après y avoir un peu regardé, je crois qu’on se tromperait en raisonnant ainsi, et que le malencontreux traducteur Marolles n’a pas eu cette satisfaction de se sentir utile un seul jour, par la raison toute simple qu’il n’a jamais été lu, et que ses livres n’ont pu obtenir aucun crédit, aucun débit. […] L’honnête personnage se doutait bien que depuis qu’il s’était fait poète, il s’était passé quelque chose de nouveau, et il sentait que le vide avait redoublé autour de lui. […] Je ne puis qu’admirer la patience, le soin, l’industrie, le bel ordre qu’il a mis dans le rassemblement et la distribution de ces pièces innombrables dont il discernait et goûtait les grandes et maîtresses parties, et dont il sentait aussi l’utilité continuelle pour l’éclaircissement de l’histoire.
Le Lamennais que nous rencontrions chez M. d’Ortigue, et qui semblait m’avoir tout à fait pardonné, je dois le dire, certains articles polémiques sévères, causait à ravir, parlait art, musique, immortalité de l’âme, et ne sentait pas du tout le fumier. […] Je crois, au contraire, que, quand on le peut, et quand le modèle a posé suffisamment devant vous, il faut faire les portraits le plus ressemblants possible, le plus étudiés et réellement vivants, y mettre les verrues, les signes au visage, tout ce qui caractérise une physionomie au naturel, et faire partout sentir le nu et les chairs sous les draperies, sous le pli même et le faste du manteau. […] Ce n’est pas mauvais pour lui d’être un peu dépaysé et de ne pas se sentir trop poussé du côté où il penche.
Tant il est vrai qu’il n’est que de parler de ce qu’on sait et de ce qu’on sent ; on arrive parfois à le peindre. […] Elle lui dit : « Qu’elle avait écrit, il est vrai, qu’il fallait se roidir contre l’opinion publique, mais non pas contre celle de ses parents ; que, d’après ce qu’on lui avait raconté, la demoiselle qu’il recherchait n’ajouterait par sa famille aucun lustre à la sienne, mais au contraire qu’elle ne lui apporterait aucune fortune et le mettrait dans la dépendance ; qu’elle regardait bien toutes ces distinctions de famille à Genève comme très-ridicules et de fort peu de poids ; mais que cependant elles en acquéraient davantage lorsque l’alliance que l’on contractait pouvait ouvrir ou fermer la porte de la meilleure compagnie et faire tourner la balance ; qu’il devait considérer la nature de son attachement et la personne qu’il aimait ; que si elle était telle qu’il crût réellement impossible de la remplacer, pour l’esprit et le caractère, par une autre qui lui fût égale, alors cette considération pouvait devenir la plus puissante de toutes ; mais, que s’il n’avait pas ce sentiment, il fallait peser toutes les autres convenances. » « J’ai répondu, poursuit Sismondi, que je jugeais en amant et que je ne pouvais éviter de voir cet accord parfait. — Elle a répliqué qu’un homme d’esprit, de quelque passion qu’il fût animé, conservait encore un sens interne qui jugeait sa conduite ; que toutes les fois qu’elle avait aimé, elle avait senti en elle deux êtres dont l’un se moquait de l’autre. — J’ai ri, mais j’ai senti que cela était vrai… » C’est là de la bonne foi, et c’est cette entière bonne foi, cette disposition naïve, italienne ou allemande comme on voudra l’appeler, mais à coup sûr peu française, qui, jointe à un grand sens et aux meilleurs sentiments, est faite pour charmer dans le Journal et dans la correspondance de Sismondi. — Et comment finit le roman d’amour ?
Le roi m’a parlé aussi de ma chère maman, disant : « Vous étiez déjà de la famille, car votre mère a l’âme de Louis le Grand. » Quelle belle parole dans la bouche d’un petit-fils de Louis XIV, et quel dommage, quand on sent et qu’on dit si juste, qu’on agisse si peu dignement et si à côté ! […] Sans pouvoir en comprendre d’abord toute l’étendue, elle sentit assez l’importance de cette perte (27 décembre 1770) : « Le roi a remercié le duc de Choiseul, et le duc s’est retiré dans la Touraine à sa terre. […] On y sent surtout la grâce de la jeunesse, le rire facile, la joie dont on est rempli et qui se répand.
L’infortune m’ouvrit le temple de Thalie ; L’espoir m’y prodigua ses riantes erreurs ; Mais je sentis parfois couler mes pleurs Sous le bandeau de la Folie. […] Bien peu de familles auraient eu, comme vous, cette manière élevée et noble de penser et de sentir, qui met la plus grande gloire d’une personne si chère, dans l’expression la plus intime de la vérité. — Vous et votre excellent fils, vous êtes pour moi, à cet égard, des modèles, et tels que je n’en ai pas rencontré deux fois dans ma carrière de critique littéraire et de biographe. […] annonçait à Mme Valmore qu’il venait d’autoriser le directeur à résilier son engagement pour l’année 1819-1820 ; on y sent la considération qu’elle inspirait partout autour d’elle : « Mille grâces, Madame, de votre charmant cadeau ; ce que je connaissais de vos ouvrages m’en rend la collection infiniment précieuse ; leur cachet particulier est la peinture de douces et modestes vertus, d’une exquise sensibilité et des sentiments les plus nobles, les plus purs, en un mot de ces sentiments que votre jeu reproduit avec tant de vérité et de naturel sur la scène.
L’auteur de cet article a rencontré pour la première fois les deux volumes d’Oberman à une époque où il achevait lui-même d’écrire un ouvrage de rêverie individuelle qui rentre dans l’inspiration générale de son aîné ; il ne saurait rendre quelle étonnante impression il en reçut, et combien furent senties son émotion, sa reconnaissance envers le devancier obscur qui avait si à fond sondé le scepticisme funèbre de la sensibilité et de l’entendement. […] … Heureux celui qui possède ce que l’homme doit chercher, et qui jouit de tout ce que l’homme doit sentir ! […] Je recommande tout ce livre, qui est une belle fin consolante à méditer ; aliment rassis qui apaise, breuvage indispensable après le philtre, rosée du soir après un jour ténébreux, délicieuse à sentir, en vérité, quand elle tombe sur un front brûlant qui fut atteint du mal d’Oberman.
Ils se sentent de leur compagnie habituelle. […] Le dédale des coeurs dans ses détours n’enserre Rien qui ne soit d’abord éclairé par les dieux… Un païen qui sentait quelque peu le fagot, Et qui croyait en Dieu, pour user de ce mot. […] Chez lui, si le mètre ne se remarque pas, il se sent.
Littré avait pour moi une bonté dont je garde un profond souvenir ; je sentais cependant qu’il m’aurait aimé beaucoup plus si j’avais voulu être comtiste. […] Je sentais chez lui un reproche secret. […] Il a compris son heure mieux que personne ; il a vécu et senti avec l’humanité de son temps ; il a partagé ses espérances, si l’on veut ses erreurs ; il n’a reculé devant aucune responsabilité.
L’homme le voyait resplendir dans le soleil, darder et serpenter dans l’éclair, éclater dans les éruptions volcaniques et les incendies spontanés des bois ; il le sentait circuler en ondes invisibles dans l’atmosphère des jours brûlants. […] Ce feu tombé du ciel avec la foudre, qui s’engloutissait dans le sol, qu’on sentait frémir encore dans la lave et la scorie refroidie, l’homme primitif se dit un jour qu’il rentrait et se cachait quelque part. […] Lucifer pardonné avait repris sa place dans le ciel, mais il sentait encore la foudre, et la cicatrice de sa plaie saignait toujours à son flanc.
quelque part que je tourne les yeux, je ne vois que le crime triomphant et l’innocence opprimée… » ; ce qui, au point de vue de l’art, sent un peu trop l’avocat, le Cicéron ou le Gerbier qui plaide. […] Courier ne sent point le besoin de ces moyens qui sont pourtant à l’usage des hommes et surtout des Français. […] Il le sentait bien au reste ; dans son Pamphlet des pamphlets il a fait sa théorie tout à sa portée et à son usage ; mesurant la carrière à son haleine, il a posé en principe qu’il fallait faire court pour faire bien : La moindre lettre de Pascal, dit-il, était plus malaisée à faire que toute l’Encyclopédie… Il n’y a point de bonne pensée qu’on ne puisse expliquer en une feuille, et développer assez ; qui s’étend davantage, souvent ne s’entend guère, ou manque de loisir, comme dit l’autre, pour méditer et faire court.
D’après ce qui nous est transmis de ces conversations, on sent combien l’instinct de Napoléon excédait et débordait le cadre de la littérature de son temps : soit qu’il causât avec Arnault, soit que plus tard il causât avec Fontanes, il demandait évidemment autre chose que ce qu’on lui offrait. […] Même en si courte composition, on sent de la verve. […] Arnault de tout ce qui était à louer en lui, et, jouant avec les mêmes armes, lui fit sentir la pointe de l’épigramme, même en le chatouillant.
Les causes de l’émotion esthétique sont, contrairement aux causes de l’émotion réelle, une hallucination que l’on sait inconsciemment être fausse, que l’on sent n’avoir rien de menaçant, une hallucination émouvante, dont les images sans cesse combattues en vertu de leur caractère factice, réprimées et modifiées par tout le cours ambiant de la vie, par la conscience générale qu’à leur sujet sur sa sécurité, de sa non souffrance, — cessent d’agir comme des images réelles, demeurent sans cohésion avec le reste du cours mental, ne s’associent pas à des prévisions positives de peine ou de plaisir personnels, et restent ainsi seulement excitantes, comme on n’éprouve d’un assaut avec des épées mouchetées, que l’exhilaration d’un exercice7. […] Que l’on joigne à cette observation générale le fait que les personnes capables et désireuses d’entreprendre des travaux d’esthopsychologie seront évidemment des lecteurs d’une curiosité universelle et impartiale, habiles à sentir tout le charme de presque toutes les œuvres, disposés tout au moins à s’assouplir à les comprendre, et partant du principe que toute œuvre qui émeut n’importe quel barbare ou quel raffiné a des propriétés qui justifient cet effet. […] Si Iago émeut une personne du commun, ce n’est pas que celle-ci sente et puisse même comprendre l’art et l’audace que le poète a mis à dresser ce personnage ; cet art et cette audace, on ne les reconnaît qu’après coup, par un examen critique, minutieux et difficile.
Elles ont comme une efficacité secrète, à faire sentir plutôt qu’à décrire les mille nuances d’un état d’âme ou d’un paysage, eu quelques mots sans analyse ni description. […] Toutes ces agitations et ces passions ne parviennent pas à le distraire de la torpeur qu’il sent glacer sa force morale, lise contraint longuement, à force de monologues, en essayant de s’exagérer à lui-même la beauté de son but. […] Si les paysages et les hommes furent connus de Tourguénef, en ce qu’ils ont d’essentiel et d’intime, ce fut par hasard, pardon, car il sentait plus qu’il ne ressentait, se détournait de n’en évoquer nettement dans son esprit ou dans son écriture, sachant les choses de bien, s’arrêtant volontiers au mystérieux et à l’inconnu, à l’attrait des êtres complexes, obscurs et divisés.
De sorte que, le lecteur voyant ces créatures, de visage et de caractère nettement défini, réagir aux événements sans hésitation, sans débat, sans trouble, d’une façon constamment conséquente, identique et directe, se sent parfois en présence d’êtres trop simples pour des hommes. […] Tout artiste choisit entre les diverses sensations d’un ensemble celles que ses nerfs lui permettent de sentir le plus vivement. […] Il est permis d’admettre qu’un esprit parvenu à ces sympathies, comparant leur objet — de pures idées — aux misérables éléments dont il est extrait — la réalité — se prenne de tristesse et de mépris pour l’imperfection et l’hostilité des choses, se sente irrité contre les vices mesquins et les vertus compromises des créatures vivantes, parvienne au pessimisme colère qui caractérise toute l’œuvre de M.
J’aime mieux essayer de les faire sentir que de repasser sèchement toutes les grandes batailles où il fut un des vigoureux artisans, Austerlitz, Auerstaedt, Eylau, Eckmuhl, Wagram, Smolensk, la Moskowa : — une intrépidité de premier ordre, cela va sans dire ; — l’affection de ses troupes qui lui permettait de tirer d’elles de merveilleux surcroîts de fatigue et des combats acharnés au sortir des marches les plus rudes : — « Cet homme me fera toujours des siennes », disait l’empereur, en apprenant une de ces marches sans exemple à la veille d’Austerlitz ; — l’habileté des manœuvres et le coup d’œil sur le terrain, le tact qui lui faisait sentir l’instant décisif, ce talent pratique qui est du tacticien et du capitaine, et qui montre l’homme né pour son art (cela se voit surtout dans sa conduite à Auerstaedt, à Eckmuhl) ; — oser prendre, au besoin, la responsabilité de ses mouvements dans les circonstances critiques, sans se tenir à la stricte exécution des ordres ; et, quand il se bornait à les exécuter, une activité sans trêve.
Heureux après tout, heureux homme, pourrions-nous dire, qui a consacré toute sa vie à d’innocents travaux, payés par de si intimes jouissances ; qui a approfondi ces belles choses que d’autres effleurent ; qui n’a pas été comme ceux (et j’en ai connu) qui se sentent privés et sevrés de ce qu’ils aiment et qu’ils admirent le plus : car, ainsi que la dit Pindare, « c’est la plus grande amertume à qui apprécie les belles choses d’avoir le pied dehors par nécessité. » Lui, l’heureux Dübner, il était dedans, il avait les deux pieds dans la double Antiquité ; il y habitait nuit et jour ; il savait le sens et la nuance et l’âge de chaque mot, l’histoire du goût lui-même ; il était comme le secrétaire des plus beaux génies, des plus purs écrivains ; il a comme assisté à la naissance, à l’expression de leurs pensées dans les plus belles des langues ; il a récrit sous leur dictée leurs plus parfaits ouvrages ; il avait la douce et secrète satisfaction de sentir qu’il leur rendait à tout instant, par sa fidélité et sa sagacité à les comprendre, d’humbles et obscurs services, bien essentiels pourtant ; qu’il les engageait sans bruit de bien des injures ; qu’il réparait à leur égard de longs affronts.
Rien qu’à lire une de ses fables ou l’un de ses contes après l’Épître au Roi ou l’Iphigénie, on sent qu’il a son idiome propre, ses modèles à part et ses prédilections secrètes. […] Il est pourtant vraisemblable que le censeur austère qui se repentait d’avoir loué Voiture, qui sentait peu Quinault, et appelait Saint-Évremond un charlatan de ruelles, ne coulait pas toujours avec assez d’indulgence sur la fadeur galante, la morale lubrique, les restes de faux goût et les négligences nombreuses du charmant poëte200.
En vérité, plus les choses vont, plus elles se mêlent et se généralisent, et plus aussi il doit y avoir orgueil et satisfaction virile pour l’individu de se sentir en faire partie, d’en être ; — d’être un membre, même obscur, inconnu, même lassé et brisé, de cette foule humaine qui partout, sur tous les points, s’avance à son but dans un tumulte puissant. […] En vérité, quand on parcourt cette masse profonde d’idées que remuent les novateurs hasardeux, les fous comme Béranger les appelle, et comme on peut le redire après lui sans injure ; quand on compare les éclairs qui jaillissent à chaque pas de leur recherche intrépide avec les préjugés creux souvent recouverts du nom de bon sens, on sent l’ironie expirer ; on désirerait être convaincu, ou tout au moins on voudrait ne pas être forcé de combattre.
Le grand mouvement qui animait les littératures étrangères durant les trente premières années du siècle, et qui se fit si vivement sentir en France sous la Restauration, s’est graduellement calmé, comme tant de choses, et il ne présente plus à l’intérêt qu’une surface immense que sillonnent en tous sens des voiles empressées, mais où ne se signale de loin aucune escadre imposante, aucun pavillon bien glorieux. […] « Que sentit le vieux Tarass, lorsqu’il vit son Ostap ?
De l’imagination des Anglais dans leurs poésies et leurs romans L’invention des faits, et la faculté de sentir et de peindre la nature sont deux genres d’imagination absolument distincts : l’une appartient plus particulièrement à la littérature du Midi, l’autre à celle du Nord. […] Nulle part on ne sent mieux le charme de cet amour protecteur, qui, dispensant l’être faible de veiller à sa propre destinée, concentre tous ses désirs dans l’estime et la tendresse de son défenseur.
Toutes ces scènes si vivement esquissées, surtout dans des pastourelles picardes, nous révèlent des esprits à qui la vulgaire réalité a fait sentir son charme, et qui ont essayé de la rendre81. […] Et il continue ainsi, incriminant tout le monde, et Rome surtout et les moines : mais ne sent-on pas ce que le rythme même, cette strophe de quatre vers, avec son allure régulière, sa forte vibration, sa solidité large, a de favorable à l’expression oratoire de la pensée ?
Depuis le début du siècle, mais surtout de Scarron et Rotrou jusqu’à Lesage, cette influence se fit sentir, plus apparente avant 1660, masquée ensuite par les chefs-d’œuvre d’inspiration gréco-romaine : Gil Blas en est le dernier éclat. […] Nous entamons peu l’Angleterre : cependant Hume et Gibbon relèvent de nos philosophes, dont l’influence se fera sentir surtout en ce siècle sur le positivisme anglais.
Comme tous les grands hommes, Jésus avait du goût pour le peuple et se sentait à l’aise avec lui. […] L’amour du peuple, la pitié pour son impuissance, le sentiment du chef démocratique, qui sent vivre en lui l’esprit de la foule et se reconnaît pour son interprète naturel, éclatent à chaque instant dans ses actes et ses discours 518.
Elles sont et seront après que nous aurons cessé de les sentir, des possibilités de sensations pour d’autres êtres. […] Je crois que mon esprit existe, même quand il ne sent pas, ne pense pas et n’a pas conscience de son existence.
Elle ne prétendait pas faire oublier madame de Montespan par les saillies, par les moqueries, par les imitations chargées ; mais elle faisait sentir au roi un intérêt de cœur, elle lui faisait pressentir des jouissances inconnues, elle excitait dans son âme la puissance des sympathies ; la glorieuse, l’amante de la considération s’entendait bien avec l’amant de la gloire sur la valeur de cette jouissance, sur les moyens de se l’assurer. […] ) Remarquez que madame de Maintenon ne dit pas à Gobelin : « Donnez-moi sur-le-champ votre avis sur ma retraite, mais : Demandez à Dieu ce que je dois faire, et prenez du temps pour me transmettre sa réponse. » Observez aussi que le même jour, elle écrit à madame de Saint-Géran, mais franchement, sans lui demander conseil ; elle lui dit positivement et vivement ce qu’elle sent.
* * * — Je ne passe jamais à Paris devant un magasin de produits algériens, sans me sentir revenir au mois le plus heureux de ma vie, à mes jours d’Alger. […] J’étais dans la salle à manger, le soir d’un de mes mercredis, causant et buvant avec deux ou trois amis… La nuit finissait, l’aurore se leva à travers les petits rideaux, mais une aurore d’un sinistre jour boréal… Alors tout à coup beaucoup de gens se mirent à courir en rond dans la salle à manger, saisissant les objets d’art, et les portant au-dessus de leurs têtes, cassés en deux morceaux, entre autres, je me souviens, mon petit Chinois de Saxe… Il y avait aux murs, dans mon rêve, des claymores, des claymores immenses ; furieux j’en détachai une et portai un grand coup à un vieillard de la ronde… Sur ce coup, il vint à ce vieillard une autre tête, et derrière lui deux jeunes gens qui le suivaient, changèrent aussi de têtes, et apparurent tous les trois avec ces grosses têtes ridicules en carton, que mettent les pitres dans les cirques… Et je sentis que j’étais dans une maison de fous et j’avais de grandes angoisses… Devant moi se dressait une espèce de box où étaient entassés un tas de gens qui avaient des morceaux de la figure tout verts… Et un individu, qui était avec moi, me poussait pour me faire entrer de force avec eux… Soudain je me trouvai dans un grand salon, tout peint et tout chatoyant de couleurs étranges, où se trouvaient quelques hommes en habit de drap d’or, avec sur la tête des bonnets pointus comme des princes du Caucase… De là je pénétrai dans un salon Louis XV, d’une grandeur énorme, décoré de gigantesques glaces dans des cadres rocaille, avec une rangée tout autour de statues de marbre plus grandes que nature et d’une blancheur extraordinaire… Alors, dans ce salon vide, sans avoir eu à mon entrée la vision de personne, je mettais ma bouche sur la bouche d’une femme, mariai ma langue à sa langue… Alors de ce seul contact, il me venait une jouissance infinie, une jouissance comme si toute mon âme me montait aux lèvres et était aspirée et bue par cette femme… une femme effacée et vague comme serait la vapeur d’une femme de Prud’hon.
Accumulez les symboles tant que vous voudrez, pourvu que derrière on sent battre un cœur d’homme et penser une tête harmonieuse. […] Ne sentez-vous pas qu’il vous obsède et vous enveloppe ?
Le poète dispose son sujet relativement aux scènes dont il se sent le talent, dont il se croit tirer avec avantage. […] Mais suivez cette idée, et les détails vous en feront bientôt sentir toute la vérité.
. — L’interprétation peut varier à l’infini, elle restera toujours vraie : celui-ci reçoit de la vue d’un paysage une impression mélancolique ; cet autre, devant le même paysage, sent palpiter en lui une émotion joyeuse. […] Les chats-huants eux-mêmes, l’orfraie, la chouette, toute la bande des oiseaux funèbres, stupéfiés, se retiennent de leurs griffes aux branches des arbres pour ne pas tomber… Une chauve-souris, qui s’entêtait à voler, sent tout à coup ses ailes se détendre, et va sombrer dans une mare. — Par terre sont éparpillés des crânes et des carcasses de squelettes. — Le dos appuyé contre un vieux tronc, les bras pendants, un homme regarde vaguement devant lui d’un œil hébété par la lourde ivresse de la mort ; un autre serre sa tête dans ses deux mains pour ne rien voir.
Mais il est impossible de ne pas sentir une lacune dans cet enchaînement de faits qui ne sont point liés les uns aux autres, d’où ne peut résulter encore, la connaissance ni l’appréciation de cette haute faculté que nous nommons la parole. […] Si j’eusse dit, toujours dans cette hypothèse, que les mots ne sont plus l’expression nette, significative de nos idées, de nos perceptions de rapports intellectuels ; que l’analogie de ces rapports intellectuels avec les êtres physiques et les rapports physiques n’est plus sentie ; que le langage a cessé d’être figuré, pour former comme une classe de signes purement abstraits lorsqu’ils frappent notre entendement, j’aurais dit une grande vérité.
Et comme elle ne se sentait pas d’invention dans sa tête de femme, plus faible que puissante, elle a songé naturellement à écrire ce qu’elle voyait dans le milieu militaire où elle vivait par le fait de son mariage, et naturellement encore, elle a écrit les Ménages militaires… Voilà, probablement son histoire, dans sa simplicité ! […] Elle a trop de goût certainement pour pétarder des théories ; mais elle en a une cependant et on la devine sous ce qu’elle dit, comme on sentirait un parfum sous la peau de son manchon.
S’il y a des chauvins dans ce pays, — comme nous disons dans celui-ci, — de ces hommes qui se sentent plus fiers quand ils regardent… la grande muraille, ce sont très certainement des hommes comme eux. […] Pauthier et Bazin, qui sont d’un temps plus rassis, n’ont point de ces façons de corybante à tympanon et à cymbales ; mais, avec les airs modérés et prudents, le grand uniforme de la philosophie officielle du xixe siècle, ils glissent en dessous de leurs grosses statistiques bien de petites phrases où perce la préférence marquée d’une tradition qui n’explique aucune des traditions diverses des races aux dépens de la grande Tradition qui les explique toutes, et c’est au point que sans cette tradition anti-chrétienne, chère aux voltairiens de tous les âges, ils n’oseraient peut-être pas, malgré la chinoiserie de leurs manières de voir et de sentir, nous vanter la Chine et ne rien ajouter aux raisons connues que ses plus anciens partisans avaient déjà de l’admirer.
Quoique Tocqueville ne soit pas trempé pour le pamphlet, quoiqu’il soit parfaitement incapable de mettre en grisaille les Lettres persanes, s’il a pu y mettre l’Esprit des lois, on n’en sent pas moins dans son ouvrage la bonne volonté des attaques réfléchies et couvertes contre un gouvernement fort qui a su résoudre le problème, qu’on croyait insoluble depuis quarante ans, d’une grande autorité populaire. […] Montesquieu, dont nous avons beaucoup parlé parce qu’il a longtemps empêché Tocqueville de dormir, et surtout parce que ses amis ont prétendu qu’il le ressuscite, Montesquieu ne lui a pas donné cette phrase courte, ingénieuse, imagée, qui sent l’épigramme, il est vrai, mais qui nous réveille en nous piquant et nous enlève par le trait à la monotonie.
Sans doute, quand il en est aux premières pages de son histoire, ou plus tard, quand il touche à cette phase historique où le génie, désintéressé de tout ce qui n’est pas l’effet esthétique, apparaît dans sa plus pure splendeur, sous Élisabeth, par exemple, — car le despotisme des rois n’a jamais empêché le génie de croître et il l’a quelquefois fait fleurir, — Odysse Barot ne peut point ne pas signaler les beautés des œuvres qu’il rencontre, surtout quand ces œuvres sont celles d’hommes comme Chaucer, Marlowe, Shakespeare, Et il les signale, et je crois même qu’il les sent avec énergie ; mais l’intérêt supérieur pour lui n’est pas là. […] Odysse Barot n’a pas le courage de lui accorder, à elle expressément, du génie ; mais comme on sent qu’elle est bien plus pour lui que cet Edgar Poe, par exemple, auquel il en octroie pour se débarrasser de la peine de le juger !
Même en sévissant contre le duel, ces âmes, amoureuses plus ou moins de la guerre, se sentaient pour cette coutume guerrière des entrailles. […] précisément en raison de l’importance sacrée de l’argent dans nos mœurs actuelles, avides et dépensières, les législateurs, qui sentent le bonheur d’en avoir et qui ont si peur des peines sévères, oseraient-ils jamais se servir de la seule peine laissée maintenant au législateur pour réprimer et pour punir ?
Le livre en lui-même, ce qu’il a de technique, de tactique, de savant et d’indiscutable pour moi qui ne suis pas comme l’auteur un érudit de manœuvres et de champs de bataille, je n’avais pas à m’en occuper ; mais, dans mon ignorance des choses exclusivement militaires, je n’ai pas moins senti, en lisant les démonstrations impérieuses dont il est rempli, la vérité de ces démonstrations, comme on sent la présence du soleil sous le nuage.
Désorienté dans une histoire d’Angleterre, se sentirait-il moins libre et moins inspiré que dans ces essais circonscrits et variés qui, réunis sous le commun titre de Miscellanies, forment une si brillante mosaïque intellectuelle ? […] La haine, chez Macaulay, a beau être recouverte de ce vernis d’honorabilité (honorability) qui doit revêtir toutes les paroles d’un gentleman, on la sent circuler dans chaque mot qu’il écrit sur Jacques, vénéneuse comme du fanatisme refroidi.
Pourquoi ne sent-on pas planer sur l’ensemble et sur le cours de son ouvrage cet esprit qu’on y devine à certaines places et qu’on y voudrait voir, comme un phare inextinguible, l’éclairant toujours ? […] Quoiqu’il n’aborde presque jamais les choses comme nous voudrions les lui voir aborder, quoiqu’il se perde, lui et ses aptitudes, dans les feux de file de ces faits multiples et semblables qu’il fallait étreindre, résumer et généraliser dans de vigoureuses conclusions, on sent cependant au milieu de tout cela l’historien à la grande tendance, et on démêle, sous l’entassement un peu confus des documents, l’esprit recteur qui, plus tard, saura les organiser.
Vous vous le rappelez, il y avait autrefois un homme qui retenait son vent pour dérouter la sagacité de ce diable d’ours, qui le sentait aux narines et le retournait avec sa serre. […] Nous pouvons nous sentir une noble jalousie pour cette gloire de la Grèce moderne qui doit exciter entre peuples une émulation généreuse, dans l’intérêt de la multiplication des chefs-d’œuvre !
Car voilà tout le sens vrai de cette Histoire de France d’aujourd’hui, qui s’enveloppe la main dans de la critique incertaine, chimérique ou fausse, pour faire mieux son mauvais coup contre le Moyen Âge et pour qu’on sente moins ainsi la main du voleur. […] Les esprits sains comme les esprits d’élite l’ont bien senti et des Critiques se sont levés de partout autour de ce terrible M.
Le style d’un homme, lorsque cet homme n’est pas assez fort pour le faire avec sa seule manière de sentir, a ses origines. Pascal, par exemple, c’est Montaigne, plus la manière de sentir de Pascal, et cette manière, c’était l’épouvante, l’effarement, le cabrement devant l’abîme.
Dès les premières pages de cette biographie, où le savant que nous allons retrouver dans les Travaux et idées de Buffon se sent et pèse si peu, je vois, avant toute vocation scientifique, cette faculté de l’ordre que j’ai signalée et qui est la maîtresse-faculté et la faculté maîtresse dans Buffon. […] Il l’interrompait, cependant, pour recevoir dignement ceux qui venaient visiter cette gloire qui n’était pas sauvage, mais qui sentait qu’elle ne grandirait que dans le labeur et l’isolement des hommes, toujours plus !
C’est cette question des classiques grecs et latins, en apparence toute littéraire, mais dont le sens profond n’a frappé personne quand on l’a agitée, puisqu’elle cache, — et tout le monde l’a senti, — sous son intitulé modeste, cet énorme problème politique et social de l’éducation, qui déjà faisait sourciller le vaste et serein génie de Leibnitz bien avant que l’Europe n’eût vu le dix-huitième siècle et la Révolution française. […] Et c’est ici que l’originalité du livre commence ; c’est ici qu’on sent à quel métaphysicien on a affaire… Nous avons nommé la Raison.
C’est un noble esprit, — on le sent bien quand on le lit, — un de ces esprits « qui ne veulent pas être les créateurs, mais les créatures de la Vérité », et c’est pourquoi nous avons dit avec franchise ce que son livre nous a inspiré en le lisant. […] Nous sentons battre le cœur sous toutes ces cuirasses, quand il bat fort, comme celui de M.
Un esprit aussi viril que celui de l’abbé Christophe devait moins se préoccuper d’une question toujours petite, comme l’amour-propre qui la pose et qui la discute… Je lui aurais voulu plus de largeur et plus de hauteur dans sa manière de sentir. […] Mais le : Écrivons nous-mêmes notre histoire, est peut-être revenu à la pensée du prêtre et lui a affaibli la main, quand il aurait fallu la faire sentir davantage.
On y sent la circulation rythmique d’un esprit abondant et réglé. […] C’est au contraire le prêtre que vous sentez dans le philosophe, lorsque vous lisez le traité de l’abbé Gratry.
I Lorsque le temps n’est pas aux poètes, il faut sentir qu’on l’est deux fois pour oser faire des vers et les publier. […] Le poète l’explique à la première page, et déjà vous sentez, dès ces premiers vers, sous la suavité du coloris, les deux forces de sa poésie, le touchant regard en arrière de sa rêverie et la palpitation contenue de son émotion : Tu voudrais savoir pourquoi sous ce titre J’accouple mes chants……………………..
La Critique, qui n’a pas littérairement eu grand-chose à reprendre dans le cours de l’ouvrage, est obligée d’intervenir au dénouement pour en montrer l’indécision et le vague, étonnants dans un esprit qu’on sent très net même quand, le long du roman, il est le plus dans ces parages de la rêverie qui appartiennent à l’amour. […] Partout on sent en Édouard Gourdon un homme qui comme écrivain a la parfaite possession de lui-même.
Il écrivit, après leur publication, près de trente volumes qu’il jeta dans le torrent de la publicité avec l’insouciance d’une de ces natures qui se sentent supérieures à ce qu’elles produisent, et qui, malheureusement pour elles, ne s’incarneront jamais de pied en cap dans une œuvre quelconque. […] Vieilli, mais jeune comme une âme qui se sent immortelle, avec les mille tendances de ce Diderot à qui nous l’avons comparé, M.
Féval, qu’il a dû sentir en soi, bien des fois, bouillonner l’esprit de son siècle ! […] , mais inférieur et très-indigne d’un grand artiste qui se sent… Si M.
… Esprit ferme et rusé, plein d’entregent et de rétorsion, il se conduisit comme ces habiles coquettes qui quittent le monde avant que le monde ne les quitte, et il essaya de masquer, sous des travaux plus ou moins tourmentés d’art ou d’histoire, l’impuissance de l’inventeur qu’il sentait venir… II D’autant que l’inventeur, chez M. […] Quand on dit littérature française, littérature anglaise, littérature russe, etc., peut-être n’est-il plus temps d’entendre que LITTERATURE EUROPEENNE, tant à l’exception des langues qui entreront aussi un jour dans la mêlée universelle, les littératures modernes sont en train de faire de l’unité monstrueuse dans leurs conceptions et leurs manières de sentir !
Il a, dans ce genre, des choses senties avec esprit et rendues avec finesse. […] On dirait qu’ils apprennent cette vérité pour la première fois, car tout ce qu’on sent fortement est une espèce de découverte pour l’âme.
Le goût sentit, dans la fiction et le récit, cet accent naïf qui ne trompe pas et qu’on ne peut guère simuler. […] De même qu’il est des hommes submergés par le flot bruyant de la mer, ainsi nous sentons notre cœur noyé sous le chagrin.
La vie est un fait personnel, immédiat et qui s’écoule dans la minute même où elle est sentie. […] Témoins de la lutte que se livraient en eux-mêmes des motifs contradictoires, ils se sentaient impuissants à susciter un vainqueur. […] Tantale, toutes les nuits, sent la caresse vaine d’un plaisir ironique. […] C’est une manière de sentir. […] L’idéal terrestre de l’humanité sent la porcherie, comme son idéal céleste sentait l’étable.
Je me sentis là sur mon vrai sol et comme dans une patrie retrouvée. […] Il s’affligeait de ne plus sentir ce frais étonnement des émotions et des choses qu’on n’éprouve qu’une fois, et sa pensée y revenait sans cesse. […] Écrire, on le sentait déjà, lui paraissait froid, long, ennuyeux. […] Cependant nous sentions qu’il y avait en lui une sorte de force comique qui manquait aux autres. […] On y sent passer le souffle orageux du Khamsin et ruisseler les rayons fondus du soleil d’Égypte.
Dans l’âme du poète, tout est vrai, ce qu’il sent et ce qu’il imagine.
S’il fait quelques excursions dans un domaine rustique, on sent toujours en lui le raffiné, en qui le spectacle de la nature éveille volontiers des sensations compliquées de comparaisons et de souvenirs.
Mais à ne connaître que sa prose, on sentirait encore qu’il est poète.
Et l’on sent à travers tout le volume, malgré, certaines fois, de la monotonie et trop peu de liberté, une imagination délicate, un goût très sûr, un talent souple, qui vous font aimer le poète discret et tendre qu’est M.
Camille Mauclair, littérairement, a touché à tout, et l’on peut dire qu’il n’est pas de beautés ni d’idées qu’il n’ait goûtées et comprises, ni de façons de sentir et de penser auxquelles il ne se soit prêté pour nous en donner ensuite, soit en des poèmes, soit en des conférences, soit en des essais de métaphysique ou d’esthétique, soit en des études de critique, soit encore en des romans ou en des contes, sa notation propre et toujours intéressante.
Nous ne nous sommes étendus sur l’analyse de son Livre des Beaux-Arts réduits à un même principe, que pour faire sentir à la Jeunesse combien il lui est important de s’attacher à de tels Ouvrages.
Ceux qui connoissent ses Comédies de la Femme Docteur, du Saint déniché, des Quakers François, y remarquent un sel & une gaieté très-propres à faire sentir le ridicule des travers qu’il attaque.
On a cru que des idées serrées, des phrases substantielles, des réticences factices rapprocheroient de ce Modele, & l’on n’a pas senti qu’en prenant un ton qui n’appartient véritablement qu’à lui, on tomboit dans la sécheresse, dans la froideur, dans l’obscurité.
., que nous ne citons ici, que pour faire sentir combien on doit être réservé sur ces excès d’approbations, qui induisent toujours la multitude en erreur ?
Il faut être bien éclairé pour sentir tout le prix d’une pareille opération.
Le Moraliste, armé du flambeau d’une raison saine & religieuse, ne s’y écarte jamais de la vérité, & la fait toujours sentir.
Le génie de Corneille triompha des efforts de l'autorité, & le crédit du Ministre ne servit qu'à procurer une excellente Critique, qui fit encore mieux sentir les beautés de cette Tragédie.
Les petites Poésies de M. de Sauvigny n'ont pas les mêmes droits à l'indulgence ; elles manquent de naturel, & sentent trop le travail : à cela près, ses Lettres philosophiques & ses Odes anacréontiques offrent de l'esprit, de la finesse, & quelquefois de la sensibilité.
Ce n’est que tout à l’heure, au moment où, selon l’usage des auteurs de terminer par où le lecteur commence, il allait élaborer une longue préface, qui fût comme le bouclier de son œuvre, et contînt, avec l’exposé des principes moraux et littéraires sur lesquels repose sa conception, un précis plus ou moins rapide des divers événements historiques qu’elle embrasse, et un tableau plus ou moins complet du pays qu’elle parcourt ; ce n’est que tout à l’heure, disons-nous, qu’il s’est aperçu de sa méprise, qu’il a reconnu toute l’insignifiance et toute la frivolité du genre à propos duquel il avait si gravement noirci tant de papier, et qu’il a senti combien il s’était, pour ainsi dire, mystifié lui-même, en se persuadant que ce roman pourrait bien, jusqu’à un certain point, être une production littéraire, et que ces quatre volumes formaient un livre.
on en sent toute l’absurdité ; avec tout cela, on ne saurait quitter le tableau.
C’est que c’est là, voyez-vous, que pèche le système, et ils ne le sentent que trop. […] Si on ne les a pas connus, on sent qu’on peut les connaître. […] À ceux qui se sentent du cœur au ventre, le soin d’en dégager des résultats à la satisfaction de tous. […] mais une âme, une âme ambulante, une âme de tant de pieds et tant de pouces. — En marchant à côté de cet homme, dit le poète, on sentait qu’on marchait à côté d’une âme […] Quand l’artiste a sincèrement exposé ce qu’il a sincèrement senti, sa tâche est accomplie ; il n’a plus à s’occuper du reste.
Grâce à lui notre conception du monde deviendra plus haute et plus forte ; nous sentirons en notre être éperdu se clarifier nos émotions amoureuses : une brume se dissipe entre la terre et nous. […] La volupté d’être incompris, la saveur de sentir sa pensée impénétrable, le goût de l’hermétisme, en un mot, affolèrent fortement plusieurs cervelles légères de notre époque. […] On sent des brises lumineuses filtrer avec lenteur dans le bruissant fouillis des verdures et les sensations olfactives, visuelles, auditives, s’orchestrent et s’ordonnent. […] Non, rien n’est laid parmi tout ce qui vit, parmi tout ce qui souffre, rien n’est laid et tout dépend des yeux qui voient les choses, des narines qui les sentent et des oreilles qui entendent. […] Alors, on sent, peu à peu, que s’accélère la chute du régime maudit.
Les poètes nouveaux enfantés dans la vieillesse précoce d’une esthétique inféconde, doivent sentir la nécessité de retremper aux sources éternellement pures l’expression usée et affaiblie des sentiments généraux. […] De telles excitations au mal, une persévérance si caractérisée à vouloir séquestrer la poésie dans l’ergastule critique, afin de la ployer à la servitude et de l’abêtir sans retour, mériteraient un avertissement senti, si la sérénité des bons esprits pouvait être troublée par cela. […] C’est aux autres hommes à sentir et à penser comme lui. […] On se sent en présence d’une volonté puissante conforme à une destinée, ce qui est la marque du génie. […] On sent que l’artiste n’est point le maître despotique de son instrument.
Mais on sent ici que cette partie de l’art est encore dans l’enfance. […] On sent qu’il n’est pas sur son terrain, parce qu’il n’est pas dans sa nature. […] On sent dans tous les poëmes homériques un reste de poésie lyrique et un commencement de poésie dramatique. […] On sent que la prose, nécessairement bien plus timide, obligée de sevrer le drame de toute poésie lyrique ou épique, réduite au dialogue et au positif, est loin d’avoir ces ressources. […] Celui qui écrit ceci, en présence de ce rare et frappant ensemble, sentit que la silhouette passionnée de Bossuet ne lui suffisait plus.
C’est ainsi que, dans les espèces inférieures, le toucher est passif et actif tout à la fois ; il sert à reconnaître une proie et à la saisir, à sentir le danger et à faire effort pour l’éviter. […] Mais à mesure que la réaction devient plus incertaine, qu’elle laisse plus de place à l’hésitation, à mesure aussi s’accroît la distance à laquelle se fait sentir sur l’animal l’action de l’objet qui l’intéresse. […] Composez l’univers avec des atomes : dans chacun d’eux se font sentir, en qualité et en quantité, variables selon la distance, les actions exercées par tous les atomes de la matière. […] Et c’est pourquoi sa surface, limite commune de l’extérieur et de l’intérieur, est la seule portion de l’étendue qui soit à la fois perçue et sentie. […] De même que la perception, à ce qu’il lui semble, ne pourrait être dans les choses perçues que si les choses percevaient, ainsi une sensation ne pourrait être dans le nerf que si le nerf sentait : or le nerf ne sent évidemment pas.
L’intelligence de la guerre y manque toujours ; on ne sent pas, en lisant cela, comment, au douzième siècle, battait le cœur sous l’armure. […] Là, rien n’indique absolument une hérésie dogmatique ; mais on sent un esprit de libre examen et de conscience individuelle. […] Nulle part on ne sentira mieux l’alliance entre la réalité des événements et les fictions de cette époque. […] Mais que les instruments mêmes de la persécution en aient senti l’horreur, voilà ce qui frappe davantage ; et cela se rencontre dans les poëtes du temps. […] Enfin, la principale règle de notre poésie, le mélange alternatif des rimes masculines et féminines, s’y fait déjà sentir.
Je sentis, à l’aspect de tes membres flottants, Comme un vomissement remonter vers mes dents Le long fleuve de fiel de mes douleurs anciennes. […] Celui-ci se sent descendu au fond d’un abîme où la nuit l’enveloppe de toutes parts, mais il lutte, il se débat, il aspire à remonter, il appelle le soleil. — Le dix-neuvième siècle est-il autre chose qu’un grand combat ? […] Weill ne le dit pas, mais on sent très bien qu’il serait fort humilié d’avoir fait l’Iliade. […] On sent que c’est moins une infirmité de naissance que le résultat d’un accident, — et on se corrige d’un accident. […] On sent qu’elle a traversé de grandes maisons, en s’attardant dans l’antichambre.
Thiers y a fait preuve d’une modération dans les formes qui sent évidemment l’homme d’État disposé à redevenir ministre dans un temps qui n’est pas bien éloigné.
Tant y a que l’on pouvait tirer de là un poème agréable et que M. des Essarts en est venu facilement à son honneur… … Voilà qui est congrûment rimé et qui sent d’une lieue à la ronde son école parnassienne.
Tout ce qu’il décrit, on sent qu’il l’a observé longuement et avec amour.
Un peu plus de manière cependant et on sent plus l’art.
Manuel : l’un vient du fond d’une vie sincère, souvent troublée, mais plus forte que ses troubles, et d’une âme virilement attachée au devoir, défendue, par lui, contre les lâches défaillances ; l’autre vient, non plus de ces profondeurs émues de l’existence humaine, mais des hauteurs de la pensée pure, de ces sommets sacrés où l’esprit se sent plus voisin de l’infini.
Des sympathies anarchistes de quelques littérateurs L’autre mois, le défenseur d’un de nos amis, expliquant aux assises de la Seine quelle variété d’opinion politique professait son client, le présentait comme un anarchiste littéraire ; ce littéraire venu à l’anarchie ne s’y sentait point dépaysé, retrouvant des confrères de notoriété, des camarades de talent.
On comprend aisément combien des préceptes sentis & annoncés de cette maniere sont propres à se faire goûter.
Il sera toujours aisé à un esprit raisonnable de sentir une extrême différence entre l’Homme qui raisonne sur des principes solides, & le Dissertateur captieux, dont les idées ne marchent qu’au hasard & sans aucune liaison.
L’exemple de tant de jeunes Icares, qui ont perdu leurs ailes dès le premier essor de leur vol inconsidéré, lui a sans doute fait sentir la nécessité de laisser croître & fortifier les siennes.
M. l’Abbé Veli avoit très-sagement senti que l’Histoire d’un Peuple ne se borne pas à l’Histoire de ses Rois ; que le tableau de ce qu’il a été dans l’ordre moral & civil, est pour le moins aussi piquant, aux yeux d’un Lecteur avide & éclairé, que celui des révolutions de son Gouvernement.
Quand la peste est répandue dans un pays, on forme un cordon de troupes, afin que rien ne sorte des lieux infectés, & ne vienne corrompre ceux qui n’ont pas encore senti la contagion.
Qu’il nous soit permis d’observer que Rousseau, quoiqu’inférieur à Horace, à bien des égards, nous paroît lui être supérieur à bien d’autres ; ce que le parallele ne fait pas assez sentir, à notre avis.
Comment ne le sentez-vous pas ?
La figure brisée avec l’ornement est d’excellent goût ; ces eaux ramassées sur le devant ont de la transparence ; mais le tout est gris ; mais il est sec, mais il est dur, mais la lumière forte est trop égale, mais son effet blesse les yeux, mais les figures sont mal dessinées ; mais ce tableau, mis malignement à côté de la galerie antique de Robert, fait sentir l’énorme différence d’une bonne chose et d’une excellente.
Vous sentez qu’il n’y a point de liaison là-dedans.
Mais je sentais bien tout ce qui me manquait, et je décidai ma mère à m’envoyer à Paris, quoique ce fût un grand sacrifice pour elle en raison de son peu de fortune. […] « La fatigue ne laissait pas de se faire sentir. […] Chaque marge, chaque feuillet de son Virgile est plein de ses commentaires, où se révèle toute sa sensibilité d’âme et de goût ; et le poète des Pensées d’août, qui a relu un jour les notes d’un père qu’il n’avait point connu et qui s’est servi, après lui, du même exemplaire pour apprendre Virgile, a pu dire : Mon père ainsi sentait. […] l’on était vraiment patriote en ce temps-là, plus qu’aujourd’hui, et l’on sentait autrement les outrages politiques ! […] Voici la lettre du chancelier (Mme Sainte-Beuve était morte le 17) : « (Lundi 18 novembre 1850). — Mon cher confrère, les nombreuses et douloureuses pertes que j’ai faites dans le cours de ma longue vie n’ont point épuisé en moi, grâce au ciel, la faculté de sentir profondément les misères de même nature qui atteignent autour de moi les personnes auxquelles je porte un véritable intérêt ; et vous êtes à coup sûr au nombre de celles-là.
Ce picotement pourrait subsister quand même la sensation d’odeur proprement dite serait abolie ; certaines personnes, après avoir beaucoup prisé, deviennent insensibles aux parfums et à la fétidité, et cependant prisent toujours, parce qu’elles sentent encore le picotement du tabac. — On doit encore diviser en deux les odeurs appétissantes ou nauséabondes. […] « La face interne des parois abdominales sent très bien les mouvements de l’intestin… On éprouve, après l’administration d’un lavement froid, une sensation de froid très manifeste qui semble marcher dans la direction du côlon ascendant et transverse99. » Le pharynx, l’œsophage et même l’estomac sentent, avec un certain degré d’exactitude, le passage, la chaleur et la présence des aliments. […] Par exemple, le malade ne sent pas les petits corps qu’on lui met entre les extrémités de deux doigts ; « cependant, dans les mêmes points, les piqûres, même les plus superficielles, sont très bien senties ». — D’autre part, chaque type de sensation peut subsister seul, les deux autres étant abolis.
Je suis capable de sentir, de percevoir les objets extérieurs, de me souvenir, d’imaginer, de désirer, de vouloir, de contracter mes muscles, et, à cet égard, Pierre, Paul et les autres hommes sont comme moi. […] J’ai la capacité ou faculté de sentir ; cela signifie que je puis avoir des sensations, des sensations de diverses espèces, d’odeur, de saveur, de froid, de chaud, et par exemple de son. […] Considérant notre état présent, nous savons ou nous supposons que les conditions de ces événements sont présentes, en d’autres termes, que ces événements sont possibles ; ce que nous exprimons en disant que nous avons le pouvoir, la capacité ou faculté de sentir, percevoir, de nous souvenir, de vouloir, de contracter nos muscles. […] Au contraire, si, durant la période convenable du sommeil hypnotique, on leur suggérait le nom d’un roi, non seulement ils étaient poussés à dire que c’était le leur, mais ils sentaient et agissaient d’une manière qui témoignait de leur conviction qu’ils étaient rois. » Au lieu d’être passager, cet état peut être fixe ; il est fréquent dans les hospices, et on le rencontre souvent dans les époques d’exaltation religieuse. — Un quartier-maître dans l’armée de Cromwell, James Naylor, se crut Dieu le Père, fut adoré par plusieurs femmes enthousiastes, jugé par le Parlement et mis au pilori. — Dans les asiles, on trouve des fous qui se croient Napoléon, ou la Vierge Marie, ou le Messie, ou tel autre personnage. […] Les associations ainsi répétées deviennent toujours plus tenaces ; notre passé est une ligne que nous ne nous lassons pas de repasser à l’encre et de rafraîchir. — Parmi ces événements, des classes s’établissent ; ils se groupent spontanément selon leurs ressemblances et leurs différences ; les plus usités, marcher, saisir avec la main, soulever un poids, sentir, toucher, flairer, goûter, voir, entendre, se souvenir, prévoir, vouloir, s’assemblent chacun sous un nom ; nous les concevons comme possibles pour nous, et ces possibilités, incessamment vérifiées et limitées par l’expérience, constituent nos pouvoirs ou facultés.
On sent un culte, on ne sent pas un amour : l’amour est un feu, ceci n’est qu’une splendeur. […] On en sortait triste, on y sentait le renfermé. […] Benjamin Constant, tous les tribuns, tous les publicistes, tous les pamphlétaires du temps, je m’y sentais presque en pays ennemi ; j’avais du goût pour les maîtres, aucun goût pour leur société. […] On y aimait parce qu’on se sentait aimé.
Cicéron (3e partie) I Les savants disent que l’atmosphère dont la terre est entourée a deux régions distinctes selon la distance à laquelle cette atmosphère se déroule autour de notre globe, et qu’ainsi, pendant que la partie de cet air ambiant qui touche à la terre est agitée, troublée, souvent bouleversée par les vents, les nuées, les orages, l’autre partie, la partie la plus haute de l’éther, ne sent pas ces convulsions aériennes, mais demeure calme et impassible dans une éternelle sérénité. […] On sent que Rousseau déclame en rhéteur et que le Romain écrit en législateur philosophe. […] L’orateur philosophe sentait grandir sa pensée, son talent et son courage, en abordant le plus grand objet de la pensée, la Divinité. […] Mais, celles-là, nous les voyons, entendons, goûtons, sentons, touchons. […] « Sache donc que tu es divin ; car c’est être divin que de sentir en soi la vie, de penser, de se souvenir, de prévoir, de gouverner, de régir et de mouvoir le corps qui nous est attaché, comme le Dieu véritable gouverne ses mondes.
Leur population s’élevait jusqu’à 28 millions d’individus, leur agriculture s’étendait, leur industrie sentait s’accroître sa fièvre de richesse à tout prix. […] Avant de connaître et de sentir les rapports de l’homme, je connus et je sentis les rapports de l’homme avec le monde. […] Ces chimères caressèrent mon imagination, et je sentis mon courage redoubler, mon avenir s’agrandir. […] Du moment que les poissons se sentent retenus dans la partie inférieure qui pose au fond, leur frétillement avertit le pêcheur qui n’a pas alors grand mal à s’en emparer.
Un jaloux menacé dans celle qu’il aime, un systématique vaniteux qui voit tous ses plans tourner contre lui, une fille qui craint d’être mariée malgré elle, n’ont pas le loisir devoir du trait ; leur esprit, c’est de sentir et d’exprimer fortement ce qu’ils sentent. […] Sur ce dernier point, il faut que les moindres personnages se sentent de leur origine. […] Au lieu de perfectionner la langue à leur insu, comme fait la charmante Henriette, en sentant vivement et délicatement, et en parlant comme elles sentaient, elles ne prenaient garde qu’à se conformer à Vaugelas. […] Tout ce que Cléante dit du faux dévot, Alceste des méchants, Chrysale du bel esprit, Célimène, qui a son bon côté, des sots qui lui font la cour ; tout ce qui sent la haine des méchants, le mépris des gens à la fois malhonnêtes et ridicules, l’amour du bien, du naturel, du vrai ; tout ce qui est, soit une maxime de devoir, soit un conseil de bienveillance, tout cela est sorti du cœur de Molière ; et tel est, dans ce convenu de l’art des vers, le tour naïf, la facilité, le feu, l’entraînement de ce langage, qu’on croit entendre Molière lui-même, et qu’au plaisir de voir des personnages peints au vrai se joint je ne sais quelle tendre affection pour celui qui les a créés.
Pour admirer un ouragan, pour en sentir l’épouvantable et sublime majesté, il ne faut pas être livré soi-même à sa fureur, forcé de combattre les vagues sans relâche, en danger de périr à chaque instant. […] Voilà pourquoi ceux qui ont vu de près ces grandes tempêtes sociales, qui en ont fait partie, qui ont senti la terre trembler sous leurs pieds et la foudre gronder sur leur tête, ceux-là ont été comme atterrés, écrasés par ce cataclysme inattendu. […] L’ongle du lion était enfoncé partout et je croyais le sentir dans mes flancs. » Ai-je besoin d’ajouter que le discours ne fut pas prononcé ? […] Mais aussi et surtout, si l’on pénètre jusqu’à l’âme des œuvres en qui le souffle populaire se fait sentir, quel élargissement ! […] Une communion fraternelle, non seulement avec les déshérités, mais avec les animaux, nos frères inférieurs, avec les arbres et les fleurs, avec tous les êtres qui, comme nous, respirent, sentent et vivent.
Le trait marquant de cette physionomie alors était la bonté : on se sentait porté à l’aimer involontairement. […] Tout le monde se croyait capable d’écrire des Haïdé, parce qu’on se sentait très capable de rimer en français les prosaïques obscénités et les grossières plaisanteries de cette longue et mauvaise rapsodie du poète anglais. […] On se sentait en présence d’un être dont le feu sacré de l’art avait dévoré le tissu. […] Elle me traitait en ami supérieur en âge à qui l’on se plaît à se confier, parce qu’on sent l’affection désintéressée dans le conseil. […] La république a surgi sous tes pieds, et tu n’as pas fait un geste pour la modérer et pour l’asseoir sur ta propre souveraineté, comme si tu t’étais sentie indigne de ce règne de la raison et de l’énergie civiles que le hasard t’offrait pour te relever à tes propres yeux et aux yeux du monde.
Il semble ainsi qu’au Moyen Âge une façon de penser et de sentir commune, imposée à l’Europe entière par la triple autorité de la religion, du système féodal, et de la scolastique, ait opprimé en littérature, pendant plus de quatre ou cinq cents ans, et comme anéanti toutes les distinctions d’origine, de race et de personne. […] Qui veut se distinguer n’y saurait réussir qu’en s’isolant d’abord ; et l’homme du Moyen Âge ne semble avoir pensé, ou même senti qu’en corps, pour ainsi dire, et en groupe, ou en troupe. […] Les auteurs le sentent bien, et surtout leurs lecteurs, ou plutôt leurs auditeurs. […] On peut dire du moins que les représentations qu’il en autorise, ou qu’il en favorise, nous apparaissent comme autant de distractions par le moyen desquelles il tâche à retenir un pouvoir qu’il sent qui lui échappe. […] L’ont-ils eux-mêmes senti ; et « ne pouvant la faire belle », est-ce pour cela qu’ils l’ont faite « artificieuse » en la surchargeant de complications infinies et de déplorables ornements ?
Mais pour sentir combien le tout est faible, on n’a qu’à jetter l’œil sur un Vernet, ou plutôt cela n’est pas nécessaire ; ce n’est pas une de ces productions équivoques qu’on ne puisse juger que par un modèle de comparaison. […] " c’est la présence d’un dieu qui se fait sentir sur la surface de la terre, au fond des mers, dans la vaste étendue des cieux ; c’est de là que les hommes, les animaux, les troupeaux, les bêtes féroces reçoivent l’élément subtil de la vie, tout s’y résout, tout en émane, et la mort n’a lieu nulle part. " tout ce que vous rencontrerez dans les poëtes du développement du chaos et de la naissance du monde lui conviendra. […] Ne sentez-vous pas qu’il y a trop de figures ici, qu’il en faut effacer les trois quarts ? […] Ils ne servent qu’à faire sentir que ceux que vous avez desséchés à la gauche de votre composition sont beaucoup mieux, ou ceux-ci à rendre les premiers plus mauvais, comme on voudra. […] Voyez le beau champ ouvert aux peintres de ruines, s’ils s’avisaient d’avoir des idées, et de sentir la liaison de leur genre avec la connaissance de l’histoire.
Mais, dans cette perte de l’art et de sa gracieuse élégance, on sent parfois encore palpiter l’âme poétique : « Toi qui reçus la salutation de l’Ange et enfantas le Créateur198, ô Vierge ! […] C’est Grégoire qui le dit, celui qu’avait nourri la terre de Cappadoce et qui s’est fortifié de toute science pour le Christ. » Dans ce regret, dans cet adieu, dans cette joie prétendue, dans cet espoir d’oubli, vous sentez, n’est-ce pas, les dernières passions d’une âme chrétienne mais humaine ? […] Issu d’une noble et riche famille, dans la belle colonie grecque de Cyrène, il a senti de bonne heure l’orgueil de sa race, la tradition patriotique des sentiments de ses ancêtres ; et, entre les missions difficiles que lui confiaient ses concitoyens à la cour des empereurs chrétiens, et les heureux loisirs qu’il goûtait dans ses vastes domaines de Libye, il a cultivé les lettres avant tout ; il les a cultivées d’abord, sans autre foi que la science même, sans autre pratique religieuse qu’un reste de polythéisme spiritualisé par la raison. […] Enivré à la coupe de la douce liqueur, j’ai effleuré les bords du mal ; j’ai heurté contre le piège ; j’ai senti la malédiction de Prométhée ; mais le dégoût m’a pris dans ces conditions changeantes. […] Mais, en dépit de ces souvenirs que Synésius ne peut dépouiller, vous sentez désormais en lui l’inspiration chrétienne ; et le poëte a pu devenir évêque, surtout à cette époque d’une foi plus ardente et d’un formulaire moins rigoureux, où l’Église enveloppait dans sa communion des prosélytes parfois hétérodoxes sur quelques points, comme un vaste empire, aux premiers jours de ses victorieux agrandissements, reçoit et tolère dans son sein des cités et des territoires auxquels il laisse d’anciens usages et quelques libertés dissidentes de la règle d’obéissance commune.
On pouvait dire, de son jeu, ce que disait Démosthène de ses propres harangues, qu’elles sentaient l’huile. […] à ce bruit inattendu, à ce coup terrible, le malheureux artiste se sent défaillir. […] Sentez-vous cette vieille odeur de laine et de cuir ? […] Sentez-vous le safran qui vous monte à la tête ? […] Vous vous plaignez que le vôtre sent le musc, à la bonne heure ; mais le nôtre, notre homme à la mode, sent le fumier et le tabac.
Il a fini par la folie ; il la sentait venir, il l’a décrite horriblement ; il en a goûté par avance la nausée et la lie ; il la portait sur son visage tragique, dans ses yeux terribles et hagards. […] Il sentait depuis longtemps que sa raison l’abandonnerait. […] Ainsi concentré, il comprend mieux et il souffre davantage ; l’emportement ne vient point soulager sa colère ou dissiper son attention ; il sent toutes les pointes et pénètre le fond de l’opinion qu’il déteste ; il multiplie sa douleur et sa connaissance, et ne s’épargne ni blessure, ni réflexion. […] « Cadénus pouvait louer, estimer, approuver, mais ne comprenait pas ce que c’était qu’aimer991. » Rien de plus vrai, et Stella l’a senti comme les autres. […] I sent him a peppering letter, and would not summon him by a note as I did the rest.
On peut sortir en toute saison, vivre dehors sans trop pâtir ; les impressions extrêmes ne viennent point émousser les sens ou concentrer la sensibilité ; l’homme n’est point alourdi ni exalté ; pour sentir, il n’a pas besoin de violentes secousses et il n’est pas propre aux grandes émotions. […] Le ciel et le paysage lui tiennent lieu de conversation ; il n’a point d’autres poëmes ; ce ne sont point les lectures et les entretiens qui remplissent son esprit, mais les formes et les couleurs qui l’entourent ; il y rêve, la main appuyée sur le manche de la charrue ; il en sent la sérénité ou la tristesse quand le soir il rentre assis sur son cheval, les jambes pendantes, et que ses yeux suivent sans réflexion les bandes rouges du couchant. […] Il le sera pleinement le jour où quiconque aura travaillé pour l’œuvre divine sentira l’œuvre divine accomplie, et verra la part qu’il y a eue. […] Tel innommé a été peut-être plus grand qu’Alexandre ; tel cœur de femme qui n’a dit mot de sa vie a mieux senti que le poëte le plus harmonieux. — Je parle de la vie par influence, ou, selon l’expression des mystiques, de la vie en Dieu. […] La conscience a un rapport avec l’espace, non qu’elle réside en un point, mais elle sent en un espace déterminé.
Vous sentez-vous de force à nous amuser ? […] Il se sentit isolé et se plaignit de ce qu’il appelait une « oppression », dont il était victime. […] Il n’est pas nécessaire de se connaître bien profondément pour sentir la convenance d’accorder à tous ses semblables une indulgente douceur dont on a soi-même tant besoin. […] Personne n’ose dire ce qu’il pense, exprimer ce qu’il sent. […] Manon Lescaut doit encore son charme unique à une simplicité si naturelle qu’on y sent à peine l’art de l’écrivain.
J’ose constater ici ce suffrage unanime de mes compatriotes, parce que je sentis qu’il s’adressait moins au talent du littérateur qu’à l’énonciation des principes du citoyen, et que s’en honorer n’est point orgueil, mais reconnaissance et juste fierté. […] Ce tour n’est pas ce qu’on appelle aisé, mais trop facile à employer : on ne sent pas que ce soit là un vers, sinon par la mesure des syllabes ; il n’est pas simple, mais plat. […] Nous sentirons mieux quel préjudice un malheureux ordre des chants apporte à la fable. […] On sentirait combien la sensible dévotion des lecteurs resterait froissée, et leur amour de l’humble hiérarchie ecclésiastique scandalisé, si la dignité d’un prélat était obscurcie par un chantre, et si la discorde, assise sur son banc, empêchait à la fin que la paix régnât dans les saintes chapelles. […] Les lecteurs sentiront que, si M. de Souza eût été l’un des contemporains de Camoëns, il ne leur eût pas ressemblé ; mais qu’en l’arrachant au malheur, il eût écarté les chagrins de sa carrière.
Il se sent mieux qu’il ne se définit. […] Qui sent la vie organique de la Révolution française sent, par le même mouvement, la vie organique du radicalisme. […] Il y a un sens du mot de « républicain », le sens compris et senti par les masses, qui ne prend vie et force que par une acceptation profonde et quasi religieuse de la Révolution. […] Comme l’a montre de Man, le syndicalisme a substitué peu à peu au marxisme idéologique un réalisme ouvrier, soit la vie et la psychologie du travailleur, senties de l’intérieur, professionnellement. […] Et on le lui a fait sentir.
Dans les premiers moments, ce public ouvrier ne fut peut-être pas sans défiance ; mais il ne tarda pas à sentir la douceur du bienfait que le poète et ses amis lui apportaient. […] Il est intéressant de savoir que ces passages, dignes de toute admiration, ont été sentis cette fois par l’auditoire populaire. […] Se pénétrer de « l’harmonie » qui nous unit aux êtres, aux objets ; se réunir « non pas pour penser, mais pour sentir ensemble », voilà l’autre besoin impérieux, l’autre principe vital de l’âme suédoise. […] « De toutes les voies, — et elles sont nombreuses, — qui conduisent ou ramènent à la religion, intimement sentie et vécue, Montaigne n’en a fréquenté aucune. […] Mais l’agrégé de vingt-trois ans se sentait peu sollicité par cet apostolat, le professorat des lycées.
François Coppée Dans la retraite où je travaille, mon cher Goudeau, votre nouveau livre de vers, Chansons de Paris et d’ailleurs, m’apporte une bouffée des parfums de la grande ville et me transporte en imagination sur le boulevard Montmartre, par un après-midi ensoleillé, quand quelques consommateurs peu frileux s’installent aux terrasses des cafés, quand la fleuriste tortille ses bouquets près du kiosque et que l’atmosphère humide et tiède de l’avant-printemps sent l’absinthe et les violettes.
Trois imitations chez lui sont visibles et se font sentir tour à tour : celle d’André Chénier dans les ïambes, celle surtout de Barthélemy dans la satire et celle de Béranger dans la chanson.
Ce n’est point pour lui une fonction, une de ces places de jurés-experts comme l’entendent messieurs les critiques ; il ne sent là qu’une occasion de dire, au hasard de l’actualité, ce qu’il voit « dans les faits journaliers de la vie des lettres de Paris ».
On y respire un parfum de sympathie et je ne sais quoi de doux, de simple, de pur qui ne se sent pas dans les biographies des personnages illustres.
Le besoin se faisant sentir d’une nouvelle École, l’École Romanitas va se former, qui affirme que notre langue se meurt depuis le jour où, après Racine, elle s’est écartée du dialecte roman, père du dialecte français.
La Critique du Philosophe n’a ainsi servi qu’à faire sentir la supériorité du Génie, qu’il vouloit ravaler.
On sent qu’un Ouvrage de la nature de celui-là, qui contredit les idées reçues, & qui contient une doctrine si opposée à celle des Inoculateurs & à leurs intérêts, devoit nécessairement éprouver des contradictions, & susciter des ennemis à l’Auteur.
Dans ses autres Discours, il parle rarement au cœur ; jamais ou presque jamais de ces expressions vigoureuses, de ces images frappantes, de ces traits hardis qui supposent une ame fortement pénétrée de son sujet, & capable de maîtriser les autres ames Il a paru trop oublier que les hommes déferent moins à la raison qu’à leurs passions ; que ce n’est qu’en agitant leur cœur, qu’on parvient à les dominer ; que l’homme éloquent n’est pas celui qui raisonne avec justesse, mais celui qui rend avec énergie ce qu’il sent avec vivacité ; celui qui nous échauffe par la chaleur du sentiment & de l’imagination, non celui qui nous instruit & nous éclaire par la lumiere & la vérité de ses raisonnemens.
Dans ces tableaux secs & arides qu'on nous présentoit, l'Abbé Vély a senti, plus que tout autre, que l'Histoire doit être un cours d'instruction, où les plus petits détails ne sont point déplacés, quand ils peuvent contribuer à intéresser le cœur & à augmenter les connoissances.
Et la nuit s’écoulait dans ces chastes délires, Et l’amour sous la table entrelaçait vos doigts, Et les passants surpris entendaient ces deux lyres, Dont l’une chante encore, et dont l’autre est sans voix… Et quand du dernier vin la coupe fut vidée, J’effeuillai dans mon verre un bouton de jasmin ; Puis je sentis mon cœur mordu par une idée, Et je sortis d’hier en redoutant demain !
Rubens, Berghem, Greuze, Loutherbourg vous expliqueraient ce faire bien mieux que moi ; tous en feront sentir l’effet à vos yeux.
buste de Montesquieu . si vous voulez sentir tout l’ignoble, tout le barbare du Trudaine , jettez les yeux sur le Montesquieu .
L’esprit ne sçauroit joüir deux fois du plaisir d’apprendre la même chose, comme le coeur peut joüir deux fois du plaisir de sentir la même émotion.
Se sent-elle aussi la conscience complètement légère à ce point de vue ? […] Je crus que c’était la joie de se sentir bête une fois dans sa vie. […] On sent à chaque page la main d’un novice. […] On sent que M. […] À la pointe du jour, Jean Valjean se sent réveillé par un instinct de proie.
Le genre d’observations qui est propre à Duclos est sensé, rapide, mais d’une nature très sobre : J’ai cru devoir donner, dit-il, une idée de l’état de la France et de la cour de Charles VII, pour faire mieux entendre ce qui regarde son successeur : on verra que Louis XI, né et élevé au milieu de ces désordres, en sentit les funestes effets. […] Il commence par un tableau circonstancié des dernières années de Louis XIV : ici, malgré les imitations et les emprunts que nous allons signaler, on sent dans le récit de Duclos une vive impression personnelle, qui y donne le mouvement. […] Elle en dit tant, et avec un air si simple, si indifférent sur les partis et si touchant sur l’intérêt qu’elle prenait au roi, qu’il lui répondit qu’elle avait raison ; qu’il suivrait son conseil en tout ce qu’il pourrait là-dessus, parce qu’il sentait que ces gens-là le feraient mourir… Or, que fait Duclos ?
Mais ce qu’on sait moins, ce qu’un observateur moraliste peut seul avoir saisi sur le fait et nous rendre ensuite comme il l’a senti, c’est quel était au moment même et quelques heures après, dans cette même soirée, l’effet de cette scène déplorable sur ce qu’on appelait la bonne compagnie, qui n’est bien souvent qu’une autre espèce de peuple. […] L’émigré paye sa dette à son opinion en mettant là l’ancienne monarchie ; mais pour tout le reste, comme il sent qu’on a rompu à jamais avec tout un passé, et qu’on est entré sous l’invocation des tempêtes dans un océan nouveau ! […] L’ambition est une passion dangereuse et vaine, mais ce serait un malheur pour la plupart des hommes que d’en être totalement dénués ; elle sert à occuper l’esprit, à préserver de l’ennui qui naît de la satiété ; elle s’oppose dans la jeunesse à l’abus des plaisirs, qui entraînerait trop vivement ; elle les remplace en partie dans la vieillesse, et sert à entretenir dans l’esprit une activité qui fait sentir l’existence et ranime nos facultés.
La jeune fille aime passionnément la nature ; elle la sent dans toutes ses créations, dans les fleurs, dans les arbres, dans les oiseaux. […] J’ai pleuré toute la matinée, et ensuite je me suis sentie consolée par la certitude de retrouver un jour ceux qui ne sont plus. […] Penser pour soi et pour ses amis, sans prétention à s’afficher ; vouloir se former des opinions justes sur les choses essentielles, sans aspirer à les produire ; étudier, vivre, regarder, oser sentir et dire, est une marque de distinction dans une nature.
En arrivant à Tolède, la nouvelle reine fut reçue par don Carlos, et, à la vue de ce jeune prince déjà malade de la fièvre et tout exténué, cette jeune femme fut saisie d’un mouvement de compassion et de tendre pitié qui se peignit sur son visage et dans son regard : don Carlos le sentit, fut touché de son accueil, et « dès ce moment il conçut pour elle des sentiments de respect et de déférence qui ne se démentirent jamais depuis. » C’est à cette limite qu’il convient de s’arrêter, et rien de ce que les romanciers et poètes ont imaginé d’un sentiment mutuel entre la reine et son beau-fils n’a le moindre fondement ni même le moindre prétexte historique. […] Philippe sentit qu’il devait sans retard, et pour en bien fixer le caractère, informer de cet événement les principales autorités de son royaume et les souverains ses alliés, à l’étranger ; des lettres furent écrites en ce sens pendant les jours suivants. […] La vérité, pour qui sent et réfléchit, est que ce père dur et farouche, quoique ayant eu raison au fond dans le jugement définitif et péremptoire qu’il porta de son fils, est très peu intéressant, et le fils, de son côté, on doit l’avouer, ne l’est pas davantage.
je sais bien que cela même a pu donner quelques regrets à de doctes et fins esprits qui craignent de voir profaner ce qu’ils aiment, de voir pratiquer une grande route à travers un bois sacré. « Pour moi, j’aimais à m’y perdre, m’écrit à ce sujet un de ces fins dilettanti de l’Antiquité, et si je ne savais pas bien en reconnaître les fleurs, je sentais au moins quelque chose de leur parfum. […] On est trop prompt à refuser aux Anciens d’avoir senti tout ce que nous avons senti nous-mêmes.
« L’Empereur, parlant de Catinat, disait l’avoir trouvé fort au-dessous de sa réputation, à l’inspection des lieux où il avait opéré en Italie et à la lecture de sa Correspondance avec Louvois. » Napoléon ne le trouvait nullement comparable à Vendôme ; il eût dit de Catinat, servant sous ses ordres, ce qu’il disait de Saint-Cyr : « Saint-Cyr, général très-prudent. » Toute la manière de voir et d’agir de Catinat a été exposée au long par lui-même dans ses lettres confidentielles à son frère Croisilles ; il le fait dans une langue naïve et forte, un peu enveloppée, médiocrement polie, grosse de raisons, et qui sent son fonds d’esprit solide ; il faut en passer par là, si on veut le comprendre, et bien posséder son Catinat, nature originale et compliquée, un peu difficile à déchiffrer, et qui ne se laisse pas lire couramment : « Si je t’entretenais au coin du feu de notre campagne, disait-il à ce frère qui était un autre lui-même (31 octobre 1691), j’aurais bien du plaisir à te faire toucher au doigt et à l’œil ma conduite et les prévoyances que j’ai eues sur ce qui pouvait arriver, et comme il a fallu charrier droit pour faire aller la campagne aussi loin qu’elle a été, sans exposer tout le gros des affaires. […] Les conséquences de la mort de Louvois se faisaient sentir : on n’embrassait plus tous les points de la circonférence à la fois. […] C’est alors que Catinat, qui avait employé le temps à se mettre en mesure, sentit que le moment était venu de prendre sa revanche et de jouer vaillamment de l’épée.
On sent quelle impression profonde et amère durent jeter dans l’âme ardente du jeune enfant de l’Empire, et les discours du mécontent, et le supplice de la victime : cela le préparait dès lors à son royalisme de 1814. […] Depuis neuf ans, la vie de Victor Hugo n’a pas changé ; pure, grave, honorable, indépendante, intérieure, magnifiquement ambitieuse dans son désintéressement, de plus en plus tournée à l’œuvre grandiose qu’il se sent appelé à accomplir. […] Dans cette confiante indifférence, le présent échappait inaperçu, la fantaisie allait ailleurs ; le vrai Moyen-Âge était étudié, senti, dans son architecture, dans ses chroniques, dans sa vivacité pittoresque ; il y avait un sculpteur , un peintre parmi ces poëtes, et Hugo qui, de ciselure et de couleur, rivalisait avec tous les deux.
Mais voilà qu’en littérature, comme en politique, à mesure que les causes extérieures de perturbation ont cessé, les symptômes intérieurs et de désorganisation profonde se sent mieux laissé voir. […] La grande masse de la littérature, tout ce fonds libre et flottant qu’on désigne un peu vaguement sous ce nom, n’a plus senti au dedans et n’a plus accusé au dehors que les mobiles réels, à savoir une émulation effrénée des amours-propres, et un besoin pressant de vivre : la littérature industrielle s’est de plus en plus démasquée. […] Jamais on n’a mieux senti, au sein de la littérature usuelle et de la critique active, le manque de tant d’écrivains spirituels, instruits, consciencieux, qui avaient pris un si beau rôle dans les dernières années de la Restauration, et qui, au moment de la révolution de Juillet, en passant brusquement à la politique, ont fait véritablement défection à la littérature.
Si, à quelque jour de congé, au spectacle, on lui avait nommé dans la salle quelque vaudevilliste illustre d’alors, il se sentait piqué au jeu comme au nom d’un Miltiade ; une ébauche de pièce ne tardait pas à suivre. […] On est vite consolé, même d’un échec, quand on se sent en fonds de revanches ; le plaisir d’aller et de faire couvre tout. […] Mais ici, à l’insistance, à la vivacité de son attaque, on sent une sorte d’inspiration morale, une conviction qui n’est peut-être autre que le mépris très-cordial de ceux qu’il met en jeu.
C’est toujours une belle chose d’avoir vingt ans ; mais c’est chose doublement belle et heureuse de les avoir au matin d’un règne, au commencement d’une époque, de se trouver du même âge que son temps, de grandir avec lui, de sentir harmonie et accord dans ce qui nous entoure. […] Le moment était arrivé où dans ce déchaînement de passions violentes et de préventions aveugles, il n’y avait certes aucun déshonneur pour les hommes sages, pour les esprits modérés, à se sentir inhabiles, et impuissants. […] Il ne croit pas pouvoir changer l’homme, il ne se pique même pas de le sonder trop à fond ; mais il le sent tel qu’il est, et il tâche d’en tirer parti.
« Elle ne sentait pas les autres misères de sa captivité. […] Confus de tant d’implacabilité, humilié de tant de sang, qui rejaillissait si souvent et si justement sur lui, il sentit le regret ou la honte. […] Il sentait sa valeur comme homme d’État avec d’autant plus de complaisance que la démocratie était plus au-dessous de lui.
Et sachez qu’il n’y eût si hardi à qui la chair ne frémit ; et ce ne fut une merveille ; car jamais si grande affaire ne fui entreprise de nulles gens, depuis que le monde fut créé. » Ne sent-on pas ici la joie de l’imagination que l’« aventure » ravit, avec cette excitation particulière qu’y ajoute la vanité d’avoir vu et fait ce qui n’a été vu ni fait de personne ? […] Il a assez de bien en lui, pour être à l’aise avec ce saint, et ne pas se sentir condamné par tant de vertu. […] C’est qu’à ce don de l’imagination, Joinville joint celui de la sympathie : il sent comme il voit, et avec les images amassées dans son souvenir se réveillent en foule les émotions qu’il a ressenties.
Il se sentait gardé du côté de la France. […] Il aimait à faire sentir sa grande fortune, il recevait magnifiquement ; il donnait des fêtes, il avait un théâtre, où il jouait très mal et très passionnément, où les gens de sa maison, souvent les visiteurs jouaient ; il le démolit, puis il le rétablit par politesse pour Mlle Clairon qui venait à Ferney. […] Il n’avait pas l’imagination scientifique, l’ouverture de pensée qui forme ou qui embrasse les hypothèses fécondes, le détachement de soi qui fait accepter au savant tous les démentis, toutes les surprises des faits, et les plus incroyables résultats de l’expérience ; il n’a pas senti suffisamment l’infinité de ses ignorances, et il a témérairement fixé les limites du possible.
L’économie est peut-être le domaine de l’activité ou l’antinomie entre l’individu et la société se fait sentir avec le moins de force. […] Apprendre quelque chose qui ne nous regarde en rien et sentir que le “devoir” consiste précisément dans cette activité “objective” ; apprendre à évaluer séparément le plaisir et le devoir, voilà la tâche et l’action inappréciable de la pédagogie. […] Leur culture supérieure ne leur sert qu’à mieux sentir leur condition humiliée.
» On se rappelle qu’en 1672 elle écrivait à madame de Saint-Géran : « Le maître vient quelquefois chez moi, malgré moi, et s’en retourne désespéré, jamais rebuté. » Je suis persuadé qu’il n’y a pas une âme délicate, pas une femme qui ne sente une différence entre les deux locutions, et ne se plaise à en discerner le caractère d’après les circonstances. […] Quand Louis s’en retournait, en 1672, désespéré, mais non rebuté, les désirs des sens étaient repoussés, le besoin, l’espérance de plaire commençaient à se faire sentir ; le prince, jeune et ardent, était désespéré ; le prince, aimable et charmé, n’était pas rebuté, ou ne se rebutait pas. […] Elle semblait leur payer une dette en s’élevant par le mérite qu’elle avait acquis dans leur commerce et leur intimité ; et cette société illustre se sentait dignement récompensée de l’honnêteté de ses mœurs, de la culture de ses facultés, par le prix qu’en recevait une d’elles.
J’avoue que je ne le pus voir sans penser à eux, et que, dans ma joie, je sentis que la sienne me donnait du chagrin. […] Je ne me sentis point gênée en cette place… Tout le monde ne manqua pas de me dire que je n’avais jamais paru moins contrainte que sur ce trône, et que, comme j’étais de race à l’occuper, lorsque je serais en possession d’un où j’aurais à demeurer plus longtemps qu’au bal, j’y serais encore avec plus de liberté qu’en celui-là. […] Qu’il y ait dans ce propos de l’emphase et quelque jactance, on le sent aussitôt, mais il faut y reconnaître aussi comme un écho du Cid et quelques accents cornéliens.
Cosnac, qui se sent en sous-ordre, épie les occasions de s’élever. […] J’ai voulu citer tout ce passage qui nous touche par la destinée du grand homme qui y est en jeu et qui s’y agite si indifféremment : on se sent pénétrer d’une amère pitié. […] Je cherche à donner idée de l’esprit de Cosnac et à faire sentir comment il faisait passer ses brusqueries par ses saillies et savait sauver sa considération au milieu de ses gaietés.
Dans ces dernières y aurait-il certains traits fins, subtils et cachés, faciles à sentir quand on les a sous les yeux, infiniment difficiles à retenir quand on ne les voit plus, impossibles à rendre par le discours ; ou serait-ce de ces physionomies rares et des traits spécifiques et particuliers de ces physionomies que seraient empruntées ces imitations qui nous confondent et qui nous font appeller les poëtes, les peintres, les musiciens, les statuaires du nom d’inspirés ? […] Mais comment se fait-il que les esprits les plus communs sentent ces élans du génie et conçoivent subitement ce que j’ai tant de peine à rendre ? […] Au contraire l’habillement des orientaux, des asiatiques, des grecs, des romains dévelope le talent du peintre habile et augmente celui du peintre médiocre. à la place de cette figure de tartare qui est à la droite dans le tableau de la bonne aventure, et qui est si richement, si noblement vêtue, imaginez un de nos cent-suisses, et vous sentirez tout le plat, tout le ridicule de ce dernier personnage.
Fourier le sentait sans doute qui décrétait que le nombre des membres de ses phalanstères ne devait pas dépasser 1500. […] On a pu soutenir79 que la grandeur des Empires les prédestine au despotisme — soit que leur étendue fasse sentir, en même temps que le grand danger des divisions intestines, la nécessité d’un pouvoir central absolu, — soit qu’elle empêche les sujets, trop éloignés les uns des autres et trop nombreux, de se concerter aisément pour défendre leurs droits contre les empiètements de ce pouvoir unique. […] Ainsi, le grand nombre même des individus agglomérés dans les vastes groupements modernes serait une raison pour que chacun d’eux se sentit porté à se poser comme « fin en soi ».
Ce solo de médisance, varié avec une verve qui sentait l’étude des vieux maîtres Gaulois, obtint un grand succès. […] Un des joueurs lut tout haut la signature de ce billet, qui sentait l’ambre. […] Et, en effet, pendant la représentation, il était visible à tous les yeux qu’ils ne se sentaient pas bien. […] L’approche de Londres se fait sentir à chaque tour de roue. […] Il prêta l’oreille, et sentit quelque chose se dresser sur sa tête.
Mais, comme tous ceux qui ont eu le bonheur ou le malheur de respirer cet encens dangereux, Robert sentait, tout en le méprisant et en reconnaissant son néant, qu’il ne pouvait plus s’en passer.
L'Université n’est pas toujours aussi intéressante qu’elle pourrait l’être ; les chefs n’ont jamais eu, depuis longtemps, ce cœur généreux, libéral, affectueux, ami désintéressé du bien, qui conviendrait dans la direction de la jeunesse, qu’avait, par exemple, le premier grand maître Fontanes, et dont l’effet moral se ferait aussitôt sentir ; ils ont été des administrateurs plus ou moins habiles et attentifs, des ministres plus ou moins accapareurs et ambitieux.
En un mot, quand on a souci de l’avenir, quand, sans avoir la vanité de croire à rien de glorieux, on se sent du moins le désir permis d’être en un rang quelconque un témoin honorable de son temps, on a toutes les précautions à prendre : on ne saurait trop faire navire et clore les flancs, pour traverser, sans sombrer, les détroits funestes.
La seconde place vacante à l’Académie par la mort de M. l’archevêque de Paris a suscité jusqu’ici peu de compétiteurs : il semble qu’on ait senti qu’une haute décence venait ici se mêler à la littérature et la dominer en quelque sorte, pour restreindre les choix.
L’ensemble est un peu trop voulu, littéraire, systématique, et l’on sent que l’écrivain met souvent ses métaphores vives au service de son esprit hésitant.
Jusqu’à présent on ne paroît pas avoir assez senti l’utilité des imitations, pour le développement des dispositions de l’esprit & de l’imagination.
Diderot n’a pas senti qu’il faisoit tort au Dictionnaire Encyclopédique, en regrettant, pour sa perfection, un pareil Ecrivain, ou qu’il a voulu faire connoître par-là le mépris qu’il a toujours eu pour cette Compilation, comme il s’en est expliqué plusieurs fois dans l’Ouvrage même.
S'il avoit eu soin d'unir la morale à la force comique ; de suivre les regles indispensables de la Comédie, destinée par son institution à instruire & à corriger ; de donner aux travers qu'il expose, les couleurs qui en font sentir & détester la difformité ; de punir sur la Scene les Personnages vicieux qu'il y introduit ; en un mot, de travailler à rendre les hommes meilleurs, autant qu'il s'appliquoit à les amuser : il est certain qu'il auroit droit de prétendre à une gloire plus brillante & plus solide que celle dont il est en possession.
On sent qu’une nation qui bâtit de tels palais pour la vieillesse de ses armées, a reçu la puissance du glaive, ainsi que le sceptre des arts.
Mais quand on voit l’angoisse qui résulte de ces liens brisés, ce douloureux étonnement d’une âme trompée, cette défiance qui succède à une confiance si complète, et qui, forcée de se diriger contre l’être à part du reste du monde, s’étend à ce monde tout entier, cette estime refoulée sur elle-même et qui ne sait plus où se replacer ; on sent alors qu’il y a quelque chose de sacré dans le cœur qui souffre parce qu’il aime ; on découvre combien sont profondes les racines de l’affection qu’on croyait inspirer sans la partager ; et si l’on surmonte ce qu’on appelle faiblesse, c’est en détruisant en soi-même tout ce qu’on a de généreux, en déchirant tout ce qu’on a de fidèle, en sacrifiant tout ce qu’on a de noble et de bon.
La position en général étant donnée, il y a un certain enchaînement dans le mouvement de toutes les parties, une certaine loi qu’elles s’imposent les unes aux autres, qui les régit et qui les coordonne, qu’il est plus aisé de sentir que de rendre.
Chacun a chez soi la regle ou le compas applicable à mes raisonnemens, et chacun en sentira l’erreur dès qu’ils s’écarteront d’une ligne de la verité.
Le singe se sentait démangé comme jamais il ne l’avait été de sa vie.
Saint-Évremond, Bussy, qu’on a comparés à La Rochefoucauld pour l’esprit, la bravoure et les disgrâces, sont aussi des écrivains de qualité et de société ; ils ont de l’agrément parfois, mais je ne sais quoi de corrompu ; ils sentent leur Régence. […] elle devient plus difficile et on la sent qui se complique davantage à mesure qu’elle avance et qu’elle se dénue. […] De là vient qu’à l’instant où l’on sent qu’on y porte moins, on s’en dégoûte souvent avec un cœur fier, et qu’on résiste si aisément à celui qu’on inspire. […] Dans un gouvernement constitutionnel, où il faut tout haut se louer quelque peu soi-même (on en a des exemples) et louer à la fois la majorité des assistants, on voit que M. de La Rochefoucauld n’aurait pu être autre chose que ce qu’il fut de son temps, un moraliste toujours. — J’ajouterai encore cette note écrite après coup, mais qui revient bien à ce qui précède :« Il parlait à ravir devant deux ou trois ou cinq personnes ; mais dès que cela devenait cercle, et à plus forte raison devant un auditoire, il ne le pouvait plus. — Il avait grande peur du ridicule, il le sentait vivement, il le voyait là où d’autres moins délicats ne le voyaient pas.
On en a conclu qu’on pouvait, d’après les monuments littéraires, retrouver la façon dont les hommes avaient senti et pensé il y a plusieurs siècles. […] On a réfléchi sur ces façons de sentir et de penser, et on a jugé que c’étaient là des faits de premier ordre. […] Les états et les opérations de l’homme intérieur et invisible ont pour causes certaines façons générales de penser et de sentir. […] On touche ici le fond de l’homme ; car pour expliquer cette conception, il faut considérer la race elle-même, c’est-à-dire le Germain et l’homme du Nord, sa structure de caractère et d’esprit, ses façons les plus générales de penser et de sentir, cette lenteur et cette froideur de la sensation qui l’empêchent de tomber violemment et facilement sous l’empire du plaisir sensible, cette rudesse du goût, cette irrégularité et ces soubresauts de la conception, qui arrêtent en lui la naissance des belles ordonnances et des formes harmonieuses, ce dédain des apparences, ce besoin du vrai, cette attache aux idées abstraites et nues, qui développe en lui la conscience au détriment du reste.
On sent à ces accents que Saül n’écoute pas en lui seulement un barde d’Israël, mais un inspiré de Jéhovah. […] » Puis le mal se fait de nouveau sentir, et l’élégie reprend : « Je me suis fatigué de gémir ; toutes les nuits je mouille de mes larmes ma couche ! […] L’élégie se transfigure en hymne, la harpe change de mode ; l’infirme, qui se sent apparemment soulagé, lance en trois strophes sa reconnaissance à Dieu, la menace et l’insulte aux ennemis de celui qui l’a guéri. […] « Qu’ils s’évaporent plus vite que l’eau de vos chaudières ne sent la flamme des épines qui la font frémir dans le vase ; « Et que l’on dise : Il y a un Dieu !
Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) I « Tant que les révolutions ne sont pas achevées, l’instinct du peuple pousse à la république ; car il sent que toute autre main que la sienne est trop faible pour imprimer l’impulsion qu’il faut aux choses. […] Il y a peu de grandes âmes qui ne sentent en naissant la persécution de la fortune, et qui ne commencent par une révolte intérieure contre la société. […] Nulle part elle ne fut plus sentie que là. […] Elle recueillit toute sa force pour s’élever, par le mépris des coups, au-dessus de ses ennemis ; elle ne les sentit plus que dans les autres. » Nous demandons à tout lecteur de bonne foi si la pitié manque à l’infortune et si le respect manque à la catastrophe dans un tel tableau ?
La misère laborieuse conserve les hommes de ce tempérament maigre et actif ; on ne le sent lourd qu’en l’étreignant. […] Qui sera juge de l’oppression d’un seul, et quelle société subsisterait un seul jour, s’il suffisait qu’un seul se sentît ou se crût arbitrairement opprimé ? […] Il fut ému, mais admirable ; il sentit ses propres périls, il eut peur de lui-même, et il aida ses chefs à le refréner. […] Le principe populaire s’y sentait d’avance étouffé.
… Involontairement nos voyageurs se sentirent le cœur attristé de ces pensées. […] On sentait en lui un homme digne d’étudier les hommes ; on sentait, dans l’autre, un artiste capable de leur faire jouer les rôles légers, divers, personnels d’une existence à tiroirs. […] Mais là où il avait reconnu le bon et le vrai, il s’y sentait porté à encourager, à conseiller, à venir en aide, et, des points les plus éloignés de l’univers, se concentrèrent auprès de lui les demandes, les confidences, les sollicitations de secours, non-seulement pour des intérêts scientifiques, mais pour une foule d’intérêts publics.
La littérature était pour moi chose si secondaire, au milieu de l’enquête ardente qui m’absorbait, que j’y fis d’abord peu d’attention, je sentis cependant un génie nouveau, fort différent de celui de notre xviie siècle. […] Cela est tout simple : on ne sent bien que ce qu’on a éprouvé, et ce sujet est si délicat que je ne crois pas qu’il y ait deux hommes au monde plus incapables de s’entendre qu’un croyant et un doutant, quand ils se trouvent en face l’un de l’autre, quelles que soient leur bonne foi et même leur intelligence. […] Que j’ai bien senti combien ces grands maux sont au-dessus de tout remède humain et que Dieu s’en est réservé le traitement, manu mitissima et suavissima pertractans vulnera mea, comme dit saint Augustin, qu’on s’aperçoit bien avoir passé par cette filière, à la façon dont il en parle ! […] Ce livre néanmoins lui déplut ; elle me l’arracha des mains ; elle sentait que, si ce n’était lui, c’étaient ses pareils, qui étaient les ennemis de sa plus chère pensée.