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1438. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 48, des estampes et des poëmes en prose » pp. 484-485

Elles mettent à portée d’en joüir, ceux que la distance des lieux condamnoit à ne les voir jamais. […] Un particulier peut même mettre dans son cabinet, tout l’esprit et toute la poësie qui sont dans des chef-d’oeuvres, dont les beautez sembloient reservées pour les cabinets des princes, ou de ceux qui se sont rendus aussi riches qu’eux en maniant leurs finances.

1439. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

On a trompé le citoyen Cantwell, et le sequestre n’a point été mis sur mes biens. […] Nous conviendrons maintenant de l’habileté avec laquelle plusieurs d’entre eux se mettent à l’abri de ces inconvénients. […] Il vous a écrit à Aix ; j’ai mis un petit mot dans cette lettre-là. […] et que ce sera un beau tableau, quand vous y aurez mis vos idées ! […] Ce personnage excellent avait été mis en relation avec Fauriel par M.

1440. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Démiourge ouvre les yeux et se met sur son séant. […] Malbardé, mettez-vous à l’aise. […] Monsieur, vous me mettez du baume dans le cœur. […] Nous allons le mettre sur un sujet où il divague extraordinairement. […] Meurtris-toi, déchire-toi, mets-toi en morceaux.

1441. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XI » pp. 39-46

La pièce lue soutient son mérite ; ç'a été une preuve de goût de n’y pas mettre une seule ligne de Préface. […] Une forêt vierge inextricable où l’on aurait mis le feu et d’où sortiraient toutes sortes de bêtes et de tourbillons donne assez l’idée de cette lecture à cauchemar. […] Et puis, chez d’honnêtes gens, le sentiment de leur dignité blessée et de leurs intentions calomniées les a mis en avant.

1442. (1874) Premiers lundis. Tome I « Hoffmann : Contes nocturnes »

Il semble avoir découvert dans l’art quelque chose d’analogue à ce que Mesmer a trouvé en médecine ; il a, sinon le premier, du moins avec plus d’évidence qu’aucun autre, dégagé et mis à nu le magnétisme en poésie. […] Le bon Eugène, étudiant en botanique, est un de ces êtres innocents et simples que Dieu ne met au monde que pour une chose, et qu’il marque d’une bosse au front ; hors de la serre de son professeur Ignace Helms, il ne voit ni ne soupçonne rien. Mais le brave professeur vient de mourir, laissant une respectable veuve de soixante-quatre ans, et une petite nièce de quatorze, et lorsque Eugène se met, dès le matin qui suit l’enterrement, à contempler comme à l’ordinaire le galanthus nivalis et l’amaryllis reginæ, il est interrompu par la bonne veuve, qui l’avertit en rougissant qu’il faudra bien, pour éviter les malins caquets, ne plus continuer de loger ensemble sous le même toit.

1443. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Le Comte Walewski. L’École du Monde »

Une autre chose l’aurait pu frapper aussi, ce me semble, c’est le danger d’illusion et le travers auquel se trouve exposé un galant homme qui, jeté, jeune et riche, au milieu de l’éclat et des politesses du monde, et s’avisant un beau jour de s’y vouloir faire une réputation d’auteur, se met à croire à tous les compliments qui lui arrivent, et aux cartes de visites sur lesquelles on lui crayonne des bravos. […] S’il a mis le doigt au milieu sur une idée juste et jaillissante, cela lui suffit. […] Il en a été choqué alors, malgré toutes les politesses que j’y ai mises, jusqu’à ne pas vouloir de mon nom dans une Commission de Propriété littéraire qui se formait à son ministère.

1444. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Et Lamartine ? »

Que ceux qu’il fascine particulièrement le mettent au-dessus des autres, voilà qui va bien. […] Doucement élevé, en pleine campagne, par des femmes et par un prêtre romanesque, n’ayant pour livres que la Bible, Bernardin de Saint-Pierre et Chateaubriand, il s’en va rêver en Italie et se met à chanter. […] C’est dans sa vie même qu’il voulait mettre toute poésie et toute grandeur.

1445. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Choses d’autrefois »

» Et elles s’échappent en espiègleries énormes, comme de mettre de l’encre dans le bénitier, en sorte que les religieuses s’en barbouillent en venant chanter l’office de nuit. […] Les petites pensionnaires se racontent à l’oreille, avec terreur, et peut-être avec une secrète admiration scandalisée, que Madame d’Orléans faisait fouetter les sœurs jusqu’au sang, que parfois elle se mettait toute nue et faisait venir des religieuses pour l’admirer, « car elle était la plus belle personne de son temps », et qu’enfin elle prenait des bains de lait, qu’elle distribuait le lendemain à ses béguines, au réfectoire. […] Quand l’archevêque de Paris fait mettre les scellés sur leur bibliothèque (parce qu’elle contient des livres jansénistes), elles les font lever par deux « visiteurs » de leur ordre, et l’archevêque finit par leur faire des excuses.

1446. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Heredia, José Maria de (1842-1905) »

Lamartine disait qu’il mettait des lunettes bleues pour lire la prose de Saint-Victor. Qu’eût-il mis pour lire les vers de M. de Heredia ? […] Lorsqu’on a pénétré leur ordonnance intime, ils vous mettent dans l’état d’harmonie où l’on aime les morts mêlés aux vivants.

1447. (1863) Molière et la comédie italienne « Préface » pp. -

  La littérature italienne n’est pas sans doute la seule littérature moderne que Molière ait mise à contribution. […] Désireux de donner tous les renseignements utiles, de mettre dans tout leur jour les monuments immortels que je reproduisais, je ne pouvais pourtant dépasser le but ; il ne m’était pas permis de les perdre de vue, de m’éloigner trop ; je devais me borner à en explorer, pour ainsi dire, attentivement les alentours. […] Les comédiens se mirent à le plaisanter tout particulièrement, et lui, il redoublait de lardons et de gausseries.

1448. (1887) Discours et conférences « Discours à l’Association des étudiants »

Ne mettez pas de bornes à votre curiosité ; aspirez à tout savoir ; les limites viendront d’elles-mêmes. […] Et, de fait, c’est au bout de ce temps que les gouvernements peuvent se mettre à essayer quelque chose de bon. […] Mettez-vous toujours en règle avec la patrie.

1449. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XII » pp. 100-108

Des femmes de la cour se mirent de la partie. […] La cour, de son côté, mit sous les armes les femmes dont elle disposait. […] Durant la guerre de la Fronde, Mazarin mit en jeu la séduction de celles de ses nièces qui étaient en âge de fixer les regards.

1450. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIX » pp. 207-214

Enfin, c’est se laisser aller à l’imagination, faculté dominante des poètes, qui n’accorde pas toujours à la réflexion la liberté de se mettre sur ses gardes. […] C’était encore un courtisan quand il mettait dans la bouche du comte de Fiesque, parlant au roi, ce vers d’adulation inouïe : Jupiter prend de vous des leçons de grandeur. […] La Fontaine était un citoyen quand, après les ravages du Palatinat, il mettait dans la bouche du paysan du Danube ces vers énergiques : Craignez, Romains, craignez que le ciel quelque jour.

1451. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 18, qu’il faut attribuer la difference qui est entre l’air de differens païs, à la nature des émanations de la terre qui sont differentes en diverses regions » pp. 295-304

Dès que la terre est un mixte composé de solides et de liquides de divers genres et de differentes especes, il faut qu’ils agissent sans cesse l’un et l’autre, et qu’il s’y fasse ainsi des fermentations continuelles, d’autant plus que l’air et le feu central mettent encore les matieres en mouvement. […] S’il y a quelque difference dans son élevation, elle n’est sensible qu’aux astronomes modernes, et elle ne pourroit mettre d’autre difference entre l’été de deux années que celle qui se trouve entre un été de Senlis et un été de Paris. […] Or quand on fait de grands remuemens de terre, on met à découvert plusieurs endroits de cette seconde enveloppe, et l’on les expose à l’action immediate de l’air et du soleil, laquelle ne trouvant plus rien d’interposé, en détache des molecules en trop grande quantité.

1452. (1860) Ceci n’est pas un livre « Les arrière-petits-fils. Sotie parisienne — Deuxième tableau » pp. 196-209

Vous devenez exigeant sur la mise des auteurs. […] Je comprends, monsieur, que j’ai besoin de me mettre en règle. — Je m’y mettrai.

1453. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Léon Feugère ; Ambroise-Firmin Didot »

Derrière cet Henri Estienne, qu’il suit pas à pas dans ses voyages et dans ses travaux, il n’a pas mis la société du xvie  siècle pour la peindre ou pour la juger. Là où il fallait plonger la main dans les entrailles d’une époque qui se convulsait sous l’influence de doctrines nouvelles et puissantes, il n’a su mettre qu’un doigt curieux entre les pages de ces livres que l’on commençait d’éditer alors, on dirait presque avec fureur. […] Quand un écrivain comme Ambroise-Firmin Didot, qui pouvait mettre dans un écrit la plénitude et l’agrément sans lesquels toute l’érudition de la terre ne vaut pas une pincée de cendres de papyrus, ne produit, en réalité, qu’une œuvre d’érudition, maniable seulement aux savants et aux esprits spéciaux, tant elle est hérissée de citations et de textes, il court grand risque d’être traité, malgré le mérite de ses renseignements, comme le porc-épic de sa propre science… On n’y touchera pas !

1454. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Jean-Jacques Rousseau »

Dans ce monde chrétien qui l’avait dompté, une possession d’État avait été, bien avant Rousseau, octroyée à l’individualisme ; et c’est un autre homme que Rousseau, c’était Descartes, qui avait fait le coup, lorsqu’il avait mis dans sa philosophie le Cogito, ergo sum : « Je pense, donc je suis », dont il répondra devant Dieu ! […] Ces dix mille Adams se donnèrent, spontanément, bien entendu, un rendez-vous commun, on ne sait quand (la date est restée supra-historique et métaphysique, comme il convient à une bonne philosophie de l’histoire), on ne sait comment (car alors il n’y avait ni courriers ni télégraphie : on a mis quatre mille ans, dit Jean-Jeannot Fourier, l’aîné des fils de Jean-Jacques, pour inventer l’étrier), on ne sait où (le point est resté vague sur la mappe monde, et si ce fut partout, ce fut difficile à trouver), et enfin pourquoi ? […] Et si sublime qu’il soit, ce génie, les mœurs ne manquent jamais de lui passer au cou ce collier de cuivre que Walter Scott met au cou de Gurth, le gardeur de pourceaux.

1455. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « Introduction »

La corruption s’y est mise. […] En même temps il a pris conscience de son énergie et librement il s’est mis à vivre. « Au seizième siècle, c’était la terre qui retrouvait sa vraie place dans le ciel ; aujourd’hui c’est l’homme3… ». […] A défaut de génie, la franchise est un moyen de parvenir à la mise en valeur du vrai.

1456. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 428-429

Le seul nom de Cléopatre, de Cassandre, de Pharamond, suffisent aujourd’hui pour faire peur à nos Lecteurs delicats, & pour mettre en jeu les plaisanteries des petits Auteurs. […] On pourroit ajouter encore, que nos Romanciers, en les décriant, les ont souvent mis à contribution.

1457. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 384-385

Ce Poëte agreable, qui fit de la Poésie son amusement plutôt que son occupation, attachoit si peu de prix à ses Ouvrages, qu’il dédaigna de les mettre en ordre : on les eût même brûlés, si l’on eût exécuté ses dernieres intentions. […] Desmahis, à laquelle il nous paroît avoir encore ajouté, par l’Eloge historique qu’il a mis à la tête de la Collection des Œuvres de ce Poëte, trop tôt enlevé aux Gens de goût & de bonne Compagnie.

1458. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Sculpture, Vassié, Pajou, Mignot » p. 104

  Je me suis trompé ; mettez à la place de l’Annonciation de Restout, l’Assomption de La Grenée. N’oubliez pas cette note ; et gardez-vous bien de mettre mon nom à ce papier.

1459. (1898) La cité antique

Les rites de la sépulture montrent clairement que lorsqu’on mettait un corps au sépulcre, on croyait en même temps y mettre quelque chose de vivant. […] Une fois mis au tombeau, il n’avait à attendre ni récompenses ni supplices. […] La mort fut le premier mystère ; elle mit l’homme sur la voie des autres mystères. […] Dès qu’on sut écrire, on les mit en écrit. […] L’exil mettait donc un homme hors de la religion.

1460. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Note »

« Ordinairement la littérature et le théâtre s’emparaient des grands événements historiques pour les célébrer, pour les exprimer ; ici c’est l’histoire qui s’est mise à imiter la littérature.  […] Arthur de La Bourdonnaye. — Il fit peu après sa brochure de la Politique rationnelledédiée à Cazalès, très-raisonnable et noble manifeste. — Puis il alla en Orient mettre une page blanche entre son passé et son avenir. — Il entra à la Chambre, et fut d’abord à peu près seul du parti social, s’exerçant à manier la parole. — Il devint conservateur en défendant le ministère Molé contre la coalition. — Peu après il eut l’idée un peu brusque d’être président de la Chambre, et, n’y ayant pas réussi, il reprit son vol et passa à gauche, et par delà la gauche. […] … » et sans attendre ma réponse : « Avez-vous jamais mis le nez dans ce grimoire ? […] Bref je renonçai, et je me mis en devoir de tourner l’Hôtel de Ville par les petites rues de derrière, afin de rentrer chez moi par ce circuit.

1461. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre IV »

L’autre, qui suggère et dirige, enveloppe le tout dans les Droits de l’Homme et dans la circulaire de Siéyès. « Depuis deux mois, écrit un commandant du Midi797, les juges inférieurs, les avocats dont toutes les villes et campagnes fourmillent, en vue de se faire élire aux États Généraux, se sont mis après les gens du Tiers-état, sous prétexte de les soutenir et d’éclairer leur ignorance… Ils se sont efforcés de leur persuader qu’aux États Généraux ils seraient les maîtres à eux seuls de régler toutes les affaires du royaume, que le Tiers, en choisissant ses députés parmi les gens de robe, aurait le droit et la force de primer, d’abolir la noblesse, de détruire tous ses droits et privilèges, qu’elle ne serait plus héréditaire, que tous les citoyens, en la méritant, auraient le droit d’y prétendre ; que, si le peuple les députait, ils feraient accorder au Tiers-état tout ce qu’il voudrait, parce que les curés, gens du Tiers, étant convenus de se détacher du haut clergé et de s’unir à eux, la noblesse et le clergé, unis ensemble, ne feraient qu’une voix contre deux du Tiers… Si le Tiers avait choisi de sages bourgeois ou négociants, ils se seraient unis sans difficulté aux deux autres ordres. […] Les affidés mettaient, au moment du scrutin, des billets tout écrits dans la main des votants, et leur avaient fait trouver, à leur arrivée aux auberges, tous les écrits et avis propres à exalter leurs têtes et à déterminer leur choix pour des gens du palais. » — « Dans la sénéchaussée de Lectoure, une quantité de paroisses et de communautés n’ont point été assignées ni averties pour envoyer leurs cahiers et leurs députés à l’assemblée de la sénéchaussée. […] D’une part la force brutale se met au service du dogme radical. D’autre part le dogme radical se met au service de la force brutale.

1462. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre IV. La langue française au xviie  »

De là vint qu’on ne regarda point à mettre nombre de mots en réforme ; et le développement de l’énergie expressive des signes ne fit que compenser la notable réduction du matériel de la langue. […] Elles ne mettent en jeu que l’esprit : ce sont, à vrai dire, non des visions, mais des rébus. […] Il en dressa le plan, et l’on se mit au travail. […] Il avait si bien mis en train le Dictionnaire, que sa mort ne perdit pas l’entreprise.

1463. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIII » pp. 109-125

C’est en parlant des satires de Boileau contre eux, que Montausier mécontent avait prononcé ce jugement mis en vers par Boileau lui-même :                          Tout n’en irait que mieux, Quand de ces médisants l’engeance tout entière Irait, la tête en bas, rimer dans la rivière. […] « Il les publie, dît-il dans sa préface, pour faire valoir l’esprit de ses illustres amies, et pour ne rien ôter à si reconnaissance et à leur gloire. » Il ajoute : « Je leur dois rendre le témoignage que leurs innocentes faveurs ont adouci tout le chagrin de ma vie et m’ont mis en état de me passer plus aisément de ce qu’on appelle fortune… Les femmes de qualité ont poli mes mœurs et cultivé mon esprit ; et comme je ne leur ai jamais eu d’obligation pour ma fortune, je n’ai jamais souffert auprès d’elles de servitude ni de contrainte. » Ces paroles ne sont pas d’un homme méprisable. […] Je connais des princes du sang38, des princes étrangers39, de grands seigneurs façon de prince, de grands capitaines40, des gentilshommes, des ministres d’état41, des magistrats et des philosophes qui fileraient pour vous, si vous les laissiez faire. » Quelles devaient être les lettres de madame de Sévigné au surintendant Fouquet, lorsqu’en 1654, il se mit en tête de la séduire ! […] Je remarque ces circonstances pour que le lecteur ait une idée juste de l’état de la maison de Rambouillet depuis plusieurs années, Lorsque Molière mit ses Précieuses au théâtre de la capitale.

1464. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau, et Joseph Saurin. » pp. 28-46

On mit en vers toutes sortes d’atrocités & d’abominations. […] Les tribunaux se mirent en devoir de sévir, & recherchèrent l’auteur des Couplets. […] Touché, à ce qu’il disoit, de la grace, & voulant rentrer dans le sein de la vraie église, il revint dans sa patrie & se mit entre les mains de l’illustre Bossuet. […] Cela donna lieu à cette fameuse chanson, dans le goût de celles du pont-neuf dont le sujet fut mis en estampe, & laquelle fit tant de peine à Rousseau : Or, écoutez, petits & grands, L’histoire d’un ingrat enfant, Fils d’un cordonnier, honnête homme, Et vous allez entendre comme Le diable, pour punition, Le prit en sa possession.

1465. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les traductions. » pp. 125-144

Celles d’Amiot ont été longtemps recherchées pour leur stile naïf & charmant : on met encore au rang des bonnes celles des lettres de Pline, par l’avocat Sacy, de l’académie Françoise ; des lettres de Cicéron à Atticus, par l’abbé Mongaut ; celles de Virgile, par l’abbé Desfontaines ; de l’Anti-Lucrèce, par M. de Bougainville ; de la vie d’Agricola & des mœurs des Germains, par M. l’abbé de la Bletterie. […] Le critique accompagne néanmoins ses observations de ménagement & de beaucoup de politesses ; mais il mit, dans la suite, plus de chaleur & de méthode dans un discours, sur la traduction des poëtes, placé à la tête de celle de Virgile. […] En effet, que Racine ou Despréaux & le plus excellent prosateur du siècle passé eussent entrepris, à l’envi l’un de l’autre, de mettre en notre langue Virgile ou Horace, est-il douteux que les deux traductions ne se fussent balancées, & n’eussent un égal dégré de mérite, chacune dans son genre ? […] En Italie, en Angleterre, les peintres & les gens de lettres, excellens copistes, sont mis à côté des originaux : mais, en France, un copiste en peinture, comme en toute autre chose, seroit réputé n’avoir aucun talent.

1466. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIV. L’auteur de Robert Emmet »

Vanité d’auteur qui se met coquettement, pour être mieux remarquée, derrière un livre qu’elle croit sa gloire, et qui n’est qu’une obscurité par-dessus une autre obscurité, — ce qui fait deux ! […] Qu’il suffise aujourd’hui de savoir que c’est une femme, une chausse bleue comme Mme de Blocqueville, dont je vais parler après elle, et qui, elle, s’est nommée à son premier livre, car les femmes ont mis la hardiesse, à la place de la pudeur, dans leur envahissement de la littérature. […] Lord Byron, à lui seul, l’emporte, en intérêt littéraire et surtout en intérêt de nature humaine, sur tous ces Allemands sans passion ardente et profonde et qui n’ont de nature humaine que dans le cerveau… La vie de ce grand poëte, qui s’est élevé jusqu’au grand homme, est autre chose que celle de ces travailleurs en rêveries dont l’existence ressemble à une table des matières de leurs œuvres, dans laquelle elle tient… Pour tout homme, pour tout être si heureusement et si puissamment organisé qu’il soit, la vie de Byron est un sujet de critique et de biographie de la plus redoutable magnificence ; car Byron fut comme le plexus solaire du xixe  siècle, et tous les nerfs de la société moderne, cette terrible nerveuse, aboutissent à lui… Toucher à cet homme central, magnétique et vibrant, qui mit en vibration son époque, c’est toucher à l’époque entière… Jusqu’ici, ceux qui y ont touché s’y sont morfondus. […] Avec un sans-façon charmant et une admiration presque impertinente de familiarité, l’auteur de Robert Emmet met sa petite main blanche sur cet effrayant sujet de lord Byron que lui a laissé sa grand’mère, mais sans le lui léguer. « J’ai toujours eu un faible pour lord Byron », dit-elle dans son livre.

1467. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Chamfort »

Dieu lui avait départi les plus beaux de ses dons : la force, la beauté, un esprit qui pouvait monter jusqu’au génie sans la fange qu’il se mit lui-même sur les ailes. […] Les hommes qui ne voient jamais le xviiie  siècle qu’à travers un microscope peuvent trouver que Chamfort n’est pas par trop nain entre La Rochefoucauld et La Bruyère, et lui mettre son temps sous les pieds pour le hausser jusqu’à eux, en l’appelant le moraliste du xviiie  siècle. […] Nous sortons tous d’un passé qui parfume ou souille à jamais la coupe du sang de notre vie, si nous ne mettons pas notre vertu à l’épurer. […] Si Chamfort n’était qu’un homme d’esprit, les dilettanti qui le publient ne se mettraient probablement pas en frais d’une édition nouvelle ; mais il fut contre la société, dans l’ordre de la plume, un précurseur de Robespierre ; et voilà l’intérêt pour eux !

1468. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Louis XIV. Quinze ans de règne »

Ainsi, ne l’oublions pas et mettons-la au premier rang, l’histoire de la Régence, par Lémontey, cet esprit profond dans la finesse comme il y a des esprits fins dans la profondeur. […] Nous nous imaginons plutôt que, moins inspirée, moins violente, moins involontaire, cette vocation s’est révélée à lui paisiblement entre deux cartons, pendant qu’il remuait des textes et mettait la main sur des documents dans son cabinet de travail. Nous croyons que la Curiosité, cette mère de la Science, et la piété de l’Exactitude, qui en est la sœur, ont mis l’auteur des Quinze années du règne de Louis XIV dans la voie qui lui convenait le mieux, et nous ajouterons qu’elles peuvent y mener loin un esprit clair, laborieux et distingué comme le sien. […] Confusion et déplacement funestes, qui doivent troubler la limpidité du courant historique pour des siècles, car, si les hommes se trompent sur la nature des fautes qui ont produit les abaissements ou les calamités d’une époque, ils ne se trompent pas dans cet instinct qu’ils ont gardé depuis la Chute et qui leur fait mettre toujours des fautes partout où il y a du malheur !

1469. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

Le clergé n’est donc pas seul l’Église, comme l’entend l’ignorante philosophie qui a mis en poudre le diamant de la notion catéchistique, et comme l’entend Ernest Semichon, qui vaut mieux qu’elle, mais qui a été élevé par la philosophie, et dont le livre, fécond en confusions inouïes, porte au front cette confusion mère. […] Grandement compris, excusé en ce qu’il a de vrai, saisi sur le vif de la nature humaine elle-même, le point d’honneur, cette opinion plus forte que les institutions au Moyen Âge, aurait mis sa lumière au sein des faits incohérents. […] Le grand homme qui avait régné si longtemps, élevé de si grandes choses, mis en avant de tout l’Église, incrusté l’ordre à une si énorme profondeur dans le sol de sa société, avait armé ses successeurs de son influence, et, grâce à eux, il échauffa encore le monde comme l’échauffe le soleil après qu’il en est disparu. […] dressa la chevalerie à la guerre chrétienne, acheva par les cathédrales le mouvement commencé par les châteaux forts, et enfin mit ses cent bras de Briarée partout, jusque dans les décisions de l’Église, qui établirent la Trêve de Dieu, mais qui l’établirent… avec des lances !

1470. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Th. Carlyle » pp. 243-258

Augustin Thierry, le saule pleureur de la tombe de tous les vaincus, versait des pleurs systématiques sur les Saxons, si méchamment mis à mort par les fiers Normands. […] Effet de surprise, puissant et étrange, qui se renouvelle toujours sans s’affaiblir jamais, et qui met le lecteur de Carlyle dans l’impossibilité rare et heureuse de se blaser en le lisant. […] Ou serait-ce de la passion, qui répète la même chose, dans la haine comme dans l’amour, et met éternellement un clou sur l’autre, pour mieux enfoncer le premier ? […] Il l’y a mise.

1471. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Oscar de Vallée » pp. 275-289

Et voilà pourquoi M. de Vallée a mis sur le front de son livre le nom infâme des Jacobins à côté du nom glorieux d’André Chénier. […] Comme Louis XVI, qui n’était pas un poète, mais qui avait en lui la Bonté, la Bonté tout aussi illusionnante que la Poésie ; comme Lafayette, ce grand candide, qui ne vit pas que la Révolution et le Jacobinisme n’étaient qu’un même monstre et qu’il n’y avait pas à se mettre entre eux comme les Sabines entre les Romains et les Sabins, dans le beau tableau de David, André Chénier eut, lui, parce qu’il était poète, l’illusion de la Révolution française, et il se grisa de son imbécile espérance… Seulement, son erreur fut courte, et elle fut expiée bien avant qu’il la payât de sa tête ! […] Quand il parle la langue de ce journalisme que tout le monde parlait alors et quand il en avait une plus belle qu’il pouvait parler seul, ce fut la langue de la raison qu’il se mit à préférer et qu’il parla. […] Demandez-vous ce que serait Jeanne d’Arc, dont le Christianisme a fait une inspirée et une Sainte, sans le Christianisme, qui lui a mis son auréole ?

1472. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Balzac »

Je n’ai point à m’occuper ici de ses Œuvres, que tout le monde dévore parce que tout le monde a ôté dévoré par elles… Quel serait l’académicien, n’ayant pas voulu voter pour Balzac quand il fut question de le mettre à l’Académie, qui oserait présentement nier son génie ? […] Né avec les manières de sentir du génie, Balzac voulut de bonne heure mettre à l’abri des froissements d’une condition médiocre ces manières de sentir qui le faisaient ce qu’il était, — et une spéculation de librairie, qu’il avait rêvée comme il rêvait ses livres, n’ayant pas réussi, il fut obligé toute sa vie de traîner l’horrible boulet de la dette, dont il se jura de briser la chaîne, à force de volonté, et avec cette plume qui, dans sa main, fut la massue d’Hercule. […] Madame de Hanska est entrée dans le génie et dans la gloire de Balzac, comme elle était entrée dans son cœur… C’est elle qui a, sans doute, autorisé l’impression et la publication des lettres du grand homme qui avait mis, avec une si docile tendresse, sa tête de lion sous sa main. […] Si, comme le disent nos Saints Livres, à nous autres chrétiens, Dieu nous a faits à son image, il semble qu’il ait mis plus de lui dans le cœur de l’homme que dans son intelligence, — et c’est pour cela que la Correspondance de Balzac touche, surtout, par les lettres du cœur qui y sont écrites.

1473. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Créqui »

Madame de Créqui Lettres inédites de la marquise de Créqui à Sénac de Meilhan (1782-1789), mises en ordre et annotées par Édouard Fournier, précédées d’une Introduction par Sainte-Beuve, de l’Académie française. […] Mais tout cela, qui est imposant et frappant, n’est pas la figure calme, correcte, gracieusement triste et désabusée, et souverainement raisonnable, de la marquise de Créquy des Lettres, une femme qu’il faut mettre entre Madame de Maintenon et Madame Du Deffand, plus bas que l’une et plus haut que l’autre. […] a mis son rare esprit à méconnaître. […] Les préoccupations modernes et ce que j’ose appeler la fausse indulgence de ce temps, cette espèce d’étendue qui peut voir tout, mais qui ne doit pas accepter tout, ont, sinon fêlé, au moins rayé cette glace de Venise dans laquelle devrait nous apparaître Madame de Créqui, cette femme qui avait mis à tremper un esprit à la La Rochefoucauld dans les eaux attendrissantes et vivifiantes des pensées chrétiennes, probablement pour qu’il ne se pétrifiât pas de douleur, de misanthropie et de mépris !

1474. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexis de Tocqueville »

Malgré tous ses efforts et l’ardeur qu’il mettait à les faire, car il avait la prétention d’être ardent, comme nous le verrons tout à l’heure, cet esprit au visage si froid, il n’était et ne fut jamais qu’un écrivain sans personnalité accusée, sans le perçant et l’étincelant que l’épigrammatique Montesquieu n’avait pas, lui ! […] « Il faut même se le mettre, le diable au corps, quand on ne l’a pas !  […] C’est toujours ce talent de rapporteur, clair et sans éclat, sur une question mise à l’étude, caractère propre du livre de la Démocratie en Amérique, qui ne fut jamais plus que cela. Le malheur est que tout pour lui finit par être trop une question mise à l’étude, jusqu’à son esprit même, qu’il n’oublie jamais pour en jouir ou pour en faire jouir !

1475. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Byron »

Il n’est pas heureux en France, depuis quelques années… On l’a mis en chansons… mais avant d’être la proie des musiciens (il n’aimait pas la musique, et peut-être était-ce là un pressentiment de ce qui devait lui arriver !) […] Mais, de plus, c’est un artiste grec attardé dans les temps modernes, plus grec que Chénier lui-même, Chénier l’archaïste, et tellement grec, en restant Byron, qu’il n’a même la révélation et la conscience de son génie que quand il s’est mis en rapport avec la Grèce et avec les. […] Byron, cette grande coquette, rechercheur d’effets qu’il semblait le plus mépriser, mit cette poésie du mystère dans sa vie comme dans son poème de Lara, et le mystère a été une mystification. Byron s’est composé son masque comme un acteur… un masque de ruffian, de bandit, de grand coupable, presque d’assassin, comme il en mettait un à ses héros, et il l’ôtait avec ses amis pour en rire (voir ses lettres à Hobhouse et à Moore).

1476. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

d’un Pontmartin ecclésiastique, plus fort que Pontmartin, sinon dans la forme, au moins dans le fond, parce que, à force égale de talent ou d’esprit, l’homme qui a mis son front dans un livre de théologie vaudra toujours mieux qu’un littérateur, fût-ce un littérateur tout à fait, et non pas, comme Pontmartin, un littérateur de salon. […] L’abbé Maynard, qui n’oublie rien pour mettre en saillie son pieux héros, n’a pas oublié cette circonstance. […] IV Du reste, une fois l’homme d’État dégagé et mis dans sa lumière, une fois la tête humaine, que les philosophes respectent, reconnue toute-puissante dans le divin prêtre, l’historien actuel de saint Vincent de Paul n’a pas, lui, pour le saint bonhomme, le dédain insolemment attendri des mandarins philosophiques et des Trissotins d’Académie, et il n’oublie pas cet autre côté de la physionomie de saint Vincent qu’on a trop voulu regarder seul. […] » Saint Vincent de Paul est le saint qui a baisé avec le plus ardent respect les haillons, splendides pour lui, de la misère, et mis plus bas une tête illuminée de pensées angéliques, de prévoyances, de génie et de plans célestes, aux pieds des pauvres, qui, le croira-t-on ?

1477. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

Aussi, en voyant les derniers faits qui se sont produits et qui semblent avoir posé eux-mêmes les questions à la science désorientée et muette, il a pensé que l’heure était venue d’une mise en demeure solennelle de cette science beaucoup trop… discrète, et il en a pris l’initiative. L’énorme mémoire que nous indiquons à la curiosité publique sera suivi d’un second non moins considérable, — car l’auteur est un de ces esprits vigoureux et persistants, un de ces mordeurs d’idées qui n’abandonnent pas le sujet dans lequel ils ont mis la dent. […] jusqu’aux croisades et à la révocation de l’Édit de Nantes, la foi et la science s’entendaient merveilleusement sur toutes choses… Mais, en dehors de tous les dogmes justifiés, réhabilités, il en était un qu’on n’avait jamais abordé : c’était celui-là dont le jeune homme de Saint-Étienne s’était montré si révolté, c’est-à-dire la reconnaissance des puissances spirituelles et leur intervention dans les affaires de ce bas-monde. » Et ce fut à dater de cette époque que l’auteur des Esprits et de leurs manifestations fluidiques se mit à étudier un problème qui, comme il l’a dit très bien quelques lignes plus bas, renfermait le Christianisme tout entier. […] Mais le xixe  siècle n’a qu’un assez maigre sourire, et il tarira bientôt sur les lèvres de ce pauvre siècle gourmé de doctrine quand il verra et rencontrera, comme un obstacle devant lui, la science immense qu’un catholique a su mettre au service de sa pensée et dont il construit la justification rationnelle de sa foi.

1478. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Jean Richepin »

Il est de la famille des écrivains qui, de toute éternité, ont mis de leur âme dans ce qu’ils écrivent, et qui ajoutent de leur âme à cette sotte et à cette brute qu’on appelle la nature, qu’on mutile (comme le journal qui a mutilé Madame André) quand on ne fait que la copier platement, cette nature… M.  […] Il a mis le pied sur sa propre flamme. […] Waller Scott y a mis la main une fois, mais ce n’est que la lâcheté physiologique qu’il exposa dans son roman de La Jolie fille de Perth, et son poltron n’était pas son héros. […] Jean Richepin sait se plier aux sinuosités de la réflexion, et même, dans le monde, mettre de la profondeur dans la convenance.

1479. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Malot et M. Erckmann-Chatrian » pp. 253-266

Personne n’a le droit de refaire ce que Balzac a fait si bien cent fois, à moins qu’une fois on n’y mette ce que Balzac n’y a pas mis. […] Malot mettent trop de corruption comme on met trop de rouge, et le novice observateur manque son effet, pour vouloir en faire trop.

1480. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Ernest Feydeau »

», l’auteur l’ayant mise là, nous dit-il, toujours en capitales : « seulement pour lui-même (égoïste, val) et quelques-uns de ses amis ». […] C’est, en effet, cette exactitude, pour laquelle on oublie trop la manière dépeindre, que je trouve, dans les nouveaux romans de Feydeau, mise à la place de la peinture. […] Tel est le personnage principal mis en scène. […] Madame Sand, qui faisait un livre, a traité ce sujet en se plaçant en plein centre d’âmes et de drame tète à tête, et, quoique sa main de femme ait un peu tremblé sur le scalpel et ne l’ait pas enfoncé aussi avant qu’il le fallait, elle en a mis pourtant la pointe à la place juste, tandis que Feydeau, venu après elle et faisant un feuilleton, a enroulé autour du Leone Leoni de madame Sand, dissous et délayé dans une boue plus liquide et plus infecte que la boue qui avait servi la première fois à la confection de ce type, un tas d’événements en arabesques qui sont des prétextes à feuilleton, mais qui ne font rien, absolument rien au sujet.

1481. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

On dira que j’étais disposé à les trouver telles, et l’on peut avoir raison ; mais je n’avais pas besoin d’y mettre du mien pour cela. […] Si elle m’eût trouvé assez de talent pour lui aider à tourner ses vers, et assez de complaisance pour les écrire, entre elle et moi nous aurions bientôt mis Chambéry sens dessus dessous. […] Je n’osais pas lui rendre les mêmes services, et je l’avais même priée de ne jamais entrer dans ma chambre ; mais qui peut mettre des bornes à l’affection d’une sœur ? […] Je me mis à genoux près de la porte, et, sans l’interrompre, je suivis mentalement ses paroles. […] Je pris une lampe, et, résolu de mettre le feu à mon habitation, je descendis dans la chambre la plus basse, emportant avec moi des sarments et des branches sèches.

1482. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

À la fin, il s’élève de cette abjection au grade d’aboyeur, c’est-à-dire qu’il appelle les domestiques pour venir mettre le pied à l’étrier de leur maître. […] On a beaucoup ri de cette mise en scène de clair de lune, devenue fameuse par le Songe d’une nuit d’été, sans se douter que c’est là une sinistre indication de Dante. […] Va te mettre au lit. […] Je vous prie, ne lui parlez pas ; son mal ne fait qu’empirer : les questions le mettent en fureur. […] Qui peut faire mouvoir la forêt, commander à l’arbre de mettre en mouvement sa racine attachée à la terre ?

1483. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

La nature avoit mis, ce semble, des barrieres entre lui & l’éloquence ; il triompha de ces obstacles par sa patience. […] Je mets beaucoup au-dessus le style des Catilinaires traduites par M. l’Abbé d’Olivet. […] Il mit à la place de ces faux ornemens, une éloquence douce & naturelle, qui n’a rien de contraire à la sainteté du ministère évangélique. […] Si vous allez par le chemin du bel esprit, vous trouverez ici des gens qui en mettront plus dans un seul couplet de chanson, que vous dans tout un Sermon. […] Je mets à leur tête Saurin, dont les Sermons ont été imprimés plusieurs fois.

1484. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

Or c’est là précisément le côté mis en relief par tous les écrivains de l’antiquité, qu’il s’agisse des individus ou des nations. […] Où Thucydide avait mis en jeu les partis et les institutions politiques, nos historiens font intervenir les causes géographiques, économiques, ethnographiques, qui expliquent l’avènement et la durée de ces institutions et de ces partis. […] Voilà ce que la science historique a mis hors de doute. […] Ces hommes qui mettaient tant de temps, tant de pesanteur à discuter la déclaration des droits, à compter, peser les syllabes, dès qu’on fit appel à leur désintéressement, répondirent sans hésitation ; ils mirent l’argent sous les pieds, les droits honorifiques, qu’ils aimaient plus que l’argent. […] N’est-ce pas se mettre ridiculement en travers d’un torrent, à la manière d’un don Quichotte ?

1485. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Ce qui est vrai, c’est que le château de Saint-Ouen, qu’elle n’habitait pas cette année-là, fut mis par elle à la disposition de M. […] Dites à madame Julie132 que j’ose la mettre de l’un et de l’autre. […] de Paris. — Il met trop de philanthropie dans l’amitié, et l’on a peur d’être traitée par lui comme un pauvre. […] Je mets à cette lettre la date de 1803. […] Il est fâcheux que les témoignages contemporains concernant Esménard ne le mettent point au-dessus de ce genre de soupçon.

1486. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

C’est surtout pendant les époques de révolution qu’ils sont mis à l’épreuve et que les occasions les déclarent aux autres et à eux-mêmes. […] Sa mère, dit-on, avait souvent rêvé pendant sa grossesse qu’elle mettait au monde un enfant revêtu d’une robe rouge et entouré d’une foule de gens qui le lui enlevaient. […] Il pria le président Jeannin, comme sien ami et comme agréé de plus par le roi, de l’accompagner dans le voyage qu’il avait à faire à Paris où l’appelaient tous les siens : « Il s’y achemina dès lors, raconte le président, avec environ deux cents chevaux et mille ou douze cents hommes de pied, toujours en intention de se mettre en sûreté et à couvert par un traité ; mais ses troupes, qui étaient petites d’entrée, grossirent par les chemins. » Il apprenait en même temps que de tous côtés dans le royaume, au bruit de l’attentat de Blois, des levées et des mouvements se faisaient en sa faveur ; la pensée de soumission s’affaiblit alors et fit place, dès qu’il y eut jour, au désir naturel de la vengeance. […] Le président Jeannin désire cette négociation, mais il est loin d’y voir et d’y mettre autant de facilité que Villeroi. […] Le président Jeannin fut du parti de Henri IV ce jour-là ; il s’opposa à ce que l’héritage national dépérît entre les mains qui l’avaient en tutelle : de même qu’il s’était mis autrefois en travers de la Saint-Barthélemy, il fit obstacle cette fois au démembrement de la France.

1487. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Je sais des hommes d’étude et de lecture approfondie qui placent Fleury très haut, plus haut qu’on n’est accoutumé à le faire aujourd’hui, qui le mettent en tête du second 265 rang ; ils disent « que ce n’est sans doute qu’un écrivain estimable et du second ordre, mais que c’est un esprit de première qualité ; que ses Mœurs des israélites et des chrétiens sont un livre à peu près classique ; que son Traité du choix et de la méthode des études, dans un cadre resserré, est plein de vues originales, et très supérieur en cela à l’ouvrage plus volumineux de Rollin ; que son Histoire du droit français, son traité du Droit public de France, renferment tout ce qu’on sait de certain sur les origines féodales, et à peu près tout ce qu’il y a de vrai dans certains chapitres des plus célèbres historiens modernes, qui n’y ont mis en sus que leurs systèmes et se sont bien gardés de le citer ; que Fleury est un des écrivains français qui ont le mieux connu le Moyen Âge, bien que peut être, par amour de l’Antiquité, il l’ait un peu trop déprécié ; que cet ensemble d’écrits marqués au coin du bon sens et où tout est bien distribué, bien présenté, d’un style pur et irréprochable, sans une trace de mauvais goût, sans un seul paradoxe, atteste bien aussi la supériorité de celui qui les a conçus. » Pour moi, c’est plutôt la preuve d’un esprit très sain. Quoi qu’il en soit, Fleury paie aujourd’hui la peine de n’avoir pas de relief dans la forme, et de n’avoir pas mis dans un jour frappant ses pensées. […] Nous savons par lui quel jour Bossuet s’est décidé à prendre des lunettes enferme à mettre sur le nez. […] L’impression que laisse la lecture du journal de Le Dieu, au milieu des particularités oiseuses et quelquefois bien vulgaires qui s’y rencontrent, a cela d’utile qu’elle met cette vérité et cette sincérité de la nature de Bossuet dans une entière et incontestable lumière.

1488. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

J’allais (tant l’art de l’arrangeur est parfait, et tant il a mis d’attention à se dérober), — j’allais oublier d’avertir que le tout est lié par un récit biographique rapide, par des transitions indispensables, par des fils adroits et légers ; que toutes les explications nécessaires au lecteur lui sont agréablement et brièvement données, qu’elles viennent à propos au devant de lui ; que tous les petits faits, toutes les anecdotes qui se rattachent au cercle de Mme Récamier, celles qu’elle aimait à raconter elle-même, nous sont rendues avec ce tour net et dans cette nuance qui était le ton particulier de son salon ; qu’une fine critique, toujours convenable, corrige et relève, par-ci par-là, le trop de douceur dans les portraits. […] Quelques-uns lui en voudront et trouveront qu’il est disproportionné, vraiment, d’avoir mis un art si accompli et si raffiné au service d’une destinée si virginale. […] Mais que surviennent des circonstances délicates et difficiles qui mettent tout l’homme à l’épreuve, comme on s’aperçoit que le caractère de M. de Montmorency gagne à ce point d’appui intérieur ! […] Dans le peu qu’on lit d’elle, il y a une netteté, une finesse, une correction élégante, une urbanité naturelle, qui mettent en goût le lecteur délicat. […] On le voit assez, aujourd’hui encore, à la place qu’il tient dans ces volumes : l’impression des lecteurs les plus favorables est qu’on a un peu trop mis de lui ; il remplit trop de pages de son impérieuse et inévitable personnalité.

1489. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

Toutefois on fit semblant de croire qu’elles auraient pu sérieusement concourir, et l’on se mit dès lors à les pousser et à les louer un peu plus que de raison. […] Gœthe est le seul poète qui ait eu une faculté poétique à l’appui de chacune de ses compréhensions et de ses intelligences de critique, et qui ait pu dire à propos de tout ce qu’il juge en chaque genre : « J’en ferai un parfait échantillon, si je le veux. » Quand on n’a qu’un seul talent circonscrit et spécial, le plus sûr, dès qu’on devient critique, — critique de profession et sur toutes sortes de sujets, — est d’oublier ce talent, de le mettre tout bonnement dans sa poche, et de se dire que la nature est plus grande et plus variée qu’elle ne l’a prouvé en nous créant. […] Il met le monde des idées pures d’une part et celui des formes sensibles de l’autre ; il condescend à ce dernier avec peine. […] Partout chez lui domine la préoccupation d’une fausse noblesse de l’homme, qui le stérilise, le mutile, le met à la diète, au sein de l’immensité des choses, et l’empêche de se servir de toutes les forces généreuses qu’il possède véritablement. — Mais c’est qu’il est pour l’idéal, M. de Laprade ! […] Puis, s’exaltant sur ce mot de génie et y mêlant une idée mystique, il en vient à dire « qu’un grand génie n’est guère autre chose pour celui qui le porte qu’un plus douloureux fardeau ; — que toute grande mission emporte avec elle ici-bas la nécessité d’un crucifiement. » Cela est bon à mettre en vers ; ce qui ne peut pas se dire, on le chante.

1490. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

C’étaient ces mêmes figures sculptées et peintes qu’on voit encore sur les retables d’autel de ce temps-là, et qui se mettaient à marcher et à agir devant les curieux édifiés. Figurons-nous bien, car c’est le devoir de la critique de se déplacer ainsi à tout moment et de mettre chaque fois sa lorgnette au point, — figurons-nous donc, non pas seulement dans la salle de l’hôpital de la Trinité à Paris (cette salle me semble trop étroite), mais dans une des places publiques d’une de ces villes considérables, Angers ou Valenciennes, devant la cathédrale ou quelque autre église, un échafaud dressé, recouvert et orné de tapisseries et de tentures magnifiques, et tout alentour une foule avide et béante ; des centaines d’acteurs de la connaissance des spectateurs, jouant la plupart au vrai dans des rôles de leur métier ou de leur profession : des prêtres faisant ou Dieu le Père ou les Saints ; des charpentiers faisant saint Joseph ou saint Thomas ; des fils de famille dans les rôles plus distingués, et quelques-uns de ces acteurs sans nul doute décelant des qualités naturelles pour le théâtre ; figurons-nous dans ce sujet émouvant et populaire, cru et vénéré de tous, une suite de scènes comme celles que je ne puis qu’indiquer : — le dîner de saint Matthieu le financier, qui fait les honneurs de son hôtel à Jésus et à ses apôtres, dîner copieux et fin, où l’on ne s’assoit qu’après avoir dit tout haut le bénédicité, où les gais propos n’en circulent pas moins à la ronde, où l’un des apôtres loue la chère, et l’autre le vin ; — pendant ce temps-là, les murmures des Juifs et des Pharisiens dans la rue et à la porte ; — puis les noces de Cana chez Architriclin, espèce de traiteur en vogue, faisant noces et festins, une vraie noce du xve  siècle ; — oh ! […] Sur ce, Rodigon et Madeleine se mettent à chanter ou à chantonner, en s’accompagnant peut-être de quelque instrument, une ballade en amours, comme qui dirait une romance à deux. […] Louis Paris, dans son analyse, a tiré parti de cet endroit le plus remarquable du vieux Mystère et l’a mis dans tout son jour. […] Leur conclusion au sujet de l’héroïne d’Orléans, de cette généreuse Pucelle, qui a mis en défaut jusqu’ici toute espèce de fantaisie ou de fiction, et que la vérité seule peut désormais louer, est aussi fort sage.

1491. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Dans ces passe-temps et ces aménités oisives de plus d’une après-midi, je n’ai pas été sans reconnaître qu’il y avait bien quelques avantages, pour une culture perfectionnée de l’esprit, à ce régime des traductions en vers : un de ces avantages, c’était de remettre sans cesse la traduction elle-même en question, de comparer et de confronter les textes, la copie avec l’original, et, s’il y avait plusieurs traductions rivales, comme c’était le cas pour Virgile, de mettre aux prises ces traductions entre elles. […] Il met volontiers deux comédies en une. […] Quoiqu’il n’ait pas mis le texte en regard de sa traduction et qu’il ait dû obéir aux nécessités d’une librairie courante qui, comme l’ancienne malle-poste, ne permet que le moins de bagage possible (le texte de Térence un bagage !) […] Le maître y met de la préparation, un air de solennité mystérieuse : « Ce n’est pas de ton savoir-faire ordinaire que j’ai besoin dans l’affaire présente, mais d’autres qualités que j’ai remarquées en toi, ta fidélité et ta discrétion. » — « J’écoute. » — Et ici le maître rappelle à l’affranchi ses bienfaits : il l’a acheté tout enfant, il l’a toujours traité avec douceur et clémence : le voyant servir d’un cœur si honnête, il lui a donné ce qu’il y a déplus cher, il l’a affranchi. […] » s’écrie Sosie dont l’attention redouble. — On enlève le corps ; on se met en marche.

1492. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Mais aujourd’hui, après tant de bouleversements qui ont eu lieu sur la scène, et de telles tentatives aventureuses dont on paraît un peu lassé, Iphigénie redevient de mise, elle reprend à son tour toute sa vivacité et son coloris charmant. […] Je crois même qu’à titre de pièce achevée et accomplie, de tragédie parfaite offrant le groupe dans toute sa beauté, il mettait Iphigénie au-dessus des autres, et la qualifiait le chef-d’œuvre de l’art sur notre théâtre. […] Le danger de cette passion, la crainte de mettre le trouble dans la famille royale, les noms de beau-frère et de belle-sœur mirent un frein à leurs désirs ; mais il resta toujours dans leurs cœurs une inclination secrète, toujours chère à l’un et à l’autre. […] Dans l’exquise préface qu’il a mise à sa pièce, Racine rapproche son héroïne de Didon et voit de la ressemblance entre elles, sauf le poignard et le bûcher.

1493. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Les femmes du xvie  siècle, ai-je dit, ont été trop mises de côté dans les dernières études qu’on a faites sur les origines de la société polie : Rœderer les a sacrifiées à son idole, qui était l’hôtel Rambouillet. […] Le xviiie commence avec Mme la duchesse du Maine et avec Mme de Staal, de même qu’on en sort par l’autre Mme de Staël et par Mme Roland : je mets ce dernier nom à dessein, car il marque tout un avénement, celui du mérite solide et de la grâce s’introduisant dans la classe moyenne, pour y avoir sa part croissante désormais. […] Elle se trouvait ainsi de neuf ans plus âgée qu’on ne l’a supposé ; non pas qu’elle ait dissimulé son âge ; elle n’indique point, il est vrai, dans ses Mémoires, la date précise de sa naissance (les dates, sous la plume des femmes, c’est toujours peu élégant) ; mais elle mentionne successivement dans le récit de sa jeunesse certaines circonstances historiques qui pouvaient mettre sur la voie. […] Je sentois cependant que chaque instant l’éloignoit de moi, et ma peine prenoit le même accroissement que la distance qui nous séparait. » Nous surprenons ici le défaut ; cette peine qui croît en raison directe de la distance, c’est plus que du philosophe, c’est bien du géomètre ; et nous concevons que M. de Silly ait pu dire à sa jeune amie dans une lettre qu’elle nous transcrit : « Servez-vous, je vous « prie, des expressions les plus simples, et surtout ne faites « aucun usage de celles qui sont propres aux sciences. » En homme du monde, et plein de tact, il avait mis d’abord le doigt sur le léger travers. […] Je trouve les préceptes ridicules sur cette matière, et j’aimerois presque autant qu’on voulût mettre en règle la manière dont les frénétiques doivent extravaguer. » J’ai dit de Mme de Staal qu’elle était comme le premier élève de La Bruyère, mais un élève devenu l’égal du maître ; nul écrivain ne fournirait autant qu’elle de pensées neuves, vraies, irrécusables, à ajouter au chapitre des Femmes, de même qu’elle a passé plus de trente ans de sa vie à pratiquer et à commenter le chapitre des Grands.

1494. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

Les mots faculté, capacité, pouvoir, qui ont joué un si grand rôle en psychologie, ne sont, comme on le verra, que des noms commodes au moyen desquels nous mettons ensemble, dans un compartiment distinct, tous les faits d’une espèce distincte ; ces noms désignent un caractère commun aux faits qu’on a logés sous la même étiquette ; ils ne désignent pas une essence mystérieuse et profonde, qui dure et se cache sous le flux des faits passagers. […] On les exploite toujours en Angleterre ; mais presque partout, notamment en France, les charlatans les ont mises en discrédit ; elles attendent encore que des expérimentateurs attitrés et doués de l’esprit critique veuillent bien les fouiller. […] À cet égard, les manifestations spirites elles-mêmes nous mettent sur la voie des découvertes, en nous montrant la coexistence au même instant, dans le même individu, de deux pensées, de deux volontés, de deux actions distinctes, l’une dont il a conscience, l’autre dont il n’a pas conscience et qu’il attribue à des êtres invisibles. […] Telle est aussi la position du linguiste et de l’historien vis-à-vis du psychologue ; C’est pourquoi ils ne peuvent manquer de s’entraider, soit que l’application mette sur la voie d’une théorie, soit que la théorie mette sur la voie d’une application.

1495. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

Chacun y mettait ce que son tempérament lui suggérait. […] Et il songea — non, il n’y songea point mais tout se passe comme si… il songea à mettre sa vie dans ses vers. […] La juste gloire mettra bientôt Verlaine auprès de Hugo, de Vigny, de Baudelaire. […] Et qu’on souhaite le départ de l’homme d’esprit vers quelque fabrique, où c’est l’heure de mettre en pages, afin que reparaisse, de dernières minutes, voix baissée, paupières closes, pour la fuite plus mesurée et savourée du rêve, le délicieux maître, le poète. […] M. de Heredia a mis dix ans à apprendre à faire un sonnet en deux heures.

1496. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Âgé de trente-cinq ans, il se tourna à cette œuvre avec le feu et la précision qu’il mettait à toute chose : de nouveaux désordres plus graves, qui survinrent dans sa santé, l’empêchèrent de l’exécuter avec suite, mais il y revenait à chaque instant dans l’intervalle de ses douleurs ; il jetait sur le papier ses idées, ses aperçus, ses éclairs. […] La méthode qu’il emploie dans ses Pensées pour combattre l’incrédule, et surtout pour exciter l’indifférent, pour lui mettre au cœur le désir, est pleine d’originalité et d’imprévu : On sait comment il débute. […] Mais bientôt les amis, ou les examinateurs et approbateurs du livre, s’alarmèrent de voir cette façon exclusive de procéder, et qui se trouvait ici en contradiction avec les Livres saints ; ils firent faire un carton avant la mise en vente ; ils adoucirent la phrase, et présentèrent l’idée de Pascal d’un air de précaution que le vigoureux écrivain ne prend jamais, même à l’égard de ses amis et de ses auxiliaires. […] Ce n’est pas que Pascal se mette complètement de pair avec celui qu’il ramène et qu’il dirige. […] Mis en regard de Bossuet, Pascal peut offrir au premier moment des duretés et des étroitesses de doctrine qui nous choquent.

1497. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Errata. » pp. -

mettez à la fin de l’article de Térence, que la traduction de ce Poëte, par M. l’Abbé le Monnier, a paru & qu’on en est généralement content. […] mettez à la fin du chapitre de l’apologue.

1498. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Il met l’état dionysiaque dans le chœur [très douteux] et l’état apollinien dans les personnages. […] Lorsque je continuai seul ma route, je me mis à trembler. […] Mettons toujours plus de vie dans le monde ! […] Les événements de notre vie sont bien plus ce que nous y mettons que ce qu’ils contiennent. […] Il faut mettre à part Jésus dont, tout compte fait, on ne sait rien.

1499. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

Câdir étant mort de mort tragique, le Cid, sous couleur de le venger, se mit en guerre contre le gouvernement de Valence et vint assiéger la ville. […] Sur ce canevas, l’imagination castillane s’est émue, s’est mise à l’œuvre et s’est brodé son héros. […] Le comte sort à la tête de cent chevaliers gentilshommes et se met à défier Diègue, fils de Laïn Calvo : « Laissez mes lavandières, fils de l’alcade citadin… » Il paraît que Diègue était d’une origine immédiatement bourgeoise ou citadine, quoiqu’il prétendît à une descendance royale éloignée. […] Au vu des lettres, don Diègue change de couleur ; il soupçonne que le roi veut le punir et le faire tuer : « Écoutez-moi, dit-il, mon fils, mettez ici toute votre attention. […] Doña Chimène se mit à deux genoux devant le Campéador.

1500. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Ce n’est pas à une nation démocratiquement constituée comme la nôtre, et chez laquelle les vices naturels de la race ont une malheureuse coïncidence avec les vices naturels de l’état social, ce n’est pas à cette nation qu’on peut laisser prendre aisément l’habitude de sacrifier ce qu’elle croit sa grandeur à son repos, les grandes affaires aux petites ; ce n’est pas à une pareille nation qu’il est sain de laisser croire que sa place dans le monde est plus petite, qu’elle est déchue du rang où l’avaient mise ses pères, mais qu’il faut s’en consoler en faisant des chemins de fer et en faisant prospérer au sein de la paix, à quelque condition que cette paix soit obtenue, le bien-être de chaque particulier. […] C’est un peu présomptueux, c’est un contre-pied un peu choquant. — Il en vient ainsi par degrés, et d’élimination en élimination, à définir son mode de composition préféré, la manière combinée et construite qui est la sienne, et qui serait peut-être à rapprocher, pour le moment, de celle d’Edgar Quinet, à mettre en contraste et en parallèle avec ce procédé également réfléchi, diversement lumineux. […] Toutes les idées que je viens de t’exprimer l’ont mis fort en travail ; mais il s’agite encore au milieu des ténèbres, ou du moins il n’aperçoit que des demi-clartés qui lui permettent seulement d’apercevoir la grandeur du sujet, sans le mettre en état de reconnaître ce qui se trouve dans ce vaste espace. […] Puisque vous voulez bien me mettre à l’aise et puisque ce que j’ai écrit déjà et qui marque le point le plus extrême de ma critique ne vous a point choqué, je vais y revenir et m’étendre un peu sur cette Correspondance aussi nourrie qu’agréable. […] J’ai lu des articles sur Tocqueville qui étaient plus bienveillants, je n’en ai pas lu un seul qui sût, aussi bien que les vôtres, mettre en relief ce qui dans ses écrits est vraiment beau, ce qui plaît en eux, ce qui charme : sympathie intellectuelle, confraternité d’artiste, quelque nom qu’on donne au sentiment qui vous fait agir, c’est encore de la bienveillance, et la plus sûre, car elle vient de l’instinct plus que de la volonté.

1501. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Elle était pieuse, mais d’une piété qu’elle mettait toute dans la charité et qui n’était qu’à elle. […] Elle s’était mise au latin et était arrivée à entendre les odes d’Horace ; elle lisait l’anglais et avait traduit en vers quelques pièces de William Cowper, notamment celle des Olney Hymns, qui commence ainsi : God moves in… ; une poésie qui rappelait les Cantiques de Racine et toute selon saint Paul. […] Je veux avant tout t’épargner l’inquiétude qu’un silence plus long te causerait, sachant bien que ton cœur s’en rapporte au mien de l’empressement que je mettrai à partager avec toi le premier rayon bienfaisant que la Vierge m’enverra. […] Pendant une nuit d’insomnie, de jour en courant, sur un quai, pendant une pluie sous une porte cochère, dans les circonstances les plus vulgaires ou les plus tristes de la vie, quelque chose se mettait à chanter en elle, et elle se le rappelait ensuite comme elle pouvait. […] … Aussi je vous bénis tous de l’amitié que vous me portez, et qui m’aide à subir ces blessures de l’âme… « Je comble de vœux et de bénédictions tous ceux qui dans le passé et dans le présent ont mis au moins tes chers jours et nuits à l’abri des mauvais hasards du sort.

1502. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Les qualités qu’il possède en effet, instruction, dignité, conscience, honnêteté, il sait les mettre en dehors dans ses écrits, et ne les laisse pas à deviner. […] Il le compare à Horace sur quelques passages, et est décidé d’avance à le mettre au-dessous ; résultat, certes, assez juste ; mais encore faudrait-il bien prendre ses points. […] Nisard, après tout, ne met en dehors et sur sa devanture que beaucoup des qualités qu’il a. […] Nisard, a constitué la prose, a été surfait de cette sorte, puis mis presque à l’oubli ; et le premier qui ait rappelé et fait de nouveau valoir ses vrais titres à cette constitution de la prose française, c’est… qui ? […] Nisard se garde bien de le faire : il prétend absolument dégoûter les autres du mets qu’il a touché.

1503. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

Si au contraire vous lui fléchissez les doigts tout en laissant pendre son bras le long de son côté, l’idée qui s’éveille en lui est celle de soulever un poids ; et, si les doigts sont fléchis, pendant que le bras est porté en avant dans la position de donner un coup, c’est l’idée de boxer qui surgit. » Et aussitôt l’hypnotisé complète l’action, je veux dire qu’il se met à boxer, à soulever péniblement son bras, à remuer ses membres pour grimper, pour se balancer ou pour tirer. […] « Nous avons connu, dit Carpenter, une jeune fille, qui, dans le temps qu’elle allait à l’école, se mettait souvent à parler une heure ou deux après s’être endormie. […] Après bien des efforts, je me suis levée, et j’ai reçu l’ordre de brûler l’araignée et le drap pour me délivrer du sortilège ; je mis donc le feu au drap. […] N… se met à l’écart pour mieux écouter et pour mieux entendre ; il questionne, il répond ; il est convaincu que ses ennemis, à l’aide de moyens divers, peuvent deviner ses plus intimes pensées… Du reste, il raisonne parfaitement juste, toutes ses facultés intellectuelles sont d’une intégrité parfaite, il suit la conversation sur divers sujets avec le même esprit, le même savoir, la même facilité qu’avant sa maladie… Rentré dans son pays, M.  […] Si la conversation l’intéresse, il n’entend plus les voix ; si elle languit, il les entend imparfaitement, quitte la société et se met à l’écart pour mieux entendre ce que disent ces perfides voix ; il revient inquiet et soucieux. » — Ces hallucinations persistèrent quelque temps après le retour de la raison.

1504. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Mme de Maure demandait seulement qu’on mît des quasi aux affirmations universelles, en faveur des exceptions possibles et réelles. […] Elle aime la nature, et par là ses lettres mettent une note originale dans la littérature classique : mais elle ne mêle à cet amour ni sentimentalité ni rêverie. […] Entre deux ordinaires, elle fait sa provision d’idées, de faits, elle leur donne forme en son esprit, et, quand elle se met à sa table pour écrire, elle peut laisser trotter sa plume. […] Elle, la raison même, Racine était son poète, tandis que Mme de Montespan goûtait mieux Boileau : ces préférences mettent à nu le fond des âmes. […] Il fut mis à la Bastille, puis exilé dans ses terres, à Bussy et Chaseu.

1505. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Fabre met communément dans leur bouche les formules de la phraséologie religieuse, auxquelles s’ajoutent, dès que la situation devient dramatique, toutes celles de la rhétorique profane. […] Partout où il a été curé, il s’est lancé dans de telles entreprises, écoles, hospices, orphelinats, que tout le bien de sa mère y a passé, et il s’est mis dans de tels embarras d’argent que son évêque, après l’avoir quelque temps suspendu de ses fonctions, l’a relégué à Saint-Xist, un village perdu dans la montagne. […] Ferdinand Fabre a su placer l’abbé Célestin dans les conditions les plus propres à mettre au jour et à montrer sous toutes ses faces cette délicieuse naïveté ecclésiastique. […] Elle est proche de son terme : le curé la recueille au presbytère, et c’est là qu’elle met son enfant au monde. […] Encore un coup, il est rare que la question se pose avec cette netteté tragique et que l’Église ait l’occasion de revendiquer ses droits sur toute l’âme ; mais la question se pose ainsi pour tout prêtre qui réfléchit dès que certaines circonstances mettent en opposition directe ses sentiments naturels et sa foi.

1506. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Le Peuple qui m’entendroit parler ainsi, pour peu qu’il fût sage, diroit : Voilà un mauvais Citoyen ; il veut nous précipiter dans les malheurs de la sédition, & nous mettre dans le cas d’aggraver un joug raisonnable, par les efforts qu’il voudroit nous faire tenter pour le secouer. […] Pour peu, vous-même, que vous fussiez Médecin, vous diriez sûrement, sage Lecteur : Il faut d’abord lier l’Energumene, le plonger ensuite dans l’eau froide, &, pendant le bain, lui mettre un bâillon, de crainte qu’il ne crie encore plus haut, & ne murmure contre son Médecin. […] Ces Productions, qui font honte à leurs Auteurs, ne m’aideront jamais à perfectionner mon Ouvrage ; & si elles m’affligeoient, elles ne serviroient que ceux qui les ont mises au jour à ce dessein. […] Qu’il ait osé imprimer, avec la véracité qu’on lui reconnoît, que j’ai composé un Livre d’athéïsme ; que, mis en prison à Strasbourg, je m’occupai, pendant ma captivité, à faire des Vers infames ; je n’ai qu’un mot à répondre : Je n’ai jamais écrit sur l’athéïsme, que pour m’élever contre les Athées ; de ma vie je n’ai été mis dans aucune prison ; de ma vie je n’ai vu Strasbourg que sur la carte. […] Ce sont des Philosophes qui ont mis Seneque au dessus de Cicéron, Lucain au dessus de Virgile, Despréaux au dessous de Quinault, les Tragédies de Corneille & de Racine au dessous de celles de Voltaire, Lamothe à côté de J.

1507. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Louis XV était alors dans le premier éclat de son émancipation tardive, et la nation, ne sachant plus depuis longtemps où se prendre, s’était mise à l’aimer éperdument. […] Il en avait depuis des années, mais en écolier toujours et sous le bon plaisir du cardinal ; il lui en fallait une qui fût réellement maîtresse et qui le mît hors de page. […] C’est ce roi-là que, n’étant encore que Mme d’Étiolles, elle épiait dans ses chasses de la forêt de Sénart et qu’elle se mit à aimer. […] Quand le roi de Prusse fit avec faste à d’Alembert une pension modique, comme Louis XV se moquait devant elle du chiffre de cette pension (1 200 livres), mise en regard des termes de génie sublime qui la motivaient, elle lui conseilla de défendre au philosophe de l’accepter, et d’en accorder une double : ce que Louis XV n’osa faire par principes de piété, à cause de l’Encyclopédie. […] Enfin, ici comme pour l’imprimerie, elle a mis de toute manière sa main, sa jolie main, à l’œuvre ; elle est du métier, et, de même que les bibliophiles l’inscrivent sur leur liste et les typographes sur la leur, les graveurs ont droit de compter dans leurs rangs, à titre de confrère, Mme de Pompadour graveuse à l’eau-forte.

1508. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Il se fait leur dénonciateur déclaré et commence contre eux sa guerre à mort : Comme la plupart des hommes, dit-il, ont des passions fortes et un jugement faible, dans ce moment tumultueux, toutes les passions étant en mouvement, ils veulent tous agir et ne savent point ce qu’il faut faire, ce qui les met bientôt à la merci des scélérats habiles : alors, l’homme sage les suit des yeux ; il regarde où ils tendent ; il observe leurs démarches et leurs préceptes ; il finit peut-être par démêler quels intérêts les animent, et il les déclare ennemis publics, s’il est vrai qu’ils prêchent une doctrine propre à égarer, reculer, détériorer l’esprit public. […] André Chénier entra décidément dans la polémique au Journal de Paris, par un article du 12 février 1792 contre la ridicule et indécente préface que Manuel avait mise en tête des Lettres de Mirabeau et de Sophie. […] André Chénier a remarqué spirituellement qu’au théâtre on flagorne le peuple, depuis qu’il est souverain, aussi platement qu’on flagornait le roi, du temps que le roi était tout, et que le parterre, qui représente le peuple en personne, applaudit et fait répéter toutes les maximes adulatrices en son honneur aussi naïvement que Louis XIV fredonnait les prologues de Quinault à sa louange, pendant qu’on lui mettait ses souliers et sa perruque. […] La journée du 10 août vint mettre fin à la discussion libre. […] Ils n’ont pas même su écrire grossièrement et noter les sons tels quels, et mettre : qu’il ne vit que de ce que lui fait son père.

1509. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

Mais l’Eunuque est évidemment un exercice littéraire, ce n’est pas autre chose ; c’est le poète qui s’essaie, qui fait des gammes avant de se mettre décidément au travail. […] C’est un conte de pure fantaisie libre et aventureuse, et inventé par La Fontaine, puis mis en dialogue. […] cet éveil, ce coup de cloche qu’il donne ici pour la première fois, il le donnera souvent : « Mettez de la sensibilité dans votre esprit. […] Il en faut mettre. » Voilà un premier avertissement qu’il se donne à lui-même et qu’il donne aux poètes de son temps. […] Non seulement dans Silvia, où lavant-propos s’imposait puisque c’est un conte qu’il fait pour une de ses amies, mais dans Simone, qui n’est dédiée à personne et où Musset s’adresse au public, il met, de même, un avant-récit.

1510. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Résumé et conclusion »

Tandis que la moelle transforme les ébranlements reçus en mouvement plus ou moins nécessairement exécuté, le cerveau les met en rapport avec des mécanismes moteurs plus ou moins librement choisis ; mais ce qui s’explique par le cerveau dans nos perceptions, ce sont nos actions commencées, ou préparées, ou suggérées, ce ne sont pas nos perceptions mêmes. — S’agit-il du souvenir ? […] Je vais mettre d’un côté la matière, de l’autre l’esprit, et supposer que les mouvements cérébraux sont la cause ou l’occasion de ma représentation des objets. […] Ce qu’elles mettent à l’origine de la conscience, c’est tantôt le duplicat inutile d’une réalité extérieure, tantôt la matière inerte d’une construction intellectuelle toute désintéressée : mais toujours elles négligent le rapport de la perception à l’action et du souvenir à la conduite. […] La complexité croissante du système nerveux met l’ébranlement reçu en rapport avec une variété de plus en plus considérable d’appareils moteurs et fait esquisser simultanément ainsi un nombre de plus en plus grand d’actions possibles. […] C’est d’avoir mis tous les souvenirs sur le même plan, d’avoir méconnu la distance plus ou moins considérable qui les sépare de l’état corporel présent, c’est-à-dire de l’action.

1511. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Convenons alors de mettre à part les représentations fantasmatiques, et appelons « fabulation » ou « fiction » l’acte qui les fait surgir. […] Mais cette conviction vient se mettre en travers du mouvement de la nature. […] Le tremblement était « pervers » ; il avait son idée, « il s’était mis en tête de détruire ». […] Elles pourront donc nous mettre sur la voie de cette découverte et guider l’observation interne qui servira ensuite à les expliquer. […] posséder l’essence de la chose quand on s’est mis d’accord sur le sens conventionnel du mot.

1512. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 193-194

Baillet, [Adrien] né dans un village voisin de Beauvais, en 1649, mort à Paris en 1706, est un des Auteurs que les Encyclopédistes ont mis le plus à contribution. […] Cette compilation, où il a souvent mis du sien, lui attira beaucoup d’ennemis, comme s’il n’étoit pas permis d’apprécier les Productions des Auteurs, quand ils les soumettent au jugement du Public par la voie de l’impression.

1513. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 102-104

Danchet l’arrêta au début, & lui dit, Maison est un mot trop foible ; il faudroit mettre Palais, Beau lieu, &c. […] On a eu tort de mettre cette anecdote sur le compte de M.

1514. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Raynouard, le premier, mit fin à cette méthode désordonnée, qui n’en était pas une, qui n’était qu’une routine, et qui, en supposant un pêle-mêle inextricable, le continuait et le prolongeait. […] Quoi qu’en dise Sismondi, Fauriel mena à terme quelques-uns de ses travaux ; mais il ne les acheva point, en effet, à titre d’écrivain : ce fut comme professeur qu’après 1830 il fut mis en demeure par ses amis, par M.  […] Génin pourtant a rendu des services ; il a contribué, par l’édition et la traduction qu’il en a données, et par l’encadrement un peu artificiel qu’il y a mis, à populariser parmi les lettrés la Chanson de Roland. […] Il nous met à même de bien mesurer les pas qu’on a faits et ceux qui restent à faire, auxquels il est en voie autant que personne de contribuer. […] Littré) analogue à l’analyse chimique de la substance mise dans le creuset et réduite en ses éléments ; le chimiste doit retrouver le poids équivalent.

1515. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Comment une idée qu’Aristophane, Ménandre, Shakespeare, Cervantes, Molière ont mis plus de vingt siècles à construire partie par partie, sortirait-elle tout d’un bloc du cerveau de M.  […] Entre nos deux définitions, qui mettra la paix ? […] Mais nous ne les mettrons plus aux prises, et leur bonne intelligence sera peut-être le prélude d’une amitié solide entre Shakespeare, Aristophane et Molière. […] Par quel abus mettent-ils leur veto sur l’alliance de l’imagination et de la raison, sur la subordination libre de la première à la seconde ? […] Avec deux ou trois question sans malice, il l’aurait bientôt mise en contradiction avec elle-même, et il lui ferait avouer tout haut qu’elle ne sait pas le premier mot de ce qu’elle dit.

1516. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

” Mozart feignit un peu d’inquiétude, se retira dans sa chambre, où l’on avait préparé du papier de musique, des plumes et de l’encre, et se mit à composer vers minuit. […] Pour le tenir éveillé, sa femme se mit à lui raconter des contes bleus, et, trois heures après, il avait terminé cette admirable symphonie. […] À peine avaient-ils apporté les feuilles encore humides, que Mozart fit son entrée à l’orchestre et se mit au piano, salué par de nombreux applaudissements. […] ” « Après sa prière il se mit au lit, et, me serrant dans ses bras : “Ô mon enfant ! […] Le prix de la place est d’un écu et de huit gros ; nous le mettrons sur le compte.

1517. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

La mort le surprit au moment où il allait se mettre à la tête de cet armement formidable. […] Pour rendre Athènes invulnérable, il l’avait trempée dans la mer ; il avait mis une rame, au lieu d’une pique, dans ses mains guerrières. En dix ans, il avait dressé un peuple de matelots, créé une marine, mis à bord la Cité sur une flotte de deux cents galères. […] Détail épique qui met l’image d’un vers d’Homère dans une phrase d’Hérodote. […] Lorsqu’il les avait mis en fuite, il levait son ancre, la raccrochait à sa hanche, et les poursuivait.

1518. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Et il se met à nous prêcher d’écrire pour le public, de descendre nos œuvres à l’intelligence de tous, nous reprochant presque notre effort, l’ambition de notre conscience littéraire, le travail de nos livres, pour ainsi dire, sués de notre sang, enfin la passion, que nous mettons à nous satisfaire. […] Vendredi saint Une singulière habitude de manger maigre, le jour où on a mis en croix l’homme apocryphe des Écritures, quand on mange gras, le jour où est morte votre mère. […] Les lampes allumées mettent des lumières étroites sur la table du tribunal, les papiers, le code, un peu de rougeoiement au plafond. […] Mme Feydeau arrive dans une robe de soie rouge, de ces robes qui mettent et roulent des flots d’étoffe derrière les pas de la femme, et nous dit : « Eh bien ! […] La princesse a fait d’une manière impromptue, comme aimable surprise à l’Empereur qui vient demain chez elle, a fait à l’improvisateur Gautier la commande de la mise en vers d’un morceau de prose du prisonnier de Ham sur le retour des cendres de son oncle.

1519. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

çà, mettez votre esprit à la torture, et dites-moi le sens qu’il y a là dedans. […] J’en verrois un autre monté sur un escabel qui auroit mis le feu à la forge et qui martelleroit sur l’enclume ; d’autres qui limeroient à l’étau, et tous ces petits bélîtres ébouriffés, guenilleux, me plairoient infiniment plus que ces gros amours froids, plats, jouflus et nuds. […] Mettez-lui une coquille à la main, et jettez-lui une peau de mouton sur les épaules ; et vous aurez un saint Jean prêt à baptiser le Christ. […] Quatrièmement, on ne pouvoit mettre trop de simplicité, de silence et de repos dans cette scène. […] Voyez ce Caesar, je vous jure que c’est la première fois qu’il a mis cet habit.

1520. (1886) Le roman russe pp. -351

Je m’élève uniquement contre le parti pris de n’y mettre en aucun cas une intention morale. […] Pour la première fois, Gogol a su mettre une vraie puissance de terreur dans la lutte du pauvre clerc contre le fantôme. […] voilà ce qui nous met en défiance contre les meilleurs tableaux de l’épopée. […] — « Dans cette copie il mettait tout un monde d’impressions variées et agréables. […] Cela me met à l’aise pour parler de lui.

1521. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Jamais, peut-être, un écrivain n’avait mis une si forte moutarde au nez de la curiosité parisienne. […] La publication du Gil Blas va la mettre dans toutes les mains. […] il est son bienfaiteur et sa brochure est un bourrelet qu’il lui met sur la tête. […] Sa bouche aux lèvres fines ressemble à une fraîche rose et les dents y mettent une rosée de perles. […] Il se mit au piano et chanta pendant près d’une heure.

1522. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Son père l’avait mis au monde sans réfléchir, au petit bonheur. […] Son roman historique est la mise en action du fameux chapitre de Taine. […] Il fallait mettre les gêneurs à la porte et employer la force au besoin. […] Jusqu’à nouvel ordre, il n’y a pas deux manières de mettre les enfants au monde. […] Les mettra-t-on en nourrice ?

1523. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Plus tard il y mit un correctif qui la restitue d’une manière définitive. […] Encore une fois, Vinet doit être mis hors de cause. […] Mettons-la ici, n’ayant pas su la mettre ailleurs. […] Ainsi, j’ai mis en relief, après M.  […] Mets-toi là, à genoux, comme au temps où tu m’adorais.

1524. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXIV » pp. 95-96

Théodore Burette avait écrit à Eugène Sue une lettre, reproduire en tête de la seconde édition des Mystères de Paris, dans laquelle il disait : « Toutes ces atrocités, toutes ces misères, dont vous vous êtes fait l’historien-poëte, ont frappé nos législateurs ; et si Jean-Jacques Rousseau a mis en baisse le lait des nourrices, vous mettrez en hausse les lois les plus simples de la justice et de l’humanité… Si l’on crée des charges d’avocat du pauvre, à bon droit vous devez être bâtonnier. » — La Démocratie pacifique ajoutait à cette lettre en la reproduisant : « Nous voyons avec plaisir un professeur de l’Université prendre honorablement la défense du livre de M.

1525. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Ajalbert, Jean (1863-1947) »

— Ce sont des choses qu’il faudrait mettre en poésie, me dites-vous. Et vous les y avez mises avec votre obstination de montagnard auvergnat qui n’économise pas les belles rimes.

1526. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 222-224

C’est la Chienne de la Fable, qui demande en suppliante un logement pour mettre bas ses petits, & chasse le propriétaire, dès que ses petits sont devenus assez forts pour soutenir son usurpation. […] On peut juger cependant de leur tolérance pratique, par les manœuvres qu’ils mettent en usage contre ceux qui les attaquent ou ne les estiment pas.

1527. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 171-172

Une lecture plus réfléchie nous a mis depuis à portée de juger que l'Auteur n'a presque jamais puisé dans les sources, & qu'il ne les cite que parce qu'elles se trouvent citées dans les Ouvrages qu'il copie servilement. S'il lui arrive quelquefois d'ajouter quelque chose aux Auteurs qu'il met à contribution, ce sont ordinairement des erreurs ou des absurdités qui décelent à la fois l'ignorance, la platitude, & un défaut de jugement.

1528. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 424-425

La Philosophie du Siecle y est mise en action & ridiculisée par une apologie ironique de ses principes les plus dangereux, fidélement puisés dans les écrits de ses Apôtres. […] Il faut sur-tout renvoyer nos ingénieux Mécréans à celle d'un prétendu Militaire à un jeune Impie, placée à la fin de l'Ouvrage, pour les mettre à portée de juger sainement du cas qu'on doit faire de la déplorable gloire attachée à la Philosophie.

1529. (1886) Le naturalisme

Mettre en parallèle Rabelais avec Cervantès, c’est comparer Lucien de Samosate à Homère. […] L’indifférence générale met de côté leurs œuvres, sinon leurs noms. […] Il se mettait dans les yeux l’azur du saphir, le sang du rubis, l’orient de la perle, l’eau du diamant. […] Au lieu de dépenser dans un gai et poétique far niente le capital acquis, il se mit au travail avec plus d’ardeur que jamais. […] Parfois, dans ses bosquets andalous, brillent ces soleils du Midi, que Fortuny mit dans ses tableaux.

1530. (1940) Quatre études pp. -154

On les mettait en prison, on les exilait : loin de se taire, ils reprenaient leur chant, plus âpre et plus fort. […] Au moment où l’on croyait qu’il allait exprimer sa peine essentielle, il quittait la partie, détournait la tête, et se mettait à sourire. […] Et je ne parle pas des odes dans lesquelles Boileau s’est évertué à mettre quelque désordre, estimant que le genre comportait cette pénible nécessité. […] Et il avait mis dans quatre petits livres d’élégies les résultats de ce long effort : quatre livres d’élégies, qu’heureusement il a brûlés. […] Elle a mis pour ainsi dire en évidence cette gradation admirable que quelques-uns avaient aperçue dans les productions naturelles.

1531. (1902) La poésie nouvelle

Ils se mettent, du mieux qu’ils peuvent, dans l’état d’esprit du savant en présence de la Nature. […] Ils se sont installés et mis à leur aise dans le monde miraculeux, sans plus s’en étonner. […] Elle le mit au collège, rêva pour lui des succès scolaires. […] Il se mit à toutes les besognes, devint ingénieur, maçon, architecte, géologue aussi bien que commerçant. […] La culture bénie de l’avenir est la déculture, la mise en jachère.

1532. (1813) Réflexions sur le suicide

L’influence de la vérité sur le public est telle qu’il suffit d’attendre pour être mis à sa place. […] L’homme social met trop d’importance au tissu de circonstances dont se compose son histoire personnelle. […] Pourquoi vous mettez-vous en souci de vos vêtements ? […] Quand on dit que la raison est inconciliable avec l’enthousiasme, c’est parce qu’on met le calcul à la place de la raison, et la folie à la place de l’enthousiasme. […] Gigantesque vanité que celle qui nous met, pour ainsi dire, en dehors de notre espèce.

1533. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

» — « J’ai mis en eux l’aveugle Espérance. » Est-ce Prométhée seulement qui parle ainsi par la voix d’Eschyle ? […] C’est cette fable dramatisée qu’Eschyle met en scène, c’est comme victime de Zeus qu’il lance Io au pied du rocher où git le Titan. […] Son premier exploit, si délicieusement raconté par l’Hymne Homérique, met en scène le double phénomène qu’il personnifie. […] Elle lance vers l’avenir des traits d’une direction si étrange, qu’on dirait qu’ils mettront des siècles pour arriver à leur but. […] L’aigle, mis à une ration de clémence, ne venait plus que tous les trois jours déchirer la chair du patient.

1534. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Paris, la ville éternelle, non pas par les murailles qu’elle a bâties, mais par les poèmes qu’elle a mis au jour ! […] Il était l’héritier des grandes découvertes du xvie  siècle et il mit à profit ce vaste héritage ! […] Adieu surtout à cette comédie plus légère, qui s’est mise à relever quelque peu sa robe élégante pour marcher, sur les traces de la grande comédie. […] Alors la voilà qui se met à entrer dans l’interminable jaserie du Jeu de l’amour et du hasard. […] Mais mademoiselle Mars se mit à les calmer l’un et l’autre.

1535. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

S’enfuir de l’erreur et revenir à la vérité ; cesser toute relation avec ce grand corps rongé par la lèpre de l’orgueil et du mensonge ; se mettre en rapport direct avec la divinité, désormais absente de sa primitive Église. […] De son côté, l’épiscopat mit les armes aux mains du peuple et de la noblesse. […] La noblesse ambitieuse et turbulente qui se mit à leur tête, avide de puissance et mue par le seul espoir d’une revanche contre l’État qui lui enlevait une à une ses prérogatives, ne convenait en rien69. Leur cause, toute bonne qu’elle fut, était perdue d’avance et la mort de vingt mille protestants à La Rochelle, qu’affama le despote Richelieu, mit fin à leur résistance. […] Mettez en parallèle La Bruyère et Bossuet qui écrivirent à la même époque, et dites-moi si la lecture du second ne vous paraît pas insupportable après celle du premier.

1536. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Cette gloire-là est, à mes yeux, toute pareille à celle du convive intrépide qui jouit lui-même de la fête et met en train les autres. […] Rien donc ne manqua, ni au collége, ni au logis, pour mettre en jeu des facultés naturelles si vives dès le premier jour. […] La série des Cadet Buteux est une autre branche dramatique de la chanson de Désaugiers ; il met sur le compte de ce batelier de la Râpée la plupart de ses parodies des pièces célèbres d’alors, telles que la Vestale, les Deux Gendres, les Danaïdes. […] Mets-nous en train, bien en train, tous en train, Et rends enfin au Vaudeville Ses grelots et son tambourin. […] — Le soir, en rentrant du théâtre, à minuit, il se mettait à lire les pièces présentées, avant de les faire lire au comité.

1537. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

… » Elle me rappela alors nos projets de retraite à la campagne, dont nous nous étions quelquefois entretenus, et se mit à pleurer ! […] Charmés d’y trouver deux chambres passablement arrangées et dans l’une desquelles on avait préparé le couvert, nous nous mîmes à table ; le lendemain, réveillé au bruit des marteaux et des chants, je vis le soleil se lever avec moins de soucis que le maître des Tuileries. […] Il avait tenté, en 1822, de mettre en loterie sa retraite de la Vallée-aux-Loups ; les ministres d’alors, quoique ses ennemis, n’avaient pas osé lui en refuser l’autorisation nécessaire ; mais on ne connaissait pas, en ce temps-là, la puissance des capitaux divisés pour former de grosses sommes : c’est la pluie dont les gouttes forment les rivières. […] « Mettez sur le compte de mon exactitude ce qui est l’effet de mes sentiments, c’est votre coutume d’être injuste. […] Comme pensée, il peut rivaliser avec avantage les premières grandeurs littéraires de la langue : Bossuet, né dans des circonstances plus simples, n’eut pas plus de solennité, il n’eut qu’à se mettre au service d’une religion sans doutes et d’une monarchie sans limites ; il fut le courtisan de Dieu et du roi.

1538. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

Il nous a paru intéressant de mettre ensemble celles des partisans des prix, et puis celles des adversaires. […] Aux écrivains de provoquer pratiquement la suppression de tout cela par une mise en quarantaine. […] Que tant de gens qui écrivent se mettent donc à travailler comme tout le monde, à travailler consciencieusement dans les métiers, les industries, le commerce, les administrations. […] Ce serait au public à le dégager ; et je me permets de vous renvoyer à ce sujet, à la préface si curieuse que Gœthe mit au Neveu de Rameau, quand il le présenta à ses compatriotes, vers 1808, je crois. […] Avec ces moyens d’agir, on ne juge pas, on tire au sort lorsque, brusquement, on est mis en demeure de dire blanc ou noir.

1539. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

Les sentiments élevés, les hautes vertus que la poésie, l’éloquence et l’histoire se plaisent à mettre sous nos yeux, ne peuvent pas être pour nous un vain spectacle. […] Nous aurons mis d’accord notre sentiment et notre raison ; nous aurons formé notre goût. […] On a peine à comprendre la négligence qu’on met à s’occuper d’un art qui est la source des succès dans le monde, et sans lequel se trouvent presque perdues les plus nobles qualités du cœur et de l’esprit. […] Toute mon ambition est de vous mettre sur la voie, comme le pilote qui aide le navire à sortir du port, et le laisse ensuite voguer de lui-même dans l’immensité. […] « On ne met aujourd’hui de prix qu’à l’art d’écrire ; « Et parmi nos quarante, on a beau les compter, « Il n’est pas trois lecteurs que je pourrais citer.

1540. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

  Pour donner un aperçu de la transformation des épisodes et de leur élargissement, prenons celui de la mise en gage et du rachat de Freia dans Rheingold. […] » Les Ases remplissent d’or la peau-delà loutre, mise debout sur ses pieds de derrière. […] Samuel se hasarda à mettre au programme une œuvre de Wagner et, cependant, rien ne faisait craindre que l’opposition dût se manifester, comme à Paris, d’une manière ostensible. […] Guillaume se mit à l’œuvre en commençant par Rienzi, la partition la plus conforme aux habitudes du public, à cette époque. […] Jullien vient de publier sur Richard Wagner est surtout précieux par les détails qu’on ne trouve réunis nulle part ailleurs en une telle abondance et par le soin minutieux que l’auteur a mis à s’assurer de l’exactitude des faits matériels qu’il avance.

1541. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Charles Edmond arrive, mis en retard par le long discours de Clemenceau. […] Il se voyait dans une chambre entouré de petites filles ; et de la cheminée sortait une vieille femme, une vieille fée, qui avait un piment, tout rouge dans sa bouche, sans doute pour faire croire à du feu, à de la flamme, et la vieille qui était une fillette, travestie, se faisait amener le petit poltron, et lui mettait des bonbons dans la main. […] Cet homme est un charmant bavard, bavard littéraire, et je ne sais comment, au lieu de me faire une conférence musicale sur la Lucia, il s’est mis à me parler de son enfance. […] À ce propos, elle dit : « Oui, j’ai eu un teint particulier, extraordinaire : Je me rappelle qu’en Suisse, à quatorze ans, on me mettait sur la joue une feuille de rose de Bengale, et qu’il était impossible d’en voir la différence ». […] C’est curieux cette figure de la tata, de cette vieille dévouée, qui avait douze cents francs de rente, et qui s’était faite domestique de son neveu, et ne voulait personne pour l’aider dans ce service, où elle mettait une adoration jalouse.

1542. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Beaucoup d’expositions de nos tragédies ressemblent bien moins à une partie de l’action qu’à des prologues des anciens, où un comédien venait mettre le spectateur au fait de l’action qu’on allait lui représenter, en lui racontant franchement les aventures passées qui y donnaient lieu. […] On doit tâcher de mettre tout en action jusqu’à l’exposition. […] Si le poète ose débuter par une situation forte, il se mettra dans la nécessité de soutenir le ton qu’il aura pris, et son ouvrage y gagnera. […] La beauté de l’objet, la honte de changer, Le succès incertain, l’infaillible danger, Tout met à ces projets d’invincibles obstacles. […] Par exemple, il ne serait pas vraisemblable qu’un général d’armée venant de prendre par force une ville importante, se trouvât seul dans la grande place ; et, par conséquent, si l’on mettait un monologue en la bouche de ce personnage, on ferait une chose ridicule.

1543. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

On ne met pas le bien dans un plateau, le mal dans un autre, et la vie morale n’est pas une affaire de balance. […] Victor Hugo mettait à la première page de son plus célèbre roman : mais, fanatisme de conviction ou enfantillage d’impertinence pour nous autres les providentiels, M.  […] Tous les deux ont cassé la boussole du Socialisme contemporain et l’ont mis dans cette position ridicule de chercher le vent et de ne plus savoir comment naviguer. […] Ce poète dans l’abstraction répand sur les faits un tel prisme, qu’on croirait presque qu’elle appartient aux faits, cette lumière, qu’il n’y trouve pas et qu’il y met ! […] Ferrari rappelle parfois dans la sienne, — et enfin, l’imagination qui colore toutes ces abstractions et leur met l’illusion dernière, il fallait une de ses puissances avec laquelle on en ferait aisément plusieurs.

1544. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 371-373

Il est vrai qu’on n’y trouve rien, ou presque rien de neuf ; mais c’est beaucoup de s’attacher aux vérités connues, de les développer & de les mettre à la portée de tous les Esprits. […] La sagesse de la conduite dépend presque entiérement de la connoissance de soi-même : il indique les moyens de parvenir à cette connoissance, d’en tirer des fruits, & de soustraire son ame à la tyrannie des passions ; il met sous les yeux de la raison, les principes qui les éveillent, les alimens qui les fortifient, & les contre-poids qui peuvent les arrêter.

1545. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

Bernis y avait mis, plus encore que d’habitude, une profusion de fleurs, de bouquets, de guirlandes ; et là-dessus Voltaire l’appelait, en s’adressant à lui-même, la belle Babet, ou, en parlant à d’autres, la grosse Babet : c’était alors une bouquetière en vogue, une marchande de quatre saisons. […] Mais Boyer, chargé de la feuille des bénéfices, résistait aux instances des protecteurs, même les plus puissants, de Bernis ; il mettait une condition (qui d’ailleurs nous semble aujourd’hui assez raisonnable) aux grâces ecclésiastiques qu’on sollicitait pour lui : il exigeait que Bernis s’engageât sérieusement à son état, qu’il cessât d’être abbé seulement de nom, et qu’il devînt un prêtre. […] Quant à des places politiques meilleures, il est convenu entre les deux amis que le mieux est de ne rien presser ; le mot d’ordre est celui-ci : « À l’égard des places, il faut savoir lever le siège quand elles se défendent trop longtemps. » Bernis a là-dessus une tactique constante, une voie douce et par insinuation : « Ne pas prendre les places d’assaut et ne point refuser celles qui veulent se rendre d’elles-mêmes. » Enfin, le terme de l’apprentissage arrive, et Bernis, rappelé à Paris, se met en route à la fin d’avril 1755. […] Il ne méritait ni l’un ni l’autre. » Ce point important de l’histoire du xviiie  siècle ne sera complètement démontré et éclairci que lorsqu’un historien consciencieux aura été mis à même de travailler sur les papiers d’État, et qu’il les aura extraits dans toute leur suite : mais le sens général de la conclusion se peut prévoir et préjuger à l’avance. […] Pendant cette année si occupée, durant laquelle il met la main aux grandes affaires et qui précède son entrée au ministère (1756-1757), il n’est plus cet homme maladif et languissant de Venise qui a la goutte au genou, et dont la vie se traîne de fluxion en fluxion : il veille, il se prodigue dans le monde, il passe une partie des nuits à jouer, faisant semblant de s’y plaire, pour mieux cacher son autre jeu ; car il n’est pas ministre encore ; la négociation secrète qu’il mène se conduit en dehors du cabinet, et ceux qui sont en place le surveillent : au milieu de tous ces soins, il ne s’est jamais mieux porté.

1546. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

La première ode de Malherbe qui le mit en vue fut celle qu’il présenta, étant à Aix en 1600, à Marie de Médicis, la jeune reine qui venait prendre possession du trône : Peuples, qu’on mette sur la tête Tout ce que la terre a de fleurs… André Chénier, commentateur excellent, a remarqué les beautés rares, et à cette date toutes neuves, de cette ode qui aujourd’hui frappe bien plutôt le lecteur par ses côtés exagérés et faux. […] On mettrait au premier rang quelques morceaux que le poète n’a point achevés, tels que le fragment Aux mânes de Damon où se trouve cette belle stance sur l’Orne et ses campagnes, le seul endroit où il ait exprimé avec vérité et largeur le sentiment de la nature champêtre. […] Elle trouvait un honnête homme et sensé, et qui, s’il ne lui donna pas tous les agréments, la mit désormais hors d’état de déchoir et l’ennoblit. […] S’il dit les choses avec moins de particularité qu’Horace, il ne les rend pas avec moins de naturel ; car, en admettant que (les derniers vers exceptés) il n’y ait point d’ironie proprement dite dans le courant de l’ode d’Horace, on ne peut s’empêcher de remarquer qu’Alfius, ce soudain amateur des champs, se complaît fort, au milieu de son vœu frugal, à nommer les huîtres et les poissons du lac Lucrin, auxquels il déclare renoncer ; il y parle en détail des mets rares, des gelinottes, faisans ou autres oiseaux recherchés, auxquels il se promet désormais de préférer la mauve et l’olive. […] Tout au contraire de Racan, il se tourmente et se consume autant que l’autre se distrayait aisément et s’oubliait : « Je suis venu trop tôt ou trop tard au monde, s’écriait-il ; tout autre siècle que celui-ci eût rougi de me laisser vieillir dans le village. » Sa plus grande crainte est de passer pour gascon et pour avoir des gasconismes dans son langage ; il est le premier à demander grâce et à s’excuser de ses rudesses ; mais, si on le prend au mot et qu’on paraisse lui en trouver en effet, il prétend aussitôt qu’il n’en a pas, et il met au défi toute l’Académie pour la politesse de la diction et l’exactitude.

1547. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Ce mémoire, qui n’a pas été mis en vente, mais qui a été donné et distribué en toute bonne grâce, est devenu comme le signal de ce mouvement de retour au xviie  siècle qui n’a fait que s’accroître et se développer depuis. […] Non ; l’homme, sans cesse agité par de nouveaux besoins, de nouvelles crises, oubliant celles qui l’ont autrefois le plus mis à la gêne, oublie avec elles les remèdes et le médecin. […] Il a été donné à Roederer de faire les deux parts et de mettre également la main au nivellement hardi et à la correction, à la réparation organisatrice. […] Roederer, dans les premiers mois de son administration, s’appliqua d’abord, comme eût pu le faire en temps régulier un bon préfet de la Seine, à établir et à mettre en pratique le nouveau système de contributions qu’il avait si activement travaillé à introduire. […] Caché après le 10 Août jusqu’à ce qu’on eût levé le scellé mis sur ses papiers, il resta quelque temps en prudence et ne se montra point.

1548. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

Un mal d’yeux interrompit quelque temps ses études ; il fut mis ensuite à l’école de Westminster, où il eut pour amis des condisciples distingués qui se firent connaître depuis ; il y resta jusqu’à dix-huit ans. […] Si cette rhétorique ne lui réussissait pas assez vite, il se mettait à prendre le pan de mon habit entre ses dents et à le tirer de toute sa force. […] Mais avant la fin de l’année, j’eus occasion de m’émerveiller du progrès qu’on peut faire en dépit de l’insuffisance naturelle et par la seule opiniâtreté de la pratique ; car j’en vins à produire trois paysages qu’une dame jugea dignes d’être encadrés et mis sous verre. […] Pour avoir élevé deux ou trois petits arbres verts, l’ambition me prit d’avoir une serre, et en conséquence je me mis à en bâtir une. […] Aussitôt s’abattant du sommet de l’aubépine, il pensa à le mettre dans son gosier.

1549. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

La douairière fut annoncée comme princesse de Stolberg ; elle était très bien mise et pas du tout embarrassée. […] On a quelques témoignages directs de sa vie, à elle, par des lettres qu’elle écrivait en ces années, et dont MM. de Goncourt ont donné des extraits96 : « C’est un grand plaisir, disait-elle (décembre 1802), que de passer son temps à parcourir les différentes idées et opinions de ceux qui ont pris la peine de les mettre sur le papier. […] Il a donné le texte : on n’y met plus que les variantes. […] Puisque le temps continuait d’aller et les années de courir, elle avait dû y pourvoir en personne sensée, et il lui avait bien fallu, elle-même, mettre une rallonge à sa vie ; mais la sensibilité n’a qu’un âge, et ce qui est passé, ce qui est perdu et véritablement irréparable, ne se recommence pas. […] Il y a mis sans nécessité, ce me semble, quelques taches et trop d’ombres.

1550. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Quand on fait tant que d’offrir un présent, il coûte si peu d’y mettre la façon61. […] D’autres pourront trouver, en lisant ces lettres, que Marie-Thérèse est bien minutieuse pour une si grande reine dont les actions appartiennent à l’histoire ; qu’elle entre ici dans de bien minces détails ; qu’elle traite la dauphine, et bientôt la jeune reine de France, comme elle ferait une petite fille à peine sortie de pension : pour moi, je suis frappé du caractère sensé, à la fois maternel et royal, de ses conseils, de la perspicacité qui, de loin, lui fait deviner le point faible et mettre le doigt sur ce qui a perdu en effet Marie-Antoinette dans l’opinion : l’esprit de dissipation et de frivolité, le favoritisme et le goût des coteries. […] Ce défaut, ma chère fille, dans une princesse, n’est pas léger ; il entraîne après soi, pour faire la cour, tous les courtisans, ordinairement gens désœuvrés et les moins estimables dans l’État, et éloigne les honnêtes gens, ne voulant se laisser mettre en ridicule, ou s’exposer à se devoir fâcher, et à la fin on ne reste qu’avec mauvaise compagnie, qui entraîne peu à peu dans tous les vices… Ne gâtez pas ce fonds de tendresse et de bonté que vous avez. (17 août 1774.) » Et encore, — car cette morale générale n’est nullement en l’air et ne vient qu’à propos de rapports très-particuliers : « Ne prenez pas pour humeur ou gronderie ce que je vous ai marqué ; prenez-le pour la plus grande preuve de ma tendresse et de l’intérêt que je prends à vous, de vous marquer tout ceci avec tant d’énergie ; mais je vous vois dans un grand assujettissement, et vous avez besoin qu’on vous en tire au plus vite et avec force, si l’on peut encore espérer de l’amendement. […] (31 octobre 1774.) » Et cinq ans après, quand Marie-Antoinette est reine, dans une lettre à l’abbé de Vermond, Marie-Thérèse laisse échapper ce même mot de sinistre augure et qui s’est trouvé trop prophétique : « Je suis bien touchée de vos services et attachement qui n’ont pas d’exemple ; mais je le suis aussi de l’état de ma fille, qui court à grands pas à sa perte, étant entourée de bas flatteurs qui la poussent pour leurs propres intérêts (1776). » Et pour le dire en passant, cet abbé de Vermond, tant attaqué et incriminé dans tous les mémoires du temps et toutes les histoires de Marie-Antoinette, se relève un peu, dans cette Correspondance, par l’estime constante et la confiance absolue que lui témoigne Marie-Thérèse : c’est là aussi un suffrage qui compte et qui vaut bien qu’on le mette en balance avec celui de Mme Campan. […] On nous épluche trop pour ne pas être toujours sur ses gardes. (2 juin 1775.) » A propos de parure, il y a une histoire de bracelets qui préoccupe avec raison la très-sage souveraine : « Toutes les nouvelles de Paris annoncent que vous avez fait un achat de bracelets de 250 mille livres ; que, pour cet effet, vous avez dérangé vos finances et vous êtes chargée de dettes, et que vous avez, pour y remédier, donné de vos diamants à très-bas prix ; on suppose après que vous entraînez le roi à tant de profusions inutiles, qui depuis quelque temps augmentent de nouveau et mettent l’État dans la détresse où il se trouve.

1551. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Il préparait lentement les matériaux de l’ouvrage qu’il faisait en commun avec son frère, la Tradition de l’Église sur l’institution des Évêques ; il en amassait les textes et les mettait en ordre ou les compilait. […] Je n’ai pas mis le pied sur le Perron (la chaussée de l’étang à la Chesnaie) : c’est qu’il va bien loin aussi ! […] C’est la question qu’il roule et agite en son esprit durant ces années et qu’il mit bien du temps à résoudre. […] Certainement je ne veux pas profaner la mémoire d’un saint par une comparaison odieuse ; mais, avec toutes les différences et les modifications qu’on doit y mettre, je ne pourrais souvent mieux peindre mon état qu’en répétant ce qu’il disait de lui-même ; seulement il faudrait rembrunir un peu les couleurs. […] La Mennais a mis à peine le pied sur la grande scène, qu’il conçoit l’idée d’un rôle bien différent, d’une action publique à exercer sur l’opinion, et il essaye d’y associer son aîné.

1552. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Qu’il ait pu y avoir, durant ces derniers temps, en d’autres branches d’étude et de culture, d’autres productions qui fassent honneur à l’époque et qui lui seront comptées un jour, je suis loin de le vouloir contester ; mais, à ne consulter que l’époque elle-même et son impression purement présente, ces deux accidents sont les seuls qui, dans l’ordre de poésie, aient mis les imaginations en émoi et qui aient vivement piqué l’attention publique. […] Le folliculaire surtout était mis à sa place ; les honnêtes gens gardaient le devant et le dessus. […] Ils se sont mis tout d’abord sur le pied de ces chanteurs que la grosse musique fatigue et qui se cassent la voix. […] on les découpe, on les met en lots. […] L’espèce de halte qui dure depuis plusieurs années met naturellement un intervalle, une distance commode, entre les premiers groupes et ce que l’avenir réserve.

1553. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

A mesure qu’il se développe et se déploie davantage aux yeux des autres, il perd en lui-même ; quand tout le monde se met à l’apprécier, il est déjà moins ; quelquefois (chose horrible à dire !) […] J’ai mis pour inscription : Portrait de Sophie. […] Mais, avant d’être coulé près d’elle, il avait su s’en faire aimer, et rien ne prouverait mieux au besoin qu’il n’y a dans l’amour que ce qu’on y met, et que l’objet de la flamme n’y est presque en réalité pour rien. […] Je l’estime au-dessus du commun des hommes, et surtout de ceux de son âge ; mais ce n’est plus une idole de perfection, ce n’est plus le premier de l’espèce, enfin ce n’est plus mon amant : c’est tout dire. » Ces quelques passages des lettres, mis en regard de certaines pages des Mémoires, sont une leçon piquante sur le faux jour des perspectives du cœur. […] Elle n’est pas encore arrivée à discerner l’un d’avec l’autre : elle en est encore à la confusion du goût ; en style aussi, elle n’a pas encore mis à sa place tout ce qui n’est que du La Blancherie.

1554. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Dans l’état actuel de la science, et surtout des sciences philologiques, les travaux les plus utiles sont ceux qui mettent au jour de nouvelles sources originales. […] Présentez ces histoires à chacun des hommes spéciaux dans une des parties dont elles se composent, je mets en fait que chacun d’eux trouvera sa partie détestablement traitée. […] Les auteurs de monographies ne peuvent raisonnablement espérer de voir leurs travaux vivre dans leur propre forme ; les résultats qu’ils ont mis en circulation subiront de nombreuses transformations, une digestion, si j’ose le dire, et une assimilation intimes. […] Les encyclopédistes latins, Martien Capella, Boèce, Isodore de Séville, ne font guère que compiler des cahiers d’école et mettre bout à bout des données traditionnelles. […] Le grand art des recensions n’est plus comme du temps de Fréron, de juger du tout par la préface ; c’est maintenant d’après le titre qu’on se met à disserter à tort et à travers sur le même sujet que l’auteur.

1555. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

Les Égyptiens, qui exposaient sans doute l’origine de la querelle, et les Danaïdes qui mettaient en scène le meurtre des fils d’Égyptos, n’ont pas été conservés. […] Pour fonder sûrement cette jurisprudence du malheur, elle avait mis les Suppliants sous la protection du plus grand des dieux. […] C’est cette inviolabilité du malheur opposée aux revendications de la force qu’Eschyle met en scène dans les Suppliantes ; c’est elle qu’il offre en exemple à la Grèce, dans une légende mémorable rattachée à ses plus hautes origines. […] Que Zeus, en toute saison, féconde la terre ; que les troupeaux mettent bas d’innombrables petits dans les pâturages !  […] Eschyle y a mis des milliers de voix, des plaintes innombrables ; celles des enfants ravis, des femmes enlevées sur les côtes si exposées de l’Hellade.

1556. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Mais bientôt le sentiment de vérité l’emporte ; elle est saisie ; elle est désespérée que Walpole ne soit pas là près d’elle pour jouir de cette incomparable lecture : « Vous y auriez des plaisirs infinis, lui écrit-elle coup sur coup de Saint-Simon, des plaisirs indicibles ; il vous mettrait hors de vous. » Voilà le vrai et l’effet que font ces Mémoires à tous ceux qui les lisent avec continuité ; ils vous mettent hors de vous, et vous transportent bon gré mal gré au milieu des personnages et des scènes vivantes qu’ils retracent. […] Aussi, lorsque plus tard, dans la retraite, il mit la dernière main et donna la dernière forme à ses Mémoires, ce fut sur des pièces précises et sur des minutes de chaque jour qu’il travailla. […] Mais il y a, pour ces derniers, une autre manière bien autrement vraie de saisir les gens et les personnages en scène, de les fouiller et de les sonder quoi qu’ils en aient, de les mettre à jour et de les démasquer impitoyablement. […] Après avoir mis assez adroitement le Saint-Esprit de son côté, puisque le Saint-Esprit lui-même n’a pas dédaigné de dicter les premières histoires, il en conclut qu’il est permis de regarder autour de soi, d’avoir pour soi-même cette charité bien ordonnée qui consiste à ne pas rester, en présence des intrigants, à l’état d’aveugles, d’hébétés et de dupes continuelles : « Les mauvais qui, dans ce monde, ont déjà tant d’avantages sur les bons, en auraient un autre bien étrange contre eux s’il n’était pas permis aux bons de les discerner, de les connaître, par conséquent de s’en garer… » Enfin, la charité, qui impose tant d’obligations, ne saurait imposer « celle de ne pas voir les choses et les gens tels qu’ils sont ». […] Saint-Simon, au premier bruit de la rechute et de l’agonie, court donc chez la duchesse de Bourgogne, et y trouve tout Versailles rassemblé, les dames à demi habillées, les portes ouvertes, un pêle-mêle confus, et une des occasions les plus belles qu’il ait jamais rencontrées de lire à livre ouvert dans les physionomies des acteurs : « Ce spectacle, dit-il, attira toute l’attention que j’y pus donner parmi les divers mouvements de mon âme. » Et il se met à exercer sa faculté de dissection et d’analyse sur chaque visage en particulier, en commençant par les deux fils du moribond, par leurs épouses, et ainsi par degrés sur tous les intéressés : Tous les assistants, dit-il avec une jubilation de curieux qui ne se peut contenir, étaient des personnages vraiment expressifs ; il ne fallait qu’avoir des yeux, sans aucune connaissance de la Cour, pour distinguer les intérêts peints sur les visages, ou le néant de ceux qui n’étaient de rien ; ceux-ci tranquilles à eux-mêmes, les autres pénétrés de douleur, ou de gravité et d’attention sur eux-mêmes pour cacher leur élargissement et leur joie.

1557. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Le Brun, qui avait dans le talent des côtés grandioses, et de qui l’instinct lyrique cherchait partout autour de lui des sujets, saisit avidement celui qui lui permettait d’évoquer l’Ombre de Corneille, et de la mettre en face de Voltaire. […] Les troubadours du Midi sortaient chaque année avec le printemps, et faisaient leur tournée dans les châteaux, accompagnés de quelques jongleurs ou musiciens qui les aidaient à mettre en action leur gai savoir. […] Il sera toujours difficile de répondre à ce genre de plaisanterie, et même de n’y pas prendre part, lorsqu’on relit de sang-froid les odes, même célèbres, des modernes, où il entre tant d’emphase, de grands mots, d’images fastueuses, eu disproportion avec la réalité, et où il faut, pour se mettre au ton, imiter tout d’abord, en les récitant, ce qu’on a appelé le mugissement lyrique. […] Il y ramasse tous les exemples mythologiques qui peuvent attiser sa colère : Méléagre, victime de son effroyable mère ; le frère de Médée, massacré et mis en lambeaux par sa sœur ; les époux des Danaïdes égorgés par leurs femmes, et il ajoute : Mais aucun d’eux n’a vu, dans ses derniers abois, Épouse, et mère, et sœur, le frapper à la fois. […] [NdA] L’éloge que Le Brun a fait de Robespierre se trouve dans un avant-propos en prose qu’il avait mis à son ode sur l’Être-Suprême, lorsqu’elle fut publiée pour la première fois.

1558. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

— La nature, disait-il encore, a mis dans l’âme et dans le caractère de celui qu’elle destine aux grandes actions une sorte de verve semblable à celle qui crée les chefs-d’œuvre ». […] Sa corruption à lui, toute décente, c’était qu’on le mît à même d’être vrai dans l’histoire et de louer dignement le passé. […] mettez-en quatre pour qu’elle fasse plus de bruit et plus d’effet. On en met quatre, et bientôt la pièce éclate au milieu de ceux qui l’ont chargée, sans faire le moindre mal à l’ennemi. […] Il lui était pénible d’écrire ; le souffle et les muscles lui manquaient, et son peu de force physique, il le mettait en entier dans son histoire.

1559. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Au fond, ce n’est pas là grand chose pour moi, qui méprise les opinions collectives et toutes les espèces de rassemblements, — ceux des Instituts comme ceux de la rue, — mais, je suis forcé de le dire : le mérite du livre existe, quoique reconnu et même couronné… En publiant les Lettres et Dépêches de l’ambassade d’Espagne 54, Drumont est un des premiers à bénéficier de la levée de ces scellés incompréhensibles mis, pendant si longtemps, sur les papiers du duc de Saint-Simon par d’imbécilles gouvernements. […] Il leur a cloué les oreilles sur la grande porte de son Introduction, et comme il y en a, il faut le reconnaître, de plus longues les unes que les autres, il leur a mis, à toutes, des étiquettes pour qu’on pût apprécier les différences de leur longueur ! […] l’homme heureux enfin et vainqueur de la destinée, qui a mis la main sur son rêve et qui caresse sa chimère, qui maintenant n’est plus une chimère ! […] En coulant sur leur front, elle n’y mettait que le signe de la royauté, mais elle n’insinuait pas la vertu de la chasteté dans les cœurs. […] Par ce côté, l’homme de race restait pur dans les souillures de l’homme individuel… Tandis que les autres rois qui suivirent, Henri II, Charles IX, Henri IV, plus coupable encore, et Louis XIV, le plus coupable de tous, mirent jusque dans le sanctuaire de l’État toutes les couvées de leurs bâtards, et c’est de toutes ces honteuses couvées que Saint-Simon a raconté l’histoire jusque dans leurs dernières générations… Histoire effroyable, dont il a fait un argument et un exemple contre la légitimation des bâtards, doublement adultérins, de Louis XIV, la plus odieuse, la plus scandaleuse, la plus exécrable de toutes ces légitimations, et qu’il a écrite pour épouvanter de celle-là !

1560. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers »

Mais ici on a tout recherché et tout mis en ligne de compte pour expliquer le résultat. […] Ney, à peine arrivé et immédiatement mis à la tête de son corps d’armée, crut avoir, besoin de quelques heures pour se reconnaître, pour prendre idée des troupes qu’il commandait : la lenteur à attaquer dans la soirée du 15 pouvait se réparer aisément le lendemain. […] Mais ce que nous venons de mettre sur le compte de la fatalité ou de la force aveugle des choses commençait à se produire. […] Ney attendait donc pour agir le corps de Reille, et, sur son ordre pressant, il ne vit arriver en premier lieu que Reille lui-même en personne, dont les divisions ne se mirent en mouvement pour rejoindre qu’un peu plus tard, et dont les conseils prudents, les remarques à l’égard des Anglais et du caractère particulier de leurs troupes, ne laissaient pas de lui donner à penser.

1561. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

L’empire du chant, de la poésie naïve et primitive, n’eut jamais l’étendue et l’importance que jadis il obtint là-bas ; la vieille société antérieure y mettait obstacle ; la théologie, la grammaire, l’histoire, toute grossière qu’elle était, intervinrent au berceau, et entravèrent mainte fois les couplets de poésie par où s’essayaient les modernes instincts populaires. […] Mais, jusqu’à nos jours, l’esprit national, en ce qu’il a de plus vif et de plus essentiellement poétique, n’avait pas fait irruption encore dans la littérature que j’appellerai d’étude et d’art, ou, si l’on veut, cette littérature, sur le point essentiel et le plus saillant, n’était pas descendue à lui ; elle n’avait pas atteint juste à l’endroit le plus sonore ; la disposition chantante, l’humeur chansonnière n’avait jamais été grandement ni délicatement mise en jeu ; on l’avait laissée fredonner au hasard, courir par les goguettes ou sous le balcon du Mazarin, et s’abandonner, satirique ou bachique, à une irrégularité et à une bassesse qui, littérairement, semblaient sans conséquence. […] Une fois à cette hauteur, on peut tirer l’échelle ; il n’y a plus un coin de chanson vacante où mettre le pied. […] Quand Béranger dit que « le pouvoir est une cloche qui empêche ceux qui la mettent en branle d’entendre aucun son ; » et ailleurs « qu’il est des instants, pour une nation, où la meilleure musique est celle du tambour qui bat la charge ; » et encore, lorsqu’il compare les prétendus faiseurs de la révolution de Juillet à ces « greffiers de mairie qui se croiraient les pères des enfants dont ils n’ont que dressé l’acte de naissance ; » cela me paraît étonnamment rentrer dans le goût des locutions familières à Franklin.

1562. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

Sabbatier, a mise en tête du volume, ne nous paraissait trop singulière à bien des égards pour devoir être passée sous silence. […] Sabbatier mettent en avant à tout propos, Cabanis, Tracy, Garat, Ginguené, Daunou, Laromiguière, et quelques autres ; mais ces hommes n’étaient pas tous aussi unanimes que de loin, en les rangeant de front sur la même ligne, on voudrait nous le faire croire ; mais surtout ils n’ont pas eu de postérité littéraire et philosophique digne d’eux, et ceux qui se sont portés comme héritiers directs de leurs traditions les ont dès longtemps compromises en les rapetissant et en les outrant avec un véritable fanatisme. […] Sabbatier ne craint pas de s’exprimer : « Quant à l’ouvrage de M. de Barante, des considérations particulières avaient bien pu lui faire accorder une mention, mais ne pouvaient donner à personne l’idée de le mettre en parallèle avec un écrit de Victorin Fabre !  […] on ne saurait avoir même l’idée de mettre l’ouvrage très-distingué d’un homme d’esprit, qui pense, en parallèle avec un écrit de Victorin !

1563. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Appendice sur La Fontaine »

Irons-nous donc, à l’exemple de certains critiques, ranger La Fontaine parmi ces deux ou trois antiquaires de son temps, et mettre le bonhomme tout juste entre Ménage et La Monnoye, lesquels, comme on sait, tournaient si galamment les vers grecs et les offraient aux dames en guise de madrigaux ? […] Ainsi, le comte de Caylus, dès qu’il eut mis le nez dans les fabliaux, saisi d’un bel enthousiasme, crut y découvrir tout La Fontaine et tout Molière, et se plaignit amèrement du silence obstiné que ces illustres plagiaires avaient gardé sur leurs victimes. […] et quand on le lui aurait mis entre les mains, de quelle façon s’y fût-il pris pour le déchiffrer, même à grand renfort de besicles, comme disent Rabelais et Paul-Louis ? […] Louis XIV du moins, même avant sa réforme, voulait qu’on mît dans le désordre plus de mesure et de décorum.

1564. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

Le roi Carlos somme don Ruy Gomez de Silva de livrer son hôte, le bandit mis hors la loi et traqué de toutes parts. […] » Cette scène, qui saisit l’imagination à la lecture, se réduit à cette pensée : « Vous me demandez, Sire, de déshonorer le nom que mes aïeux m’ont transmis glorieux et pur. » À l’idée des aïeux, de la race, le poète s’est contenté de substituer celle des individus : il a mis les unités à la place du groupe. […] Quoiqu’il s’agisse de décrire, ce n’est pas en présence de la chose elle-même qu’il faut se mettre. […] On ne l’isole pas, mais on l’étudie comme le chimiste fait certains corps, dont il saisit seulement l’action sur d’autres corps qu’on met en leur présence.

1565. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens I) MM. Albert Wolff et Émile Blavet »

Et, plus souvent qu’on ne croirait, une fois mis en train, il leur arrive de se laisser prendre à ce travail forcé, de penser ce qu’ils écrivent et d’achever avec intérêt ce qu’ils avaient commencé avec ennui. […] Je vous assure que je ne mets dans ces critiques aucune espèce de pédanterie, rien de dédaigneux ni de suffisant. […] Vous mettez, je suppose, au commencement du premier : « Paris est la capitale de l’art. » Puis, vers le milieu du second : « Paris est véritablement la ville des artistes » Puis, quelque part dans le troisième : « Le centre de l’art est à Paris. » Et à la fin du quatrième : « Je ne crois pas trop m’avancer en affirmant que Paris est le foyer des arts. » Et dans l’intervalle de ces phrases, rien, des mots. […] Mais si je me mets à citer, je ne m’arrêterai plus.

1566. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

Comme la fable choisie n’est point la représentation d’une réalité rigoureusement limitée dans le temps et dans l’espace, on y peut mettre tout ce que le souvenir et l’imagination suggèrent de pittoresque et d’intéressant. […] Renan, c’est de lire d’une âme confiante ce qu’il écrit et de n’y point chercher plus de malice qu’il n’en a mis. […] Ainsi s’explique tout ce qui, dans ses livres, nous étonne et nous met en défiance, même en nous séduisant  Après avoir affirmé quelque grande vérité morale, insinue-t-il que le contraire serait possible, que cette affirmation n’est en somme qu’une espérance ? […] Ce grain de sel, il est toujours facile de voir où il l’a mis  Si la femme le préoccupe, s’il parle d’elle avec un mélange de dédain et d’adoration qui n’est qu’à lui, ces deux sentiments s’expliquent par son passé ecclésiastique et par la longue austérité de sa jeunesse : voudriez-vous qu’il abordât la femme avec la belle tranquillité de M. 

1567. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre V. Le théâtre des Gelosi (suite) » pp. 81-102

Tout en causant, la comédienne, qui s’appelait Vittoria, retira subtilement le portrait du médaillon et rendit le joyau au cavalier, puis elle mit fin à la visite. […] Ils mettent la main à leur épée. […] Enfin, s’emportant de plus en plus, elle s’élance sur lui et le met en fuite. […] Il se met à pleurer, se lamentant parce qu’il a perdu beaucoup d’argent au jeu de cartes.

1568. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

C’est donc pour mettre en paix sa conscience avec cet idéal lecteur et par honnêteté que le poète moderne prend la peine de se transformer en « esthète ». […] C’est qu’il restait, en effet, à étudier, à analyser le « corps social », à mettre en mouvement dans les œuvres littéraires les foules, qui sont toutes physiques, aussi bien dans l’unité de leur ensemble que dans leurs individus. […] Mis à part des génies tout puissants comme Pascal et Balzac qui reflétèrent dans le flot profond de leur pensée tout l’art et toute la vie, et des esprits infiniment subtils et délicieux comme Joubert et Stendhal qui se datèrent de l’avenir, tous nos grands ancêtres ont donc coopéré à cette vaste analyse humaine qu’enfin voilà conclue. […] Sans rien oublier des conquêtes naturalistes et romantiques, ceux qui viendront, pour mettre une âme dans un corps agissant, retourneront aux traditions spirituelles et classiques, avec cette importante nuance ; qu’ils sauront que le temps des idées générales est passé  Mais ici deux questions se dressent, une question de fond et une question de forme (comme on disait très jadis).

1569. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IX. Les disciples de Jésus. »

Quelques-unes étaient riches, et mettaient par leur fortune le jeune prophète en position de vivre sans exercer le métier qu’il avait professé jusqu’alors 431. […] Préoccupés d’une telle pensée, ils mirent en avant leur mère, Salomé, qui un jour prit Jésus à part et sollicita de lui les deux places d’honneur pour ses fils 462. […] La même rivalité semble poindre dans l’évangile de Jean, où l’on voit le narrateur déclarer sans cesse qu’il a été le « disciple chéri » auquel le maître en mourant a confié sa mère, et chercher systématiquement à se placer près de Simon Pierre, parfois à se mettre avant lui, dans des circonstances importantes où les évangélistes plus anciens l’avaient omis 464. […] Ces pauvres gens, mis au ban de la société, se voyaient entre eux.

1570. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIII, les Atrides. »

. — La cavale du champ de bataille de Leuctres, C’est l’histoire finale de la famille des Pélopides et des Atrides que l’Orestie met en scène. […] A Ténédos, au lieu de l’enfant prescrit pour le sacrifice, on immolait un veau nouveau-né auquel on mettait de petits souliers, avec l’idée naïve de tromper l’idole, et comme, dans un de nos contes, le cuisinier d’une ogresse lui sert un chevreau en place du petit prince qu’elle a demandé. […] Une autre condition de cette lutte était que chaque vaincu serait immédiatement mis à mort. […] C’est peut-être le seul mélodrame qu’ait commis la Grèce ; elle y a réussi avec la perfection qu’elle mettait en toute chose.

1571. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers populaire  »

Voici un antique sujet « à mettre en vers » : Héro et Léandre . […] Il court après tous les oiseaux qu’il trouve sur son chemin. — La mère alla à l’église, la fille se mit en chemin, jusqu’à ce que, au bord de l’eau, un pêcheur, le pêcheur de son père elle trouva. […] Va me porter cette lettre A ma mie qui est seulette… J’ai laissé tomber mon panier, Un beau monsieur l’a ramassé… Montagne et langage sont des assonances ; serpe et veste ; chèvre et mère ; souci, jalousie ; logis, famille ; mise, mille ; ville, fille ; noces, homme ; morte, folle ; gorge, rose ; œuf, pleut, etc. […] Qu’on mette ma fille dans la tour, Elle n’y verra jamais le jour.

1572. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface des « Burgraves » (1843) »

Montrer dans le burg les trois choses qu’il contenait : une forteresse, un palais, une caverne ; dans ce burg, ainsi ouvert dans toute sa réalité à l’œil étonné du spectateur, installer et faire vivre ensemble et de front quatre générations, l’aïeul, le père, le fils, le petit-fils ; faire de toute cette famille comme le symbole palpitant et complet de l’expiation ; mettre sur la tête de l’aïeul le crime de Caïn, dans le cœur du père les instincts de Nemrod, dans l’âme du fils les vices de Sardanapale ; et laisser entrevoir que le petit-fils pourra bien un jour commettre le crime tout à la fois par passion comme son bisaïeul, par férocité comme son aïeul, et par corruption comme son père ; montrer l’aïeul soumis à Dieu, et le père soumis à l’aïeul ; relever le premier par le repentir et le second par la piété filiale, de sorte que l’aïeul puisse être auguste et que le père puisse être grand, tandis que les deux générations qui les suivent, amoindries par leurs vices croissants, vont s’enfonçant de plus en plus dans les ténèbres. […] Faites, si vous le voulez, c’est le droit souverain du poëte, marcher dans vos drames des statues, faites-y ramper des tigres ; mais entre ces statues et ces tigres, mettez des hommes. […] Chaque jour cette foule sympathique et intelligente qui accourt si volontiers au glorieux théâtre de Corneille et de Molière, vient chercher dans cet ouvrage, non ce que l’auteur y a mis, mais ce qu’il a du moins tenté d’y mettre.

1573. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre II. Le dix-neuvième siècle »

Il a un continent à mettre au monde. […] Mettre Pélion sur Ossa, labeur d’enfants à côté de cette besogne de géants : mettre le droit sur la vérité. […] Le beau doit se mettre au service de l’honnête.

1574. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

Cet appel, écrit avec cette chaleur de stile que donne un juste ressentiment, mit le public dans les intérêts de l’auteur. […] Ils appellèrent de l’opinion qu’on vouloit en donner aux vers faits à sa louange, pour être mis au bas de son portrait, où il est représenté en lapon applattissant les pôles de la terre. […] On y met de niveau les vertus & les vices. […] Voici les meilleurs qu’on ait de lui : Trompeuse philosophie, Qui veux nous faire espérer Que, des peines de la vie, Tu sçauras nous délivrer, Tu proscris avec audace Les jeux, l’amour & le vin ; Que mets-tu donc à leur place ?

1575. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — La déclamation. » pp. 421-441

Ceux qui connoissent le jeu de M. de Voltaire, sçavent quelle ame, quelle force, quel enthousiasme il met dans son action, & quelle chaleur il demande également dans les autres. […] « Les peintres, observe-t-il, les sculpteurs, les poëtes, ne mettent point leurs noms aux ouvrages par lesquels ils ont commencé. […] Certains vieillards frémissent encore au souvenir de l’expression qu’il mit dans cette apostrophe au dieu des vengeances : Tirez votre glaive ** On a surtout présent Massillon. […] Pour l’être, il faut qu’en lisant on fasse tout sentir, qu’on ne mette personne dans le cas de mal juger, de trouver détestable à la représentation, ce qu’on a beaucoup applaudi à la lecture.

1576. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre II. Mademoiselle Mars a été toute la comédie de son temps » pp. 93-102

Ni le roman intime (feu le roman intime, faudrait-il dire), ni feu le drame moderne, toujours escortés de quelques héros mystérieux sans explication et sans nom, et tout noir, n’ont jamais préoccupé la curiosité et la sagacité du lecteur, autant que l’a fait ce bel Alceste, créé tout exprès et mis au monde par Molière, quand Molière voulut dire à tous et à chacun, enfin, les plus secrètes pensées de son esprit et de son cœur. […] Il y avait mis tous ses soins, toute sa patience et tout son bon sens. […] Le parterre s’était mis à adopter ce Baron comme le dernier confident des pensées du maître, et jusqu’à la fin de sa vie il l’entoura d’attentions et de respects. […] Or, le parterre de ce temps-là, sage et plein de réserve, trouvait très naturelle cette héroïque persévérance ; il applaudissait, de la façon la plus loyale et la plus sincère son unique comédien ; seulement, un jour que ce jeune homme de quatre-vingts ans était aux pieds de sa maîtresse, et comme ses deux laquais tardaient à le venir relever, quelques étourdis du parterre se mirent à rire un peu trop haut.

1577. (1860) Ceci n’est pas un livre « Mosaïque » pp. 147-175

On met en présence le bourreau et la victime. […] Les directeurs le savent bien ; aussi exigent-ils que tous les jeunes auteurs qui débutent en mettent une, et quelquefois deux ! […] interrompit une d’elles, je n’oserai jamais me montrer en compagnie d’un pareil individu : il est toujours mis comme une révolution !!! […] Il se met en position et en devoir d’écorcher une ouverture de Rossini  : ce qu’il fait avec toute l’énergie que lui laissent ses cheveux blancs.

1578. (1824) Notice sur la vie et les écrits de Chamfort pp. -

Son cœur et son esprit étaient remplis de sentiments républicains ; il applaudissait au décret qui supprimait les pensions ; et pourtant toute sa fortune était en pensions, il les remplaça par le travail ; et le Mercure de France s’enrichit de la nécessité dans laquelle on le mettait encore une fois, de se faire une ressource de sa plume. […] Plus d’un orateur, dans l’assemblée constituante, mit à contribution son talent et son patriotisme. […] Étonné de vivre et résolu de mourir, il saisit un rasoir, essaie de se couper la gorge, y revient à plusieurs reprises, et se met les chairs en lambeaux ; l’impuissance de sa main ne change rien aux résolutions de son âme ; il se porte plusieurs coups vers le cœur, et commençant à défaillir, il tâche par un dernier effort de se couper les deux jarrets, et de s’ouvrir les veines. […] Il avait pris, dans les réunions politiques et dans les clubs, l’habitude de parler haut, de soutenir son opinion à outrance, et de mettre la violence de la dispute à la place de cette discussion polie et spirituelle dont lui-même avait été le parfait modèle.

1579. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre III. Besoin d’institutions nouvelles » pp. 67-85

Ainsi les artistes anciens mettaient sur tous leurs ouvrages, à la suite de leurs noms, le verbe faisait, pour exprimer, ou que l’homme ne sait point finir, ou qu’il est toujours surpris par la mort. […] On a mis mal à propos dans la confidence ceux qui devaient ignorer à jamais que le corps social était arrivé à un âge de crise. […] Ainsi donc, et c’est ce que j’espère faire sentir plutôt que prouver ; ainsi donc, lorsque l’homme veut hâter, par la violence, cette marche naturellement lente, aussi bien que lorsqu’il veut y apporter des délais et des obstacles, il met toujours la société en péril : il ne faut pas cesser de répéter cette vérité, sous toutes les formes ; il faut, s’il est permis de parler ainsi, en lasser les peuples et les gouvernements jusqu’à ce que la crise actuelle soit passée. […] La société doit être mise de nouveau sous la protection des sentiments religieux, qui heureusement ont survécu, et qui doivent servir à rallier tous les sentiments sociaux.

1580. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte du Verger de Saint-Thomas »

… Il n’a mis en tête de son livre aucun prolégomène philosophique sur la légitimité ou l’illégitimité du duel. […] Il faut bien en convenir, quelque horreur qu’il inspire à présent, le christianisme a mis dans le monde ce qui n’y était pas, c’est-à-dire des âmes. […] Le point d’honneur devint tout l’honneur ; — et, pour peu qu’un homme mit bravement sa vie au bout d’une épée, il avait assez d’honneur comme cela… Ce n’était pourtant pas assez, en réalité, pour qui pense ; mais c’était l’illusion d’une race si profondément militaire qu’à ses yeux la magie du combat et d’un duel brillant couvre tout encore, fait trembler le châtiment sur la tête du coupable et empêche le mépris, même mérité ! […] Seulement, frottée par les journaux, cette bague au doigt d’un duel reluit, et on veut l’y mettre !

1581. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le roi René »

Et que Lecoy de la Marche ne voie pas dans ce que je dis là rien de plus que ce que j’y mets. […] Lui seul, en effet, cet Urbain Legeay, — un obscur toute sa vie, mais qui est sorti, après sa mort, de son obscurité, pour entrer dans la lumière de son livre, — lui seul a enfin mis la dernière main à la notion intégrale de Louis XI, de ce roi immense, calomnié, rapetissé et caricaturé par de sottes histoires. […] Le hasard seul d’une trouvaille de bibliothèque, le bonheur de quelque carton à renseignements découvert, a pu lui faire mettre la main précisément sur ce sujet d’étude, si éloigné des préoccupations de ce temps, et travaillé, du reste, je le reconnais, avec une conscience qui devrait être du talent, pour sa peine, mais qui malheureusement ne l’est pas toujours… L’auteur de cette récente histoire du roi René l’a proprement nettoyée de tous les récits légendaires qui l’obstruaient, car la Légende s’était enroulée comme une liane autour de ce vieux chêne qu’elle avait fini par cacher. […] Duc de Bar et de Lorraine par héritage, René d’Anjou, qui ne mit jamais qu’un fantôme de couronne sur son casque, fut roi de Sicile et de Jérusalem ; mais, roi de Sicile titulaire, il n’y régna réellement que le temps qu’il y combattit, et ce nom de Jérusalem, qui sonnait encore si haut de son temps, ne fut autour de lui que le vain bruit d’un clairon qui, hélas !

1582. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes d’Amérique » pp. 95-110

L’amour effréné de l’argent a toujours été mis au ban de tous les mépris dans l’Histoire, et même dans l’opinion des nations robustes qui savaient le mieux le gagner. […] Dès le début de ce livre inouï, l’auteur, pour honorer les Américaines, se met tranquillement à les comparer à ces misérables prostituées de France, dont la lâcheté de nos mœurs a cru voiler élégamment l’ignominie en les appelant des lorettes : « Ce type, chez nous (la lorette), — dit-il, aux pages 8 et 9, — n’est que le modèle d’une catégorie féminine. […] On le bourre de toutes les connaissances positives qui mettent leur plomb sur les ailes fragiles de l’imagination et de la Rêverie, et c’est ainsi qu’on fait de ces jeunes filles les ravissants monstres d’orgueil et d’égoïsme matériel qui, à dix-huit ans, ne voient plus dans l’homme — dans l’homme, qu’on a la bêtise d’aimer en Europe, — autre chose « qu’un fait monnayé dont la valeur est nulle, s’il ne s’agit pas de la mettre en portefeuille (page 65). » Il est vrai que, pour le penseur vigoureux auquel nous avons affaire aujourd’hui, l’Orgueil est la plus haute des vertus, et l’Égoïsme matériel la plus haute des intelligences.

1583. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexandre de Humboldt »

C’était là ce que nous espérions, mais la lecture du livre a mis en déroute nos idées et nos espérances. […] D’injustice véritable, nous venons de montrer qu’il n’y en avait point ; et, d’ailleurs, tout s’arrange avec le temps, — le temps, ce grand Juste, qui finit toujours par mettre chacun à sa place. […] Travaux, livres, observations, mouvement d’idées, tout chez lui fut mis en branle par les voyages. […] Dans une époque qui pousse cet amour des faits jusqu’à préférer les plus petits aux plus gros, uniquement parce qu’ils sont les plus petits, — qui a mis je ne dis pas l’Histoire, mais l’historiette à la place de tout, qui dernièrement, en ses journaux, pour se dispenser d’avoir du talent, a inventé la Chronique, cette chose amusante, la chronique, chère au dilettantisme littéraire de messieurs les portiers, — n’est-il pas tout simple qu’Alexandre de Humboldt, le chroniqueur de la science du xixe  siècle, l’arpenteur du globe qui montre les mesures qu’il a prises, le voyageur qui a lu des voyages et qui en a fait, produise sur nous tous l’effet d’un Moïse, — d’un Moïse assez bon pour nous, qui ne descend pas de l’Horeb avec les Tables de la Loi, mais du Chimboraço avec un album dans sa poche !

1584. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIV. Alexandre de Humboldt »

C’était là ce que nous espérions, mais la lecture du livre que voici a mis en déroute nos idées et nos espérances. […] D’injustice véritable, nous venons de montrer qu’il n’y en avait point ; et d’ailleurs, tout s’arrange avec le temps, le temps, ce grand Juste, qui finit toujours par mettre chacun à sa place. […] Travaux, livres, observations, mouvement d’idées, tout chez lui fut mis en branle par les voyages. […] Dans une époque qui pousse cet amour des faits jusqu’à préférer les plus petits aux plus gros, uniquement parce qu’ils sont les plus petits, — qui a mis je ne dis pas l’histoire, mais l’historiette à la place de tout, — qui dernièrement, en ses journaux, pour se dispenser d’avoir du talent, a inventé la Chronique, cette chose amusante ; la chronique, chère au dilettantisme littéraire de messieurs les portiers, n’est-il pas tout simple qu’Alexandre de Humboldt, le chroniqueur de la science du dix-neuvième siècle, l’arpenteur du globe, qui montre les mesures qu’il a prises, le voyageur, qui a lu des voyages et qui en a fait, produise sur nous tous l’effet d’un Moïse, — d’un Moïse, assez bon pour nous, qui ne descend pas de l’Horeb avec les Tables de la Loi, mais du Chimboraço, avec un album dans sa poche !

1585. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Funck Brentano. Les Sophistes grecs et les Sophistes contemporains » pp. 401-416

Son livre a une partie qui sent son professeur, et ce n’est pas cette odeur-là que je mettrais en flacon : — c’est la partie des sophistes grecs. […] Le livre boite… et de la jambe qu’on voudrait la plus solide, parce que les sophistes sur lesquels il faudrait mettre durement le pied sont du côté de cette jambe-là… Ainsi, critique suprême ! […] C’étaient des avocats et des conférenciers, qui n’étaient pas de beaucoup au-dessus des nôtres… Ils seraient à peu près les mêmes, si on les mettait nus, mais ils avaient de magnifiques robes de pourpre, et ils plaidaient leurs causes aux Champs Olympiques, devant le tribunal de toute la Grèce. […] Les formes que le génie artistique de la Grèce mettait à tout les grandissait… Quand nous les regardons à distance, nous nous trouvons bien loin de nos minces claque-dents, avec leur guenille noire moderne sur leurs maigres jambes.

1586. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

L’abbé Gratry, en sa qualité de métaphysicien, a mis la main sur la grande blessure de la métaphysique moderne, qui perd son sang, son âme et sa vie, dans des abstractions qu’on prend pour elle. […] Il devait sortir des mortes données de l’abstraction pour entrer dans la vie, et il y est entré dans ce traité de la Connaissance de Dieu, où se cachent sous les plus éclatantes questions d’une théodicée, les arêtes d’une méthode profonde ; il y est entré en observateur qui ne scinde pas l’homme et son esprit pour mieux le connaître, qui ne le mutile pas pour l’étudier : « Je ne puis m’empêcher d’affirmer — dit-il à la page 122 de son second volume : — que l’idée d’être bien déployée, si l’on sait mettre de côté l’habitude que nous avons de tout restreindre, de tout abstraire, de placer, même dans l’être, la négation, qui n’est faite que pour le néant, et de n’oser jamais pleinement soutenir l’universelle affirmation, l’idée d’être est identique à celle de force, d’intelligence, de volonté, de liberté, d’amour. […] D’autres esprits, non moins nombreux, estimeront, nous n’en doutons pas, que reporter la philosophie dans l’histoire, que l’arracher à l’abstraction, c’est diminuer d’autant la philosophie, et l’orgueil mis sur la croix à son tour poussera son grand cri… Mais tant mieux ! […] Eh bien, nous l’y trouvons, superbe, puissant, et tel que désormais la philosophie spiritualiste en tiendra compte et mettra son honneur à se servir de la méthode qu’il nous révèle.

1587. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « E. Caro »

Lorsque, depuis plus de six mois, nous tournons, comme des hannetons, ivres, autour d’un livre unique : la Vie de Jésus, par Renan, et lorsque d’autres écrivains d’une initiative attardée se mettent à pondre à leur tour leurs Vies de Jésus, il est bien évident que l’homme d’esprit qui, en s’y prenant comme il voudra, fera cesser cette vieille et fatigante querelle dont la France intellectuelle est presque fourbue, aura rendu à tout le monde un fameux service ! […] Espèce de Camisard catholique, qui, par-dessus un catholicisme ici compromettant, a mis la chemise blanche du spiritualisme pur, afin de surprendre l’ennemi et de frapper de meilleurs coups ! […] Il a beau mettre des applications de charité tardive et de baume samaritain sur les blessures qu’il ne craint pas de faire à la vanité sophistique, il ne les y met que parce qu’il a donné ce coup de pointe inconnu à Caro, qui reste l’accent grave, quand sa politesse n’en fait pas l’accent circonflexe.

1588. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

… Il y a, je ne sais où, un adorable conte d’une bergère qui a trouvé un os de femme qu’elle prend pour un ivoire et qu’elle dole avec son couteau pour voir ce que c’est, quand, tout à coup, voilà que l’os se met à chanter mélodieusement qu’il est celui d’une pauvre femme assassinée. […] … Toujours est-il que les éditeurs qui les ont retrouvés ont mis l’Histoire littéraire et la Critique à même de juger un homme seulement entrevu par la postérité, et sur lequel la Gloire, cette ignorante bâtarde de tout le monde, s’était tue longtemps — comme elle va parler — sans trop savoir pourquoi. […] En ce troisième volume, c’est tout Agrippa d’Aubigné ressuscité et mis debout de pied en cap, c’est l’Agrippa dont la Critique peut prendre exactement la mesure, l’Agrippa hors de ces ombres propices qui allongent les hommes et les statues en des contours tremblants et incertains, et replacé dans la lumière, la stricte lumière qui les raccourcit mais qui les dessine, qui les étreint, comme un collant, de sa clarté. […] dans l’Hécatombe à Diane, en ces cent sonnets qui se suivent sous le titre de Printemps, lequel semble vouloir leur donner l’unité d’un poème, savez-vous combien j’en ai compté dignes d’être repêchés au fil du torrent qui les emporte et mis à l’écart et gardés comme les épaves d’un génie écumant, mais qui s’est noyé dans sa propre écume ?

1589. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules De La Madenène » pp. 173-187

Sur celui-là, sur cette tête crépue de Samson, la civilisation, cette Dalila, a déjà mis cette affreuse main qui coupe la force ; demain elle y mettra les ciseaux ! […] Depuis quelques années on s’était mis à jouer des tragédies dans nos villages du Comtal. […] Il fait mouvoir les foules que Shakespeare, plus heureux, pouvait mettre à la scène, et qu’il ne peut, lui, faire mouvoir que dans des romans.

1590. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Francis Wey »

Eh bien, parmi les romanciers, plus sobres et tard venus, dont les œuvres méritent le regard, en voici un que beaucoup de raisons doivent mettre à part de tous les autres, et ces raisons, je les dirai ! […] Quoique la description et le sentiment y tiennent leur place, ils n’y débordent pas, comme dans la plupart des romans actuels, et l’auteur, qui a vécu, car il faut avoir vécu pour faire des romans, a mis tout au fond une pensée. […] Il guérit par l’amour d’une femme pieuse qui le sauve et qui met en relief cette pensée, le vrai fond du livre : — les femmes, malgré l’infériorité de leur sexe, peuvent plus que les hommes à cette heure, car elles ont une éducation moderne unitaire, et les hommes ne l’ont pas ! […] Comme chez de Latouche et Chamfort, ce qui domine chez lui, c’est l’esprit, l’esprit, ce roi en France, qui fera un succès plus grand certainement que celui de Christian à cette chose ravissante, l’Été de la Saint-Martin, mise là, à la fin du volume, à ce qu’il semble pour le finir, et qui en sera la fortune !

1591. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

Qu’on pense au genre d’éloquence qui devait naître d’une telle situation, et du caractère d’un peuple qui, extrême dans l’esclavage comme dans la liberté, mettait la même impétuosité à flatter ses maîtres ou ses tyrans, qu’elle en aurait mis autrefois à les combattre. […] Tout homme qui veut être applaudi, dénature sa pensée ; ou il en cache une partie pour faire davantage briller l’autre, ou il saisit un rapport qui étonne et qui est plus singulier que vrai ; ou il détache ce qui devrait être fondu dans l’ensemble, et le met en saillie, ou pour avoir l’air de s’élever et de voir de plus haut, il généralise un sentiment qui ne conserve sa force qu’autant qu’il est lié à une situation ; ou il ajoute au sentiment même, et pour étonner il exagère, ou par une expression recherchée il veut donner une tournure fine à ce qui devrait être simple, ou il tâche d’unir la finesse à la force pour surprendre par l’assemblage de deux qualités contraires, ou enfin pour arrêter et fixer partout l’attention, il multiplie les détails et néglige la grandeur et la marche de l’ensemble. […] Niger le regarda en pitié, et voici sa réponse : « Orateur, faites-nous l’éloge de Marius, ou d’Annibal, ou de quelqu’autre grand homme qui ne soit plus, et dites-nous ce qu’il a fait, pour que nous l’imitions ; car louer des vivants, est intérêt ou faiblesse, et surtout louer les princes, dont on espère, dont on craint, qui peuvent donner, qui peuvent mettre à mort, qui peuvent proscrire.

1592. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVI » pp. 100-108

Comme il s’est mis sur les rangs pour la députation sous le patronage de Laffitte et d’Arago, les Débats s’en sont égayés et ils ont bien fait ; ils l’ont fait de plus avec grand esprit. Genoude a le privilége de mettre les Débats en gaieté, de leur rendre la verve aux moments de lassitude et de disette. […] Pour couronner le tout, sa femme étant morte, il s’est fait prêtre ; il publie toutes sortes de traductions des Pères qu’il commande à des jeunes gens et auxquelles il met son nom ; le produit de cette espèce de librairie, servie par son journal, lui a été très-fructueux.

1593. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Sur l’École française d’Athènes »

Sur l’École française d’Athènes On a récemment parlé d’un projet qui honorerait à la fois le Gouvernement français et le Gouvernement grec : il s’agirait d’établir un lien régulier entre l’Université de France et la patrie renaissante des Hellènes, de mettre en rapport l’étude du grec en France avec cette étude refleurie au sein même de la Grèce, d’instituer en un mot une sorte de concordat littéraire entre notre pays latin et la terre d’Athènes. […] Sans se croire tout à fait au temps où le savant Philelphe épousait une femme grecque pour mettre la dernière main à son érudition et se polir à la langue jusque dans son ménage, on peut se dire que, du moment que la Grèce renaît aux doctes et sérieuses études de son passé, elle est plus voisine que nous du but et infiniment plus près de redevenir vivante. […] de Salvandy a été le premier à accueillir, à mettre en avant, et qui semblerait presque en voie d’exécution, si l’on en jugeait d’après les démarches préliminaires.

1594. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Réception à l’Académie Française »

Ses amis le décidèrent un jour à se mettre sur les rangs pour l’Académie et on lui préféra M.  […] Et si les chefs révérés, si les guides dont la voix nous est connue se mettaient à nous délaisser avant le terme, s’ils se couchaient en travers du chemin en nous criant de faire halte et qu’au-delà tout est confusion et ténèbres, un tel spectacle serait assurément bien propre à jeter du trouble dans l’esprit même des plus ardents et à déconcerter les espérances. […] Il convient aux hommes qui ont crédit et valeur dans la Compagnie de mettre fin une fois pour toutes à ces sottes prétentions, et de ne pas laisser interrompre cette série de choix graves et glorieux, qui d’abord donnent du lustre à l’Académie, et qui bientôt pourront lui assurer sur notre littérature une influence réelle, active et salutaire.

1595. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. Lettres philosophiques adressées à un Berlinois »

Bref, quand la dynastie parjure suscita contre elle par un coup insensé tout ce que le pays recélait de vigueur cachée et d’amertume dans ses reins et dans ses entrailles, il y avait en France un groupe d’hommes jeunes, professant en philosophie, en histoire, en littérature, en politique théorique, certaines doctrines réfléchies, certaines solutions déjà accréditées ; ces solutions, ces doctrines, ces hommes, se trouvèrent subitement mis à l’épreuve des choses, et confrontés, pour ainsi dire, à l’instant même, avec un résultat imprévu, immense, avec une révolution. […] Lerminier mettait en avant : ces personnes lui auraient conseillé volontiers d’enfermer son dernier mot dans sa première phrase. […] Lerminier sont d’une utilité inappréciable pour mettre la jeunesse dans les vraies voies, pour la diriger de front aux difficultés sérieuses qu’il importe de vaincre.

1596. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 1. Éléments et développement de la langue. »

Les trois facteurs de notre race ont mis leur empreinte, bien inégalement, sur la langue. […] Viennent les barbares, et cette brillante façade de la civilisation impériale est jetée à bas : tout ce qui fermentait et évoluait sous l’immobilité stagnante de la langue artificielle des lettrés est mis à découvert. […] Car, à peine maîtres du pays, ils se sont mis à parler le latin, comme l’Église, qui les baptisait.

1597. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Pronostics pour l’année 1887. »

Comme je n’apporte aujourd’hui que des prévisions, j’y pourrais mettre plus d’assurance. […] Si les écrivains se mettent comme cela à changer leur manière, il n’y a plus de sécurité pour le lecteur. […] Il fera celui des professeurs de mathématiques, car les trois premiers livres de la géométrie de Legendre s’y trouveront mis en sonnets, M. 

1598. (1890) L’avenir de la science « XX »

XX Ce serait bien mal comprendre ma pensée que de croire que, dans ce qui précède, j’aie eu l’intention d’engager la science à descendre de ses hauteurs pour se mettre au niveau du peuple. […] Cela est surtout méritoire si l’on considère que l’instrument que nous leur mettons entre les mains est tout ce qu’il y a au monde de plus aristocratique, de plus inflexible, de moins analogue à la pensée populaire. […] Agricol Perdiguier s’est mis à vouloir faire une histoire universelle.

1599. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 312-324

Cet Auteur étoit ennemi de toutes prétention, & n’avoit, dit M. de Buffon *, nul empressement de se faire valoir, nul penchant à parler de soi, nul désir ni apparent ni caché de se mettre au dessus des autres. […] Ils se dissiperont, comme ces vapeurs grossieres que l’astre du jour met en fuite & fait retomber sur les terres fangeuses, d’où elles s’exhaloient en vain pour l’obscurcir. […] Qu’il se glorifie de mépriser ses loix : victime de ses révoltes, pour peu qu’il rentre en lui-même, il comprendra que ces loix ne mettent un frein aux désirs, que pour les diriger au bien, prévenir les crimes, & éparger les remords.

1600. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean de Meun, et les femmes de la cour de Philippe-le-Bel. » pp. 95-104

Clopinel, voyant que ses excuses & raisons n’avoient lieu contre leur rage, supplia humblement, qu’avant mettre leur ire à exécution, il plût à la reine lui octroyer une requête ; ce qu’il obtint avec grande difficulté. […] Personne n’ignore les aventures qu’on a mises sur le compte de Richelet. […] Au sortir de table, feignant de vouloir l’accompagner, ils le mirent au milieu d’eux, & le conduisirent ainsi à coups de canne jusqu’à la porte de France.

1601. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre III. Parallèle de la Bible et d’Homère. — Termes de comparaison. »

Cet autel doit dire aux siècles futurs que deux hommes des anciens jours se rencontrèrent dans le chemin de la vie ; qu’après s’être traités comme deux frères, ils se quittèrent pour ne se revoir jamais, et pour mettre de grandes régions entre leurs tombeaux. […] « Mettez la main sur ma cuisse99, dit Abraham à son serviteur, et jurez d’aller en Mésopotamie. » Deux mots suffisent pour conclure un mariage au bord de la fontaine. […] La Bible, dans tous ses genres, n’a ordinairement qu’un seul trait ; mais ce trait est frappant et met l’objet sous les yeux.

1602. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre V. Que l’incrédulité est la principale cause de la décadence du goût et du génie. »

Les plus belles choses qu’un auteur puisse mettre dans un livre sont les sentiments qui lui viennent, par réminiscence, des premiers jours de sa jeunesse. […] Le christianisme a mis au dedans du style du premier, le charme, l’abandon et l’amour ; et au dehors du style du second, l’ordre, la clarté et la magnificence. […] Si nous ne mettons pas Racine de ce nombre, c’est qu’il a un rival dans Virgile.

1603. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 2, de l’attrait des spectacles propres à exciter en nous une grande émotion. Des gladiateurs » pp. 12-24

Qu’on mette deux bâtons à la place des épées, que le voltigeur fasse tendre sa corde à deux pieds de hauteur sur une prairie, il fera en vain les mêmes sauts et les mêmes tours : on ne daignera plus le regarder ; l’attention du spectateur cesseroit avec le danger. […] On rafinoit même sur les instrumens meurtriers que ces malheureux devoient mettre en oeuvre pour s’entretuer. […] Beaucoup de personnes mettent tous les jours une partie considerable de leur bien à la merci des cartes et des dez, quoiqu’elles n’ignorent point les mauvaises suites du gros jeu.

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