c’est La Fontaine », cette postérité y réfléchit un moment, et elle finit par répondre : C’est vrai. […] C’est qu’il en est sorti, c’est qu’il se l’est approprié et n’y a vu, à partir d’un certain moment, qu’un prétexte à son génie inventif et à son talent d’observation universelle64. […] Mais, laissant de côté ces choses connues, j’ai à cœur aujourd’hui de revenir sur la plus grande attaque qui ait été portée à la réputation de La Fontaine, et de discuter un moment l’opinion de M. de Lamartine. […] D’une autre part, il y a eu en France, à divers moments, des tentatives pour introduire et naturaliser le genre élevé, romanesque, sentimental ; mais toujours ce genre, après une vogue passagère, a plus ou moins échoué et a été sacrifié en définitive : l’esprit de la race gauloise première a prévalu.
Pour vous rendre compte de cette hypnose, portez votre attention sur le moment du réveil. […] X-. ., tel que serait celui-ci s’il était plus poussé, plus entraîné par la fougue de la passion, placé du reste, dans des conditions un peu différentes, dans une petite ville ou dans un village, etc. » La lecture des romans suppose ainsi comme condition nécessaire du second moment, je veux dire de la réflexion qui juge, une assez grande connaissance des hommes, et je n’entends par là qu’une assez grande habitude d’observer les hommes autour de soi. Les jeunes ouvrières qui lisent les romans à très bon marché ne sont capables que de l’enthousiasme du premier moment, que de ce que j’ai appelé l’abandonnement ; le second moment n’existe que pour ceux qui sont plus âgés et qui sont doués d’une certaine faculté d’observation et de mémoire ; mais ceux-ci goûtent des plaisirs beaucoup plus vifs, étant encore capables de s’abandonner, l’étant surtout de comparer le roman à la vie et d’éprouver des sensations d’admiration très vive quand ils estiment que le roman a copié la vie avec sûreté ou plutôt l’a déformée de manière à accuser plus vigoureusement ses traits caractéristiques.
J’ajoutai qu’en ce moment j’avais recours à lui, ne pouvant achever seul ; si je ne faisais clairement cette exposition, mon travail restait inutile ; il serait sot de montrer les fautes sans indiquer les moyens de les éviter ; ayant affirmé que la méthode de l’école est mauvaise, je devais expliquer la bonne ; pour dégager les gens d’une voie, il fallait les engager dans une autre, et pour cela j’avais compté sur lui. […] Pour savoir ce qu’est une fonction, vous prendrez la digestion, qui en est une, puis la circulation, la respiration, la locomotion, qui en sont d’autres, et vous regarderez quelle circonstance commune fait jaillir dans tous ces cas distincts le mot fonction, Pour savoir ce qu’est une nature, vous prendrez un animal, une plante, un minéral dont vous noterez les propriétés, et vous verrez que le mot nature apparaît au moment précis où vous avez fait la somme des faits importants et distinctifs. […] Au premier moment, ce nom ne désignait pour vous aucun livre. Au second moment, vous l’avez aperçu sur la couverture d’un volume, et vous avez représenté parce nom le volume.
Les images les plus riantes, les plus folâtres, viennent à tout moment et se lèvent à tous les coins, derrière chaque pilier du cloître, ce qui faisait dire l’autre jour à un plaisant que c’était une vraie tentation de saint Antoine, tant il y a de diables et de jolis diables ! […] Lisez pourtant, parcourez les œuvres de tous, vous y verrez à divers degrés les mêmes sujets de tristesse, vous y entendrez les mêmes soupirs et, par moments, les mêmes cris : « Mais toi, idole de ma jeunesse, Amour dont je déserte le temple à jamais, s’écrie George Sand dans les Lettres d’un voyageur, adieu !
Quelques années encore, et l’écumeur de mer sera un Paul Jones, de même que le pirate grec sera un Canaris ; seulement, je ne voudrais pas que le héros au lit de mort eût à la main ce rouleau qui lui avait servi comme d’oreiller, et que, par un effort soudain, au moment d’expirer, il déployât le pavillon national, en s’écriant : « Nous triomphons. » Cela ressemble trop aux morts théâtrales de notre Cirque-Olympique. […] Nous ne finirons pas sans recommander la jolie édition in-18, ornée de gravures et de cartes géographiques, que publie en ce moment le libraire Gosselin.
Fontenelle disait de ses Entretiens sur la pluralité des mondes : « Je ne demande aux dames, pour tout ce système de philosophie, que la même application qu’il faut donner à la Princesse de Clèves, si on veut en suivre bien l’intrigue, et en connaître toute la beauté. » Dans un dialogue de Diderot, le philosophe Crudeli, au moment d’entamer une discussion sur les matières les plus ardues avec la Maréchale, qui n’avait jamais lu que ses heures, répond à ses inquiétudes en disant : « Si vous ne m’entendiez pas, ce serait bien ma faute » ; et il fait toute sa démonstration en transposant dans le langage d’une femme ignorante les idées des plus obscurs métaphysiciens, sans que, dans cette conversion, la profondeur perde ce que gagne la clarté. […] Ce sont comme des visages inconnus, indifférents, s’ils ne sont pas étranges, qui arrêtent l’œil un moment par l’étrangeté, mais ne parlent pas à l’âme.
Avant de passer aux sculpteurs, il faut, mon ami, que je vous entretienne un moment d’un tableau que Vien a exécuté pour la grande impératrice. […] Voici le moment de la composition.
C’est à la suite de l’arrestation du surintendant Fouquet : tout était crime en ce moment. […] Il avait quarante-huit ans au moment de sa retraite : il vécut encore quarante-deux ans d’une vie de curieux, de philosophe, de témoin indifférent et amusé, de railleur souriant et sans fiel ; aimant avant tout la conversation et les douceurs d’un commerce privé, il ne regretta rien, du moment qu’une nièce de Mazarin, la plus belle et la plus distinguée de l’escadron des nièces, la célèbre Hortense, duchesse de Mazarin, fut venue en Angleterre. […] Je demande, très-humblement, à un grand écrivain la permission de courir un moment ici sur ses terres, et d’y recueillir, s’il se peut, quelques épaves échappées de ses mains, dans le voyage charmant où il convie ses lecteurs, à travers le xviie siècle. […] Saint-Évremond est assez philosophe pour ne pas craindre par moments de paraître croyant. […] Il parle souvent de ce dernier passage, tout en étant d’avis qu’il faut le couler le plus insensiblement qu’il se peut : « Si je fais un long discours sur la mort, après avoir dit que la méditation en était fâcheuse, c’est qu’il est comme impossible de ne faire pas quelque réflexion sur une chose si naturelle ; il y aurait même de la mollesse à n’oser jamais y penser… — Du reste, il faut aller insensiblement où tant d’honnêtes gens sont allés devant nous, et où nous serons suivis de tant d’autres. » Il professe la théorie du divertissement, ou du moins il ne semble en rien en blâmer l’usage : « Pour vivre heureux, il faut faire peu de réflexion sur la vie, mais sortir souvent comme hors de soi ; et, parmi les plaisirs que fournissent les choses étrangères, se dérober la connaissance de ses propres maux. » Il se plaint par moments du trop ou du trop peu de l’homme, ou plutôt il s’en étonne comme d’une bizarrerie, mais sans en gémir avec la tendresse et l’anxiété qu’y mettra l’auteur des Pensées.
Le pays de Vaud, pour m’y borner en ce moment, eut pourtant un développement ancien, suivi, tantôt plus particulier et plus propre, tantôt plus dépendant du nôtre, et réfléchissant, depuis deux siècles, la littérature française centrale, mais, dans tous les cas, resté beaucoup plus distinct que celui d’une province en France. […] Né dans la Réforme, à un moment où le besoin d’un réveil religieux s’y faisait sentir, il participa tout à fait à ce mouvement de réveil, sans le pousser jamais jusqu’à la séparation, à l’exclusion et à la secte. […] Monnard s’était fait l’éditeur, ils soutinrent tous les deux un procès, et ils eurent un moment, sous forme de tracasseries qu’on leur suscita, quelque part à cette persécution si chère à subir pour ce qu’on sent la vérité. […] A partir de ce moment, chacune de ses paroles compte, et elles ont pourtant si peu retenti chez nous, qu’on nous pardonnera d’y insister selon leur mérite. […] Érudit bibliographe, il prétend par moments, comme Nodier, que c’eût été là sa vocation.
Ils étaient très-convaincus à l’avance de l’impossibilité radicale qu’il y aurait pour les Bourbons à accepter les conditions du gouvernement représentatif, du moment que ces conditions s’offriraient à eux dans toute leur rigueur, c’est-à-dire le jour où une majorité parlementaire véritable voudrait former un cabinet et porter une pensée dirigeante aux affaires. […] Il est juste et doux de reconnaître que, depuis ce moment-là, il n’a fait autre chose que marcher en avant, poursuivre, étendre les mêmes études en les approfondissant, se perfectionner sans jamais dévier, cueillir le fruit (même amer) des années, sans laisser altérer en rien la pureté de ses sentiments ni sa sincérité première. […] Antonio Perez, secrétaire d’État, favori brillant, complice de son maître dans l’exécution des plus secrets et des plus redoutables desseins, devint à un certain moment son rival en amour, et se perdit par ses dérèglements et ses imprudences. […] Celle-ci, au milieu des rapports complexes qu’elle embrasse, affecte par moments une régularité savante et une ingénieuse symétrie de mécanisme que les choses en elles-mêmes, dans leur cours naturel, ne sauraient présenter à ce degré. […] voici du reste ma remarque de lecteur dans toute sa simplicité et sa sincérité : « Je suis pour le moment en plein Louis XIV, je lis les Négociations d’Espagne publiées par M.Mignet ; je vois de près l’ordinaire et le tous-les-jours de ce grand style que nous sommes accoutumés sans cesse à glorifier d’après quelques échantillons.
. — Elle joue le chagrin ; mais en ce moment, si je l’ignore, il me semble qu’elle a un grand chagrin ; cela signifie que ses gestes, sa physionomie, ses cris, ses paroles sont les mêmes et éveillent en moi les mêmes idées que si elle avait un grand chagrin. […] L’halluciné qui voit à trois pas de lui une tête de mort éprouve en ce moment-là une sensation visuelle interne exactement semblable à celle qu’il éprouverait si ses yeux ouverts recevaient au même moment les rayons lumineux qui partiraient d’une tête de mort réelle. […] Il est aisé de voir que cette analyse s’applique non seulement aux sensations visuelles, mais à toutes les autres, puisque toutes les autres comportent aussi des hallucinations. — Donc, lorsque nous nous promenons dans la rue, en regardant et en écoutant ce qui se passe autour de nous, nous avons en nous les divers fantômes qu’aurait un halluciné enfermé dans sa chambre et chez qui les sensations visuelles, auditives et tactiles qui en ce moment se produisent en nous par l’entremise des nerfs, se produiraient toutes dans le même ordre, mais sans l’entremise des nerfs. […] Le patient aspira un moment et présenta ensuite tous les phénomènes qu’éprouverait une personne qui viendrait de prendre une poudre sternutatoire. » — Pareillement, « dites à une personne convenablement disposée par l’hypnotisme qu’elle mange de la rhubarbe, qu’elle mâche du tabac ou quelque autre substance désagréable au goût… et l’effet suivra vos paroles.
Benvenuto Cellini raconte qu’étant entré un jour au palais en montrant son portrait gravé au duc, il le trouva indisposé et couché sur le même lit que son cousin, et qu’ayant demandé à Lorenzino s’il ne consentirait pas à lui donner le sujet d’un revers de sa médaille, celui-ci lui avait répondu avec enjouement « qu’il fût tranquille et qu’en ce moment même il pensait à lui en fournir un digne de la gloire d’Alexandre, et qui étonnerait le monde. » Alexandre se tourna avec un sourire de pitié dédaigneuse sur son lit et se rendormit. […] C’était une illusion, si vous voulez, mais de temps en temps l’humanité est saisie d’une de ces manies générales qui deviennent la passion du moment ; la plus populaire est celle qui la sert le mieux. […] Les Médicis fondèrent un nom immortel et presque un empire ; ils étaient, par le hasard de leur opulence et par le hasard de leur mérite, ceux de tous les citoyens du moment qui pouvaient le mieux se consacrer à l’idée en vogue : le rajeunissement de l’esprit humain. […] « Il conserva si bien jusqu’au dernier moment toute sa fermeté, qu’il plaisanta parfois sur sa mort. […] Dans la nuit de la mort de Laurent, une étoile plus grande et plus brillante qu’à l’ordinaire, se levant sur le faubourg de la ville dans lequel mourut Laurent, parut perdre peu à peu de son éclat et s’éteindre au moment même où l’on apprit qu’il venait de quitter la vie.
L’éclaircie éblouissante de l’Iliade illumine un moment la sombre légende des Atrides. […] De là le Démon furieux lancé sur cette race, de là le meurtre qu’en ce moment même prépare « la femelle qui va tuer le mâle, l’odieuse chienne qui le flattait tout à l’heure avec un visage souriant et de longs discours ». — Qu’on ne la croie point, c’est son sort ; elle est habituée aux haussements d’épaules et aux moqueries incrédules : ils verront bientôt si elle a dit vrai. […] » À ce moment, une pierre lancée par une baliste romaine l’étendit mort sur le mur. […] Lâche et basse figure qui s’élève pourtant, un moment, à la hauteur d’un fantôme, lorsque le fils de Thyeste rappelle, sur le fils d’Atrée gisant à ses pieds, le repas maudit. […] De son côté, Égisthe appelle ses sicaires aux armes ; la lutte s’engage, le sang va couler. — A ce moment, un vague remords remue Clytemnestre, elle est assouvie et elle est troublée ; l’accablement qui suit les fureurs consterne son âme.
et ils s’éloignent discrètement pour les laisser en tête à tête, au moment voulu ! […] Pour le moment, il se contente de le persifler, avec mauvais goût sur l’ancienne domesticité de sa mère. […] Il a guetté longtemps l’occasion de se déclarer : le moment psychologique lui semble venu avec la ruine, et voici ce qu’il lui propose en mots qui sonnent, comme sur un comptoir. […] Lionnette, à ce moment, ne devrait-elle pas être plus indignée des offres infamantes de ce Nourvady que des fureurs du comte Jean ? […] Il y a là un moment d’éclat, de fièvre, de vertige, qui emporte le raisonnement.
Dans une orgie célèbre qu’il fit, lui, homme de plus de quarante ans, avec quelques débauchés de sa connaissance, durant la Semaine sainte de 1659, il fut accusé, non sans vraisemblance, d’avoir composé des couplets, d’horribles Alléluia qui offensaient à la fois la majesté divine et les majestés humaines ; et, à dater de ce moment, devenu particulièrement suspect à la reine mère et au roi, bien loin de se surveiller, il accumula les imprudences. […] Dans cette Histoire amoureuse des Gaules, Bussy s’est proposé Pétrone pour modèle et pour idéal ; il y a des moments où il ne fait que le traduire, et (chose étrange !) […] Mais je me permettrai de trouver que l’urbanité de Bouhours ne fut jamais que celle d’un homme de collège qui fait le sémillant ; l’urbanité de Pellisson, que celle d’un bourgeois élégant et resté, un peu sur l’étiquette et sur la cérémonie à la Cour ; l’urbanité de Bussy, à son bon moment, était la seule qui sentît tout à fait le courtisan aisé et l’homme du monde. […] Au même moment où il se dit guéri de l’ambition et sans maître, il écrit au duc de Saint-Aignan, qui est son principal recours auprès de Louis XIV, des louanges du roi qui sont faites pour être redites et montrées, et pour lui ménager peut-être un retour. […] Enfin, il reste attaché à jamais, comme un coupable et comme un vaincu, à son char ; et cet homme si vain, si épris de sa qualité et de lui-même, vivra surtout par cet endroit, qui est celui de ses torts et de sa défaite, et il vivra aussi parce qu’il a eu l’honneur, à son moment, en s’en défendant peut-être, et à la fois en y visant un peu, d’être non pas un simple amateur, mais un des ouvriers excellents de notre langue.
François Hugo trahit en ce moment son père en publiant une traduction de Shakespeare. […] En ce moment Édouard comprit la bonté de son père, qui était cachée sous une enveloppe assez rude. […] s’écria, un moment après, M. […] Tout va du moment antérieur, pour aboutir à celui qui suivra. […] Dès qu’il élève la règle du moment à la hauteur d’une loi générale, il se précipite infailliblement dans l’erreur.
Guyot-Desherbiers faisait des vers à ses moments perdus. […] Je passe avec lui les plus doux moments de ma journée à parler de toi. […] Ce n’est pas le moment de m’en dire du mal… Mépriser est beaucoup plus pénible que regretter. […] quel moment ! […] Je suis en ce moment dans ce célèbre Numéro quatorze, qui fut mal gravé dans Le Diable à Paris.
Vous vivons un moment et nous ne gagnerions rien à vivre toujours. […] Henry Michel, je suis pleinement avec lui… surtout pour le moment. […] Pour le moment tenons-nous-en à celle de la Côte d’azur. […] Toutes ses affaires vont mal en ce moment. […] Le moment de sa vie où il a été le plus chrétien est celui où il a été hérétique.
Ce feu sacré, emprunté à d’autres, jetait par moment quelques flammes dans ses strophes, mais il ne brûlait pas dans son sein. […] Didot pour achever l’illustration d’Horace dont il donne en ce moment une édition elzévirienne avec des paysages gravés dignes de Claude Lorrain. […] Soit que le ciel nous destine de nombreuses saisons, soit que cet hiver tempétueux, qui épuise en ce moment contre ses écueils la fureur des flots de la mer tyrrhénienne, doive être pour nous le dernier de nos hivers, sois en paix ; clarifie tes vins, et au court espace de temps qui nous est mesuré mesure tes courtes espérances. […] Elle n’a pas de date ; c’est sans doute le moment où les légions d’Auguste allaient chercher les légions du fils de Pompée pour jouer au jeu des batailles le dernier sort de Rome. […] À la quatrième heure on débarque un moment près de la fontaine Ferrione, pour se laver le visage et les mains dans son onde pure.
« En ce moment-là, Cosette se réveillait. […] « Il y avait en ce moment-là même dans le jardin du Luxembourg, — car le regard du drame doit être présent partout, — deux enfants qui se tenaient par la main. […] XIX « En ce moment le tumulte lointain de la ville eut encore un grossissement subit. […] XXIX « Une bataille comme celle que nous racontons en ce moment n’est autre chose qu’une convulsion vers l’idéal. […] « Le livre que le lecteur a sous les yeux en ce moment, c’est d’un bout à l’autre, dans son ensemble et dans ses détails, quelles que soient les intermittences, les exceptions ou les défaillances, la marche du mal au bien, de l’injuste au juste, du faux au vrai, de la nuit au jour, de l’appétit à la conscience, de la pourriture à la vie, de la bestialité au devoir, de l’enfer au ciel, du néant à Dieu.
Il ne paraît pas qu’elle ait été jamais bonne ; les meilleurs moments ne furent que des suspensions d’assez vives souffrances. […] Mais il aime mieux ajourner le moment de la possession que de n’y pas arriver par la voie légitime. […] Pascal est par moments Polyeucte. […] Regardons un moment cette piquante image de l’homme de bonne foi dans un parti malhonnête. […] La vivacité du dialogue entre deux interlocuteurs dont l’un joue l’autre, la malice de l’homme aux scrupules et la naïveté du père, l’inattendu des incidents, un art infini poulies varier, font des cinq lettres qu’égaye cette fiction comme autant d’actes d’une petite pièce, où l’intérêt ne languit pas un moment.
Vouloir saisir un moment dans ces existences successives pour y appliquer la dissection et les tenir fixement sous le regard, c’est fausser leur nature. Car elles ne sont pas un moment, elles se font. […] Prendre un idiome à tel moment donné de son existence peut être utile sans doute, s’il s’agit d’un idiome qu’on apprenne pour le parler. Mais s’arrêter là est aussi peu profitable à la science que si l’on bornait l’étude des corps organisés à examiner ce qu’ils sont à tel moment précis, sans rechercher les lois de leur développement. […] Du moment qu’il est constaté qu’ils sont d’un poète du XVIIIe siècle, ils n’ont plus qu’une valeur très médiocre.
On achève en ce moment, avec accompagnement d’orgue, le grand choral à quatre voix de la fin des vêpres. […] Heureux moment qui rapproche les amoureux ! […] De ce moment date l’Allemagne moderne. […] Les chœurs vont très bien ; l’orchestre bien, le premier moment de trouble étant passé : M. […] Les trois moments de la vie de Wagner sont révélateurs de la pensée de Wolzogen.
(Après un moment de réflexion.) […] Oui, j’ai été longtemps bien malheureuse ; mais dans ce moment ma joie surpasse tous les maux que j’ai soufferts, puisque le fils de mon seigneur daigne avoir pitié de moi. […] Sacountala , jetant dans ce moment les yeux sur l’anneau du roi. […] Je vais vous servir de guide… Le soleil, en ce moment, échauffe le ciel de ses rayons les plus ardents, et force à venir se réfugier sous l’ombrage les chantres silencieux de la clairière. […] Comme une armée en peinture, nos gens s’arrêtent immobiles, à mesure que le charme irrésistible subjugue leurs sens : dans le ciel, en ce moment, flottent de noires vapeurs amoncelées et massives, comme les pics du Vindhya.
Le moment est solennel, et souverainement tragique. […] En ce moment, j’étais avec elle dans sa chambre. […] Au même moment, on frappe contre les volets : c’est Lefebvre avec des camarades. […] Cependant la grand’mère Maon, appelée au bureau de la marine, sort un moment. […] Non seulement par le décor, par les costumes, et par les cloches qu’on entend tinter de moment en moment, mais par la couleur et le son de ses vers, M.
« Je craignis un moment quelque burlesque riotte », par exemple. […] Il n’eut pas un seul moment le souci de ce qu’il ne pouvait atteindre. […] Le pur flambeau des yeux qui éclairait le monde fut soufflé au même moment. […] Nous mîmes pied à terre un moment pour aller les saluer, et là encore il y eut une scène émouvante. […] Toutefois, son but fut atteint, puisque, à dater de ce moment, les conspirations royales cessèrent.
Considérons un moment, d’un peu près, nos origines. […] C’est à ce moment précis que se détermine l’avenir du pays. […] A partir de ce moment c’est la prise de possession totale, absolue. […] Ils ne se sont pas renouvelés, profondément et largement, à ce moment décisif. […] Alors ce vice se transformerait, pour un moment, en vertu.
À ce moment de son voyage, Fromentin est hanté par l’Orient stylisé des patriarches, qu’il retrouve en Algérie. […] Cet état mental survient, à un moment donné, sur un tableau pur et presque technique de peintre. […] À partir de ce moment l’intérêt du récit porte sur Madeleine. […] Arrive le moment où elle est à bout de forces, puis celui où l’amour la tient comme la maladie un corps épuisé. […] Pour un moment ?
Il a cru devoir à ses propres antécédents de regretter qu’en juillet 1830 on n’ait pas plus tenu compte à la branche aînée de la maison de Bourbon des concessions et des sacrifices qu’elle se décida à faire aux derniers moments et à la dernière extrémité. […] Son second ministère, le ministère dit du 15 avril, se dessine à présent et restera dans l’histoire comme le moment le plus serein et le plus calme des dix-huit années ; et lorsqu’on vient à se rappeler à combien d’attaques, à combien de violences cet honorable ministère fut en butte de divers côtés, combien on l’accusait tout haut d’être un ministère d’abaissement, on rougit aujourd’hui, on devrait rougir, et sentir une bonne fois ce que valent ces coalitions où les meilleures intentions se faussent, où les meilleurs esprits s’aveuglent.
Il a eu un moment qui promettait dans la politique ; il a été préfet fort jeune. […] On a déjà réfuté en partie cette fausse vue qu’ils ont trop suivie d’ailleurs dans le système de leur traduction : en les lisant, et si l’on ne revenait au texte ancien, on serait tenté de croire par moment qu’ils ont raison.
Arnault d’être court sur un sel sujet, qui lui prescrivait pourtant de ne pas omettre quelques noms rayés en même temps que le sien et restés jusqu’ici absents, lui interdisait-elle donc, à lui naguère proscrit, de sortir un moment du cadre étroit de cette enceinte, de se rappeler à l’esprit ce qu te passe autour de nous, ce qui s’y accomplit d’arbitraire, ce qui y règne de violent et d’inusité ? […] Ils peuvent avoir eu à certains moments, et pour la vulgarisation de certaines idées justes, leur genre d’utilité, qu’il nous appartient moins qu’à personne de leur dénier ; mais, comme écrivains, comme personnages littéraires distincts, ils ne sont pas.
Un autre ami secret, Nicodème 1207, que déjà nous avons vu plus d’une fois employer son influence en faveur de Jésus, se retrouva à ce moment. […] moments sacrés où la passion d’une hallucinée donne au monde un Dieu ressuscité !
Le moment est beau avec quelques ombres. […] À partir de ce moment-là, vous en étiez le captif. […] Je comptais avec impatience les moments. […] Il y a un moment de gloire pour Boche. […] Bismarck eut des angoisses à ce moment-là.
La rhétorique, pour le moment, n’a donc rien à voir ici. […] Du moment où nous sommes la vérité, nous sommes la morale. […] Dès ce moment, la question se simplifie. […] Il est évident qu’il a la patte énorme et qui écrase, par moments. […] Je le discutais avec moi-même à tous les moments du jour.
Ce fut à ce moment que deux excellents écrivains, M. […] Paul Adam, jugèrent que le moment était venu de saisir le monde par la voix des quotidiens de la nouvelle bonne nouvelle littéraire. […] À ce moment, où Vicaire publiait, le Parnasse avait reçu le premier heurt. […] Le romantisme français et celui d’Allemagne furent, à ce moment, frères en quelque idées généreuses. […] Un autre néo-classique, Soumet, donne à ce moment en une assez belle épopée le summum de ce que pouvait cette école.
C’est dans votre vie un moment critique. […] La littérature interdisait de parti pris les problèmes brûlants du moment. […] le moment où nous vivons est propice aux chevauchées aventureuses dans le champ de l’inconnu ! […] Et ne suis-je pas libre à tout moment de vouloir ce qu’il me plaira ? […] Mais on peut y chercher davantage, par exemple ce que pense des choses du moment un écrivain indépendant.
Rien n’égale l’impétuosité de leurs désirs, si ce n’est le dégoût profond que recèle cette ardeur d’un moment. […] Un moment, Ehrenthal, pressé par son fils de renoncer à ses projets contre la fortune de Rothsattel, semblait décidé à sacrifier ses droits et à restituer l’acte ; mais, en ce moment même, l’acte a disparu. […] Il pensa en ce moment à sa vieille mère d’Ostrau. […] Mais c’est un moment plus cruel encore, celui où il découvre les complots tramés par son père pour ruiner Rothsattel. […] Au reste, à partir de ce moment, les traductions se multiplient.
en ce moment même, je les ai là, sous les yeux, tous ces livres, fameux naguère, où nous avons avidement cherché la réponse à nos doutes ; et, en somme, qu’ont-ils établi ? […] aurait sans doute répondu Pascal ; et, à la vérité, nous ne saurions dire ce qu’il en sera dans cent ans, dans mille ans ou deux mille ans d’ici ; mais, pour le moment, et pour longtemps encore, il semble que la raison soit impuissante à se délivrer seulement de ses doutes, bien loin de pouvoir faire elle-même son salut ; et s’il est vrai que depuis cent ans la science ait prétendu remplacer « la religion », la science, pour le moment et pour longtemps encore, a perdu la partie. […] Pour le moment, dans l’état présent de la science, et après l’expérience que nous en avons faite, la question du libre arbitre, par exemple, ou celle de la responsabilité morale, ne sauraient dépendre des résultats de la physiologie. […] J’ai sous les yeux, en ce moment même, un livre intitulé : la Religion basée sur la morale. […] Ce principe est si général et si naturel qu’il se montre à tout moment dans les moindres actes de la justice humaine.
Le moment est venu de rendre ce que nous devons à la mémoire du plus regretté de nos amis littéraires et du plus sensiblement absent de nos collaborateurs225. […] Vers le même moment, Charles Labitte concevait, seul, un autre projet plus riant et qui eût été pour lui comme le délassement de l’autre, un livre sur le règne de Louis XIII et où devaient figurer Voiture, Balzac, Chapelain, l’hôtel Rambouillet, etc. ; une grande partie des matériaux amassés ont paru depuis en articles dans la Revue de Paris et ailleurs. […] Suivre les phases diverses de la chaire à travers la Ligue, c’est comme qui dirait écrire l’histoire des clubs ou des journaux pendant la Révolution française, c’est à chaque moment tâter le pouls à cette révolution le long de sa plus brûlante artère. […] Bernard y voyait, non sans raison, un précis historique très-net de la naissance, des progrès et des différentes péripéties de la Ligue ; il y voyait, d’un coup d’œil moins juste à mon sens, la ligne principale et comme la grande route de l’histoire à ce moment ; ce n’en était plus au contraire qu’un sentier escarpé et perdu, qui menait au précipice. […] En ce qui est du sentiment démocratique avancé dont on serait tenté par moments de faire honneur à l’auteur et à sa faction, prenez bien garde toutefois et ne vous y fiez guère : il y a quelque chose qui falsifie à tout instant cette inspiration de bon sens démocratique, qui le renfonce dans le passé et qui l’opprime, c’est l’idée catholique fanatique, l’idée romaine-espagnole238.
Rousseau ; mais elle était surtout de la religion littéraire du moment, la déclamation, l’éloquence, la gloire, le génie humain. […] On regrettait un moment en elle cette innocence du génie qui s’ignore et doute de lui-même ; on finissait par l’oublier au charme de son improvisation virile. […] Ils replacèrent très-haut sur la scène politique la fille un moment oubliée de M. […] La littérature en ce moment était exclusivement politique ; madame de Staël suivit d’autant plus naturellement ce courant qu’elle-même l’avait créé. […] Elle fut étourdie comme tout le monde du coup, sans en sentir au premier moment toute la portée.
Deschanel lui-même, « romantique » a par moments un sens très déterminé et qui s’oppose à « classique ». […] D’ailleurs prête à la mort, y songeant dès la première scène, mélancolique jusqu’au désespoir, mais superbe encore et révoltée au moment même où elle cède à son destin. […] Ce désaccord intime est par moments évident et souvent prodigieux, au moins dans certaines pièces. […] Car la tragédie vit d’actions excessivement violentes et brutales, de celles qu’on accomplit dans les moments où l’on redevient le pareil des fauves ou des hommes qui ont vécu aux époques primitives. […] On peut se lasser de tout, même du pittoresque, qui change avec le temps, mais le fond du théâtre de Racine est éternel ou, ce qui revient au même, contemporain du génie de notre race dans tout son développement, et la forme est celle qu’a revêtue ce génie à son moment le plus heureux.
Je ne les comprends pas, du moment que la postérité de Marceline est éteinte, et que nul vivant ne peut plus être atteint directement par la divulgation de la chute qu’elle fit en l’an 1808 ou 1809. […] Dans cet état, on perd la triste faculté qu’ont les « heureux » de sentir le malheur en dehors du moment où il les frappe, et de l’allonger par l’appréhension et par le souvenir. […] Il s’est réjoui d’introduire, dans une discussion de pure curiosité, et dont les conclusions ne peuvent toucher qu’un mort et une morte, un document faux, mais dont la fausseté n’était d’ailleurs ni paradoxale, ni imprévue, ni, d’autre part, désobligeante à aucun degré pour ceux qu’il abusait un moment. […] Que dites-vous de cette phrase sur les émeutiers massacrés à Lyon : « Tomber ainsi en martyr, sous l’atroce barbarie des rois, c’est aller au ciel d’un seul bond, et ce qui nous reste à voir peut-être dans cette ville infortunée nous faisait par moments envier l’élite qui montait à Dieu » ? […] Il nous venge de toute l’Angleterre ; Napoléon doit en avoir tressailli. » — « Je profite de ces moments pour relire Victor Hugo et brûler toutes mes feuilles à ce soleil.
(3) J’ai cru devoir signaler expressément dès ce moment une considération qui se reproduira fréquemment dans toute la suite de ce cours, afin d’indiquer la nécessité de se prémunir contre la trop grande influence des habitudes actuelles, qui tendent à empêcher qu’on se forme des idées justes et nobles de l’importance et de la destination des sciences. […] Je n’ai pas besoin d’insister davantage en ce moment sur une telle discussion, que j’aurai naturellement plusieurs occasions de reproduire dans les diverses parties de ce cours. […] Cette considération est tellement frappante, que, malgré son extrême importance pratique, je n’ai pas besoin d’insister davantage en ce moment sur un principe qui, plus tard, se reproduira d’ailleurs inévitablement, par rapport à chaque science fondamentale. […] Cette considération devant se reproduire fréquemment dans la suite, il est inutile de la développer davantage en ce moment. […] Je dois me borner en ce moment à une indication très rapide de ces diverses considérations qui vont être l’objet spécial de la leçon suivante.
Certes, il existe en ce moment plusieurs autres poètes qui cultivent avec un juste succès les quatre genres que nous venons de citer ; mais ceux d’entre eux qui ont le plus de droit aux hommages seront les premiers à sanctionner les nôtres ; certes, nous avons des écrivains distingués qui traitent encore des genres si admirablement traités par nos grands maîtres, mais, on ne saurait trop le répéter, ce ne sont pas ces écrivains qui peuvent caractériser l’époque actuelle. […] Il n’est plus douteux d’ailleurs que les Romantiques (pour nous servir encore de cette expression déjà surannée) n’aient en ce moment l’avantage du talent comme celui de la position. — « Mais, nous dit-on, n’y a-t-il point parmi les rangs des Romantiques des gens à idées extravagantes, à imagination déréglée, dont les compositions ne ressemblent à rien et dont le style est alternativement barbare et ridicule ? […] Quelque fertile que soit son esprit, quelque ingénieuse que soit son érudition, quelque prodigieuse variété qu’il jette dans ses leçons, par la comparaison toujours neuve et utile de notre éloquence nationale avec les éloquences étrangères, il n’en est pas moins vrai que l’histoire et la philosophie le pressent de toutes parts, et qu’il lui faut à tout moment, pour développer ses propres forces, entrer dans le domaine de ses deux collègues ; ce qui est un désavantage pour tous les trois et un sujet d’hésitation pour l’auditoire. […] Rossini, celle qui s’opère en ce moment dans la peinture, sont des preuves irrécusables de cette vérité. […] Mais, encore une fois, il y a urgence ; le moment est décisif ; tout peut être compromis et retardé par l’apparition du faux romantisme.
Même après les avantages, on laisse souvent l’ennemi se retirer en bon ordre : « Il aurait été difficile de l’entamer, dit-il d’une de ces premières marches prussiennes dont il est témoin ; à la vérité nous n’étions pas entamants. » À une première affaire où il s’agit d’occuper une crête de hauteur, il y arrive avec son monde en même temps que l’ennemi : « Nous eûmes un moment de flux et de reflux comme au parterre de l’Opéra. » Cette image lui vient tout naturellement comme à une fête. […] Son beau moment parisien, sa belle heure française n’était pas encore venue. […] Le plus grand art pour plaire est de n’en pas avoir. » Tel il dut être, sinon dans le premier, du moins dès le second moment. […] Il n’est pas exclusif ; il serait bien fâché de bannir la ligne droite ; il ne veut pas substituer la monotonie anglaise à la monotonie française, ce qui de son temps arrivait déjà ; mais, en jardins comme en amour, il est d’avis qu’il ne faut pas tout montrer d’abord, sans quoi, le premier moment passé, l’on bâille et l’on s’ennuie.
Il y a un moment où, dans les dangers de la guerre de Sept Ans, il est redevenu Anglais à la voix de Pitt ; il s’est fait capitaine de milice et a paru animé d’un éclair d’enthousiasme patriotique. […] J’insisterai peu sur ce premier et cet unique amour de Gibbon, passion qui n’était que naturelle en son moment et qui de loin peut sembler un ridicule. […] Il poursuit toujours un sujet d’histoire, se méfiant encore de ses forces et sentant toute la dignité du genre : « Le rôle d’un historien est beau, mais celui d’un chroniqueur ou d’un couseur de gazettes est assez méprisable. » La croisade de Richard Cœur-de-Lion l’attire un moment ; mais, à la réflexion, ces siècles barbares, ces mobiles auxquels il est si étranger ne sauraient le fixer, et il lui semble qu’il serait plutôt du parti de Saladin. […] Dans tout ce que j’ai dit, je n’ai fait qu’extraire et resserrer ses Mémoires : j’ai seulement tâché d’en présenter une épreuve un peu plus fraîche et plus marquée, à l’usage du moment.
Il va sans dire que je ne prétends point en ce moment revenir sur le fond des Provinciales, rechercher de qui sont venus les premiers torts, et me constituer arbitre entre Pascal et Bourdaloue : je ne m’applique qu’à démontrer la méthode et l’art de ce dernier. […] Une bonne édition de Bourdaloue, telle que je la conçois aujourd’hui (celle du père Bretonneau ayant été excellente pour son moment), devrait rassembler le plus exactement possible toutes les particularités, les éclaircissements et les inductions qui se rattacheraient à chaque sermon, en fixer la date et les circonstances lorsqu’il y aurait moyen : ces quelques notes au bas des pages, sans nuire à la gravité, animeraient la lecture. […] Bourdaloue n’était nullement ambitieux, et cette simplicité, cette droiture de conduite qu’il ne séparait, à aucun moment, de la religion, il la pratiquait pour son compte. […] Il a parlé quelque part de cette forme et de cette espèce de directeur à la mode et très goûté de son temps, « qui semble n’avoir reçu mission de Dieu que pour une seule âme, à laquelle il donne toute son attention ; qui, plusieurs fois chaque semaine, passe régulièrement avec elle des heures entières, ou au tribunal de la pénitence ou hors du tribunal, dans des conversations dont on ne peut imaginer le sujet, ni concevoir l’utilité ; qui expédie toute autre dans l’espace de quelques moments, et l’a bientôt congédiée, mais ne saurait presque finir dès qu’il s’agit de celle-ci » : directeur délicieux et renchéri, exclusif et mystérieux, dont Fénelon est le type idéal le plus charmant (le Fénelon de Mme Guyon et avant l’exil de Cambrai).
Le défaut de Beyle comme romancier est de n’être venu à ce genre de composition que par la critique, et d’après certaines idées antérieures et préconçues ; il n’a point reçu de la nature ce talent large et fécond d’un récit dans lequel entrent à l’aise et se meuvent ensuite, selon le cours des choses, les personnages tels qu’on les a créés ; il forme ses personnages avec deux ou trois idées qu’il croit justes et surtout piquantes, et qu’il est occupé à tout moment à rappeler. […] Les jolies descriptions de paysage, les vues si bien présentées du lac de Côme et de ses environs, ne sauraient par leur cadre et leur reflet ennoblir un personnage si peu digne d’intérêt, si peu formé pour l’honneur, et si prêt à tout faire, même à assassiner, pour son utilité du moment et sa passion. Il y a un moment où Fabrice tue quelqu’un, en effet ; il est vrai que, cette fois, c’est à son corps défendant. […] Beyle, vers ce temps, revenait de Rome, de Civitavecchia, à Paris, et dans le premier moment, craignant le ridicule, il fut tout confus d’un pareil éloge si exorbitant : il ne savait où se cacher.
Il y eut même un moment où, en achetant à vie la comté de Tourney, du président de Brosses, Voltaire se trouva, à plus de titres encore, le seigneur qualifié de quelques-uns même des gros bonnets de Genève qui avaient des terres dans le ressort de Tourney. […] Voltaire avait certainement tout l’esprit nécessaire pour être ministre ; mais il ne s’agit pas tant, en politique, d’avoir quantité d’idées que d’avoir la bonne idée de chaque moment et de s’y tenir. […] » — C’était le moment où il lui en voulait le plus ; et dans le moment même qu’il disait que c’était un monstre, qu’on n’exilait pas un homme comme lui, mais que le bannissement était le mot, on lui dit : « Je crois que le voilà qui entre dans votre cour. » — « Où est-il, le malheureux ?
Et du moment qu’il y a balance, tout n’y doit-il pas être pesé en effet ? […] Convenons-en, il y a même un peu trop, par moments, de ce qu’on appellerait (s’il écrivait en français) des jérémiades. […] Et qui ne s’étonnerait en effet qu’un personnage si excellent, au moment même où il défendait la cause de la religion, ait pu s’attirer la condamnation d’hommes pieux et droits ? […] Il subsistait, lui et sa nombreuse famille, des bienfaits et des gages du Roi ; il était son bibliothécaire ; dans ses peines et ses surcroîts d’embarras domestiques (et il avait une sœur qui lui en donna), il était obligé de solliciter par du Perron la faveur et l’appui du roi : « Tu sais, ô mon Dieu, s’écriait-il, que c’est bien à contrecœur que je m’y résous, de peur que le monde ne répande des bruits sur mon compte. » En effet, recevoir et demander toujours, et ne rien accorder jamais, est chose difficile : il y avait des moments où Casaubon avait peur de fléchir, et il se retrempait alors par la prière : « Ô mon Dieu, affermis-moi contre ceux qui, profitant de mes embarras et de mes ennuis de famille, cherchent à tenter mon âme et à me subtiliser ma foi. » Notez qu’il n’était qu’un demi-protestant, ou du moins un demi-réformé : ses conversations continuelles avec du Perron et ses lectures assidues des Pères grecs l’avaient conduit à ce résultat, où plus d’un de ses coreligionnaires de bonne foi est arrivé depuis.
A une personne qui avait pensé à lui le jour de sa naissance, il écrivait de Passy (28 août 1833) ce remerciement plein de sensibilité et d’une pieuse reconnaissance envers le Ciel : « A l’instant où j’ai reçu votre aimable lettre, je réfléchissais à mon arrivée dans ce monde : il était trois heures, moment de ma naissance il y a cinquante-trois ans ; vous le voyez, votre lettre ne pouvait arriver mieux. […] Il y a bien encore pour moi des tracasseries à subir, quand ce ne serait qu’avec ma bourse toujours si mal garnie, toujours insuffisante, quelque privation que je m’impose ; car c’est par économie que je me suis retiré à Passy, dans une mansarde, sans bonne, et vivant à peu de frais… » Il rappelle d’autres tracasseries encore, de petits ennuis qui ne manquent jamais, — le gros ennui du moment, les forts détachés, ces fameuses bastilles tant discutées qui se construisaient alors et qui lui gâtaient ses promenades favorites du bois de Boulogne : « Vous voyez, Monsieur, disait-il en terminant, qu’il y a toujours de petites contrariétés dans ce bas monde ; mais aussi il y a quelque philosophie, et je crois en avoir une part suffisante. […] Il pensa même, un moment, au suicide. […] — « Cher et excellent Maire, lui écrivait-il un jour qu’il était un peu en retard (4 janvier 1846), je ne puis trouver un moment pour vous aller rendre mes devoirs de respectueux administré.
Walferdin, à ses moments perdus, n’est pas plus enamouré du leste et galant Fragonard, — que M. […] Mais c’était alors, à deux pas de nous, le grand moment de l’École flamande et hollandaise, et il nous en arriva quelque chose. […] Le moment où Gardilanne arrive à Nevers, en se faisant précéder d’une lettre que Dalègre ne reçoit qu’une demi-heure auparavant, le coup de foudre de cette chute d’ami qui le consterne, son premier mouvement pour dérober en toute hâte les moindres traces de son fragile et casuel trésor, le déménagement nocturne de la faïence par le maître de la maison et sa ménagère, pendant que le voyageur est endormi, la crainte que le cliquetis chéri ne le réveille (car tout collectionneur, comme tout amant, a le sommeil léger pour ce qu’il aime), tout cela fait une scène excellente. […] Il te faut encore, et c’est là le plus beau triomphe, il te faut, tout en étant observée et respectée, je ne sais quoi qui t’accomplisse et qui t’achève, qui te rectifie sans te fausser, qui t’élève sans te faire perdre terre, qui te donne tout l’esprit que tu peux avoir sans cesser un moment de paraître naturelle, qui te laisse reconnaissable à tous, mais plus lumineuse que dans l’ordinaire de la vie, plus adorable et plus belle, — ce qu’on appelle l’idéal enfin.
Ducis faisait une pièce comme il fait une scène, il serait notre premier tragique70. » Et dans ses moments de plus grande franchise La Harpe ajoutait encore : « C’est bien heureux que cet homme n’ait pas le sens commun, il nous écraserait tous. » Je voudrais insister sur les beautés de ces lettres de Ducis, dont la collection ferait un trésor moral et poétique ; on y joindrait les lettres de Thomas fort belles, fort douces et bien moins tendues de ton qu’on ne le suppose. […] Car le nom de Deleyre figure, à côté de celui de Lakanal, au bas de l’Arrêté qui institue ces Écoles, un moment si utiles. […] Il y a des moments où mon amitié pour vous serait tentée de devenir despotique, au risque de vous affliger. […] Rousseau, le reconduisant et prenant congé de lui sur le palier, lui dit : « Nous venons de passer ensemble des moments bien agréables ; il serait tout naturel que je vous retinsse à dîner ; mais, si vous étiez malade ce soir, on dirait que je vous ai empoisonné. » — Ducis avait raconté l’anecdote à M.
Je ne sais si beaucoup de gens sont comme moi, mais j’avoue que par moments je commence a en avoir assez de la littérature du XVIIe siècle. […] Il avait dû croire, dès l’avènement d’Anne d’Autriche, de cette reine dont il était depuis des années le serviteur dévoué et qui l’avait surnommé publiquement son martyr, à un crédit réel, à une influence, à une participation dans l’exercice du pouvoir ; il s’était pu considérer un moment comme futur ministre. […] Je parle en ce moment des plus sincères, des plus élevés et de ceux qui ont le droit de se croire le plus désintéressés dans la critique des choses de l’esprit. […] Et moi-même tout le premier qui écris ceci, si je me plais à tout moment à briser le moule auquel je serais tenté de m’asservir, si je me force d’aimer ce que je ne suis pas ou le contraire même de ce que je suis, ce n’est pas désintéressement du moi : c’est que je me pique peut-être de n’être rien en particulier et que je m’aime mieux apparemment sous cette forme brisée, multiple et fuyante que sous toute autre.
Ici le poète prend la parole et semble prier pour un moment le peintre de lui céder la place ; car, pour ces poètes déclassés, la critique est comme une lucarne qu’on leur ouvre, et il leur est difficile, quand la chose les intéresse un peu vivement, de ne pas passer la tête à la fenêtre pour dire : Me voici ! […] En ce qui est d’un jugement direct, il ne fait pas comme nous en certains moments où les nerfs nous prennent et sont les plus forts : il n’éclate jamais. […] ô stoïcien de l’art, qui affectez parfois plus d’impassibilité que vous n’en avez ; ne vous repentez pas d’avoir obéi un moment à la nature et d’avoir trahi cette source du cœur qui est en vous ! […] Sigognac n’a pour toute bienvenue à offrir à la troupe comique que le gîte et le foyer : eux, en retour, ils lui apportent le souper et la victuaille ; leur chariot, à ce moment, est des mieux fournis.
Taine comme, à ma connaissance, il ne l’avait pas été encore : il n’apparaît qu’à son moment et après un tableau caractérisé de la Renaissance chrétienne, de ce puritanisme dont il est la fleur suave et douce et la couronne sublime, bien qu’un peu bizarre. […] C’est assez et trop parler de lui pour le moment, mais Milton est mon excuse ; Milton fut son poète. […] Sa famille, retirée du commerce et catholique, habitait, à ce moment, une propriété dans la forêt de Windsor. […] En un mot, n’allez pas donner raison à ce pessimiste qui me disait pas plus tard qu’hier encore : « Le moment n’est pas bon pour Pope, et il commence à devenir mauvais pour Horace. » 19.
Il y eut peut-être un moment où Virgile jeune, dans l’orgueil de ses vastes pensées, méditant une œuvre plus immortelle que Rome elle-même, se croyait au-dessus des lois de la critique et dédaignait de rien puiser qu’à la source directe de la nature ; mais quand il eut tout bien examiné des deux parts, il trouva que la nature et Homère, ce n’était qu’un. » Certes la poésie des seconds âges, des âges polis et adoucis, n’a jamais été mieux exprimée par un exemple. […] L’avare, jusqu’au dernier moment, refuse de dire : Je donne. […] Pope était bien le poète de son moment, d’une heure brillante et tempérée, d’une époque mémorable où la société anglaise, sans s’abjurer elle-même, comme sous Charles II, entra en commerce réglé avec le continent et se prêta, pour les formes et pour les idées, à un utile et noble échange. […] Je profite, en ce moment, d’une intéressante dissertation que je reçois de Dublin, Considérations sur l’esprit critique en littérature, par Edward Dowden.
Il y eut, entre autres, un moment de crise, d’inquiétude suprême et d’amertume dernière, d’une amertume d’autant plus cuisante et plus sensible qu’elle avait été précédée d’un éveil de joie et d’espérance : ce fut pendant la maladie de Metz et à la convalescence du roi. […] La reine n’a pu en savoir davantage. » La glace, un moment fondue, s’était évidemment reformée. […] C’est une page toute vive de la conversation la plus satirique du moment ; elle s’est fixée par hasard sous une plume de grande dame qui s’est mise un matin à écrire et qui bientôt ne s’est plus donné la peine de continuer : parler, entendre, être entendu à demi-mot est si amusant et si facile ; écrire est si long et si ennuyeux ! […] C’était son moment le plus agréable de récréation et de repos.
Jamais mère n’eut tant de droit de parler avec autorité que l’impératrice ; je l’ai représenté plusieurs fois dans les moments où les lettres chagrinaient : on convenait du principe, mais on s’est toujours figuré qu’on était peu aimée et qu’on serait traitée comme un enfant jusqu’à trente ans. […] A un moment, l’abbé demande à M. de Mercy d’être relevé de sa résidence habituelle à la suite de la Cour ; il allègue ses ennuis, ses dégoûts, et paraît résolu à se retirer (14 août 1773) : « Je suis devenu inutile à Mme la dauphine. […] Je ne me délivrerai jamais d’inquiétude pour ce que je quitte et qui me sera toujours si cher, malgré le traitement que j’ai éprouvé, même dans certains moments de cette dernière audience, dans laquelle j’ai fait revenir presque tous les points essentiels. […] En même temps elle se néglige quelquefois un peu vis-à-vis du comte et de la comtesse de Provence ; mais elle répare cela avec beaucoup de grâce dans d’autres moments… » L’observateur montre la reine encore étrangère à la politique, s’abstenant d’y intervenir sérieusement, et, jusqu’alors, en fait de ministres, n’en aimant aucun : « Elle les juge comme tout le public qui est toujours mécontent d’eux ; et comme les entours de cette princesse sont la plupart intéressés à décréditer le ministère quelconque et accoutumés à tout critiquer et à faire des plaisanteries sur tout, il arrive de là qu’elle ne connaît jamais aucun homme en place du bon côté, et ne voit que ses défauts ou ceux qu’on lui impute, et que souvent il n’a pas. » Le côté agréable est mis en relief sans être exagéré ; justice est rendue à toutes les qualités séduisantes déployées dans l’intimité.
Dans les moments de marche ou d’installation incohérente et confuse, comme le sont les temps présents, il est simple qu’on aille au plus important, qu’on s’occupe du gros de la manœuvre, et que de toutes parts, même en littérature, ce soit l’habitude de frapper fort, de viser haut et de s’écrier par des trompettes ou des porte-voix. […] Eugène, au milieu de ce monde de convenances et d’égards, a ses jalousies, ses allégresses, ses folies d’un moment. […] Il y a un bien admirable sentiment entrevu, lorsque étant allée dans le parc respirer l’air frais d’une matinée d’automne, tenant entre ses bras le petit Victor, l’enfant de sa sœur, qui, attaché à son cou, s’approche de son visage pour éviter le froid, elle sent de vagues tendresses de mère passer dans son cœur : et le comte Ladislas la rencontre au même moment. […] Mme de Souza est morte à Paris le 16 avril 1836, conservant jusqu’à son dernier moment toute la bienséance de son esprit et l’indulgence de son sourire. — On trouvera dans un volume publié depuis peu (1863), par M.
Écoutons Tacite, c’est ainsi qu’il commence son premier livre : XI « J’entreprends une œuvre riche en vicissitudes, atroce en batailles, déchirée en séditions, sinistre même dans la paix : « Quatre empereurs tranchés successivement par le glaive, trois guerres civiles, plusieurs guerres extérieures, quelques autres tout à la fois civiles et étrangères ; « Nos armes, prospères en Orient, malheureuses en Occident ; l’Illyrie troublée, les Gaules mobiles, la Grande-Bretagne conquise et perdue presque au même moment ; les races suèves et sarmates se ruant contre nous ; les Daces illustrés par des défaites et par des victoires alternatives ; l’Italie elle-même affligée de calamités nouvelles ou renouvelées des calamités déjà éprouvées par elle dans la série des siècles précédents ; des villes englouties ou secouées par les tremblements de terre sur les confins de la fertile Campanie ; Rome dévastée par les flammes ; nos plus anciens temples consumés ; le Capitole lui-même incendié par la main de ses concitoyens ; nos saintes cérémonies profanées ; des adultères souillant nos plus grandes familles ; les îles de la mer pleines d’exilés ; ses écueils ensanglantés de meurtres ; des atrocités plus sanguinaires encore dans le sein de nos villes ; noblesse, dignités, acceptées ou refusées, imputées à crime ; le supplice devenu le prix inévitable de toute vertu ; l’émulation entre les délateurs, non-seulement pour le prix, mais pour l’horreur de leurs forfaits ; ceux-ci revêtus comme dépouilles des consulats et des sacerdoces, ceux-là de l’administration et de la puissance de l’État dans les provinces, afin qu’elles supportassent tout de leur violence et de leur rapacité ; les esclaves corrompus contre leurs maîtres, les affranchis contre leurs patrons, et ceux à qui il manquait des ennemis pour les perdre, perdus par la trahison de leurs amis. » XII « Toutefois le siècle n’est pas assez tari de toute vertu pour ne pas fournir encore de grands exemples : « Des mères accompagnant leurs fils poursuivis, dans leur fuite ; des femmes s’exilant volontairement avec leurs maris ; des proches courageux ; des gendres dévoués ; la fidélité des serviteurs résistant même aux tortures ; des hommes illustres bravant les dernières extrémités de l’infortune ; l’indigence elle-même héroïquement supportée ; des sorties volontaires de la vie comparables aux morts les plus louées de nos ancêtres. […] je vous parle en ce moment au nom de Galba, devenu mon père, du sénat et de l’empire, que je représente devant vous. […] XX Galba, presque abandonné dans le palais avec une poignée de gardes et de serviteurs, hésite un moment s’il y défiera l’assaut des prétoriens ou s’il ira au camp disputer l’empire à Othon. […] Citons cette page, que nous avons lue tant de fois nous-même vivante sur les pavés de nos places publiques : « Les dispositions dans le camp n’étaient déjà plus douteuses, et la passion en faveur d’Othon était déjà si furieuse que les soldats, non contents de le couvrir de leurs corps et de leurs armes, le portent, au milieu des aigles des légions, sur un tertre où s’élevait, quelques moments avant, la statue d’or de Galba, et l’entourent de leurs étendards.
D’abord, pour défendre l’antiquité, il n’était pas un érudit : à un tel point que les érudits lui déniaient même le droit de se faire l’avocat des anciens, et qu’il se trouva pris à un moment entre deux feux, et obligé d’écrire sa Dixième Réflexion contre le docte Huet. […] En un mot, il se fait à chaque moment juge du sens et des mots de son auteur, il le « rectifie » sans scrupules, « à la française ». […] Si, en effet, les anciens ont mené Boileau à définir l’art une imitation de la nature, on sent à chaque moment une conception nouvelle de la vérité, une conception presque scientifique, dans les formules que le critique français emploie : et c’est en cartésien, ou, si l’on veut, en classique, enfin en homme de sa race et de son temps, qu’il a substitué au naturel aisé des anciens son « naturalisme » rationnel et conscient. […] Il entrevit alors cette vérité importante : que le mouvement général de la littérature se compose d’un grand nombre de mouvements particuliers, de vitesses très inégales ; qu’il y a pour une langue, et qu’il y a pour chaque genre des points de perfection qui sont atteints à des moments très différents : le progrès commence à peine d’un côté, que la décadence se fait sentir de l’autre.
Il était du petit nombre de ces oisifs parisiens qui retiennent des spectacles multiples auxquels les convie la mode, de ce long et ininterrompu défilé de tableaux, de statues, de morceaux de musique, de pièces de théâtre, de cérémonies et de fêtes, des couleurs, des sons, voire des idées, qu’ils cataloguent, au fur et à mesure, dans leur mémoire et dont l’ensemble constitue pour eux une mine féconde, inépuisable d’impressions et de souvenirs, lesquels, habilement mis en œuvre et adaptés aux exigences du moment, leur fournissent toujours à propos le thème inutilement cherché par tant d’autres… III Il y a apparence, après tout cela, que vous ne rencontrerez ici ni les grandes passions, ni les héroïsmes, ni les crimes, ni le romanesque tour à tour délicieux et tragique des romans de M. […] Rabusson impliquent nécessairement chez les personnages un certain sang-froid, une certaine possession d’eux-mêmes, jusque dans les moments où ils sont le plus émus. […] Mais presque toujours, au moment décisif, au moment où d’autres ne s’appartiennent plus, tout à coup il s’aperçoit qu’il se regarde faire, qu’il est moins acteur que spectateur. […] La morale des philosophes est une morale de cabinet qui ne les suit guère dehors ; tant qu’on raisonne doctoralement, inter libros ou inter pocula, c’est superbe, plein de simplicité, de grandeur et d’harmonie ; mais deux beaux yeux que l’amour fait arder ont bien vite raison de toutes les rigueurs théoriques de ces belles doctrines, lesquelles, en de certains, moments, sembleront toujours à quiconque ne les a pas inventées de simples jeux de savants.
Il crut que l’œuvre que M. de Lamennais tentait alors dans le journal L’Avenir, était d’un intérêt général et décisif pour le moment. […] » Il parle donc à ces juges de vingt ans leur langue, il sait leurs images, il leur rend visible par moments leur poésie. […] C’est Bourdaloue pourtant qui, par les justes proportions, par la beauté de l’ordonnance et l’exactitude des développements, représente la perfection moyenne et complète de ce genre grave à son plus beau moment. […] La révolution de février 1848 porta le père Lacordaire à l’Assemblée nationale ; il put croire un moment qu’au milieu d’une grande œuvre commune de reconstruction il y aurait lieu quelquefois à une parole religieuse extra-parlementaire.
Je reconnus que le moment de parler était arrivé, et que les vieux temps allaient revenir. » Il se rendit donc à la cour de Ghaznin, où il eut quelque peine encore à se faire remarquer du sultan ; il y parvint enfin et réussit à le charmer. Il triompha, dans un défi, de tous les poètes de Cour, et le sultan, dans un moment d’enthousiasme, lui donna ce surnom de Ferdousi (car ce n’était pas son premier nom) ; Ferdousi veut dire l’homme du paradis, celui qui fait de la terre un paradis par l’enchantement de sa parole. […] Il voit son fils assis à un festin : il l’admire, il le compare, pour la force et la beauté, à sa propre race ; on dirait, à un moment, que le sang au-dedans va parler et lui crier : C’est lui ! […] … Roustem, par sentiment d’orgueil, et soupçonnant toujours une feinte de la part d’un jeune homme avide de gloire, dissimule une dernière fois, et, dès ce moment, le sort n’a plus de trêve.
Le plein bon sens et le vrai bon goût, chez nous, n’ont jamais existé ensemble qu’à un très court moment de la littérature et de la langue. […] Son style est de robe longue, même dans ses lettres où il ne vise point à être pompeux ; mais, à tout moment, il rachète ces défauts réels, ces longueurs de phrase, par des expressions heureuses qui honoreraient Montaigne ; il joint à sa gravité habituelle, à la justesse et à la prud’homie de ses pensées, un agrément qui sent le poète dans la prose. […] Mais bientôt, avec l’âge et le cours des événements, les sujets deviennent plus sérieux : à partir d’un certain moment, toute l’histoire et la politique de son temps y passent, et nous y assistons avec lui, c’est-à-dire par les yeux d’un témoin judicieux, éclairé, placé au meilleur point de vue, ni trop près ni trop loin de la Cour, qui ne se pique point de parler en homme d’État, mais qui apprécie et sent les choses de sa nation avec le cœur et l’intelligence de cette haute bourgeoisie, alors si intègre et si patriotique, et qui se pouvait dire le cœur même de la France. […] Louis XIV asservit le Parlement, Louis XV le craignit : « Vous ne savez pas ce qu’ils font et ce qu’ils pensent, disait-il à ses intimes, c’est une assemblée de républicains… » À ce moment, la théorie en question, qui avait besoin d’une condescendance, d’une confiance et d’une foi réciproque, cette théorie où il entrait, on l’a vu, je ne sais quelle illusion platonique, était totalement perdue ; il n’y eut plus après que de grands et beaux noms qui jusqu’à la fin, et en présence de l’échafaud, attestèrent les races généreuses.
Pour admirer, il lui suffit qu’il y ait de l’esprit, de l’habileté, de l’éclat, et une appropriation heureuse aux circonstances et à la société du moment. […] Ainsi, ces discours, qui devinrent plus châtiés, plus académiques, et qui firent un genre à part, du moment qu’ils se prononcèrent en public, sont une des nouveautés qu’on doit à Perrault, et une de ces nouveautés qui sont assez dans les mœurs françaises pour avoir gardé de leur attrait au milieu de tous les changements qui se sont succédé depuis2. […] Nous arrivons au moment des grandes guerres littéraires qui ont rempli la fin du xviie siècle, et qui ont donné une célébrité équivoque au nom de Perrault. […] Trois personnes, en allant visiter les merveilles de Versailles, causent entre elles de cette question nouvellement à la mode, des anciens et des modernes : un Président, savant, un peu entêté et qui, en deux ou trois moments, se fâche ; un Chevalier, léger, agréable, hardi, au besoin même impertinent, et qui fait lever les lièvres ; un Abbé entre les deux, instruit, mais pensant par lui-même, et qui est censé représenter le modérateur et le sage.
Alfred de Musset est la grande imitation du moment. […] Liadières ne croit certainement pas que le moment soit passé de les couronner. […] J’ai hâte d’arriver à une production sur laquelle je puisse m’arrêter un moment. […] J’ajouterais qu’on trouverait en ce moment bon nombre de poètes particuliers très distingués, et qu’on pourrait tirer de leurs œuvres un choix à la fois honorable et charmant.
Cette dernière question est la plus fondamentale : il faut savoir par quoi et comment les anneaux de la chaîne ont été d’abord soudés ensemble, pour comprendre dans quel ordre ils se suivent actuellement et sous quelle forme ils reparaissent dans notre conscience à tel moment déterminé. […] — Parmi les processus cérébraux, il y en a toujours un qui prédomine sur ses concomitants de manière à provoquer l’activité en un point déterminé. — Ce processus est, selon nous, celui qui répond à l’appétition, à l’intérêt, au désir du moment. […] « D’abord, dit-il, j’étais couché sur mon lit au moment même de ce souvenir ; première concordance ; puis j’avais vu le visage de l’enfant piqué par les mouches ; mais que de fois j’ai éprouvé le même inconvénient sans avoir le même souvenir ! […] Le pigeon ou le rat à qui l’on a retranché cette calotte superficielle, le cochon d’Inde à qui l’on sectionne les deux pédoncules cérébraux en avant et au dessus de la protubérance, a encore des sensations, mais il ne les aperçoit plus au moment où il les a ; il ne les connaît plus, ne les répète plus en les systématisant et les classant ; il ne peut plus y faire attention, ni les lier à l’appétition du moment ; les organes répétiteurs n’existant plus ou ne répétant plus, il n’y a plus de mémoire ni de liaison d’images.
Une tiède pâleur, à tout moment, rosée d’animation passagère, le bleu sombre de l’œil pareil à une lumière de nuit, des traits découpés et sculptés dans la chair, une coiffure retroussée à la Diane, découvrant le précieux modelage des joues, des tempes, et une petite oreille au contour transparent. […] Il s’échappe à dire, un moment : « Ah ! […] Il s’arrête un moment, et avec un petit rire sarcastique, qui a l’air de moquer tout ce qui sort d’original de sa bouche, il s’écrie : « Oui cela, je veux le dire dans un livre, qui, sur la constitution des sociétés, serait, toute distance gardée, ce qu’est le livre de Laplace, sur la constitution du ciel ! […] Dans la conversation, un moment, il a laissé tomber, et cela sans jactance, et comme l’affirmation d’un fait : « Oui, je suis l’homme qui peut faire descendre 100 000 hommes dans la rue !
Par une insigne faveur, Sa Majesté a voulu qu’au même moment où la France entière célébrerait, d’année en année, l’époque d’un retour qui combla tous ses vœux et répara tous ses maux, l’Institut consacrât, par une séance solennelle, le souvenir de cette heureuse réorganisation, qui replaça les Académies sur leurs anciens fondements, sans rompre ni relâcher le nouveau lien qui les unissait. […] Le moment approche sans doute, où les Français, oubliant leurs tristes dissentiments, confondront dans une même affection le prince et la patrie. […] N’y aurait-il pas lieu de croire, enfin, que la querelle du romantisme est une simple dispute de mots, un pur malentendu, qui cesserait du moment que les esprits justes et sincères, de part et d’autre, après être tombés d’accord sur les principes qui semblent les diviser, seraient forcés de reconnaître la vanité des paroles qui les abusent ? […] C’est un fantôme qui s’évanouit du moment qu’on en approche et qu’on essaie de le toucher.
Ce qu’il y avait, par moment, d’énergique grandeur était trop mêlé de mal et de crime pour laisser à la pensée son pur éclat poétique : une fureur turbulente et souvent factice en prit la place, et parut en avoir la puissance. C’est à ce titre qu’un poëte, d’abord de l’école alexandrine, sous l’ancienne royauté, puis de l’école frénétique sous l’anarchie, Lebrun, affecta les écarts d’une veine à la fois savante et forcenée, n’étant d’ailleurs qu’un artiste en paroles, sans libre invention, comme sans principe moral, et d’autant plus impétueux qu’il était plus servile sous la passion ou le pouvoir du moment. […] Les livres un moment célèbres de Thomas Paine, de Godwin, de Mistress Macaulay, en sont la preuve : et cette exagération des publicistes devenait aussi celle des poëtes. […] Hâtez-vous, assistez un moment à son repos du soir : « Notre tâche du jour est achevée.
Ayant eu l’honneur d’en faire partie à un certain moment et en des temps difficiles, je sais ce qui en est, et j’ai souvent réfléchi et à ce qui s’est fait et à ce qui aurait pu se faire. […] De ce qu’on s’arrête, à un certain moment, dans les conséquences que de plus avancés ou de plus aventureux que nous prétendent tirer d’un principe, il ne s’ensuit pas qu’on renonce à ce principe et qu’on le répudie. Ce n’est pas à des hommes politiques qui, tous les jours, appliquent cette manière de voir aux principes de 89, qu’il est besoin de démontrer cette vérité : de ce qu’on ne va pas aussi loin que tout le monde, et de ce que même, à un moment, on recule un peu, il ne s’ensuit pas qu’on se convertisse ni qu’on renonce à tout.
C’est dans cette période de sa vie, j’imagine (car je ne vois pas d’autre moment où placer convenablement cet épisode) que le digne abbé, qui avait d’ailleurs des mœurs pures, mais non pas dans le sens strict de sa profession et de son ministère, paya son tribut à la faiblesse humaine. […] Le cardinal de Polignac, en dénonçant l’abbé (qui avait été un moment son secrétaire d’ambassade) comme un blasphémateur laps et relaps envers la mémoire de Louis XIV, crut s’honorer par cette explosion de fidélité posthume ; et en même temps on n’était pas fâché, quand on n’aimait pas le Régent, de frapper un homme de sa maison, ou du moins de la maison de sa mère, et qui logeait dans le corridor même du Palais-Royal. […] Le Régent, auquel on déféra un moment cette affaire et qu’une députation de l’Académie alla trouver dix-huit mois après la sentence, pour savoir s’il y avait lieu à révision, envoya à peu près promener messieurs des quarante.
Cousin, à tous les moments de sa carrière, a été l’impulsion, l’initiative, le besoin et le secret de la prédominance. […] — Lui, c’était avec éclat que tout se produisait, avec une sincérité du moment qui ressemblait à de l’enthousiasme, et qui, une fois qu’on était averti et aguerri, admettait une part de comique, mais du comique du plus haut caractère. […] Croyez-bien, — ou plutôt laissez-moi être persuadé que vous le saviez déjà, — que votre pensée n’a cessé un moment de m’être présente pendant que je m’occupais de l’illustre ami que nous avons tous perdu.
Les événements, qui ne remuaient jadis que de petits territoires contigus à la France, remuent en ce moment le globe tout entier ; comment juger avec connaissance de cause ces événements, sans en connaître la scène et les acteurs ? […] En parcourant d’un œil attentif toutes ces belles cartes réunies par un lien historique, dans cet atlas si admirablement groupé pour mettre l’univers en relief sous vos mains comme dans une exposition plastique du monde à toutes ses grandes époques, où tout ce qui est essentiellement mobile dans la configuration des empires parut un moment définitif, on sait tout de l’homme et tout de la terre politique ; on marche à travers les lieux et les temps avec un interprète qui sait lui-même toutes les langues et tous les chemins. […] Géographie sacrée des Hébreux, géographie maritime des Phéniciens, géographie d’Alexandre qui efface les limites sous les pas de ses Grecs et de ses phalanges, de ses Ptolémée ; géographie des Romains, qui font l’Europe et qui refont une Afrique et une Asie Mineure avec Strabon ; géographie de Charlemagne, qui refait la moitié du globe chrétien avec les décombres du paganisme ; géographie de l’Angleterre, qui fait une monarchie navale et commerciale avec les pavillons de ses vaisseaux ; géographie de Napoléon, qui promène ses bataillons de Memphis à Madrid et à Moscou, conquérant tout sans rien retenir, et qui, de cette géographie napoléonienne de la conquête sans but, ne conserve pas même une île (Sainte-Hélène) pour mourir chez lui, après tant d’empires parcourus, en ne laissant partout que des traces de sang français versé pour la gloire ; géographie actuelle, qui se limite par l’équilibre des droits et des intérêts, qui élève contre l’ambition d’un seul la résistance pacifique de tous, et qui ne se dérange un moment par une ou deux batailles que pour se rétablir bien vite par la réaction naturelle de la liberté et de la paix.
Pour lui, chaque pièce de vers devait être un roman, « le roman d’une heure, d’une minute, d’un moment psychologique et physiologique, avec le milieu, le cadre du Fait, un Fait signifiant quelque chose », et, dans le rendu de l’heure, de la minute, du moment, il essayait de « donner l’impression du milieu sur le corps, du corps sur l’âme, car il ne comprenait pas le corps sans le milieu, l’âme sans le corps, c’est-à-dire l’idée sans la sensation » et, pour la langue, il rêvait « au lieu du mot qui narre, le mot qui impressionne ». […] Parfois l’imagination affolée, comme dans la ballade de Zedlitz, croit assister sous les gonflements d’invisibles étendards à une tumultueuse revue de fantômes. » Forain peignait, à ce moment, un plafond commandé par je ne sais plus quelle Altesse.
Mais, quand un misé-[145] rable travaille à s’élever au-dessus du besoin, il fait une action vertueuse, car il pose la condition de sa rédemption, il fait ce qu’il doit faire pour le moment. […] Mais que je retrouve bien plus dans vos sublimes folies les besoins et les instincts suprasensibles de l’humanité que dans ces pâles existences que n’a jamais traversées le rayon de l’idéal, qui, depuis leur premier jusqu’à leur dernier moment, se sont déroulées jour par jour exactes et cadrées, comme les feuillets d’un livre de comptoir ! […] Je donnerais tout au monde pour l’avoir vue à ce moment-là.
La rencontre de ce grand fleuve produisit en lui ce qu’aucun incident de son voyage ne lui avait inspiré jusqu’à ce moment, une volonté de voir et d’observer dans un but déterminé ; fixa la marche errante de ses idées, imprima une signification presque précise à son excursion d’abord capricieuse, donna un centre à ses études, en un mot le fit passer de la rêverie à la pensée. […] Il les relut, et il reconnut que, par leur réalité même, elles étaient le point d’appui incontestable et naturel de ses conclusions dans la question rhénane ; que la familiarité de certains détails, que la minutie de certaines peintures, que la personnalité de certaines impressions, étaient une évidence de plus ; que toutes ces choses vraies s’ajouteraient comme des contre-forts à la chose utile ; que, sous un certain rapport, le voyage du rêveur, empreint de caprice, et peut-être pour quelques esprits chagrins entaché de poésie, pourrait nuire à l’autorité du penseur ; mais que, d’un autre côté, en étant plus sévère, on risquait d’être moins efficace ; que l’objet de cette publication, malheureusement trop insuffisante, était de résoudre amicalement une question de haine ; et que, dans tous les cas, du moment où la pensée de l’écrivain, même la plus intime et la plus voilée, serait loyalement livrée aux lecteurs, quel que fût le résultat, lors même qu’ils n’adhéreraient pas aux conclusions du livre, à coup sûr ils croiraient aux convictions de l’auteur. — Ceci déjà serait un grand pas ; l’avenir se chargerait peut-être du reste. […] Elles se classent, avec le moine de Saint-Gall, avec le bourgeois de Paris sous Philippe-Auguste, avec Jean de Troyes, parmi les matériaux utiles à consulter ; et, comme document honnête et sérieux, ont parfois plus tard l’honneur d’aider la philosophie et l’histoire à caractériser l’esprit d’une époque et d’une nation à un moment donné.
Des changements survenus dans notre manière d’apprécier et de juger notre littérature nationale Parmi les phénomènes que présente l’état actuel des choses, il en est qui frappent plus que d’autres, selon la disposition différente des esprits différents, Celui sur lequel je désire arrêter en ce moment l’attention, parce que je le crois de la plus grande importance, c’est le discrédit de la parole et la confusion du langage. […] Nous luttons, en ce moment-ci, de toutes nos forces, contre l’invasion de la littérature romantique ; mais les efforts mêmes que nous faisons prouvent toute la puissance de cette littérature. […] Oui, continuant de m’associer aux idées du temps, aux pensées des hommes qui vivent en ce moment, aux nouveaux errements de la société ; oui, je trouve dans Bossuet je ne sais quoi de plus vieux que l’antiquité, je ne sais quoi de trop imposant pour nos imaginations qui ne veulent plus de joug.
« C’est à ce mouvement qu’on dut en partie la victoire… » Maintenant, qu’il déclame tant qu’il voudra contre la guerre et s’enniaise de philosophie moderne, l’homme qui a écrit cette espèce de strophe, cette phrase presque plastique, ce tableau d’un si rapide mouvement et d’une si héroïque couleur, est, avant de se donner pour un Lavater de la main, un peintre militaire indestructible qui va se trouver partout : — il n’y a qu’un moment dans l’idéal, tout à l’heure dans la réalité. […] En vain s’efforçait-on de la contenir : vieilles capes fauves outrageusement râpées, vieux tricornes de cuir éraillés, bérets blancs à houppes rouges, chefs sans chemise et suant sous l’oripeau, aumôniers olivâtres et desséchés, vivandières hagardes, scribes rabougris, soldats en guenilles, tout disparaissait en un moment dans un nuage de poussière. […] Il n’en est rien pourtant, mais à certains moments on le croirait.
Toujours il fut dans l’histoire de ce pays un moment suprême où l’indignité des gouvernements proclama la vacance du trône par la bouche même qui avait le droit de la proclamer, par cette voix du peuple et de l’Église qui avait fait le peuple ce qu’il était, et qu’au Moyen Âge on appelait justement, pour cette raison, la voix de Dieu ! Ce moment suprême était sonné sous Henri III. […] Cherchant aujourd’hui le droit dans le fait à propos de la Ligue qui l’avait trouvé dans le ciel, et en face de la race nouvelle érigée sur les débris des races anciennes parmi nous, il aurait proclamé l’arrêt suprême et vu ce que tout le monde sans exception verrait pour le moment en France, si la pitié pour les victimes n’attendrissait le jugement contre les coupables, et si quelques gouttes du sang de martyr de Louis XVI ne nous étaient entrées dans les yeux pour nous retomber sur le cœur !
Après Montaigne et quand on eut vu son succès, il prit sans doute envie à plus d’un gentilhomme campagnard de jeter par écrit ses fantaisies sans beaucoup d’ordre, et de devenir auteur à ses moments perdus sans cesser de courir le lièvre. […] Quand La Bruyère et La Rochefoucauld nous manquent, je n’hésite pas à aller un moment jusqu’à Marivaux, ou même à passer jusqu’à Chamfort.
La révolution récente l’a bien prouvé ; l’indignation publique s’est bornée, dans les moments de plus vive effervescence, à quelques représailles plus politiques que religieuses ; le prêtre dans son ministère a été respecté ; il a même été appelé sur le champ de carnage pour bénir les morts : seulement les mots de religion dominante ont disparu du code fondamental. […] Il suffirait, pour prouver qu’en dépit de certains actes et de certains travers, Napoléon fut le continuateur et le champion de la Révolution française en face de l’Europe, de remarquer cet hommage unanime et cette piété du peuple envers sa mémoire au moment du triomphe de la liberté.
Après les premières opérations dans lesquelles un illustre historien de ce temps a reconnu que le jeune prince « n’avait commis aucune faute », un conflit fâcheux s’éleva, sur lequel ce n’est ni le moment ni le lieu d’insister. […] Il fait son devoir dans les terribles journées des Quatre-Bras et de Waterloo ; blessé, il continue de lutter ; il se bat simplement, vaillamment, dans ce bois accidenté d’Hougoumont dont chaque arbre est pris et repris avec tant d’acharnement pendant tout le jour ; le soir, il rejoint l’héroïque et désespéré Capitaine dans le carré de la vieille garde, où l’âme guerrière de la France s’est comme réfugiée ; et il entend cette parole qui, en un tout autre moment, eût réjoui son cœur : « Mon frère, je vous ai connu trop tard. » On n’a pas à suivre le prince Jérôme dans les longues années de la proscription et de l’exil.
Le méchant ne durera, qu’un moment ; le grand homme ne finira point. » Voilà ce que je me suis dit, et voici ce que je me suis répondu : « Je cloute qu’un méchant puisse être véritablement grand. […] Voyons de belles choses ; lisons de bons ouvrages ; vivons avec des hommes ; rendons-nous toujours compte de notre admiration ; et le moment viendra où nous prononcerons aussi sûrement, aussi promptement de la beauté des objets que de leurs dimensions.
Quels sont donc les moments de cette évolution ? […] Vous voyez la conséquence : de l’un à l’autre de ces deux extrêmes, nous n’aurons plus, en effet, qu’à insérer les moments de son évolution. […] Ce qu’elle nous représente surtout, c’est donc un moment de l’évolution du genre dramatique. […] et comment, par quels exemples établirait-on plus solidement que les moments de l’une et de l’autre ne coïncident point ? […] Tout y semblait inviter, à ce moment du xviie siècle, et tout y semblait tendre.
Pour le moment notons ce point comme parfaitement acquis : ceci est encore un obstacle. […] Parce que c’était, à ce moment-là, « son humeur », comme on dit. […] Parce qu’il était à ce moment-là à son point culminant d’avidité, parce qu’il était affamé et à l’affût. Mais pourquoi à ce moment-là ? […] Ce moment est certainement le moment de première décadence.
Mais les deux premières questions suffiront pour le moment. […] A ce moment elle sortit de sa distraction. […] Pour le moment, nous n’en considérerons que le résultat. […] C’est pour intervenir à ce moment, en cet endroit, qu’il s’était obscurément mêlé à toute mon histoire. […] Mais cette indépendance est limitée en fait : elle s’arrête au moment précis où l’intelligence irait contre son but, en lésant un intérêt vital.
L’esprit et le génie sont répandus en portions assez égales dans les siècles ; mais il n’y a dans ces siècles que de certaines nations, et chez ces nations qu’un certain moment où le goût se montre dans toute sa pureté : avant ce moment, après ce moment tout pèche par défaut ou par excès. […] Nul ne comprend mieux que nous toute l’étendue du malheur qui menace, en ce moment, les lettres et la religion. […] Dans ce moment critique, croyez-vous que les gardes parlent de combats, de surprises, qu’ils se retracent des images terribles ? […] Un moment de vanité peut lui enlever le bonheur de toute sa vie. […] Ces écrivains n’ont pas la force de produire la pensée qu’ils ont un moment conçue.
Ce sont ces deux courants qui de France et d’Allemagne arrivent en ce moment sur l’Angleterre. […] Il emportait un livre dans sa poche pour étudier dans les champs aux moments libres ; il usa ainsi deux exemplaires de Mackensie. « Le recueil des chansons était mon vade mecum. […] Même la branche d’épine blanche qui avançait sur la route, quel cœur en un pareil moment eût pu songer à lui faire mal1147 ? […] À ce moment, la forme semble s’anéantir et disparaître ; j’ose dire que ceci est le grand trait de la poésie moderne ; sept ou huit fois Burns y a atteint. […] À ce moment, en Angleterre, les conservateurs et les croyants primaient les sceptiques et les révolutionnaires.
Il fait allusion à un mot de Gœthe, de Shakspeare, à une anecdote qui en ce moment le frappe ; tant pis pour nous si nous ne le savons pas. […] En ce moment, il écrit une histoire de Frédéric le Grand. […] Il est comme eux un des moments de l’histoire du monde. […] À ce moment, on a vu paraître et s’enfler une passion exaltée et toute-puissante qui a rompu les digues anciennes et lancé le courant des choses dans un nouveau lit. […] Et si Dieu, qui est la parfaite justice, me jugeait en ce moment, quelle sentence porterait-il sur moi ?
Mais le moment est venu d’amender notre antithèse par la description des variétés vives de la parole intérieure. […] « J’ai senti tout à l’heure cette chose divine et ce signal accoutumé qui m’arrête toujours au moment d’agir ; il m’a semblé entendre à l’instant une certaine voix qui me défendait de…193 » etc. […] Les divers moments de ce processus ont été fréquemment décrits ou imités dans les œuvres littéraires ; c’est que l’observation dans la vie de chaque jour en est facile et presque toujours amusante. […] Joyeuse se prend à songer, et tout à coup le colosse… est très surpris de voir ce petit homme changer de couleur et le regarder en grinçant des dents avec des yeux féroces… En ce moment, M. […] Ensuite, les esprits exercés à la méditation savent se passer de ce secours d’un état fort [voir plus haut, § 3], ou bien, s’il leur faut absolument associer une sensation à leur pensée du moment, ils remplacent avec avantage les sons par l’écriture, qui conserve les idées pour l’avenir, après les avoir aidées à naître.
C’est un moment de folie tragique. […] Un moment, causant avec lui, il passe à côté de la médiocrité heureuse et se sent tenté. […] Il a diminué l’insécurité quotidienne pour s’assurer, à un moment donné, une certitude de misère. […] Et le moment où il touchera cet étrange capital, il ne le sait pas, il ne peut pas le savoir, il ne le prévoit jamais. […] Vingt-cinq ans avant l’apparition de Taine, dès 1829, Sainte-Beuve réfutait la théorie de la race, du milieu et du moment.
Il fut distrait un moment de ce loisir dans sa solitude par l’arrivée de son ancien ami politique, Rienzi, à Avignon. […] Mais les livres ont leur destinée et leurs retours de fortune comme les hommes ; la postérité a ses engouements comme le temps : elle fait mourir et revivre pour un moment les philosophes, les historiens, les poètes ; elle ensevelit les uns dans ses dédains, elle exhume les autres par ses engouements. […] L’engouement de ce siècle a élevé Dante au-dessus de ses œuvres, sublimes par moment, mais souvent barbares ; l’oubli de ce même siècle a négligé Pétrarque, le type de toute beauté de langage et de sentiment depuis Virgile. […] La mort du fils de Francesca de Brossano, sa fille, corrompit un moment pour lui toute cette joie du rétablissement du Saint-Siège à Rome. […] Il lève les yeux dans un moment de distraction ; son regard tombe, par hasard ou par prédestination, sur une jeune femme en robe de velours vert brodée d’or.
Mon cabinet de livres ouvre immédiatement sur cette espèce de belvédère, que vous nommerez, si vous voulez, un grand balcon ; c’est là qu’assis dans un fauteuil antique j’attends paisiblement le moment du sommeil. […] C’est là surtout, c’est dans mon observatoire que je trouve des moments délicieux. […] Tout gouvernement est absolu, et, du moment où l’on peut lui résister sous prétexte d’erreur ou d’injustice, il n’existe plus. […] C’est que l’engouement n’est que la passion publique et intéressée du moment pour un homme ou pour une œuvre qui servent momentanément cette passion publique. […] On dirait que, comme certaines fontaines de son pays qui pétrifient en un moment ce qu’on jette dans leur bassin, il a le don de pétrifier en un instant ce qui tombe dans sa pensée, tant ce qui en sort est moulé sur nature, revêtu d’une surface impérissable, immortelle.
Depuis ce moment jusqu’à la fin du poème, c’est presque toujours Roger qui est le véritable héros de ses chants. […] Angélique chercha en ce moment un refuge contre sa nudité dans un de ces hangars, et y resta longtemps sans être aperçue de personne. […] Zerbin le couche sur l’herbe, en attendant qu’il revienne étancher généreusement le sang de sa blessure ; il s’éloigne un moment pour punir le féroce soldat qui a frappé cet enfant. […] Les armes et l’écu de Roland pesaient à ses membres brûlants ; il entra pour se délasser un moment dans la grotte. […] Pour le moment, vous avez, au nom du gouvernement qui vous envoie, et qui en cela reste dans les limites des pouvoirs qui lui ont été confiés, à assurer la liberté et la personne du pape.
j’oserai le dire : parce qu’elle ne lui a été au premier moment ni explicable ni expliquée. […] Je veillais avec une sorte d’extase secrète sur le développement qui suivait le moment de leur naissance : les uns étaient éclos les yeux ouverts ; les autres ne les ouvraient que plusieurs jours après avoir brisé leur enveloppe. […] Ces heureux jours s’écoulaient, et chaque moment nous rapprochait du foyer natal. […] Du moment que les poissons se sentent retenus dans la partie inférieure qui pose au fond, leur frétillement avertit le pêcheur qui n’a pas alors grand mal à s’en emparer. […] Alors, je pus connaître tout le dommage que je lui avais causé, car je l’aperçus qui s’employait de son mieux à nettoyer et lisser son nid ; mais, pour le moment, je ne jugeai pas à propos de pousser plus loin mes expériences.
Un physicien, un chimiste, un biologiste, quand ils parlent de la science, entendent par là leur science particulière, c’est-à-dire un ensemble de recherches et de résultats valables pour eux à un certain moment et dans de certaines limites. […] Il se résigne d’ailleurs aisément aux ignorances de la science, du moment qu’elles se tournent en une leçon de fraternité. […] Ces idées ne sont, dans le meilleur cas, que l’expression de ce qu’il a voulu un moment. […] La destruction de l’idéal ancien laisse un moment historique dévolu au doute. […] Il y a un moment où l’homme est livré à lui-même et où par conséquent il doit faire un acte de foi en lui-même, il ne faut pas d’ailleurs confondre cet acte de foi avec un appel aux instincts primitifs de l’humanité.
Au même moment pouvait-on donner le nom d’homme au Christ ? […] Du moment que, pour être un docteur renommé, il suffisait de raisonner sans faute sur des propositions acceptées sans contrôle, on pouvait se borner à entasser sans choix dans sa tête des textes problématiques, des faits douteux, des phrases vides. […] Les discussions passionnées sur l’éducation se produisent chez un peuple à tous les moments de crise morale, quand la société, lasse de ce qui existe, aspire à un ordre nouveau ; elles annoncent, elles marquent la fin d’un régime. […] Elle a toujours été moins forte ; cependant elle s’est exercée et s’exerce encore sur les écrivains, surtout à trois moments de leur existence ; d’abord quand ils débutent ; puis quand ils sont candidats à l’Académie ; enfin quand ils en sont devenus membres. […] C’est à ce travail incessant que les cénacles consacrent leur énergie et c’est pour cela qu’ils ont tous leur moment de succès et d’éclat, de vogue tout au moins, et leur influence heureuse sur la marche de la littérature.
Ma fortune et peut-être mon talent dépendent d’un moment d’attention que vous accorderez ou que vous refuserez à mon œuvre. […] Les Bourbons étaient dans ce moment son seul salut, mais ce salut même lui rappelait qu’elle avait besoin d’être sauvée ; elle les subissait en grondant, comme le malade subit le remède. […] l’état horrible où le Ciel me l’offrit Revient à tout moment effrayer mon esprit. […] (La symphonie recommence encore ; et Joad, un moment après, l’interrompt.) […] Son propre fils, le second Racine, ne laisse aucun doute à cet égard dans le récit qu’il fait des derniers moments de son père.
À partir de ce moment, on lui ôta pour jamais le tétragramme, et on le mit sous clef dans le grenier de la synagogue, où il se voit encore. […] Il y aura dans le premier moment d’émotion des députés pour la faire. Mais, ce moment passé, si nous restons en république, il n’y aura pas de députés pour la maintenir ou la faire exécuter. […] Un peuple sans nobles est au moment du danger un troupeau de pauvres affolés, vaincu d’avance par un ennemi organisé. […] J’ai été heureux de m’être rencontré, dans les vues qui suivent, avec quelques bons esprits qui cherchent en ce moment le remède à nos institutions si défectueuses.
À ce moment, Hector, suffoqué par les larmes, quitta la chambre. […] Elle dit ce qu’elle sent à ce moment-là, et c’est le moyen d’être toujours vraie. […] voilà l’Empereur. » Et, au même moment, il lui dit : Ce drôle qui m’a empoisonné, Sire ! […] Voilà le moment de l’action choisi par l’artiste. […] Je me dis en effet, par moments, qu’il y a telle nouvelle qui, glissée furtivement à mon oreille dans mon tombeau, pourrait me faire tressaillir au point de me ressusciter.
A cet égard, considérez leur religion ; ils n’ont point le sentiment de cet univers infini dans lequel une génération, un peuple, tout être borné, si grand qu’il soit, n’est qu’un moment et un point. […] Une pensée qui pour nous est presque nulle, parce qu’elle est d’un autre âge et appartient à un autre moment de l’esprit humain. […] Pour faire l’homme de marbre ou d’airain, ils ont d’abord fait l’homme vivant, et la grande sculpture se développe chez eux au même moment que l’institution par laquelle se forme le corps parfait. […] De plus, la loi fixe l’âge des mariages et choisit le moment et les circonstances les plus favorables pour bien engendrer. […] Il semble même qu’à ce moment l’étude de la grammaire et de la musique cessait pour laisser entrer le jeune homme dans une classe plus spéciale et plus haute.
En reprenant les lettres par elle écrites à son frère de Douai à la date où je les ai laissées, nous retrouvons les gênes obscures, les humbles misères consolées, et tout d’abord cette modique pension qu’elle touchait auparavant avec une sorte de pudeur, mais qu’elle appelle maintenant comme un bienfait : « (26 octobre 1847)… Il y a deux jours enfin, j’ai reçu le trimestre qui me semblait autrefois si pénible à recevoir, par des fiertés longtemps invincibles, et que j’ai vu arriver depuis d’autres temps comme si le Ciel s’ouvrait sur notre infortune… « Ne nous laissons pas abattre pourtant, il faut moins pour se résigner à l’indigence quand on sent avec passion la vue du soleil, des arbres, de la douce lumière, et la croyance profonde de revoir les aimés que l’on pleure… « En ce moment, je n’obtiendrais pas vingt francs d’un volume : la musique, la politique, le commerce, l’effroyable misère et l’effroyable luxe absorbent tout… « Mon bon mari te demande de prier pour lui au nom des pontons d’Écosse. […] parce que rien n’est plus difficile pour moi que d’écrire en ce moment. […] … « Je n’ai aucune force morale en ce moment, et j’ai l’effroi d’écrire surtout à ceux que j’aime ; car, pour ne pas mentir, c’est bien triste à raconter. » « (13 août 1853)… Enfin, nous n’accomplissons en rien notre volonté ; une force cachée nous soumet à tous les sacrifices, et cette force est irrésistible. » « … Paris, qui a dévoré toutes nos ressources et nos espérances, devient de plus en plus inhabitable pour nous, et quelque coin de la province nous paraît déjà souhaitable pour cacher nos ruines et reposer tant de travail inutile. […] Sainte-Beuve n’a pas publié la lettre suivante, qui lui fut adressée lors du funeste moment : « Parmi tous, vous seul, je crois, devinez l’étendue de ma douleur. […] Il est mort selon son vœu : il disait un jour, en pleine santé, qu’il fallait que l’homme de lettres mourût comme Eugène Delacroix, en ne laissant tomber le pinceau qu’au dernier moment.
Le grand poëte ne lisait pas lui-même ; il eût craint peut-être en certains moments les éclats de son cœur et l’émotion de sa voix. […] Embrassons, étreignons en nous ces rares moments, pour qu’après qu’ils auront fui, ils augmentent encore de perspective, pour qu’ils dilatent d’une lumière magnifique et sacrée le souvenir. […] L’illustre auteur s’occupe en ce moment, je pense, à compléter cette dernière partie de sa narration par l’histoire des deux ou trois années écoulées entre juillet 1830 et son premier départ pour Prague. […] Alors il y a un court moment d’explosion de paroles et d’allégement. […] un fantôme responsable, un nuage officieux, comme il s’en forme, dans les tendres moments, aux pieds des déesses.
Le public ravi y fut un moment trompé ; il crut que la religion chrétienne avait produit son fruit littéraire, et que l’homme du christianisme allait faire oublier l’Homère de l’Olympe, mais cette séduction du talent ne fut pas longue ; on reconnut bientôt que l’enfer sans terreur et le paradis sans espérance n’étaient que des parodies sans réalité des enfers et du paradis païens, mille fois moins intéressants que ceux de Virgile et d’Homère, car ils étaient sans foi ; cela ressemblait à tous ces enfers et à tous ces cieux dont les peintres modernes barbouillaient les dômes des églises en imitant ridiculement Michel Ange, et où la perfection des contours ne produisait pas même l’illusion de la réalité. […] Le poëme épique littéraire pouvait peut-être prolonger un moment l’illusion de son existence par quelque chef-d’œuvre de langue, que les hommes, comme les Romains du temps d’Auguste, liraient comme ils lurent Virgile, sans croire à ses miracles, mais en croyant à son génie ; mais, pour cela, il fallait que l’ouvrage fût écrit en vers, et en vers tellement inimitables que la perfection de la forme fît oublier l’imperfection du sujet. […] L’image en prose de Chateaubriand est admirable ; nous regrettons de ne l’avoir pas en ce moment sous les yeux pour la citer. […] « Le ton de la pièce change à partir de ce moment, et le poëte entre dans la sphère qui lui est propre. […] Il respira un moment cette atmosphère amoureuse des terres virginales, il y déposa son génie, et Atala, René, le Génie du Christianisme naquirent.
Il y a quelque chose de risible dans la gravité de cette question, qui revient à la fin de maint chapitre : Et si j’étais mort à ce moment-là ? […] Il y a dans cette lutte, même quand elle se termine par notre succès, de durs moments pour l’amour-propre ; la victoire est toujours partielle et passagère : elle coûte à l’orgueil et ne le satisfait guère. […] Le rêve atteint en un moment, épuise aussitôt la jouissance : il dispose de l’infini, mais il faut qu’il crée incessamment des infinis nouveaux. […] Car, du moment qu’il s’agit du catholicisme et non du déisme, la démonstration baroque devient une association d’idées singulièrement efficace, lorsque du domaine de l’abstraction on passe aux réalités concrètes, lorsque l’on considère l’homme vivant, le Français de 1800. […] Ici encore nulle psychologie ; beaucoup de rhétorique, et a travers tout cela, par moments, une vérité profonde, une mélancolie poignante.
Mon cher Éditeur, Pour compléter vos publications documentaires sur le Symbolisme, vous voulez réimprimer les articles que je fis paraître au moment même des premières controverses. […] Pour le moment, il est permis de constater qu’il n’y a rien en eux de bien spécial à notre génération : ce dédain des sentiments qui constituent le fond de la vie morale, ce névrosiaque besoin de s’isoler du reste des hommes, cette façon d’entendre l’art comme un dilettantisme à la portée exclusive de quelques raffinés, ces affectations de corruption et d’horreur, tout cela est en germe dans les Jeune-France de 1835. […] Par moments, des volontés individuelles se manifestent ; elles s’attirent, s’agglomèrent, se généralisent pour un but qui, atteint ou manqué, les disperse en leurs éléments primitifs. — Tantôt de mythiques phantasmes évoqués, depuis l’antique Démogorgôn jusques à Bélial, depuis les Kabires jusques aux Nigromans, apparaissent fastueusement atournés sur le roc de Caliban ou par la forêt de Titania aux modes mixolydiens des barbitons et des octocordes. […] Je vous attaque en ce moment, Monsieur, sur un point que vous n’êtes pas seul à défendre. […] Tout au contraire, je crois avoir suffisamment prouvé par des extraits que, dans son admirable Traité de poésie, M. de Banville a préconisé toutes les réformes rythmiques que nous avons le courage de réaliser, en ce moment, mes amis et moi.
Il n’a guère que des idées particulières et locales, qu’il exprime pour un moment dans une langue qui change tous les jours. […] Mais, de ce moment, c’est en donner une définition incomplète que de le borner à l’expression de vérités générales dans un langage définitif. […] Or de quel intérêt n’est-il pas de ne se point tromper sur l’esprit de son pays, et, par exemple, pour caresser un de ses défauts passagers, de ne pas risquer de soulever quelque jour contre soi ses qualités qu’on aura un moment surprises ? […] Quelques-unes naissent spontanément et tout exprimées ; c’est la facile conquête de ceux qui sont nés sous une constellation heureuse : mais combien d’autres qui sont le fruit d’une poursuite ingrate ; qu’il faut remanier sans cesse ; qui, après avoir contenté un moment l’écrivain, le dégoûtent ; qui ne paraissent jamais qu’une image imparfaite du vrai, mais non le vrai lui-même ! […] Pourvu qu’on s’entende dans le moment présent et même à demi, n’est-ce pas assez ?
L’homme tout entier, possédé par le moment dans lequel il vit, ne se retourne pas vers le passé, ne regarde pas vers l’avenir, et l’on peut dire sans exagération qu’avant le xvie siècle, ce qui a vécu dans les temps écoulés n’est qu’une faible tradition, et ce qui vivra dans les temps futurs, qu’un mystère. […] et quel sujet peut l’en éloigner pour plus d’un moment, ou ne l’y ramène pas sans cesse ? […] Cette intelligence qui a si peur de servir, qui se défie de la vérité à cause de sa ressemblance avec l’autorité, qui redoute si fort de se laisser surprendre, qui s’estime si au-dessus de son objet, voilà qu’un paradoxe sorti de quelque cerveau grec ou latin, un trait d’esprit, moins encore, un jeu de mots, a l’honneur de la mettre en branle, et de s’en rendre maître pour un moment ! […] Dans le temps même qu’il écrivait son traité De la Sagesse, faisant bâtir une petite maison à Condom, en l’an 1600, il y mit sur la porte : « Je ne sçai. » Entre cette devise et celle de Montaigne, il y a cette différence que Charron semble y avouer qu’il a été par moments incommodé de l’ignorance qui fait les délices de Montaigne. « Que sais-je ? […] A peine est-il sévère pour ceux qui s’égarent ; pour les autres, il les laisse marcher de leur pas, trouvant bon qu’ils prennent quelques plaisirs honnêtes dans ce monde où Dieu les place pour quelques moments, à titre d’hôtes et de passagers.
Nous ne savons même pas distinguer avec une exactitude simplement approchée à quel moment naît une société et à quel moment elle meurt. […] Elles sont donc connues ou peuvent l’être, puisqu’elles se sont déjà réalisées dans une multitude de cas ; par suite, on peut savoir à chaque moment du développement de l’animal, et même aux périodes de crise, en quoi consiste l’état normal. […] En effet, pour que les sentiments collectifs que protège le droit pénal d’un peuple, à un moment déterminé de son histoire, parviennent ainsi à pénétrer dans les consciences qui leur étaient jusqu’alors fermées ou à prendre plus d’empire là où ils n’en avaient pas assez, il faut qu’ils acquièrent une intensité supérieure à celle qu’ils avaient jusqu’alors. […] Cependant, à ce moment, cette violation était un crime, puisque c’était une offense à des sentiments encore très vifs dans la généralité des consciences.
» Voyez enfin la scène du billet par lequel elle se donne à lui, corps et âme, et qui le foudroie de plus belle, qui le fait tomber sous ce pied qui le roule dans la fange et qui l’y maintient jusqu’au moment (car il faut bien que les romans finissent) où une autre femme, la sienne, et son enfant, l’arrachent à cette domination honteuse, si longtemps subie, pour le faire mourir de désespoir ! […] J’ai vu le moment, dans Monsieur de Camors, si bien commencé, où le livre pouvait devenir un chef-d’œuvre, mais ce moment n’a pas duré. J’ai vu le même moment passer pour Les Amours de Philippe. […] C’est le moment dont j’ai parlé et qui fait croire (une minute !)
Il m’est impossible, en ce moment, de faire connaissance avec toutes les personnes qui m’entourent ; je me distingue d’elles cependant, et je vois aussi quelle situation elles occupent par rapport à moi. […] En résumé donc, à côté du corps qui est confiné au moment présent dans le temps et limité à la place qu’il occupe dans l’espace, qui se conduit en automate et réagit mécaniquement aux influences extérieures, nous saisissons quelque chose qui s’étend beaucoup plus loin que le corps dans l’espace et qui dure à travers le temps, quelque chose qui demande ou impose au corps des mouvements non plus automatiques et prévus, mais imprévisibles et libres : cette chose, qui déborde le corps de tous côtés et qui crée des actes en se créant à nouveau elle-même, c’est le « moi », c’est l’« âme », c’est l’esprit — l’esprit étant précisément une force qui peut tirer d’elle-même plus qu’elle ne contient, rendre plus qu’elle ne reçoit, donner plus qu’elle n’a. […] Qu’il me suffise de dire que si l’on considère le mécanisme du mouvement volontaire en particulier, le fonctionnement du système nerveux en général, la vie elle-même enfin dans ce qu’elle a d’essentiel, on arrive à la conclusion que l’artifice constant de la conscience, depuis ses origines les plus humbles dans les formes vivantes les plus élémentaires, est de convertir à ses fins le déterminisme physique ou plutôt de tourner la loi de conservation de l’énergie, en obtenant de la matière une fabrication toujours plus intense d’explosifs toujours mieux utilisables : il suffit alors d’une action extrêmement faible, comme celle d’un doigt qui presse rait sans effort la détente d’un pistolet sans frottement, pour libérer au moment voulu, dans la direction choisie, une somme aussi grande que possible d’énergie accumulée. […] Le même mot articulé, par des personnes différentes, ou par la même personne à des moments différents, dans des phrases différentes, donne des phonogrammes qui ne coïncident pas entre eux : comment le souvenir, relativement invariable et unique, du son du mot serait-il comparable à un phonogramme ? […] En ce moment je cause avec vous, je prononce le mot « causerie ».
Au moment même où l’on applaudit une reprise d’Hernani ou de Ruy Blas au lendemain d’une reprise d’Andromaque, de Zaïre ou de Phèdre, nos jeunes poètes ne songent pas plus à refaire d’autres Ruy Blas ou d’autres Hernani qu’ils ne songent à refaire Zaïre, ou Phèdre, ou Andromaque, en se conformant aux rigoureuses unités de temps et de lieu. […] Plus une conséquence de telle ou telle esthétique est terrible et faite pour effrayer, plus ils sont fiers d’avoir été jusqu’à cette conséquence ; du moment où elle était nécessaire, le principe une fois admis, ils se font gloire de ne pas reculer devant elle ; ils soutiendront, ils estimeront même de bonne foi, que ce qui révolte le plus doit être ce qu’il y a de plus admirable. […] Un moment, ils sont tout près d’être amoureux l’un de l’autre ; mais l’étincelle ne jaillit pas : leur petit roman sentimental se dénoue languissamment comme il avait commencé. […] Ils se disent adieu dans une dernière poignée de mains, tandis que la sœur aînée, après avoir un moment essayé de forcer sa nature en cherchant auprès d’un homme du monde et d’un artiste les bénéfices et les élégances du vice entretenu, se lasse des contraintes qu’il lui faut s’imposer dans une vie sociale plus relevée, revient aux amans de sa classe et retourne avec joie au ruisseau qui, bien décidément, est sa vraie patrie. […] Ce n’est pas le moment d’examiner la grande question philosophique de l’esprit et de la matière ni celle de la liberté et de la responsabilité humaines ; redoutables problèmes qui ne sont pas faits pour être tranchés en quelques lignes.
» Et la chaire se plaint au même moment de la confusion des costumes, présage de la confusion des conditions : « C’est un bien mauvais signe que l’impossibilité, où l’on est maintenant de reconnaître la condition à l’habit97. » Diètes, États et Conciles qui interdisaient aux gens de basse origine l’or et les perles, le velours et la soie, les robes tailladées et le drap de plus d’un demi-florin l’aune, obéissaient donc, en quelque sorte, à l’instinct de conservation de l’inégalité : les privilégiés sentaient que les similitudes extérieures entraînent tôt ou tard les similitudes de traitement. — Ainsi s’explique ce fait que si souvent, dans l’histoire, l’obtention de certains droits est accompagnée de l’obtention d’un insigne, — anneau, collier ou bracelet, — comme la privation de certains autres est accompagnée de l’imposition d’une marque d’infamie, — rouelle jaune ou voile bleu. […] En ce sens la solidarité qui naît de la différence des individus a pour condition une solidarité autre, qui naît précisément de leurs ressemblances « Pour que les unités sociales puissent se différencier, il faut d’abord qu’elles se soient attirées et groupées en vertu des ressemblances qu’elles présentent118. » Ajoutons que pour qu’elles veuillent rester groupées et cherchent un ordre social qui fasse à chacune sa juste part, il faut que certaines ressemblances aient continué de les unir et, comme le Dieu de Descartes recrée à chaque moment le monde, recréent à chaque moment l’association : le départ de ce qui revient à chaque individualité ne peut être effectué que par des individualités qui s’entendent, c’est-à-dire qui ont quelque chose de commun. […] Nous avons déduit alternativement les conséquences de l’homogénéité, puis de l’hétérogénéité ; force nous est de conclure que l’une ou l’autre, prise isolément et poussée à l’extrême, tendrait à ruiner l’égalitarisme, qui semblait pourtant, à un certain moment de cette dialectique, avoir besoin de l’une comme de l’autre. […] Mais au même moment et inversement, sous ces généralités conciliantes qui rassemblent tant de fidèles, mille théories particulières s’élèvent.
« Peut-être vous en dis-je trop dans une lettre, écrit-il à Mori, un de ses confidents ; mais jamais je n’ai été plus humilié de n’être plus un heureux poète qu’en ce moment ; je passe un délicieux carnaval au milieu d’un cercle nombreux de belles et gracieuses femmes. […] C’est ici le moment de juger l’œuvre pendant le repos et le glorieux salaire de l’ouvrier. […] « Tancrède poursuit sa victoire ; et, la menace à la bouche, il la pousse, il la presse ; elle tombe : mais dans le moment un rayon céleste l’éclaire ; la vérité descend dans son cœur, et d’une infidèle en fait une chrétienne. […] Le pape Aldobrandini, qui, sous le nom de Clément VIII, régnait en ce moment à Rome, lui était plus propice que ses prédécesseurs. […] On le rapporta anéanti de faiblesse et d’extase dans sa cellule ; son ami, le cardinal Cinthio, apprenant qu’il touchait aux derniers moments, sollicita de son oncle le pape la bénédiction et l’indulgence plénière qui remet tous les péchés aux mourants par la main du vicaire du Christ.
Pour le moment considérons-le dans les choses d’art. […] Et Gil Blas a un moment de surprise, comme s’il ne connaissait point encore les choses. […] Pour le moment il ne faut pas se dissimuler qu’ils s’en passent. […] Puis, à un moment donné, perdant la tête : « Il faudra donc envoyer chez Mme Dutour. » Quel malheur ! […] Certes, en de pareils moments, les plus voluptueux qui soient ici-bas, le détachement, pour un homme comme lui, est absolu, le renoncement parfait et facile, la personnalité délicieusement oubliée et détruite ; — et ce sont ces moments que Voltaire n’a jamais connus.
Il traversa bien souvent dans sa vie de ces cercles délicieux (« suavissimam gentem », comme il disait) qui se formaient un moment autour de lui, qui se ralliaient à son brillant, dont il était le génie familier et l’âme, et en sortait bientôt par quelque accident a. […] Mais les cercles les plus agréables, cependant, ne suffisaient point à Voltaire et ne pouvaient l’enfermer : il en sortait, à tout moment, je l’ai dit, et par des défauts et par des parties plus sérieuses et louables. […] Il est un moment et un milieu où les talents et les esprits, jusque-là tout jeunes et adolescents, s’achèvent, se font et deviennent adultes : l’Angleterre a été ce lieu pour Voltaire. […] Il avait mieux à faire de sa santé que de forcer son ingénieux et rapide esprit à s’occuper de ces matières, qu’il comprenait assurément au moment ou on les lui expliquait, mais qu’il oubliait aussitôt, et qu’il lui eût fallu rapprendre l’instant d’après.
Lorsqu’on a sous les yeux la magnifique édition in-folio de ce Virgile traduit, qui parut en 1649 entre les deux Frondes, avec figures, tables, remarques et commentaires, le portrait du traducteur en tête de la main de Mellan, on se prend à regretter que tant de dépense ait été en pure perte, et l’on voudrait se persuader que ce travail de Marolles et les autres travaux de lui qui succédèrent n’ont pas été inutiles à leur moment. […] Ce que Marolles traduit en ces termes : Au moment que j’en parle, on voit que sa perruque (la perruque de la rose) Tombe en s’élargissant, qu’elle devient caduque. […] Causant donc un jour avec Marolles et dans son cabinet, il le mit sur son sujet favori, et, lui parlant de sa collection que l’heureux possesseur prétendait aussi complète que possible, il éleva un doute, et, ayant excité l’étonnement du bonhomme, il en vint par degrés à lui conter l’histoire : « Je suis bien sûr, concluait-il, que vous n’avez pas cette estampe des Scieux de long 32. » — « Je suis bien vieux, lui répondit Marolles après un court moment de réflexion, et je ne puis guère bouger de mon fauteuil ; mais soyez assez bon pour monter sur ce petit gradin et pour prendre là-haut sur cette tablette (la première ou la seconde) ce grand in-folio que voilà. » Jean Rou fit ce qu’il lui disait, et Marolles n’eut pas plutôt le volume entre les mains qu’il lui montra, à la troisième ou quatrième ouverture de feuillet, la petite estampe si mystérieuse et si désirée dont lui, le petit-fils de Toutin, avait toujours ouï parler sans la voir· — Si vous concevez chez un homme de quatre-vingts ans une plus vive et plus délicieuse satisfaction que celle que Marolles dut éprouver à ce moment, dites-le-moi.
Mme de Boufflers s’était liée avec Jean-Jacques dès le commencement de son séjour à Montmorency (1759) et en même temps que la maréchale de Luxembourg : il devint aussitôt l’objet de tous leurs égards et de tous leurs soins ; le prince de Conti, à la suggestion de ces dames, alla même faire deux fois visite à Rousseau, et il choisit un moment où M. et Mme de Luxembourg n’étaient pas à Montmorency, afin de bien marquer que ce n’était pas une visite de ricochet et qu’elle était toute à l’intention de l’illustre solitaire. […] Rousseau, à peine arrivé en terre libre, à Yverdun, s’était empressé d’écrire à M. et à Mme de Luxembourg ainsi qu’au prince de Conti, pour les remercier de leurs bontés ; dans ces premiers moments d’inquiétude et de délivrance, ses sentiments obéissant à la pente naturelle n’étaient pas encore aigris par la réflexion, ni son jugement faussé par la méfiance : il faut du temps et du travail pour en venir à sophistiquer et à se dénaturer à soi-même cette première sincérité des impressions involontaires. […] Dans le moment même « où l’on ne se figurait plus Hume et Jean-Jacques que dans les bras l’un de l’autre, que baignés de larmes de joie et de reconnaissance et jouissant d’un bonheur mutuel, ouvrage de leurs vertus, tout à coup on porte à un souper nombreux chez M. […] Je veux néanmoins supposer un moment qu’il en existe ; je veux de plus supposer que M.
Lorsque ma fortune a été un peu arrangée, et que les passions ont commencé à se ralentir chez moi, ce qui est arrivé de bonne heure, n’étant pas né très fort, c’est dans ce temps-là que j’ai cherché dans mon cabinet des ressources contre l’ennui. » A un moment, un peu tard comme Béranger, à trente-huit ans seulement, il trouva sa veine ; il fit sa première comédie, La Vérité dans le vin, la meilleure qu’il ait jamais faite (1747), et il devint le divertisseur en vogue du comte de Clermont, et surtout du duc de Chartres, bientôt duc d’Orléans. […] Dans son pot-pourri d’Ariane et Bacchus, Béranger a dit : « Près de Silène gaillard On voyait paraître Maître Adam, Piron, Panard, Et Collé mon maître, etc. » ; et au même moment, dans cette pièce, Béranger, comme pour justifier son dire, imite la chanson de Collé, La naissance, les voyages et les amours de Bacchus, une des plus ardentes et des plus belles. […] Sachons-le, mais n’y insistons pas ; car ce n’est pas son meilleur moment, et il convient de ne prendre les hommes simplement distingués que dans leur bon moment.
Quand il s’agit de juger la vie, les actions, les écrits d’un homme célèbre, on commence par bien examiner et décrire l’époque qui précéda sa venue, la société qui le reçut dans son sein, le mouvement général imprimé aux esprits ; on reconnaît et l’on dispose, par avance, la grande scène où le personnage doit jouer son rôle ; du moment qu’il intervient, tous les développements de sa force, tous les obstacles, tous les contrecoups sont prévus, expliqués, justifiés ; et de ce spectacle harmonieux il résulte par degrés, dans l’âme du lecteur, une satisfaction pacifique où se repose l’intelligence. […] Disons, à la louange de l’homme bon, dont en ce moment nous jugeons le talent avec une attention sévère, disons qu’il fut sensible à l’amitié plus qu’à toute autre affection. […] Je ne blâme pas ces soins ; bien loin de là, je les honore, et j’en profite ; le moment en était venu sans doute ; mais l’opiniâtreté du labeur, chez ceux qui s’y livrent, remplace trop souvent la vivacité de l’impression littéraire, et tient lieu du goût. […] Rien ne saurait mieux donner idée du degré de défaveur que la réputation de Boileau encourait à un certain moment, que de voir dans l’excellent recueil intitulé l’Esprit des Journaux (mars 1785, page 243) le passage suivant d’un article sur l’Épître en vers, adressé de Montpellier aux rédacteurs du journal ; ce passage, à mon sens, par son incidence même et son hasard tout naturel, exprime mieux l’état de l’opinion courante que ne le ferait un jugement formel : « Boileau, est-il dit, qui vint ensuite (après Regnier), mit dans ce qu’il écrivit en ce genre la raison en vers harmonieux et pleins d’images : c’est du plus célèbre poëte de ce siècle que nous avons emprunté ce jugement sur les Épîtres de Boileau, parce qu’une infinité de personnes dont l’autorité n’est point à mépriser, affectant aujourd’hui d’en juger plus défavorablement, nous avons craint, en nous élevant contre leur opinion, de mettre nos erreurs à la place des leurs. » Que de précautions pour oser louer !
Le cosmopolitisme, qui vous montre l’immensité et la variété du monde, vous en fait sentir, presque dans le même moment, la monotonie et l’inutilité ; la planète paraît moindre à qui la connaît mieux : voyez où l’exotisme, qui est le cosmopolitisme pittoresque, a conduit Pierre Loti. […] Cela prend à certains moments, et en dehors de l’émotion que le drame lui-même peut inspirer, quelque chose de l’intérêt spécial et de la beauté propre d’une leçon d’anatomie. […] Cela tourne, par moments, à l’exercice et au « morceau ». […] Qui n’a connu cette impuissance, soit pour en jouir (car du moins elle nous laisse tranquilles et de sang-froid et elle a des airs de distinction intellectuelle), soit, à certains moments, pour en souffrir, quand on sent le vide de la vie incroyante, détachée et uniquement curieuse, et comme il serait bon d’aimer, et comme on peut faire du mal en n’aimant pas ?
Du moment où il est bien convenu que l’érudition n’a de valeur qu’en vue de ses résultats, on ne peut pousser trop loin la division du travail scientifique. […] Encore moins puis-je pardonner ce coupable morcellement de la vie scientifique qui fait envisager la science comme un moyen pour arriver aux affaires et prélève les moments les plus précieux de la vie du savant. […] Pourquoi consacrer à des travaux sans valeur et destinés à devenir inutiles des moments qu’il pourrait employer si utilement à des recherches définitives ? […] Mais leurs recherches, je le répète, ne sauraient avoir leur but en elles-mêmes ; car elles ne servent pas à rendre l’auteur plus parfait, elles n’ont de valeur que du moment où elles sont introduites dans la grande circulation.
C’est la rage, Monsieur, qui est en ce moment l’objet de vos études ; vous en cherchez l’organisme microscopique, vous le trouverez ; l’humanité vous devra la suppression d’un mal horrible, et aussi d’une triste anomalie, je veux parler de la défiance qui se mêle toujours un peu pour nous aux caresses de l’animal dans lequel la nature nous montre le mieux son sourire bienveillant. […] Un jour qu’on le pressait : « Je ne peux rien accepter, dit-il ; en ce moment, ce sont mes idées qui triomphent. » Sa vie fut longtemps celle d’un artisan modeste. […] J’ai peur qu’on n’en soit trop sûr, et, comme la mystique dont parle Joinville, je voudrais par moments brûler le paradis par amour de Dieu. […] Le moment où il est venu au monde est un âge particulier, comme tous les autres âges, dans l’histoire de notre globe et de l’humanité.
À partir du moment où elle l’aima, et malgré les infidélités dont il ne se faisait pas faute, il paraît bien que Mlle Le Couvreur ne se considéra plus comme libre. […] L’abbé Bouret fut arrêté dans le premier moment, les pastilles analysées. […] Cette mort soudaine réveilla les bruits de poison, quoiqu’il fût certainement peu vraisemblable que les personnes soupçonnées depuis plusieurs mois eussent choisi ce moment pour renouveler leur tentative, en les en supposant capables. […] Tout se réunissait au même moment pour exciter et passionner l’intérêt public autour du cercueil de l’actrice tant aimée.
Alors je compris que, dans nos moments d’émotion et de fièvre, parlant et agissant, nous étions tous laconiques et éloquents, pleins de verve et d’action, vrais poètes enfin lorsque nous n’y songions pas ; et je compris aussi qu’une muse pouvait, à force de travail et de patience, en arriver à être tout cela en y songeant. […] Quelqu’un entre en cet instant : « c’est Annette, sa voisine ; au premier coup d’œil on voit bien que dans le cœur celle-là a des chagrins aussi : un moment après, on devine que le mal dans son cœur glisse et ne prend pas racine ». […] Au même moment le bruit du tambour et des fifres annonce le retour joyeux des garçons, de ceux qui ont de bons numéros. […] Avant la révolution de Février, en avril 1847, dans la pièce intitulée Riche et pauvre, ou les Prophètes menteurs, il montrait la bienfaisance des uns désarmant la colère et l’envie des autres, et faisant mentir les sinistres prédictions ; il montrait aux plus pauvres la charité mieux comprise que jamais, se déployant partout, donnant d’une main et quêtant de l’autre ; et aux riches il disait : « N’oubliez pas un seul moment que des pauvres la grande couvée se réveille toujours avec le rire à la bouche, quand elle s’endort sans avoir faim. » Dans son poème Ville et campagne, composé pour la fête du comice agricole de Villeneuve-sur-Lot (septembre 1849), il montrait les avantages qu’il y a à ne pas déserter son sol natal pour les glorioles et les ambitions des villes ; il faisait porter une santé par le plus sage et le plus vieux, « non à l’esprit nouveau, plein de venin, mais à l’aîné de l’esprit, au bon sens ».
Depuis ce moment, les tomes de cette Histoire monumentale continuèrent de se publier régulièrement et successivement au nombre de trente-six, jusqu’à l’époque de la mort de Buffon (1749-1788). […] Après Daubenton, qui, à un certain moment, se retira, M. […] Ainsi, parlant de la fauvette babillarde, de cet oiseau au caractère craintif et si prompt à s’effrayer, il dira : Mais l’instant du péril passé, tout est oublié, et le moment d’après notre fauvette reprend sa gaieté, ses mouvements et son chant. […] Ici, dans les Époques, il raconte et décrit en sept tableaux les révolutions du globe terrestre, depuis le moment où il le suppose fluide jusqu’à celui où l’homme y apparaît pour régner.
À un moment (en septembre 1551), il joua même un certain rôle, ayant été envoyé par son ambassadeur au concile de Trente pour y porter les lettres de protestation du roi : mais il ne faut pas s’exagérer le rôle d’Amyot, qui ne fut que très secondaire en cette rencontre comme en toutes les occasions politiques auxquelles il se trouva mêlé. […] Ajoutons toutefois, pour aider à l’explication, qu’au xvie siècle le culte de l’Antiquité était tel, qu’il purifiait au premier moment tout ce qui en sortait. […] Ce sont là les mérites de ce traducteur incomparable, venu à un moment décisif et où il pouvait se permettre ce qui, depuis lors, n’eût plus été également accordé. […] par l’aimable saint François de Sales, si on se l’imagine un seul moment jeune, non encore saint, helléniste et amoureux : Et sur le commencement du printemps, que la neige se fondoit, la terre se découvroit et l’herbe dessous poignoit ; les autres pasteurs menèrent leurs bètes aux champs : mais devant tous Daphnis et Chloé, comme ceux qui servoient à un bien plus grand pasteur ; et incontinent s’en coururent droit à la caverne des Nymphes, et de là au pin sous lequel étoit l’image de Pan, et puis dessous le chène où ils s’assirent en regardant paitre leurs troupeaux… puis allèrent chercher des fleurs, pour faire des chapeaux aux images (le bon Amyot, par piété, n’a osé dire : pour faire des couronnes aux dieux), mais elles ne faisoient encore que commencer à poindre par la douceur du petit béat de Zéphyre qui ouvroit la terre, et la chaleur du soleil qui les échauffoit. » Si vous croyez que ce petit béat de Zéphyre soit dans le grec, vous vous trompez fort ; c’est Amyot qui lui prête ainsi de cette gentillesse et de cette grâce d’ange, en revanche sans doute de ce qu’il n’a osé tout à côté appeler Pan et les Nymphes sauvages des dieux.
Mais le moment était peu opportun. […] Le moment pour Raynouard de faire son entrée en littérature n’était pas venu ; il retourna courageusement dans son pays reprendre l’exercice de sa profession d’avocat, et réparer les brèches que cette interruption avait faites à sa petite fortune. […] Il a, trois fois dans sa vie, en trois circonstances mémorables, saisi le moment et l’occasion. […] Mais un moment de réflexion fait apercevoir que, si dans ce cas le nombre des Templiers ajoute à l’idée qu’on peut prendre de leur croyance et de leur foi, puisque sur ce grand nombre pas un seul ne fut infidèle à son Dieu, ce même chiffre diminue beaucoup de l’idée de leur bravoure, puisqu’il ne les a pas empêchés de se rendre.
Richelieu, très lié avec Barbin, intendant de la maison de la reine et homme de bon jugement, qui venait d’être nommé secrétaire d’État, dut agir et influer par lui dès ce moment décisif. […] C’est vers ce moment que Richelieu est appelé au Conseil, où ses amis Barbin et Mangot l’avaient précédé. […] Du fond de sa retraite grondeuse et tournée vers le passé, il ne lui rendra jamais justice ; mais, dans ce premier moment, l’erreur peut-être était permise : le maréchal d’Ancre masquait encore Richelieu. […] Richelieu raconte qu’il était en visite chez un recteur de Sorbonne au moment où on vint lui apprendre la mort du maréchal : il revint au Louvre, après en avoir conféré un moment avec ses collègues : « Continuant mon chemin, dit-il, je rencontrai divers visages qui, m’ayant fait caresses deux heures auparavant, ne me reconnaissaient plus ; plusieurs aussi qui ne me firent point connaître de changer pour le changement de la fortune. » Il fut le seul de ce ministère que Luynes parut ménager d’abord et vouloir excepter de la disgrâce et de la vengeance commune.
Il trouvait que, dans la musique française telle qu’elle était à ce moment, on ne sortait du récitatif ou plain-chant que pour crier au lieu de chanter. […] En qualité de solitaire, nous confesse Rousseau, je suis plus sensible qu’un autre ; si j’ai quelque tort avec un ami qui vive dans le monde, il y songe un moment, et mille distractions le lui font oublier le reste de la journée ; mais rien ne me distrait sur les siens ; privé du sommeil, je m’en occupe durant la nuit entière ; seul à la promenade, je m’en occupe depuis que le soleil se lève jusqu’à ce qu’il se couche : mon cœur n’a pas un instant de relâche, et les duretés d’un ami me donnent dans un seul jour des années de douleurs. […] combien de fois cette crainte a corrompu la douceur des moments passés près de vous ! […] C’est son esprit qui en a dicté les principales parties, et il n’est pas difficile d’y suivre une pensée originale, qui ne ressemble ni à celle de La Harpe, ni à celle de Marmontel ; qui est d’un tout autre ordre, et qui ne craint pas le parallèle, en ses bons moments, avec celle de Voltaire.
Écrivain, il se recommande encore aujourd’hui par de véritables mérites : ses quatre volumes de Souvenirs sont d’une très agréable et instructive lecture ; ses tragédies, pour être appréciées, ont besoin de se revoir en idée et de se replacer à leur moment ; mais ses fables, ses apologues, plaisent et parlent toujours ; un matin, dans un instant d’émotion vraie et sous un rayon rapide, il a trouvé quelques-uns de ces vers légers, immortels, qui se sont mis à voler par le monde comme l’abeille d’Horace et qui ne mourront plus : c’est assez pour que, nous qui aimons à rechercher dans le passé tout ce qui a un cachet distinct et ce qui porte la marque d’une époque, nous revenions un instant sur lui et sur sa mémoire. […] Pour réparer tous ces contretemps, Arnault crut que le plus simple était de s’attacher définitivement à Monsieur et d’acheter près de lui une charge qui, dans le moment, était vacante. […] Bonaparte, qui en avait entendu un soir la lecture avant son départ pour l’Égypte, et qui avait pleuré un moment, dit à l’auteur : Je regrette mes larmes. […] Sa vie littéraire, pour moi, finit à ce moment : non qu’il n’ait encore écrit, causé, raillé, ou même risqué des tragédies et comédies62 ; mais, si l’on excepte ses agréables Souvenirs, il n’a plus rien fait qui accroisse réellement cet héritage de choix, le seul dont la postérité se soucie.
Un roman, pour prendre un cas précis, est une suite de phrases écrites, destinées à représenter un spectacle émouvant : l’émotion qu’on ressent après l’avoir lu et en le lisant, est sa fin ; cette émotion se distingue de celle que produirait le spectacle réel substitué au spectacle représenté du roman, en ce qu’elle est plus faible, comme toute représentation ; en ce qu’elle est inactive, en ce qu’elle ne provoque sur le moment ni des actes, ni des tendances à un acte. […] Nous rechercherons plus tard si ces émotions, inefficaces sur le moment, ne deviennent pas, dans la suite, des motifs de conduite, en d’autres termes, si le genre de lectures ne modifie pas le caractère ; on pourra examiner encore si l’habitude de ces émotions sans aboutissement, quelle qu’en soit la nature, n’entraîne pas certaines conséquences morales. […] Les émotions étant désignées, il conviendrait d’en mesurer l’intensité ; mais c’est là un ordre de recherches qui est inabordable pour le moment et le restera sans doute longtemps. […] Pour le moment, cela est impossible, et le critique est obligé à s’en tenir à d’imparfaits qualificatifs, d’un sens extrêmement variable.
Sa collaboration devient d’autant plus difficile à saisir, qu’elle s’est fondue quelquefois dans des articles écrits avec Pierre Leroux, de telle sorte qu’on sent par moments les idées de l’un, le style de l’autre. […] Paul Foucher, etc. — Au dernier moment, le hasard nous en a pourtant fait retrouver deux de M.
Il y a, dans le moment, des gens qui disent ces choses et qui n’y croient guère : ce sont les ci-devant royalistes. […] Non, cette admirable Assemblée fît bien ; elle fut fidèle à son début, à sa mission, et il y eut un moment en 91 où presque toute la France crut que la Révolution était finie, comme Rabaut-Saint-Etienne lui-même le croyait.
Les passions rehaussent beaucoup plus toutes les valeurs, mais quand ce tarif de modération est fixé, il subsiste pour tous les âges ; chaque moment se suffit à lui-même, une époque n’anticipe point sur l’autre, jamais les orages des passions ne les confondent, ni ne les précipitent. […] Non que dans cette situation, la vie ait encore quelques charmes, mais parce qu’il faut rassembler dans un même moment tous les motifs de sa douleur pour lutter contre l’indivisible pensée de la mort ; parce que le malheur se répand sur l’étendue des jours, tandis que la terreur qu’inspire le suicide, se concentre en entier dans un instant, et que pour se tuer, il faudrait embrasser le tableau de ses infortunes comme le spectacle de sa fin, à l’aide de l’intensité d’un seul sentiment et d’une seule idée.
Si tant de laborieux travailleurs, auxquels la science moderne doit ses progrès, eussent eu l’intelligence philosophique de ce qu’ils faisaient, s’ils eussent vu dans l’érudition autre chose qu’une satisfaction de leur vanité ou de leur curiosité, que de moments précieux ménagés, que d’excursions stériles épargnées, que de vies consacrées à des travaux insignifiants l’eussent été à des recherches plus utiles. […] Comment se mettre soi-même au rebut, accepter un rôle de parade, quand la vie est si courte, quand rien ne peut réparer la perte des moments qu’on n’a point donnés aux délices de l’idéal ?
Qu’importe, en effet, l’exploitation de l’individu par le Génie de l’Espèce ou par le Génie de la Connaissance, si le moi individuel n’est qu’une apparence inconsistante, le point où, à quelque moment de la durée, se fixent, en un équilibre instable, des forces multiples, complexes et insaisissables, qui l’instant d’après, sous une même étiquette, auront formé des combinaisons nouvelles ? […] Au contraire, une confiance joyeuse, une ardeur singulière et un intérêt puissant les stimulent à se persuader qu’à tout moment ils sont maîtres de changer leur destinée en modifiant souverainement la forme de leur âme, en modifiant aussi en quelque mesure la forme du monde.
Je hâte ou je ralentis mes pas, selon la richesse ou la stérilité des sites : toujours conduit par ma rêverie, je n’ai d’autre soin que de prévenir le moment de la lassitude. […] Toutes les opinions sur les âmes des morts, qui me touchent ou qui me flattent, je les embrasse ; et il me semble, dans ce moment, que je vois l’ombre de notre cher La Grange errer autour de votre lampe, tandis que vos nuits se passent soit à compléter ou éclaircir son ouvrage, soit à rapprocher en cent endroits sa traduction du vrai sens de l’original.
À dater de ce moment, la Béatification de Christophe Colomb fut résolue… Pour s’être rencontré avec l’intuition latente au cœur mystique de Pie IX, le comte Roselly de Lorgues fut solennellement désigné pour être, en style de chancellerie romaine, « le postulateur de la cause auprès de la Sacrée Congrégation des Rites ». […] Otez, en effet, par la pensée, la personnalité de Christophe Colomb de la synthèse du monde, que, seule, l’Église embrasse, et que seule elle explique, et il ne sera plus qu’un homme à la mesure de la grandeur humaine ; mais avec l’Église et faisant corps avec elle, il devient immédiatement le grand homme providentiel, le bras charnel et visible de Dieu, prévu dès l’origine du monde par les prophètes des premiers temps… Les raisons de cette situation miraculeuse dans l’économie de la création, irréfragables pour tout chrétien qui ne veut pas tomber dans l’abîme de l’inconséquence, ne peuvent pas, je le sais, être acceptées par les esprits qui chassent en ce moment systématiquement Dieu de partout ; mais l’expression de la vérité, qu’ils prennent pour une erreur, est si grande ici, qu’ils seront tenus de l’admirer.
L’auteur de Werther, s’il a jamais un moment ressemblé à son héros, serait une belle preuve de cet apaisement graduel, dont on pourrait citer d’autres exemples moins contestables. […] Dès les premiers feuilletons du Publiciste, à la date de floréal an X, sous le titre de Pensées détachées, s’en trouvent quelques-unes du cachet le plus net, du tour le mieux creusé, — très-fines à la fois et très-étendues, très-piquantes et très-générales ; par exemple : « Un mot spirituel n’a de mérite pour nous que lorsqu’il nous présente une idée que nous n’avions pas conçue ; et un mot de sensibilité, lorsqu’il nous retrace un sentiment que nous avons éprouvé : c’est la différence d’une nouvelle connaissance à un ancien ami. » Et cette autre : « La gloire est le superflu de l’honneur ; et, comme toute autre espèce de superflu, celui-là s’acquiert souvent aux dépens du nécessaire. — L’honneur est moins sévère que la vertu ; la gloire est plus facile à contenter que l’honneur : c’est que, plus un homme nous éblouit par sa libéralité, moins nous songeons à demander s’il a payé ses dettes. » Elle entre à tout moment dans le vrai par le paradoxal, dans le sensé par le piquant, par la pointe pour ainsi dire ; il y a du Sénèque dans cette première allure de son esprit, du Sénèque avec bien moins d’imagination et de couleur, mais avec bien plus de sûreté au fond et de justesse : une sorte d’humeur y donne l’accent. […] Au mois de mars 1807, sous le coup de nouvelles douleurs domestiques, et dans un grand dérangement de santé, elle se vit forcée d’interrompre un moment son travail ; mais une lettre arrive, qui lui offre des articles qu’on tâchera de rendre dignes d’elle durant tout le temps de l’interruption. […] Mais, du moment qu’on n’est plus, comme Gray, un célibataire mélancolique et sensible, du moment qu’on est père, qu’on est mère surtout, on ne s’en tient pas à ces vagues craintes, à ce quiétisme désolé ; on est à la fois plus intéressé à la vigilance et plus accessible à l’espérance que cela. […] Pour bien juger un tel livre, surtout d’utilité et d’application, il faudrait avoir autorité, expérience, et s’être formé ses propres idées sur le sujet. « Le moment des réformes politiques est celui des plans d’éducation, » a dit une femme spirituelle et généreuse, Mme de Rémusat, qui elle-même a payé sa dette utile avec charme.
Mme de Sévigné seule, dans une lettre célèbre, a éclairé l’ensemble du portrait au plus pathétique moment. […] Elle perd bientôt ses derniers restes d’espoir sur M. de Nemours, qui est tué en duel par M. de Beaufort, et dès ce moment sa colère, sa haine contre lui, tournent en larmes, comme s’il lui était pour la première fois enlevé. […] Le jeune M. de Longueville fut tué, on le sait, un moment après le passage du Rhin, en se jetant, par un coup de valeur imprudente, dans un gros d’ennemis qui fuyaient, et avec lui périrent une foule de gentislhommes. […] N’a-t-il pas eu un seul moment ? […] De ce qu’on cite Mme de Longueville dans des moments de pénitence, et de ce que l’on ne possède guère Mme de La Fayette que dans des écrits littéraires et romanesques, a-t-on le droit de juger de la qualité de leurs esprits par la différence des sujets ?
On est devant elle comme devant le cœur vivant de l’organisme humain ; au moment d’y porter la main, on recule ; on sent vaguement que, si l’on y touchait, peut-être il cesserait de battre. […] À certains moments critiques de l’histoire, des hommes, sortant de leur petite vie étroite et routinière, ont saisi par une vue d’ensemble l’univers infini ; la face auguste de la nature éternelle s’est dévoilée tout d’un coup ; dans leur émotion sublime, il leur a semblé qu’ils apercevaient son principe ; du moins ils en ont aperçu quelques traits. […] L’imagination sympathique était absente ; on ne savait pas sortir de soi-même, se transporter en des points de vue distants, se figurer les états étranges et violents de l’esprit humain, les moments décisifs et féconds pendant lesquels il enfante une créature viable, une religion destinée à l’empire, un État qui doit durer. […] Dès ce moment, le charme est rompu. Les antiques institutions perdent leur prestige divin ; elles ne sont plus que des œuvres humaines, fruits du lieu et du moment, nées d’une convenance et d’une convention.
Deux fois par semaine, le dimanche et le jeudi, « sans préjudice des autres jours, on dîne chez lui à deux heures, selon l’usage, usage significatif qui réserve pour l’entretien et la gaieté toute la force de l’homme et les meilleurs moments du jour. […] À ce moment interviennent les architectes nouveaux, avec leurs raisonnements spécieux et leurs plans tout faits, démontrant que tous les grands édifices publics, religions, morales, sociétés, ne peuvent manquer d’être grossiers et malsains, puisque jusqu’ici ils ont été bâtis de pièces et de morceaux, au fur et à mesure, le plus souvent par des fous et par des barbares, en tout cas par des maçons, et toujours au hasard, à tâtons, sans principes. […] D’autant plus que, jusqu’au dernier moment, la théorie ne descend pas des hauteurs, qu’elle reste confinée dans ses abstractions, qu’elle ressemble à une dissertation académique, qu’il s’agit toujours de l’homme en soi, du contrat social, de la cité imaginaire et parfaite. […] En 1759, d’Argenson, qui s’échauffe, se croit déjà proche du moment final. « Il nous souffle un vent philosophique de gouvernement libre et antimonarchique ; cela passe dans les esprits, et il peut se faire que ce gouvernement soit déjà dans les têtes pour l’exécuter à la première occasion. […] À ce moment, dit un contemporain547, « la pitié la plus active remplissait les âmes ; ce que craignaient le plus les hommes opulents, c’était de passer pour insensibles ».
Myriel, et, convenons-en, il l’a fait avec une généreuse intrépidité dans un moment où la littérature, disons le mot, une littérature médiocre, scolastique, sans feu, sans ailes, sans imagination, se retourne niaisement vers l’athéisme, cette bêtise sans fond, et croit avoir inventé quelque chose en inventant le néant ! […] En ce moment il ressemblait à ce roi du conte oriental, chair par en haut, marbre par en bas. […] « Il y eut un moment de silence. […] Ce qu’il venait de dire l’avait rapproché de celui qui est dans la mort (sans doute Dieu) ; l’instant suprême arrivait. » « L’évêque, ajoute l’écrivain, le comprit ; le moment pressait ; c’était comme prêtre qu’il était venu ; de l’extrême froideur il était passé par degrés à l’émotion extrême, il regarda ces yeux fermés, il prit cette vieille main ridée et glacée, et se pencha vers le moribond. […] Dans ces moments-là, offrant son cœur à l’heure où les fleurs nocturnes offrent leur parfum, allumé comme une lampe au centre de la nuit étoilée, se répandant en extase au milieu du rayonnement universel de la création, il n’eût pu peut-être dire lui-même ce qui se passait dans son esprit ; il sentait quelque chose s’envoler hors de lui et quelque chose descendre en lui.
C’est l’expression unique et exclusive du moment présent. […] Deux choses alors remplissent le moment présent : la foi sans la science de la religion, sans l’intelligence de ses rapports avec la civilisation ; la critique, qui n’a pas d’idées générales, et n’est guère que l’impression vive d’un malaise actuel. […] Corneille, dans ce chef-d’œuvre, n’a rien conçu d’absolu, ni la passion sans quelques remontrances secrètes du devoir, qui la troublent lors même qu’elle est la plus forte, et qui la contraignent à se voiler ; ni le devoir sans que la passion s’insinue jusque dans ses protestations les plus exaltées, et qu’il ne ressemble par moments à la passion elle-même se donnant le change. […] Si elle ne peut enfanter des héros, ces ouvrages de prédilection de Dieu, elle nous attache aux vertus dont l’héroïsme n’est que le suprême degré ; elle remue la nature engourdie ; elle nous rend, du moins pour un moment, plus dignes de nous-mêmes. […] Dans la tragédie de caractère l’action est si forte, l’événement marche d’un pas si rapide, que les personnages ne peuvent s’en arracher un moment, et qu’ils ressemblent à des coureurs emportés vers le but.
Il est déjà très difficile de savoir ce qui convient le mieux à tel peuple donné, à un moment donné. […] Selon les époques, selon les moments, selon les groupes, selon les individus, tel ou tel élément s’affirmera avec plus de force, apparaîtra comme le plus glorieux ; il suscitera de nouveaux sentiments et des idées imprévues. […] Abstraitement appréciée, elle gardera une très haute valeur esthétique, mais pour le moment c’est de morale et non d’esthétique que nous nous occupons. […] Tout d’abord, elle est à peu près forcément en retard sur les besoins du moment. […] Isolés dans notre petit moi, dans noire petit monde, dans un moment infime de la durée, nous restons ignorants et impuissants.
C’était un moment effrayant. […] Peu d’hommes, dans ce moment du siècle, sont capables d’écrire un livre de cet accent et de cette inspiration. […] Et le mérite de l’historien, toujours ordinairement un peu dupe de son histoire, c’est d’avoir résisté à ces charmeurs héroïques qui, un moment, ensorcelèrent la France. […] Mais la foi religieuse, la hiérarchie, l’unité de la société chrétienne, la prépondérance de la Papauté, le principe même du pouvoir sur la terre, toutes ces choses immenses alors et attaquées pour la première fois, que peut être ceci pour un esprit de ce moment du siècle, qui écrit après la Révolution française et qui l’a à son coude toujours ? […] Ils quittèrent la France sous le coup d’une nécessité sanglante dès les premiers moments ; mais, quand ils s’en allèrent en emportant avec eux le drapeau de la monarchie, ils ne s’aperçurent pas qu’ils emportaient, comme une peste, la Révolution dans ses plis.
Essayez, un moment, de vous intéresser à tout ce qui se dit et à tout ce qui se fait, agissez, en imagination, avec ceux qui agissent, sentez avec ceux qui sentent, donnez enfin à votre sympathie son plus large épanouissement : comme sous un coup de baguette magique vous verrez les objets les plus légers prendre du poids, et une coloration sévère passer sur toutes choses. […] Inutile de pousser plus loin cette analyse pour le moment. […] Il a quelque chose d’esthétique cependant puisque le comique naît au moment précis où la société et la personne, délivrés du souci de leur conservation, commencent à se traiter elles-mêmes comme des œuvres d’art. […] Pourquoi rit-on d’un orateur qui éternue au moment le plus pathétique de son discours ? […] À ce moment apparut dans toute sa netteté la suggestion que les deux artistes avaient graduellement enfoncée dans l’imagination des spectateurs : « Nous allons devenir, nous sommes devenus des mannequins de bois massif. » Un obscur instinct peut faire pressentir ici à des esprits incultes quelques-uns des plus subtils résultats de la science psychologique.
À ce moment-là, n’est-ce pas ? […] Ce n’est pas leur faute s’ils se trompent de moment ; mais c’est leur malheur. […] La nécessité, à ce moment, « nécessité l’ingénieuse », lui fournit quelques inventions. […] Les moments sont chers. […] Mais ce moment arrive un peu tard, et ce lien a quelque chose d’un peu fragile, et presque d’artificiel.
L’homme qui à ce moment entre en scène est l’homme du monde, et le talent qui à ce moment devient le plus utile est l’art de bien parler. […] Chaque moment de la nature et chaque moment de l’aperception peut en fournir un. […] À ce moment s’ouvre une nouvelle voie. […] En ce moment encore, si Çakya-Mouni fait son salut, c’est pour nous montrer la voie du salut. […] Nous sommes en ce moment dans une des plus tristes périodes.
Du moment où Colomba entre en scène, toute l’attention porte sur elle et sur elle seule. […] C’est le moment des entreprises à long terme. […] Mais dès ce moment, rivés par le crime, ils subissent le plus effroyable des châtiments. […] M. le garde des sceaux reçoit en ce moment beaucoup de conseils. […] À ce moment, mais à ce moment seul, il est le maître de son public.
Nous croyons notre âme plus délivrée du corps au moment même où elle en est plus captive. […] À ce moment, cet humble fils de bourgeois pourrait dire comme l’empereur Marc-Aurèle : « Ô univers ! […] Il agissait comme il pensait, selon ses doctrines de l’heure présente et ses préoccupations morales du moment. […] Sans doute un miracle avait été nécessaire à un moment donné, et lui, indigne, avait été choisi pour être l’instrument de ce miracle ? […] Il n’avait qu’à paraître, et pour un moment tous les cœurs lui étaient conquis, toutes les coupes lui étaient tendues.
Il suffit de s’apercevoir du moment où elle arrive. […] Qu’est Oronte, à ce moment, pour Alceste ? […] A certains moments, on dirait, en vérité, que l’auteur se moque de M. […] Qui ne devient pas un moment filou soi-même, en s’intéressant pour lui ? […] Elle devient ce qu’elle peut et, à ce moment-ci, Rousseau l’oublie complètement.
Bacon, cependant, a des moments de calme profond. […] Les valeurs qu’il crée dès ce moment ne sont pas définitives ; il le sent et il le dit. […] En ce moment, je ne le considère point non plus comme bon. […] C’est un phare à éclipses : nous appelons les moments de lumière des phénomènes. […] Il est vrai qu’à ce moment l’image du d latin est intervenue et s’est imposée.
Ni à ce moment ni jamais l’amour, en particulier, ne joua le moindre rôle dans sa vie. […] Dans ses bons moments il rappelle Lamb, mais en général c’est un farceur de collège. […] Mais pas un moment Walt Whitman ne s’est aperçu de l’affreux état de ce qui l’entourait. […] Depuis le moment où il a paru, journaux et revues n’ont cessé de s’en occuper ; déjà M. […] C’est ce que l’on se demande, en ce moment, un peu à tous les coins de l’Europe.
A ce moment, c’est une probabilité scientifique. […] Quel moment dans l’histoire ! […] Mais, variable historiquement, il est assez solide à un moment donné. […] Il y a eu des moments dans la civilisation où des hommes savaient tout ; ce n’était pas beaucoup. […] On ne veut pas dire quel moment de passion et de folie luxurieuse fut le grand siècle.
L’étude des belles lettres, qui l’occupait d’abord et où il excellait, se subordonna d’elle-même dans sa pensée dès qu’il eut jeté les yeux sur la Bible, ce qui lui arriva dans son année de seconde ou de rhétorique : ce moment où il rencontra et lut pour la première fois une Bible latine, et l’impression de joie et de lumière qu’il en ressentit, lui restèrent toujours présents, et il en parlait encore dans ses derniers jours ; il en fut comme révélé à lui-même ; il devint l’enfant et bientôt l’homme de l’Écriture et de la parole sainte. […] Nous ne parlons en ce moment que de l’orateur. […] Ainsi Bossuet, quand il était obligé d’écrire à l’avance se réservait du moins la chance d’une expression double ; il gardait toujours une ou deux voiles libres, ouvertes, pour le vent soudain du moment.
Il savait encore, et mieux que personne, m’a-t-on dit, le moment opportun où, dans les grandes mêlées polémiques engagées alors entre les principaux journaux, l’adversaire s’étant trop avancé et venant à prêter flanc, il était à propos d’entrer dans l’action et de donner ; il avait du tacticien. […] Il ne s’agit que de prendre les gens à leur heure et à leur moment, dans ce qu’ils aiment à la folie. […] J’avoue que j’étais de ceux-là ; à un moment j’avais crié.
Il se produisit, à ce moment, un phénomène assez singulier : sur la fin et comme à l’arrière-saison d’un siècle si riche par l’ensemble et la réunion des plus belles facultés de l’esprit et de l’imagination, on vit paraître plusieurs hommes distingués, et quelques-uns même éminents par certaines parties de l’intelligence, mais notablement privés et dénués d’autres facultés qui se groupent d’ordinaire pour composer le faisceau de l’âme humaine : — Fontenelle en tête, le premier de tous, une intelligence du premier ordre, mais absolument dénué de sensibilité ; La Motte, l’abbé Terrasson, qui l’un et l’autre, avec l’esprit très perspicace sur bien des points, raisonnaient tout à côté comme s’ils étaient privés de la vue ou du goût, de l’un des sens qui avertissent. […] Quant à son engagement ecclésiastique pur et simple, il ne paraît point s’en être préoccupé à aucun moment comme d’un obstacle, et il sut en effet interpréter sa profession de telle sorte qu’elle ne le gêna en rien. […] La curiosité lui vint, vers ce même temps, d’aller chez La Bruyère, dont Les Caractères avaient paru depuis peu et étaient le grand succès du moment ; mais là il lui arriva malheur.
Tout cela se traitait comme un pur badinage et sans colère, mais notre homme s’en ressentit assez pour s’en ressouvenir et ne s’y exposa plus. » Cependant les choses sérieuses avaient leur tour ou plutôt ne cessaient de se poursuivre sous le couvert de ces jeux, et les grands desseins que la mort de l’Impératrice pouvait, d’un moment à l’autre, amener au jour et faire éclore, couvaient et mûrissaient en silence. […] La disgrâce de Bestoucheff, avec qui elle se trouvait, à quelque degré en liaison et en intelligence, fit redoubler autour d’elle les précautions, les entraves, et la porta un moment à un parti qui semblait désespéré : c’était de demander tout net à l’Impératrice son renvoi de Russie et de mettre en quelque sorte le marché à la main à ceux qui la persécutaient. […] Tout ce qu’on vous dira à la place de ceci ne sera que des propos de pruderie non calqués sur le cœur humain, et personne ne tient son cœur dans sa main, et ne le resserre ou le relâche à poing fermé ou ouvert à volonté. » On ne peut mieux indiquer, par cette digression même presque involontaire et où la femme revient et se trahit, que, tout en cédant volontiers de son côté à la tentation et à l’attrait, elle se prévalait aussi à son tour de cet attrait et de cet ascendant aimable, de sa séduction irrésistible et de sa certitude de plaire, pour se faire, à la Cour et dans tous les rangs, nombre d’amis dévoués, inféodés, résolue à tout pour la servir, et qui, le jour et le moment venus, la firent ce que de tout temps elle avait rêvé d’être, afin de pouvoir ensuite donner sa mesure au monde et marquer son rang dans l’histoire.
La correspondance de Voltaire nous montre en effet que Prevost, dans un de ces moments de gêne auxquels il était si sujet (juin 1740), prit sur lui de recourir à l’opulent poète, non sans lui faire, comme critique, des offres de service en retour. […] C’était le moment où s’imprimait Manon Lescaut. […] On y voit qu’il fut un moment arrêté à cause d’une mauvaise affaire qui lui arriva étant en Angleterre.
Du moment que Dieu n’est plus conçu comme un être à part et hors du monde, du moment qu’il est inséparable de la nature et de l’humanité, et qu’il se manifeste uniquement en elles et par elles, du moment enfin que le mal cesse d’être un principe positif ennemi du bien, dès lors l’homme n’a plus peur de Satan, de même qu’il n’a plus besoin de médiateur pour entrer en rapport avec Dieu ; la communication est directe, immédiate ; il sent l’influence divine dans chacune de ses relations avec les hommes et avec les choses ; il ne s’imagine aucunement devoir recourir à des envoyés mystérieux, à des anges ; et les anges, les envoyés mystérieux, les démons ne lui viennent pas.
Sur toute question historique, sociale, morale ou littéraire, il sait tout ce qu’un « honnête homme » peut savoir au moment précis où il écrit. […] Un amour de femme est au fond de presque toutes les vies humaines : à certains moments le conquérant même ou le grand poète donnerait tout son génie pour l’amour d’une femme. A ces moments-là celui qui les a toutes ferait envie même à Molière, même à César.