j’éprouve le besoin de me faire juger par mes écrits.
Émile Pouvillon Votre midi n’est pas un midi quelconque, mais le midi du Languedoc, quelque chose entre l’éblouissement de la Provence et le sourire de l’Aquitaine, le midi de votre Peyrou montpelliérain qui voit la montagne et la mer, mais qui les voit sans les toucher, dans la fluidité d’un rêve ; le midi de Nîmes et de la maison Carrée, et encore, le midi de Pradier, de ce gentil statuaire qui mit un reflet de la beauté antique sur ses mièvres et voluptueuses figurines, auxquelles certaines de vos poésies font penser quelquefois.
Je ne serais point éloigné de penser comme M.
Les Savans pensent que Dom Ceillier est plus exact que du Pin, mais qu’il n’a pas le talent d’analyser & de s’exprimer comme lui, ce que nous croyons sans peine : il faudroit trop de temps pour vérifier les fondemens de cette assertion ; car son Ouvrage n’a pas moins de 23 volumes in-4°.
A en juger par la maniere dont il a écrit dans la nôtre, on seroit tenté de penser qu’il n’en possédoit parfaitement aucune.
C’est là qu’il faut apprendre à penser & à parler comme il convient sur la tolérance.
Ils pensent sincèrement n’en avoir que pour le service des autres, et même le travers d’en montrer plus qu’ils n’en ont leur est dérobé par l’honnêteté de leur dessein. […] Ils pensent moins à nous épouvanter qu’à nous tenir en inquiétude sur nous-mêmes, et l’honnête homme, ne le fût-il que selon le monde, ne trouve rien dans leurs prescriptions que sa conscience ne lui ait conseillé. […] Que penserait-on, en littérature, d’un critique qui s’évertuerait à nous prouver que nous avons le droit de faire du nouveau à tout prix, et qui pousserait à la production des livres, au nom des libertés de l’esprit humain ? […] Pour Pascal surtout, il ne nous a guère laissé qu’à penser comme lui ou à n’être pas dans le vrai. […] Penser tout cela était du bonheur, le dire tout haut était témérité.
D’autre part le fait simple de savoir toujours ce qu’il pense et ce qu’il fait supprime de son âme la passion, le premier mouvement, la sincérité. […] Poussée à ce point d’ascendant, la sensibilité détermine évidemment une infériorité chez l’artiste, en ce qu’elle l’empêche de bien voir et de penser. […] L’homme de lettres, en prenant cette désignation dans un sens choisi, est par définition un homme supérieur, c’est-à-dire dont l’activité cérébrale dépasse celle d’une unité sociale moyenne : c’est-à-dire encore un homme qui dépense sa plus grande somme d’énergie à penser. […] S’il est doublé d’un psychologue, à plus forte raison, les romanciers de l’âme et les poètes sensitifs, les hommes à la Stendhal et à la Baudelaire se regardent vivre, vouloir, aimer, haïr, sentent sans cesse, à côté des portions d’homme normal et instinctif qui subsistent en eux, un impassible et perspicace témoin, qui mine leur activité spontanée en la contrôlant : Il semble avoir deux âmes, dit M. de Maupassant dans un article récent, l’une qui recueille et commente chaque sensation de sa voisine, l’âme naturelle commune à tous les hommes ; et il vit condamné à être toujours, en toute occasion, un reflet de lui-même et un reflet des autres, condamné, à se regarder sentir, agir, aimer, penser, souffrir, et à ne jamais souffrir, penser, aimer, sentir comme tout le monde, bonnement, franchement, simplement, sans s’analyser soi-même après chaque joie et après chaque sanglot….. […] Il faudra que l’on sache que tous nous y sommes immolés et non pour notre bien mais pour l’avancement d’un progrès industriel abstrait pour l’accroissement d’un capital brut et mort que l’on paye trop cher si on le paye du sacrifice du repos, du loisir, de la liberté de penser et de jouir.
En opposition aux salamalecs de tous nos officiels déguisés ou non, je pense encore à l’humour de Jarry, aux poèmes blanc sur blanc de Paul Éluard. […] Mais que penser du sot et mauvais romantisme de qui range Rimbaud, poète béni par excellence, dans les rangs des poètes mauditsaw ? […] Ils essaient de se rattraper aux branches secondaires, de dessiner des arabesques, d’oublier le fond pour la forme, de ne plus penser au pourquoi, mais au plus simple, au plus facile comment. […] Il n’endort pas ses fauves pour jouer au dompteur mais, toutes cages ouvertes, clés jetées au vent, il part, voyageur qui ne pense pas à soi mais au voyageck, aux plages de rêves, forêts de mains, animaux d’âme, à toute l’indéniable surréalité. […] Autant qu’au personnage du Tiers Livre de Rabelais, on peut penser au Raminagrobis de La Fontaine dans « Le chat, la belette et le petit lapin » : « Arbitre expert sur tous les cas ».
Est-ce en deçà, est-ce au-delà du point mathématique que je détermine idéalement quand je pense à l’instant présent ? […] Peu importe la théorie de la matière à laquelle vous vous ralliez : réaliste ou idéaliste, vous pensez évidemment, quand vous parlez de la ville, de la rue, des autres chambres de la maison, à autant de perceptions absentes de votre conscience et pourtant données en dehors d’elle. […] Lorsque nous pensons ce présent comme devant être, il n’est pas encore ; et quand nous le pensons comme existant, il est déjà passé. […] Incapable sans doute de penser l’universel, puisque l’idée générale suppose la représentation au moins virtuelle d’une multitude d’images remémorées, c’est néanmoins dans l’universel qu’il évoluerait, l’habitude étant à l’action ce que la généralité est à la pensée. […] Un mot d’une langue étrangère, prononcé à mon oreille, peut me faire penser à cette langue en général ou à une voix qui le prononçait autrefois d’une certaine manière.
Or, si toute perception concrète, si courte qu’on la suppose, est déjà la synthèse, par la mémoire, d’une infinité de « perceptions pures » qui se succèdent, ne doit-on pas penser que l’hétérogénéité des qualités sensibles tient à leur contraction dans notre mémoire, l’homogénéité relative des changements objectifs à leur relâchement naturel ? […] — Nous avons pensé qu’il y aurait un troisième parti à prendre. […] Quand je vois le mobile passer en un point, je conçois sans doute qu’il puisse s’y arrêter ; et lors même qu’il ne s’y arrête pas, j’incline à considérer son passage comme un repos infiniment court, parce qu’il me faut au moins le temps d’y penser ; mais c’est mon imagination seule qui se repose ici, et le rôle du mobile est au contraire de se mouvoir. […] Pourquoi pensons-nous à un atome solide, et pourquoi à des chocs ? […] Concevons-nous que ce contenu augmente, et quand nous parlons d’un temps indéfiniment divisible, est-ce bien à cette durée que nous pensons ?
Je ne viens pas concourir comme bien l’on pense, ni anticiper non plus sur un jugement dans lequel j’entrerai très peu : je ne veux que rendre à ma manière, et comme quelqu’un du dehors, l’impression qu’a faite sur moi la lecture de Froissart, la rejoindre et la comparer à cette autre impression que m’ont produite les mémoires de Joinville. […] Pendant la traversée en Angleterre, le jeune homme pensait plus volontiers à la poésie qu’à autre chose, et, malgré le mauvais temps et sans se soucier de la grosse mer qu’il faisait, il ne songeait, nous dit-il, qu’à finir un rondeau pour sa dame. […] I, p. 51, 53), et pense que Froissart ne porta en Angleterre que des poésies, et qu’il ne commença ses enquêtes historiques que postérieurement à son second voyage.
Lassay, qui n’était pas de si bonne maison, l’épousa et en eut un fils unique ; puis la perdit et en pensa perdre l’esprit. […] En essayant, sans trop d’effort, de rejoindre ensemble ce que Saint-Simon nous dit de Lassay et ce que Lassay nous dit de lui-même, il arrivera pourtant que nous serons peut-être plus indulgent envers l’homme : c’est un résultat moins rare qu’on ne pense. […] Elle répondit que son parti était pris, et qu’elle n’avait que faire d’y penser davantage ; et puis elle rentra dans la chambre où était la compagnie pour prendre congé de M. de Lorraine qui, ayant appris de quoi il était question, se mil dans des transports de colère effroyables ; après l’avoir calmé autant qu’elle put, elle donna la main à M.
Il avait remarqué dans l’histoire du monde un peuple célèbre, dont les institutions avaient quelque chose de singulier ; il a pensé que l’étude de l’histoire et des institutions de ce peuple pouvait faire naître quelques réflexions utiles ; mais, en rendant justice au savoir, au talent de plusieurs des historiens nationaux, il n’a point trouvé chez eux cette indépendance qui est la première qualité de l’historien. […] Daunou, qui pensait du bien de l’ouvrage de M. […] Rien ne m’autorisait, en 1788, à penser que je pusse être jamais appelé à prendre quelque part aux affaires de mon pays.
Quand je pense aux grandeurs dont l’éclat l’environne, De sa témérité mon courage s’étonne, Je doute du beau feu dont je me sens épris, Et ne puis croire encor d’avoir tant entrepris. […] On conçoit qu’il ait dit de Virgile : « Virgile est ma folie, et je soutiendrai jusqu’à la mort que ses Géorgiques sont le plus bel ouvrage qui soit jamais sorti de la main des Muses. » On le conçoit surtout en lisant la pièce suivante, où respire avec l’amour des champs une sagesse tranquille, et dont j’interromprai à peine la citation complète par une ou deux remarques : Heureux qui sans souci d’augmenter son domaine Erre, sans y penser, où son désir le mène, Loin des lieux fréquentés ! Il marche par les champs, par les vertes prairies, Et de si doux pensers nourrit ses rêveries, Que pour lui les soleils sont toujours trop hâtés.
On avait parlé d’exclure de la nomination ceux qui tenaient des pensions du gouvernement ; il se crut obligé de déclarer à l’Assemblée qu’il tenait, des grâces et des pensions du gouvernement, la plus grande partie de sa fortune : Je ne crois pas que l’on pense à moi pour la députation, disait-il, mais je dois cet éclaircissement, qui m’en éloigne à jamais ; je crois même devoir prévenir mes collègues que dans le cas où, malgré cette motion et les motifs d’exclusion qu’elle établit, on me ferait l’honneur de me nommer, je me ferais un devoir de refuser.
Au moment de la conversion de Henri IV, Charron pensa qu’il était bon et opportun de publier une réfutation de cet ancien traité, et qui fût en même temps une exhortation claire et démonstrative, une sorte de manifeste résumant le vœu de tous les bons Français et leur désir de voir les principaux compagnons du roi de Navarre imiter l’exemple de leur roi. […] Par vulgaire, il n’entend pas le peuple proprement dit, « mais les esprits populaires, de quelque robe, profession et condition qu’ils soient », gens opiniâtres à ce qu’ils ont une fois pris à cœur, et qu’il y a péril à venir heurter dans leurs préjugés établis : dont il a semblé à plusieurs, dit-il, qu’il n’y faut aucunement toucher, mais laisser le moutier où il est, laisser rouler le monde comme il a accoutumé, et se contenter d’en penser ce qui en est ; et que ce n’est raison que les sages se mettent en peine pour les fols opiniâtres. […] L’auteur a possédé sa matière et l’a tirée de son propre fonds (c’est le contraire), y mettant beaucoup de réflexions particulières ; donnant un tour singulier à celles qui sont communes, s’énonçant d’une manière propre à faire penser plus qu’il ne dit, et réveillant l’attention par la vivacité de ses expressions, quelque usées qu’elles commencent d’être… » Mais ce ne sont pas seulement les pensées, ce sont le plus souvent les expressions mêmes de Charron qui sont prises de Montaigne.
Mais je vous prie, se mit à dire là-dessus Henri IV parlant de Catherine et l’excusant, qu’eût pu faire une pauvre femme ayant, par la mort de son mari, cinq petits enfants sur les bras, et deux familles en France qui pensaient d’envahir la couronne, la nôtre et celle de Guise ? […] Jung est de trop appliquer la méthode de Quintilien à Henri IV, de lui vouloir prendre la mesure comme à un ancien, de trop diviser et subdiviser son esprit, sa manière de penser et de dire, de séparer dans des compartiments divers ce qui n’a jamais fait qu’un, et ce qu’il vaudrait mieux accepter sous sa forme naturelle ; en un mot, de trop vouloir traiter comme un livre ce qui est un homme. […] Et puis, j’ai surtout pensé aux génies nos contemporains qui, en ceci, n’offrent pas tous l’exemple d’un parfait équilibre.
Il accordait beaucoup plus aux autres ; il insinuait ses observations sans les imposer ; il ne fermait, la bouche à personne ; il n’arrachait point la parole comme on le fait si souvent ; il savait que « l’intérêt est l’âme de l’amour-propre », même en conversation ; que, si chacun ne pense qu’à soi et à ce qu’il va dire, il paralyse les autres ; que la meilleure manière de les ranimer et de les tirer de l’assoupissement ou de l’ennui, c’est de s’intéresser à eux et de toucher à propos les fibres qui leur sont chères. […] Cousin s’écria pour la première fois qu’il venait de découvrir la littérature des femmes au xviie siècle (15 janvier 1844), un critique qui ne pensait alors qu’à se rendre compte à lui-même de son impression particulière écrivit la note suivante : L’article de M. […] Est-ce par hauteur et par fierté que je pense ainsi ?
Ceux qui pensaient de la sorte, s’ils survécurent jusqu’en 1670, se trouvèrent tout d’un coup de cinquante ans en arrière. […] Tout cela est poétique ; mais quand je pense à la sainteté et à la majesté redoutable de Dieu, à qui nous devons rendre compte de toute notre vie, et qui condamnera tout ce qui n’aura pas été fait pour lui, en vérité, mon cher monsieur, il faut trembler, et j’aimerais mieux lui demander pardon par mes pleurs que faire encore des vers où, en avouant mes fautes, je ne laisse pas de demander récompense de mes ouvrages. […] Mais y pense-t-on bien ?
S’il n’était question que d’accompagner la reine jusqu’à la frontière, je ne penserais pas à cet emploi, car ce qui me le fait désirer principalement, après le service du roi qui passe chez moi avant toute chose, c’est l’envie que j’ai de solliciter moi-même à la cour de Madrid des affaires considérables que j’ai dans le royaume de Naples. […] Mme des Ursins, en recevant les ordres du roi par Torcy, ne se sent pas de joie ; Mme de Noailles en a la première effusion et le rejaillissement : « Au reste, madame, je suis transportée de joie, et depuis le matin jusqu’au soir je ne suis occupée qu’à penser combien vous êtes aimable. » Il est curieux de voir comme d’abord elle diminue la portée et la visée de sa mission : elle est choisie pour accompagner Mme la princesse de Savoie jusqu’à Madrid ; voilà tout ; rien au-delà ; qu’elle mette le pied en Espagne, cela lui suffit ; elle ne restera que juste autant qu’il le faudra pour ses affaires et autant que le roi le lui commandera : elle n’est qu’un instrument docile, obéissant et presque inerte dans la main des puissances de Versailles. […] Dernièrement la lampe s’était éteinte parce que j’en avais répandu la moitié : je ne savais où étaient les fenêtres, que je n’avais point vues ouvertes parce que nous étions arrivés de nuit dans ce lieu-là ; je pensai me casser le nez contre la muraille, et nous fûmes, le roi d’Espagne et moi, près d’un quart d’heure à nous heurter en le cherchant.
Elle a été galante, elle a été légère, elle a ébloui les yeux des princes et de ceux qui sont devenus rois ; elle n’a pas cru qu’on dût résister à la magie de sa beauté ni qu’elle dût y résister elle-même ; elle a tout naturellement cédé et sans combat, elle a triomphé des cœurs à première vue et n’a pas songé à s’en repentir ; elle a obéi à cette destinée d’enchanteresse comme à une vocation de la nature et du sang ; il lui a semblé tout simple de jouer tantôt avec les armes royales de France, et tantôt avec celles d’Angleterre qu'elle écartelait à ses panneaux : mais tout cela lui a été et lui sera pardonné, à elle par exception ; tous ses péchés lui seront remis, parce qu’elle a si bien pensé, parce qu’elle a si loyalement épousé les infortunes royales, comme elle en avait naïvement usurpé les grandeurs ; parce qu’elle est entrée dans l’esprit des vieilles races à faire honte à ceux qui en étaient dégénérés ; parce qu’elle a eu du cœur et de l’honneur comme une Agnès Sorel en avait eu ; parce qu’elle a eu de l’humanité au péril de sa vie, parce qu’elle a confessé la bonne cause devant les bourreaux, et qu'elle a osé leur dire en face : Vous êtes des bourreaux ! […] cette dernière relation (Souvenirs de quarante ans, récits d’une dame de Mme la dauphine) est bien touchante, bien sentie, très modérée de ton, très habile ; seulement, il y a sous-main, cela est trop sensible, un arrangeur, un rédacteur autre que Mme de Béarn elle-même ; et dès lors je suis inquiet, je conçois des doutes, je pense à M. […] J’avais grand-peur qu’il ne votât pour la réclusion, car je n’ai jamais pensé à pis que cela.
Je n’aurais jamais pensé que la nature humaine pût descendre si bas : elle a passé mes conjectures et mes espérances. […] Enfin nous voyons le commencement de ce schisme que je prévoyais, car ne pensez pas qu’on en reste là. » (7 décembre 1825.) […] Homme d’Église et à la fois de sentiment démocratique (si l’on va au fond), il avait pensé naturellement d’abord à opérer cette régénération par l’Église, l’élite du monde selon lui, et par le chef de l’Église, dirigeant et inspirant sa sainte milice.
— j’ai pensé souvent à ces deux noms, à ces deux jeunes hommes bien regrettables, si tôt enlevés, un peu trop vantés sans doute, mais qui, en vivant, eussent justifié une bonne partie des louanges ; et ces louanges anticipées ou exagérées s’expliquent naturellement par la mort, par l’impression d’une perte soudaine et sensible, et parce que, tous deux, ils sont tombés entre les bras de leurs amis qui sont tout un parti et tout un corps, — le corps universitaire, le parti religieux. […] Ils sont fort jolis, ces discours, fort bien pensés et aussi élégamment tournés que possible. […] Hachette ; on peut dire qu’il éclata aux yeux de ce public de l’Université par sa polémique sur les Classiques chrétiens de l’abbé Gaume (1852), un sujet auquel il avait pensé de tout temps et dont il était plein.
Je ne crois pas que nous puissions cette fois penser à Monseigneur de Poitiers pour sa fameuse oraison funèbre récente62 ; on verra plus tard. — Il y a le Père Gratry déjà indiqué, qui a le talent des conférences ; essayons donc et mettons sur la liste le Père Gratry. […] Et quand même, après examen et franche discussion, « il ne sortirait pas de résultat bien différent de celui qu’on peut attendre du monde d’aujourd’hui, ce serait du moins une satisfaction accordée à la minorité de l’Académie ; car voir surgir sans cesse des candidats imprévus, qui ne relèvent que de leur caprice et du bon plaisir d’une majorité qui les suscite ou qui les adopte sans jamais donner de raisons ni d’explication ; subir ces choix de confrères nouveaux, sans avoir eu soi-même voix au chapitre (car un vote muet n’est pas une voix), sans avoir été mis préalablement à même de parler et de répondre, de dire ce qu’on pense et de faire dire aux autres ce qu’ils pensent aussi, sans avoir été bien et dûment vaincu ou (qui sait ?)
Lacaussade donne à une amie des explications touchantes sur ce qu’elle avait pu penser un moment qu’il rejetait avec colère son ancien culte et les rêves de sa jeunesse : Mon idéal trompé fait ma misanthropie ! […] Le procédé qui, de nos jours, a prévalu en poésie, a été souvent un procédé à outrance sur tous les points : on en pensera ce qu’on voudra, mais c’est un fait. […] C’est beau, c’est alexandrin, c’est bien plaidé, dirai-je au poëte, et rendu en vers philosophiques élevés ; mais, quand Jupiter se changeait en cygne, il ne pensait sans doute pas à toutes ces grandes choses. — Enfin, sans y voir tant de mystère, et toute symbolisation à part, on doit au moins reconnaître chez M.
Les Allemands, qui vont être amis particuliers de Mme de Staël, tels que Guillaume Schlegel, sont d’une autre génération déjà que Goethe et Schiller, et ceux-ci avaient une manière de penser antérieure et un peu différente. […] Cela fait qu’on est parfaitement à l’aise auprès d’elle en dépit de la différence immense des caractères et des façons de penser, au point que de sa part on peut tout supporter et qu’on se plaît à lui tout dire. […] Or, le maître et l’oracle en telle matière l’a observé, « le genre de bien-être que fait éprouver une conversation animée ne consiste pas précisément dans le sujet de cette conversation ; les idées ni les connaissances qu’on peut y développer n’en sont pas le principal intérêt ; c’est une certaine manière d’agir les uns sur les autres, de se faire plaisir réciproquement et avec rapidité, de parler aussitôt qu’on pense, de jouir à l’instant de soi-même, d’être applaudi sans travail, de manifester son esprit dans toutes les nuances par l’accent, le geste, le regard ; enfin, de produire à volonté comme une sorte d’électricité qui fait jaillir des étincelles, soulage les uns de l’excès même de leur vivacité, et réveille les autres d’une apathie pénible ».
Nous avons bien pensé ne vous pas envoyer notre enfant, le lait de sa nourrice s’étant arrêté presque aussitôt après son arrivée, et ayant été même obligés d’en envoyer quérir une autre. […] Aussi ne marche-t-on qu’avec eux, en s’appuyant sur eux, sur ce qu’ils ont dit ; on a dans la mémoire toutes sortes de belles ou jolies sentences, recueillies à loisir et qu’on tient à placer ; on dirige tout son discours, on incline tout son raisonnement pour amener une phrase de Quintilien, pour insinuer une pensée de Cicéron, et l’on est tout content d’avoir échappé ainsi à penser par soi-même et en son propre nom. […] tout est sauvé ; on a pensé avec l’esprit d’un autre et parlé avec ses paroles.
C’est ce qui faisait dire à Saint-Évremond encore, lorsqu’il voulait marquer le contraste étrange qu’il y avait de Corneille composant et s’exprimant avec sublimité au nom de ses personnages, à ce même Corneille conversant assez brusquement ou platement pour son compte dans la vie commune : « Il ose tout penser pour un Grec ou pour un Romain : un Français ou un Espagnol diminue sa confiance ; et quand il parle pour lui, elle se trouve tout à fait ruinée. […] Pensez-y, belle Marquise : Quoiqu’un grison fasse effroi, Il vaut bien qu’on le courtise Quand il est fait comme moi. » Il semble, après la lecture de ces vers si naturels, si francs, si bien dans le ton et dans le tour des sentiments de Corneille, qu’il n’y ait plus qu’une question à se faire : c’est de se demander quelle est cette marquise. […] Il prend Rodogune, la pièce dont Corneille se faisait le plus d’honneur ; il l’accepte pour le chef-d’œuvre du poète, et l’analysant, la disséquant sans pitié, Dieu sait ce qu’il en pense et ce qu’il en dit !
Il pense avec Dion Cassius « que tant que la République fut petite et son territoire médiocre, la forme républicaine pouvait suffire et qu’elle fut un bien, mais que, sitôt que Rome, se jetant au dehors de l’Italie et traversant les mers, eut rempli de sa puissance les continents et les îles lointaines, la République n’était plus qu’un mal. » Voyez Rome, en effet, au temps de César et avant qu’il mette la main à l’Empire, avant qu’il soit revenu des Gaules pour passer le Rubicon : quelle confusion ! […] L’œuvre de la philosophie est maintenant plus modeste ; elle ne doit pas affecter une si ambitieuse tâche. » Et un autre jour, après quelque dégoût amer et quelque expérience nouvelle de l’ingratitude ou de l’inintelligence des hommes : « Supporte patiemment la mort, en songeant que tu n’as pas à quitter des hommes qui pensent comme toi. […] Il ne criait pas comme ce révolutionnaire cynique : « Je suis soûl des hommes », il le pensait.
Blâmez-moi, mais ne m’accusez pas… » Si ce n’étaient là que des modesties de préface, on ne les relèverait pas ; mais il est à craindre que le poëte ne pense en vérité ce qu’il dit de la sorte. […] C’est après tout, pourraient-ils penser, le même tour d’esprit qu’on apporte dans des sujets divers ; l’élévation s’y retrouverait sans doute, mais la négligence aussi dans le détail et dans l’emploi. […] Pascal pensait qu’un bon poëte n’est pas plus nécessaire à l’État qu’un bon brodeur : il venait de lire un sonnet de Voiture.
J’oserai penser que ses fonctions d’inspecteur général des monuments n’ont été que le prétexte : la science elle-même l’attirait. […] L’action du roman, l’honneur d’Orso, et l’agrément du lecteur qui pense en ceci comme miss Nevil, sont parfaitement conciliés. […] Et cet autre refrain, qu’à l’oreille d’Orso tous les échos murmurent, ne le cède à rien en opiniâtre et fixe clameur : « A mon fils, mon fils en lointain pays, — gardez ma croix et ma chemise sanglante… — Il me faut la main qui a tiré, — l’œil qui a visé, — le cœur qui a pensé… » La scène avec les Barricini autour de la bière du pauvre Pietri ne ferait pas un indigne pendant, pour le tragique, à ce qui se passe là-bas au pied du tombeau d’Agamemnon.
Il faut, malgré les différences qui existeront longtemps encore entre les deux nations, que les écrivains français se hâtent d’apercevoir qu’ils n’ont plus les mêmes moyens de succès dans l’art de la plaisanterie ; et loin de penser que la révolution leur ait donné plus de latitude à cet égard, ils doivent veiller avec plus de soin sur le bon goût, puisque la société et toutes les sociétés, confondues après une révolution, n’offrent presque plus de bons modèles, et n’inspirent pas ces habitudes de tous les jours, qui font de la grâce et du goût votre propre nature, sans que la réflexion ait besoin de vous les rappeler. […] Ce que notre destinée a eu de terrible, force à penser ; et si les malheurs des nations grandissent les hommes, c’est en les corrigeant de ce qu’ils avaient de frivole, c’est en concentrant, par la terrible puissance de la douleur, leurs facultés éparses. […] Quelques-uns ont pensé qu’il fallait substituer à l’accueil jadis bienveillant des Français la froideur et la dignité.
Dans les salons, cela se conçoit, domine l’influence encyclopédique et voltairienne ; Mme du Deffand écrit à Voltaire : « Il n’y a que votre esprit qui me satisfasse » ; et Mme de Choiseul le pense. […] Beaumarchais a mis tous ses instincts de révolte ; par la bouche de Figaro, il verse le ridicule sur tout ce qui soutenait l’ancien régime : noblesse, justice, autorité, diplomatie ; il fait une revendication insolente des libertés de penser, de parler et d’écrire, il réclame contre l’inégalité sociale ; d’un côté, la nullité et la jouissance ; de l’autre, le mérite et la peine. « Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie ; … vous vous êtes donné la peine de naître, rien de plus ; … tandis que moi, morbleu ! […] Beaumarchais n’a pas inventé, une idée : il n’est qu’un écho : il ne fait que recueillir la quintessence des doctrines encyclopédiques, ramasser les aspirations du public, aiguiser en mots coupants ce que tout le monde pense.
Conclusion : Mangeons, buvons et ne pensons à rien. […] Je suis honteux de voir un poète lyrique penser comme un antidéiste des Batignolles. […] Les étoiles disent à l’homme : Parce que de mots creux et d’orgueil tu t’empiffres, Tu penses blasphémer en rotant contre nous.
Ce qu’il en reproduit le plus heureusement, c’est le tour par lequel on sent surtout que saint Bernard est un Français qui pense avec le tour d’esprit de son pays ; et qui s’exprime dans une langue étrangère. […] Ils ne connaissent point le passé, ou ils le connaissent encore plus mal que les clercs ; ils pensent dans un lieu et dans un temps, avec une raison qui n’a pas de traditions qui ne sait pas qu’elle est la raison universelle. […] Que penser maintenant de la chimère d’une littérature exclusivement nationale ?
Il faut penser au Discours de la méthode et au traité de la Connaissance de Dieu et de soi-même, pour trouver à quelles créations de l’esprit humain comparer les Époques. […] Et quand il ajoute : « Si l’on écrit comme l’on pense (mettez : si l’on parle), si l’on est convaincu de ce qu’on veut persuader, cette bonne foi avec soi-même, qui fait la bienséance pour les autres et la vérité du style (mettez : du langage), lui fera produire tout son effet… » le précepte s’adresse-t-il aux auteurs seulement ou à tout honnête homme qui veut amener les autres à son opinion ? […] Il n’a pas pensé à la liberté.
La foule était si grande et les chambres si petites que le roi, après y avoir demeuré quelque temps, fit sortir tout le monde, et puis rentra chez lui, où il nous dit qu’il allait commencer à écrire à Mme de Maintenon ce qu’il pensait de la princesse, et qu’il achèverait de lui écrire après souper, quand il l’aurait encore mieux vue. […] Elle jouait, il est vrai, un rôle dans Athalie ; mais pourquoi ne saurions-nous pas aussi ce qu’elle pensait d’Athalie, en enfant capricieuse qu’elle était ? […] Une chose ne laissa pas de donner beaucoup à penser.
Il accueillait les idées et les formes modernes dans une certaine mesure ; il ne pensait pas que les anciens eussent d’avance tout trouvé. […] Dans ce statu quo de l’Ancien Régime, Portalis va jusqu’à penser qu’une législation uniforme, qui peut convenir à une cité et à un gouvernement de peu d’étendue, ne saurait s’appliquer dans la pratique à un grand État, composé de peuples divers, ayant des besoins et des caractères différents, des lois fondamentales antérieures, des capitulations et des traités « que les souverains sont dans l’heureuse impuissance de changer ». […] « Toute révolution est une conquête, pensait Portalis ; la Constitution, dans laquelle on se repose, devient un véritable traité de paix. » C’est cette paix qu’il avait hâte de pratiquer et de féconder, en substituant graduellement aux mesures hostiles, partiales, éversives, l’action bienfaisante et concertée des lois.
Cela n’est pas possible, mon cher ami : un fils comme toi n’est pas fait pour n’être qu’un peu aimé d’un père qui sent et pense comme moi. […] Cet Être souverain daigne s’abaisser un jour jusqu’à lui et lui dit : Je suis Celui par qui tout est ; sans moi, tu n’existerais point ; je te douai d’un corps sain et robuste, j’y plaçai l’âme la plus active : tu sais avec quelle profusion je versai la sensibilité dans ton cœur, et la gaieté sur ton caractère ; mais, pénétré que je te vois du bonheur de penser, de sentir, tu serais aussi trop heureux si quelques chagrins ne balançaient pas cet état fortuné : ainsi tu vas être accablé sous des calamités sans nombre ; déchiré par mille ennemis, privé de ta liberté, de tes biens ; accusé de rapines, de faux… Et lui, se prosternant devant l’Être des êtres, répond en acceptant toute sa destinée : Être des êtres, je te dois tout, le bonheur d’exister, de penser et de sentir.
Quand on vous parle du littérateur de l’Empire dans sa perfection et dans sa justesse, ne pensez ni à Fontanes qui date de plus loin, ni à Andrieux qui a également ses racines au-delà, ni à Lemercier déjà célèbre sous le Directoire, ni à Delille qui a débuté avec éclat sous Louis XV : pensez à M. […] Pensez à cette querelle soudaine des Deux Gendres et de Conaxa, à cette grande sédition littéraire qui s’en prend sous une forme futile au protégé des ducs de Bassano et de Rovigo, et qui marque par une guerre digne du Lutrin la dernière saison paisible et brillante de l’immortelle époque : l’hiver qui suivit, au lieu des bulletins de Conaxa, on avait ceux de la Grande Armée et de la retraite de Moscou.
Nisard sur Montesquieu est plein de vues fines et neuves, il fait penser. […] De plus, le voilà en possession d’une faculté nouvelle : il appelle les rois, les ministres, les gouvernements à son tribunal ; il ne pense plus guère qu’à juger, à décider, à charger tout le monde de devoirs dont il s’exempte. » Voilà une critique spirituelle d’un travers que nous connaissons : mais est-ce bien là une critique de l’Esprit des Lois ? […] En lisant Newton et Buffon, en admirant Raphaël et Poussin, pensons-nous bien sérieusement à nous améliorer ?
J’avoue que parmi nos acheteurs, tous ne pensaient point nous adresser des lauriers ! […] Quoi qu’on pense de notre technique et de nos poèmes, tout le monde aujourd’hui s’accorde à dire qu’en 1885 la poésie française avait besoin d’un révulsif violent. […] Quoique résolu à vous en expliquer l’esthétique, je pense que seuls les poèmes ont qualité pour y bien réussir.
Ce rude travailleur en choses éphémères, ce bénédictin de robe… trop courte, avec ses vastes connaissances, son encyclopédisme littéraire, son amour des idées et de tout ce qui ressemblait à une idée, son besoin plus pressant que sûr de généraliser, son style fringant, piquant, brillant et trempé aux sources de tous les idiomes, Philarète Chasles, n’a pas laissé, en somme, un grand livre pense et voulu, construit avec art, ferme sur sa base, une œuvre centrale, enfin, qui eût donné exactement sa mesure et qui aurait empêché de la chercher confusément, ainsi qu’on le fait aujourd’hui, dans des travaux éparpillés, — disjecta membra poetæ . […] Car je ne pense pas que l’influence de l’âme d’un père tombe impunément sur l’âme de son fils. Je ne pense pas qu’on puisse être absolument pour rien le fils d’un régicide ou d’un athée, qui est le régicide de Dieu.
Ils pensent trois ou quatre fois plus vite que d’habitude, avec des abréviations étranges. […] « Vous pensez donc, mon cher enfant, me dit-il, qu’on décrit une méthode par occasion au bout d’un livre, en un chapitre, ou bien un soir entre un verre d’eau sucrée et une tasse de thé ? Vous êtes prompt en besogne ; au besoin, vous pourriez répondre à ces bonnes gens qui arrêtent un homme sur le trottoir, le priant de leur expliquer, au pied levé, ce qu’il pense de Dieu, du monde, de l’âme et du reste.
En même temps l’auteur, qui n’a pas encore toute sa cohérence, s’élève contre les incrédules « qui réclament à grands cris la liberté de penser… Qu’est-ce qui les empêche de penser ? […] Mais supposons qu’elle pense autrement, qu’elle veuille à tout prix garder la Savoie et qu’elle y réussisse, que vous arriverait-il pour avoir dit que vous regrettez votre ancien souverain ? […] Comme diplomate pratique, il n’est pas difficile de se figurer son caractère : « Le comte de Maistre est le seul homme qui dise tout haut ce qu’il pense, et sans qu’il y ait jamais Imprudence », ainsi s’exprimait un collègue qui avait traité avec lui. […] Pensons du moins qu’il aurait soigneusement vérifié sur place tous les textes, afin d’éviter le reproche d’avoir quelquefois prêté, par aggravation, au sens de celui qu’il inculpait. […] L’un se marie, l’autre donne une bataille, un troisième bâtit, sans penser le moins du monde qu’il ne verra point ses enfants, qu’il n’entendra pas le Te Deum, et qu’il ne logera jamais chez lui.
On sent qu’ils ont été pensés comme ils ont été écrits et qu’ils sont bien tombés sur le papier selon les circonstances, « au cours des jours », comme dit un sous-titre du volume.
Que pensera donc la Postérité, de cet Ouvrages si vanté ?
On ne prévoyoit pas alors que des idées gigantesques, des mots emphatiques, des citations parasites, seroient proscrites, aussi-tôt que les d’Aguesseau, les Cochin, les Gerbier, les Elie de Beaumont, &c. auroient fixé, dans la plaidoirie, le vrai goût, pour bien penser & bien écrire.
Nous aimons mieux penser que M.
Si l’on avait ignoré la circonstance de sa blessure, on n’eût jamais pensé qu’il succombait. […] Je ne le pense pas. […] Cela n’est point aussi long qu’on pourrait le penser, et en moins d’une demi-journée j’ai pu sauver des chiens de moyenne taille qui avaient été piqués avec une flèche empoisonnée. […] Je ne le pense pas. […] Les anciens ont pensé ainsi : ils opposaient le monde vivant, où tout est sujet au changement et à la mort, au monde sidéral, immuable et incorruptible.
En effet, que doit-on penser d’un homme qui exerce à la fois son talent dans des poésies sacrées et dans des épigrammes obscènes ? […] À y bien regarder, ils ont plus de profondeur qu’on ne pense. […] Ce travail, comme l’a pensé Montesquieu, est évidemment oiseux et inutile. […] Jamais sans doute la parole humaine n’a été aussi grande, et nous ne pensons pas que l’imagination puisse se créer un plus sublime spectacle. […] Les journaux mirent la conversation en commun entre des milliers d’hommes ; ils leur apprirent à penser facilement et sans maturité.
Le néant est l’épouvantail de quiconque pense. […] Non certes, à moins qu’on ne pense qu’une mouche a de la grâce sur la joue d’un colosse, ou qu’une jolie femme au sommet de la tour Eiffel ajoute quelque chose à l’effet du monument. […] Cependant, l’individu est sage de penser quelquefois au néant de la vie et il serait stupide de n’y penser jamais. […] Soyons honnêtes et tâchons de penser dignement, mais soyons francs et parlons vrai. […] Il y a longtemps que je pense que celui qui n’aurait que des idées claires serait assurément un sot… Les poètes sont sur les confins des idées claires et du grand inintelligible.
Me conformant alors aux principes que je vous ai signalés plus haut, je ne pensai pas que ce fût là une exception, c’est-à-dire un fait n’ayant pas sa raison d’être. […] La plupart des anatomistes pensent qu’ils se terminent par des orifices béants au milieu des espaces intercellulaires du lobule. […] Il était naturel de penser que chez des fœtus, dont le foie ne sécrétait pas encore du sucre, il ne devait pas y en avoir non plus dans les urines. […] Nous ne pensons pas, en un mot, qu’aucun des phénomènes soit de composition, soit de décomposition, s’opère dans l’organisme d’une manière directe. […] J’avoue que parmi toutes les objections que j’ai pu supposer, je n’aurais jamais pensé à celle-là.
Une feuille tombe : à l’instant même je pense, je crois, je déclare qu’il doit y avoir une cause à cette chute. […] Si cela ne peut ni se dire ni se penser, reste que toutes choses aient été créées avec raison. […] Elle y demeure invariable, lors même que je n’y pense pas, et que je pense à antre chose. […] Avec les femmes, il est à son aise, et il les fait penser et parler avec une vérité parfaite relevée par un art exquis. […] Ce que le genre humain croit et pense, souvent à son insu, la philosophie le recueille, l’explique, l’établit.
On pense bien que, si le Président Hénault n’eût composé que la Comédie du Réveil d’Epimenide, & la Tragédie de François II, il eût été facile de l’égaler & même de le surpasser en ce genre, qui n’étoit nullement le sien.
J’ai ouï dire seulement à plus d’un esprit convaincu et ferme, que penser de la sorte et à mesure qu’on s’élevait plus haut dans le monde de la raison, ce n’était pas se sentir inquiet et souffrir, c’était plutôt jouir du calme et de la tranquillité. […] Quand un nombre suffisant d’hommes et d’esprits sont arrivés à penser sur un point donné d’une certaine manière ; quand le groupe est devenu assez nombreux, assez considérable, bon gré, mal gré, on compte avec lui, on le reconnaît, on le respecte, ne pouvant l’exterminer, ni l’écraser, ni le proscrire, comme on faisait autrefois. […] Chaix d’Est-Ange, a bien voulu alléguer, en faveur de Broussais, de Bichat et de Cabanis, qui ont pu être téméraires, a-t-il dit, et s’égarer par moments, des excuses et, pour ainsi dire, des circonstances atténuantes ; mais je ne crois pas (j’en demande pardon à notre très-spirituel et éloquent collègue), je ne pense pas que ce doive être là le vrai rôle actuel de l’homme politique lui-même et de l’homme d’État en présence de la science. […] Le médecin doit faire de la science exacte, expérimentale, constater des faits, sans se préoccuper aucunement des conséquences qu’ils peuvent avoir. — Je ne demanderai pas à mes adversaires, a dit ici le professeur, en insistant avec un accent particulier, ce qu’ils peuvent conclure et penser au fond de leur conscience, mais je demande qu’ils respectent la mienne : s’il y a quelque chose qui doive être muré, c’est la conscience. […] Il y a longtemps que je l’ai pensé : la seule garantie de l’avenir, d’un avenir de progrès, de vigueur et d’honneur pour notre nation, est dans l’étude, — et surtout dans l’étude des sciences naturelles, physiques, chimiques et de la physiologie.
Non seulement, quand ils livrent leurs croyances au doute méthodique, ils exceptent et mettent à part, comme en un sanctuaire, « les vérités de la foi384 » ; mais encore le dogme qu’ils pensent avoir écarté demeure en leur esprit, efficace et latent, pour les conduire à leur insu, et faire de leur philosophie une préparation ou une confirmation du christianisme385. — En somme, au dix-septième siècle, ce qui fournit les idées mères, c’est la foi, c’est la pratique, c’est l’établissement religieux et politique. […] Ses archives sont enterrées ; il faut pour les dégager des recherches dont il n’est pas capable ; elles subsistent pourtant, et aujourd’hui l’histoire les remet en lumière Quand on le considère de près, on trouve que, comme la science, il a pour source une longue accumulation d’expériences : les hommes, après une multitude de tâtonnements et d’essais, ont fini par éprouver que telle façon de vivre ou de penser était la seule accommodée à leur situation, la plus praticable de toutes, la plus bienfaisante, et le régime ou dogme qui aujourd’hui nous semble une convention arbitraire a d’abord été un expédient avéré de salut public. […] D’une part, les hommes ont besoin d’elle pour penser l’infini et pour bien vivre ; si elle manquait tout d’un coup, il y aurait dans leur âme un grand vide douloureux et ils se feraient plus de mal les uns aux autres. […] Comment des esprits aussi policés et aussi aimables auraient-ils pu épouser les sentiments d’un apôtre, d’un moine, d’un fondateur barbare ou féodal, les voir dans le milieu qui les explique et les justifie, se représenter la foule environnante, d’abord des âmes désolées, hantées par le rêve mystique, puis des cerveaux bruts et violents, livrés à l’instinct et aux images, qui pensaient par demi-visions, et qui pour volonté avaient des impulsions irrésistibles ? […] Autour de cette idée centrale se reforme la doctrine spiritualiste Un être si noble ne peut pas être un simple assemblage d’organes ; il y a en lui quelque chose de plus que la matière ; les impressions qu’il reçoit par les sens ne le constituent pas tout entier. « Je ne suis pas seulement un être sensitif et passif413, mais un être actif et intelligent, et, quoi qu’en dise la philosophie, j’oserai prétendre à l’honneur de penser. » Bien mieux, ce principe pensant est, en l’homme du moins, d’espèce supérieure. « Qu’on me montre un autre animal sur la terre qui sache faire du feu et qui sache admirer le soleil.
— Mais, monsieur, en travaillant jour et nuit, en escomptant mes récoltes sur pied, en hypothéquant les racines de mes vignes, en retranchant à mes parents les plus chers, à mes amis les plus nécessiteux leurs pensions les plus sacrées et aux mendiants eux-mêmes leurs plus restreintes oboles, je touchais au moment désiré, j’allais dire mon Nunc dimittis, lorsque des actes que je ne veux pas qualifier, parce que je ne sais pas comment on nomme l’acte qui dérobe l’espérance au malheureux, me rejetaient dans vos mains. […] Depuis ce jour je n’y puis plus penser, et quand, en allant à Saint-Point, je ne puis m’empêcher de passer sur la route où la colline aride surmonte avec son clocher et ses maisons le paysage, et où les sept sycomores font trembler leurs branches sur l’angle presque invisible du toit, je suis obligé de détourner la tête pour cacher mes larmes. […] Au moment où elle allait en ouvrir la porte, le scieur de long, beau et fort jeune homme d’environ vingt-cinq ans, rentra, et voyant nos robes de soie traîner sur les marches de l’escalier, cria à sa femme : — À quoi penses-tu, Claudine ! […] dit une voit douce en pleurant, que le Seigneur bénisse ce monsieur, mon vieux père, vous, mes sœurs, et madame Valentine qui a bien pensé à moi dans ma misère ; que le bon Dieu leur rende le bien qu’ils vont me faire. […] Les chambres, les salons, les terrasses, les paons qui venaient comme des chiens ailés becqueter les vitres quand on nous ouvrait les fenêtres, les hirondelles qui se préparaient à partir et qui voltigeaient autour du toit comme pour faire leurs adieux à leur demeure ; enfin, les belles peintures que madame de Lamartine et votre nièce ont prodiguées dans les appartements, les portraits chéris de votre fille qui sortent partout des murailles comme pour vous appeler à la revoir dans un autre monde… Nous ne pouvions penser à enregistrer tout dans nos souvenirs ; mes filles prenaient des notes en silence, moi je priais tout bas pour les habitants absents de ce lieu où l’on a tant aimé et tant souffert.
Au premier regard, nous aurions été tenté de penser comme lui ; mais, en regardant de plus près et en considérant, en politique, la situation générale de l’Europe, et la situation particulière de l’Écosse en ce moment, nous sommes resté convaincu que le parti catholique, adopté par le roi, était le seul parti de salut pour l’Écosse, si l’Écosse avait pu être sauvée. […] Quand il était fatigué de lire et de penser, il se rapprochait de plus en plus de l’étang, s’asseyait au bord, et il émiettait du pain de son hôte aux poules d’eau et aux sarcelles sauvages qu’il avait fini par apprivoiser. […] J’envoiray mes pensers qui volent comme oiseaux ; Par eux je revoiray sans danger à toute heure Cette belle princesse et sa belle demeure : Et là pour tout jamais je voudray séjourner, Car d’un lieu si plaisant on ne peut retourner. […] Il pensa sans doute qu’il ne pourrait résister seul longtemps à l’envie des nobles écossais ligués contre lui, qu’il fallait un roi pour les assujettir à l’obéissance, et que ce roi, d’un extérieur charmant, mais d’un caractère et d’une intelligence subalternes, lui serait à jamais reconnaissant de l’avoir porté au trône et le laisserait régner, à l’abri de l’envie publique, sous son nom. […] Puis me donna une autre dure allarme Et me pensa ôter vie et frayeur !
Des libéralités, des pensions encouragent les écrivains à se lancer dans la carrière, dégagés du souci de gagner leur pain. […] Mets ton honneur à rester toi-même, à ne dire que ce que tu penses et à le bien dire. […] Il a écrit62 : « Ô peuples des siècles futurs, lorsque par une chaude journée d’été, vous serez courbés sur vos charrues dans les vertes campagnes de la patrie ; lorsque vous verrez, sous un soleil pur et sans tache, la terre, votre mère féconde, sourire dans sa robe matinale au travailleur, son enfant bien-aimé ; lorsque, essuyant sur vos fronts tranquilles le saint baptême de la sueur, vous promènerez vos regards sur votre horizon immense, où il n’y aura pas un épi plus haut que l’autre dans la moisson humaine, mais seulement des bleuets et des marguerites au milieu des blés jaunissants ; ô hommes libres, quand alors vous remercierez Dieu d’être nés pour cette récolte, pensez à nous qui n’y serons plus ; dites-vous que nous avons acheté bien cher le repos dont vous jouirez ; plaignez-nous plus que tous vos pères ; car nous avons beaucoup des maux qui les rendaient dignes de plainte, et nous avons perdu ce qui les consolait. » Mais celui qui sentait si bien que la terre doit compenser la banqueroute du ciel, celui qui comprenait que les misérables, privés, comme a dit plus tard Jaurès, de la vieille chanson qui berçait la misère humaine, doivent nécessairement réclamer leur part immédiate de soleil et de joies, ce même Musset parlait bientôt d’un autre ton. […] Fréquemment c’est le roi qui considère comme un devoir du souverain de répandre ses grâces, sous forme de pensions ou de sinécures, sur des sujets dont les ouvrages honorent son règne. […] La littérature rompt alors avec l’Église et la royauté et c’est elle qui repousse pensions et bénéfices !
En effet, il le pense, non sans raisons. […] Nous avions honte de penser à eux ; nous nous trouvions bourgeois, grossiers, polissons, fils de M. […] Vite à Saint-Cyr, puis à l’hôtel du Maine. — J’y pense, le meilleur moyen de gagner les nouveaux bâtards, c’est de flatter les anciens bâtards ; pour gagner le duc du Maine, saluons bien bas le duc de Vendôme. […] Il n’est point de personnage qu’il ne fasse vivre, ni de lecteur qu’il ne fasse penser. […] Cette crudité de style et cette violence de vérité ne sont que les effets de la passion ; voici la passion pure : Prenez l’affaire la plus mince, une querelle de préséance, une picoterie, une question de pliant et de fauteuil, tout au plus digne de la comtesse d’Escarbagnas : elle s’agrandit, elle devient un monstre, elle prend tout le cœur et l’esprit ; on y voit le suprême bonheur de toute une vie, la joie délicieuse avalée à longs traits et savourée jusqu’au fond de la coupe, le superbe triomphe, digne objet des efforts les plus soutenus, les mieux combinés et les plus grands ; on pense assister à quelque victoire romaine, signalée par l’anéantissement d’un peuple entier, et il s’agit tout simplement d’une mortification infligée à un Parlement et à un président.
Or toute force qui tend à une fin déterminée, toute cause qui obéit à une raison, à la raison du bien, n’a-t-elle point en elle quelque chose de la cause qui pense et qui veut ? […] Avoir conscience de ses sensations, de ses pensées, de ses volitions, est-ce simplement savoir qu’on sent, qu’on pense, qu’on veut ? […] Cette loi de finalité qui gouverne la nature comme la volonté, le monde physique comme le monde moral, n’est point, ainsi que Kant le pense, une simple conception de la raison pure, sans application possible au monde de la réalité naturelle ; c’est aussi bien une loi de l’expérience que la loi de causalité. […] Le fait est que la question n’est pas aussi simple que le pensent les moralistes profanes, et il faut y regarder de très-près pour voir où est l’exacte vérité dans ce débat entre la morale philosophique et la morale théologique. […] Que la grâce ne soit qu’une sorte de projection de la conscience humaine, ainsi que le pense la philosophie ; que la conscience au contraire ne soit qu’un reflet de la grâce, ainsi que le prétend la théologie, qu’importe, si ces deux choses n’en font qu’une au fond ?
Quoique son style commence à paroître un peu suranné, ses Traductions sont si bien écrites, les tours en sont si élégans, les expressions si vives & si hardies, qu’on pense lire l’Original.
Que penser, après cela, des prétentions de quelques-uns de nos petits Ecrivains, qui croient leur réputation solidement établie, parce qu’ils auront appris leur a b c poétique à Geneve ou ailleurs ?
Les hommes pensent & sentent à peu près de même : mais ce qui distingue l’homme de génie, c’est la manière de démêler ses idées & de les rendre.
Si je rencontre Cochin, la vérité m’échappera, et il saura ce que je pense.
Ce ne fut qu’au sortir de la révolution qu’un genre de curiosité purement intellectuelle, le besoin de savoir ce qui se pensait et s’écrivait au dehors, vient s’emparer de quelques esprits studieux, bien isolés dans le principe et se tenant tout à fait à l’écart de la littérature en vogue et des académies. […] Que sont-ils devenus ces milliers d’hommes qui devaient penser comme lui ? […] Et des autres rédacteurs du Globe, auxquels on aurait pu penser pour cette députation idéale que j’imagine et qu’il me plaît de rêver par les figures qu’elle me rappelle et qu’elle ressuscite, M. […] Le lendemain j’ai pensé à Mme de Tocqueville. […] Dans tous les cas, il aurait moins joui pour lui-même ; il aurait moins pensé, moins embrassé à souhait le temps et l’espace, il aurait moins vécu.
Au régiment, dans le monde, à son début, La Fayette est gauche, mal à l’aise, assez taciturne70 ; il garde le silence, parce qu’en cette compagnie il ne pense et n’entend guère de choses qui lui paraissent mériter d’être dites. […] Il n’y a pas trop d’hommes publics qui aient ce défaut-là, de penser constamment à l’unité et à la pureté de leur ligne. […] Dès que la France se déclare pour l’Amérique, il pense à quitter les drapeaux américains pour rejoindre ceux de son pays : « J’avais fait le projet, écrit-il au duc d’Ayen, aussitôt que la guerre se déclarerait, d’aller me ranger sous les étendards français ; j’y étais poussé par la crainte que l’ambition de quelque grade, ou l’amour de celui dont je jouis ici, ne parussent être les raisons qui m’avaient retenu. […] Personne ne connaît et ne respecte plus que moi la puissance de l’opinion, de la culture morale et des connaissances politiques ; je pense même que, dans une société bien constituée, l’homme d’État n’a besoin que de probité et de bon sens ; mais il me paraît impossible de méconnaître, surtout dans les temps de trouble et de réaction, le rapport nécessaire des événements avec les principaux moteurs. […] Dans les comités, qu’il méprisait assez, il ne se communiquait pas, se levait après le premier quart d’heure, se promenait de long en large, et si on le pressait de questions : « Qu’en pensez-vous, citoyen Sieyès ?
Son père qui le voyait dans une espèce d’extase, l’attribuant à la majesté du monument, lui dit: Eh bien, Henri, que penses-tu de cela ? […] C’était un officier nommé Barasdine: jeune, bouillant, superbe, poussant la franchise jusqu’à la rudesse, il s’était fait une loi de penser tout haut, regardant comme une lâcheté de se taire devant le vice heureux, et l’attaquant en face avec toute l’âpreté de son caractère. […] Cette nouvelle pensa tourner la tête de notre philosophe. […] Chacun s’empressait de paraître ce qu’il n’était pas, de dire ce qu’il ne pensait pas, d’écouter ce qu’il ne croyait pas. […] Il faut penser comme les autres, sous peine d’être déshonoré. « Que me parlez vous de modération !
Cet univers vivant présenterait les deux pôles que présente toute masse nerveuse, le pôle qui pense, le pôle qui jouit. Maintenant, l’univers pense et jouit par des millions d’individus. […] « Le grand nombre doit penser et jouir par procuration. […] Mais, si on l’ouvre pour examiner l’arrangement intérieur de ses organes, on y trouve un ordre aussi compliqué que dans les vastes chênes qui la couvrent de leur ombre ; on la décompose plus aisément ; on la met mieux en expérience ; et l’on peut découvrir en elle les lois générales, selon lesquelles toute plante végète et se soutient. » Je me garderai de mettre un commentaire de détail à ce texte ; il faudrait écrire un volume ; il faudrait mettre, à chacun des mots, plusieurs pages de commentaires, tant le texte est plein et fort ; et encore on serait à cent lieues d’en avoir épuisé la force et la plénitude ; et je ne peux pas tomber moi-même dans une infinité du détail ; d’ailleurs nous retrouverons tous ces textes, et souvent ; c’était l’honneur et la grandeur de ces textes pleins et graves qu’ils débordaient, qu’ils inondaient le commentaire ; c’est l’honneur et la force de ces textes braves et pleins qu’ils bravent le commentaire ; et si nul commentaire n’épuise un texte de Renan, nul commentaire aussi n’assied un texte de Taine ; aujourd’hui, et de cette conclusion, je ne veux indiquer, et en bref, que le sens et la portée, pour l’ensemble et sans entrer dans aucun détail ; à peine ai-je besoin de dire que ce sens, dans Taine, est beaucoup plus grave, étant beaucoup plus net, que n’étaient les anticipations de Renan ; ne nous laissons pas tromper à la modestie professorale ; ne nous laissons d’ailleurs pas soulever à toutes les indignations qui nous montent ; je sais qu’il n’v a pas un mot dans tout ce Taine qui aujourd’hui ne nous soulève d’indignation ; attribuer, limiter Racine au seul dix-septième siècle, enfermer Racine dans le siècle de Louis XIV, quand aujourd’hui, ayant pris toute la reculée nécessaire, nous savons qu’il estime des colonnes de l’humanité éternelle, quelle inintelligence et quelle hérésie, quelle grossièreté, quelle présomption, au fond quelle ignorance ; mais ni naïveté, ni indignation ; il ne s’agit point ici de savoir ce que vaut Taine ; il ne s’agit point ici de son inintelligence et de son hérésie, de sa grossièreté, de son ignorance ; il s’agit de sa présomption ; il s’agit de savoir ce qu’il veut, ce qu’il pense avoir fait, enfin ce que nous voyons qu’il a fait, peut-être sans y penser ; il s’agit de savoir, ou de chercher, quel est, au fond, le sens et la portée de sa méthode, le sens et la portée des résultats qu’il prétend avoir obtenus ; ce qui ressort de tout le livre de Taine, et particulièrement de sa conclusion, c’est cette idée singulière, singulièrement avantageuse, que l’historien, j’entends l’historien moderne, possède le secret du génie. […] Il y a bien de la fabrication dans Renan, mais combien précautionneuse, attentive, religieuse, éloignée, ménagée, aménagée ; c’est une fabrication en réserve, une fabrication de rêve et d’aménagement, entourée de quels soins, de quelles attentions, délicates, maternelles ; on fabriquera ce Dieu dans un bocal, pour qu’il ne redoute pas les courants d’air ; on lui fera des conditions spéciales ; cette fabrication de Renan est vraiment une opération surhumaine, une génération surhumaine, suivie d’un enfantement surhumain ; et l’humanité de Renan, ou la surhumanité de Renan, si elle usurpe les fonctions divines, premièrement, nous l’avons dit, usurpe les fonctions de connaissance divine, les fonctions de toute connaissance, beaucoup plutôt que les fonctions de production divine, de toute création, deuxièmement, et ceci est capital, usurpe aussi, commence par usurper les qualités, les vertus divines ; cette première usurpation, cette usurpation préalable, pour nous moralistes impénitents, excuse, légitime la grande usurpation ; nous aimons qu’avant d’usurper les droits, on usurpe les devoirs, et avant la puissance, les qualités ; enfin l’accomplissement de cette usurpation est si lointain ; et les précautions dont on l’entoure, justement par ce qu’elles ont de minutieux, par tout le soin qu’elles exigent, peuvent si bien se retourner, s’entendre en précautions prises pour qu’il n’arrive pas ; une opération si lointaine, si délicate, si minutieuse, ne va point sans un nombre incalculable de risques ; Renan, grand artiste, a évidemment compté sur la sourde impression que l’attente et l’escompte de tous ces risques produiraient dans l’esprit du lecteur ; lui-même il envisage complaisamment ces risques ; ils atténuent, par un secret espoir de libération, de risque, d’aventure, et, qui sait, de cassure, disons le mot, de ratage, cette impression de servitude mortelle et d’achèvement clos ; ils effacent peut-être cette impression de servitude ; et quand même ils effaceraient cette impression glaciale ; l’auteur sans doute s’en consolerait aisément ; il ne tient pas tant que cela aux impressions qu’il fait naître ; ces risques soulagent également le lecteur et l’auteur ; par eux-mêmes Renan n’est point engagé au-delà des convenances intellectuelles et morales ; lui-même les envisage complaisamment ; dans cette institution de la Terreur intellectuelle que nous avons passée, la remettant à plus tard, « mais ne pensez-vous pas », dit Eudoxe : « Mais ne pensez-vous pas que le peuple, qui sentira grandir son maître, devinera le danger et se mettra en garde ?
Ils me font penser à ce magasin qui avait pour enseigne : Au Carnaval de Venise : on y vendait des bonnets de coton. […] — C’est que pour moi, c’est bien simple ces questions-là, reprend la princesse, vous pouvez faire tout pour ces dames, quand c’est gratis, mais du moment qu’il y a de l’argent… Est-ce que vous ne pensez pas comme moi ? […] La princesse a beaucoup de ces gentilles attentions, de ces petites façons de vous dire qu’elle pense à vous. […] Aux premiers mots de remerciements que nous lui adressons, il fait l’étonné, dit qu’il ne comprend pas, que Thierry ne lui en a pas parlé, que ses camarades l’ont assuré qu’on avait engagé un amoureux, qu’il pensait que c’était pour ce rôle. […] et nous pensons à ces petits bouts de rôle, aperçus sur des tables de nuit d’actrices de deux sous, et qui nous faisaient palpiter le cœur.
Son excellente Traduction de Juvenal, précédée d’un Discours sur les Satires de ce Poëte, Discours aussi bien pensé que bien écrit, lui donne plus de droit à une place distinguée dans la Littérature que les Productions médiocres n’en donnent aux petits Auteurs qui travaillent de leur propre fonds.
Lalande, un Eloge du Maréchal de Saxe, assez bien écrit, pour faire penser que l’Eloquence ne lui est pas plus étrangere que l’Astronomie.
Elle entend qu’on écrive et qu’on joue, qu’on pense, qu’on déclame et qu’on meure à sa guise. […] Schiller lui-même paraît l’avoir pensé, puisque, chez lui, Fiesque est précipité dans la mer par des mains républicaines, et ne se noie pas fortuitement comme dans les annales de Gênes. […] Qu’Oreste baigné du sang de sa mère tremble à l’aspect des furies vengeresses dont il se croit entouré ; que Macbeth et Richard III poursuivis par leurs remords pensent l’être par leurs victimes, cet égarement de leurs esprits est la punition de leurs crimes ; et la nature même a créé de tels supplices pour les coupables échappés à la justice humaine. […] Je suis fort tenté de penser que l’art classique est seul capable d’ennoblir des difformités naturelles : l’impéritie romantique les environnerait de tant d’autres inconvenances, qu’elle parviendrait à peine à leur imprimer de la dignité dans un petit nombre de scènes ou de situations accidentelles.
Son éducation, la vie à Combourg ne lui ont pas appris à penser. […] « Nous penserions faire injure aux lecteurs en nous arrêtant à montrer comment l’immortalité de l’âme et l’existence de Dieu se prouvent par cette voix intérieure appelée conscience652 » : une citation de Cicéron par là-dessus, et voilà qui est fait. […] Il les sentait avant de les penser, au lieu que Mme de Staël pensait plus qu’elle ne sentait.
Et dans ce moi, composé d’un être double, d’une âme qui pense et don corps qui a des besoins certains, mais si difficiles à démêler d’avec ses passions, pour qui sera la préférence, ou de l’âme qui ne pense que des choses douteuses et ne remue que des obscurités ? […] Enfin, voyez, par tant d’exemples où Montaigne et ses contemporains pensent au hasard et sans objet, combien cette curiosité et cette jalousie de son libre arbitre peut tromper d’excellents esprits. […] Qui n’a rien à prouver, sinon que rien ne se peut prouver, ne pense guère à ranger ni à presser son discours.
Penser me paraissait l’objet unique de ma vie. […] Mon rêve serait d’être logé, nourri, vêtu, chauffé, sans que j’eusse à y penser, par quelqu’un qui me prendrait à l’entreprise et me laisserait toute ma liberté. […] Je sais que jamais un vrai grand homme n’a pensé qu’il fût grand homme, et que, quand on broute sa gloire en herbe de son vivant, on ne la récolte pas en épis après sa mort. […] Le scepticisme subjectif a pu m’obséder par moments ; il ne m’a jamais fait sérieusement douter de la réalité ; ses objections sont par moi tenues en séquestre dans une sorte de parc d’oubli ; je n’y pense jamais.
Or, il faut savoir ce qu’on entend généralement par un « artiste » : c’est un être créé uniquement pour produire et non pour penser ; quand il a le malheur de réfléchir avant d’agir, il lui arrive ce qui est arrivé, d’après M. […] Quelques rares partisans de Wagner pensent d’une autre façon. […] Nous sommes au contraire quelques-uns qui pensons que, si Wagner a jugé à propos d’excuser en quelque sorte auprès de ses auditeurs de la première heure son mot : « Vous avez un art ! […] Wagner semble avoir pensé que la meilleure manière de se composer un public était de forcer l’attention et de commander la pénétration sensorielle au moyen d’un appareil théâtral capable d’agir sur n’importe quelle organisation ; l’on sait d’ailleurs que le théâtre de Bayreuth a fait plus de conversions que les écrits les plus convaincus.
me disais-je, ma carrière est à sa fin, mon ambition, est morte… Aujourd’hui je pense comme hier, mais j’éprouve une certaine douceur à me raconter à moi-même, ces mois de désespoir ! […] Je pense à ce dernier paragraphe du livre de Gavarni, qu’un matin, à Trouville, il vint me lire, pendant que j’étais encore au lit. […] * * * Un mystère, un mystère incompréhensible, insondable, que dans cet atrophiement du cerveau, la résistance, la survie de certaines facultés, de certaines puissances de l’entendement, un mystère que cette échappée de mots, de réflexions, de choses vives ou profondes, jaillissant à travers cette léthargie qu’on penserait universelle, un mystère qui vous retire à tout moment de votre désespérance et vous fait dire : « Mais cependant ? […] Ils ne manqueront pas d’ajouter qu’aux êtres qu’on aime, on doit garder, dans la maladie, le secret de certains abaissements, de certaines défaillances morales… Oui, un moment, je ne voulais pas donner tout ce morceau, il y avait des mots, des phrases qui me déchiraient le cœur, en les récrivant pour le public… mais renfonçant toute sensibilité, j’ai pensé qu’il était utile pour l’histoire des lettres, de donner l’étude féroce de l’agonie et de la mort d’un mourant de la littérature et de l’injustice de la critique… Maintenant, suis-je un personnage particulier, et mon chagrin et ma désespérance ont-elles besoin de se répandre dans de la littérature ?
Il ne veut pas effrayer par les grosses choses qu’il pense, et vous savez de quelle dent prudente et non superbe il rogna la divinité de Notre Seigneur et le surnaturel de ses Saints ! […] Le rat passe sa tête à travers le trou du fromage de Hollande dans lequel il grignote, pour jurer qu’il ira, quand on le voudra, au secours de Ratapolis bloquée « J’ai toujours été — dit-il — à la disposition de mon pays. » Ton pays, mon ami, ne pense point à toi ! […] Il n’a plus eu à placer debout de grandes figures ratatinées en petites vignettes, comme le poète Benserade, avant lui, avait pensé à mettre toute l’histoire romaine en sonnets. […] et un grand peintre, un grand artiste, un grand écrivain, peut dire et penser des choses insensées, cela s’est vu !
La vérité est que si nous pouvions, à travers le crâne, voir ce qui se passe dans le cerveau qui travaille, si nous disposions, pour en observer l’intérieur, d’instruments capables de grossir des millions de millions de fois autant que ceux de nos microscopes qui grossissent le plus, si nous assistions ainsi à la danse des molécules, atomes et électrons dont l’écorce cérébrale est faite, et si, d’autre part, nous possédions la table de correspondance entre le cérébral et le mental, je veux dire le dictionnaire permettant de traduire chaque figure de la danse en langage de pensée et de sentiment, nous saurions aussi bien que la prétendue « âme » tout ce qu’elle pense, sent et veut, tout ce qu’elle croit faire librement alors qu’elle le fait mécaniquement. […] Quand nous pensons, il est rare que nous ne nous parlions pas à nous-mêmes : nous esquissons ou préparons, si nous ne les accomplissons pas effectivement, les mouvements d’articulation par lesquels s’exprimerait notre pensée ; et quelque chose s’en doit déjà dessiner dans le cerveau. […] Vous pensez bien que je ne vais pas trancher au pied levé, pendant la demi-minute qui me reste, le plus grave des problèmes que puisse se poser l’humanité. […] Voilà une conscience qui sent, qui pense et qui veut.
On a lieu de penser que s’il eût commencé plutôt, il auroit pu donner à son style plus de correction, plus de noblesse, plus de chaleur, & se guérir sur-tout d’une diffusion assommante, défaut ordinaire aux vieux Ecrivains, & sur-tout à ceux qui n’ont pas travaillé de bonne heure à s’en garantir.
Nous pensions y trouver de quoi nous instruire, & nous n’y avons vu qu’un verbiage fatigant.
Malgré cela, son Livre a fait une espece de fortune, précisément parce qu’il est original, bizarre, hardi, éloigné de la maniere de penser ordinaire ; moyen assuré de faire impression sur la multitude des Lecteurs inconsidérés.
Notre adolescence, cette morte charmante, nous apparaît, et veut qu’on pense à elle.
… Ainsi pensait-il depuis que s’étaient enfuies les belles années dans lesquelles le poète s’accoutume trop à enfermer tout son destin. […] Ainsi l’auraient pensé d’eux-mêmes Le Sage ou l’abbé Prévost mourants194 ; Nodier allait être déjà un mort illustre.
A-t-il pensé que dans le cas même de la solution la plus avantageuse, toutes les facultés humaines gagneraient également au résultat et que le progrès se ferait dans toutes les dimensions, pour ainsi dire ? […] Faut-il donc, pensais-je en lisant, quitter la patrie, pour que de tels résultats s’accomplissent, et n’y aura-t-il jamais, au sein du vieux monde, un moment où tous les vaincus, les blessés, les puritains des diverses opinions donneront l’exemple d’une union sur un terrain commun incontesté, et offriront un concours de bon sens vers une liberté pacifique et solide ?
En d’autres termes, nous pensons qu’il se passa à Béthanie quelque chose qui fut regardé comme une résurrection. […] La solennité de Pâque approchait, et on pensait que Jésus, selon sa coutume, viendrait célébrer cette fête à Jérusalem 1035.
D’ailleurs, il s’agit ici de cercles, de conversations ; et madame de La Sablière tient un rang considérable dans leur histoire : sachant ce qu’en pensait madame de Sévigné, nous entendrons mieux ce qu’en dit La Fontaine67 : ……………………………………… Le nectar, que l’on sert au maître du tonnerre… C’est la louange, Iris. […] Les murs auraient amplement contenu Toute sa vie…………………………… Au fond du temple on eût vu son image, Avec ses traits, son souris, ses appas, Son art de plaire et de n’y penser pas… J’aurais fait voir à ses pieds, des mortels, Et des héros, des demi-dieux encore, Même des dieux : ce que le monde adore Vient quelquefois parfumer ses autels.
Les Lecteurs éclairés sont bien éloignés de penser ainsi, & d'être dupes d'un pareil charlatanisme, qui n'en impose qu'aux petits Esprits. […] On lui a pardonné de s'être élevé, dans son premier Ecrit*, contre cette Philosophie orgueilleuse qui voudroit élever la Religion naturelle sur les débris de l'auguste Religion de nos Peres ; d'avoir dit, en 1756, en parlant de M. de Voltaire que le génie de cet homme célebre est un volcan qui ne jette plus aujourd'hui que de foibles étincelles, obscurcies par beaucoup de cendres qui s'y mêlent ; que cet Ecrivain, nourri des maximes Angloises, s'est abandonné à une liberté effrénée de penser & de dire les choses les plus dangereuses.
Le but qu’on se propose, c’est de garder de cette étude, de cette assimilation d’Homère tout ce qui peut s’adapter à notre façon actuelle de penser et de sentir. […] Personne, je pense, ne blâmera ce conseil.
Au reste, la liberté de penser a été réclamée souvent par les peuples : c’est le désir de l’obtenir qui donna une si triste énergie à la révolution d’Angleterre. Toutes les fois qu’on a réclamé la liberté de penser, on ne demandait en effet que la liberté d’agir en vertu de sa pensée.
qui est le nom du bien-aimé dans toutes les romances et qui arrive tout à coup, quand nous ne pensions plus, nous, à M. […] En digne époux, il a voulu se mettre sous la même couverture que sa femme ; il a écrit, pour la présenter et la patronner, à la tête du livre de Mme Quinet, une de ces préfaces qu’elle aurait eu aussi bien que lui le talent de penser et d’écrire comme ça.
… Mme Swetchine, pensez-y donc ! […] La simplicité acquise, dans un siècle d’affectation, la simplicité contractée à force de ne plus penser qu’à Dieu seul, fit éviter à Mme Swetchine d’être auteur, et cela avec le danger presque inévitable du talent, comme cette simplicité fit aussi d’elle une sainte femme, sans en faire une religieuse.
qui navrent le cœur de ceux-là qui ne voudraient pas mépriser Louis XVI, que dire et que penser de ce roi de Sardaigne qui a le bonheur d’avoir pour serviteur un Joseph de Maistre, un Mirabeau sans scories, qui n’a, lui, ni dans l’intelligence, ni dans la conscience, ni dans la conduite, l’ombre d’une seule de ces taches dont Mirabeau était constellé, et qui n’écoutait pas cet homme fidèle, au génie toujours prêt pour son service, ou qui le méconnaissait après l’avoir invoqué ! […] Être doué d’un esprit prodigieux dans le sens le plus leste et le plus brillamment impertinent de ce mot d’esprit, qui souvent dominait chez Joseph de Maistre toutes les gravités du génie, et devenir d’autant plus spirituel qu’on est plus respectueux, et gagner, dans cette compression féconde, mais douloureuse, d’un respect même immérité, des formes toutes — puissantes ou délicieuses pour sa pensée, qu’on n’aurait peut-être jamais eues sans cela, voilà ce que nous tenions à faire remarquer, nous qui pensons que la moralité d’un homme ajoute toujours à la beauté de ses œuvres !
N’étaient-ce pas des esprits comme eux qui les avaient faits, dans un temps où l’imprimerie ne sauvait pas le nom de ceux qui pensaient, en écrivant ou sans écrire ? […] Son Dictionnaire 18 était précédé, en 1842, d’une préface dans laquelle on voyait très bien qu’il sentait l’importance de la science à laquelle il s’était dévoué, mais son Étude sur les proverbes, historique, littéraire et morale 19, prouve beaucoup mieux qu’il sait penser sur ce qu’il aime et ajouter à ses recherches des manières de voir toujours sensées et souvent fines… Or, c’est précisément pour cela, c’est à cause de ses perspicaces facultés historiques, qui dominent les autres chez Quitard, que je m’étonne de rencontrer dans son livre une opinion sur l’origine des proverbes plus générale qu’examinée, et plus badaude que vraiment digne de la sagacité d’un historien.
Mais, dans le cours de ces articles sur tant· de sujets, je n’ai pas senti une seule fois l’accent ému, sincère et mâle d’un homme… L’auteur, qui ne pense qu’à une chose, — à rendre au temps présent le désagrément qu’il en reçoit, — tombe sur nous tous tant que nous sommes à coups de moralistes et de moralités. […] Nous qui savons comment se brassent les renommées, nous pensons que Prévost-Paradol avait tout ce qu’il faut — ou tout ce qu’il ne faut pas — pour étendre de plus en plus la sienne.
De tous les hommes à quatre épingles, à pensions et à grandes perruques du xviie siècle, Colletet était le seul qui dût penser à écrire une vie de ce Villon qui, lui, n’avait pas de cuisine où il pût faire de quotidiens pèlerinages.
… Fersen, jusqu’à cette heure, n’avait, dans l’histoire, qu’une place mystérieusement éclairée d’un jour faux, et c’est sur cette place que ce livre va verser un jour vrai… Il a été recueilli par un homme du noble sang de Fersen et fier de son lignage ; et certainement, et avant tout, cet homme aura pensé à ce qui fait l’honneur de son illustre parent, à ce dévouement qu’il montra au Roi et à la Reine de France, abandonnés, captifs, et finalement traînés à l’échafaud par leur peuple ! […] Elle ne pensait plus qu’à profits et pertes, quand elle était tenue à générosité.
Et même ceux-là qui, comme Hyacinthe Corne, pensent le moins à l’être, et qui affectent, au contraire, de se rapprocher le plus du bon sens et de l’expérience dans leurs sources pures en parlant tout simplement comme l’âme d’une mère. […] Son livre, mollement pensé, mais agréablement écrit, nous donne l’espoir qu’il fera mieux un jour.
on en intitulait une, entre toutes, L’Esprit révolutionnaire avant la Révolution, la tête qui la pensait, cette histoire, et qui, du propre aveu de son titre, se préoccupait plus de l’esprit révolutionnaire que de la Révolution elle-même, devait le chercher et le prendre partout où il fut. […] Félix Rocquain, qui, dans son livre, ne parle que par la voix des autres, doit penser, s’il en prend la peine, comme les voix dont son livre est l’écho… Évidemment, en effet, il doit être, dans l’intimité de sa conscience d’historien, de l’avis de ces hommes dont il répète les mots comme un commissionnaire qui fait sa commission, et sa pensée doit transpirer à travers les citations qu’il leur emprunte.
Forcément donc, pour faire acte de Critique (je ne dis pas intelligente, mais seulement juste), il faut prendre l’inspiration à part du détail et y mettre l’œil ; il faut dire ce que l’auteur eût dû penser, indépendamment de ce qu’il a pensé, et montrer ce qu’il eût dû faire, pour lui mieux reprocher ce qu’il a fait (si ce qu’il a fait est inférieur).
Et son doux et sensible Ternisien, le secrétaire de l’évêque de Roquebrun, et son courageux et sanguin Lavernède, et son épuisé de courage, le vieil archiprêtre Clamouse, et son plat et servile Turlot, et son supérieur des Capucins, et son cardinal Maffei, cette tête chauve et chenue, mais si fine, et à travers laquelle il semble que l’on aperçoit le grand cerveau politique de l’Église… Tous sont vrais, très étudiés, très pensés et très conséquents à eux-mêmes, dans leurs tonalités diverses. […] Sixte, énorme quand on le compare aux autres hommes, mais petit quand on le compare à Grégoire VII ; Sixte, le porcher, auquel Ferdinand Fabre a dû penser quand il a fait son Capdepont, le farouche paysan qui a peut-être aussi gardé des porcs dans la montagne ; Sixte est même infiniment plus grand que Capdepont.
Le talent ne manque point à MM. de Goncourt, pensions-nous. […] Le seul inconvénient de ces portraits est pour la modestie des auteurs, qui semblent avoir voulu intéresser l’amour-propre de leurs juges naturels à leur faire trouver leur livre une œuvre vraie et éclatante, — ce à quoi ils n’ont évidemment pas pensé.
Il dit ensuite qu’en voulant peindre Pompée, Auguste et les Horaces, c’est le cardinal Mazarin qu’il a peint sans y penser. […] Ce n’est pas que Corneille n’eût véritablement l’âme grande ; mais cette flatterie était alors une espèce d’étiquette à laquelle on se soumettait sans y penser.
C’est ainsi qu’il faudroit savoir penser & écrire, quand on entreprend de développer les mysteres de l’esprit humain.
Il est vrai que la maniere de penser, de disserter, de moraliser, est un titre assuré pour plaire aux tristes Penseurs de notre temps ; mais encore faudroit-il savoir assaisonner ses pensées, ses dissertations, sa morale, les embellir des graces du style, & les présenter ainsi parées au Lecteur, qui n’estime que ce qu’il peut goûter.