Méprisant les saines limites de la nature de l’homme, il voulait qu’on n’existât que pour lui, qu’on n’aimât que lui seul. « Si quelqu’un vient à moi, disait-il, et ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple 884. » — « Si quelqu’un ne renonce pas à tout ce qu’il possède, il ne peut être mon disciple 885. » Quelque chose de plus qu’humain et d’étrange se mêlait alors a ses paroles ; c’était comme un feu dévorant la vie à, sa racine, et réduisant tout à un affreux désert. […] Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite : Le serviteur n’est pas plus grand que son maître.
Elle cite ses paroles. […] Là, tu me dis en regardant l’horizon, et je veux garder tes paroles : “Quoi qu’il arrive, n’oublions pas ce moment.
Elle se souvenait, sans doute, des magnifiques paroles de sa cousine, Clotilde de France, Reine de Sardaigne, qui disait : « que la plus belle place pour une chrétienne dans le Paradis, serait celle où l’on verrait à côté de soi un ennemi pour lequel on aurait prié ». […] … On trouve sous cette pauvre petite plume qui s’ignore des choses égales aux paroles que met le génie de Shakespeare dans la bouche de Juliette à Roméo : « Pardonne-moi de t’aimer, beau Montague !
Mgr Salvado rappelle en passant, dans les Mémoires historiques, les paroles sévères du Dr Lang, protestant très considéré, parlant d’une mission protestante fondée à Moreton-Bay, en 1838, au nord de Sydney, laquelle mission prit fin misérablement au bout de cinq ans d’existence, après avoir, comme tant d’autres, inutilement vécu. Mgr Salvado aurait pu ajouter aux paroles si sensées et si courageuses du docteur, ce passage des Monthly Records, plus courageux et plus explicite encore : « S’il est un fait incontestable, — disent les Monthly Records, — qui nous humilie et qui nous afflige, c’est que là où nous, anglicans, nous agissons timidement, dans nos possessions australiennes, l’Église de Rome est activement à l’œuvre avec un zèle et une sagesse que nous ferions bien d’imiter… Ses évêques sont partout où il y a des âmes à conquérir et à changer… Une maîtresse pensée (master mind) anime et dirige leurs travaux… Quand un seul membre de notre clergé poursuit solitairement une tâche accablante, sans être assisté des conseils de ses supérieurs, l’Église de Rome ne cesse d’apparaître avec tous ses moyens d’action au grand complet… » Certainement, jamais le sentiment de ce qui manque à sa patrie n’a inspiré à un anglais plus de noble jalousie et de justice, et il n’y aurait qu’à admirer, si, en sa qualité d’anglican, l’écrivain auquel on applaudit ne provoquait pas le sourire en nous parlant des moyens d’action au grand complet de cette Église romaine dont il faut bien compliquer le génie pour en comprendre la puissance, quand on ne croit plus à sa divine autorité !
Eux, les néoromantiques, — c’était le nom que l’on aurait pu nous donner, — ils ressemblaient quelque peu aux Jeune-France d’antan par le défi de la parole et de l’attitude. […] Je lui rends la parole : Thessein, superbement campé sur une chaise, me fait avancer. […] Cette étude nous entraînerait trop loin ; qu’il me soit permis de dire quelques paroles seulement ; et, ces paroles, je les adresse particulièrement à ceux d’entre mes auditeurs qui ne sont pas encore familiers avec ce qu’on appelait la musique de l’avenir, du temps où on nous appelait les Parnassiens. […] Ce fut la première parole que j’entendis prononcer par Francis Coppée ! […] s’écriera l’étranger, homme aussi étonnant par tes innombrables richesses que par la douceur de ta parole ?
Son allure, ses gestes, sa parole voilée et chantante, tout est d’accord avec ce recul craintif. […] Jean était mort pour de rire, et le brave colonel n’est pas homme à manquer à sa parole. […] Depuis il est surtout un logicien dangereux, grand découvreur de contradictions dans les paroles des adversaires. […] La parole est à Mme Clotilde Dissard : « Fort joliment tournée cette saynète. […] Ne cherchez pas davantage, madame, je ne me permettrais pas de douter de votre parole.
Le Roi parle : à sa parole, Plus vîte qu'un trait ne vole, On voit nager nos Guerriers, Et leur ardeur est vive, Que déjà sur l'autre rive Ils ont cueilli les lauriers.
Puis de tout le recueil j’extrais ce vers délicieux, qui suffirait à notre espoir : Vos paroles d’amour enseignent la lumière… [Mercure de France (mai 1895).]
Car la parole est toujours réprimée, Quand le sujet surmonte le Disant.
la France révolutionnaire et impériale, la France de la parole terrible et du combat-conquérant, est-elle morte en effet ? […] La sincérité vient de naître dans la parole rythmée et rimée. […] N’allons pas jusqu’à le croire sur parole ; ici encore, il usait de quelque dandysme. […] Cette parole, de la part d’un homme qui se crut poète, est monstrueuse, tout simplement. […] Cela était miraculeusement clair quand il l’énonçait par la plus diaphane parole qu’ait jamais proférée un être humain.
Rirez-vous d’un homme après de telles paroles ? […] Cette abondance de pensées fait leur grandeur ; presque toujours leurs paroles valent la peine d’être méditées. […] Contre de tels cris, nulle parole ne vaut ; des actions seules, la vraie vengeance, le poison, répondront. […] On mourrait pour lui, et on est prêt à tout quitter et à tout entreprendre sur une de ses paroles. […] Quels sont les maîtres de cette parole et de cette prière ?
Ils apprendraient la signification des gestes très humbles et des mots très futiles, et que le rire d’un enfant ou le babillage d’une femme équivalent par ce qu’ils contiennent d’âme et de mystère aux plus éblouissantes paroles des Sages. […] Vielé-Griffin, qui ne mentait déjà pas, s’est tenu parole depuis ; il est bien demeuré lui même, vraiment libre, vraiment fier et vraiment farouche. […] Plus tard Mauxgavres jouit et meurt de l’épouvante d’avoir vu ses paroles se réaliser jusqu’à leurs convulsions suprêmes et la cravate rouge du prédestiné devenue le garrot d’acier qui coupe en deux les cous blancs. […] Et malgré et contre mes rechutes de chaque jour, je m’efforce, selon la parole de Jésus à la Samaritaine, à l’adoration en esprit et en vérité. » M. […] Venez avec des corbeilles de violettes, ô fillettes Qui hésitez un peu dans le chemin des hêtres, Par crainte des paroles solennelles du prêtre.
Théodore de Banville Ce titan en habit noir dit-il quelque chose en effet, lorsque, plus bruyant et plus terrible que ses collègues Brontès et Stéropès, il fabrique et débite ses foudres dans la célèbre armoire aux paroles, à côté du verre d’eau sucrée ?
Aussi, quand il surmontait sa timidité et chassait sa vague tristesse de malade, inventait-il à chaque instant des paroles tour à tour enthousiastes, tendres et ingénues, qui donnaient à son entretien un charme extrême.
Gabriel Mourey se calment, et cette dernière partie de son livre s’apparente au Coffret de santal et aux Romances sans paroles, vers de huit, neuf, onze, douze, treize syllabes.
Le naturel & le tour aisé qu’il donnoit aux paroles de ses Chansons, qu’il mettoit sur les airs les plus connus & les plus faciles, a fait que plusieurs personnes les ont retenues, & qu’on a été en état d’en donner un Recueil au Public.
Gabriel Colin, qui dans l’Univers, le Bulletin de la Société d’éducation et bien d’autres Revues, s’est fait le propagateur sincère de nos théories ; Elzéar Rougier, mon fidèle ami de doctrine et d’idées, qui répand la bonne parole littéraire en province ; Michel Salomon, qui nous défend si vaillamment dans le Journal de Genève ; Ch.
Tous ces retours de Gibbon sont sans doute exclusivement dans un intérêt politique et social, et ses paroles trouvent encore moyen de s’y imprégner d’un secret mépris pour ce qu’il ne sent pas. […] À l’âge de sept ans, on le mit aux mains d’un précepteur, d’un digne vicaire de campagne, John Kirkby, sur lequel il a laissé des paroles touchantes. […] Cette parole est bien celle d’un homme de goût qui apprécie Xénophon.
L’ayant ainsi habilement dépouillé des grandeurs mêmes dont il vient de l’envelopper et de le draper à plaisir, il va prendre le prélat, sinon comme un écrivain, du moins comme un orateur, comme un des maîtres de la parole ; et c’est ici qu’il entre dans le vif, que le persiflage s’aiguise et s’enhardit, et que l’exécution commence. […] Il y apprécie le procédé de l’abbé de Caumartin avec la même sévérité et du même point de vue qu’avait fait Louis XIV : Nous nous croyons obligé de dire (ce sont les paroles de d’Alembert) que, si le directeur eut dessein en cette occasion d’immoler bénignement le récipiendaire à la risée publique, il eut un tort très grave, et à l’égard de son confrère et à l’égard de son corps. […] Il n’est pas sacerdotal par rapport à lui, car il n’a pas dit un seul mot de l’Écriture sainte, des Pères de l’Église, ni des Conciles œcuméniques, et ce sont les seules paroles qui doivent sortir de la bouche d’un prêtre.
Les vraies raisons de sa détermination finale, Charles-Quint les a dites sans arrière-pensée dans cette mémorable séance du 25 octobre 1555, tenue à Bruxelles en présence des États assemblés, lorsqu’après avoir fait faire un exposé de motifs par un de ses conseillers, il prit lui-même la parole et rendit compte de sa conduite présente en même temps qu’il résuma tout son règne, dans un discours improvisé pour lequel il s’aida de quelques notes et dont on connaît amplement la substance. […] Même dans l’état d’exténuation où il était réduit quelques années avant son abdication, et tel qu’un ambassadeur de Henri II nous l’a décrit pendant une de ses attaques de goutte, « l’œil abattu, la bouche pâle, le visage plus d’homme mort que vif, le col exténué et grêle, la parole faible, l’haleine courte, le dos fort courbé, et les jambes si faibles qu’à grand’peine il pouvait aller avec un bâton de sa chambre jusqu’à sa garde-robe » ; même dans ce piteux état, il ne cessait de se gorger de viandes indigestes, de poissons, de saumures, de bières glacées : « Jusqu’à son départ des Pays-Bas pour l’Espagne, disait un ambassadeur vénitien, il avait l’habitude de prendre le matin à son réveil une écuelle de jus de chapon, avec du lait, du sucre et des épices ; après quoi il se rendormait. […] Brantôme, dont les paroles d’ailleurs ne sont pas l’Évangile, a dit d’après la rumeur publique que « bien souvent l’empereur se fouettait d’un fouet de pénitent ».
C’est avant de partir pour l’armée, à la campagne suivante de 1712, que Villars recueillit de la bouche de Louis XIV les magnanimes paroles qui ont été souvent répétées. Ces paroles de Louis XIV, qui exprimaient une si noble et royale résolution pour un cas extrême, avaient déjà été dites à Villars presque dans les mêmes termes à un précédent départ, et le roi les redit aussi, parlant au maréchal d’Harcourt : c’était le fond de sa pensée et de son âme, tant que pesèrent sur lui et sur son royaume ces conjonctures désastreuses. […] Mais il est beau que sa fortune fasse la fortune publique. » Et songeant moi-même à Villars, à Masséna, à ces grands hommes de guerre qui ont eu des vices, mais qui peuvent aussi montrer dans leur vie ces nobles pages, Rivoli, Essling et Zurich, ou bien Friedlingen, Hochstett et Denain, je dirai qu’il convient de leur appliquer les paroles de Périclès dans l’Éloge funèbre des guerriers morts pour Athènes : « A ceux qui ont de moins bonnes parties il est juste que la valeur déployée contre les ennemis de la patrie soit comptée en première ligne ; car le mal disparaît dans le bien, et ils ont été plus utiles en un seul jour par ce service public, qu’ils n’ont pu nuire dans toute leur vie parleurs inconvénients particuliers. » C’est la conclusion qui me paraît la plus digne pour ce chapitre d’histoire.
» — Le prince Toufiakine expirant dit pour dernière parole : « Mlle Plunkett danse-t-elle ce soir ? […] » et il vivra assez pour tenir sa parole. […] Et encore, Madame Louise, fille de Louis XV, qui s’était faite carmélite à Saint-Denis, redevenue princesse dans son délire sans cesser d’être nonne, et croyant toujours donner des ordres à son écuyer, laissa échapper ces dernières paroles : « Au paradis, vite, vite, au grand galop !
« Nous avions beau nous attendre, écrivait-elle à sa mère, à l’événement devenu inévitable depuis deux jours, le premier moment a été atterrant, et nous n’avions pas plus l’un que l’autre de parole. […] Elle disait de lui cette belle parole : « Son estime est ma protection. » Détail singulier pourtant, presque incroyable et inimaginable, mais qui depuis la publication des Mémoires de Mme Campan est devenu l’un des points avérés de l’histoire : après six ou sept ans de mariage, Marie-Antoinette n’était pas encore mère et n’avait pas lieu d’espérer de l’être. […] Dans une des lettres à sa sœur Marie-Christine, publiée par M. d’Hunolstein, la reine dit, à la date du 19 mai 1777, ces paroles bien vagues et qui renferment une allusion que les rapprochements confirment : « Non… mais taisez-vous, voilà ma réponse ; mais tout maintenant fait espérer le contraire. » De son côté, Louis XVI, dans son curieux Journal-itinéraire, conservé aux Archives de l’Empire, inscrivait à la date du 18 août 1777 un mot décisif.
Il y a eu dans les deux communions des réveils, des coups de baguette impérieux et puissants, des coups de trompette, de grands talents, de belles âmes éloquentes, ardentes, qui ont essayé de fondre les divisions artificielles, de dégager le vrai courant, de reporter les esprits aux hauteurs et aux sources, de ne s’attacher qu’à ce qui est la vie ; et je le dirai avec la conscience de ne faire injure à aucun, s’il y a eu d’un côté Lacordaire, ce regard flamboyant, cette parole de feu, on a eu de l’autre Adolphe Monod, cette âme d’orateur et d’athlète chrétien qui, à ceux qui l’ont vue de près dans son agonie suprême, a rappelé le martyre et l’héroïsme de Pascal. […] C’est de paroles douces plutôt que sévères que Lisette a besoin ; Lisette est spiritualiste. […] le vôtre, le mien : pétulance, un sang chaud, quelque parole trop vive, beaucoup d’années sans trop penser à Dieu, un cœur malhabile à le saisir, facile à s’en distraire. » Là-dessus une conversation s’engage : le pasteur (ou Mme de Gasparin déguisée en pasteur) s’applique à rassurer Lisette : elle ne croyait qu’en Jéhovah le Dieu terrible : il lui montre le Dieu d’Abraham, le Dieu du pardon, celui qui s’est immolé et qui a souffert.
Appelé au Conseil et ministre d’État depuis 1743 et pendant treize années, il donnait de bons avis, il avait de belles maximes et, ce qui était déjà à la mode, il trouvait, au sujet des affaires du Parlement et sur ces interminables conflits où il y avait matière à popularité, des paroles et des démonstrations de citoyen. […] Et que l’on croie, après cela, aveuglément aux paroles écrites du duc de Noailles, et que l’on s’en tienne aux belles protestations enregistrées dans ses Mémoires. […] Il est l’antipode du courtisan ; on l’appelle à la Cour d’Argenson la bête : c’est bien lui qui a un fond de cœur de citoyen ; mais l’écorce est revêche, la parole rustique et rude, même grossière.
Si, dans cette circonstance, Saint-Simon eut des ridicules aux yeux des autres ; si, quand il prit la parole pour protester au nom des ducs, on n’entendit qu’une petite voix dont quelques-uns dans l’assistance se moquèrent ; s’il y eut du plaisant pour quelques spectateurs dans l’incident, il est certain que, plein de son objet et de sa passion, il ne s’en apercevait pas lui-même : mais, en revanche, si vous lui passez ce travers, ce tic nobiliaire (pour l’appeler par son nom), que ne distinguait-il pas sur tous ces bancs autour de lui, dans les plis de ces fronts et de ces visages, dans cette multitude de masques où la nature lui avait accordé de lire ! […] Mme de Maintenon, a été fort maltraitée par Saint-Simon, et j’ai toujours été moi-même des premiers à la défendre contre ces excès de parole. […] Je ne savais auquel courir, du général ou de mon père ; la nature en décida : je me jetai dans les bras de mon père et je lui cherchais un reste de vie, que je craignais ne plus lui trouver, lorsqu’il m’adressa ces paroles que toute la France trouva si belles, qu’elle compara le cœur qui les avait dictées à ceux des anciens et véritables Romains ; et je crois que la mémoire s’en conservera longtemps.
Ils sont bien des hommes de la fin du xviiie siècle en cela ; mais ils sont tout à fait des artistes du xixe par les touches successives du tableau et les nuances à l’infini : « Se trouver, en hiver, dans un endroit ami, entre des murs familiers, au milieu de choses habituées au toucher distrait de vos doigts, sur un fauteuil fait à votre corps, dans la lumière voilée de la lampe, près de la chaleur apaisée d’une cheminée qui a brûlé tout le jour, et causer là à l’heure où l’esprit échappe au travail et se sauve de la journée ; causer avec des personnes sympathiques, avec des hommes, des femmes souriant à ce que vous dites ; se livrer et se détendre ; écouter et répondre ; donner son attention aux autres ou la leur prendre ; les confesser ou se raconter ; toucher à tout ce qu’atteint la parole ; s’amuser du jour, juger le journal, remuer le passé comme si l’on tisonnait l’histoire ; faire jaillir, au frottement de la contradiction adoucie d’un : Mon cher, l’étincelle, la flamme, ou le rire des mots ; laisser gaminer un paradoxe, jouer sa raison, courir sa cervelle ; regarder se mêler ou se séparer, sous la discussion, le courant des natures et des tempéraments ; voir ses paroles passer sur l’expression des visages, et surprendre le nez en l’air d’une faiseuse de tapisserie ; sentir son pouls s’élever comme sous une petite fièvre et l’animation légère d’un bien-être capiteux ; s’échapper de soi, s’abandonner, se répandre dans ce qu’on a de spirituel, de convaincu, de tendre, de caressant ou d’indigné ; jouir de cette communication électrique qui fait passer votre idée dans les idées qui vous écoutent ; jouir des sympathies qui paraissent s’enlacer à vos paroles et pressent vos pensées comme avec la chaleur d’une poignée de main : s’épanouir dans cette expansion de tous et devant cette ouverture du fond de chacun ; goûter ce plaisir enivrant de la fusion et de la mêlée des âmes, dans la communion des esprits : la conversation, — c’est un des meilleurs bonheurs de la vie, le seul peut-être qui la fasse tout à fait oublier, qui suspende le temps et les heures de la nuit avec son charme pur et passionnant.
La bonne vieille Jeanne, diseuse de bonne aventure, que la noce rencontre, jette un moment quelque nuage à ces fronts sereins, par des paroles obscures et funèbres ; mais « sur un petit ruisseau clair comme de l’argent, que peuvent deux gouttes d’eau trouble ? […] tu m’embrasses trop fort, tu m’étouffes, Marguerite. » — Je traduis mot à mot, en ne supprimant que l’harmonie du rhythme : qu’on juge du charme de ces simples et vraies paroles dans des vers purs, concis, auxquels pas un mot de trop, pas un ornement inutile n’est accordé ! […] La cérémonie commence, l’anneau est béni, et Baptiste le tient ; mais, avant de le mettre au doigt qui l’attend, il faut qu’il prononce une parole… Elle est dite ; aussitôt, du côté du garçon d’honneur, une voix s’élève ; Marguerite, qui peut-être au fond de son cœur doutait encore, a crié : « C’est lui !
Il vient, il entre et salue, et n’est que froidement poli ; pas une parole inutile, pas un regard. […] Bien des fois déjà les propositions d’avenir avaient erré sur ses lèvres, et la seule timidité, cette pudeur de toute affection sincère, avait fait ses paroles moins précises qu’il n’aurait voulu. […] Vous prendrez garde à toutes ces haines de là-bas, et vous tâcherez surtout de concilier ici. » Et la famille, et les enfants, elle venait aussi en parler, et embellissait par eux les devoirs : « Ils auront es mêmes fées que vous sous vos mêmes ombrages. » Hervé n’essayait plus de comprendre, il nageait dans une sainte joie ; le jour tombant et de si franches paroles l’enhardissaient ; il exprima nettement ce désir prochain d’union, et cette fois, soit qu’elle fût trop faible, après tant d’efforts, ou trop attendrie, elle le laissa s’expliquer jusqu’au bout sans l’interrompre.
Puis on a Mme de Maintenon, esprit juste, tête saine, parole agréable et parfaite dans un cercle tracé. […] Le grand prédicateur l’écouta, et dit pour toute parole en se retirant : « Elle est charmante. » L’abbesse insistant pour savoir quel livre il fallait donner à lire à cette enfant, Massillon répondit, après un moment de silence : « Donnez-lui un catéchisme de cinq sous. » Et l’on n’en put tirer autre chose. […] Je vous avoue qu’au sortir de là, si j’avais su où vous trouver, j’aurais été vous chercher ; il faisait le plus beau temps du monde, la lune était belle… On peut juger si Mme Du Deffand le plaisante sur cette lune ; elle réduit cet éclair de sentiment à sa juste valeur, et, tout en essayant de lui dire quelques paroles aimables elle livre la clef de sa propre nature au physique et au moral.
Considérant Voltaire de loin et d’après ses seuls ouvrages, l’embrassant avec cet enthousiasme de la jeunesse qu’il est honorable d’avoir ressenti au moins une fois dans sa vie, Frédéric le proclame l’unique héritier du grand siècle qui vient de finir, « le plus grand homme de la France et un mortel qui fait honneur à la parole ». […] Mais si vous n’aviez pas eu affaire à un fou amoureux de votre beau génie, vous ne vous en seriez pas tiré aussi bien chez tout autre… » Cependant, après ces paroles sévères et trop fermes pour ne pas être justes, après ces paroles de roi, comme le fou, amoureux du brillant esprit, se laisse voir encore aisément, quand il ajoute : Vous faut-il des douceurs ?
En conseillant d’imiter les anciens et de les traduire, Pasquier recommande qu’on ne les traduise pas servilement, mais qu’on trouve leur équivalent en français, qu’on fasse surgir s’il se peut, à leur propos, une parole qui vienne de notre propre fonds. […] Mais voilà que, le roi étant au Louvre, tout le Parlement s’achemine en robes rouges par devers lui, lequel, infiniment ébahi de ce nouveau spectacle en temps et lieux indus, s’informe d’eux de ce qu’ils lui vouloient demander. — La mort, sire (répondit le seigneur de La Vacquerie, premier président, portant la parole pour toute la compagnie) ; la mort qu’il vous a plu nous ordonner, comme celle que nous sommes résolus de choisir plutôt que de passer votre édit contre nos consciences. […] Achille de Harlay lui envoyait en retour quelque sonnet, lequel ne vaut pas tout à fait sa sublime parole au duc de Guise.
Le fait est, si l’on met toute malice à part, que Mme Scarron, durant ces années les plus périlleuses, paraît n’avoir jamais été troublée par ses sens, jamais poussée par son cœur, et qu’elle était retenue par les deux freins les plus forts de tous, un amour de la considération qui, de son aveu, était sa passion dominante, et une religion précise et pratique dont elle ne se départit jamais : « J’avais, a-t-elle dit, un grand fonds de religion, qui m’empêchait de faire aucun mal, qui m’éloignait de toute faiblesse, qui me faisait haïr tout ce qui pouvait m’attirer le mépris. » Je ne vois pas de raison pour douter de cette parole, sauf accident. […] Une fois accueillie, en un mot, elle ne l’était pas à demi ; par la parole comme par l’action, elle y devenait l’âme, la ressource, l’agrément du lieu. […] Avec sa parole qui servait si bien son esprit merveilleusement droit, elle définissait sa position, un jour qu’à Saint-Cyr on remarquait autour d’elle, en la voyant se fatiguer à la marche et ne pas se ménager, qu’elle ne se comportait pas comme les grands : « C’est que je ne suis pas grande, répliqua-t-elle, je suis seulement élevée. » De tous les portraits de Mme de Maintenon, celui qui nous la montre le mieux dans cette attitude dernière et réfléchie d’une grandeur voilée, est, selon moi, un portrait qui se voit à Versailles dans les appartements de la reine (nº 2258) : elle a plus de cinquante ans, elle est tout en noir, belle encore, grave, d’un embonpoint modéré, d’un front élevé et majestueux sous le voile.
Voilà de part et d’autre de dures paroles et qui soulèveraient une terrible querelle si on les voulait discuter à fond. […] Celle-ci, se plaignant de la légèreté de paroles qui régnait plus que jamais à la cour de Versailles, lui avait écrit, à la date du 5 décembre 1706 : Oui, madame, les plus grandes difficultés viennent du peu de ressource qu’on trouve dans les hommes ; ils sont presque tous intéressés, envieux, de mauvaise foi, insensibles au bien public, et regardant les sentiments contraires aux leurs comme des vues romanesques et impraticables. […] Dans ces paroles si fermes et si royales, on saisit bien les vraies causes du mécontentement de Louis XIV, et l’apostille, vraie ou fausse, de la dépêche, n’est plus qu’un accident secondaire.
J’avoue que toutes mes craintes n’avaient pas été jusqu’à prévoir que nous serions réduits à désirer de voir le roi et la reine d’Espagne détrônés : il n’y a point de paroles, madame, qui puissent exprimer une telle douleur ; le roi en est pénétré. […] D’autres racontent (et ces divers récits se complètent sans se contredire) que Mme des Ursins ayant protesté de son dévouement à la nouvelle reine, et assuré Sa Majesté « qu’Elle pouvait compter de la trouver toujours entre le roi et Elle, pour maintenir les choses dans l’état où elles devaient être à son égard, et lui procurer tous les agréments dont Elle avait lieu de se flatter, la reine, qui avait écouté assez tranquillement jusque-là, prit feu à ces dernières paroles, et répondit qu’elle n’avait besoin de personne auprès du roi ; qu’il était impertinent de lui faire de pareilles offres, et que c’en était trop que d’oser lui parler de la sorte ». […] Dans cette chute foudroyante, Mme des Ursins, après les premiers moments de surprise, retrouva toute sa force, tout son sang-froid, sa modération apparente ; on n’entendit de sa bouche ni une plainte ni un reproche inconvenant, ni une parole de faiblesse.
Nommé professeur de morale à cette École normale qui fut improvisée en l’an III, il parut deux ou trois fois dans sa chaire, et y recueillit des applaudissements pour ses moindres paroles. Il s’estima heureux pourtant que la fin prochaine de l’École vînt le délivrer de cette charge de la parole publique, pour laquelle il était peu fait. […] Une femme qui écrivit sur cette séance académique une lettre, insérée dans la Gazette de France du 28 novembre, disait, en arrivant au discours de Bernardin de Saint-Pierre : Peut-être l’attention était épuisée, quand le président a pris la parole, ou plutôt a demandé à M.
Voyons saint François de Sales tel qu’il était, et ne nous prenons pas, comme les enfants, au-dehors et au détail ; voyons-le dans sa force et dans son élan intérieur, démêlons le jet de la source à travers son imagination vive, abondante, et si riante qu’elle paraît d’abord enfantine ; car il a non seulement de l’Amyot dans sa parole, il a du Joinville du temps de saint Louis. […] Il y a quelqu’un, cependant, qui a parlé de saint François de Sales mieux encore que Bossuet, et qui en a écrit avec des paroles plus distinctes, plus pénétrantes et plus vives : c’est Mme de Chantal, cette fille spirituelle de saint François de Sales et cette aïeule de Mme de Sévigné. […] Il lui ressemble d’ailleurs par le côté affectif, miséricordieux, par le don des paraboles et des emblèmes, par le miel de la parole et par l’attrait.
Marguerite, toute savante et éclairée qu’elle était, a dû croire au même présage, et eût écrit les mêmes paroles que sa mère. […] Son frère l’ayant mariée en secondes noces, en 1527, à Henri d’Albret, roi de Navarre, elle eut à Pau sa petite cour, qui fut le lieu de refuge et le port de salut des persécutés et des novateurs : « Elle favorisa le calvinisme, qu’elle abandonna dans la suite, dit le président Hénault, et fut cause des progrès rapides de cette secte naissante. » Ces paroles du président Hénault me paraissent trop absolues. […] Dans la seconde moitié du xviie siècle, il n’y avait plus que Mme Cornuel à qui l’on passât les grosses paroles à cause de l’esprit et du sel qu’elle y mettait.
Aussi souvent battu que victorieux ; seul, ayant la moitié de l’Europe sur les bras ; forcé de tenir tête avec cent vingt mille hommes (quand il est au complet) à trois cent mille ; calomnié par d’odieux libelles dont sa mémoire n’a triomphé encore aujourd’hui qu’imparfaitement, il a bien des paroles simples et magnanimes. […] Après la bataille de Kolin, c’est à Milord Maréchal que Frédéric écrit ces paroles souvent citées (18 juin 1757) : « La fortune m’a tourné le dos. […] Ôtez de devant mes yeux cette épée qui m’éblouit et me blesse. » Frédéric ne se choque point, et à l’étrange boutade du philosophe sauvage il n’oppose que ces mots : « Il veut que je fasse la paix ; le bonhomme ne sait pas la difficulté qu’il y a d’y parvenir, et, s’il connaissait les politiques avec lesquels j’ai affaire, il les trouverait bien autrement intraitables que les philosophes avec lesquels il s’est brouillé. » Aussitôt la paix conclue, Frédéric se fait une joie de revoir son ami le Milord Maréchal, et, quand celui-ci l’a quitté pour retourner en Écosse, il essaye de le rappeler à Postdam par ces paroles où perce cette fois un sourire et un vrai parfum de poésie : « Je finis ma lettre en vous apprenant, mon cher Milord, que mon chèvrefeuille est sorti, que mon sureau va débourgeonner, et que les oies sauvages sont déjà de retour.
Il est certain qu’à l’origine la parole, la musique et la danse concouraient équitablement à la poésie : la danse pourrait être l’origine du rythme. […] Or, le désaccord n’a cessé de s’aggraver entre l’écriture et la parole ; l’une est restée à peu près fixe, l’autre s’est modifiée assez profondément par le fatal affaiblissement des voyelles et l’assourdissement prévu des consonnes. Mais on ne lit pas que par les yeux ; on lit par les oreilles, on lit avec le souvenir de la parole et surtout les vers auxquels on demande des sensations musicales en même temps que des impressions sentimentales.
On se contentera de quelques éclaircissements historiques et de paroles d’un poète à ses confrères. […] Nous sommes si d’accord avec Banville que nous admettons sa définition : « Le Vers est la parole humaine rythmée de façon à pouvoir être chantée, et, à proprement parler, il n’y a pas de poésie et de vers en dehors du chant. » Mais, si l’oreille des romantiques différait de celle des classiques, la nôtre a d’autres besoins que les leurs. […] Il nous paraît donc plausible de le scander, en le considérant entre les syllabes environnantes comme un simple intervalle, et en cela nous sommes d’accord avec la déclamation instinctive du langage qui est la vraie base de la rythmique, et même la constitue dès qu’elle se met d’accord avec l’accent d’impulsion qui est son élément de variation, et l’intonation poétique, subordonnée à l’accent d’impulsion, accent et intonation qui comptent, puisque le vers et la strophe sont tout ou partie de phrase chantée et sont de la parole avant d’être une ligne écrite.
L’art lui restait encore, mais dénué de cette passion sérieuse qui est l’âme de la parole. […] Quand la France se soulevait de sa base antique pour repousser les armées étrangères, quand le cri d’alarme avait retenti du Nord au Midi, sous les flammèches qui sortaient de toutes les bouches, le feu prit au cerveau d’un jeune conscrit ; et, dans une nuit, il fit ce chant de la Marseillaise, dont les paroles, la musique et l’action sur les champs de bataille peuvent nous dire ce qu’était la poésie grecque. […] C’est à ce titre qu’un poëte, d’abord de l’école alexandrine, sous l’ancienne royauté, puis de l’école frénétique sous l’anarchie, Lebrun, affecta les écarts d’une veine à la fois savante et forcenée, n’étant d’ailleurs qu’un artiste en paroles, sans libre invention, comme sans principe moral, et d’autant plus impétueux qu’il était plus servile sous la passion ou le pouvoir du moment.
Le poète s’est émerveillé de vivre en mots qui le confessent délicat et doux, ayant la pudeur de sa joie, la reconnaissance d’aimer ; ce livre est une parole basse, dite pour une seule et dont le hasard d’une surprise involontaire nous a fait le confident indulgent.
Mais les discours sur une ample matière étant divisés par de longs intervalles, exigent, chaque fois qu’on reprend la parole, une récapitulation des éléments que l’on a posés d’abord. […] Au contraire, Milton, Klopstock, et Lucain, vous déclarent en débutant qu’ils vont chanter des sujets douloureux, des catastrophes mémorables ; et si leurs poèmes ne se conformaient pas vers la fin aux paroles du commencement, la conclusion en serait défectueuse. […] » Parole digne des héros de l’antiquité, parole que suivit bientôt sa mort. […] Toutes les idées du Télémaque entreraient dans la haute poésie, en recevant ses formes ; mais la moitié des paroles qui les rendent la dégraderaient, en se mêlant à son élégante noblesse. […] de l’exacte conformité des démarches et des paroles des divinités qui l’animent avec leurs attributions supposées.
Nizerolles-Closcard, de Tourenque, il lui dit ces belles paroles. […] Elle l’implorait, elle courbait de nouveau le front, en le voyant si froid, toujours sans une parole, sans un geste. […] « Vérigny… Maman… Maman… » Et son délire n’eut plus, depuis, d’autres paroles. […] Le dîner touche à sa fin, sans une fleur froissée aux bordures odorantes des surtouts et des couverts, sans une parole plus haute, un geste plus animé. […] Cependant, il ne pouvait se décider à s’approcher d’elle, à lui adresser la parole.
Je voudrais lui laisser la parole le plus longtemps possible, c’est d’ailleurs le meilleur moyen de le faire apprécier de mes lecteurs.
Gresset parloit alors en pleine Académie, & adressoit la parole à M. de Boissi lui-même, qui venoit de prononcer son Discours de réception.
Fleury a le talent de parodier les Airs, & d’y appliquer des paroles avec justesse ».
Et le grand Condé, en mourant, répétoit ces nobles paroles : Oui, nous verrons Dieu comme il est.
»On applaudissait un instant ces belles paroles, puis on en revenait aux récriminations. […] A l’instant où il allait recevoir le coup fatal, on s’aperçut que le couteau n’avait pas été remonté ; il fallut disposer l’instrument : il employa ce temps à proférer encore quelques paroles ; il assurait que « nul ne mourait plus dévoué à son pays, plus attaché à son bonheur et à sa liberté. »Depuis le désastre de prairial, le jacobinisme perdit le rang de parti, et retomba à l’état de secte, jusqu’à l’affaire de Gracchus Babeuf, où il acheva de se dissoudre.
C’est qu’elle n’est pas même, à proprement parler, un livre, cette prière collective et dramatisée à la Vierge Marie par un bas-bleu mélancolique et troublé, imitateur de ce style mystico-lyrique qui fit la fortune du plus mauvais livre de Lamennais, — les Paroles d’un Croyant, — car parfois ces amphigouris réussissent. […] La licorne est, dit-on, — un animal fabuleux ; et il est fabuleux, en effet, qu’un dominicain, qui devrait être grave et dont la parole a une portée qui ne vient pas de lui, mais de son sacerdoce, donne si légèrement à une femme, pour le moins sans empire sur l’expression déréglée de sa foi, une approbation d’une intimité sans prudence, — dont il s’est vite excusé, aussi vite qu’il l’avait donnée !
Les deux femmes qui créent, par l’antagonisme de leurs sentiments, le drame de son livre, il en a monté les qualités et les défauts jusqu’à cette note suraiguë qu’il appelle l’outrance, cette outrance que vous retrouvez jusque dans le dénoûment si peu attendu d’un pareil livre, où un colosse de l’énergie et de l’orgueil de Guy Livingstone finit par se transformer jusqu’à subir patiemment et sublimement le plus cruel outrage, sous l’empire des sentiments les plus nobles et les plus doux de la nature humaine : le respect de la parole donnée, le repentir et la fidélité dans l’amour. […] Son cheval lui a cassé les reins, il est vrai, mais il a encore des bras terribles, des bras auprès desquels les bras de Rob-Roy ne sont que des fuseaux, et cependant le lion outragé ne rugit même pas et ne fait entendre qu’une parole, non de pardon, mais qui demande pardon !
La parole renferme le mystère générateur de la pensée… In principio erat verbum. C’est donc par une théorie de la parole et non par l’analyse de faits de conscience imperceptibles que M.
La misère de la gloire qui vient par la parole, c’est que de toutes les gloires qui s’altèrent et qui passent, elle est celle-là qui passe et qui s’altère le plus. […] L’ennui des loisirs que lui a faits le gouvernement de l’Action, substitué aux vaines parades de la parole, lui a-t-il fait comprendre qu’il faut revenir au livre, si l’on veut vivre plus de deux jours dans la mémoire des hommes, puisqu’enfin l’y voilà revenu ?
Il avait enfin cette parole sonore et ce grand geste qui plaisent à la foule même quand elle en rit, et qui ont fait de lui… cette personnalité incomparable, soit dans la rue, soit à l’Académie, qu’il est impossible de confondre avec celle de personne, et qui s’appelle Cousin ! […] Encore une fois, ce fut là un succès très grand, et qui a donné de l’importance à la vie de Cousin, mais ce fut un succès d’époque, de parti, de parole, presque incompréhensible à présent quand on lit ces discours dédoublés de l’homme qui les prononça, ces discours devenus un livre, sans conviction et sans vérité, déshonorés, d’ailleurs, par l’aveu cynique et brutal du philosophe qui, à quatorze ans de là, se félicite d’avoir rencontré un complice de mensonge dans un autre philosophe comme lui.
C’est enfin, toujours et partout, et essentiellement, le mystique chrétien du livre de l’Homme, des Physionomies de saints, de la Parole de Dieu, qui vit ici sous le conteur et qui dramatise sa pensée immuablement mystique. […] Cette forme du conte, plus dure à manier dans sa brièveté que celle du roman dans sa longueur, cette forme concentrée, dans laquelle il faut se ramasser sans rien perdre de sa sveltesse, pouvait, par le seul fait de sa concentration, éclater sous sa main et le frapper dans sa prétention de conteur, qu’il n’en serait pas moins pour cela resté lui-même, avec sa valeur d’idées prouvée par les livres que j’ai énumérés : l’Homme, — Physionomies de saints, — la Parole de Dieu, ce dernier livre de Hello, qui échappe à la compétence de la critique profane, mais que des prêtres n’ont pas craint de lire dans leurs chaires, comme si c’était là de la littérature sacrée !
« Cependant, nous le répétons, son attention paraissait tout à fait captivée par les paroles du vieux prêtre, et chacun pouvait suivre sur son visage la marche et les progrès de la pieuse influence. […] C’est un procès-verbal immense dans lequel rien n’est oublié, depuis les fails les moins connus, comme ceux, par exemple, du presbytère de Cideville en 1851, que l’auteur rapporte avec les détails d’un témoin qui les a lui-même observés, jusqu’à ceux qui bouleversent en ce moment l’Amérique, où, suivant les paroles d’un journal anglais, « 500, 000 sectateurs entretiennent avec les esprits tout un système de relations, fonctionnant comme une institution nationale ».
Quoiqu’il ait le sens critique beaucoup trop fin et trop exercé pour ne pas sentir les beautés et les suavités de toutes sortes qui sont dans Guérin, il n’a pas l’enthousiasme qu’il faudrait, l’éclat et la portée de voix, la souveraineté dans la parole, qui peuvent exiger l’admiration comme une justice et la décider du même coup. […] Et, en effet, il ne prend pas même sur lui la responsabilité de cette parole superficielle, mais il l’approuve, et c’est une manière passive d’être capable de la trouver.
Les deux femmes qui créent, par l’antagonisme de leurs sentiments, le drame de son livre, il en a monté les qualités et les défauts jusqu’à cette note suraiguë qu’il appelle l’outrance, cette outrance que TOUS retrouvez jusque dans le dénoûment si peu attendu d’un pareil livre, où un colosse de l’énergie et de l’orgueil de Guy Livingstone finit par se transformer jusqu’à subir patiemment et sublimement le plus cruel outrage sous l’empire des sentiments les plus nobles et les plus doux de la nature humaine : le respect de la parole donnée, le repentir et la fidélité dans l’amour. […] Son cheval lui a cassé les reins, il est vrai, mais il a encore des bras terribles, des bras auprès desquels les bras de Rob-Roy ne sont que des fuseaux, et cependant le lion outragé ne rugit même pas et ne fait entendre qu’une parole, non de pardon, mais qui demande pardon !
Cet extérieur était un des plus séduisants qu’on pût rencontrer dans les salons de l’Europe : une taille svelte, le buste en avant, comme le cœur, attribut des races militaires, un mouvement d’encolure de cheval arabe dans le port de la tête, des cheveux blonds à belles volutes de soie sur les tempes, des yeux grands, bleus et clairs, qui n’auraient pas pu cacher une mauvaise pensée, l’ovale et le teint d’une éternelle jeunesse, un sourire où le cœur nageait sur les lèvres, un geste accueillant, une parole franche, l’âme à fleur de peau ; seulement une certaine légèreté de physionomie, une certaine distraction d’attitude et de discours interrompus qui n’indiquaient pas une profondeur et une puissance de réflexion égale à la grâce de l’homme. […] Il cherchait aventure dans les événements et dans les partis ; véritable condottiere de la parole, conspirant, dit-on, peu d’années auparavant avec le duc de Brunswick contre la révolution française, conspirant maintenant avec quelques femmes la chute de Bonaparte, bientôt après fanatique à froid de la restauration de 1814, puis sonnant le tocsin de la résistance à Napoléon au 20 mars 1815 dans une diatribe de Caton contre César, huit jours après se ralliant sans mémoire et sans respect de lui-même à ce même Napoléon pour une place de conseiller d’État, prompt à une nouvelle défection après Waterloo, intriguant avec les étrangers et les Bourbons vainqueurs pour mériter une amnistie et reconquérir une importance ; échappé du despotisme des Cent-Jours, reprenant avec une triple audace le rôle de publiciste libéral et d’orateur factieux dans la ligue des bonapartistes et des républicains sous la monarchie parlementaire, poussant cette opposition folle jusqu’à la haine des princes légitimes sans cesser de caresser leurs courtisans, tout en fomentant contre eux l’ambition d’une dynastie en réserve, prête à hériter des désastres du trône légitime ; caressant et caressé après les journées de Juillet par le nouveau roi, recevant de lui le subside de ses nécessités et de ses désordres ; puis, honteux de l’avoir reçu, ne pouvant plus concilier sa dépendance du trône avec sa popularité républicaine, réduit ainsi ou à mentir ou à se taire, et mourant enfin d’embarras dans une impasse à la fleur de son talent : tel était cet homme équivoque, nourri dans le sein de quelques femmes politiques du temps. […] Madame Récamier reprit son sang-froid un moment troublé ; elle écrivit au prince pour retirer la parole écrite qu’elle lui avait donnée d’être à lui. […] Malgré tout ce que dit de délicat madame Lenormant sur la nature purement éthérée de la passion de madame Récamier et de M. de Chateaubriand à cette époque, il est certain pour moi que cette passion avait ses accès, comme toute fièvre des âmes qui communique sa fièvre aux paroles. […] Il faut du bruit à un journal sous la liberté de la presse ; les foudres de paroles de M. de Chateaubriand faisaient l’éclat.
Après le repas je retourne à la taverne : j’y trouve ordinairement l’hôtelier, un boucher, un menuisier et deux chaufourniers ; je m’encanaille avec eux tout le reste du jour au criccrac ou trictrac, jeux pendant lesquels surgissent entre nous mille disputes, mille chocs de paroles injurieuses, et où le plus souvent on conclut pour un quatrino (un sol), et où on ne nous entend pas moins crier de là à San-Casciano. […] Une république démocratique et religieuse, agitée par la parole d’un moine à moitié fou, à moitié factieux, mais toujours fourbe, Savonarola, avait remplacé les Médicis. […] Les premiers, il leur arrive toujours malheur ; les seconds ne succombent presque jamais : c’est pour cela qu’on a vu réussir tous les prophètes armés, les prophètes désarmés finir misérablement. » On voit qu’à l’inverse du sophisme de ce temps-ci, qui attribue plus de force à la parole qu’au glaive, il donne à la force le rôle si vrai que Dieu lui a donné, grâce à la lâcheté du cœur humain. […] Le mieux serait d’être l’un et l’autre. » On ne peut pas excuser de même son conseil au prince de ne pas tenir sa parole lorsque les circonstances dans lesquelles on l’a engagée sont changées, ni l’éloge qu’il fait nettement du pape Alexandre VI d’avoir jeté tous ses serments au vent. […] La constitution espagnole fut proclamée sur parole, car il n’en existait pas même un exemplaire à Naples.
« En Grèce, les statues ne sont pas faites pour l’ornement des temples, mais bien les temples pour le logement des statues. » XXXVI Reprenons la parole : Rien n’est improvisé dans la nature et dans l’art. […] LIV Je m’assis là, seul et pensif, et j’y restai jusqu’à la nuit presque close, ranimant sans efforts toute cette histoire, la plus belle, la plus pressée, la plus bouillonnante de toutes les histoires d’hommes qui aient remué le glaive ou la parole. […] Le poète, au contraire, et j’entends par poète tout homme qui crée des idées, en bronze, en pierre, en prose, en paroles ou en rythmes ; le poète remue ce qui est impérissable dans la nature et dans le cœur humain. […] Ils proscrivent du domaine de l’action celui qui excelle dans le domaine de l’intelligence et de la parole ; ils ne veulent pas que Platon fasse des lois réelles, ni que Socrate gouverne une bourgade. […] LVIII Je passe des heures délicieuses couché à l’ombre des Propylées, les yeux attachés sur le fronton croulant du Parthénon ; je sens l’antiquité tout entière dans ce qu’elle a produit de plus divin ; le reste ne vaut pas la parole qui le décrit !
Je commence par éprouver la vérité de ces paroles consolantes. […] Je me mis à genoux près de la porte, et, sans l’interrompre, je suivis mentalement ses paroles. […] C’était la chambre qu’avait habitée ma sœur, et je n’y étais plus rentré depuis sa mort : son fauteuil était encore placé comme lorsque je l’en avais retirée pour la dernière fois ; je sentis un frisson de crainte en voyant son voile et quelques parties de ses vêtements épars dans la chambre : les dernières paroles qu’elle avait prononcées avant d’en sortir se retracèrent à ma pensée : « Je ne t’abandonnerai pas en mourant, me disait-elle ; souviens-toi que je serai présente dans tes angoisses. » En posant la lampe sur la table, j’aperçus le cordon de la croix qu’elle portait à son cou, et qu’elle avait placée elle-même entre deux feuillets de sa Bible. […] Je pressai longtemps cette lettre précieuse sur mon cœur avant de pouvoir la lire ; et, me jetant à genoux pour implorer la miséricorde divine, je l’ouvris, et j’y lus en sanglotant ces paroles qui seront éternellement gravées dans mon cœur : « Mon frère, je vais bientôt te quitter ; mais je ne t’abandonnerai pas. […] Soutiens-moi, récite la prière des agonisants. » Ce furent les dernières paroles qu’elle prononça.
Enyoyé d’abord à Venise avec cinq chevaliers, pour demander des vaisseaux à la république, ce fut lui qui porta la parole devant le doge dans l’église Saint-Marc, et qui décida le traité entre Venise et les croisés. […] L’habile député qui avait conduit l’arrangement avec Venise fut successivement de l’ambassade qui vint demander à Isaac l’Ange l’accomplissement des promesses de son fils, et qui somma ce jeune prince, que la bonne fortune avait rendu ingrat de tenir sa parole. […] Très que n’avoie que douze ans, Estoie forment goulousans (désireux) De veoir danses et caroles, D’oïr ménestrels et paroles Qui s’apertiennent à déduit, Et se ma nature introduit Que d’amer par amour tous chiaus (ceux) Qui aimment et chiens et oisiaus6. […] Et toutesfois entre mes amers gousts, je treuve un assouagement et une sustance à merveilles grande en une herbe appelée memoire, qui est celle seule qui me fait oublier peines, travaux, miseres et afflictions, et prendre plume, et empleyer ancre, papier et temps, tant pour moy desennuyer comme pour accomplir et achever (si Dieu plaist) mon emprise, espérant que les lisans et oyans suppléeront mes fautes, agréeront mon bon vouloir, et prendront plaisir et délectation d’ouyr et sçavoir plusieurs belles, nobles et solennelles choses advenues de mon temps, et dont je parle, par veoir, non pas par ouyr dire. » Olivier de la Marche écrivait ces touchantes et nobles paroles en 1491. […] Ne parloit où y qu’il fust, si non à cause et n’y avoit nul vuide en sa parole parloit en moyen ton ne oncques pour passion ne le fist plus haut ; estoit égal à toutes gens, et bénigne en respondre ; tard à promettre, et plus encore à ire (à s’irriter) mais esmeu c’estoit un ennemy… Donnoit à temps et à poids.
Mais ce qui ne saurait se dire c’est le charme de sa parole. […] Comment dire l’état de rêve ou me jetèrent ces premières paroles de l’Imitation ? […] Et ce n’était pas en paroles seulement qu’il les aimait. […] « Retranchons des paroles tout ce qui est personnel. […] Les dernières paroles qu’il a prononcées avant de mourir en sont un curieux témoignage.
La lettre est de la parole à distance ; elle en garde le charme et l’imprudence, et si nous y goûtons l’un, nous y profitons de l’autre. […] Sa correspondance devient mandataire ; à mesure qu’il sent grandir en lui la statue qu’il veut être et qu’il sera, chaque parole tourne à l’oracle. […] Une jeune fille compose sur des paroles de lui la musique d’un opéra plusieurs fois représenté. […] La donnée la plus douteuse prenait à sa parole une véracité momentanément indiscutable. […] On avait pu lire, de Verlaine, les Fêtes galantes, les Romances sans paroles, et Sagesse.
Et, pendant que John Stranger chantait ces paroles, il regardait parfois en haut, parfois James Nayler. […] Phalinos prenant la parole : « Cléarque, l’un dit une chose, l’autre une autre. […] Mais, Socrate, tous le louent, et disent qu’il n’y a point d’homme plus habile dans la parole. […] Une seule de leurs paroles réfute ceux qui déclarent l’homme mauvais par nature. […] Ses sentiments sont si naturels, et ses paroles si sincères, qu’il est toujours aimable.
Mais il ne faut point chercher en son livre seulement de fières paroles selon
. — La Montagne Noire, drame lyrique en quatre actes, paroles et musique (1895).
il n’y a pas de paroles pour exprimer ce queje souffre ! […] Moi, je ne retire pas ma parole, et vous, vous retirez la vôtre ? […] Chez nous, au moins, elle aura ma mère et moi pour lui dire de bonnes paroles. […] Il lui a dit certaines paroles qui n’étaient pas vraies. […] Tout cela, sans une parole.
L’écho de la parole écrite ne les quitte plus. […] Longin la définit : « Un accroissement de paroles ». […] Quelle parole aurons-nous sur les lèvres ? […] Je risque, moi… mais je veux éviter toute parole sinistre, en commençant à vous parler ; lui, au contraire, n’a rien à perdre, s’il perd sa cause. […] Ceulx qui ont le corps graile, le grossissent d’embourrures ; ceulx qui ont la matière exile, renflent de paroles.
« Le grand écrivain, dit Hello, donne son style, c’est-à-dire la parole. […] Le plus honnête serait alors de donner successivement la parole aux témoins originaux. […] Pour obéir aux suggestions de l’œil, l’oreille et par suite la parole se torturent jusqu à l’absurde. […] L’ancienne langue marquait dans la parole des finales qui se sont amuies ; la vulgarisation de récriture leur a rendu la vie. […] La parole s’accompagne du geste, souvent de la chose elle-même ; on peut s’interrompre pour expliquer, pour rectifier.
L'éloquent secrétaire perpétuel, au moment où il posait la couronne sur le front du lauréat, avait tout l’air de s’en laver les mains : « Vous allez entendre, Messieurs, l’éloge de Voltaire, nous ne pouvons nous empêcher de le couronner, mais rendez-nous cette justice, ce n’est pas certes nous qui l’aurions fait. » Tel était le sens et des paroles et du geste, nous assure-t-on, de M.
Qu’on ne les prenne pas cependant pour une œuvre philosophique… En pièces courtes composées de quatrains aux vers longs et inégaux comme des plaintes, discrets et sourds comme des soupirs, rimés souvent ou assonaucés, et quelquefois en dissonance, se murmurent des désirs ou des inquiétudes ; les paroles sont simples, douces, presque sans images ; … il y a dans cette sobriété quelque chose de poignant, qui rappelle parfois les complaintes de Laforgue.
Jules Tellier dans leur mémoire et diront : ce jeune homme a pris en soi une conscience nette de ces mêmes ardeurs que nous ressentons, et il les a congelées dans des paroles harmonieuses.
Ce bon M. de Lagny ne s'étoit occupé toute sa vie que de calcul : étant à l'extrémité, sa famille qui l'entouroit, n'en put tirer une seule parole.
J’avais insulté un chef par de mauvaises paroles.
Je n’y ai trouvé à remarquer, comme ton de l’époque, comme couleur du paysage familier aux héroïnes de quatorze ans, que ces paroles de Nanine : « Je parvins hier matin à aller au tombeau ; j’y versai un torrent de ces larmes précieuses que le sentiment et la douleur fournissent aux malheureux de mon espèce. […] la maternité compatissante du génie pour toutes les infortunes des hommes y éclate, y déborde en paroles dont on ne saurait qualifier le timbre et l’accent. […] L’effet de sa parole est toujours sociable, conciliant, allant à l’amour de nos semblables. […] Mme de Duras fut une sorte de lien52, et c’est à M. de Chateaubriand que, dans sa dernière maladie, Mme de Staël a pu dire ces belles paroles : « J’ai toujours été la même, vive et triste ; j’ai aimé Dieu, mon père, et la liberté. » Pourtant la politique alors traça une séparation entre eux, comme autrefois la philosophie. […] Mais ces villes de province offraient peu de ressources à un esprit si actif, si jaloux de l’accent et des paroles de la pure Athènes.
Il était né d’une famille où le courage, la noblesse morale, le sentiment des arts s’étaient assemblés pour murmurer les plus belles et les plus éloquentes paroles autour de son berceau. […] En même temps que le style, les sujets se trouvaient changés ; il resserrait et ennoblissait le domaine comme le langage du poëte, et consacrait ses pensées comme ses paroles. […] Souvent en son absence l’Imagination, qui tâche de la contrefaire, veille pour l’imiter ; mais, assemblant mal ces formes, elle ne produit souvent qu’une œuvre incohérente, principalement en songe, par un mélange bizarre de paroles et d’actions présentes ou passées509. » — Il y a de quoi rendormir la pauvre Ève. […] Satan a des paroles de prédicant : « Dieu a failli, dit-il ; donc, quoique nous l’ayons jusqu’ici jugé omniscient, il n’est pas infaillible dans la connaissance de l’avenir. » Il a des paroles de caporal instructeur : « Avant-garde, ouvrez votre front à droite et à gauche ! […] — dit la parole créatrice ; que votre discorde cesse. » — « Que la lumière soit !
Si sobre qu’il fût d’écritures comme de paroles, il y avait de rares moments où il savait s’expliquer autant qu’il le fallait, et où il avait presque l’air de s’épancher. […] Ce qu’il y avait d’admirable surtout, c’était cette recommandation si formelle de la bonne foi dans la bouche de celui qui passait pour avoir dit : « La parole a été donnée à l’homme pour déguiser sa pensée. » On remarqua qu’il accentua très fort ce mot de bonne foi. […] En conséquence, il fut convenu qu’à la prochaine réception, M. de Talleyrand, passant près de lui, lui adresserait une parole en apparence insignifiante, par exemple : Comment va madame ? […] Je n’ai pas seulement des paroles de tradition, j’ai des textes : j’ai de plus (chose singulière !)
Lorsque Ulysse déguisé en mendiant arrive chez le fidèle Eumée, celui-ci traite son hôte avec honneur ; il lui sert le dos tout entier d’un porc succulent, lui présente la coupe toute pleine, et Ulysse, moitié ruse, moitié gaieté, et comme animé d’une pointe de vin, se met à raconter avec verve certaine aventure à demi mensongère où figure Ulysse lui-même : « Écoute maintenant, Eumée, s’écrie-t-il, écoutez vous tous, compagnons, je vais parler en me vantant, car le vin me le commande, le vin qui égare, qui ordonne même au plus sage de chanter, qui excite au rire délicieux et à la danse, et qui jette en avant des paroles qu’il serait mieux de retenir… » Et cela dit, le malin conteur pousse sa pointe et, comme entre deux vins, il risque son histoire, qui a bien son grain d’humour et dans laquelle il joue avec son propre secret. […] C’est, au ton près, la pensée de cet Ancien qui disait : « Lorsque tu auras doublé24 le soixantième soleil, ô Gryllus, Gryllus, meurs et deviens poussière : bien sombre en effet est le tournant par delà ce point de l’existence, car déjà le rayon de la vie est émoussé25. » Le propre du chansonnier, c’est que la parole chez lui soit à peu près inséparable de l’air. Un poëte lyrique a du nombre, de l’harmonie, de la mélodie ; mais le chant proprement dit, l’air, il faut que cela dans la chanson accompagne, inspire, comme d’un seul et même souffle, la parole et ne fasse qu’un avec elle. […] La sensibilité, chez Désaugiers, se glisse quelquefois dans l’air, même lorsqu’elle n’est pas dans les paroles. — Comme pendant à cette délicieuse chanson, il faut prendre aussitôt celle du Réformé content de l’être (1814), dont le refrain est d’un effet tout contraire au précédent, et dont l’air également va en sens inverse du trait final : Tout va bien (bis), Grâce au Ciel, je n’ai plus rien, Je n’ai plus rien, je n’ai plus rien.
Voilà, en effet, Mme de Krüdner, telle qu’elle aurait dû venir pour remplir toute sa destinée, pour ne pas être seulement un romancier charmant et bientôt une illuminée qui fit sourire, pour ne pas manquer, comme il lui est arrivé, cette seconde partie de son rôle et d’une vie qu’elle avait voulu rendre sans réserve à Dieu, à la charité, à l’œuvre de la sainte parole, au salut et au renouvellement du monde. […] Roseau parlant, mais agité par tous les vents qui se combattent, à qui demandait-elle le souffle pur de la parole ? […] Tous ceux qui l’approchaient un peu souvent subissaient le charme de sa parole, et prenaient au parfum de son âme abondante et toujours répandue. […] Je n’en vois jamais un sans avoir le cœur serré. » Mais c’est surtout quand elle parlait aux pauvres de ces misères qui égalent les leurs, que l’effet de sa parole était souverain.
Ce visage inspirait tant de sécurité et tant de paix par sa franchise et par son recueillement qu’on se sentait en amitié dès la première parole. […] — Je l’ai compris dès vos premiers vers, lui dis-je : vous n’êtes pas un poète comme nous ; vous êtes plus que poète, vous êtes un prêtre de la parole chantée. […] C’est sa gloire que vous voulez, ce n’est pas la vôtre ; mais il y aura toujours assez d’âmes mystiques autour du sanctuaire où vous chantez vos mélancolies et vos adorations pour les entendre à travers les murs, et pour les retenir dans leur mémoire comme des brises de l’âme, exhalant solitairement à l’oreille de Dieu les mélodies sans paroles de la création. […] » XIX Liszt, attentif à cette conversation entre deux poètes, poète lui-même autant et plus que nous, donnait son assentiment à ces paroles.
Si c’était pour arriver à ce gouvernement de vaines paroles et d’odieuses intrigues qu’on avait traversé la mer de sang de 1793, le carnage militaire de quinze ans d’empire, la réaction armée de l’Europe contre la France en 1814, le retour du despotisme soldatesque de l’île d’Elbe en 1815, l’expulsion de trois dynasties en un jour de 1830 et les dix ans de dynastie agitatrice en 1840 ; en vérité, le résultat de tant d’efforts pour arriver à diviser la France en deux camps, comme les verts et les bleus du Bas-Empire à Constantinople, entre des ministres, racoleurs de factions, coureurs de majorité au but des portefeuilles dans le stade de la rue de Bourgogne à Paris, en vérité, me disais-je, ce résultat de tant d’événements n’en vaut ni le temps perdu, ni le sang versé, ni la grande émotion des esprits en 1789 par la pensée du dix-huitième siècle, ni la grande convulsion de la Révolution française en 1791. […] Nous écrivions les scènes, les portraits, les paroles, à mesure que ses souvenirs, provoqués par nos questions, se retrouvaient et se déroulaient dans la mémoire du vieillard : c’étaient comme les notes du tableau historique et véridique que je me proposais de composer d’ensemble à mon retour. […] Sa parole ne me manquerait pas au besoin pour dissiper les doutes de M. de Cassagnac. […] « Bessancourt, le 9 juillet 1861. » XII Voilà donc quatre témoignages d’hommes encore vivants qui, indépendamment des témoignages écrits, ne laissent aucun doute sur la réalité des scènes solennelles et des paroles mémorables qui précédèrent le supplice des Girondins ; sauf ces légendes plus ou moins exactes, plus ou moins amplifiées, qui ne sont point du fait de l’historien, mais du peuple, espèce d’atmosphère ambiante de l’imagination populaire qui enveloppe toujours les grands événements, comme elle enveloppe dans la nature les grands horizons.
On suit le personnage, on le pressent, on le devine, on se passionne pour ou contre lui, selon qu’on participe soi-même par l’admiration ou par l’horreur à l’héroïsme, au fanatisme, au crime ou à la vertu de l’homme historique ; on vit de sa vie ou l’on meurt de sa mort par l’imagination émue pour ou contre lui ; il disparaît, et l’historien alors reparaît lui ; et, semblable au chœur antique, cet historien prend la parole, prononce un jugement moral, court, nerveux, impartial, favorable ou implacable sur le personnage qu’il vient de représenter à vos yeux. […] Sa parole allume et éclaire tout. […] J’ai lu depuis ce Contrat social de Jean-Jacques Rousseau que je vantais alors sur parole ; j’en ai publié dernièrement l’analyse et la critique raisonnées (Entretiens littéraires, nº 65 à 67). […] « Dans l’ombre encore, et derrière les chefs de l’Assemblée nationale, un homme presque inconnu commençait à se mouvoir, agité d’une pensée inquiète qui semblait lui interdire le silence et le repos ; il tentait en toute occasion la parole, et s’attaquait indifféremment à tous les orateurs, même à Mirabeau.
» Ils s’embarrassèrent davantage, et firent un chaos de réponses confuses et contradictoires tellement absurdes et révoltantes que des foules d’objections et de murmures s’élevèrent de leurs propres rangs contre les solutions bizarres de ces métaphysiciens sur parole. […] « — Écoutez-moi bien », leur dis-je alors en prenant résolument la parole ; et bien m’en prit d’avoir profondément étudié trente ans l’économie politique pour leur classifier à eux-mêmes leurs tendances, et leur démontrer, dans une longue et cordiale improvisation, que ce qu’ils demandaient, c’était tout simplement la tyrannie la plus meurtrière des classes laborieuses, le monopole le plus insolent qui ait jamais abâtardi l’espèce humaine en masse, pour créer, par ce monopole, le privilège des classes renversées, de l’aristocratie de la main-d’œuvre contre la démocratie des producteurs et des consommateurs ; « — Écoutez-moi bien, leur dis-je, je vais vous faire ma profession de foi d’ignorance. […] Je vous donne encore une fois la parole. […] « Selon moi, le voici. » XI Alors, usant largement de l’attention passionnée qu’ils accordaient à ma personne et à mes paroles, je leur démontrai, avec une énergique sincérité, que personne n’avait le secret de l’organisation du travail, ni d’une organisation de fond en comble, d’une organisation parfaite de la société, dite socialisme, où il n’y aurait plus ni inégalité, ni injustice, ni luxe, ni misère ; qu’une telle société ne serait plus la terre, mais le paradis ; que tout le monde s’y reposerait dans un repos si parfait et si doux que le mouvement même y cesserait à l’instant, car personne n’aurait le désir de respirer seulement un peu plus d’air que son voisin ; que ce ne serait plus la vie, mais la mort ; que l’égalité des biens était un rêve tellement absurde dans notre condition humaine que, lors même qu’on viendrait à partager à parts égales le matin, il faudrait recommencer le partage le soir, car les conditions auraient changé dans la journée par la vertu ou le vice, la maladie ou la santé, le nombre des vieillards ou des enfants survenus dans la famille, le talent ou l’ignorance, la diligence ou la paresse de chaque partageur dans la communauté, à moins qu’on n’adoptât l’égalité des salaires pour tous les salariés, laborieux ou paresseux, méritant ou ne méritant pas leur pain ; que le repos et la débauche vivraient aux dépens du travail et de la vertu, formule révoltante, quoique évangélique, de M.
Elle n’étoit d’abord différente du discours libre et ordinaire, que par un arrangement mesuré des paroles, qui flata l’oreille à mesure qu’il se perfectionna. […] Elle n’y laisseroit qu’un étourdissement causé par la magnificence et l’harmonie des paroles, sans y faire naître que des idées confuses, qui se chasseroient l’une l’autre, au lieu de concourir ensemble à fixer et à éclairer l’esprit. […] J’entens par le vrai, une vérité positive, comme dans ces paroles de Moyse : Dieu dit que la lumiére se fasse, et la lumiére se fit ; ou seulement une vérité de convenance et d’imitation, comme dans ce sentiment d’Ajax : grand Dieu, rens-nous le jour, et combats contre nous. […] Le sens caché d’Horace s’entendoit aisément par les romains, et ce détour même rendoit la loüange beaucoup plus délicate, et faisoit une véritable beauté ; mais aujourd’hui il n’y a plus dans les paroles d’Horace que l’apparence d’un contre-tems ; ainsi j’ai cru devoir mettre à la place de l’allusion, les choses qu’elle faisoit penser, afin de rendre ma traduction aussi claire que l’ode pouvoit l’être du tems d’Horace.
Quelque terme où nous pensions nous attacher et nous affermir, il branle et nous quitte ; et, si nous le suivons, il échappe à nos prises, nous glisse et fuit d’une fuite éternelle, … » plus heureux que Pascal, dont on a reconnu les fortes paroles, ils ont, eux, trouvé « le terme où s’attacher », le roc inébranlable dans l’océan de nos perplexités, et ce roc ou ce terme, c’est la « Science. » Ils savent que deux et deux font quatre, que la terre tourne autour du soleil, que les pierres vont au fond de l’eau, que le coke est le produit de la distillation de la houille, que la peste et le choléra sont d’origine microbienne, quoi encore ? […] Rappelons-nous encore à ce propos les paroles de Pascal : « Les parties du monde ont un tel enchaînement l’une avec l’autre que je crois impossible de connaître l’une sans l’autre et sans le tout. » Il précise plus loin sa pensée : « La flamme ne subsiste point sans l’air : donc, pour connaître l’une il faut connaître l’autre. » La théorie moderne de l’unité des forces physiques, ou, dans l’ordre des sciences naturelles, les progrès de l’anatomie et de la physiologie comparées sont de belles « illustrations » de cette liaison, de cette connexité, de cette solidarité et de cette « relativité » de nos connaissances. […] Il y a une métaphysique du positivisme, et cette métaphysique ne se surajoute pas du dehors à l’édifice de la doctrine, mais on dirait plutôt, il faut même dire qu’elle en sort, si le positivisme, en fait, et par les moyens que nous venons d’indiquer, ne l’a pas tirée d’ailleurs que de la théorie de la « relativité de la connaissance. » Il en a également tiré la théorie de l’« Inconnaissable », et c’est le moment de rappeler les paroles si souvent citées d’Herbert Spencer : « De la nécessité de penser eu relation, il s’ensuit que le relatif est lui-même inconcevable, à moins d’être rapporté à un non relatif réel. […] J’ai moi-même cité ailleurs ces paroles d’après la traduction de M.
Il a tenu parole, & on ne peut que regretter qu’il n’ait pas joui d’une plus longue vie.
Tenons-lui compte de ces paroles, où il n’a que le tort de parler un peu trop souvent de mourir, et voilons tout à côté l’exposé hideux et trop circonstancié qu’il trace de l’abaissement général d’alors, abaissement qui avait envahi même les camps, ce dernier refuge de l’honneur. […] Je l’aiderai de tous mes moyens, et j’aurai la tête plus libre dès que je cesserai de manquer à ma parole. […] Les malins propos circulaient dans les salons de Paris et de Versailles ; on lui prêtait des paroles qu’il désavouait : on lui faisait dire « qu’il se retirait parce qu’il voulait la paix, et parce que Mme de Pompadour ne la voulait pas ».
Il eut l’harmonie, la mesure ; sa prose marcha régulière et presque cadencée ; dans les membres bien proportionnés de sa phrase il disposa symétriquement les plus belles paroles, il fit jouer les figures, et simula des effets d’éloquence. […] Parlant de cette patrie excellente de Voiture : « Il n’est rien, disait-il, qui sente mieux le sel attique ou l’urbanité romaine. » Girac allait plus loin, il voyait dans quelques-unes des lettres de Voiture un caractère moral assez marqué pour qu’on pût se représenter une image de l’âme de l’auteur, de ses mœurs, de son esprit plaisant et doux, de son agréable liberté de parole ; il citait comme exemple quelques-unes des lettres adressées à M. d’Avaux, et celle entre autres où il parlait de la duchesse de Longueville faisant diversion et lumière au milieu des graves envoyés germaniques au congrès de Munster. […] Il supposa d’abord inexactement que M. de Girac avait blâmé Voiture de ce qu’il n’écrivait point du tout dans le goût de Balzac, nihil Balzacianum, ce que M. de Girac n’avait pas exprimé de la sorte ni dans ces termes absolus : Il dit (c’est Costar qui parle) que M. de Voiture n’écrit pas de votre manière ; qu’il ne parle pas Balzac ; qu’il ne tient rien de ce noble caractère qui relève si fort vos pensées et vos paroles.
Quand il n’y aurait que deux personnes de la religion, je serai un des deux. » Il a tenu cette parole dans toute la suite des guerres, et il n’a renoncé que lorsque tout lui a manqué. […] La parole même et le langage le disent, et il est des images où reluisent les pensées : Rohan s’enveloppe là où Richelieu se déploie. […] Celui-ci avait promis au roi d’Angleterre de prendre les armes après que l’armée anglaise aurait fait sa descente dans l’île de Ré, et il tint parole.
Par un canal sûr qu’il a auprès du régent (et il était à portée d’en avoir plus d’un parmi ses amis), il a parole d’obtenir un privilège pour la formation de je ne sais quelle compagnie ; les capitalistes sont tout trouvés. […] On m’a écrit que M. le régent a donné sa parole, et comme j’ai celle de la personne qui l’a obtenue du régent, je ne crains point qu’on se serve d’un autre canal que le mien ; je peux même vous assurer que, si je pensais qu’ils eussent dessein (les hommes d’argent) de s’adresser à d’autres, mon peu de crédit auprès de certaines personnes serait assez fort pour faire échouer leur entreprise. […] Nous en resterons donc, pour sa disposition d’esprit en cette heure pour lui si sérieuse, sur cet unique témoignage, cette lettre adressée à Thieriot qui se trouve dans la correspondance générale, et où se lisent ces nobles paroles : Je suis encore très incertain si je me retirerai à Londres : je sais que c’est un pays où les arts sont tous honorés et récompensés, où il y a de la différence entre les conditions, mais point d’autre entre les hommes que celle du mérite.
Cousin, il lui accorde toutes les prétentions et presque toutes les conclusions de ses brillants ouvrages, et, après avoir proclamé le chef-d’œuvre, il n’apporte dans le compte rendu aucun de ces correctifs de détail qui seraient nécessaires à chaque instant pour remettre le lecteur dans le vrai ; car selon la parole d’un des hommes qui connaissent le mieux l’illustre auteur, « c’est un des esprits qui ont le plus besoin de garde-fou ; et quand ce n’est pas dans le fond, c’est dans la forme, il excède toujours. » Mais M. de Pontmartin, une fois qu’il a pris parti pour quelqu’un, n’est pas homme à mettre des garde-fous d’aucun côté ; il les ôterait plutôt ; il lui suffit qu’un courant général de spiritualisme élevé le rapproche de M. […] On épilogue (toujours les amis de M. de Pontmartin) ; on m’oppose que, même après ces paroles du marquis, ce n’est pas lui qui refuse sa fille et que c’est elle seule ensuite qui, étant consultée, refuse sa main. Mais Aurélie a entendu les paroles de son père ; et après cela, je le demande, est-elle libre ?
Le roi m’a parlé aussi de ma chère maman, disant : « Vous étiez déjà de la famille, car votre mère a l’âme de Louis le Grand. » Quelle belle parole dans la bouche d’un petit-fils de Louis XIV, et quel dommage, quand on sent et qu’on dit si juste, qu’on agisse si peu dignement et si à côté ! […] Le roi, avons-nous dit, est très bien pour elle ; quoiqu’il parle très peu en général, il l’encourage cependant et lui adresse quelquefois la parole plus que d’habitude : il lui arrive même alors de dire des mots « aussi agréables qu’elle en ait jamais entendu. » Mais, malgré tout, on ne voit le roi que très peu, « au moment où il sort, — un éclair. » Il vit dans son particulier et tout à ce que nous savons. […] Mais dans l’habitude de la vie et de la conversation, on saisit avec plaisir chez elle ce jet facile et courant, une parole vive, aisée, des plus naturelles, et même spirituelle.
» Mais l’amour de la patrie luttait encore dans l’esprit des Vaudois contre la lumière qu’y faisaient pénétrer ces paroles et contre l’évidence désolante : « — Ce serait une lâcheté, s’écriaient-ils, de perdre courage devant Dieu, qui a si souvent délivré nos pères, et qui a sauvé de tant de périls le peuple d’Israël. […] » À la suite de ces paroles, l’assemblée se trouva divisée, et répondit qu’elle ne pourrait s’engager sur un objet aussi grave sans avoir consulté tout le peuple. » Le peuple consulté se divisa à son tour : quelques communes consentaient à l’émigration, d’autres étaient pour la résistance jusqu’à la mort. […] Il est vrai que le bras de Dieu, qui vous a soutenus dans les guerres passées, n’est pas encore raccourci ; mais si vous faites réflexion qu’un puissant roi s’est joint aux forces de votre prince, que les provisions, les officiers et l’union vous manquent, et que même vos obstinations vous feront abandonner de tous les princes et des États protestants…, vous ne pouvez pas espérer que la Providence divine, qui n’agit pas miraculeusement comme autrefois parmi les Israélites, veuille faire de vos ennemis ce qu’elle fit de Sennacherib ; et la parole de Dieu vous apprend que de se jeter dans les dangers sans prévoir humainement aucun moyen d’en sortir, c’est tenter Dieu qui laisse périr ceux qui aiment témérairement le danger… » On peut se figurer l’effet que dut produire la lecture d’une telle épître sur un auditoire mêlé de personnes timides, de vieillards, de femmes et d’enfants.
Si ce plan est raisonnable, dans le système monarchique, je m’engage à le soutenir et à employer tous les moyens, toute mon influence, pour empêcher l’invasion de la démocratie qui s’avance sur nous. » « Ces paroles m’allaient au cœur, continua Malouet. […] Mais ce ne sont pas des paroles vagues, c’est un plan arrêté que je demande ; et s’il est bon, je m’y dévoue. […] Voici ses propres paroles : « A Lausanne, je rencontrai l’abbé Raynal, mais il ne me laissa aucune admiration, soit de ses talents, soit de son caractère.
Non, l’épithète propre et pittoresque ne remplace pas toujours la première avec avantage ; non, toutes les nuances du prisme, en les supposant exprimables par des paroles, ne suppléent pas, ne satisfont pas aux nuances infinies du sentiment ; non, le ciel en courroux n’est pas nécessairement détrôné par le ciel noir et brumeux ; les doigts délicats ne le cèdent pas à jamais aux doigts blancs et longs. […] Pardon et la Crainte, l’idée religieuse se mêle tendrement au poids de la faute, à l’amertume du calice : Mme Valmore n’a jamais proféré en poésie de plus hautes paroles. […] Elle n’y a pas manqué jusqu’ici ; et si, contre l’usage, ses paroles harmonieuses n’ont pas été guérissantes pour elle, elles n’ont pas du moins été inutiles à d’autres ; elles ont aidé dans l’ombre bien des cœurs de femmes à pleurer.
Pline le Jeune, parlant d’un vieux et aimable rhéteur, Isée, qui avait un prodigieux talent de parole et d’amplification, une élégance et une pureté de diction réputée attique, ajoute : « Il a plus de soixante ans, et il n’en est encore qu’à s’exercer au sein des écoles ; c’est dans cette classe d’hommes qu’on trouve le plus de simplicité, de sincérité et de bonté pure ; car, nous autres, qui passons notre vie au barreau et dans les contestations réelles, nous y apprenons, bon gré, mal gré, beaucoup de malice32. » Gresset, même dans le temps de ses plus grandes malices, fut toujours un peu un homme de cette nature, un scholasticus comme Pline le dit en bonne part du rhéteur Isée, et comme Voltaire l’a dit moins bénignement de lui dans ces vers si connus : Gresset doué du double privilége D’être au collége un bel-esprit mondain, Et dans le monde un homme de collége. […] Après le débordement de la Régence, en effet, les vices du siècle avaient légèrement rentré ; la corruption s’était faite élégante, et ne circulait que mieux sous un vernis de persiflage ; on avait à combattre une seconde rouerie plus convenable d’apparence et plus périlleuse peut-être que la première ; armée d’une diction polie, acérée, elle se faisait gloire d’une sécheresse spirituelle et d’une scélératesse de bon ton qui, même entre gens qui se piquaient d’honneur, devait en plus d’un cas passer des paroles jusqu’aux procédés. […] Nous eûmes ce jour-là un spectacle extraordinaire : toute l’Académie en corps dans l’appareil le plus respectable, une assemblée nombreuse, un vieillard qui ajoutait à sa réputation par ses cheveux blancs, qui fut précédé par des applaudissements généraux, et dont toutes les paroles étaient attendues comme des oracles ; et qui trouva moyen de perdre en un quart d’heure toute la masse d’estime littéraire qu’il s’était acquise depuis si longtemps ; le Vert-Vert et le Méchant restent, mais l’auteur n’est plus. » (Notice sur la Vie et les Écrits de G.
Par sa parole, par ses écrits, il a contribué à répandre des vérités ou théories constitutionnelles qui avaient alors tout leur prix et qui peuvent avoir encore leur utilité. […] Mais il vient un moment où l’on a droit de juger à son tour ceux qui vous ont précédé et guidé, surtout si tout le monde les juge, et si eux-mêmes, hommes de publicité et de parole, ils ont provoqué ce regard scrutateur par toutes sortes d’éclats, d’indiscrétions moqueuses et de confidences à haute voix. […] » Et sur ce dernier mot je me suis permis d’ajouter que c’était là une fatale parole quand on la prononçait à vingt ans, et qu’on courait risque de ne s’en guérir jamais.
Il nous récita, sans trop se faire prier, et d’une voix sautillante, quelques-unes de ses petites ballades en prose, dont le couplet ou le verset exact simulait assez bien la cadence d’un rhythme : on en a eu l’application, depuis, dans le livre traduit des Pèlerins polonais et dans les Paroles d’un Croyant. […] » Ces bonnes paroles l’atteignaient, le touchaient sans doute, mais ne le corrigeaient pas. […] Mais, cette fois, sa fierté vaincue céda aux sentiments affectueux, et il appela auprès de son lit de mort l’artiste éminent et bon, qui, durant les six semaines finales, lui prodigua d’assidus témoignages, recueillit ses paroles fiévreuses et transmit ses volontés dernières.
Aucune femme n’a mieux tenu parole. » Marie-Anne est bonne, brave, fière et triste. […] Crédule comme les autres, il crut les autres sur parole, même quand ils causaient de lui ; écouta dans l’espace où le surnaturel parle aux âmes simples, et entendit. […] Cet idiot a de brèves paroles qui viennent, on le dirait, de plus loin que lui.
Elle prêche, par l’exemple comme par la parole, le pardon et la pitié, la charité universelle et la régénération par l’amour. […] Jeannine tressaille aux lueurs nouvelles qu’y jette sa parole. […] Notez que madame Aubray ne lui dit même pas le nom de la Madelonnette qu’elle lui destine in petto, et que Camille, ne se doutant point qu’il s’agit de Jeannine, le pousse, de son côté, à ce mariage expiatoire, en lui jurant qu’à sa place il épouserait, les yeux fermés, sur la parole de sa mère. « C’est raide !
Sans compter le plaisir désintéressé qu’il y a à revivre quelque temps en idée dans cette compagnie choisie, je répondrai avec une parole de Goethe, le grand critique de notre âge : Ce serait, dit-il en parlant de Mme de Tencin, une histoire intéressante que la sienne et celle des femmes célèbres qui présidèrent aux principales sociétés de Paris dans le xviiie siècle, telles que Mmes Geoffrin, Du Deffand, Mlle de Lespinasse, etc. ; on y puiserait des détails utiles à la connaissance soit du caractère et de l’esprit français en particulier, soit même de l’esprit humain en général, car ces particularités se rattacheraient à des temps également honorables à l’un et à l’autre. […] Votre parole est la convention la plus sûre sur laquelle on puisse se reposer… La correspondance de Ninon avec Saint-Évremond, à travers les événements divers et les guerres, ne fut pas très exacte ni très soutenue, et les quelques lettres qui se sont conservées se rapportent aux dernières années de leur vie. […] Saint-Évremond a beau écrire à Ninon : « La nature commencera par vous à faire voir qu’il est possible de ne vieillir pas » ; il a beau lui dire : « Vous êtes de tous les pays, aussi estimée à Londres qu’à Paris ; vous êtes de tous les temps, et quand je vous allègue pour faire honneur au mien, les jeunes gens vous nomment aussitôt pour donner l’avantage au leur : vous voilà maîtresse du présent et du passé… » ; malgré toutes ces belles paroles, Ninon vieillit, elle a ses tristesses, et sa manière même de les écarter peut sembler plus triste que tout : Vous disiez autrefois, écrit-elle à son ami, que je ne mourrais que de réflexions : je tâche à n’en plus faire et à oublier le lendemain le jour que je vis aujourd’hui.
Avec sa facilité improvisatrice, encore aidée des ressources du patois dans lequel il écrit, Jasmin pourrait courir et compter sur les hasards d’une rencontre heureuse comme il n’en manque jamais aux gens de verve et de talent : mais non, il trace son cadre, il dessine son canevas, il met ses personnages en action, puis il cherche à retrouver toutes leurs pensées, toutes leurs paroles les plus simples, les plus vives, et à les revêtir du langage le plus naïf, le plus fidèle, le plus transparent, d’un langage vrai, éloquent et sobre, n’oubliez pas ce dernier caractère. […] Supposez à ces simples paroles un rythme plein d’aisance et de douceur. […] Les deux jeunes filles, l’aimante et la légère, apportent au jeu un même intérêt de curiosité et d’effroi : « Les deux bouches sont sans parole ; les quatre yeux riants, effrayés, suivent le mouvement des doigts. » Tout allait bien, les cartes promettaient, presque tous les piques étaient dehors, quand, pour dernière carte, la fatale dame de pique tombe et vient crier : Malheur !
Cette comédie italienne, représentée chez le cardinal, excita l’enthousiasme de quelques courtisans tels que le maréchal de Grammont ou le duc de Mortemart qui paraissait enchanté au seul nom des moindres acteurs ; « et tous ensemble, afin de plaire au ministre, faisaient de si fortes exagérations quand ils en parlaient, qu’elle devint enfin ennuyeuse aux personnes modérées dans les paroles ». […] C’était précisément ce qui déplaisait à Mazarin et ce qui le faisait se plaindre : « Ce reproche, ajoute-t-elle, marquait assez de défiance naturelle, et combien nous étions malheureux de vivre sous la puissance d’un homme qui aimait la friponnerie, et avec qui la probité avait si peu de valeur qu’il en faisait un crime. » À ces reproches du cardinal, qui ne laissaient pas de transpirer, elle tâchait de remédier par quelque bonne parole de la reine, qui en réparât les impressions devant tous ; « car à la Cour, remarque-t-elle, il est aisé d’éblouir les spectateurs, et il ne leur faut jamais donner le plaisir de savoir que nous ne sommes pas si heureux qu’ils se l’imaginent, ou que nous sommes si malheureux qu’ils le souhaitent ». […] Cette parole, infectés de l’amour du bien public, a souvent été citée ; mais il n’y faudrait pas voir une naïveté de Mme de Motteville : elle savait ce qu’elle disait en parlant ainsi, et en qualifiant de maladie et de peste le faux amour dont cette population séditieuse était éprise en ce moment.
Il fut orateur de club ce jour-là, et il triompha d’un léger défaut de prononciation qui n’était pas désagréable en causant, mais qui ne le désignait pas nécessairement pour la parole publique. […] On sait sa jolie définition de la politique : « La politique, même dans les gouvernements représentatifs, est ce qu’on ne dit pas. » Il a parfaitement jugé Robespierre et ce prétendu talent de parole qu’on lui a accordé de nos jours ; ce sont de ces découvertes qui ne coûtent rien à l’esprit de système. […] Le roman se termine par une triste parole.
Le but du cardinal, d’accord avec Gourville, est de tâcher que celui-ci soit fait prisonnier, et trouve par là une occasion naturelle d’arriver au prince de Condé pour lui porter des paroles d’accommodement. […] Si je manque de cavalerie, la campagne qui vient, je vous prierai de me l’envoyer encore ; car, sur ma parole, la présence de Gourville remplace tout ce dont on manque. […] Dans la dernière maladie qu’il fit, étant à Fontainebleau, au moment de mourir, il exprima à Gourville ses intentions pour son testament, et en peu de paroles il lui déclara ce qu’il voulait faire pour ses domestiques et pour lui en particulier, à qui il destinait cinquante mille écus, ajoutant obligeamment qu’il ne pouvait jamais reconnaître assez les services qu’il lui avait rendus : Je ne lui répondis rien, continue Gourville, et m’en allai faire dresser ce testament par son secrétaire, et sans notaire, avec toute la diligence possible.
Michaud et qui ont joui à quelque degré de son entretien, doivent quelque chose à sa mémoire : il était de ces esprits dont l’accent ne se fixe pas tout à fait dans les ouvrages qu’ils composent, et dont la parole a un agrément fin qui s’évapore. […] Lancé à cet âge dans le tourbillon des événements publics, on ne peut lui demander compte que de la ligne générale qu’il suivit, et non des accidents particuliers ; il eut quelques écarts de plume ou de parole : et qui donc n’en eut point dans ces temps de convulsion universelle ? […] Quand le pèlerin arrive à Jérusalem, il ne s’exalte point pour trouver des paroles plus grandes que son impression ; il n’a point de cri à la manière des croisés.
Il fait consister l’éloquence uniquement dans le talent de faire sur l’ame des autres, par l’usage de la parole, l’impression de sentiment que nous éprouvons. […] Car si ce prédicateur avec sa triple morale, n’a le visage d’un Anachoréte ; s’il prétend prêcher avec un teint frais & vermeil ; s’il ne se défait de son embonpoint ; fut-il le plus grand Orateur du monde, ce nouveau Rhéteur nous assure qu’il ne fera rien, & que ses paroles se perdrent en l’air. […] On trouvera l’apologie de ce Jésuite dans l’Art de prêcher la parole de Dieu publié à Paris en 1687.
Elle m’aura élargi la vue (toute ma vie intérieure est devenue plus facile, plus large — large comme une avenue où j’aimerais voir aller et venir beaucoup de passants) — surtout en me montrant les effets que peuvent avoir sur les autres un visage égal, souriant, accueillant à n’importe quelle heure, et quelques bonnes paroles. […] Il avait dit à son père en le quittant : « La Lorraine, je vous la rapporterai ou j’y resterai. » Les habitants l’ensevelirent et le maire a pu faire parvenir aux parents la médaille de piété trouvée sur leur fils ; elle portait l’inscription traditionnelle ; « Tu aimeras l’Éternel. » Sur le papier qu’il avait préparé avant son départ et où il exprimait ses dernières volontés, il invoquait la parole sacrée : « Il chemina avec Dieu tous les jours de sa vie. […] Et je veux vous le dire aussi, le Dieu infiniment puissant et miséricordieux, dans lequel nous croyons tous, quoique différents de religion, dans lequel votre fils croyait (il me l’a dit), a pris auprès de lui, je l’espère, l’âme droite et loyale, qui s’est sacrifiée pour le devoir, et il l’a prise pour l’immortalité… J’ai prié du fond de mon cœur hier, aujourd’hui, ce Dieu de miséricorde, de recevoir votre fils auprès de lui, et de vous réunir à lui, quand le temps sera venu pour une réunion éternelle et heureuse… Puisse cette parole d’un ministre de Dieu, non pas calmer votre douleur, mais vous apporter l’espérance, soutenir votre courage, vous aider à supporter le sacrifice.
La conscience qu’a Lorenzo d’avoir trop vu et trop pratiqué la vie, d’être allé trop au fond pour en jamais revenir, d’avoir introduit en lui l’hôte implacable qui sous forme d’ennui le ressaisira toujours et lui fera faire éternellement par habitude, par nécessité et sans plaisir, ce qu’il a fait d’abord par affectation et par feinte, cette affreuse situation morale est exprimée en paroles saignantes : « Pauvre enfant, tu me navres le cœur », lui dit Philippe ; et il ne sait que répéter, à toutes les explications et révélations profondes et contradictoires du jeune homme : « Tout cela m’étonne, et il y a dans tout ce que tu m’as dit des choses qui me font peine, et d’autres qui me font plaisir. » Je ne fais qu’effleurer le sujet. […] Il y eut dans cette vie rapide un favorable moment où, pendant l’intervalle et au lendemain des crises, la fatigue déjà venue laissait pourtant à la parole d’Alfred de Musset toute sa fraîcheur, en même temps qu’il s’y mêlait une finesse nouvelle de pensée, une ironie, une légèreté moqueuse, la plus aisée et la plus française peut-être depuis Hamilton et Voltaire.
Sainte-Beuve, empêché par sa santé, la page suivante, qui est un hommage tout littéraire rendu au savant et à l’ami : « Messieurs, ce ne serait point à moi de venir prononcer quelques paroles en l’honneur du savant homme dont le cher et respecté souvenir nous réunit dans cette commémoration funèbre : ce serait à quelqu’un de ses vrais collègues, de ses pairs (parcs), de ses vrais témoins et juges en matière d’érudition : mais ils sont rares, ils sont absents, dispersés en ce moment ; — mais quelques-uns de ces meilleurs juges de l’érudition de Dübner sont hors de France, à Leyde, à Genève, dans les Universités étrangères ; mais Dübner en France, aussi modeste qu’utile, aussi absorbé qu’infatigable dans ses travaux, n’appartenait à aucune académie, et tandis que son illustre compatriote et devancier parmi nous, M. […] Quicherat, de l’Académie des Inscriptions, dans quelques paroles qu’il a prononcées après moi, a essayé d’infirmer le reproche que j’avais articulé, et il est allé jusqu’il dire que Dübner devait être bientôt nommé par l’Académie, s’il eût vécu.
. — Oui, j’en conviens, on les cite, on les loue sur parole, mais on lit les autres : Confiteor : laudant illa, sed ista legunt. » Ainsi, qu’a-t-on lu l’autre jour ? […] Molé ne trouverait à y opposer, a-t-il dit, que le « for intérieur du promeneur pensif et solitaire, auquel notre vie, notre civilisation active et compliquée fait chercher, avant tout, le calme, le silence et la fraîcheur. » Analysant avec détail le beau travail sur Lesueur et sur les révolutions de l’art, insistant sur l’accord mémorable avec lequel ces trois jeunes gens, Poussin, Champagne et Lesueur, se dégagèrent du factice des écoles et vinrent retremper l’art dans le sentiment intérieur et dans la nature, le directeur de l’Académie a fait entendre de nobles et bien justes paroles : « Constatons-le, a-t-il dit, ces trois hommes étaient de mœurs pures, d’une âme élevée ; tout en eux était d’accord.
Cyprien est une de ces jeunes et ardentes âmes, comme Bucheille, que le mal social agite, dévore, mûrit ou tue avant le temps ; mais Cyprien est plus ferme que Bucheille ; sous son accent amer, sous sa parole un peu fatiguée, on sent l’énergie morale ; il vivra et trouvera à sa volonté intelligente quelque application digne d’elle. […] Il s’est délassé, cette fois, de la passion sérieuse en persiflant méchamment les pauvres amoureux qui s’éprennent de fantastiques beautés brunes, aux yeux verts et transparents, aux lèvres minces, fines et pâles, aux rares paroles, au profil mélancolique et sévère.
Qu’aucun de nous ne prononce une parole ! […] Il n’aurait pas voulu entendre les sanglots et la désolation d’une faible mère, ou les cris insensés d’une épouse, s’arrachant les cheveux et meurtrissant sa blanche poitrine ; mais il aurait voulu voir un homme ferme, qui le rafraîchit par une parole sensée et le consolât à sa dernière heure.
Lorsque Bossuet dit cette superbe phrase : Averti par mes cheveux blancs de consacrer au troupeau que je dois nourrir de la parole de vie les restes d’une voix qui tombe et d’une ardeur qui s’éteint , il s’est trouvé sûrement quelques malheureux critiques qui ont demandé ce que c’était que les restes d’une voix et d’une ardeur, ce que c’était que des cheveux qui avertissent. […] Il n’est pas probable toutefois qu’ils oublient l’écrivain qui a donné le plus de chaleur, de force et de vie à la parole ; l’écrivain qui cause à ses lecteurs une émotion si profonde, qu’il est impossible de le juger en simple littérateur.
Ce mécontent du règne de saint Louis, ce « mangeur » de moines, qui n’a laissé à inventer aux pamphlétaires de l’avenir ni une supposition outrageante ni une plaisanterie grivoise, était un homme dévot, craignant Dieu, qui humblement s’accuse, en sa vie pécheresse, d’avoir « fait au corps sa volonté », qui, tout contrit, recommande à Notre-Dame « sa lasse d’âme chrétienne », qui trouvé d’étrangement tendres, ardentes, pénétrantes paroles pour dire les louanges de la mère de Dieu : Tu hais orgueil et félonie Sur toute chose. […] Mais il y pousse les chevaliers ; plus ardent que Joinville, sans doute parce que tout s’arrête pour lui à la parole, il ne comprend pas que toute la chevalerie de France ne suive pas le roi à Tunis.
J’avais sur les lèvres de douces paroles. […] Est-ce qu’une femme, même une spécialiste de dîners littéraires (et Thérèse n’est point cela), a jamais rencontré des paroles de cette moelle et de ce ton ?
Le président agite sa sonnette et : Grimpant sur une estrade, Donn’ la parole en zézéyant À not’ cer camarade ! […] On voit alors grandir la longue silhouette d’un Pierrot famélique qui se livre à des jeux de paroles avec une verve si enfiévrée qu’on y devine comme un besoin de s’étourdir.
Tu as les paroles de la vie éternelle 457. » Jésus à diverses reprises lui déféra dans son église une certaine primauté 458, et lui donna le surnom syriaque de Képha (pierre), voulant signifier par là qu’il faisait de lui la pierre angulaire de l’édifice 459. […] Ces nombreuses conquêtes, Jésus les devait au charme infini de sa personne et de sa parole.
Parole pleine de bienveillance et de considération98. […] Je lui promis ce qu’il voulut. » Il y a de la hauteur et du dédain dans la complaisance de ces paroles.
Ses paroles m’ont paru toutes choisies pour toucher un cœur sans bassesse et sans importunité. » Dans le même temps, que fait le roi ? […] L’intrépide fermeté du duc de Montausier et la parole que lui avait donnée Louis XIV, n’empêchèrent pas ce prince de reprendre bientôt après les chaînes qui le livrèrent encore à la domination de madame de Montespan.
Car on apercevra dans cinquante ans ce manque d’harmonie entre l’idée et la parole et dans un siècle l’œuvre incertaine ne sera plus que ruines. […] Flaubert serait une admirable parole romantique, s’il avait eu à faire passer par son « gueuloir » autre chose qu’une âme bourgeoise.
La grande lyre dorique, pure et grave, socle harmonieux de la parole, interlocutrice respectueuse du chant qu’elle se gardait de couvrir, haïssait la flûte turbulente, aussi propre à faire extravaguer la joie que le deuil, dont les cris aigus emportaient comme un vent d’orage la voix du chanteur. […] Au temps même d’Eschyle, Pratinas invectivait encore l’insolente musique qui coupait la parole à la poésie.
Il dit qu’il avoit juré de ne jamais écrire ni lire des libèles ; qu’il ne vouloit point manquer à sa parole, quoiqu’il eût été traité de scrupuleux par les plus célèbres casuistes de la maison de Sorbonne, & du collège des jésuites. […] Quelques-uns ont cru que la mort inopinée de Pélisson avoit été l’effet d’un désespoir causé par une parole dure que lui dit Louis XIV, mécontent de son administration du tiers des économats.
Et ici je vais donner un signe sensible ; car, en même temps que la parole intérieure s’exprime par la parole extérieure, l’état de la société se montre toujours par des monuments.
Je trouve, en effet, dans son roman intitulé : le Divorce, ces paroles qu’elle met dans la bouche du personnage qui représente l’opinion philosophique de l’auteur. […] Elle le constate, soit en vertu de la libre déclaration de l’homme et de la femme, soit par l’acte de naissance de leur premier-né. » Ces paroles, malgré ce qu’elles ont d’incorrect, grammaticalement et métaphysiquement, montrent assez bien l’embarras douloureux d’un esprit primitivement assez juste, qui souffre de sa justesse, pour s’être fourvoyé dans les idées décadentes d’un temps qui a passé par le panthéisme de Hégel, et qui s’est retourné vers le naturalisme de Darwin.
Nous le tirons des paroles même de l’auteur. […] L’un d’eux, qui ne ressemblait guères aux autres, car il était chrétien, a prononcé ces scandaleuses paroles : « Le problème économique n’est plus que dans le problème infini.
Il ne faudrait pas qu’ils fussent de très purs imbécilles, commettant, sur le grand homme qu’ils veulent faire admirer en toutes ses parties et paroles, la trahison des perroquets. […] ne voilà-t-il pas une grande parole !
II Ce christianisme involontaire de Michelet, qui saute aux yeux s’ils sont attentifs, ce sentiment contradictoire à sa parole, avait toujours frappé les miens ; mais je l’avais tu, de son vivant. […] cela est très beau, ces paroles.
Forgues a donné, lui, tout ce qu’il a pu de cette correspondance qui, malheureusement, s’arrête de 1839 à 1840, c’est-à-dire au curieux moment où Lamennais, âgé de plus de cinquante ans et cessant d’être ce qu’il avait été jusque-là, venait de publier ces Paroles d’un croyant que, dans la cécité de son illusion, il croyait un livre exclusivement politique, et qui firent l’effet, quand elles parurent, d’une torche dans un champ de blé. […] Forgues, ont cité des passages de la plus merveilleuse éloquence, il est vrai, mais qui étaient dans la donnée du talent connu et presque public de l’homme qui a écrit l’Essai en matière d’indifférence, les Paroles d’un croyant, la Révolution et l’Église, etc. ; ces passages, magnifiques comme expression, n’apprenaient rien de nouveau, ne modifiaient rien de ce qu’on sait sur la manière de Lamennais, et n’avaient le droit d’étonner personne.
Ils furent puissants à dégoûter du peuple chez lequel ils eurent cette puissance… Ils eurent l’influence et même parfois le pouvoir, et la plupart : Zénon, Mélissus, Antiphron, furent des hommes politiques ; d’autres, des amiraux et des ambassadeurs : — Mélissus encore, Gorgias, Hippias et Prodicus… Et ce n’étaient, au fond, pourtant, que des avocats, des vendeurs de paroles, qui vivaient de leurs paroles, les faisant payer comme nous payons le chant de nos ténors… C’est toujours du son qu’on achète !
Abus de la parole, de la louange !
Pierre Quillard Dans le présent recueil, la partie la plus récente et qui donne le mieux l’idée de son talent délicat et grave, le Parc enchanté, est composée sur le plan d’une allégorie mentale à qui s’appliquerait fort exactement la parole ancienne de Stanislas de Guaita.
Les années qu’il m’est donné de vivre encore ne me réservent pas d’aussi douces heures que celles que j’ai passées au milieu d’eux, au sein de devoirs aimés, surprenant ou veillant dans de jeunes cœurs ouverts à toute parole sincère ces secrètes conformités de l’écrivain et du lecteur qui font la vie des ouvrages d’esprit.
Augustin sur le ministere de la parole sacrée, sapienter dicere, eloquenter dicere.
Les paroles qu’il avoit l’art d’adapter à ces sortes de divertissemens, convenoient parfaitement au caractere des Dieux & des Déesses qui y figuroient, en même temps qu’ils offroient une peinture délicate des mœurs, des inclinations, des qualités des Danseurs qui représentoient ces Divinités.
Il n’a pas prétendu sans doute qu’on l’en crût sur sa parole ; une pareille décision donne une idée trop foible de son jugement & de sa Littérature, pour être adoptée par ceux qui connoissent combien cette Société a été féconde en bon Littérateurs.
Si je ne te parlais pas, dans la barque, c’est que mon grand cœur attristé ne songeait même plus aux paroles… Écoute-moi, Réponds-moi. […] Mais enfin quand retrouve-t-elle la parole, quand ose-t-elle un peu desserrer les dents, quand essaye-t-elle de reconquérir un peu d’indépendance ? […] Mais, maintenant que je n’ai plus le sou, je vous rends votre parole. […] Mais l’âme se manifeste par autre chose encore que par de belles paroles. […] Il manie Abner par le silence calculé plus encore que par la parole.
Et dans celui-là, au contraire, que de paroles d’or sur l’idéal, le beau, le « pur humain ! […] Toutes leurs paroles, tous leurs gestes sont des affronts sanglants pour le pauvre candidat. […] Il leur souffle l’esprit de mécontentement et de révolte ; chacune de ses paroles sangle comme un coup de fouet : c’est le serpent dans le paradis. […] » Ehrenthal inclina vivement la tête en signe d’assentiment. « Puisque tu vois en moi ton héritier, continua Bernard, écoute bien mes paroles. […] Tu as toujours écouté mes paroles, et je n’avais pas le temps de former un vœu qu’il était rempli.
« Le second confesseur, prenant la parole, dit à M. de Thou : — Vous êtes le plus âgé. […] Les bruits de chaque jour l’interrompaient à peine, et, sans s’arrêter, les paroles ont coulé dans le moule qu’avait creusé ma pensée. […] … l’homme sans foi que celui qui a dit cette parole ! […] On devine des soupirs de Chatterton et des paroles d’encouragement du Quaker. […] Elle se met en marche et vient s’asseoir lisant sa Bible et balbutiant tout bas des paroles qu’on n’entend pas.
Ainsi il en arrive à soupçonner des rapports mystérieux entre tous les phénomènes possibles de la réalité, entre un train de chemin de fer, le titre de son journal, un piano, etc., et la femme, et il éprouve, par suite de vues, de paroles, d’odeurs qui ne produisent cette impression sur aucun homme sain, des excitations de nature érotique qu’il rapporte à des propriétés inconnues de ces vues, de ces paroles, de ces odeurs. […] Mais comme les bûchers ne sont pas à sa portée, il fait rage et se déchaîne au moins en paroles, et anéantit métaphoriquement les hérétiques par l’injure et la malédiction. […] Il ne leur en coûte rien d’ajouter plus de paroles à leurs paroles, de rattacher à une affirmation arbitraire une autre affirmation, d’entasser un dogme sur un autre dogme. […] C’est comme dans le jeu connu, où une personne fait les gestes et où une autre dit les paroles correspondantes. […] S’il y a quelque chose de compréhensible dans le flot de paroles incohérentes de Mallarmé, ce serait peut-être son admiration pour les préraphaélites.
Quand il nous eut laissé dire tout ce que nous avions dans l’âme, il prit la parole à son tour. […] … Tu sais que je n’ai pas souillé ma pensée, que je n’ai pas dépensé en vain mes paroles. […] Il était infiniment plus indulgent en actions qu’en paroles. […] et beaucoup de lettres familières rentrent dans la catégorie des paroles envolées. […] L’art était sa spontanéité dans la parole.
Déjà à la Chambre des pairs, dans une discussion précédente à propos des fonds secrets, M. de Montalembert, de retour de l’île de Madère, avait incidemment soulevé cette question de liberté d’enseignement, et il l’avait fait avec tout le talent qu’on ne peut s’empêcher de reconnaître à cette parole arrogante et élégante.
Quant à M. de Lamartine, il n’a pu, un seul instant, maîtriser l’inattention de la Chambre ; il en souffrait, il le laissait voir, mais il ne parvenait point à fléchir cet auditoire impatient et irrité ; sous la magnificence que gardait encore sa parole jusque dans ce désarroi, on se demandait en vain ses raisons et ce qu’il voulait dire, et l’on n’a pu s’en rendre compte pas plus que lui-même il ne le savait bien peut-être. — Nous ne prétendons dans tout ceci, comme on le voit, que noter l’effet oratoire et, en quelque sorte, littéraire de ces deux séances.
Xanrof lui-même, qui, comme Nadaud et d’autres chansonniers de notre temps, fait à la fois la musique et les paroles. — Xanrof excelle dans la scie d’atelier ; rien de plus drôle que sa Devanture, etc… [Le XIXe Siècle (1889).]
Il le termine par ces paroles si frappantes.
On pourroit appliquer ces mêmes paroles à tout ce qui est sorti de la plume de ce Duc Littérateur.
Rien n’empêche d’accorder à ces esprits bienfaisants des marques distinctives de leurs pouvoirs et de leurs offices : l’Ange de l’amitié, par exemple, pourrait porter une écharpe merveilleuse, où l’on verrait fondus, par un travail divin, les consolations de l’âme, les dévouements sublimes, les paroles secrètes du cœur, les joies innocentes, les chastes embrassements, la religion, le charme des tombeaux, et l’immortelle espérance.
L’enfant qui recueille sur des tablettes les dernières paroles de Socrate me paraît très beau et de caractère, et de couleur, et de simplicité, et de lumière.
Il faut que l’art de la parole promette à l’orateur les premières dignités de l’État.
Rousseau, qu’aucune parole n’a pu être inventée ni par un homme qui n’aurait pu se faire obéir, ni par plusieurs qui n’auraient pu s’entendre. Il considère la parole, ainsi que nous la considérons nous-même, comme un organe aussi divinement et aussi primitivement révélé que la langue qui la profère. […] Quant à celui qui parle ou qui écrit pour ôter un dogme national au peuple, il doit être pendu… Pourquoi a-t-on commis l’imprudence d’accorder la parole à tout le monde ? […] Il la détache, il la porte sur une roue ; les membres fracassés s’enlacent dans les rayons ; la tête pend ; les cheveux se hérissent, et la bouche, ouverte comme une fournaise, n’envoie plus par intervalles qu’un petit nombre de paroles sanglantes qui appellent la mort. […] Solidité, éclat, propriété, mouvement, images, souplesse, hardiesse, originalité, onction, brusquerie même, il a toutes les qualités de la parole qui sait se faire écouter ; et seul peut-être de son siècle, même en y comprenant Voltaire, il n’imite rien ni personne ; il est le gentilhomme du Danube de son temps.
L’essentiel est donné ; la seule science sérieuse sera celle qui commentera la parole révélée, toute autre n’aura de prix qu’en se rattachant à celle-là. […] Si la révélation est réellement ce qu’elle prétend être, la parole de Dieu, il est trop clair qu’elle est maîtresse, qu’elle n’a pas à pactiser avec la science, que celle-ci n’a qu’à plier bagage devant cette autorité infaillible et que son rôle se réduit à celui de serva et pedissequa, à commenter ou expliquer la parole révélée. Dès lors aussi les dépositaires de cette parole révélée seront supérieurs en droit aux investigateurs de la science humaine, ou plutôt ils seront la seule puissance devant laquelle les autres disparaissent, comme l’humain devant le divin. […] Les théologiens ont raison quand ils disent qu’il faut avant tout discuter le fait : cette doctrine est-elle la parole de Dieu ?
Au lieu d’ouvrir les yeux, d’observer l’homme et la nature, de grossir le bagage scientifique transmis par les siècles, on jugeait de la vérité par ouï-dire, sur la parole d’un ancien. […] Chacun sait comment le pauvre Gargantua commença par être mis aux mains d’un « sophiste ès lettres latines », lequel lui faisait apprendre par cœur, puis redire à l’envers une grammaire et une logique, si bien que le jour où on voulut l’examiner, « il se print à plorer comme une vache, et se cachoit le visage de son bonnet, et ne fut possible de tirer de lui une parole. » Son père, Grandgousier, qui voit alerte, dispos, maître de sa langue et de ses idées, un garçonnet de douze ans élevé de façon moins surannée, entre dans une colère terrible contre les pédants dont « le sçavoir n’est que besterie abastardissant les bons et nobles esprits. » On décide alors de refaire l’éducation du géant, fils de prince, et son nouveau précepteur lui apprend tant et de si belles choses que l’élève devient habile, non seulement à sauter, lutter, nager, botteler du foin, mais encore à sculpter, peindre, jouer du luth, faire des vers, et qu’il peut deviser avec les docteurs comme avec les artisans. […] Est-ce pour cela que les orateurs de la chaire, venant de la Compagnie de Jésus, ont été accusés, non sans raison, par leurs ennemis les jansénistes d’énerver la parole de Dieu en l’enguirlandant de fleurs inutiles ? […] » C’est l’abbé Delille156 qui prononce ces paroles en pleine Académie et il est difficile de pousser plus loin l’hyperbole. […] Il faut qu’ils combattent contre Philippe de toute l’énergie de leur parole ; il faut qu’ils s’emportent contre Antoine en invectives virulentes, qu’ils défendent leur vie, leur honneur, leur patrie.
De tous ces modes de communiquer sa pensée à ses semblables par la parole, c’est le théâtre qui nous paraît le plus indirect, le plus compliqué d’accessoires étrangers à la pensée elle-même, et par conséquent le moins parfait. […] D’ailleurs, excepté l’éloquence de la chaire qui éblouissait alors les temples dans la parole et dans la personne de Bossuet, l’éloquence civique et littéraire n’était pas née alors en France ; elle ne devait naître qu’avec la liberté. […] Lorsque le roi arrivait chez Mme de Montespan, ils lui lisaient quelque chose de son histoire ; ensuite le jeu commençait, et lorsqu’il échappait à Mme de Montespan, pendant le jeu, des paroles un peu aigres, ils remarquèrent, quoique fort peu clairvoyants, que le roi, sans lui répondre, regardait en souriant Mme de Maintenon, qui était assise vis-à-vis de lui sur un tabouret, et qui, enfin, disparut tout à coup de ces assemblées. […] Ainsi, quand vous voyez M. le Duc passer souvent des heures entières avec moi, vous seriez étonné, si vous étiez présent, de voir que souvent il en sort sans que j’aie dit quatre paroles : mais peu à peu je le mets en humeur de causer, et il sort de chez moi encore plus satisfait de lui que de moi. » Mme de Maintenon avait triomphé de sa rivale ; Mme de Montespan était reléguée loin de la cour, dans un de ces splendides oublis qui sont le supplice des favorites-mères. […] Et vous, qui vous plaisez aux folles passions Qu’allument dans vos cœurs les vaines fictions, Profanes amateurs de spectacles frivoles, Dont l’oreille s’ennuie au son de mes paroles, Fuyez de mes plaisirs la sainte austérité : Tout respire ici Dieu, la paix, la vérité.
Avec eux, historiens dogmatiques, dès qu’ils prennent la parole en leur propre nom, on se sent entrer dans un cycle tout nouveau. […] Cela pourtant va un peu loin ; Washington le sent, et, à propos de ses louables efforts pour la réhabilitation civile des Protestants, il lui écrit, dès 1785, ces paroles d’une intention plus générale : « Mes vœux les plus ardents accompagneront toujours vos entreprises ; mais souvenez-vous, mon cher ami, que c’est une partie de l’art militaire que de reconnaître le terrain avant de s’y engager trop avant. […] » J’ai parlé du rôle et de ce qui s’y glisse inévitablement de factice à la longue, même pour les plus vertueux ; mais ici la solitude est profonde, la rentrée en scène indéfiniment ajournée ; au sein d’une agriculture purifiante, dans le sentiment triste et serein de l’abnégation, en présence des amis morts, tout inspire la conscience et l’affranchit ; ces pages du prisonnier d’Olmütz devenu le cultivateur de Lagrange ont un accent fidèle des mâles et simples paroles de Washington ; elles feront aisément partager à tout lecteur quelque chose de l’émotion qui les dicta. […] Il serait prêt volontiers à se rallier à la Constitution de l’an III : « Les malheurs arrivés sous le régime républicain de l’an III, dit-il, ne peuvent rien préjuger contre lui, puisqu’ils tiennent à des causes tout autres que son organisation constitutionnelle. » Pourtant, à peine délivré par l’intervention du Directoire, il a à s’exprimer sur les mesures de fructidor, et sa première parole est pour les réprouver. […] La Fayette, qui raconte ce détail et qui rappelle les chevaleresques paroles sur ce sang fidèle d’où la monarchie renaîtrait un jour, ne peut s’empêcher d’ajouter : « Constant (Benjamin Constant qui était de la conférence) se mit à rire du dédommagement qu’on m’offrait. » Et, en effet, la position de La Fayette en ce moment, au pied du trône des Bourbons, paraît bien fausse, surtout lorsqu’on a lu le jugement qu’il portait d’eux pendant 1814.
la parole n’a-t-elle pas été donnée à l’homme pour expliquer ses sentiments ? Explique-moi tes sentiments par la parole ; c’est le plus intelligible de tous les signes. — Tu as raison, je dois pouvoir te rendre compte de ce que je sens. […] Le Chevalier nous a juré qu’elles étaient intéressantes : je l’en crois sur sa parole. […] Toutes les paroles, toutes les habitudes des personnes pieuses moqueusement employées sur la scène ! […] Depuis que je suis descendu, Élomire460 n’a pas dit une seule parole.
Frappé de cette ressemblance, il s’approche pour lui adresser la parole ; mais à peine a-t-elle entendu le son de sa voix, qu’elle le regarde et s’écrie avec un accent de surprise et de tendresse que rien ne peut rendre: « Ah ! […] Son exemple m’a été plus utile que celui de nos prétendus sages ; et ses paroles, si simples, m’en ont plus appris que tous les livres des philosophes. […] Excité par cette marque de confiance, je lui adressai la parole: « Mon père, lui dis-je, pourriez-vous m’apprendre à qui ont appartenu ces deux cabanes ? […] De même, quand l’écho me fait entendre les airs que tu joues sur ta flûte au haut de la montagne, j’en répète les paroles au fond de ce vallon. […] Il avait repris l’usage de ses sens ; mais il ne pouvait proférer une parole.
Et si quelque parole trop amère m’était échappée, je la désavoue ici et proteste d’avance contre toute interprétation blessante. […] Elle a recueilli la parole des philosophes, elle emploie volontiers leurs formules. […] On joue sur les mots ; on fausse et on frelate d’une odieuse façon la parole divine. […] Mais qui ne sent sous chaque parole la pensée hostile et l’ironie secrète ? […] Quelles paroles sanglantes !
» Parole délicieuse, tant elle témoigne d’innocence et de candeur. […] Une immense clameur s’éleva et lui coupa la parole. […] Aucune parole aigre ne lui échappe. […] D’autre part, il croyait remplir une mission divine en semant autour de lui, sous la forme du roman, la sainte parole. […] Il n’arrive peut-être pas d’événements inutiles… N’y a-t-il pas, en ces paroles, comme une exquise fleur de philosophie ?
On me dit qu’un grand journal sud-américain, connu pour les sympathies qu’il témoigne au génie français, lui donne la parole devant deux ou trois cent mille lecteurs. […] Trouver ces antiques erreurs au début d’une carrière d’écrivain, c’est une garantie qu’il n’y retombera pas quand son nom aura du prestige et sa parole de l’autorité. […] On ne saurait mieux rendre par des paroles écrites les effets du pinceau flamand. […] Ce qui ne l’empêcha pas, lorsqu’elle fut en âge de prendre mari, de rougir d’émotion et de pudeur à la première parole d’amour que lui adressa son fiancé. […] C’est Geneviève pourtant qui, pendant des années, lui a suggéré ses pensées, ses paroles, ses démarches les plus heureuses.
Sombre esprit, si loin de se rappeler que les premières paroles sorties du cœur du notre Henri furent celles d’une générosité sans réserve et d’une clémence véritable ! […] Transformé en monarque, il est entouré d’une cour de Nymphes, et ces êtres fictifs lui adressent la parole. […] Les paroles du grand homme ont l’air plausible : devons-nous absolument les tenir comme des oracles, ou oserons-nous les réfuter ? […] On me reproche d’avoir dit, en ma première séance, que La Harpe n’instruisit pas ; mais on a peu fidèlement retenu mes paroles, qui, je pense, m’auraient seules justifié. […] Ces mots, qu’on eût jugés frivoles, « Le héros les saisit ; et ces douces paroles « Sont pour lui le signal de la fin de leurs maux.
Cousin, dans ce dernier moment, a été éblouissant de verve et de liberté de paroles, il a captivé la Chambre, mais ne l’a pas convaincue.
Postel se vantoit de pouvoir faire le tour du Monde sans avoir besoin d’Interprete : une pareille jactance ne peut qu’annoncer beaucoup de présomption : ses Contemporains eurent la bonté de le croire sur sa parole.
L’excuse de sa longueur, car il paraîtra long à beaucoup, c’est qu’en ces sortes de travaux il est défendu de demander à être cru sur parole ; cette nécessité justifie encore l’aridité d’une nomenclature empruntée à différentes langues étrangères.