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846. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Un garçon jeune ; et peu importe son âge : on est jeune ou vieux de naissance. […] Maurice Donnay, lui, est jeune. […] En 1828 et 29, le romantisme était une école jeune. […] Tout ce qui est jeune ; le reste, non. […] Le jeune Musset bondissait vers la vie.

847. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Le savant voyageur Lechevalier, celui de la Troade, qui portait intérêt au brillant élève, ne l’appelait plus depuis ce jour que « le chancelier de Zénobie. » Cependant il n’y avait que le prix d’honneur, c’est-à-dire le premier prix de discours latin, qui exemptât de la conscription : on fit valoir, à l’appui du discours français du jeune lauréat, sa santé délicate, sa taille frêle, sa poitrine un peu rentrée, et il ne partit pas. […] De 1820 à 1824, il se mit, avec l’aide d’un ami alors bien jeune, mais doué d’un sens philologique remarquable, M.  […] La Révolution de juillet 1830, qui ramena sur la scène tant de vieux masques et de revenants, fut aussi, dans une bonne moitié, la prise de possession du pouvoir par les hommes nouveaux et en définitive par les hommes jeunes, longtemps tenus à l’écart et évincés. […] Ramée, jeune statuaire, plein de chaleur et d’enthousiasme, touchés l’un et l’autre du feu sacré, s’étaient mis en campagne ; ils avaient visité en pèlerins fervents et infatigables les monuments, les églises, les restes d’abbayes, et la théorie fondée sur l’observation était née ; elle avait apparu, un matin, lumineuse et manifeste. […] Il ne doit pas y avoir grande distance, j’imagine, entre cette farce si joyeuse du Cuvier et celles du Médecin volant, de la Jalousie du Barbouillé que jouait Molière tout jeune dans ses tournées de province.

848. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

« Cette jeune reine semblait avoir été créée par la nature pour attirer à jamais l’intérêt et la pitié des siècles sur un de ces drames d’État qui ne sont pas complets quand les infortunes d’une femme ne les achèvent pas. […] Je reconnais que j’avais été, non pas coupable, mais téméraire et malheureux dans ce regard jeté sur l’intérieur de cette jeune reine. […] Ce jeune étudiant, qui s’était improvisé publiciste, sur une chaise du jardin du Palais-Royal, aux premiers mouvements populaires du mois de juillet 1789, avait conservé dans son style, souvent admirable, quelque chose de son premier rôle. […] Le mouvement l’avait saisi et emporté tout jeune. […] Il ne montait à la tribune que pour les voir de plus haut ; plus tard il ne vit qu’elles du haut de l’échafaud, et il s’élança dans l’avenir, jeune, beau, immortel dans la mémoire de la France, avec tout son enthousiasme et quelques taches déjà lavées dans son généreux sang.

849. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Au lendemain de 70, dans l’humiliation de la défaite, les jeunes Français, épouvantés, se demandaient quelles pouvaient être les causes d’un si grand désastre ; les uns cherchaient un remède, les autres une consolation. […] Taine, au début de son Ancien régime, parle de ces électeurs trop pressés qui savent, si jeunes, le gouvernement qu’ils désirent ! […] Les jeunes demoiselles au couvent écrivent leur journal ; c’est pour s’occuper. M. de Goncourt, malgré ses moustaches de colonel, avait aussi quelquefois la naïveté d’une jeune demoiselle. […] Je m’imagine qu’un jeune Bismarck, encore indécis, peut avoir profit à lire Nietzsche.

850. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Raymond de Nanjac, un jeune capitaine de spahis qui revient d’Afrique, et, à la manière dont leurs yeux s’accrochent au passage, vous devinez que l’amour a passé par là. […] Elle a une nièce, jeune, charmante, innocente encore, et, à la manière dont elle l’offre en mariage aux fils de famille, vous diriez qu’elle la met aux enchères et qu’elle a cinq pour cent de commission sur le prix de vente. […] mon jeune ami, vous jouez là une partie d’échecs trop forte pour vous ! […] Olivier va se battre ; et ici se place l’intervention touchante de la jeune Marcelle, la nièce de madame de Vernières, qu’il a retirée de la maison malsaine où elle s’étiolait. […] Sa fille a aimé autrefois un jeune artiste qui l’a délaissée lorsque la pauvreté est venue ; a-t-elle une faiblesse à se reprocher ?

851. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

La plupart sont jeunes, et toutefois paraissent vieillottes. […] On cause des jeunes. On déplore leur manque d’entrain, de gaieté, de jeunesse, et cela amène à constater la tristesse de toute la jeune génération contemporaine, et je dis que c’est tout simple : que la jeunesse ne peut être que triste, dans un pays sans gloire, et où la vie est très chère. […] * * * — Si l’on était jeune, il y aurait un livre brave à faire, sous ce titre : Les choses que personne n’a encore imprimées. […] Ici la blague aimable des jeunes femmes, m’a donné le surnom de Délicat.

852. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

Dans un voyage que lui-même il fit en Italie, l’empereur Nicolas, qui s’intéressait à cette belle jeune femme du sang des Napoléon jetée sous son aile et presque sous sa serre, envisagea de près sa situation domestique, déjà compromise, et estima qu’elle ne pouvait longtemps se prolonger. […] — Il présida et tint constamment la main par la suite aux arrangements qui furent réglés dans l’intérêt de la jeune femme, lors de la séparation des époux. […] Charles Giraud (le jeune) a peint l’intérieur de l’atelier de la princesse, et le spirituel peintre d’animaux, Jadin, nous a rendu au naturel et avec finesse ses chiens favoris, ce qu’elle appelle sa petite Meute.

853. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

y loue cette jeune dame de son incrédulité : « Jamais on n’a vu, dit-il, dans une si jeune personne autant de philosophie ; et cette philosophie influait également sur ses opinions et sur sa conduite. Elle n’admettait que ce qui lui paraissait évidemment prouvé, aimait à disputer, parce qu’elle avait presque toujours une opinion à elle, et ne cédait qu’à la conviction ou enfin à la convenance. » Et lorsqu’il en vient à raconter la dernière maladie de cette jeune femme : « Elle craignait la mort parce qu’elle devait la séparer de tout ce qui lui était cher.

854. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

Ces quatre ou cinq pièces politiques, jointes à tant de délicieuses chansons personnelles, d’une inspiration et d’une fantaisie intimes, telles que Mon Tombeau ; Passez, jeunes Filles ; le Bonheur ; Laideur et Beauté ; la Fille du Peuple, et ce sémillant Colibri, qui est le lutin familier du maître et la personnification éthérée de sa muse comme est la Cigale pour Anacréon ; toutes ces pièces ensemble auraient suffi à composer un charmant recueil final, digne assurément de ses aînés, et la dernière couronne eût brillé verdoyante encore, pour bien des saisons, au front du citoyen et du poëte. […] En sa spirituelle préface, le chansonnier semble regretter qu’aucun de nos jeunes talents ne se soit essayé dans une voie qu’il croit fertile encore ; ce conseil et ce regret, j’ose le dire, tombent à faux. […] Ainsi, pour exprimer que trop souvent la pauvreté ôte à l’homme le sentiment de fierté et de dignité personnelle, Franklin disait : « Il est difficile à un sac vide de se tenir debout ; » ainsi, dans le Bonhomme Richard :« Un laboureur sur ses pieds est plus haut qu’un gentilhomme à genoux. » Comme Franklin, dont jeune il apprenait le métier à Péronne, dont plus vieux il renouvelle l’ermitage à Passy, Béranger a l’imagination du bon sens. — Un art ingénieux et délicat règne insensiblement dans la distribution du recueil, dans l’ordonnance et le mélange des matières, dans ces petits couplets personnels jetés comme des sonnets entre des pièces d’un autre ton, et surtout dans ce soin scrupuleux de faire revenir tous les noms des amis et anciens bienfaiteurs comme on ramène les noms des héros au dernier chant d’un poëme.

855. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

Mais d’assez récentes tracasseries ecclésiastiques l’ayant ramené à Paris, il y vit de près cette tiédeur et ce relâchement publics qui enhardissent un pouvoir sans morale à tous les envahissements rusés ou grossiers ; il y vit, sous cette couche corrompue d’une société en décadence, une masse jeune et populaire, impétueuse, frémissante, au sang chaud et vierge, mais mal éclairée, mal dirigée, obéissant à des intérêts aussi et à des passions qui, certes, courraient risque de bientôt corrompre la victoire, si un souffle religieux et un esprit fraternel n’y pénétraient d’avance à quelque degré. […] Elles passent comme à travers un rêve affreux, et au réveil elles bénissent Dieu qui les a délivrées de ce tourment. » Et suit alors l’hymne de départ du jeune soldat de l’avenir, du soldat qui s’en ira combattre une dernière fois pour la justice, pour la cause du genre humain, pour l’affranchissement de ses frères : « Que tes armes soient bénies, jeune soldat ! 

856. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Feuilles d'automne, (1831) »

Il est arrivé seulement que, durant tout ce progrès merveilleux de son style, le poëte a plus particulièrement affecté des sujets de fantaisie ou des peintures extérieures, comme se prêtant davantage à la riche exubérance dont il lui plaisait de prodiguer les torrents, et qu’il a, sauf quelque mélange d’épanchements intimes, laissé dormir cette portion si pure et si profonde dont sa jeune âme avait autrefois donné les plus rares prémices. […] Cette plainte obstinée et monotone, qui se multiplie sous des formes si diverses, et tantôt lugubres, tantôt adorablement suppliantes, la voici :  Que vous ai-je donc fait, ô mes jeunes années, Pour m’avoir fui si vite et vous être éloignées, Me croyant satisfait ? […] son génie est plus mûr désormais ; Son aile atteint peut-être à de plus fiers sommets ; La fumée est plus rare au foyer qu’il allume ; Son astre haut monté soulève moins de brume ; Son coursier applaudi parcourt mieux le champ clos ; Mais il n’a plus en lui, pour l’épandre à grands flots, Sur des œuvres, de grâce et d’amour couronnées, Le frais enchantement de ses jeunes années.

857. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « JULES LEFÈVRE. Confidences, poésies, 1833. » pp. 249-261

Je voudrais pouvoir citer tout le morceau intitulé Déception ; c’est un des plus irréprochables ; en voici le début : Quoique bien jeune encor, j’ai longtemps, loin du bruit, Des langages du monde interrogé la nuit, Et, de leur mine abstraite explorant les merveilles, Ma lampe curieuse a pâli dans les veilles ; Mais lorsque, sous mes pas, ses lumineux secours Des sentiers de l’étude éclairaient les détours, Je n’ai pas, de la gloire évoquant la richesse, Vu son manteau de pourpre en cacher la rudesse. […] Il avait débuté, comme on l’a dit, au premier rang et à la première heure de la jeune école poétique ; il en eut toutes les ambitions et tout le courage, et il semblait des mieux munis, par son érudition poétique étendue et forte, pour la lutte et pour la conquête. […] Cependant d’autres poëtes, ses égaux d’âge ou plus jeunes, s’étaient déjà emparés de la renommée.

858. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « FLÉCHIER (Mémoires sur les Grands-Jours tenus à Clermont en 1665-1666, publiés par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont.) » pp. 104-118

Même avant la publication des Mémoires sur les Grands-Jours, il suffisait d’avoir lu le délicieux et complaisant portrait pour bien saisir dans son vrai jour cet Atticus de l’épiscopat français sous Louis XIV, élégant, disert, d’un silence encore plus ingénieux parfois que ses discours, qui n’est ni pour les jésuites, ni pour les jansénistes, ni contre ; qui n’est ni une créature de la Cour, ni trop dissipé au monde, ni voué à la pénitence ; honnête homme avant tout, excellent chrétien pourtant, tolérant prélat, résidant et exemplaire, charitable aux protestants persécutés, modérant sur leur tête les rigueurs de Bâville, et trouvant encore des intervalles de loisir pour les divertissements floraux de son Académie de Nîmes ; doux produit du Comtat, chez qui tout est d’accord, même son nom (il s’appelait Esprit Fléchier) ; un Balzac en style, mais un Balzac châtié, mesuré et spirituel, un Godeau plus jeune, mais avec une galanterie plus décente, une tête plus saine et sans engagement de parti ; une sorte de Fontenelle non égoïste et encore chrétien ; enfin un bel-esprit tout à fait sage, aimable et sensible, déjà un peu rêveur. […] Un jeune écrivain, qui s’est occupé avec talent de ces guerres des Cévennes, M. […] On ne doit en conclure que plus d’actions de grâces pour le jeune monarque qui aspirait du premier jour à l’unité du royaume et à celle de la loi.

859. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XI. Il Convitato di pietra (le Convié de pierre) » pp. 191-208

« Le drame s’ouvre par un entretien que le roi veut bien accorder au valet de Don Juan : Sa Majesté paraît choquée du libertinage de ce jeune seigneur. […] Furieux, le jardinier alla se plaindre au maître, lequel, aimant avec une tendresse aveugle son jeune cochon, dit : “Il faut lui pardonner pour cette fois, il n’a pas encore assez d’expérience ; d’ailleurs, il est si gentil !” […] Son chapeau l’embarrasse, il le met sur la tête de Don Juan, qui le jette au loin, et qui lui fait beaucoup de questions sur la jeune veuve dont il est fort tenté.

860. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVII. Romans d’histoire, d’aventures et de voyages : Gebhart, Lemaître, Radiot, Élémir Bourges, Loti » pp. 201-217

Le prince Hermann, sous l’influence d’une touchante aventurière, la jeune Frida de Thalberg, ancienne amie et élève de la socialiste internationaliste Audotia Latanief, est un roi très moderne. […] Il est exquis ce jeune prince latéral, fort intelligent et d’une fine sensibilité. « Et le jeune prince Renaud marchait par la ville escorté de jeunes gens généralement chevelus et mal bâtis, et qui, sous leurs esthétiques ambitieuses, dissimulent des prudences de notaires, des intolérances d’imbécile et quelquefois des aspirations de simples sodomites. » La voilà bien, la littérature d’aujourd’hui.

861. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IX. Les disciples de Jésus. »

Zébédée avait deux fils, Jacques qui était l’aîné, et un jeune fils, Jean, qui plus tard fut appelé à jouer un rôle si décisif dans l’histoire du christianisme naissant. […] Trois ou quatre galiléennes dévouées accompagnaient toujours le jeune maître et se disputaient le plaisir de l’écouter et de le soigner tour à tour 428. […] Quelques-unes étaient riches, et mettaient par leur fortune le jeune prophète en position de vivre sans exercer le métier qu’il avait professé jusqu’alors 431.

862. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XI. Le royaume de Dieu conçu comme l’événement des pauvres. »

Ces derniers faisaient autour de Jésus comme une jeune garde pour l’inauguration de son innocente royauté, et lui décernaient de petites ovations auxquelles il se plaisait fort, l’appelant « fils de David », criant Hosanna 538, et portant des palmes autour de lui. Jésus, comme Savonarole, les faisait peut-être servir d’instruments à des missions pieuses ; il était bien aise de voir ces jeunes apôtres, qui ne le compromettaient pas, se lancer en avant et lui décerner des titres qu’il n’osait prendre lui-même. Il les laissait dire, et quand on lui demandait s’il entendait, il répondait d’une façon évasive que la louange qui sort de jeunes lèvres est la plus agréable à Dieu 539.

863. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé d’Aubignac, avec Ménage, Pierre Corneille, Mademoiselle de Scudéri et Richelet. » pp. 217-236

Non content de cette récompense, le jeune duc eut à peine atteint l’âge de vingt-cinq ans, que le premier acte de majorité qu’il fit fut de donner à son précepteur une pension de quatre mille livres à prendre sur tous ses biens. […] L’auteur avoit en vue la gloire du théâtre François, l’espérance d’être utile aux jeunes poëtes, de développer le germe des talens dramatiques. […] L’abbé d’Aubignac l’avoit fait pour l’instruction de son élève, le jeune duc de Fronsac.

864. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre III : Le présent et l’avenir du spiritualisme »

Les spiritualistes libéraux, je le répète, ne considèrent pas tout à fait les choses de la même manière, Ils sont tout aussi ennemis que qui que ce soit des doctrines basses et avilissantes ; ils sont surtout révolté de l’espèce de fanatisme en sens inverse qui éclate aujourd’hui dans les jeunes écoles matérialistes. […] De jeunes métaphysiciens pleins de sève et de prudente audace mûrissent dans la solitude les fruits d’une pensée inquiète et pénétrante qui ne se contente plus de lieux communs. […] Peut-être périrons-nous dans cette révolution dont nous n’aurons été que les obscurs préparateurs, simples chaînons entre ce qui tombe et ce qui s’élève ; mais qu’importe qu’une école périsse, si l’idée qui repose en elle renaît plus vivante et plus jeune, revêtue de son immortel éclat !

865. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Jeune ou vieux, riche ou pauvre, il fut toujours aimable, toujours joyeux. […] En voulez-vous encore des témoins irrécusables : voyez ces jeunes débauchés qui semblent se parer du mépris public ; voyez ce marquis de Moncade, qui oublie sa dignité pour réparer sa fortune. […] Nanine paraît sur la scène, et ce n’est plus un jeune seigneur perdu de mœurs, c’est un sage qui se mésallie.

866. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Edmond About » pp. 91-105

Il fut compté, sans passer par les écoles préparatoires, dans la troupe des jeunes, ces vélites de la littérature, auxquels le siècle déclinant est doux. […] Jeune, et par conséquent n’ayant pas la simplicité d’être littéraire, cette visée si contraire à l’américanisme de nos mœurs, M.  […] About, Seulement, le forçat libéré, qui ne veut pas trop s’exposer en tuant d’un coup sa jeune maîtresse, l’empoisonnera par de l’arsenic à petites doses et, péripétie scientifique !

867. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

Pourquoi le jeune Égyptien, qui apprend avec plus de rapidité que le jeune Européen, est arrêté, à quatorze ans, dans son développement intellectuel ? […] Et puis, qu’est-ce que ce décret qui rappelle les vieux retraités, quand on a besoin de jeunes, de capacités qui se développent, d’un général qui se révèle ? […] Une figure jeune, douce, plaisante avec une grande barbiche d’officier d’Afrique : le général distingué, tel que l’inventerait un roman sans talent ou une pièce du Gymnase. […] Il y a de la fille à soldat de toutes les catégories, et je marche derrière une créature, à laquelle un jeune lignard donne le bras. […] Ce soir, je rencontre le jeune Frédéric Masson, enterré dans sa capote de mobile.

868. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

tu étais belle autant qu’aimable, jeune autant que belle, douce autant que jeune. […] Crois-moi, mon jeune époux, c toit le rossignol. […] (C’est ainsi que la muse interprète ses jeunes pensées). […] Jeune insensé, qui crois pouvoir saisir le glorieux météore ! […] Périsse cette vaine sagesse qui étouffe les jeunes désirs !

869. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Elle admire surtout ce jeune Horace, inhumain plus que surhumain, trop brute pour être un héros. […] l’âme gracieuse, jeune et point puérile, tendre, résignée, sans envie. […] Un jeune médecin, repoussé par une femme, se venge comme une cuisinière renvoyée. […] Ici, c’est le jeune premier qui est catholique convaincu et l’amoureuse qui est divorcée. […] Vauvenargues, qui mourut jeune, employa ce moyen jeune et bégayant pour exprimer son âme noble et délicate.

870. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

C’était l’unique sœur de grand-père, un peu plus jeune que lui. […] J’étais une des plus jeunes, mais ma taille, au-dessus de mon âge, me mettait parmi les grandes. […] Cette religieuse était jeune, comme une novice, bien qu’elle portât le voile noir. […] … Si jeune, tout à coup, sans maladie ! […] C’était une jeune Alsacienne, qui parlait à peine le français, et était placée pour la première fois.

871. (1888) Poètes et romanciers

L’art est toujours jeune, voyez au contraire comme vieillissent les systèmes ! […] Elle mourut jeune. […] Là, sur ce nouveau théâtre, le jeune républicain se trouva dépaysé. […] Si jeune et déjà si triste ! […] Il convient admirablement à l’inspiration courte des jeunes parnassiens, qui en ont tiré de charmants effets.

872. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

. — « Les princes français, dit encore une dame contemporaine, meurent de peur de manquer de grâces225. » Jusques autour du trône, « le ton est libre, enjoué », et, sous le sourire de la jeune reine, la cour sérieuse et disciplinée de Louis XVI se trouve à la fin du siècle le plus engageant et le plus gai des salons. […] Ainsi fit le maréchal de Richelieu d’une bourse qu’il avait donnée à son petit-fils et que le jeune garçon, n’ayant su la dépenser, rapportait pleine. […] On sermonne la vieille Mme du Deffand, qui est trop vive et qu’on nomme « la petite fille » ; la jeune duchesse, tendre et sensée, est « sa grand’maman ». […] Un jour, une dame accompagnée d’un jeune officier étant venue en visite, comme il les retenait à coucher, son valet de chambre « vient l’avertir tout bas qu’il n’a plus de place  Est-ce que l’appartement des bains est plein   Non, Monseigneur  N’y a-t-il pas deux lits   Oui, Monseigneur, mais ils sont dans la même chambre, et cet officier..   […] Une jeune femme honnête fait, en 10 mois, 70 000 francs de dettes : « Pour une petite table 10 louis, pour une chiffonnière 15 louis, pour un bureau 800 fr., pour une petite écritoire 200 fr., pour une grande écritoire 300 fr.

873. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Les jeunes dames les trouvaient dans leur corbeille de mariage. […] Son long poëme In memoriam, écrit à la louange et au souvenir d’un ami mort jeune, est froid, monotone et trop joliment arrangé. […] Tennyson cette fois a pensé et senti en jeune chevalier de la Renaissance. […] Et comme cette fougue de sentiment, cette altière déclaration d’indépendance, cette chimérique ambition de réformer l’avenir révèlent la générosité et la hauteur d’un cœur jeune et épris du beau ! […] si jeune et déjà si las !

874. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Devant elle, une vérité, son aînée de quelques années, toute nue, sèche, blafarde, sans tétons, le corps homasse, le bras et l’index de la main droite dirigés vers le ciel et ce bras dont le racourci n’est pas assez senti de trois ou quatre ans plus jeune que le reste de la figure ; derrière cette vérité, un petit génie renversé sur un nuage. […] La première, c’est que les sujets réels sont infiniment plus difficiles à traiter, et qu’ils exigent un goût étonnant de vérité ; la seconde, c’est que les jeunes élèves préferent et doivent préférer les scènes où ils peuvent transporter les figures d’après lesquelles ils ont fait leurs premières études. […] Et tu ne vois pas l’yvresse d’amour qui s’empare de cette jeune innocente, et tu n’ajoutes pas au désordre de son âme et de ses sens, le désordre de ses vêtemens ; et tu ne t’élances pas sur elle, dieu des filoux ! […] Il y a derrière Caesar, un beau jeune chevalier romain assis ; il a les yeux attachés sur la tête. […] Secondement, et ce vice est surtout sensible au côté droit de la composition ; le Caesar est isolé ; le jeune chevalier assis est isolé, le vieux chef de légion est isolé.

875. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Il est chaud, coloré, cherchant incessamment l’effet pittoresque, la jeune manie d’un siècle de vingt-neuf ans, qui est resté le vétéran de toutes les manies de sa jeunesse. […] Il a l’enthousiasme, la sensibilité, une flamme qui s’enlace comme une spirale éthérée et lumineuse à tous les débris du passé, semblable à ce feu léger dont le poète couronne les cheveux du jeune Iule. Certainement, dans les lettres modernes, — dans les lettres sérieuses, — on peut admettre sans témérité qu’il n’y a pas de talent plus véritablement jeune qu’Audin. […] Audin est mort à cinquante-sept ans, jeune de tout, excepté d’années. […] Ce fut le charnier de l’histoire ; mais il avait cette pureté virile, imperméable aux contagions, qui conserve jeunes les têtes blanchies.

876. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

On y voit Marie Stuart, jeune, avant son veuvage et après. […] Henri IV nous y est rendu plus jeune et plus frais qu’on n’est accoutumé de le voir : c’est un Henri de Navarre tout nouveau et avant la barbe grise. […] Pourtant elle avait des ennemis72, des rivales ; on parlait déjà de la jeune princesse de Florence, Marie de Médicis, pour la faire arriver au trône de France. […] Les diamants, pierreries et joyaux de Gabrielle, retenus par Henri IV qui désintéressa les héritiers, et devenus joyaux de la Couronne, furent donnés en présent, l’année suivante, à la jeune reine Marie de Médicis.

877. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Elle fut fiancée au marquis de Lenoncourt, et Maucroix, au même moment où il étouffait secrètement sa douleur, était chargé par l’amant et fiancé, qu’éloignait un devoir militaire, de faire des vers élégiaques destinés à la jeune épouse. […] Prenez au contraire l’abbé de Chaulieu, de vingt ans plus jeune que Maucroix, et qui mourut onze ans après lui, ayant également poussé très loin sa carrière, et vous aurez l’épicurien à la fois de pratique et de système, celui qui, au milieu de ses refrains bachiques ou de ses nonchalances voluptueuses, raisonnera sur la mort en des vers philosophiques selon les principes d’Épicure tour à tour, ou selon ceux du déisme. […] Maucroix jeune, et encore avocat, a fait ce qu’on appelait des airs, des chansons ou stances qui devaient charmer sous la régence d’Anne d’Autriche, et qui se chantaient sur le luth ; par exemple : Amants, connaissez les belles, Si vous voulez être heureux : Elles ne font les cruelles Que pour allumer vos feux. […] C’est comme la moralité de l’immortelle fable de son ami, Le Vieillard et les Trois Jeunes Hommes.

878. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

Entré dans l’arène vers le temps où le vieux Montluc en sortait, et de cinquante ans plus jeune, il offre dans les rangs calvinistes, et aussi dans la série des écrivains militaires, une sorte de contrepartie de ce chef catholique vaillant et cruel. […] Cependant, jeune, à la cour de Charles IX, et ensuite auprès de Henri III, pendant la captivité du roi de Navarre, d’Aubigné était compté au premier rang des beaux esprits galants et à la mode ; il composait pour les divertissements de cour des ballets, mascarades ou opéras ; il avait mille ingénieuses inventions ; il était de cette Académie royale de Charles IX et de son successeur, qui, dans ses beaux jours, s’assemblait au Louvre, dont plusieurs dames faisaient partie, et où l’on traitait des questions platoniques et subtiles. […] Montrerons-nous à notre jeune noblesse l’ignominie chez nous, et l’honneur chez les autres ? […] » Telle était alors l’ardeur de ce jeune prince.

879. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

. — On apprit à Chambord la mort du bonhomme Corneille, fameux par ses comédies ; il laisse une place vacante dans l’Académie. » Le bonhomme Corneille ou le grand Corneille, cela revient au même ; Dangeau avait été du jeune monde, et, comme nous dirions, de la jeune école. […] Cette harangue fut prononcée le 2 janvier 1685 ; et le vendredi 5, à Versailles, on lit dans le journal de Dangeau : Le roi ne fit point les Rois, il soupa en famille à l’ordinaire ; mais, après souper, il fit porter un gâteau chez Mme de Montespan. — Le matin il se fit réciter par Racine la harangue qu’il avait faite à l’Académie le jour de la réception de Bergeret et du jeune Corneille, et les courtisans trouvèrent la harangue aussi belle qu’elle avait été trouvée belle à l’Académie. […] Le roi, bien qu’il n’ait pas encore à cette date la cinquantaine, n’est plus jeune et n’a plus rien de la jeunesse.

880. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Les jeunes princes s’unirent, ils s’accoutumèrent à rester liés et un peu ligués entre eux, à le révérer, à le craindre, et le prince Henri, le plus distingué des trois par l’esprit et par les talents, ne put s’empêcher de l’envier. […] On se disait : « Frédéric nous perd, il perd la Prusse par son ambition, par son opiniâtreté : il faut qu’il traite, qu’il fasse au plus vite sa paix avec la France. » On disait cela surtout dans le cercle des jeunes princes Auguste-Guillaume et Henri, et l’on se croyait patriote prussien en le disant. […] Les premières lettres de Frédéric à son frère Henri, et qui se rapportent à l’extrême jeunesse de celui-ci, nous le montrent assez dissipé, rappelé à l’ordre par le jeune roi, et tiède dès lors et très froid à son égard : Le peu d’amitié que vous me témoignez dans toutes les occasions, lui écrivait Frédéric (1746), ne m’excite pas à faire de nouveaux efforts de tendresse en faveur d’un frère qui a si peu de retour pour moi… Il faut, si vous m’aimez, que votre amitié soit métaphysique, car je n’ai jamais vu aimer les gens de la sorte, sans les regarder, sans leur parler, sans leur donner le moindre signe d’affection. […] Ferdinand (leur pltts jeune frère) se porte à merveille ; point de général de tué.

881. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Deleyre, né en 1726 et de quatorze ans plus jeune que lui, le suivait d’assez près en tout ; il n’était pas seulement le plus passionné de ses disciples, c’était en quelque sorte un Rousseau en second, un Rousseau affaibli, non affadi, nullement copiste, bien naturel, bien sincère, — j’allais dire, plus sincère quelquefois que l’autre. — Je repasse sur les traits de ressemblance. […] A vingt-deux ans, il s’était complètement affranchi des croyances ; mais le principe d’exaltation était dans sa famille, et l’un de ses jeunes frères, entré également chez les Jésuites, et juste au moment de leur suppression en France, avait l’imagination si frappée qu’il n’avait cru trouver de salut et d’abri qu’en s’allant jeter de là à La Trappe. […] Deleyre y demeura des années, attaché par la nécessité, par ses devoirs envers sa jeune famille, et il y subit de bien douloureuses contraintes. […] je le sais, elle était mortelle, je le suis aussi, et voilà ce qui adoucit ma peine ; car je la rejoindrai, cette chère enfant, et au fond de cette même terre où elle m’a précédé si jeune, et qui attend ma vénérable mère, à laquelle je suis peut-être condamné à survivre.

882. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Elle l’aborde résolument, et sur la question que lui adresse Pamphile au sujet de Glycère, elle répond que la pauvre jeune femme est à la fois dans les premières douleurs du travail et dans l’inquiétude d’être délaissée par lui. […] Ménédème est père, il a un fils unique fort jeune : « Ah ! […] Quand il arrive sur la scène, comme un jeune chien en défaut, courant, hors d’haleine, ayant perdu la piste de la beauté qu’il suivait, qu’il brûlait d’aborder, qu’un maudit fâcheux lui a fait tout d’un coup manquer, quel jeu de passion ! […] Vous connaissez le tableau de Meissonier, la Confidence, ce jeune amoureux qui, à la première lettre reçue, n’a de cesse qu’il n’ait versé son secret dans le sein d’un ami plus expérimenté, et qui, après le déjeuner qu’il pavera, au dessert, lit avec feu cette missive si tendre à l’ami tranquille et satisfait qui écoute et qui digère.

883. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

Sans quoi on n’aurait pas dit : « On me vit ce que vous êtes, Vous serez ce que je suis. » C’est donc une femme âgée qui, se voyant raillée par une jeune et brillante coquette, lui fait la leçon. […] Une jeune marquise se mit à railler sa coiffure ; car Mme de Motteville aurait eu, ce soir-là, des fleurs ou des feuilles dans les cheveux. — « Quelle est la plante qui sert de parure aux ruines ?  […] Et d’ailleurs, de ce qu’elle écrivait ce qui s’était passé sous Louis XIII ou durant la première jeunesse de Louis XIV, s’ensuit-il qu’elle aurait pu parler en bien ou en mal de la jeune marquise étourdie, et faire croire d’elle, dans mille ans, ce qu’il lui plairait ? […] Saint-René Taillandier et qui a failli, quand il le traduisait, lui faire tomber la plume des mains, Schiller ne dit guère rien de plus d’ailleurs que ce qu’avait déjà écrit Vauvenargues : le jeune sage, dans la franche ingénuité de son goût naturel, refusait presque tout à Corneille ; mais un tel arrêt mûri et réfléchi, et venant d’un rival et d’un frère d’armes, compte davantage et tombe de plus haut.

884. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Son père, tenant à lui donner une éducation libérale, le mit bien jeune au collège des Jésuites ; mais l’enfant ne voulait pas apprendre. […] On raconte que dans les premiers mois où il siégeait à la Convention, Jean-Bon, au milieu de tous les soins et soucis que lui donnait la chose publique, trouvait encore le temps de diriger de loin l’instruction du fils de sa sœur, le jeune Belluc30, et que chaque courrier apportait à l’enfant ses devoirs corrigés. […] Les vues qui lui tenaient à cœur, plus grandioses que pratiques, et qui dans leur exagération embrassaient toute la Méditerranée, allaient à contrecarrer les plans autrement positifs du jeune général qui avait tant contribué à la prise de Toulon, et les propositions détaillées qu’il faisait dans le même temps pour la défense et l’armement des côtes ; les deux systèmes durent être, un instant, en présence et en balance. […] J’ai sous les yeux une lettre de Jean-Bon, datée de Castres, du 17 mai 1787, dans laquelle, s’adressant à sa sœur et à son beau-frère, il leur parle de ce jeune enfant, et en toute cordialité : « Tu sais combien j’ai été enchanté de ton petit bonhomme ; je me nourris de l’espoir de lui être un jour utile, et de contribuer peut-être à en faire un honnête homme.

885. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

Une princesse de Saxe, une fille d’Auguste III, fut incontinent insinuée et mise en avant, une première d’abord, puis, celle-ci s’étant trouvée déjà promise, une seconde, bien jeune, il est vrai, et qui n’avait pas encore ses quinze ans, la princesse Josèphe. […] Il s’agissait de prévenir au plus tôt en faveur d’un si jeune choix et d’avoir des témoignages engageants. […] La princesse, fort jeune, blonde avec de grands yeux bleus, vifs et doux en même temps, avait la physionomie très spirituelle, le caractère excellent, une très bonne éducation et des principes, des sentiments de piété comme il convenait dans une alliance avec le dauphin, personnage si religieux. […] Le marquis Des Issarts, nouvellement ambassadeur de France auprès d’Auguste III, eut ordre d’y regarder de plus près et de faire un nouveau portrait juste et naturel de la jeune prétendante ; chaque rapport concluait à son avantage.

886. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Un chanoine de Soissons lui ayant prêté un jour quelques livres de piété, le jeune La Fontaine se crut du penchant pour l’état ecclésiastique, et entra au séminaire. […] Jeté jeune et sans éducation régulière au milieu d’une littérature compassée et d’une poésie sans âme, il a dû hésiter longtemps, s’essayer en secret, se décourager maintes fois et se reprendre, tenter du nouveau dans bien des voies, et, en un mot, brûler bien des vers avant d’entrer en plein dans le genre unique que les circonstances ouvrirent à son cœur de citoyen. […] Dans une de ses dernières fables au duc de Bourgogne, il se plaint de fabriquer à force de temps des vers moins sensés que la prose du jeune prince. […] Par bonheur, une jeune femme riche et belle, madame d’Hervart, s’attacha au poëte, lui offrit l’attrait de sa maison, et devint pour lui, à force de soins et de prévenances, une autre La Sablière.

887. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Le caractère de leur style et l’allure de leurs vers sont les mêmes, et abondent en qualités pareilles ; Chénier a retrouvé par instinct et étude ce que Regnier faisait de tradition et sans dessein ; ils sont uniques en ce mérite, et notre jeune école chercherait vainement deux maîtres plus consommés dans l’art d’écrire en vers. […] Il compare sa muse jeune et légère à l’harmonieuse cigale, amante des buissons, qui, De rameaux en rameaux tour à tour reposée, D’un peu de fleur nourrie et d’un peu de rosée, S’égaie… et s’il est triste, si sa main imprudente a tari son trésor, si sa maîtresse lui a fermé, ce soir-là, le seuil inexorable, une visite d’ami, un sourire de blanche voisine, un livre entr’ouvert, un rien le distrait, l’arrache à sa peine, et, comme il l’a dit avec une légèreté négligente : On pleure ; mais bientôt la tristesse s’envole. […] Or j’ai soigneusement recherché dans ses œuvres les traces de ces premières et profondes souffrances ; je n’y ai trouvé d’abord que dix vers datés également de Londres, et du même temps que le morceau de prose ; puis, en regardant de plus près, l’idylle intitulée Liberté m’est revenue à la pensée, et j’ai compris que ce berger aux noirs cheveux épars, à l’œil farouche sous d’épais sourcils, qui traîne après lui, dans les âpres sentiers et aux bords des torrents pierreux, ses brebis maigres et affamées ; qui brise sa flûte, abhorre les chants, les danses et les sacrifices ; qui repousse la plainte du blond chevrier et maudit toute consolation, parce qu’il est esclave ; j’ai compris que ce berger-là n’était autre que la poétique et idéale personnification du souvenir de Londres, et de l’espèce de servitude qu’y avait subie André ; et je me suis demandé alors, tout en admirant du profond de mon cœur cette idylle énergique et sublime, s’il n’eût pas encore mieux valu que le poète se fût mis franchement en scène ; qu’il eût osé en vers ce qui ne l’avait pas effrayé dans sa prose naïve ; qu’il se fût montré à nous dans cette taverne enfumée, entouré de mangeurs et d’indifférents, accoudé sur sa table, et rêvant, — rêvant à la patrie absente, aux parents, aux amis, aux amantes, à ce qu’il y a de plus jeune et de plus frais dans les sentiments humains ; rêvant aux maux de la solitude, à l’aigreur qu’elle engendre, à l’abattement où elle nous prosterne, à toute cette haute métaphysique de la souffrance ; — pourquoi non ?  […] Sa jeune Tarentine y appartient exactement, et je ne cessais de l’y voir en figure. — La poésie d’André Chénier est l’accompagnement sur la flûte et sur la lyre de tout cet art de marbre retrouvé. » 44.

888. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

On se figure volontiers la sagesse en cheveux blancs et la prudence en cheveux gris ; ici, elles se montrent plutôt avec un sourire, avec un parler jeune et plein de fraîcheur. […] Commynes se tint tout ce jour avec lui, « ayant moins de crainte, dit-il, qu’il n’en eut jamais en lieu où il se trouvât depuis » ; et il en donne la raison, de peur qu’on ne s’y méprenne : c’est qu’il était jeune et n’avait nulle connaissance du péril. […] Il perdit sa peine et ses avis à tâcher de le modérer et à vouloir lui insinuer sa jeune prudence. […] Il a raison de remarquer quelque part que presque tous ceux qui ont fait de grandes choses ont commencé fort jeunes ; mais ce qui est bien rare, c’est de conseiller si sagement et de voir si juste, de tenir la balance si exacte, dès cette première moitié de la vie.

889. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

Simple teneur de livres d’abord chez un marchand de bois de la Rapée, il demanda des ressources à son talent ; il écrivit dans les journaux ; il fit des pièces pour les divers théâtres, quelquefois seul, le plus souvent en collaboration de quelques jeunes auteurs qui débutaient comme lui. […] La Jeune Femme colère (1804), assez généralement louée, me plaît peu : la leçon morale qui consiste, de la part du jeune mari, à vouloir corriger le défaut de sa femme en l’imitant lui-même et en le lui présentant comme dans un miroir grossissant, me paraît brusque, outrée et peu vraisemblable. […] Étienne, né aux lettres avec le Consulat, éclos à la faveur au temps du camp de Boulogne, arrivant à son plein triomphe, tout jeune encore, à l’heure de l’apogée extrême de l’Empire.

890. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Démétrius, l’autre fils d’Ivan, beaucoup plus jeune que Fédor, et tout enfant à la mort de son père, annonçait, dit-on, des dispositions ardentes et cruelles : mais il vécut peu. […] Allemands dans ses États pour donner réveil à l’industrie ; il envoyait de jeunes gentilshommes étudier en Allemagne, en France, en Angleterre ; il combattait l’ivrognerie, ce vice national, en attribuant au gouvernement le monopole de l’eau-de-vie ; il touchait par des règlements nouveaux à la condition des serfs et à leurs rapports avec les maîtres. […] Pour ne pas confondre ses conjectures avec l’histoire, il a mis dans la Revue des deux mondes (du 15 décembre dernier), sous forme de scènes historiques, tout ce qui se rapporte à la première jeunesse et à l’éducation de ce brillant aventurier tel qu’il le conçoit ; il a expliqué comment l’idée, la tentation put venir peu à peu à un jeune Cosaque de l’Ukraine ressusciter en lui Démétrius, en même temps que la crédulité naissait aux autres en le regardant. […] En effet, lorsqu’une haute et jeune destinée a subi de ces catastrophes soudaines et qui sont restées par quelque côté mystérieuses, lorsqu’un prince a disparu de manière à toucher les imaginations et à laisser quelque jour à l’incertitude, bien des têtes travaillent à l’envi sur ce thème émouvant ; les romanesques y rêvent, se bercent et attendent ; les plus faibles et ceux qui sont déjà malades peuvent sérieusement s’éprendre et finir par revêtir avec sincérité un rôle qui les flatte, et où trouve à se loger leur coin d’orgueilleuse manie ; quelques audacieux, en même temps, sont tentés d’y chercher une occasion d’usurper la fortune et de mentir impudemment au monde.

891. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Né le 8 juillet 1624, à Château-Thierry, en Champagne, d’un père maître des eaux et forêts, Jean de La Fontaine paraît n’avoir reçu d’abord qu’une éducation assez négligée ; jeune, il étudiait selon les rencontres et lisait à l’aventure ce qui lui tombait sous la main. […] Les Fables de La Fontaine, dans leur ensemble, parurent successivement en trois recueils : le premier recueil contenant les six premiers livres fut publié en 1668 ; le second recueil contenant les cinq livres suivants jusqu’au onzième inclusivement fut publié en 1678 ; le douzième et dernier livre, qu’on a appelé le chant du cygne, et où tout n’est pas d’égale force, fut composé presque en entier à l’intention du jeune duc de Bourgogne et ne fut recueilli qu’en 1694. […] Mais au premier rang dans l’ordre de la beauté, il faut placer ces grandes fables morales Le Berger et le Roi, Le Paysan du Danube, où il entre un sentiment éloquent de l’histoire et presque de la politique ; puis ces autres fables qui, dans leur ensemble, sont un tableau complet, d’un tour plus terminé, et pleines également de philosophie, Le Vieillard et les Trois Jeunes Hommes, Le Savetier et le Financier, cette dernière parfaite en soi comme une grande scène, comme une comédie resserrée de Molière. […] Le Lac, si admirable d’inspiration et de souffle, n’est pas lui-même si bien dessiné que Les Deux Pigeons ; et, quand j’entends réciter aujourd’hui, à quelques années de distance, quelqu’une de ces belles pièces lyriques qui sont de Lamartine ou de son école, j’ai besoin, moi-même qui ai été malade en mon temps de ce mal-là, d’y appliquer toute mon attention pour la saisir, tandis que La Fontaine me parle et me rit dès l’abord dans ses peintures :         Du palais d’un jeune Lapin         Dame Belette, un beau matin,         S’empara ; c’est une rusée.

892. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

Il est jeune, indépendant, ayant comme l’héritage des convictions littéraires de 1830. […] C’est un jeune homme et une jeune femme. […] Beauvoir se tourna vers une jeune femme et lui dit avec le contournement le plus xviiie  siècle : « Madame, vous êtes la reine de l’omnibus, dites un mot et nous jetons nos cigares ; mais quant à ce bougre, s’il continue… je lui coupe les oreilles. » Et ce que vraiment il disait vouloir lui couper, était très loin des oreilles. […] À ce qu’il paraît, m’apprend un ami, une jeune et jolie fille s’est toquée de mon portrait.

893. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Que chacun se regarde dans le jeune roi anglais, qui du monde était le plus vaillant des preux. […] Jeune encore, il avait gardé, sous le cilice, la violence de l’ambition mondaine. […] Le prêtre, après avoir célébré la messe, prenait sur l’autel même l’épée et le baudrier, et en ceignait le jeune chevalier. […] Les jeunes damoisels, les varlets allèrent faire leur éducation en Grèce, au lieu de rester en Picardie ou en Touraine. […] Le tenant était un étranger, jeune encore, d’une physionomie haute et grave.

894. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

Un moment, on entend Coppée, dont le ricanement de la voix prend quelque chose de la pratique de Polichinelle : « Oh les jeunes ! […] C’est curieux, chez ce jeune méchant, le resserrement des deux lèvres, ressemblant à la contraction de la mâchoire d’un féroce, prêt à sauter sur sa proie. […] Il en est de même pour les jeunes garçons. […] Un jeune paysan, dans sa précipitation à embrasser son amoureuse, culbute le chevalet du peintre, devant lequel elle est en train de poser. […] La seconde d’Harunobou, planche un peu fantastique, montre dans une nuit, où volent de gros flocons de neige, un jeune amoureux qui joue de la flûte, dans le voisinage de sa belle.

895. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Il n’avait plus désormais qu’à laisser couler… J’ai dit que le jeune gentilhomme campagnard dépeint par MM.  […] Généralement, le jeune Alphonse employait à cet usage les cheveux de ses sœurs. […] Une strophe du Chant d’amour sur les mouvements harmonieux d’une jeune femme entraîne la citation d’un distique de Tibulle. […] Et ne serait-ce pas un peu cela que cherchent aujourd’hui les plus inquiets de nos jeunes poètes ? […] Bouchard, ou Mlle Antoinette Carré, jeune ouvrière de Dijon..  

896. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Dumas au jeune époux assis au chevet de la jeune accouchée : « Tu baisses la tête. […] Les Dieux défilent sur les plages lumineuses, jeunes et nobles comme aux jours d’Homère. […] Stendhal avait, très jeune, porté l’épaulette et fréquenté la cour de l’empereur. […] Il est jeune, il est libre, il est riche ; avec cela peu ou point romanesque. […] Cette mémoire instinctive n’existe que pour des sens vraiment jeunes.

897. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Histoire du clavecin de l’organiste Raisin ; Molière se charge du jeune Baron qui l’accompagnait. […] Aîné de dix enfants, le jeune Poquelin fut dès son bas âge destiné au métier des siens. […] Quant à l’étude du droit, il est à peu près constant que le jeune Poquelin s’y est livré. […] Le jeune poète se mit à l’ouvrage. […] Mademoiselle Molière frappant ce jeune acteur, et celui-ci la fuyant !

898. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 211-219

Le jeune Phrixus, assis avec confiance sur son large dos, & tenant ses cornes d’une main assurée, bravoit hardiment la fureur des mers & les vents déchaînés. […] Persée, & la tête de Méduse hérissée de serpens, le Héros vainqueur de l’hydre de Lerne, & le jeune Ganimede enlevé par l’oiseau de Jupiter ; la triste Andromede enchaînée à son rocher, Céphée son pere, Cassiopée sa mere, éplorée, s’arrachant les cheveux, & d’autres sans fin ont peuplé la voûte azurée.

899. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 3, que le merite principal des poëmes et des tableaux consiste à imiter les objets qui auroient excité en nous des passions réelles. Les passions que ces imitations font naître en nous ne sont que superficielles » pp. 25-33

Une mort telle que la mort de Phédre : une jeune princesse expirante avec des convulsions affreuses, en s’accusant elle-même des crimes atroces dont elle s’est punie par le poison, seroit un objet à fuir. […] Cette émotion artificielle n’en est que l’occasion ; elle fomente dans le coeur d’une jeune personne qui lit les romans avec trop de goût, les principes des passions naturelles qui sont déja en elle, et la dispose ainsi à concevoir plus aisément des sentimens passionnez et serieux pour ceux qui sont à portée de lui en inspirer : ce n’est point Cyrus ou Mandane qui sont le sujet de ses agitations.

900. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

On le voit tout jeune auprès de son père et le vengeant. […] Le comte tué, et ses deux fils faits prisonniers par Rodrigue, les trois filles du comte qui sont encore à marier, l’aînée Elvire Gomez, la cadette Aldonsa, et la plus jeune Chimène, revêtent des vêtements de deuil, sortent de Gormaz et viennent à Bivar en suppliantes : « Don Diègue les vit venir, et il sort à leur rencontre. « D’où sont ces nonnains qui me viennent demander quelque chose ?  […] Chimène Gomez, la plus jeune des sœurs, est plus sage et ouvre le meilleur conseil : « Modérez-vous, dit-elle, mes frères, pour l’amour de la charité. […] Je laisse deux filles bien jeunes, prenez-les sous votre protection. […] Me voici devant vous, moi et vos filles qui sont enfants et bien jeunes, ainsi que ces miennes dames par qui je suis servie.

901. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Ceci soit dit pour les personnes qui, parce qu’on modifie son opinion sincèrement sur quelques points, sont si prêtes, dans leur jeune ardeur, à faire de vous des gens qui abjurent et des réactionnaires. […] Pour revenir à Perse, le critique, après l’avoir accusé d’avoir trop tôt produit, et avoir pris de là occasion de s’emporter contre les gens sans génie qui écrivent trop jeunes ; après l’avoir de plus accusé (par une singulière contradiction) d’avoir peu produit et de manquer de qualité abondante et fécondante, déclare qu’il ne se serait jamais élevé bien haut, et qu’il était né sans génie. […] André Chénier, à qui il accorde le miel de l’Hymette, n’est pour lui qu’un jeune poëte, auquel on a fait le tort de le mal admirer ; répétition encore (en diminutif) du rôle de M. de Buffon, de l’homme de la prose, qui s’applaudit de pouvoir dire : Cela est beau comme de la belle prose ! […] Dans cette Thebaide même si peu attrayante, au livre A, j’aimerais, par exemple, à détacher l’épisode de Dymas et Hopleus, ces deux jeunes amis pieux, surpris et succombant lorsqu’ils vont rendre de nuit sur le champ de bataille les devoirs funèbres au corps de leur roi, et auxquels le poëte promet quelque chose de l’immortalité d’Euryale et de Nisus : Vos quoque saerati, quamvis mea carmina-surgant Inferiore lyra, memores superabitis annos. […] Nisard, je me hasarderai à donner, en la traduisant, une pièce entière des Sylves, que j’ai choisie comme étant la plus courte et peut-être la plus simple : AU SOMMEIL Par quel crime, si jeune, ô des Dieux le plus doux, Par quel sort, ai-je pu perdre tes dons jaloux ?

902. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Le nouveau Périclès venait de manquer, jeune encore, à la nouvelle Athènes. […] … Etc. » On calomnia jusqu’à sa douleur, en attribuant ces strophes, dont Politien mourut, aux regrets amoureux que lui inspira la mort d’un jeune Grec, son élève. […] XII Alexandre poursuivait de ses assiduités une jeune femme vertueuse de Florence, épouse de Ginori, d’une des familles les plus considérables de la Toscane. Il venait d’envoyer son mari à Naples, comme ambassadeur, espérant ainsi éloigner sa surveillance ; Lorenzino, feignant de presser la jeune dame de consentir aux désirs du duc, affecte enfin d’avoir reçu une réponse favorable et de la transmettre au prince. […] Après quelques badinages, il se coucha sur le lit de son cousin pour attendre l’arrivée de la jeune femme.

903. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

Et la jeune fiancée disait : « Enfin il sera propre le jour de mon mariage !  […] Mardi 25 février J’ai vu, ces jours-ci, à une soirée, une jeune femme dans la toilette la plus joliment indécente, qu’on puisse rêver. […] Je causais de cette toilette, ce soir, quand une vieille femme s’est mise à dire : « Que l’hydrothérapie avait tué la pudeur chez la jeune génération féminine, que le barbotage dans l’eau, à l’instar d’un canard, que l’habitude journalière de se montrer à sa femme de chambre, entièrement nue, diminuaient, tous les jours, l’effarouchement que les femmes d’autrefois éprouvaient à monter trop de leur peau ou de leurs formes. […] Là, il trouvait une jeune femme, qu’il invitait à une collation, dans une villa de la campagne. Et le repas lui coûtait 400 francs, parce que la jeune femme emmenait ses amies et les amis de ses amies, qui, les jours suivants, rendaient la collation au voyageur.

904. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Nous donne-t-il, par exemple, comme échantillon pindarique, la douzième olympique, l’ode à la Fortune, cette hymne courte et sublime, chantée à l’occasion de la victoire, qu’est venu chercher dans les fêtes des grandes cités de la Grèce un Crétois, chassé par une faction de Gnosse, sa patrie, où il avait langui longtemps dans les querelles obscures d’une petite démocratie, il se garde bien d’être simple et uni comme le poëte grec : il ne nomme pas ce coq guerroyant au logis, auquel Pindare compare son jeune héros, avant qu’il eut été délivré par l’exil et jeté par ce coup du sort en Sicile, pour y devenir citoyen paisible de la ville opulente d’Himère, et de là, vainqueur à Olympie : « Je n’ai osé, dit-il, me servir de ce mot de coq3, qui produirait un mauvais effet en français, et qui suffirait pour gâter la plus belle ode du monde. […] Mais les strophes mesquines et dures, que Lamotte adaptait à la lyre thébaine, en faisaient crier les cordes ; et, au lieu de le louer intrépidement, avec Voltaire, de faire de belles odes, on aurait dû lui dire avec le jeune officier, plus digne que lui de traduire Pindare et d’animer d’une grâce nouvelle les noms mythologiques : Quoi ! […] Veut-il, par une singulière fantaisie, imiter, en l’honneur du duc de Vendôme, cette ode si élégante, si pure à la divinité favorite des Hellènes, aux Grâces, que Pindare invoquait, au nom d’un jeune vainqueur à la course, enfant de la belliqueuse ville d’Orchomène, où elles avaient un temple, Lamotte n’approche pas plus cette fois du tour noble et léger et de la dignité sereine du poëte, qu’il n’en avait ailleurs atteint la sublime grandeur. […] Va, maintenant, Écho, dans la noire demeure de Plu ton, porter au père une glorieuse nouvelle ; et voyant Cléodème, dis-lui son fils, et comment, aux vallons de la célèbre Pise, il a couronné sa jeune chevelure des ailes de la victoire athlétique. » Dans ce mot à mot qui ne déplaît pas, on aperçoit du moins quelque chose de l’original, son trait court et rapide, son mouvement facile et sa brièveté, sinon sa grâce. […] Il aurait pu dire de Delphes comme le jeune Ion, dans la tragédie d’Euripide, dont s’est inspiré l’auteur d’Athalie : « J’adore le temple qui m’a nourri : Τὸν θρέψαντα ναὸν προσκύνω. » C’est une tradition, en effet, que Pindare, né dans soixantième olympiade, et homme fait, au temps de l’invasion de Xerxès dans la Grèce, recevait il Delphes, dont les oracles furent si patriotiques, pendant cette guerre, une part accordée par les prêtres sur les victimes immolées dans le temple ; et, du temps de Pausanias, aux jours de la conquête romaine, on montrait encore, dans ce temple, près de la statue du dieu, la chaire de fer, où le poëte s’était assis pour chanter ses hymnes9.

905. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Mais sa sœur avait connu à Paris un jeune abbé, intelligent et ambitieux, M.  […] La réputation du jeune philosophe avait franchi les murs de l’École. […] Guizot fut chargé du rapport et recommanda chaleureusement son jeune ami aux suffrages de l’Académie. […] Pourquoi Montaigne reste-t-il éternellement jeune ? […] « L’idée de Dieu dans une jeune école », 15 juin 1857.

906. (1901) Figures et caractères

Jeune, il a mis beaucoup de lui-même dans René. […] Il suffit de l’entendre parler avec amertume « du poète mort jeune en qui l’homme survit ». […] Le Jeune France est demeuré célèbre dans le souvenir littéraire. […] Kipling est jeune. […] Oscar Wilde et les jeunes littérateurs anglais » (le 2 avril 1892, p. 423-429).

907. (1930) Le roman français pp. 1-197

André Thérive, a signalé un jour qu’il était en passe d’être adopté par les jeunes auteurs d’avant-garde. […] De tous les romanciers de la jeune génération, c’est un de ceux qui se renouvelle le plus, qui va le plus profond. […] Je ne résumerai pas son essai un peu « jeune » et confus. […] La plupart de ces jeunes écrivains se réclament des Russes, de Dostoïewsky surtout. […] Et pourtant, répudiant « l’Art pour l’Art » presque tous nos jeunes écrivains proclament une opinion politique !

908. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Son premier roman : les Désirs de Jean Servien, nous révèle que ces lectures n’ont pas été sans troubler singulièrement sa jeune sensibilité. […] C’est, je crois, en 1886 que je lus pour la première fois des pages signées de son nom dans une petite revue qui s’appelait la Jeune France. […] Il est jeune, cependant, et ses énergies intactes ont besoin de s’employer. […] Pas une phrase, qu’elle sorte de la plume du tout jeune étudiant, ou de celle du quadragénaire éprouvé par la vie, qui ne rende un son juste et vrai. […] C’était le second trait qui se distinguait également dans Vicaire jeune, et ses vers nous l’apprennent aussi.

909. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

Ce père, mort jeune, l’avait confié à un sculpteur de ses amis, à Venise ; le jeune homme y avait appris les rudiments d’une sculpture grossière et purement industrielle ; il était né peu à peu de lui-même, comme naît le véritable génie, qui ne sort pas de l’école, mais de la nature. […] XVIII Et maintenant, jeune amateur, qui nous as donné ce beau livre de tant d’âme, de recherches, de voyages, d’érudition et de muet enthousiasme, retourne dans la solitude de Saint-Lupicin où t’attendent de nombreuses inspirations ! […] Les débris du toit paternel de Saint-Lupicin vendus à l’encan, que tu n’oseras plus regarder inaperçu que de loin, pendant que la fumée de l’étranger, se levant au souffle d’hiver, te rappellera ce cher foyer où ta jeune mère réchauffait dans ses mains tes mains d’enfant glacées par la neige ! […] XXI « Que fait donc mon jeune maître ? […] Platon nous montre, au commencement du Phédon, une fontaine voisine de l’Ilissus, qu’un agnus-castus ombrage de ses rameaux odorants, et autour de laquelle sont des statues du fleuve Achéloüs et de ses nymphes ; c’est là que Socrate s’assied avec son jeune disciple et qu’ils s’entretiennent philosophiquement de l’amour et de la beauté, au chant harmonieux des cigales.

910. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Il connut là une jeune femme, déjà touchée par la mort et qui était comme la personnification de la poésie spiritualiste. […] Le jeune homme enthousiaste et la jeune femme se sentirent attirés l’un vers l’autre. […] Car c’est une erreur de croire que tout le monde, à un certain moment de sa vie, ait été jeune. On n’a pas le temps, on a trop de choses à faire, la vie est trop occupée, la société est trop bien encadrée, on n’a pas le temps d’être jeune. […] Les classiques étaient généralement âgés ; les romantiques étaient jeunes.

911. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Les jeunes commerçants se mettent rapidement en état de parler cinq ou six langues. » Les ouvriers, en quelques mois, deviennent capables d’exercer un métier même difficile. […] Un jeune marié ne va trouver sa femme qu’en cachette, et passe la journée, comme auparavant, à l’école de peloton et sur la place d’armes. […] Ils sont divisés en troupes de cent, chacune sous un jeune chef, et, des pieds, des poings, ils se battent ; c’est un apprentissage de la guerre. […] Il y en a une autre nommée anapale, où les jeunes garçons simulent la lutte et le pancrace. […] Il ressemblait à ces académies de nos derniers siècles où tous les jeunes nobles allaient apprendre l’escrime, la danse et l’équitation.

912. (1920) Action, n° 2, mars 1920

J’aime tant la musique, j’y ai tant vécu dès le plus jeune âge, que je ne suis pas suspect d’en médire. […] Que de poètes morts jeunes ! […] Ainsi le monde est toujours jeune pour eux, et il leur rend la jeunesse qu’eux-mêmes lui prêtent. […] La grâce de Shakespeare me semble faite de ce don adorable que lui prodiguent d’elles-mêmes les jeunes femmes et les jeunes filles. […] C’est là qu’une phalange de jeunes écrivains cherchèrent ce qu’il leur fallait : une nouvelle forme, un nouveau style, un nouvel idéal !

913. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — P.-S. » pp. 38-40

xii, et à l’Appendice qui s’y rattache : Massillon, jeune et dans l’Oratoire, avait eu une veine de ferveur qui plus tard s’était fort calmée ; son talent naturel, comme il arrive à tant de grands talents, était resté chez lui assez indépendant du fond de l’inspiration même. […] Même après les grands éloges qu’il se plaît à leur donner, il continue de ne parler du père Massillon et du père Maur que comme venant après lui et à titre de jeunes talents qui promettent : « Pour le père Massillon et le père Maur, c’est une réputation naissante que la leur.

914. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXIV » pp. 247-253

Il a eu un moment qui promettait dans la politique ; il a été préfet fort jeune. […] — A propos de théâtre, ou plutôt sans aucun propos, un mot sur cette pièce d’Antigone encore et sur la prétention qu’ont affichée les jeunes traducteurs dans leur préface.

915. (1923) Nouvelles études et autres figures

Dès ses premiers pas, ce jeune prêtre s’était imposé à l’admiration du monde savant. […] Mais ce jeune solitaire avait un inextinguible besoin de tendresse. […] Sa présence dans le jeune ménage avait amené des complications faciles à prévoir. […] « Elle n’aurait plus été très jeune. […] Jusqu’à quel point l’Allemagne conquit Taine, ses lettres de jeune professeur nous le disent.

916. (1925) Portraits et souvenirs

Il est jeune, il est riche, il est actif. […] En ses années d’adolescence, il les avait parcourues, sac au dos, comme les jeunes peintres, ses camarades, qu’il y accompagnait. […] Avec quelle émotion je me souviens encore du cordial accueil fait au jeune visiteur ! […] Ce fut là que le jeune André fit son apprentissage. […] C’étaient, paraît-il, deux jeunes et jolies femmes, dont l’une portait un fort grand nom.

917. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Elle est plus jeune que lui de quelques mois à peine. […] À la prière de sa jeune amie, Diotime était allée chercher son portefeuille et les deux petits volumes dont il avait été question la veille. […] et l’enthousiasme de la Jeune Italie qui fait de la Divine Comédie son Évangile ! […] Gœthe a été jeune, et très-jeune, Viviane. […] Ne nous étonnons donc pas trop du trouble de notre jeune Wolfgang.

918. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

La jeune marquise et le petit comte en descendront les derniers, car ils ont toujours quelques caresses à se faire à la dérobée… nous nous étions assis, nous nous reposions de notre côté ; et nos yeux suivant le rivage à droite, nous voyions par le dos deux personnes, je ne sais quelles, assises et se reposant aussi dans un endroit où le terrain s’enfonçait. […] Je vous raconte simplement la chose ; dans un moment plus poétique j’aurais déchaîné les vents, soulevé les flots, montré la petite nacelle tantôt voisine des nues, tantôt précipitée au fond des abymes, vous auriez frémi pour l’instituteur, ses jeunes élèves et le vieux philosophe votre ami. […] Nous abandonnâmes les débris de notre repas aux domestiques qui nous avaient servis, et, tandis que nos jeunes élèves se livraient sans contrainte aux amusemens de leur âge, leur instituteur et moi sans cesse distraits par les beautés de la nature, nous conversions moins que nous ne jettions des propos décousus. […] Contre le mur vertical qui forme le derrière de la fontaine, debout, le dos appuyé contre ce mur, deux figures charmantes pour la grâce, le naturel, le caractère, la position, la mollesse, l’une d’homme, l’autre de femme ; c’est un époux, peut-être et sa jeune épouse, ce sont deux amans, un frère et sa sœur. […] Vous voyez une belle femme, sa beauté vous frappe ; vous êtes jeune, aussitôt l’organe propre du plaisir prend son élasticité, vous dormez, et cet organe indocile s’agite, aussitôt vous revoyez la belle femme et vous en jouissez plus voluptueusement peut-être.

919. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Les jeunes Émile et Alfred s’étaient connus de bonne heure, avec quelque inégalité d’âge, l’un tout jeune homme, l’autre enfant ; ils se retrouvèrent après un intervalle, en 1814 ou 1815, dans un bal : quelques mots rapides, communicatifs, les remirent vite au fait de leurs goûts, de leurs rêves et de leurs essais durant l’absence, et le lendemain ils eurent rendez-vous, dans la matinée, pour se confier leurs vers. […] Les plus jeunes vantaient Byron et Lamartine, Et frémissaient d’amour à leur muse divine ; Les autres, avant eux amis de la maison, Calmaient cette chaleur par leur froide raison, Et savaient, chaque jour, tirer de leur mémoire, Sur Voltaire et Lekain, quelque nouvelle histoire. […] Le mouvement poétique, qui redoubla de concert et de retentissement à partir de 1828, vint pourtant classer M. de Vigny à son rang dans les jeunes admirations ; une auréole mystique et secrète l’entoura peu à peu au seuil de sa solitude. […] « 14 mars 1828. » Quelques mois après, lorsque j’eus publié mon Tableau de la Poésie française au xvie  siècle et mon Choix de Ronsard dont les inventions et les innovations rhythmiques m’avaient paru avoir plus d’un rapport avec celles de la jeune école, héritière d’André Chénier, De Vigny, nommé à plus d’une reprise dans ces volumes, m’écrivait : « Bellefontaine, 3 août 1828. […] Chatterton est un ouvrage émouvant, mais pointilleux, vaniteux, douloureux ; de la souffrance au lieu de passion ; cela sent des pieds jusqu’à la tête le rhumatisme littéraire… » J’ai aussi entendu nommer très-spirituellement cette maladie d’espèce nouvelle dont sont atteints de jeunes talents, la chlorose littéraire.

920. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

Il arriva une bande de jeunes messieurs de Lucques qui allaient par curiosité, car vous allez voir que ce n’était pas par dévotion, au pèlerinage des Camaldules. […] s’écria un des plus jeunes de la bande. […] — Nous reviendrons, jeune mère, me dirent-ils, en me saluant poliment, et si vous voulez marier votre fille dans un an ou deux, nous la retenons pour mon fils, que voilà, et qui en est déjà aussi fou que s’il la connaissait depuis sept ans, comme Jacob. […] LXXIV Je n’y pensais plus deux jours après, et je n’en parlais déjà plus à la maison, quand le jeune capitaine des sbires redescendit avec ses amis de l’Ermitage. […] Si vous en voulez savoir plus long, il faut que l’aveugle vous le raconte à son tour, ou bien Fior d’Aliza elle-même, car, pour ce qui concerne la justice qui vint se mêler de nos affaires et nous ruiner, Antonio comprend cela mieux que moi ; et, pour ce qui concerne l’amour avec son cousin Hyeronimo, rapportez-vous-en à la jeune sposa ; c’est son affaire à elle, et je ne crois pas que, de notre temps, on s’aimât comme ils se sont aimés… — Et comme ils s’aiment, dit, en reprenant sa belle-sœur, l’aveugle… — Et comme ils s’aimeront, murmura tout bas entre ses dents la fiancée.

921. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

« Et, de plus en plus, les mères et les pères économes te redoutent pour leurs fils ; et les jeunes femmes tremblent que ton odeur ne détourne leurs maris. » (Notez que ma traduction est médiocre et que la grâce des strophes saphiques en est forcément absente.) […] Voici la dernière ligne de sa dernière lettre à sa jeune parente : « Vous parlez beaucoup de croire et de croyants. […] * * * Il avait contre lui, à l’origine, je ne sais quelle apparence de jeune parlementaire poussé en serre chaude, de député mondain, recherché des « salons », et dont les discours — déjà très substantiels pourtant — plaisaient comme de jolies conférences. […] J’ai remarqué que nul ne songeait plus, l’autre jour, à lui reprocher le soin légitime qu’il prend de son vêtement ou de ses cheveux, ni les « succès de salon » qu’il a pu rencontrer quand il était très jeune. — À mesure que sa pensée mûrissait, sa manière oratoire s’est simplifiée. […] Et ainsi, elle a su faire le plus bel accueil au dernier des autocrates, rien qu’en faisant saluer les trois siècles de la très jeune Russie par quatorze cents ans d’histoire de France.

922. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

Tout l’espoir du progrès théâtral est là comme tout l’espoir du progrès littéraire est dans les revues jeunes et libres. […] C’est surtout un art pour peuples en enfance, tout au moins encore jeunes. […] Il faudrait faire doucement circuler les dames qui désirent voir onduler leur chapeau aéroplane au-dessus d’une estrade… et flanquer en pénitence les jeunes enfants qui jouent… sur le plateau. […] Nous ne sommes pas plus naturels en France, mais comme nous sommes moins beaux que les citoyennes du Sud, nous avons tous l’air de vieux comiques jouant les jeunes premiers. […] » — voilà le meilleur compliment que puisse espérer, à l’heure présente, un jeune poète ou un jeune romancier.

923. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Deux écoles sont en présence ; d’un côté Thespis, Susarion, Pratinas de Phlionte, Épigène de Sicyone, Théomis, Auléas, Chœrilus, Phrynichus, Minos lui-même ; de l’autre le jeune Eschyle. […] L’antique querelle des deux âges éclate ; barbes grises contre cheveux noirs ; on discute, on dispute ; les vieillards sont pour les vieux ; les jeunes sont pour Eschyle. Les jeunes défendent Eschyle contre Thespis, comme ils défendront Corneille contre Garnier. […] Et les jeunes éclatent de rire. […] Jeunes, on lui préféra les anciens, Thespis et Phrynichus ; vieux, on lui préféra les nouveaux, Sophocle et Euripide.

924. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

L’ennui qui dévore les âmes promptement rassasiées des joies vulgaires, et éprises de l’idéal ; — les fureurs de l’amour que font naître non les transports des sens ou l’épanouissement d’un cœur jeune et crédule, mais les raffinements d’une curiosité maladive ; — l’expiation providentielle suspendue sur le vice frivole de l’individu, comme sur la corruption dogmatique des sociétés ; — la brutalité conquérante qui ignore les joies et la puissance du sacrifice ; — les âmes cupides qui fraudent et calomnient les âmes droites et contemplatives ; — enfin, l’orgueil qui se dresse contre Dieu, et qui même, foudroyé, respire avec délices l’encens des malheureux qu’il abuse, des sophistes qu’il enlace, des superbes qu’il enivre. […] Il n’y aura donc bientôt plus de demoiselles ; et c’est pour cela sans doute que depuis quelque temps on emploie le terme de jeune personne, car on prévoit que, dans vingt ou trente ans, le mot demoiselle fera frémir notre pudique postérité. Malheureusement, l’expression de jeune personne est une sottise, car le mot personne s’appliquant aux deux genres, un jeune garçon est aussi une jeune personne. […] À force d’avoir toujours en vue les jeunes demoiselles, on finit par manquer de respect aux hommes et à soi-même.

925. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

Le jeune La Fontaine en apportait quinze mille. […] Et ceci qui est définitif, en quelque sorte, ceci qui, au moins, nous présente La Fontaine à un moment où il était véritablement au regret des sottises de son jeune âge (c’est dans Philémon et Baucis) : Baucis devient tilleul, Philémon devient chêne. […] Ce n’est pas moi qui fais l’épigramme, c’est lui-même, car gentiment, spirituellement, avec toutes ses grâces délicieuses que La Fontaine a eues, même dans sa personne, quand il était encore jeune, il se plaint aimablement de cette servitude, et il présente Fouquet comme étant, lui, Fouquet, le pensionné de La Fontaine. […] Remarquez que c’était grave, d’abord parce que le jeune roi s’annonçait comme un homme qui savait peu pardonner et qui n’aimait pas beaucoup qu’on lui demandât la grâce de quelqu’un. […] Ceci est une erreur, parce que c’est habituer les jeunes esprits à considérer en effet tout grand artiste comme un homme détenteur et de la beauté et de la vérité morales, et alors cela les porte à se laisser aller à toutes les suggestions des livres de ce grand homme qu’ils liront.

926. (1881) Le naturalisme au théatre

La jeune société était dans le frisson de son enfantement. […] » aux jeunes braves qui ne procèdent ni de Scribe ni de M.  […] Elle nous prend tout jeunes et ne nous lâche plus. […] L’humanité est très jeune. […] Paul Deroulède est jeune et mérite tous les encouragements.

927. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

Il était bien plus jeune que saint Louis, de dix ans environ, et dans tout ce voyage il fut traité par lui comme un jeune homme bien né et d’espérance, aux mœurs duquel le saint roi s’intéressait. […] Qui ne se rappelle en ce moment cette autre entreprise conduite par un jeune général partout victorieux, cette flotte française, si française toujours, mais si différente dans l’inspiration et le but, portant avec elle la science, l’Institut d’Égypte, les instructions d’un Volney, la tête méditative de Monge, le génie de Bonaparte ? […] Froissart, l’historien littéraire de la chevalerie, s’amusera un jour à décrire ce choc des combats, ce luxe des couleurs, cet éclat éblouissant des casques et des hauberts au front des batailles : chez Joinville, ce n’est pas encore un jeu ni un art, ce n’est que l’éclair naturel et rapide du souvenir, le reflet retrouvé de cette heure d’allégresse et de soleil où l’on était jeune, brillant et victorieux. […] Joinville, tout au contraire, a la plus jeune fraîcheur ; il a le χλωρὸν des Grecs ; novitas tum florida mundi.

928. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

Jeunes, les gens de lettres sont éloignés du monde, dont le commerce modéré, recherché sans avilissement d’un côté, accordé sans orgueil de l’autre, servirait infiniment à les former : dans un âge plus avancé ils y sont portés, fêtés, absorbés, de manière qu’il ne leur reste plus de temps pour l’étude ou le travail. […] Il ne comprit rien au sérieux ardent de ce nouvel apôtre et à sa prise sur les jeunes âmes : il n’y vit qu’un grotesque, par-ci par-là éloquent. […] Comme je suis fort jeune, il est bon d’avoir des amis solides pour le reste de sa vie. […] François est adressée à un jeune clerc, et dans le vers cité il s’agit du commit d’un greffier.

929. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Taine est un des jeunes critiques dont le début a le plus marqué dans ces derniers temps, ou, pour parler sans à-peu-près, son début a été le plus ferme et le moins tâtonné qui se soit vu depuis des années en littérature. […] Qu’on veuille bien se représenter ce que doivent produire de pensée intense et active, de pensée accumulée, trois ou quatre années de séminaire philosophique intellectuel chez de jeunes esprits ardents et fermes, lisant tout, jugeant tout. […] Pourtant, on a beau être savant et d’une pénétrante intelligence, comme on est jeune, comme on a soi-même ses excès intérieurs de force et de désirs, comme on a ses convoitises et ses faiblesses cachées, il y a des illusions aussi que peuvent faire ces œuvres toutes modernes du dehors et qui s’adressent à la curiosité la plus récente ; on les voit comme les premières jeunes femmes brillantes qu’on rencontre et à qui l’on croit plus de beauté qu’elles n’en ont ; on leur suppose parfois un sens, une profondeur qu’elles n’ont pas, on leur applique des procédés de jugement disproportionnés, et on les agrandit en les transformant.

930. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Dauban (pages 21-26) ; c’est l’histoire d’une tentative de séduction exercée sur la jeune Phlipon par un jeune apprenti qui travaillait dans l’atelier de son père. […] Mme Roland, jeune, belle, spirituelle, mariée à vingt-cinq ans à un mari de vingt ans au moins plus âgé qu’elle, dut avoir bien des occasions et des tentations d’aimer ailleurs et à côté. […] « Faire, disait-elle, le bonheur d’un seul et le lien de beaucoup par tous les charmes de l’amitié, de la décence, je n’imagine pas un sort plus beau que celui-là. » Elle disait encore en ces années dans une lettre à Bosc, l’un de ses jeunes amis, — et dans ce tableau d’une de ses journées elle offrait l’image de toutes les autres : « Vous me demandez ce que je fais, et vous ne me croyez pas les mêmes occupations qu’à Amiens (elle venait de s’établir à Ville franche) ; j’ai véritablement moins de loisir pour m’y livrer ou pour les entremêler d’études agréables.

931. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

La plus noble forme que revêt la vocation des voyages est assurément celle qui réunit l’instinct et la science, qui pousse des hommes jeunes à aller chercher, loin des douceurs aisées de la patrie, les fatigues, les périls de tout genre, non uniquement pour changer et pour voir, et pour raconter ensuite au courant de la plume ce qu’ils ont vu en touristes et en amateurs, mais pour étudier, pour connaître à fond des contrées et des civilisations lointaines, pour les décrire avec rigueur, pour accroître ainsi sur quelques points nouveaux et compléter l’histoire de la planète que nous habitons. […] Ces membres de la confrérie des Senoûsi, ces janissaires de l’Islamisme, se dessinent nettement à nos yeux sous la plume du jeune voyageur qui les a rencontrés partout sur son chemin comme ennemis. […] Jeune encore, à l’époque des grandes guerres du premier Empire français, il était à Ghadamès au milieu d’une réunion d’hommes graves, lorsqu’on apporta la nouvelle d’une reprise d’hostilités entre les chrétiens. « Tant mieux 1 dit un vieux marchand, puissent-ils s’entre-tuer jusqu’au dernier !  […] On se souvient encore à Ghadamès de la prédiction du jeune Othman.

932. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Théophile Gautier qui vient à eux cette fois, non plus seulement comme un curieux et comme un érudit, mais comme un franc auxiliaire ; il entre dans la question flamberge au vent et enseignes déployées, ou, pour parler son pittoresque langage, il y entre « comme un jeune romantique à tous crins de l’an de grâce mil huit cent trente. » Un tel point de vue, hardiment choisi, est bien fait pour éveiller l’intérêt, quand on sait à quelle plume vive, à quelle plume effilée, intrépide et sans gêne on a affaire. […] Jeté entre Henri IV et Richelieu, c’est un poëte de régence, le favori de ces jeunes seigneurs que Richelieu décapitera (Bouteville, Montmorency) ; sa poésie libertine eût dû se ranger sous le grand Cardinal. […] Je suis un vieux constituant de 89, me disais-je, et voilà un jeune girondin qui nous en prépare de rudes ; ou bien je suis un girondin déjà arrêté, et voilà un enragé de dantoniste qui n’y va pas de main morte. […] Par malheur, il est trop vrai que, de nos jours, plus d’un jeune auteur s’est accoutumé à tout mettre dans la chaleur du sang et dans la fougue du désir ; leur talent a passé de bonne heure dans le tempérament, et s’y est comme fixé.

933. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

Très jeune encore, je crois, il est déjà, après M.  […] Rabusson, employant par badinage le mode lyrique qui permet tout, nous explique en quoi l’amour des vieux peut préparer les femmes à l’amour des jeunes. […] Quant aux jeunes filles émancipées et aux jeunes femmes, elles aiment avec trop d’esprit. […] Cela est vrai, à des degrés divers, d’Edmée et de Germaine : Edmée, une jeune fille trop savante et trop curieuse — sauvée par sa science précoce et par sa fierté ; Germaine, une jeune femme qui a la coquetterie des sens, « une coquetterie épidermique, animale, d’un caractère étrange, presque monstrueux, féminin quand même », sauvée, celle-là, on ne sait par quoi, par sa froideur foncière, par sa paresse, parce qu’il faut un effort pour franchir le dernier pas… Mais que nous importe que ces fausses honnêtes femmes soient sauvées ?

934. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

C’est que la nature capricieuse n’a pas donné à tout le monde de noirs cheveux bouclés, un nez d’une fine courbure, de longs yeux, une tête charmante et toujours jeune de roi sarrasin  Il y en a qui sont infirmes et cacochymes ? […] Du bateau où il croque des paysages, pendant que ses beaux enfants « pétris d’amour et de lumière » s’ébattent sur la rive, il tend ses mains de christ aux jeunes générations… Avec tout cela, je crois bien qu’il lui arrive de dire des sottises  des sottises de rapin échauffé, d’artiste à grande barbe et à grands gestes. […] Une telle disposition d’esprit est évidemment pour déplaire à ceux qui goûtent et essayent de comprendre les formes de la vie et de l’art dans le passé, qui y séjournent volontiers, qui y trouvent autant d’intérêt qu’au spectacle de la vie contemporaine, qui voient dans l’Académie soit une institution vénérable et salutaire, soit même une absurdité charmante  et qui ne sont pas pour cela des cuistres ni des snobs, qui ont même quelque chance d’avoir une sagesse plus détachée et plus libérale que cet éternellement jeune Petit Chose. […] Vous vous rappelez comment ce jeune « struglifeur » de Paul Astier se fait épouser par cette Corse altière et passionnée.

935. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Voici une de ses meilleures phrases, une des vingt qui paraîtront belles à la lecture sommeillante d’un voyageur de sleeping-car : « Comme les conquérants qui agrandissent leurs conquêtes par l’imagination, il faisait du présent victorieux le piédestal d’un avenir de gloire. » Il n’est pas besoin d’un psychologue profond (Paul Bourget lui-même suffirait à la tâche) pour remarquer qu’aux yeux d’un jeune ambitieux l’avenir n’est pas une statue précise, mais une succession de degrés qu’une lumière de féerie soulève l’un après l’autre et où monte un vertige joyeux. […] C’est le pitre forain excellent à faire la parade, à recevoir les gifles sur une joue trop rouge pour rougir et à espérer courbé les coups de pied au cul : pourquoi faut-il qu’il rêve des élégances du jeune premier et qu’il s’acharne à parler avec une recherche plus comique que ses lazzis ? […] [Saint-Georges de Bouhélier] Saint-Georges de Bouhélier, jeune réclamiste habile, mais écrivain inférieur même à son père, le pauvre Lepelletier de l’Écho de Paris, est, comme vous savez sans doute — il s’est fait faire tant de publicité — le chef de « l’école naturiste ». « Naturisme » peut sembler aux malveillants une imitation de « naturalisme ». […] Certes, le toujours jeune auteur a lu les Évangiles, ou du moins il le croit.

936. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

Sorti d’une île à demi sauvage, placé dans une école militaire et appliqué aux études mathématiques, ne retrouvant point dans le français la langue de sa nourrice, le jeune Bonaparte, en s’emparant de cet idiome pour rendre ses idées et ses sentiments, dut lui faire subir d’abord quelques violences et lui imprimer quelques faux plis. […] Le portrait de Kléber, de ce Nestor de l’armée (tant cette armée était jeune !) […] En s’adressant à ces chefs arabes, à ces ulémas et docteurs révérés, à ces honnêtes gens du pays, en essayant auprès d’eux sa politique de ménagement et de réparation pour ces grands intérêts de toute société, la religion, la propriété, la justice, le jeune conquérant se faisait la main pour ce qu’il devait accomplir ailleurs de bien plus délicat. […] Il y a dans la pièce le rôle d’un jeune homme, du jeune Marigny, qui veut toujours mourir et qui s’y obstine.

937. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

Suard et un jeune talent viril, Mlle de Meulan (depuis Mme Guizot), au Publiciste ; Ginguené et ses amis les philosophes, dans La Décade. […] Il savait l’Antiquité, ai-je dit ; il la savait sans finesse, sans mollesse ; et, en fait d’atticisme, il aurait eu à prendre leçon de son jeune collaborateur d’alors, M.  […] En 1801, jeune encore et déjà mûr, il se retrouva tout prêt pour les lettres et la société renaissante. […] C’est en l’approchant de plus près qu’il m’a été donné d’apprécier tout à fait cet esprit resté jeune, nourri d’anecdotes, d’agréables propos, rempli des souvenirs de son temps, nullement fermé aux choses du nôtre.

938. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

je ne voudrais pas redevenir jeune, à la condition d’être élevée comme je l’ai été, de ne vivre qu’avec les gens avec lesquels j’ai vécu, et d’avoir le genre d’esprit et de caractère que j’ai ; j’aurais tous les mêmes malheurs que j’ai eus : mais j’accepterais avec grand plaisir de revenir à quatre ans, d’avoir pour gouverneur un Horace… Et là-dessus elle se traçait l’idéal de tout un plan d’éducation sous un homme éclairé, instruit, tel que l’était son ami Horace Walpole. […] On sait l’histoire : la jeune demoiselle de compagnie, après quelques années, se brouilla avec sa patronne, et lui enleva toute une partie de sa société, d’Alembert en tête. […] On prit fait et cause pour ou contre Mlle de Lespinasse ; en général, le jeune monde et la littérature, les encyclopédistes en masse furent pour elle. […] Dans un temps où Mme de Prie et elle étaient encore jeunes, elles n’avaient rien imaginé de mieux, pour tromper l’ennui, que de s’envoyer tous les matins les couplets satiriques qu’elles composaient l’une contre l’autre.

939. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

Rousseau n’est pas seulement un ouvrier de la langue, apprenti avant d’être maître, et qui laisse voir par endroits la trace des soudures : c’est au moral un homme qui, jeune, a passé par les conditions les plus mêlées, et à qui certaines choses laides et vilaines ne font pas mal au cœur quand il les nomme. […] Tour à tour bruyant et joyeux, silencieux et triste, je rassemblais autour de moi mes jeunes compagnons ; puis, les abandonnant tout à coup, j’allais m’asseoir à l’écart, pour contempler la nue fugitive, ou entendre la pluie tomber dans le feuillage… Et encore : Jeune, je cultivais les Muses ; il n’y a rien de plus poétique, dans la fraîcheur de ses passions, qu’un cœur de seize années. […] Et il raconte cette scène vive et muette que personne n’a oubliée, cette scène par gestes, arrêtée à temps, toute pleine de rougeur et de jeunes désirs.

940. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Ce désir de gloire que nourrissait la jeune âme de Frédéric et qui cherchait encore son objet, lui faisait tourner naturellement ses regards vers la France. […] Il reçut du jeune prince de Prusse, non pas une lettre de compliments, mais une véritable déclaration passionnée. […] Jamais on n’a mieux senti que ce jeune prince ce que les lettres pourraient être dans leur plus haute inspiration, ce qu’elles ont en elles d’élevé et d’utile, ce que leur gloire a de durable et d’immortel. […] À l’entendre, ce jeune prince fait des vers comme Catulle du temps de César ; il joue de la flûte comme Télémaque ; c’est Auguste-Frédéric-Virgile

941. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Son père l’avait emmené en Guyenne en bas âge ; là, dans son château de Bonnefons, il plaça près de lui un jeune précepteur, qui devint plus tard un prédicateur assez célèbre, l’abbé Anselme, sujet excellent, homme sensé et distingué, d’une piété éclairée, d’une morale exacte, qui donna à son élève les meilleurs préceptes et lui laissa les plus pures impressions : « Ce n’est point sa faute, dit M. d’Antin, si je n’ai pas l’esprit et le cœur faits comme je devrais l’avoir ; il n’y a rien oublié de sa part, ses paroles et ses actions étant toujours de concert. » Mais la nature avait mêlé dans cette âme délicate et molle des goûts de séduction qui ne demandaient que l’éveil. Dans son éducation domestique à Bonnefons, le jeune d’Antin n’avait pas manqué d’apprendre par les gens de la maison, surtout par les femmes de chambre, l’aventure de sa mère : Comme elles comptaient que j’en profiterais, dit-il, et, par conséquent, qu’elles en auraient leur part, elles me parlaient toujours, à l’insu de mon père, du roi, de la Cour, des grands biens et fortunes qui m’attendaient. […] À travers ce philtre chéri et cet agréable poison que buvait avidement sa nature toute préparée, le jeune d’Antin faisait de bonnes études successivement aux Jésuites de Moulins, au collège des Oratoriens de Juilly, et enfin au collège de Louis-le-Grand à Paris. […] V, p. 414), quand l’ambitieux, jeune encore et non rassasié, s’insinue, se pousse et aspire ; l’autre au faîte de la vie (t. 

942. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

C’était le temps des conspirations militaires contre la Restauration (1820-1823), il y trempait, et ses chefs pourtant ne pouvaient s’empêcher de distinguer ce sous-lieutenant des plus incommodes comme un jeune officier instruit, studieux et plein l’avenir. […] Mais, auparavant, j’ai à parler d’un article qu’il donna à la Revue de Paris en juin 1830, et qui, sous ce titre : « Une mort volontaire », contenait des réflexions inspirées par le suicide du jeune et malheureux Sautelet. […] Cette physionomie gracieuse et pure, cette jeune tête riante et chauve de Sautelet se dessine avec beaucoup de finesse, et même par moments avec un éclair de gaieté ; puis l’analyse reprend, exacte, sévère, presque impitoyable. Pour mieux dégoûter du suicide, l’ami ne craint pas de nous montrer l’impression d’horreur que cause même aux indifférents la vue d’un homme jeune et beau, d’une noble créature qui a ainsi attenté contre elle-même, et qui a tout fait pour dégrader et dévaster son image (jusque dans les traits qu’une mort ordinaire et naturelle sait respecter.

943. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Comme tous les hommes arrivés à un grand renom et très redoutés, mais qui ne se gouvernent pas avec prudence, il allait, se trouver en présence d’hommes de talent, plus jeunes, hardis, énergiques, avides de célébrité aussi, ayant leur réputation à faire, et pour qui il devenait, s’il n’y prenait garde, une proie très appétissante. Avoir raison de Beaumarchais, qui avait eu raison de tant d’adversaires, était une ambition et une gloire qui devaient tenter de plus jeunes, et il l’éprouva. […] Un nouvel adversaire se préparait : c’était l’avocat Bergasse, qui, jeune aussi, éloquent et ardent, avait sa réputation à faire. […] Kornman, homme de finances, mari d’une jeune et jolie femme, née à Bâle, qu’il maltraitait, dont il avait autorisé d’abord les relations irrégulières, et qu’il finit par faire enfermer à Paris, dans une maison de force, rue de Bellefonds, au moment où elle était enceinte et près d’accoucher.

944. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Né à Dijon le 7 février 1709, d’une ancienne et noble famille originaire de Savoie, et qui n’avait pris la robe qu’après avoir porté l’épée, le jeune de Brosses fit des études brillantes en sa ville natale, qui avait alors toutes ses ressources au complet, et qui sentait de tout point sa capitale. […] Cette thèse fit événement à l’Université ; le corps des professeurs, le doyen à leur tête, vint solennellement féliciter la mère du jeune licencié, et, le 13 février 1730, à peine âgé de vingt et un ans, de Brosses était assis sur le banc des conseillers au parlement de Bourgogne. Un homme du premier ordre dans le droit et dans les lettres avait alors toute autorité à Dijon, et il exerça la plus grande influence sur la direction d’esprit du jeune de Brosses. […] Ces jeunes Bourguignons de qualité ont leur carrosse, font bonne chère, jouent gros jeu et se mêlent aux mœurs du pays.

945. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Lorsqu’un jeune écrivain, né en quelque coin de province, arrive à Paris, son premier soin est de décrier son petit pays, pour bien montrer qu’il n’en est plus ; il renie ces humbles braves gens parmi lesquels il a vécu ; il se moque d’eux qui l’ont servi ou supporté ; il croit, par cette ingratitude, augmenter ses chances de naturalisation. Mais comme il est très jeune, qu’il a bien peu observé et qu’il a plus de lecture que d’expérience, son jugement ne diffère point de ceux qu’on trouve partout. […] Les jeunes femmes d’aujourd’hui, en province comme à Paris, ont d’autres occupations et d’autres distractions. […] Il n’y a guère de jeune mère qui n’entre en huitième avec son fils aîné, qui ne sache « rosa, la rose », qui ne s’intéresse à l’alphabet grec pour faire réciter les leçons du collégien, qui ne s’applique surtout à corriger et même à rédiger les « rédactions » de mademoiselle Henriette, ou de mademoiselle Geneviève, ou de mademoiselle Marthe qui suit des cours de littérature, de sciences, d’histoire, d’économie, — non domestique, mais politique, — et qui doit être la première, puisqu’elle lutte contre mademoiselle Marie, c’est-à-dire contre la mère de mademoiselle Marie, laquelle a toujours passé pour moins intelligente que la mère de mademoiselle Marthe, ou de mademoiselle Geneviève, ou de mademoiselle Henriette.

946. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — II » pp. 161-173

Je voudrais bien établir et déterminer en traits précis cette figure sympathique du jeune général, sans lui faire tort et sans la surfaire. […] Joubert, général de brigade à vingt-six ans, au moment de l’entrée en campagne (1796), est un des bras les plus actifs de cette jeune et déjà vieille armée d’Italie. […] La campagne suivante est le plus beau fleuron militaire de notre jeune héros.

947. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

De loyaux militaires, d’anciens officiers de cavalerie se sont piqués d’honneur ; ils sont venus, plume en main, discuter le plus ou moins de convenance des historiettes racontées par le jeune abbé dans la société de Mme de Caumartin et s’inscrire en faux contre ses plus insinuantes malices. […] Le jeune abbé se contentait, en ces années fougueuses, d’obéir à ses passions, sans en faire parade par lettres : ce sont d’ailleurs de ces choses qu’on n’a guère coutume d’aller raconter à son ancien précepteur. Celui-ci avait laissé le jeune abbé en train de fortes études et de thèses théologiques ; il se le figurait toujours sous cet aspect : « Vous avez trop bonne opinion de ma vocation à l’état ecclésiastique, lui écrivait Rancé : pourvu qu’elle ait été agréable à Dieu, c’est tout ce que je désire… » On a beau relire et presser les lettres de cette date, on y trouve de bons et respectueux sentiments pour son ancien précepteur, un vrai ton de modestie quand il parle de lui-même et de ses débuts dans l’école ou dans la chaire, de la gravité, de la convenance, mais pas le plus petit bout d’oreille de l’amant de Mme de Montbazon.

948. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

Quel attendrissement n’éprouve-t-on pas lorsqu’on entend les plaintes d’Arthur, jeune enfant dévoué à la mort par l’ordre du roi Jean, ou lorsque l’assassin Tirrel vient raconter à Richard III le paisible sommeil des enfants d’Édouard ! […] Lorsque le gouverneur de la tour où est enfermé le jeune Arthur, fait apporter un fer chaud pour lui brûler les yeux, sans parler de l’atrocité d’une telle scène, il doit se passer là sur le théâtre une action dont l’imitation est impossible, et dont le spectateur observera tellement l’exécution, qu’il en oubliera l’effet moral. […] Lorsque dans la pièce intitulée Measure for Measure, Lucien, l’ami de Claudio, frère d’Isabelle, la presse d’aller demander sa grâce au gouverneur Angelo, qui a condamné ce frère à mort ; Isabelle, jeune et timide, lui répond qu’elle craint que sa démarche ne soit inutile, qu’Angelo ne soit irrité, inflexible, etc.

949. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Jeune, mais déjà mûr, d’un esprit ferme et haut, nourri des études antiques et de la lecture familière des poètes grecs, il a su en combiner l’imitation avec une pensée philosophique plus avancée et avec un sentiment très présent de la nature. […] Il est le chef avoué d’une pléiade de jeunes poètes, dont plusieurs ont un nom. […] Le poète avait décidément renié ce qu’il avait adoré avec l’ardeur irréfléchie d’un jeune créole… Leconte de Lisle n’a pas cherché la notoriété, et il atteint la gloire qui est faite, pour une bonne part, de désintéressement et de dédain.

950. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

Les jeunes apprenaient le chemin de son réduit. […] C’était Forain, non pas le Forain amer et désenchanté qui s’est révélé depuis, mais un Forain jeune, frais, alerte, désinvolte et comme heureux de vivre. […] Je me souviens de la joie d’un jeune ouvrier maçon à peine échappé du service militaire, à qui Verlaine avait permis de copier des fragments de Sagesse.

951. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

Si hautes que semblent ses idées, si purs ses sentiments, si jeune sa vision et si nouveaux ses rêves, ils ne compteront pour rien s’il n’en a fait de la beauté : c’est-à-dire quelque chose qu’il appelle poème et qui est un monde en ce monde, un corps entre les corps et parmi les êtres un être. […] Les jeunes combattants ne pouvaient se tromper sur la valeur des forces ennemies… Car il est temps de rendre à la poussée lyrique dont la clameur emplit ces quinze ou vingt dernières années, son sens réel et sa juste physionomie. […] À des influences lyriques eux et leurs plus jeunes émules durent un souci d’art nouveau.

952. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

Très distingué par le talent parmi les journalistes de la jeune génération, il est certainement un des plus compétents en ce qui touche aux choses religieuses. […] Fut-ce celles-là que vit instantanément Grégoire XVI et qui lui firent nommer le jeune Pecci prélat de sa Maison et référendaire à la Signature, puis délégat à Bénévent et à Pérouse ? […] Il vit, comme Grégoire XVI, au premier regard, la supériorité de Mgr Pecci, et dans la circonstance surchargée et prodigieusement difficile d’un royaume nouvellement fondé, il eut souvent recours aux conseils de ce jeune nonce, qui, avant d’être diplomate, avait glorieusement prouvé qu’il était surtout un homme de gouvernement effectif, et dont la force, comme la vraie force, avait toujours été assez grande pour être moelleuse.

953. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XI » pp. 39-46

Les doctrines de Bonald, de Lamennais, surtout de Joseph de Maistre, ont prévalu chez les croyants catholiques, chez les jeunes. […] Tout ce qu’il y a de jeune dans le catholicisme en France, tout ce qui est arrivé là par l’imagination, par les idées absolues, par les systèmes, par la tête plutôt que par le cœur, par la mode, les disciples des cathédrales et de l’art chrétien, les convertis du Saint-Simonisme enclins à la théocratie, les hommes venus là au sortir du jacobinisme révolutionnaire ou même sans en sortir (et il y a un noyau dont le type est Buchez), tout cela forme une milice ardente, violente, ou même légère, qui parade dans les églises aux Semaines Saintes, qui guerroie dans les journaux, et qui essaye le tapage aux cours.

954. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « SUR ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 497-504

En un mot, si André Chénier eût vécu, je me figure qu’il aurait pu être le grand poëte régnant depuis 95 jusqu’en 1803 ; réaliser admirablement ce que son frère, et Le Brun, et David dans son genre, tentèrent avec des natures d’artiste moins complètes et avec une sorte de sécheresse et de roideur ; exprimer poétiquement, et sous des formes vives de beauté, ce sentiment républicain à la fois antique et jeune, qui respire dans quelques écrits de Mme de Staël à cette époque, et surtout dans sa Littérature considérée par rapport à la Société. […] Mais, dans les premières années du règne de Louis XVI, à l’aurore des améliorations lentes tentées par Malesherbes et Turgot, le jeune ami des Trudaine avait conçu un rôle littéraire plus calme, plus recueilli, plus d’accord avec un loisir d’ailleurs assez voluptueux, une régénération de la poésie énervée du xviiie  siècle par l’étude approfondie de l’antique, un embellissement ferme et gracieux de la langue, et une peinture naïve des passions et des faiblesses du cœur dans des cadres nouveaux.

955. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire et philosophique »

Les temps modernes, qui forment la cinquième et dernière période, à partir de Bacon et Descartes, et qui constituent pour un grand nombre d’enseignements le principal de l’histoire de la philosophie, n’obtiennent pas ici tout le développement qui conviendrait peut-être ; mais c’est la partie la plus abordable, celle à laquelle les discussions habituelles du dehors initieront assez tôt les jeunes esprits, et il était plus utile de leur faire apprécier tous ces immenses travaux précédents qu’on a trop de hâte d’oublier dans la plupart des débats modernes. […] Mais il est bien de l’offrir, de la rappeler dans toute son intégrité aux âmes modérées, auxquelles elle est suffisante ; il est bien surtout d’en faire le premier enseignement et comme le premier tableau au fond des pures et jeunes âmes ; car elles y reviendront avec fruit, elles s’en ressouviendront un jour.

956. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Le Comte Walewski. L’École du Monde »

Walewski depuis qu’il observe le monde, c’est le danger, dit-il, auquel se trouve exposée une jeune femme qui, jetée sans défense parmi les médisances des salons, peut voir, dès le premier pas, sa réputation compromise et son avenir perdu : il en a fait le sujet de sa pièce. Une autre chose l’aurait pu frapper aussi, ce me semble, c’est le danger d’illusion et le travers auquel se trouve exposé un galant homme qui, jeté, jeune et riche, au milieu de l’éclat et des politesses du monde, et s’avisant un beau jour de s’y vouloir faire une réputation d’auteur, se met à croire à tous les compliments qui lui arrivent, et aux cartes de visites sur lesquelles on lui crayonne des bravos.

957. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les derniers rois »

Ma fille, que j’aimais tendrement, avait le tort de donner dans une dévotion outrée ; et cela n’était point pour plaire à un peuple jeune et généreux, qui commence à s’affranchir de la superstition et chez qui les lumières de la philosophie se répandent de jour en jour. […] Je ne vois plus guère que le Tzar, le Grand Turc et le jeune Empereur illuminé d’Allemagne qui croient encore à leur droit divin.

958. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sully Prudhomme (1839-1907) »

Paul Verlaine De quelques années plus jeune que lui, je n’avais guère produit que de l’inédit et je restai timide devant l’auteur déjà connu des lettrés de ces Stances et poèmes qui, avec Philoméla, de Catulle Mendès, et les Vignes folles, de ce regretté Glatigny, constituèrent les fiers débuts de la Renaissance poétique d’alors et d’aujourd’hui. J’admirais beaucoup ces vers un peu maigres, mais d’une correction des plus plaisantes en cette période de jeunes poètes lâchés, lamartiniens sans génie, hugolâtres sans talents, mussetistes, qui n’avaient du maître que l’envers de sa paresse divine.

959. (1887) Discours et conférences « Discours à l’Association des étudiants »

J’ai coutume de dire : « Heureux les jeunes ! […] J’aurais mieux fait peut-être de me réjouir quand j’étais jeune et de chantera ma guise le Gaudeamus des clercs du moyen âge : Gaudeamus igitur, dum juvenes sumus ; Post jocundam juventutem, Post moleslam senectutem, Nos habebit humus.

960. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIX » pp. 207-214

Le roi était tout-puissant sur la nation par sa gloire, par le noble usage qu’il faisait de sa gloire même : Molière était tout-puissant près du roi par le plaisir qu’il donnait à la cour, par la louange, par le concert de louanges que Racine et Boileau, ses jeunes amis, guidés par ses conseils et son exemple, prodiguaient à l’envi au monarque. […] Racine était courtisan quand Titus, se séparant de Bérénice, retraçait à Louis XIV le courage qu’il avait montré, l’empire qu’il avait eu sur lui-même, en éloignant Marie Mancini, dont il était fort amoureux et qu’il avait en la fantaisie l’épouser ; mais par cet acte de courtisan, il remplissait habilement un devoir de citoyen, et concourait avec Bossuet à dégager le jeune prince des chaînes de madame de Montespan, et à l’armer de sa propre vertu contre une passion désordonnée.

961. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 29, si les poëtes tragiques sont obligez de se conformer à ce que la geographie, l’histoire et la chronologie nous apprennent positivement » pp. 243-254

Il affecte de la peindre comme une fille vertueuse en jeune personne : et plus d’une fois il lui fait dire, en phrases poëtiques, qu’elle n’a point vû le monde, et qu’elle ne le connoît pas encore. […] Il cite bien l’expression dont Seneque se sert pour dire qu’elle étoit la jeune personne de son tems la plus enjouée ; festivissimam omnium puellarum.

962. (1860) Ceci n’est pas un livre « Les arrière-petits-fils. Sotie parisienne — Deuxième tableau » pp. 196-209

Ma vieille mère expire dans le besoin ; ma jeune sœur, une arrière-petite-fille, monsieur ! […] Une vieille mère et une jeune sœur !

963. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Armand Baschet »

C’est une chose gaie, en effet, par elle-même, que cette donnée, hardie comme la gaîté, — de la gaîté qui va parfois jusqu’à l’audace, — d’un coquebin à trente-six carats, marié, dans la prime fleur de ses jeunes années, à la jeune fille la plus charmante, dont le cœur bat sous le buse de l’étiquette, qu’elle enverra très bien promener au fond de son alcôve quand il le faudra, et qui, devant ce buse et devant ce cœur, reste les bras croisés, froid comme un saint de pierre qui ne connut jamais la tentation. […] Quand Marie de Médicis le fit coucher pour la première fois avec Anne d’Autriche, mais veilla, bien inutilement, du reste, à ce que ce ne fût là qu’une messe blanche de mariage que célébraient les jeunes époux, Baschet entre dans la ruelle, s’assied presque sur la couverture, note, note et renote, et ne se doute pas de l’indécence de son récit… Candide à force d’importance.

964. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — IV »

Taine, qui croyait que par un effort de l’intelligence individuelle on saisit les lois des choses, n’a fait que raisonner et organiser des sensations qui, des cénacles romantiques jusqu’aux brasseries de Montmartre, ont été éprouvées et exprimées par tous les artistes, par les plus minables et par les plus hauts, par les rapins de Murger et par le jeune Ernest Renan.‌ […] Le poète romantique, la jeune femme romanesque, M. 

965. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Ce n’est pas méchant ; mais la pièce a été faite pour les « souvenirs du jeune âge », et ces souvenirs du jeune âge sont mis en très jolis vers, très dignes de Corneille jeune. […] Évidemment Sylvestre est un jeune valet, encore timide, que la maestria de Scapin remplit à la fois de respect, d’émerveillement et de terreur. […] Dehelly gentil comme un jeune merle dans le joli rôle de Damis. […] Monsieur, répondit-elle, il faut être jeune et belle pour faire Zaïre. — Ah ! […] Les jours où Reims s’illuminait de la base au faîte, le jeune Casimir savait ce qu’il avait à faire.

966. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Dès 1833, on voit le jeune Gandar à Metz dans le pensionnat Laffitte, puis au collège de la ville ; il y fit toutes ses classes, y compris la rhétorique. […] » De bonne heure il avait du professorat cette haute idée ; il s’en approchait avec précaution et respect comme le jeune lévite s’approche du ministère : « (13 juillet.) — Pour ne pas me fatiguer à la veille des épreuves de la licence, je suis resté chez moi. […] Notre jeune professeur de rhétorique ne crut point sortir de sa sphère ni abuser de l’art de persuader en conviant ces jeunes talents chers au pays à se former en une société dite de l’Union des Arts. […] Beulé, en partant, laissait Gandar aux soins d’un jeune et nouveau membre de l’École, dont le coup d’essai brillant, le premier exploit signalé datera également de la Grèce, mais dans un genre bien différent : « Beulé parti, écrivait Gandar, je vivrai en tête à tête avec un de nos jeunes collègues né à Dieuze et garçon d’esprit, M.  […] Un jeune ecclésiastique mort trop tôt, l’abbé Vaillant, un disciple de M. 

967. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

C’est curieux comme les expansions du jeune romancier versent, de suite en des paroles mélancoliques. […] Une nouvelle recrue : Raoul Duval, le jeune orateur de la Chambre. […] C’est un homme, à la fois vieux et jeune, aux petits yeux, aux petites moustaches, aux petits traits ratatinés, au petit front bombé, semblable à un ivoire japonais représentant le Dieu de la longévité. […] Soudain mon jeune cousin fait irruption chez moi avec la S***, et il faut, bon gré mal gré, que j’aille faire, disent-ils, une petite fête avec eux. […] Il y a à Saint-Pétersbourg, de petites voitures menées par un petit cheval, voitures qui ne coûtent pas cher, et que je prenais, quand j’étais jeune.

968. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

Comme il recrutait de jeunes clercs pour peupler cet établissement, il demanda au cardinal Negroni de nous y envoyer, lui promettant de nous accorder à tous deux sa protection spéciale. […] Elle mourut très jeune à Bologne, où elle était allée prendre les bains d’après l’avis de la Faculté. […] J’étais jeune encore, — j’avais environ trente-cinq ans, — et mon âge me permettait d’attendre le décanat, quelque lenteur qu’il mît à venir. […] Il était de Césène comme lui ; il était assez jeune pour être Pape, ayant cinquante-huit ans, comme le Pontife défunt, quand il fut élu. […] Ce cardinal doutait cependant un peu que ces derniers votassent unanimement pour Chiaramonti, parce qu’il s’en rencontrait parmi eux d’aussi jeunes que lui.

969. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

L’entretien du vieux ministre et du jeune dictateur fut long et dut être intéressant : c’était la rencontre de deux hommes, dont l’un avait perdu une monarchie, dont l’autre reconstruisait tout ce que le premier avait démoli. […] Il s’éloigne, il se décourage, il épouse dans sa patrie une jeune parente d’une beauté virginale, d’un esprit médiocre, d’un caractère plus rassurant pour sa félicité domestique. […] Necker dont jeune il avait partagé les opinions libérales, l’ennemie de Napoléon, la femme éloquente, la femme poëte, la femme politique qui, par son exemple et par son influence, ramenait aux Bourbons les républicains convertis à la monarchie tempérée. […] J’ai été jeune et je suis devenu vieux, et, dans cette vie incertaine, le Tout-Puissant m’a envoyé beaucoup de joie et de douleur. […] Quel spectacle plus touchant que celui de cette jeune et belle fiancée !

970. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Et le jeune artiste à peine issu des chansons et des marcias de Lohengrin, comment verrait-il qu’à dire un tel ordre d’émotions suffiraient les quatre archets enseignés depuis Beethoven à traduire toutes musiques ? […] Mais échauffé des plus nobles chimères, il a rêvé un art complexe de toutes les puissances de l’art ; j’ai dit que c’était l’époque de l’Œuvre d’art de l’avenir, de Drame et Opéra ; le jeune artiste, avant de comprendre que l’œuvre de Beethoven réside majeurement en ses quatuors de cordes, a vu dans le hasard d’un chœur concluant la neuvième symphonie le commencement d’un art nouveau ; il a calculé, le jeune artiste, que l’émotion de ses musiques se doublerait de l’émotion de ses poèmes et se triplerait de l’émotion de ses spectacles ; et — ne serait-ce pas le profond de la vérité ? […] Ainsi rêvait le jeune artiste à instaurer un art collectif ; les traditions du Rheingold se suivaient en la Walküre, ce beau mélodrame de cape et d’épée et de méthaphysique ; dans Siegfried, elles se continuaient ; mais sans doute que déjà l’hésitation avait pris son esprit mieux expérimenté ; arrivé au troisième acte de Siegfried, devant l’efflorescence musicale qui grandissait en lui, sentait-il son système faillir ? […] Un jour, comme le roi très malaisé sortait du bain, les servants aperçurent qu’un des cygnes du Mont-Salvat était tué d’une flèche en l’air ; les cygnes du Mont-Salvat étaient consacrés ; on appréhenda le meurtrier ; c’était un jeune garçon… Ah ! […] Et voilà donc qu’ayant achevé la Babel de sa Gœtterdæmmerung, né à cette solide vieillesse qui n’est que la maturité des esprits géniaux, il avait passé la série entière des liminatoires épreuves ; car, si la création d’une œuvre d’ensemble est folie à tout jeune artiste, quelque grandiose soit-il, si le devoir à tout jeune artiste est de travailler en des études sensationnelles très restreintes, et si tout artiste, même expérimenté de science et de méditation, doit terriblement redouter toute institution générale, c’est pourtant le droit aux maîtres d’essayer à l’heure de la vieillesse, comme leur dernier et suprême monument, cette création gigantesque, une synthèse sensationnelle ; et Richard Wagner, debout en 1876 dans son Bayreuth inauguré, pouvait tenter l’œuvre synthétique de la sensation humaine qui fut le Parsifal.

971. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

Kora, jeune et pure vierge, fille de Damata, est ravie à sa mère à la fleur de ses jours par le dieu de l’abîme ou de l’enfer. […] Nous allons ébaucher les principaux traits de ce poème ; transportez-vous en esprit dans un autre monde poétique et dans une autre nature, et écoutez : Nala est un jeune héros aussi beau et plus doux que l’Achille d’Homère. Il est fils d’un roi d’une contrée des Indes, située au pied des monts Himalaya ; de jeunes guerriers, ses pages, élevés avec lui à la cour de son père, rivalisaient avec leur prince dans tous les exercices de la chasse et de la guerre et sur les champs de bataille. […] Un soir, le jeune héros, en proie à cette tristesse vague, symptôme et pressentiment des grandes passions, s’enfonce seul dans une forêt pour rêver plus librement de Damayanti. […] Le cygne, reconnaissant de cette compassion du jeune chasseur, prend une voix humaine ; il promet à Nala de s’envoler vers Damayanti, et de lui révéler l’amour du héros.

972. (1739) Vie de Molière

Le jeune Poquelin fit au collège les progrès qu’on devait attendre de son empressement à y entrer. […] L’Huillier, homme de fortune, prenait un soin singulier de l’éducation du jeune Chapelle, son fils naturel ; et pour lui donner de l’émulation, il faisait étudier avec lui le jeune Bernier, dont les parents étaient mal à leur aise. […] Il encourageait souvent par des présents considérables de jeunes auteurs qui marquaient du talent : c’est peut-être à Molière que la France doit Racine. Il engagea le jeune Racine, qui sortait de Port-Royal, à travailler pour le théâtre dès l’âge de dix-neuf ans. Il lui fit composer la tragédie de Théagène et de Chariclée ; et quoique cette pièce fût trop faible pour être jouée, il fit présent au jeune auteur de cent louis, et lui donna le plan des Frères ennemis.

973. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

le bel article à faire sur la lourde bêtise et l’ignorance des jeunes blagueurs de première. […] » Puis c’est la leçon d’équitation, où un louis était placé par le père sur la selle, que le jeune d’Aurevilly devait franchir sans le faire tomber, et le louis était à lui. […] Dîner avec la duchesse de Richelieu, la duchesse de Gramont, le prince de Wagram, le jeune Pourtalès, etc., etc. […] Il a une figure toute jeune, toute rose, toute poupine, et le macabre de ses traits a disparu. […] Et dans ce vagabondage, en cette maison d’art, il avait été pris du désir d’en faire autant, que les jeunes sculpteurs qu’il voyait travailler.

974. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Ce n’est pas à un « genre secondaire » qu’il eût voué ses jeunes énergies. […] Elle est jeune. […] Le plus jeune était chirurgien-major désigné. […] Elle était jeune en 1870. […] Si jeune, ce propos est de quelqu’un qui tient un rôle.

975. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Comme il est probable que le voyage actuel est le dernier que j’entreprendrai, je tente de pomper le plus possible et de ramasser les miettes, afin de n’avoir aucun regret par la suite et d’avoir dans mon sac tout le butin nécessaire pour achever le bout d’existence qui nous reste, dans notre solitude de Versailles, qui s’augmentera tous les jours ; car, à nos âges, les jeunes se séparent de vous, et les vieux disparaissent dans le grand trou où chacun de nous va se faire oublier… » Il vient une heure, un moment où, bon gré mal gré tout s’obscurcit en nous et autour de nous. […] Ben-Abou est un homme superbe ; il était monté sur une mule blanche et environné d’une vingtaine de jeunes pages de l’empereur, le fusil haut, la tête découverte, une longue tresse de cheveux courts pendant sur l’oreille gauche, et vêtus de robes de toutes couleurs ; les chevaux richement équipés : le tout formait un groupe éclatant. […] La scène se passe sur une guillotine et sur le corps d’un guillotiné ; le squelette de la Mort qui domine tient en main et lit le journal le Peuple ; un peu au-dessous, un jeune Asiatique joue de la flûte sur un os perforé : dans le fond, ce ne sont qu’incendies et ruines. […] Un jeune peintre qu’il ne connaissait pas entre un jour dans son atelier : « Monsieur Vernet, je n’ai pas l’honneur de vous connaître… Je viens vous demander votre avis ; j’ai un cheval à faire dans un tableau qui est presque achevé ; je n’ai pas de cheval sous les yeux, je ne sais comment faire. » Horace le suit et va voir le tableau. — « Ce n’est pas mal, dit-il de l’ensemble ; mais en effet ce n’est pas là un cheval, ça ressemble à tout autre animal… Un avis ! […] Il disait un jour à un jeune peintre à propos d’un tableau où je ne sais quel de ses confrères avait mis un chien : « Ils veulent faire des chiens, et ils n’en ont jamais vu.

976. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Rien ne saurait donner une plus juste idée du brusque changement qui se fit d’un règne à l’autre que ces phrases naïves de la mère de François Ier, Louise de Savoie, écrivant en son Journal : « Le 22 septembre 1314, le roi Louis XII, fort antique et débile, sortit de Paris pour aller au-devant de sa jeune femme la reine Marie. » Et quelques lignes plus bas : « Le premier jour de janvier 1515, mon fils fut roi de France. » Son fils, son César pacifique, ou encore son glorieux et triomphant César, subjugateur des Helvétiens, comme elle le nomme tour à tour. […] Une vive et facile école débutait justement avec le règne, et saluait pour chef et pour prince le jeune Clément Marot. […] Bonaventure des Periers, après avoir décrit, mais bien moins distinctement qu’Ausone, les vicissitudes rapides de chaque âge des rosés, conclut comme lui : …….Vous donc, jeunes fillettes, Cueillez bien tost les roses vermeillettes A la rosée, ains que le temps les vienne A deseicher : et tandis vous souvienne Que ceste vie, à la mort exposée, Se passe ainsi que roses ou rosée. […] La jeune école païenne de Ronsard s’offrait, et elle leur convint d’autant mieux par le contraste. Henri II personnellement aimait peu les lettres, et il est à cet égard le plus terne de tous les Valois ; mais sa sœur, la seconde Marguerite, qui devint duchesse de Savoie, se déclara hautement protectrice de la jeune bande.

977. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Mais cela n’a pas la sève jeune et pittoresque du souvenir d’Orient. […] La correspondance, fort sensée, habile, éloquente de son confident à Londres, de M. de Marcellus, souvent égale à celle de M. de Chateaubriand, moins passionnée, moins aventureuse, plus honnête, montre dans ce jeune diplomate un futur ministre, très capable de comprendre l’Europe, s’il n’était pas encore capable de la diriger. […] Je suis royaliste, je suis jeune, je ne veux à aucun prix dater d’un coup d’État malheureux dans la politique, et commencer par une révolution où les Bourbons périront. » Je fus nommé ministre à Athènes, et je m’éloignai ! […] XVII M. de Marcellus, qui était jeune, les partagea de bonne foi pour les klephtes, pour les corsaires, et pour les bergers sauvages de la féroce Albanie. […] Alors il prononça gravement et d’une voix haute ces deux vers de l’Iliade qu’on venait de lui donner à apprendre et à méditer pour sa leçon du lendemain : Ἀτρεἱδη, μἡ ψεὑδε’ ἐπιστἁμενος σἁφα εἰπειν, Οὐ γἁρ ἐπἱ ψεὑδεσσι πατἠρ Ζευς ἔσσετ’ ἁρωγὁς. — « Fils d’Atrée, ne mentez pas, vous qui savez si bien dire la vérité. — Car Dieu, notre père, ne sera jamais le soutien du mensonge. » « Et mon jeune lecteur, en épelant ces vers, se reprit, comme s’il eût été devant le pédagogue, pour me faire sentir l’accent du mot ψεὑδεσσι, mensonge, sur lequel d’abord il n’avait pas assez appuyé.

978. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Le martyre de la jeune vierge chrétienne et du héros converti amenait la catastrophe et rendait l’univers chrétien. […] Rien n’est affreux comme de troubler l’innocence… » Ces paroles d’Eudore font sourire : c’est plutôt douceur que douleur qu’il veut dire ; il n’en est pas de comparable, pour ces grandes âmes de héros ou d’archange déchu, au plaisir de troubler un jeune cœur, et, mieux qu’une Ève encore, une Marguerite innocente. Qu’on se rappelle la mort de la jeune Napolitaine dans les Harmonies (le Premier Regret) : Mon image en son cœur se grava la première, Comme dans l’œil qui s’ouvre au matin la lumière ; Elle ne regarda plus rien après ce jour ; De l’heure qu’elle aima, l’univers fut amour ! […] Combien, en effet, n’aurais-je pas été plus heureux dans la suite de mes jours agités, si j’avais cédé à ses larmes et aux miennes, repris mes vêtements de jeune pêcheur à la margellina, épousé celle que j’aimais, et continué avec elle, dans cette simple famille de camilleurs, l’existence où j’avais trouvé le bonheur ? […] Alors tout se tait dans la vieille langue ; nul ne cherche à imiter l’inimitable ; les uns ricanent par envie, les autres pleurent par sympathie, tous s’émerveillent en écoutant ; la note grave est retrouvée dans les langues modernes, et ce jeune inconnu a sonné sans le savoir le sursaut du monde.

979. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

Tous les professeurs de sciences vous le diront comme moi… » Cette remarque très grave d’un professeur qui, sous ses yeux, chaque jour, voit se former et se développer les jeunes intelligences nouvelles, est confirmée d’une façon extrêmement forte par une lettre au ministre de l’Instruction publique, écrite par M. Guillain, président du Comité des forges de France, lequel s’est fait l’interprète des chefs de notre industrie et déclare qu’aujourd’hui les jeunes ingénieurs sont, pour la plupart, incapables « de présenter leurs idées dans des rapports clairs, bien composés et rédigés ». […] Toutefois je pense que l’effort cérébral assez modeste exigé par le choix des expressions dans une version ou un thème latin, ou par la lecture des ouvrages de l’antiquité classique, ce répertoire des grands lieux communs sur lesquels vit en somme l’humanité depuis des siècles, est merveilleusement approprié à la vigueur d’un jeune cerveau encore en formation. De même le travail modéré qui consiste à herser un champ convient admirablement aux forces d’un jeune cheval de deux ans qu’il faut exercer sans l’épuiser. […] Les oreilles de nos jeunes camarades doivent entendre des propos encore plus modernes… Si nous poursuivons maintenant notre enquête auprès du grand public, de cette fraction de la société que l’on a pompeusement dénommée « l’élite », le mal est encore plus profond.

980. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

En Italie, où les circonstances le firent aller très jeune, il apprit que « pour écrire comme il faut il fallait se proposer de bons exemples, et que les bons exemples étaient renfermés dans un certain cercle d’années, hors duquel il n’y avait rien qui ne fût ou dans l’imperfection de ce qui commence ou dans la corruption de ce qui vieillit. » Il vit là de curieux exemples de superstition classique : un gentilhomme vénitien qui, à son jour de naissance, avait coutume de brûler un exemplaire de Martial en l’honneur de Catulle ; un autre délicat, qui faisait voir à son fils, dans les Métamorphoses d’Ovide, le commencement de la décadence latine. […] Tous les deux sont nés gentilshommes, et tous les deux s’attachent au parti royal : Balzac y avait plus de mérite que Malherbe, parce qu’il était plus jeune, qu’il avait vu ce parti avoir le dessous, et qu’il avait rempli des fonctions de confiance auprès du duc d’Epernon et du cardinal de la Valette, deux des chefs les plus marquants du parti des princes. […] Un jeune feuillant, frère André, avait publié un petit écrit « De la Conformité de l’éloquence de M. de Balzac avec celle des plus grands personnages du temps passé et du présent.  » Cet écrit était injuste. […] Il fit répondre aux attaques du jeune feuillant par une apologie, où lui-même, en beaucoup d’endroits, avait tenu la plume. […] Soit esprit de corps, soit que le jeune feuillant n’eût été que le prête-nom de sa jalousie, il répondit à l’Apologie par des lettres qui, parmi beaucoup de critiques passionnées ou puériles, exprimaient les vrais principes et donnaient les vraies raisons du refroidissement qui suivit le premier enthousiasme pour les écrits de Balzac.

981. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Tandis que, pendant le second empire, le public courait entendre les opéras de Meyerbeer, d’Auber et de Gounod, des critiques, de jeunes écrivains et même des musiciens cherchaient du nouveau, et, comme Wagner leur en offrait une ample provision, ils se firent ses adeptes. […] Weber, Reyer et de jeunes musiciens comme MM.  […] Ce furent, d’abord, les jeunes élèves d’une nouvelle école de musique, puis la partie la plus éclairée du public, qui s’ébranlèrent. […] Il ne faut pas négliger ici de parler des œuvres de quelques jeunes musiciens qui ont avec celles de Wagner un faux air de ressemblance, mais qui ont aussi contribué à convertir le public. L’adoption des « motifs conducteurs » n’a pas, semble-t-il jusqu’ici, porté bonheur à la jeune école moderne.

982. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

Un jeune docteur en droit, M. de Beauverger, a publié, il y a quelques mois, une Étude dans laquelle il expose et discute avec talent les idées de Sieyès sur la constitution et l’organisation sociale. […] Même jeune, il vivait très renfermé, bien qu’il fît preuve, assure-t-on (et je le crois sans peine), de l’esprit le plus fin et le plus gracieux, lorsqu’il consentait à s’ouvrir et à se développer. […] « Jeunes amants, imitez le zéphire… », nº 170, etc., etc. Mais si, dans ce catalogue, on ne peut entrevoir que le jeune abbé virtuose, celui dont une femme un jour dira : « Quel dommage qu’un homme si aimable ait voulu être profond !  […] Si timide, si fier et si ombrageux qu’il fût, le jeune abbé cherchait à se faire sa place dans ce vieux monde si mal ordonné.

983. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Pas un jeune homme, pas une jeune plume, pas une amertume. […] * * * — J’ai vu aujourd’hui le modèle des maîtresses, la maîtresse d’un jeune Anglais phtisique, une Italienne assez attachée à la poitrine de son amant, pour l’empêcher de sortir tous les soirs, s’enfermant avec lui, causant, fumant des cigarettes, lisant, toujours couchée sur une chaise longue, et dans une attitude qui montre un bout de jupon blanc et les bouffettes rouges de ses pantoufles. […] C’est vraiment curieux d’étudier combien le voltairianisme est jeune, ardent, militant chez ces vieillards. […] J’entendais l’un, un jeune blond, à la tête bonasse, s’écrier en tapant sur sa poitrine : « Ce n’est point une poitrine que j’ai là, c’est un mur !  […] Juillet Passé la barrière de l’École-Militaire, des rez-de-chaussée jouant des devantures de boutiques à rideaux blancs, et surmontés d’un étage avec un gros numéro au-dessus de la porte d’entrée. — Le gros 9. — Une grande salle, éclairée par le haut d’un jour blafard, où il y a un comptoir chargé de liqueurs, des tables de bois blanc, des chaises de paille. — Là-dedans sont attablés des lignards, des zouaves, des hommes en blouse avec des chapeaux gris, tous des filles assises sur leurs genoux. — Les filles sont en chemises blanches ou en chemises de couleur avec une jupe sombre : toutes jeunes, quelques-unes presque jolies, et les mains soignées, et coquettement coiffées et attifées, dans leurs cheveux relevés, de petits agréments. — Elles se promènent deux par deux dans l’allée entre les tables, jouant à se pousser et fumant des cigarettes ; — De temps en temps, un chanteur récite quelque ordure d’une voix de basse-taille. — Les garçons ont de longues moustaches. — Le maître de l’établissement est appelé par les filles : le vieux marquis.

984. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Au moment même où l’on applaudit une reprise d’Hernani ou de Ruy Blas au lendemain d’une reprise d’Andromaque, de Zaïre ou de Phèdre, nos jeunes poètes ne songent pas plus à refaire d’autres Ruy Blas ou d’autres Hernani qu’ils ne songent à refaire Zaïre, ou Phèdre, ou Andromaque, en se conformant aux rigoureuses unités de temps et de lieu. […] Sa jeune sœur, témoin depuis l’enfance de ses désordres, de ses brouilles, de ses raccommodements méprisables, de ses désespoirs, y a pris l’horreur de la débauche ; elle est sage par bon sens et par tranquillité de tempérament bien plutôt que par principes et par vertu. […] Edmond de Goncourt, effrayé de la direction à peu près exclusive qu’a suivie ce mouvement, a fini tout dernièrement par se fâcher presque rouge, et par dire assez vertement son fait à la jeune école. […] Il se trompe singulièrement sur lui-même quand il se croit l’avènement de la méthode scientifique dans la littérature ; il se trompe quand il se croit jeune ; il a tout au contraire et les impuissances et les raffinements de la vieillesse. […] Aussi ai-je entendu sans grande émotion la sommation hautaine qui nous a été récemment adressée : « La république sera naturaliste ou elle ne sera pas. » Non, le naturalisme n’est point le jeune officier d’avenir destiné à être bientôt général.

985. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

L’épopée même, que n’avait plus osée le second âge de création de la Grèce, l’âge des Eschyle et des Pindare, fut reprise avec une industrie d’imagination que devait imiter Rome ; et, dans l’arrière-saison de sa langue, Apollonius de Rhodes sut donner à la passion de Médée une verve de poésie et d’amour, dont les couleurs enrichissaient plus tard l’idiome jeune encore et le génie de Virgile. […] D’après les occasions de commerce et d’affinité si fréquentes alors entre la Sicile et l’Égypte, il épousa, jeune, la fille d’un Syracusain, Euphrate. […] Les grammairiens, les eunuques, les gens de cour, tout le faste industrieux d’Alexandrie, ont pu rejeter une âme poétique vers les simples pensées de deux pauvres pécheurs, ou les gracieux souvenirs des bergers de Sicile, comme Versailles et les courtisanes du dix-huitième siècle ont pu faire rêver le désert de Paul et Virginie, et comme les cachots de la Terreur ont inspiré les vers divins à la Jeune Captive. […] Moi, Théocrite, qui écrivis ces vers, je suis du peuple de Syracuse, fils de Proxagoras et de l’illustre Philine ; et je n’ai jamais détourné vers moi la gloire d’une muse étrangère. » Né sous le règne de Hiéron jeune, au temps du déclin de la Grèce, devant la fortune croissante de Rome, il trouvait dans Syracuse de grands souvenirs des lettres, l’hospitalité donnée à Pindare, à Platon, la comédie d’Épicharme ; et il se sentit de bonne heure sans doute appelé à renouveler, sous une autre forme, cette gloire poétique. […] Alors que le plus jeune des fils d’Atrée, heureux époux, enfermait avec soi Hélène, la fille chérie de Tyndare, toutes chantaient, applaudissant en cadence du mouvement de leurs pas entrelacés ; et la maison retentissait du cri de l’hymen : — As-tu sommeillé jusqu’au point du jour, ô gendre bien-aimé ?

986. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

Il félicita, dans une belle ode, le jeune Étienne Colonna d’être nommé sénateur, et rêva, sous ses auspices, la renaissance de Rome. […] Don Juan d’Autriche avait disposé lui-même l’ordre du combat et parcouru l’avant-garde et les côtés de la flotte, debout sur un esquif, un crucifix à la main, exhortant du geste et de la voix tous les confédérés, dont il avait mêlé les pavillons, pour ne faire qu’un seul peuple ; puis, remonté à son bord, où l’entourait une élite de jeunes nobles castillans et de soldats sardes, après que les grands navires vénitiens eurent porté les premiers coups et fait une large trouée, il s’acharna lui-même à l’attaque du vaisseau amiral turc, et, par cette prise et la mort de l’amiral, hâta la victoire. […] La saison avancée, les pertes des alliés, et surtout la politique secrète de Philippe II, docilement respectée du jeune vainqueur quand la vue de l’ennemi n’entraînait plus son courage, ne laissèrent pas les chrétiens user de leur succès comme ils auraient dû, assaillir à coups pressés l’empire ottoman, et lui reprendre du moins sa récente conquête. […] Ils ont osé promettre d’incendier nos frontières, de mettre à mort par l’épée notre jeunesse, de prendre nos jeunes enfants et nos vierges, et de souiller la gloire, la pureté de celles-ci. […] Ses préfaces et ses vers avaient pour juge un public nombreux, dont le suffrage, sous la plume de quelques jeunes magistrats, s’exprimait en distiques grecs224 à la louange de Pindare et de son harmonieux interprète.

987. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Mais la jeune personne est amoureuse d’un gentilhomme décavé qui compte se refaire avec sa dot. […] Et les autres personnages s’expriment dans le même langage sur le cas de la jeune chrétienne. […] Un abîme sépare la serve de son jeune seigneur, et elle ne l’ignore point. […] » Enfin, le comte arrive ; jeune encore, déplumé, pas gai, du chic. […] Danielo avait un jeune frère, qu’il adorait, et qui a disparu il y a quelques années.

988. (1864) Études sur Shakespeare

Sir Francis Drake partait en corsaire, et les volontaires se pressaient sur son navire ; sir Walter Raleigh annonçait une expédition lointaine, et les jeunes gentilshommes vendaient leurs biens pour s’y associer. […] Il est difficile de douter que la famille du jeune poëte n’ait partagé, avec toute la population de la contrée, le plaisir et l’admiration qu’excitèrent ces pompeux spectacles. […] Ainsi Lucrèce, accablée sous le poids de sa honte, après une nuit de désespoir, appelle au jour naissant un jeune esclave, pour le charger d’aller au camp porter à son mari la lettre qui doit le rappeler. […] Qui ne se sentira le cœur assailli de toutes les émotions pleines d’angoisse que peut inspirer l’enfance, en voyant la scène où Hubert, selon sa promesse au roi Jean, veut faire brûler les yeux du jeune Arthur ? […] Le babil du jeune Arthur avec Hubert devient déchirant par l’idée de l’horrible barbarie qu’Hubert se prépare à exercer sur lui.

989. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Il y a tel passage où, pour obtenir un effet de style, il devient panthéiste ; par-dessus tout il se guinde et prend le ton rogue, impératif d’un jeune docteur. […] Quand il veut imiter le Hans Carvel de La Fontaine, il l’alourdit, il l’allonge ; il ne sait pas être piquant, mais mordant ; ses polissonneries ont une crudité cynique ; sa moquerie est une satire, et il y a telle de ses poésies, l’avis à un jeune gentilhomme amoureux, où le coup de fouet est un coup d’assommoir. […] Il est raffiné et fade, s’attendrit à l’aspect des jeunes agneaux qui broutent l’herbe naissante, bénit les petits oiseaux qui célèbrent leur bonheur par leurs concerts. […] C’est pourquoi on voit fourmiller en ce moment, parmi les poëtes, les philosophes attendris et les académiciens pleurards : Gray, le solitaire morose de Cambridge et le noble penseur Akenside, tous deux imitateurs savants de la haute poésie grecque ; Beattie, le métaphysicien moraliste, qui eut des nerfs de jeune femme et des manies de vieille fille ; l’aimable et affectueux Goldsmith, qui fit le Ministre de Wakefield, la plus charmante des pastorales protestantes ; le pauvre Collins, jeune enthousiaste qui se dégoûta de la vie, ne voulut plus lire que la Bible, devint fou, fut enfermé, et, dans ses intervalles de liberté, errait dans la cathédrale de Chichester, accompagnant la musique de ses sanglots et de ses gémissements ; Glover, Watts, Shenstone, Smart, et d’autres encore. Les titres de leurs ouvrages indiquent assez leurs caractères : l’un écrit un poëme « sur les plaisirs de l’imagination », l’autre des odes sur les passions et la liberté, celui-ci une élégie sur un cimetière de campagne et un hymne à l’adversité, celui-là des vers sur un village ruiné et sur le caractère des civilisations voisines, son voisin une sorte d’épopée sur les Thermopyles, un autre encore l’histoire morale d’un jeune ménestrel.

990. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Vous prenez une jeune femme malheureuse et persécutée. […] Lui vient d’être frappé d’un coup mortel ; il est jeune, il eût voulu réparer bien des fautes ; il eût voulu longuement aimer. […] La chronique des tribunaux nous montre assez fréquemment de jeunes criminels dont la cervelle a été farcie de ces lectures malsaines et en tout cas antilittéraires. […] Plus jeune, très jeune quand l’insouciance de la tâche me faisait des loisirs, dans ce monde ouvrier où mon enfance s’écoula, j’ai lu les feuilletons passionnément ; les miens ne leur étaient pas moins fidèles. […] Vous pouvez être le Dieu du roman, mais si, par votre faute, au quatrième volume (car nous en avons autant) le jeune premier n’épouse pas l’innocente persécutée, je ne réponds pas de votre vie.

991. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

Elle était belle et jeune encore. […] C’étaient deux jeunes Sauvages, esclaves d’un tyran espagnol, et tous deux amoureux d’une jeune Sauvage, Néolé, laquelle était esclave comme eux de cet Espagnol qui voulait la déshonorer. […] Il ne saurait entrer dans mon plan de recommencer, après tant d’autres, l’exposé de la querelle que Rousseau fit à Hume pour le remercier de l’avoir conduit en Angleterre, de l’y avoir présenté à ses amis, de lui avoir ménagé un asile commode et riant à la campagne, et d’avoir cherché à lui obtenir une pension du jeune roi George III.

992. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

Celle-ci prétend que Mme de Boufflers joue perpétuellement la comédie : si elle regrette un de ses amis anglais, le jeune et aimable lord Tavistock, malheureusement tué à la chasse d’un coup de pied de cheval, si elle se retranche pendant quelque temps les spectacles et les fêtes : « Elle mène un deuil de milord Tavistock qui fait hausser les épaules !  […] Le jeune prince avait passé quelque temps chez elle à Auteuil, à la condition qu’elle lui rendrait sa visite à Stockholm. […] Au milieu du lever, entra une jeune femme avec trop de sans-façon, me parut-il, pour être autre qu’une proche parente. […] Un brave homme dont le nom mérite d’être conservé à côté du leur, l’abbé Le Chevalier, qui était instituteur du jeune de Boufflers, fils unique de la comtesse Amélie, vendit sa bibliothèque et une petite possession qu’il avait en Normandie, d’abord pour les faire vivre en prison, et puis pour détourner d’elles le coup fatal.

993. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

Un jeune peintre, élève de David, avait été présenté à elle et à Alfieri dans les dernières années : Fabre de Montpellier (c’était son nom), grand prix de Rome, s’était arrêté à Florence et avait fait le portrait des deux amis. […] Il était de quatorze ans plus jeune qu’elle ; il avait trente-sept ans à la mort d’Alfieri ; elle en avait cinquante et un. […] Le dimanche soir régulièrement, elle réunissait toute la jeunesse de la ville, jeunes filles et jeunes garçons qui venaient jouer et danser. […] Mme de Condorcet, veuve illustre, jeune encore et fort belle, nature passionnée, devait-elle abjurer son nom, le nom à jamais respecté d’un martyr philosophe ?

994. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

Il est difficile d’intéresser la postérité à des conseils assez fins de tour et de forme, mais fort vulgaires de fond, donnés à un jeune employé des finances pour lui apprendre le moyen de se faire bien venir de ses chefs : « Mon cher fils, — mon cher enfant, — faites-vous une besogne particulière et séparée de vos devoirs journaliers ; intéressez l’amour-propre de vos supérieurs (voire directeur entre autres), en les consultant sur cette besogne particulière, en les priant d’être vos guides… C’est M. de Saint Amand qu’il vous importe d’enjôler (sans fausseté, pourtant). […] Il s’appuie d’une opinion de Marivaux qui, ayant connu Rousseau plus jeune et quinze ans avant sa célébrité, lui avait assuré « qu’il l’avait vu l’homme du monde le plus simple, le plus uni et le moins enthousiaste », comme si cet enthousiasme couvant dans l’âme de Rousseau n’avait pas pu se dérober et se cacher à tous jusqu’au jour où il éclata. […] Dans sa Correspondance avec le jeune homme, seule partie assez intéressante du volume et qui ne l’est encore que médiocrement, Collé se montre à nous avec la douce manie des vieillards ; il revient sur le passé, sur ses auteurs classiques, sur Horace « le divin moraliste » qu’il cite sans cesse et qu’il a raison d’aimer, mais tort de parodier en de mauvais centons latins ; il voudrait que son jeune financier apprît le grec « à ses heures perdues », ce qui est peu raisonnable. […] Un vieillard jeune serait trop insolent. » J’aime sans doute les livres vrais, les livres qui sont le moins possible des livres et le plus possible l’homme même ; mais c’est à la condition qu’ils vaillent la peine d’être donnés au public et qu’ils ajoutent à l’idée qui mérite de survivre.

995. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

Il perdit sa mère en bas âge ; la famille était nombreuse et son père très-occupé ; le jeune enfant se trouva livré à lui-même, logé dans une guérite au grenier. Sa santé en souffrit, son talent d’observation dut y gagner ; il remarquait tout, maladif et taciturne ; et comme il n’avait pas la tournure d’esprit rêveuse et que son jeune âge n’était pas environné de tendresse, il s’accoutuma de bonne heure à voir les choses avec sens, sévérité et brusquerie mordante. […] Quant à l’effet hautement poétique et religieux des monuments d’alentour sur une jeune vie commencée entre Notre-Dame et la Sainte-Chapelle, comment y penser en ce temps-là ? […] Arnauld et à madame de Maintenon, pour imposer aux jeunes courtisans, pour agréer aux vieux, pour être estimé de tous honnête homme et d’un mérite solide.

996. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Atala avait trouvé sa nouveauté et sa vérité dans les déserts d’Amérique ; René, dans l’abîme du cœur du jeune écrivain ; le Dernier des Abencérages ne fut qu’un conte de Marmontel. […] XXXVIII Une femme jeune, belle, malheureuse, proscrite dans sa famille, s’empara alors de sa vie. […] Bonaparte l’agréa et le nomma secrétaire d’ambassade à Rome, heureux d’adresser au pape le jeune écrivain restaurateur de la religion. […] Du haut de ma fenêtre, je vis dans l’abîme de la rue le convoi d’une jeune mère ; on la portait, le visage découvert, entre deux files de pèlerins blancs ; son nouveau-né, mort aussi et couronné de fleurs, était couché à ses pieds. » XLII Chateaubriand fit une imprudence qui choqua l’ambassadeur et tout le corps diplomatique de Rome.

997. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

Respecte-les, vieillard, et apprends ceci de plus jeunes que toi. […] Rencontre frappante de la vieille Egypte et de la jeune Grèce. […] vous êtes des enfants, il n’y a pas de vieillards parmi vous ; vous êtes tous jeunes d’esprit. » Cette momie vivante ne croyait pas si bien dire : la Grèce naquit et elle resta jeune ; et c’est cette jeunesse qui lui donna la Beauté, qui versa sur ses œuvres la fleur de la vie, et lui fit cueillir légèrement les prémices de toutes les moissons, le laurier-rose de toutes les victoires.

998. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Le jeune Bazin conçut de bonne heure l’aversion du régime qu’il voyait finir ; il était encore au collège, qu’il se permit un jour, m’assure-t-on, quelque espièglerie poétique qui courut, quelque Napoléone au petit pied, qui eut l’honneur d’inquiéter la police impériale. […] Cousin, cet autre élève de la pension Lepitre, l’avait précédé avec éclat, et où les plus brillants élèves du temps se rassemblaient autour de la chaire de rhétorique qu’illustrait déjà le jeune Villemain. […] Michaud, homme fin, aimable, de plus en plus spirituel en vieillissant, et dont on cite une foule de mots charmants, était le Voltaire de ce petit groupe qui comptait de jeunes noms, dignes déjà de s’associer avec le sien. Le caractère de la jeune rédaction de La Quotidienne était de ne donner (c’est tout simple) dans aucun des lieux communs libéraux du temps, d’en rire tout haut, et aussi de rire plus bas des déclamations et des lieux communs monarchiques et religieux qu’elle pratiquait de si près, qu’elle semblait partager et redoubler souvent, mais auxquels elle ne tenait en réalité que par le côté politique.

999. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Elle réfléchissait dans un âge et dans un train de vie où à peine les autres sont capables de penser, et elle, qui resta jeune si longtemps par l’esprit, elle se trouva mûre par là aussi avant l’âge. […] Voilà une Ninon jeune, telle qu’elle put paraître en amitié et les jours où elle traversait la société des précieuses, elle qui l’était si peu, elle qui, causant avec la reine Christine, les lui définissait si bien d’un mot : « Les précieuses, ce sont les jansénistes de l’amour. » Mais, avec son esprit d’autant plus divers qu’il était plus à elle, elle savait s’accommoder à tous, et elle trouvait grâce, au besoin, et faveur devant l’hôtel Rambouillet, comme, les jours où il la consultait sur Tartuffe, elle rendait de sa même monnaie à Molière. […] Au comte de Choiseul, qui l’ennuyait un peu, et qui, un jour qu’il avait été d’une promotion, se mirait revêtu de tous ses ordres : « Prenez garde, monsieur le comte, lui dit-elle devant toute la compagnie ; si je vous y prends encore, je vais vous nommer vos camarades. » Il y avait eu, en effet, de déplorables choix. — Atteinte dans sa jeunesse d’une grave maladie et dont on désespérait, on se lamentait autour d’elle ; chacun, à son exemple, voulait mourir, et elle, raillant un peu tout ce jeune monde, même en le consolant : « Bah ! […] C’est par toutes ces qualités aimables et brillantes, portées sur un grand fonds de solidité et de sûreté dans l’amitié, qu’elle conquit les suffrages de tous ceux qui la virent, qu’elle fit oublier aux uns qu’elle vieillissait, et aux autres qu’elle avait été bien jeune sans cesser encore de l’être.

1000. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

Avaient-ils donc raison contre toutes nos hardies idées d’alors, contre nos jeunes espérances ? […] Il sortit de là pour être mousquetaire, assista aux derniers moments de Louis XV, reçut un jour, au passage, un regard charmant de la jeune et nouvelle reine Marie-Antoinette : il paraît que ce furent là les plus vifs souvenirs de ce jeune mousquetaire au cœur simple, à la figure noble et pleine de candeur. […] Quant à Chateaubriand, il était de quatorze à quinze ans plus jeune que Bonald, c’est-à-dire d’une autre génération.

1001. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Les frères d’Eschyle, les deux guerriers dignes de son nom par leur courage, comme son courage à lui-même était digne de son génie, le pressaient un jour d’écrire un hymne à l’honneur d’Apollon ; il leur répondit « que la chose était faite dès longtemps, et pour le mieux, par le poëte Tynnichos ; que si à l’œuvre de celui-ci il opposait maintenant une œuvre nouvelle et sienne, elle aurait même fortune que les statues récentes des dieux, en présence de leurs statues antiques : c’est-à-dire que celles-là, rudes et simples, sont réputées divines, et que les autres, plus jeunes et travaillées avec plus d’art, sont admirées, mais qu’elles ont moins du dieu en elles. » Devant Eschyle, son ancien de si peu d’années, Pindare dut raisonner de même ; et, content de sa gloire lyrique renouvelée sous tant de formes, liée à tant de faits royaux et domestiques, il n’avait pas à essayer cette autre gloire du théâtre élevée si haut dans Athènes. […] Entre ces deux villes, Thespies et Tanagre, que visitait Pindare tout jeune, et dans les campagnes fertiles et boisées qui les séparaient, tout était parsemé d’autels, de statues des dieux et de symboles poétiques, depuis le souvenir du chantre religieux venu de Lydie, Olen, jusqu’à des vers d’Hésiode que, du temps de Pausanias, on lisait encore, à demi-effacés, sur des lames de plomb gardées dans un temple du village d’Ascra, au pied de la montagne des Muses. […] Cela même portait le jeune poëte de Thèbes à prendre pour unique objet de ses chants ce qui pouvait surtout animer et servir la Grèce entière, le culte de ses Dieux protecteurs et l’émulation fortifiante de ses jeux guerriers. […] Pindare vient, au milieu des concitoyens et des amis, saluer le jeune vainqueur, dans la maison de son père, riche citoyen d’Égine ; et tout aussitôt la pensée du poëte s’élève à la joie du patriotisme commun, comme pour y perdre le souvenir de la faute et du malheur de Thèbes.

1002. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 518-522

Cette pièce, d’un comique aimable, se compose de tableaux vrais empruntés à la société de nos jours ; deux familles y sont en présence : l’une toute mondaine, dans laquelle la discorde et le désordre se sont glissés, ne sert qu’à faire ressortir les mœurs unies et simples d’une autre famille toute laborieuse et restée patriarcale : deux jeunes cœurs purs, épris d’une passion mutuelle, sont le lien de l’une à l’autre. […] De jeunes talents semblent déjà l’avoir entrevu ; c’est à les encourager, c’est à en appeler de nouveaux dans cette voie qu’est destinée la fondation des primes annuelles.

1003. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XIX » pp. 76-83

Cette maison jouit d’une certaine célébrité, et les jeunes femmes à la mode faisaient quelquefois (il y a une couple d’étés) la partie de plaisir d’aller voir le matin la maison de M. […] Lèbre (un écrivain suisse, mort jeune) mérite d’être grondé… Il a fait l’article sur Mickiewicz (dans la Revue suisse, année 1843, p. 513) trop mystique ; lui qui s’est fait tant d’honneur par son article sur la Philosophie allemande (Revue des Deux Mondes, 1er janvier 1843), qu’il n’aille pas gâter cela.

1004. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « George Sand. »

Je me souviens que, plus jeune, je me suis grisé autant que personne de ce vin lourd du naturalisme (si mal nommé). […] Les pharisiens ont dit que ses premiers romans avaient perdu beaucoup de jeunes femmes, et — comédie exquise — les romanciers naturalistes ont parlé comme les pharisiens.

1005. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Kahn, Gustave (1859-1936) »

Rimés, assonancés, ou sans rimes ni assonances, allitérés ou non, de rythme impair ou pair, le sort ordinaire des vers de ce jeune poète est de ne point chanter ; les mots dont se trouvent composés ces curieux vers se refusent au rythme. […] Nous préférons clore cette déjà longue notice par quelques scrupuleuses indications bibliographiques, rappelant la collaboration de Gustave Kahn à la Jeune Belgique, au Décadent, à la Basoche, à la Gazette anecdotique, au Paris littéraire, à la Vie moderne, au Réveil de Gand, à la Société nouvelle, à la Revue encyclopédique, au Monde moderne, à la Revue de Paris, à la Nouvelle Revue, au Livre d’Art, à l’Épreuve, au Supplément du Pan, au Mercure de France, au Journal, à l’Événement, aux Droits de l’Homme, à la Presse, à l’Almanach des poètes (Mercure de France, 1896-1897), aux Hommes d’aujourd’hui, et à la Revue blanche où, indépendamment de différentes études consacrées à Rodenbach, Anatole France, Émile Zola, Arthur Rimbaud, etc., il signe depuis plusieurs années la chronique des poèmes.

1006. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre X. Zola embêté par les jeunes » pp. 136-144

Zola embêté par les jeunes Un poète d’esprit, Henri de Régnier, discute au long le talent d’Émile Zola. […] Lisez (si vous souriez, je vous prierai de me croire sur parole) la déjà longue série des romans jeunes de Zola, Les Mystères de Marseille, Le Vœu d’une morte… puis lisez les Contes à Ninon, et enfin les Rougon-Macquart, soutiendrez-vous que l’artiste n’ait point évolué, n’ait point lentement et mûrement corrigé sa manière ?

1007. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’état de la société parisienne à l’époque du symbolisme » pp. 117-124

Lire les Revues des jeunes. […] Dans le petit Bottin des Lettres et des Arts (1886), la princesse Ratazzi est classée parmi « les vieilles lunes » et Léonide Leblanc se voyait décerner cet entrefilet au vinaigre : « Étoile pâlissante de l’Odéon, reçoit dans son hôtel, outre la famille d’Orléans, quelques jeunes poètes dont elle emploie la verve à autographier, avec dédicaces, des tambourins, choisis par elle, dans les grands magasins du Louvre. » Il est vrai que les poètes se dénigraient même entre eux.

1008. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

Discours prononcé à Quimper 17 août 1885 Que je suis touché, Messieurs, de vos bonnes paroles, et que je sais gré à nos jeunes amis qui, me rendant breton une fois par année, m’ont fait faire connaissance avec cette ville antique et charmante, que je désirais voir depuis si longtemps. […] Je suis très gai ; d’abord sans doute, parce que, m’étant très peu amusé quand j’étais jeune, j’ai gardé à cet égard toute ma fraîcheur d’illusions ; puis, voici qui est plus sérieux, je suis sûr d’avoir fait en ma vie une bonne action ; j’en suis sûr.

1009. (1898) Inutilité de la calomnie (La Plume) pp. 625-627

Inutilité de la Calomnie Je vais dire toute ma pensée sur plusieurs jeunes écrivains. […] Il donne à de jeunes écrivains leur style, sinon leur substance même.

1010. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

En glanant chez Jean-Baptiste Rousseau, on n’aurait, je le crois bien, que les vers à son jeune et tendre Arbrisseau. […] Racine l’eût été de même s’il avait plus osé s’abandonner à cette admiration rêveuse qu’il ressentait, jeune écolier, en s’égarant dans les prairies et le désert de Port-Royal, et qui lui inspirait au déclin de sa vie cette aimable peinture des fleurs d’Esther. […] Ayant été conduit à Rouen par son père, le jeune Bernardin à qui on faisait regarder les tours de la cathédrale : « Mon Dieu ! […] Bernardin, cet écrivain si aimant, ce bienfaisant initiateur de toutes les jeunes âmes à l’intelligence de la nature, ce père de Virginie et de Paul, si béni dans ses enfants, était-il donc un homme dur, tracassier, comme l’ont dit, non pas seulement des libellistes, mais des témoins honnêtes et graves ; comme le disait Andrieux, par exemple, en forçant sa faible voix : « C’était un homme dur, méchant ?  […] Piguet, jeune pasteur vaudois, enthousiaste de la littérature et des écrivains français, avait fait le voyage de Paris vers 1810 ; il désirait passionnément connaître Bernardin de Saint-Pierre, et lui écrivit pour avoir une heure de lui.

1011. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Voici les nôtres, nos Parisiens : un tas de boulevardiers d’abord, dont la blague, au seuil du temple, se fait presque respectueuse, puis nos jeunes romanciers, des peintres, des escouades de musiciens. […] Félicitons la direction du Ménestrel qui a « donné une nouvelle preuve de son impartialité en insérant les lettres de son jeune collaborateur Julien Tiersot, si contraires (pourtant) à son sentiment sur l’œuvre de Richard Wagner », mais qui a « en ce qui la concerne, fait toutes les réserves possibles sur leur contenu » et qui « reprendra quelque jour la question pour dire ce qu’elle en pense, lors des représentations prochaines annoncées à l’Eden. […] Les quelques mesures précédant le début de la fameuse scène d’amour dans Roméo (1839), ce spécimen si curieux d’un genre hybride, à moitié symphonie descriptive, à moitié oratorio, sont composées, dans un rhytme différent, des réminiscences du motif de l’Allégro de la Fête entonnées derrière la scène par les jeunes Capulets revenant du bal. […] Voilà que le jeune et candide chasseur, se rappelant cet affront, dompte sa terreur et s’approche du cercle magique, où s’apprête la fonte des balles enchantées. […] Le dessinateur hollandais d’Armand Gerbens dans le dernier de ses quatre fusains pour ce cycle de poèmes de Chamisso, a interprété à sa manière la pensée de Schumann, en entourant la veuve du même cadre de paysage, jardin, arbres, banc, où il avait placé la jeune amante dans le premier dessin.

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