Ou, pour mieux dire, il y avait longtemps qu’un homme ne s’était édifié de ses propres mains, avec cet entêtement sombre, par une telle mobilisation de magistrats, d’avocats et d’huissiers, et sur un tel amas de papier timbré, une si haute réputation de ridicule. […] On s’y résigne quand on est sage ; et, quand on est fier, on se rend justice à soi-même silencieusement, et l’on se contente de son propre témoignage.
Jean-Jacques Weiss De son propre aveu, d’ailleurs, la trilogie en vers de Christine, quoiqu’elle n’ait été représentée que le 30 mars 1830 à l’Odéon, fut, elle aussi, composée bien antérieurement à Henri III. […] Enfin il a créé le drame moderne avec Antony, où s’incarnent, d’une part, le plébéien révolté contre les contrats et les hiérarchies sociales, de l’autre, la femme de la société nouvelle, unissant sa propre révolte à celle de l’homme qui la désire passionnément et par-dessus tout comme le bien suprême, le plus défendu par cela même et le plus attaqué.
Chacun retrouvait en lui ses propres sentiments, les plus fugitifs, les plus intimes ; il s’abandonnait, il se donnait, il avait les dernières des vertus qui nous restent, la générosité et la sincérité. […] Mais ces traces-là chez lui sont enveloppées de tant de grâce, d’esprit et de désinvolture, qu’on se croit en présence de créations propres à l’auteur.
Il seroit également injuste de se récrier contre certains traits de critique, où la plaisanterie nous échappe comme d’elle-même, à la vue du ridicule : si nous savions d’autres moyens plus propres à le faire sentir, nous les aurions employés. […] N’est-ce pas elle qui a introduit parmi nous ces Drames langoureux qui ne sont propres qu’à assoupir la Nation, & à bannir la bonne Comédie de notre Théatre ?
On peut y apprendre la marche, les beautés & le génie de sa propre langue, & mieux encore que dans ce labyrinthe où nous jette l’étude de celle qu’on ne parle plus. […] Un des premiers génies de ce siècle, dans une de ses lettres en réponse à celle d’un jeune homme de douze ans, élevé suivant le systême de l’éducation particulière, & qu’on avoit fait commencer par l’étude de sa propre langue, le félicitoit de n’être pas au collège, parce qu’il n’auroit eu qu’un mauvais stile.
L’auguste de ses fonctions lui inspire un tel orgueil, qu’ici le vicaire de Saint-Roch est plus grand à ses propres yeux que le souverain : celui-ci ne fait que des nobles, des ducs, des ministres, des généraux ; qu’est-ce que cela pour celui qui fait des dieux ? […] Il y a une logique propre à l’ecclésiastique, connue sous le nom de Lieux théologiques ; c’est un parallèle des autorités entre elles : de l’autorité de la raison, de l’autorité de l’Écriture, des conciles généraux et particuliers, des Pères considérés séparément et entre eux sur telle matière ou sur telle autre, des docteurs de l’Église, des grands hommes, de la tradition et des monuments ; logique de théologien à théologien, fort différente de celle d’un homme à un homme et d’un théologien à un philosophe.
Baudouin Toujours petits tableaux, petites idées, compositions frivoles, propres au boudoir d’une petite-maîtresse, à la petite maison d’un petit-maître ; faites pour de petits abbés, de petits robins, de gros financiers ou autres personnages sans mœurs et d’un petit goût. […] Cependant tant d’inscriptions infâmes dont la statue de la Vénus aux belles fesses est sans cesse barbouillée dans les bosquets de Versailles ; tant d’actions dissolues avouées dans ces inscriptions, tant d’insultes faites par la débauche même à ses propres idoles ; insultes qui marquent des imaginations perdues, un mélange inexplicable de corruption et de barbarie, instruisent assez de l’impression pernicieuse de ces sortes d’ouvrages.
II Et d’abord est-ce un livre que le sien, un livre loyalement et sincèrement fait, ayant sa destination propre, et qui n’ait pas, sous une forme quelconque, été déjà servi à un public ? […] Lenient, qui n’est, lui, qu’un de ses professeurs moyens, — utiles à leur place, mais sans supériorité accusée, — se révélera-t-il un jour à l’étonnement de tout le monde comme un écrivain ayant un style à lui, des idées à lui et une valeur propre et déterminée ?
Il fallait les battre avec leurs propres armes, ces coquines charmantes et amusantes, qui avaient ôté cette ceinture, par trop serrée, de l’étiquette, à ces sultans lassés qu’elle blessait… Il fallait que la vertu, chez soi, fût aussi aimable que le vice, sans cesser d’être la vertu ; et ce jeu difficile et dangereux, que seule une femme pure et trempée dans le Styx de sa propre innocence pouvait se résoudre à jouer, elle le joua hardiment, presque héroïquement, et elle perdit… Dieu ne voulut pas que la fille de Marie-Thérèse épargnât à la France et à la maison de Bourbon le châtiment qu’elle méritait pour avoir subi des Pompadour.
Il fallait les battre avec leurs propres armes, ces coquines charmantes et amusantes, qui avaient ôté cette ceinture, par trop serrée de l’étiquette, à ces sultans lassés qu’elle blessait… Il fallait que la vertu, chez soi, fût aussi aimable que le vice, sans cesser d’être la vertu ; et ce jeu difficile et dangereux, que seule une femme pure et trempée dans le Styx de sa propre innocence pouvait se résoudre à jouer, elle le joua hardiment, presque héroïquement, et elle perdit… Dieu ne voulut pas que la fille de Marie-Thérèse épargnât à la France et à la maison de Bourbon le châtiment qu’elle méritait pour avoir subi des Pompadour.
Il est le casuiste de sa propre culpabilité, et il la décrit et la mesure avec la précision d’une conscience lumineuse. […] Pour eux, en effet, par ces lettres, Silvio Pellico aura trahi sa propre mémoire, cette gloire qu’ils lui avaient faite de leurs mains !
Modeste, sans doute, en son propre nom, M. de Beauverger croit trop à la philosophie, pour l’être quand il parle d’elle. […] De pareils hommes ne peuvent s’atteler, ni de gré ni de force, au joug d’un système qui regarde comme un progrès l’esprit politique du dix-huitième siècle, et qui le glorifie dans ce Quinze-Vingt de sa propre pensée, laissé par le dédain de Bonaparte, accroupi dans les ténèbres de sa constitution impossible, — l’abbé Sieyès.
Il est le casuiste de sa propre culpabilité, et il la décrit et la mesure avec la précision d’une conscience lumineuse. […] Pour eux, en effet, par ces lettres, Silvio Pellico aura trahi sa propre mémoire, cette gloire qu’ils lui avaient faite de leurs mains !
Rien ne pouvant répondre à cette âme lassée Dont les ennuis par nulle autre ne sont soufferts, Je fléchis sous le poids de ma propre pensée. […] Ce poème du Faust moderne donne le volume d’une voix qui chantera prochainement dans un registre plus à elle, — le registre de sa propre originalité… Maurice Bouchor qui, aujourd’hui, a voulu ranimer le vieux Faust et le rajeunir, a fini par le tuer dans un épilogue qui est la revanche de l’âme contre la matière, comme tout le poème est la revanche du sentiment religieux contre l’athéisme pleurant le dieu qu’il dit n’être pas, — inconséquence vengeresse !
Ces emblèmes propres aux familles étaient, si je puis le dire, des noms réels, antérieurs à l’usage des langues vulgaires. […] De même que les poètes guidés par leur art portèrent les personnages et les masques sur le théâtre, les fondateurs du droit, conduits par la nature, avaient dans des temps plus anciens, porté sur le forum les personnes (personas) et les emblèmes110. — Incapables de se créer par l’intelligence des formes abstraites, ils en imaginèrent de corporelles, et les supposèrent animées d’après leur propre nature.
Il n’y a pas d’amour vrai là où l’être aimé ne répond pas par son propre amour. […] D’abord l’illusion dans le temps, qui est le propre du désir, et qui est d’ailleurs aussi nécessaire à la vie que l’eau aux plantes. […] Et telle était sans doute la pensée de Flaubert dans la phrase de Madame Bovary : l’homme est lâche devant la femme, c’est-à-dire devant l’amour ; car le courage propre à l’homme se trouve dans la volonté, et le courage propre à la femme se trouve dans l’amour. […] » ils ont sous les yeux leur propre destin : « Te souviens-tu des lions sur la route de Sicca ? […] Elle aura coïncidé avec Napoléon III, aura mené à son plus haut point l’art propre du second Empire.
Buffier, [Claude de] Jésuite, né en 1661, mort à Paris en 1737, plus connu par sa Mémoire artificielle, sa Géographie & sa Grammaire, que par ses Ouvrages de Morale & de Philosophie, bien plus propres à établir sa réputation.
On sentira toujours le prix de ses Modeles de Latinité, extraits avec choix des meilleurs Ouvrages, & également propres à former le goût & les mœurs.
Il a cru donner un grand exemple de modestie, en se bornant à un titre si court, du moins a-t-il cru s’en faire un mérite, comme il le paroît par cette Epigraphe propre à servir de leçon pour les Auteurs entichés de la manie des longs titres & des frontispices fastueux.
On les tient quittes de montrer leur propre esprit ; on ne leur demande que celui de l’homme dont ils prétendent écrire l’Histoire.
Karl Boès sont remarquables d’abord par la quantité de noms propres qu’ils recèlent, et de noms communs promus à de hautes dignités par la toute-puissance de la majuscule… Je n’ose déclarer d’ailleurs que tout cela suffise à constituer un livre, et encore moins de beaux vers.
Les Voyageurs y trouveront des connoissances sur l’antiquité, propres à éclairer l’esprit, & à le dédommager des fautes de style qui s’y rencontrent assez souvent.
Il avoit, dit-on, un aiguillon bien propre à exciter sa Muse satirique, une femme acariâtre, qui ne lui laissoit point de repos.
On peut dire cependant que si cet Orateur eût donné plus de temps à ses Productions, il eût tiré un parti plus avantageux de ses lumieres & de ses talens, soit pour l'édification du Public, soit pour sa propre gloire.
Le caractere de son esprit étoit peu propre pour les Pieces de longue haleine ; la plus étendue des siennes n’a pas vingt vers.
Outre le mérite de la capacité nécessaire à sa place, il avoit encore le goût des Lettres, & des talens propres à s’y distinguer.
L’érudition qui y abonde, le style qui, sans être ni vif, ni délicat, a une rondeur justement proportionnée à ce genre de composition, sont propres à satisfaire le Lecteur curieux & censé.
Son Histoire de Bresse & de Bugey, dont on a donné une nouvelle Edition en 1770, son Histoire généalogique de la Maison de Savoie, fourniront toujours un Recueil de titres, de chartres, d’observations, d’éclaircissemens propres à débrouiller le chaos de l’Histoire, dont on ne sauroit trop constater les monumens.
On dira peut-être qu’il n’est pas propre à procurer une gloire brillante : à la bonne heure, il fait du moins goûter la satisfaction de s’être rendu utile, &, ce qui n’est pas moins satisfaisant, l’avantage de s’être enrichi.
On y remarque, en général, un esprit nourri de la lecture des Livres saints, quelquefois, de l’onction, & presque toujours des règles de conduite utiles & propres à éclairer ceux qui auroient un vrai désir de pratiquer les devoirs de la Religion.
Ses Pieces sont pleines de saillies, & très-réjouissantes, qualités propres à couvrir bien des défauts.
On a numéroté les pions et les cases ; à chaque coup de l’adversaire, on leur nomme la pièce déplacée et la nouvelle case qu’elle occupe ; ils commandent eux-mêmes le mouvement de leurs propres pièces, et continuent ainsi pendant plusieurs heures ; souvent ils gagnent, et contre de très habiles joueurs. […] Je connais cet état par mon expérience propre, et j’ai répété l’observation un très grand nombre de fois, surtout pendant le jour, étant fatigué, et assis dans un fauteuil ; il me suffit alors de boucher un œil avec un foulard ; peu à peu, le regard de l’autre œil devient vague, et cet œil se ferme. […] C’est pourquoi un physiologiste allemand, qui a fort bien observé ses propres hallucinations, Gruithuisen33, affirme qu’il a vu les images flottantes couvrir les meubles de l’appartement dans lequel il se trouvait. […] Sandras parle d’hallucinations qu’il a eues lui-même dans une maladie, pendant laquelle il prenait ses propres pensées et ses désirs pour des voix. […] À la suite d’un songe trop long pour être raconté, ma propre figure m’est apparue, assise dans un fauteuil, près d’une table, avec une robe de chambre blanche à raies noires ; elle s’est tournée vers moi, et l’effroi a été si grand que je me suis réveillé en sursaut.
D’Aponte, à l’impénitence près, écrivait le drame de sa propre vie dans le drame de Don Juan. […] Ces jeunes femmes, mes sœurs, étaient toutes charmantes de visage ; mais Faustina, la plus jeune de ces sept sœurs, était un véritable ange de beauté ; je lui proposai, en badinant, de la conduire à Londres avec moi : mon père y consentait, mais elle, ne répondant ni oui ni non, je soupçonnai, non sans fondement, que bien qu’elle n’eût encore que ses quinze ans accomplis, elle ne fût déjà plus entièrement maîtresse de son propre cœur. […] Semblable au poète français Gilbert, qui chanta mourant sa propre mort, Mozart se chanta à lui-même l’éternelle paix sur son lit d’agonie dans son Requiem. […] Vous penseriez que ces deux arts sortent des conditions propres que la nature leur a assignées, pour produire plus d’effets peut-être ; mais quels effets ! […] Nous aimons à retrouver ainsi dans Hoffmann nos propres enthousiasmes pour les divines mélodies du Raphaël de Salzbourg.
L’âme est semblable, si vous voulez, à ces molécules de l’air ou de l’eau qui ont chacune une configuration propre et isolée, mais qui font partie cependant de l’élément eau ou de l’élément air, qui exercent chacune leur pression relative sur l’élément tout entier, et qui subissent à leur tour la pression de chaque vague de la mer ou de chaque mouvement de l’éther. […] Elle prend une toile chez le tisserand, elle prend une conception dans sa pensée, elle broie des couleurs sur une palette, elle trempe un pinceau dans les mille teintes de cette palette, et elle transporte, sur sa toile d’abord, le dessin des contours extérieurs des objets, hommes ou paysages, qu’elle a d’abord délinéés dans sa propre imagination ; puis elle colorie, en imitant les artifices et les effets d’optique qu’elle a étudiés dans la nature, les objets qu’elle veut produire ou reproduire aux yeux. […] Ainsi ce n’est pas seulement l’homme, ce n’est pas seulement l’inclination de notre propre goût, c’est le genre qui nous fait choisir Léopold Robert pour vous parler aujourd’hui de la littérature peinte dans les œuvres de cet étrange génie, le Raphaël de la pure nature, exprimée, en dehors de toute convention de religion, d’histoire ou d’école, par le pinceau d’un berger du Jura. […] La figure humaine, dont la Suisse et dont sa propre famille lui offraient les plus beaux types, l’expression des sentiments simples sur les traits, les attitudes, ces gestes de l’âme, furent sa principale étude dans de nombreux portraits. […] On écoutait les vers de lord Byron, apportés de Ravennes ou de Venise par la mémoire des derniers arrivés de l’Adriatique ; quelquefois on me demandait quelques-unes de mes propres Méditations, composées la veille au bord des cascatelles de Tibur.
« Après ces mots, il donne ses ordres à ses serviteurs qui obéissent, et amènent au dehors le char aux roues solides, propre aux mules, qu’ils y conduisent et y attellent. […] « Dans sa prévoyance il commande à cet astre qui seul préside le mouvement de la sphère autour du globe, et s’arrondit en tournant sur son axe propre. […] XV C’est dans une des maisonnettes les plus propres, qui forment au midi l’enceinte monastique de ce cloître, qu’une jolie petite fille de douze ans m’indiqua la porte du poète. […] Je montai un petit escalier de bois qui ouvrait sur une antichambre propre, bien éclairée d’un beau rayon ; j’appelai, le silence me répondit ; j’entrai dans un petit salon très rangé aussi, mais presque sans meubles ; j’appelai encore, silence aussi profond ; enfin, une voix creuse, sépulcrale, venant de loin, me cria de la chambre voisine : « Entrez, je ne puis ouvrir ! […] On dirait que cet infortuné avait voulu pousser à bout, par son exemple, un témoignage inouï des douleurs de la poésie abandonnée à ses propres forces.
Je courus à la place où ils venaient de se montrer, sans la perdre une minute de vue, et remarquai une protubérance couverte de mousse et de lichen, assez semblable à ces excroissances qui poussent sur les arbres de nos forêts, sauf cette différence qu’elle présentait une ouverture parfaitement ronde, propre et tout à fait lisse. […] Je regardai dedans : il était vide, mais propre et en bon état, comme si les propriétaires absents comptaient y revenir avec le printemps. — Déjà sur chaque tige les bourgeons étaient gonflés ; quelques arbres même se paraient de fleurs ; mais la terre était encore couverte de neige, et, dans l’air, on sentait toujours le souffle glacial de l’hiver. […] Chaque couple, on n’en pouvait douter, avait marqué les limites de son propre domaine, et c’était bien rarement que l’un d’eux passait sur le territoire de son voisin. […] Sa crête touffue est généralement relevée, et son apparence propre, sinon élégante. — Le pewee a ses stations préférées et dont il s’écarte rarement : souvent il choisit le haut d’un pieu servant de clôture au bord de la route ; de là, il glisse dans toutes les directions, ensuite regagne son poste d’observation qu’il garde durant de longues heures, au soir et au matin. […] Le reste des esclaves fut vendu, chacun en raison de sa propre valeur.
alors ce fut tout autre chose ; il sentit un bonheur, un charme indicible ; rien ne l’arrêtait dans ces poésies de la vie, où une riche individualité venait se peindre sous mille formes sensibles ; il en comprenait tout ; là, rien de savant, pas d’allusions à des faits lointains et oubliés, pas de noms de divinités et de contrées que l’on ne connaît plus : il y retrouvait le cœur humain et le sien propre, avec ses désirs, ses joies, ses chagrins ; il y voyait une nature allemande claire comme le jour, la réalité pure, en pleine lumière et doucement idéalisée. […] « Un grand écrivain, observe à ce propos Eckermann, peut nous servir de deux manières : en nous révélant les mystères de nos propres âmes, ou en nous rendant sensibles les merveilles du monde extérieur. […] Goethe, à ses débuts, est un homme du dix-huitième siècle ; il a vu jouer dans son enfance le Père de famille de Diderot et les Philosophes de Palissot ; il a lu nos auteurs, il les goûte, et lorsqu’il a opéré son œuvre essentielle, qui était d’arracher l’Allemagne à une imitation stérile et de lui apprendre à se bâtir une maison à elle, une maison du Nord, sur ses propres fondements, il aime à revenir de temps en temps à cette littérature d’un siècle qui, après tout, est le sien. […] Les temps sont dans un progrès éternel ; les choses humaines changent d’aspect tous les cinquante ans, et une disposition qui en 1800 sera parfaite est déjà peut-être vicieuse en 1850. — Mais il n’y a de bon pour chaque peuple que ce qui est produit par sa propre essence, que ce qui répond à ses propres besoins, sans singerie des autres nations. […] On se rattache alors à la seconde génération, avec laquelle on vit assez longtemps et avec laquelle on lie des rapports intimes : mais elle part aussi, et nous laisse solitaire avec une troisième génération qui arrive presque au moment de notre propre départ et avec laquelle nous n’avons rien du tout de commun.
Larmor fut détrôné et mis en prison par Uthal, son propre fils. […] Sans doute, il vient à Balclutha, à la tête de son armée, puisque Clessamor est si hardi. » « Apprends, lui dis-je, que mon âme brûle de son propre feu ; que je reste intrépide entouré de milliers d’ennemis, quoique les braves soient absents. […] Quant à leur beauté propre, on n’a qu’à se rappeler leurs splendides passages devenus classiques en naissant. […] XIX Et ce goût passionné pour les poésies d’Ossian ne fut pas seulement un goût littéraire, une fantaisie d’imagination propre à la jeunesse et passager comme elle. […] C’est le propre des hommes à imagination disproportionnée.
Mais, dira-t-on, s’aimer n’est pas propre au seul utopiste. […] Indépendant, pouvant se marier, être père lui-même et exercer sur ses propres enfants le génie qu’il a pour la pédagogie, il se dévoue par amitié à l’éducation de l’enfant d’un autre. […] Cette éloquence même, la grande qualité de Rousseau, se sent, aux meilleurs endroits de ses livres, du mélange, propre à l’utopiste, de l’élévation d’esprit et de la médiocrité de cœur. […] Il s’est fait assez de mal de ses propres mains : ne nous mettons pas avec lui contre lui-même. […] L’orgueil propre à notre siècle, l’esprit d’utopie que les révolutions y ont déchaîné, font encore des croyants au Contrat social, même parmi les gens qui ne le lisent pas.
Il n’y avait pas d’histoire pour cet être sans génialité propre, qui voyait tout en Dieu, comme les anges. […] Soit mauvaise humeur, soit reste de superstition, la critique scientifique et littéraire a quelque peine à envisager comme ses objets propres les œuvres qui ont ainsi été séquestrées du profane et du naturel, c’est-à-dire de ce qui est ; et pourtant est-ce la faute de ces œuvres ? […] Les œuvres scientifiques ne peuvent donc en aucune façon donner une idée de l’originalité de la nature humaine ni de son caractère propre, tandis qu’une œuvre où la fantaisie et la sensibilité ont une large part est bien plus humaine, et par conséquent plus adaptée à l’étude expérimentale des instincts de la nature psychologique. […] Les faits qui suivirent l’établissement de l’islamisme, et qui sont si propres à montrer comment les religions se consolident, sont tous aussi du domaine de l’histoire. […] Que serait-ce si je montrais que la critique littéraire, qui est notre domaine propre, et dont nous sommes à bon droit si fiers ne peut être sérieuse et profonde que par l’érudition ?
La première de ces conceptions, c’est que notre corps est en réalité une société de cellules qui ont chacune leur activité propre et luttent entre elles pour la vie. Chez les animaux inférieurs, chaque partie de l’organisme semble encore jouir ou souffrir pour son propre compte, comme dans le ver coupé en deux ; chez les animaux supérieurs, il se produit une sélection et une fusion finale des impressions élémentaires qui aboutissent au cerveau. […] En un mot, le plaisir et la douleur n’expriment pas des relations objectives entre les causes extérieures qui leur correspondent, mais ils expriment un certain rapport entre les objets et ce qu’il y a en nous de plus central : ils sont notre propre manière de réagir en face des objets extérieurs. […] Au contraire, l’état passif de la sensibilité interne la rend plus propre à la douleur qu’au plaisir. […] Nous citerons le plaisir de l’imprévu, qui d’ailleurs n’est pas propre à la seule intelligence.
Cette langue russe, combinée d’énergie tartare, de mélodie grecque, de mollesse slave, de rêverie allemande, de clarté française, instrument à mille voix, comme l’orgue des basiliques, est éminemment propre au lyrisme, au gémissement de la mélancolie du Nord, comme à l’enthousiasme religieux du Midi. […] Dans notre droit alors, et dans l’intérêt légitime de la sécurité de nos propres frontières au midi et à l’est, notre armée devait descendre des Alpes en Piémont, couvrir ce royaume, rallier les débris de la valeureuse armée piémontaise, faire face à l’armée autrichienne, et combattre, s’il était nécessaire de combattre, pour l’évacuation et pour l’indépendance de la Péninsule tout entière. […] Sans doute il y eût eu des oscillations, des tâtonnements, des anomalies, des inexpériences, des froissements, des rivalités, des excès d’impulsion, des excès de résistance ; mais la médiation présente et armée de la France aurait été une dictature de salut commun, acceptée par la nécessité jusqu’à l’heure où cet amphictyonage des alliés aurait fait place à l’amphictyonage des Italiens constitués et armés dans leurs propres villes. […] N’avais-je pas respiré par tous les pores ce génie italien, avant même d’avoir respiré celui de ma propre patrie ? […] XXVII Quoi qu’il en soit, je restai plusieurs heures assis au pied du monument d’Alfieri, méditant en moi-même sur la majesté de cette tombe, et concevant l’émulation vague de consacrer ma propre vie à me construire à moi-même une illustre tombe.
Mais la France rachète toutes ces infériorités relatives avec ces peuples par des qualités d’esprit, de caractère, et surtout de cœur, qui lui sont propres, et qui la placent, sinon au-dessus, du moins au niveau et souvent en avant de ces grandes individualités humaines. […] Boileau n’était certes pas un homme de génie ; il n’avait aucune de ces qualités qui composent la nature des grands poètes, ces foyers d’enthousiasme brûlés les premiers par leur propre feu. […] Vis là, amant de la bêche fourchue et possesseur d’un jardin cultivé de tes propres mains, dont les légumes puissent suffire au repas frugal de cent disciples de Pythagore ! […] XXIV À l’exception de quelques épigrammes plus correctes qu’élégantes, et de deux ou trois malheureuses tentatives pour voler de ses propres ailes jusqu’à l’ode héroïque, voilà toute l’œuvre littéraire de cette longue vie. […] Ce n’est que juste un siècle après sa mort que la France conçut de l’esprit nouveau de nouveaux germes poétiques, et qu’elle redevint capable d’enfanter ce que nos neveux verront naître et grandir, une poésie à grand foyer dans l’âme, à grand souffle et à grandes ailes, pour emporter aux siècles le nom propre et non le nom latin de notre patrie.
Robert Flint, quelques vues générales propres à éclairer l’histoire et la théorie scientifique du progrès. […] Le cœur sera rempli de cet amour parfait qui exclut l’égoïsme et la crainte ; la volonté, affranchie du péché, n’aura plus besoin d’une loi qui la gouverne, mais sera à elle-même sa propre loi. […] Mais, sans tomber dans ces excès de l’analogie, il est bien difficile de renoncer à la vieille comparaison entre les quatre âges de la vie individuelle et les diverses périodes de la vie de l’humanité, — comparaison toujours trompeuse et toujours reproduite, tant est naturelle et puissante chez l’homme cette tendance à chercher partout les conditions de sa propre existence, à se faire, comme disait le sophiste Protagoras, la mesure de toutes choses. […] Bacon a cru pouvoir formuler cette loi : « dans la jeunesse d’un état, c’est le métier des armes qui fleurit ; dans l’âge mûr, c’est encore pendant quelque temps le goût de la guerre, et aussi la science, qui devient peu à peu prépondérante ; au déclin, ce sont les arts mécaniques et le commerce. » Un penseur bavarois, Ernest de Lasaulx, a repris pour son compte cette vue du lord chancelier ; il en trouve la confirmation dans l’histoire de la Grèce et de Rome, et craint de la vérifier pour son propre pays. […] Le beau et le divin sont toujours, par leur nature propre, causes du mieux dans les choses qui ne sont simplement que possibles.
Chacune d’elles lui apparaîtrait avec sa nuance, avec sa qualité propre. On comprendra la possibilité d’une perception de ce genre, si l’on songe que nous distinguons nous-mêmes notre droite de notre gauche par un sentiment naturel, et que ces deux déterminations de notre propre étendue, nous présentent bien alors une différence de qualité ; c’est même pourquoi nous échouons à les définir. […] Or l’extériorité est le caractère propre des choses qui occupent de l’espace, tandis que les faits de conscience ne sont point essentiellement extérieurs, les uns aux autres, et ne le deviennent que par un déroulement dans le temps, considéré comme un milieu homogène. […] Si, rentrant en moi-même, je m’interroge alors soigneusement sur ce qui vient de se passer, je m’aperçois que les quatre premiers sons avaient frappé mon oreille et même ému ma conscience, mais que les sensations produites par chacun d’eux, au lieu de se juxtaposer, s’étaient fondues les unes dans les autres de manière à douer l’ensemble d’un aspect propre, de manière à en faire une espèce de phrase musicale. […] Pour lutter à armes égales, celles-ci devraient s’exprimer par des mots précis ; mais ces mots, à peine formés, se retourneraient contre la sensation qui leur donna naissance, et inventés pour témoigner que la sensation est instable, ils lui imposeraient leur propre stabilité.
Voyons-le donc un peu chez lui, avec ses qualités propres et dans son courant de récit ; prenons-le à sa vraie date comme un contemporain de Corneille, et comme étant avec Rotrou l’un des derniers Gaulois. […] Elle a eu tant de princes, tant de grands seigneurs et tant de démêlés, soit avec les autres nations de la terre, soit avec ses propres sujets, à raison d’un nombre infini de petites seigneuries qui l’ont divisée cinq cents ans durant, qu’il est impossible à un esprit seul de les pouvoir toutes débrouiller. […] Parlant de je ne sais quelles superstitions publiques et à grand fracas, venues d’Italie ou d’Avignon, il dira tout courant : « Ces spectacles inconnus aux âmes françaises… » Parlant des amours de la dame de Sauve, un des premiers aides de camp du brillant escadron de Catherine de Médicis, il la montrera « n’employant pas moins ses attraits pour les intentions de la reine que pour sa propre satisfaction ; se jouant de tous ses mourants avec un empire si absolu qu’elle n’en perdait pas un, quoiqu’elle en acquît toujours de nouveaux ».
C’est, en effet, ce qu’il semble avoir surtout fait sans trop de peine ; il a versé tout d’abord sur ce canevas un peu sec son mouvement de narration, son abondance aisée et naturelle, et il est à croire que, pour les dernières parties où la comparaison manque, par exemple pour le célèbre siège de Calais, il avait entièrement recouvert et renouvelé par sa propre richesse le texte primitif sur lequel il ne s’appuyait plus que de loin et par le fond. Pour les années qui suivirent la prise de Calais, Froissart, qui avait vingt ans en 1353, et qui s’était senti au sortir de l’école la vocation de chroniqueur, recueillit ses informations par lui-même, composa de son cru et vola de ses propres ailes. […] C’est un curieux, et d’une curiosité qui lui est propre.
Déjà vieux et hors de la carrière (et il ne mourut qu’à près de quatre-vingt-six ans), il disait avec un soupir, en rejetant ses regards sur le passé : Je m’en irai sans avoir déballé ma marchandise ; et comme on ne m’a jamais mis en œuvre, on ne saura point si j’étais propre à quelque chose ; je ne le saurai pas moi-même : je m’en doute pourtant, et, croyant me sentir des talents, il y a eu des temps dans ma vie où je me suis trouvé affligé en songeant qu’ils étaient perdus, et en les comparant avec ceux des personnes à qui je voyais occuper les premières places. […] Il juge en curieux et parle à ravir des autres parties de la villa, de la forme et de l’intérieur de l’appartement ; il conseille à la princesse romaine, maîtresse de ce beau lieu, et qu’il ne nomme pas, d’y faire des changements qui soient propres à l’embellir encore. […] Puis, après ces devis d’embellissements et profitant du cadre trouvé, il en revenait au roman : « Vivre en paix dans un beau séjour avec une personne qui ne vit que pour vous, y avoir une compagnie de gens qui vous conviennent, est une vie qui n’est propre qu’à un fainéant comme moi. » Ce dernier mot était un trait indirect à l’adresse de M. de Torcy, en qui il entrevoyait pour le moment un rival, mais trop occupé, selon lui, et trop destiné à la politique pour être longtemps et parfaitement amoureux.
Daru n’avait qu’à se reporter à ses propres souvenirs, lorsqu’il disait : Sage dans l’exercice du pouvoir, M. de Préameneu l’avait quitté sans regret…, et il n’avait vu que l’avantage de recouvrer un utile loisir dans ce retour à la vie privée, que les esprits moins calmes appellent trop souvent une disgrâce. […] Il n’y a trace nulle part de déclamation, qui était la chose la plus antipathique à sa nature ; on n’y trouve aucune de ces concessions marquées faites à l’esprit du jour ; toutes ses remarques sont telles qu’elles lui viennent de son propre fonds. […] Dans les questions de presse, qui étaient une des grandes préoccupations d’alors, il avait repris en la bonne direction de l’esprit public livré à ses propres lumières cette confiance qu’il n’avait sans doute pas eue toujours, que ceux qui ont vécu dix et vingt ans de plus n’ont pas conservée, tant il est difficile aux plus judicieux de s’isoler des circonstances générales et des courants d’opinion à travers lesquels on juge.
Il y a un point qu’il n’a pas assez vu, parce que ses passions le lui cachaient : c’est combien vite les guerres civiles corrompent et dénaturent les caractères ; il n’a voulu voir, sur son propre exemple, que le côté par où elles les trempent. […] Le roi de Navarre convoqua tous les chefs de son propre parti à Guîtres près Coutras. […] Le roi de Navarre parla d’abord et posa cette première question : si, dans les circonstances présentes et nouvelles, les huguenots devaient avoir les mains croisées durant le débat des ennemis, envoyer tous leurs gens de guerre dans les armées du roi sans en faire montre (ce qui était l’opinion de plusieurs), ou s’ils devaient prendre séparément les armes pour secourir le roi en leur propre nom, et profiter de toutes occasions pour s’affermir ?
À la différence de tant d’hommes distingués et d’écrivains de renom qui, ayant eu une partie de leur fortune viagère, en ont une autre partie durable et immortelle, Voiture a tout mis en viager : il n’a été qu’un charme et une merveillle de société ; il a voulu plaire et il y a réussi, mais il s’y est consumé tout entier ; et aujourd’hui, lorsqu’on veut ressaisir en lui l’écrivain ou le poète, on a besoin d’un effort pour être juste, pour ne pas lui appliquer notre propre goût, nos propres idées d’agrément, et pour remettre en jeu et dans leur à-propos ces choses légères. […] Très libertin, très joueur, un peu duelliste même, il avait ses propres penchants, auxquels il avait joint par vanité quelques-uns des défauts à la mode.
Je sais que, parlant ailleurs de Racine dans une épigramme ou épitaphe, Sénecé l’appelle le grand Racine ; mais ce qui lui est propre et ce qui est unique, c’est une certaine pièce nommée Athalie ; voilà le mot décisif qui juge à jamais le goût de Sénecé et qui le classe, lui l’agréable auteur, à côté de Mme Des Houlières, de Fontenelle et autres qui ont traversé le grand siècle par la lisière, en ayant assurément beaucoup d’esprit, mais pas le meilleur en tout ce qui touche au grand goût ou au goût solide. […] Il correspondait volontiers avec le Mercure galant : « Un peu de critique, disait-il, exerce l’esprit et raffine le goût, et j’en use ainsi pour ma propre instruction dans toutes les nouveautés qui me tombent entre les mains. » Il avait gardé des relations avec l’évêque de Fréjus, le cardinal de Fleury ; il l’appelait son patron et son protecteur, et lui adressait de temps en temps des vers. […] En reconnaissant dans ses œuvres de l’esprit, de la facilité, de l’élégance et quelque agrément, mais en ne trouvant pas dans ses vers, pour le critiquer avec ses propres paroles, Certain je ne sais quoi qui manque à leur beauté, on se fait toutefois une question, on se demande à quoi tient la vie dans les productions de l’esprit et de l’imaginalion, d’où vient ce don et ce souffle qui fait les beaux vers sans vieillesse.
Ce qu’on appelle discours politiques de M. de Rohan est un recueil soit de vrais discours tenus dans les assemblées des protestants, soit de mémoires à consulter et d’avis donnés confidemment dans telle ou telle conjoncture, soit d’apologies de sa propre conduite (et il en eut souvent besoin en un temps de partis), soit même de considérations pour lui seul ; car c’était le tour de son esprit d’aimer à raisonner sur les faits et à se rendre compte à lui-même. […] Il y a un endroit du récit où le connétable de Luynes, qui était son allié (ayant épousé sa cousine), lui fait demander une conférence à une lieue de Montauban ; M. de Rohan se fie à lui et nous raconte les détails de l’entrevue ; il nous donne leurs deux discours, celui de Luynes et sa propre réponse. […] Bref, après la mort de Luynes, après bien des pourparlers semblables entremêlés aux coups de main, M. de Rohan, qui voit tout le peuple las de la guerre, à qui il ne reste pas de fourrage pour nourrir huit jours sa cavalerie très diminuée, et qui n’a plus aucun espoir de secours de la part des coreligionnaires étrangers, s’abouche avec le connétable de Lesdiguières pour rédiger un traité (octobre 1622) qui sauve et maintient les points principaux nécessaires au parti, et où ses propres intérêts aussi ne sont pas tout à fait oubliés : après quoi il n’est pas seulement pardonné par le roi, il a un éclair de faveur en Cour.
Saint-Évremont, en regrettant que M. de Rohan n’ait pas pénétré plus avant dans les desseins de César, et mieux expliqué les ressorts de sa conduite, avoue pourtant « qu’il a égalé la pénétration de Machiavel dans les remarques qu’il a faites sur la clémence de César, aux guerres civiles. « On voit, dit-il, que sa propre expérience en ces sortes de guerres lui a fourni beaucoup de lumières pour ces judicieuses observations. » Rohan, dans ce travail sur les guerres des Gaules et sur l’ancienne milice, paraît un homme fort instruit ; il n’y a plus trace de ces premières inadvertances qu’on a tant relevées dans son premier voyage de 1600, lorsqu’il y faisait Cicéron auteur des Pandectes, comme il aurait dit des Tusculanes. […] Ici une nouvelle carrière commence pour Rohan : le roi, sur le conseil du cardinal de Richelieu, le croit très propre à ses affaires en ces contrées, à cause des qualités mixtes et variées qu’il possède, négociateur, capitaine, très en renom à l’étranger, pouvant agir comme de lui-même et n’être avoué que lorsqu’il en serait temps. […] Il s’agissait de trouver un personnage qui les poussât et les guidât, « adroit à manier les peuples, agréable aux Grisons (la plupart protestants) », propre « à remettre ces gens-là peu à peu et à regraver dans leurs esprits la dévotion qu’ils commençaient à perdre pour les Français, et qui fût de tel poids, qu’il pût être en ce pays comme garant et caution de son maître », sans que le nom de ce maître fût mis d’abord trop en montre.
» Il n’est point propre d’ailleurs à être lu de suite, étant trop plein et trop dense de matière, c’est-à-dire d’esprit, pour cela ; mais, à quelque page qu’on l’ouvre, on est sûr d’y trouver le fond et la forme, la réflexion et l’agrément, quelque remarque juste relevée d’imprévu, de ce que Bussy-Rabutin appelait le tour et que nous appelons l’art. […] Est-ce qu’on irait glisser (si l’on en faisait) de ses propres fables à la fin d’une édition de La Fontaine ? […] Il n’en est pas de plus propre à faire respecter l’esprit français à l’étranger (ce qui n’est pas également vrai de tous nos chefs-d’œuvre domestiques), et en même temps il y a profit pour chacun de l’avoir, soir et matin, sur sa table de nuit.
Jamais rien n’a été si heureux. » Mais elle oublie, dans son propre système, qu’un pape n’est pas Priam, qu’il est au moins à la fois Priam et Calchas, et qu’il y a des supplications auxquelles le vicaire de Dieu ne descend pas. […] Elle s’attache à définir la résignation chrétienne dans les caractères qui lui sont propres, à la distinguer du fatalisme des Musulmans, du quiétisme des Hindous, à la suivre dans ses applications diverses et les plus délicates. […] En général les fautes d’impression abondent dans ces volumes ; les noms propres y sont particulièrement maltraités : pour Baader, le philosophe mystique ; le docteur Butigny pour Butini, de Genève ; M.
Le candidat se déclare quand il lui plaît : l’Académie ne discute préalablement sur les mérites d’aucun ; aucune comparaison ne s’établit par voie d’examen et moyennant un débat contradictoire ; et chaque académicien, le jour venu, vote arbitrairement, comme dirait La Bruyère, suivant sa propre et unique information. […] Mazères semble avoir pour lui l’ancienneté des titres, leur parfaite convenance dans la circonstance présente, une collaboration heureuse avec des maîtres illustres de la scène, et, en son propre et seul nom, des pièces agréables, dont une, faite de verve, le Jeune Mari, est restée au répertoire ; ce qui était fort compté en d’autres temps. […] Qu’y a-t-il ajouté pour son propre compte ?
À toutes ces invraisemblances de détail qu’on fait valoir, j’opposerai un petit signe qui fait plus, à mon sens, que les compenser, et qui est bien propre à Mme de Staël ; je crois qu’aucun de ceux qui ont vu beaucoup de ses lettres ne me démentira ; ce sont ces quelques mots anglais, my dear sir, jetés dans une lettre écrite en français : Mme de Staël, avec les gens avec qui elle n’était pas entièrement familière, aimait à faire cela, et à mettre sur le compte d’une autre langue cette sorte d’anticipation de tendresse. […] De ce qu’il a jeté comme un rayon d’espérance et de consolation à travers une époque morne et sombre, ce n’est pas une raison pour faire de lui un esprit entraîné et dupe de ses propres illusions, comme le voudraient bien d’autres historiens de rencontre, qui, pareils à l’orateur Drancès dans Virgile, se plaisent à exagérer les torts de Turnus et à retourner le fer dans les blessures de la patrie. […] Mme d’Albany : « Je souffre au dedans de moi de la seule pensée que les Français n’auront leurs propres lois, une liberté, un gouvernement à eux, que sous le bon plaisir des étrangers ; ou que leur défaite est un anéantissement total, qui les laisse à la merci de leurs ennemis, quelque généreux qu’ils soient.
De loin ils n’ont pas d’existence propre. […] Le bon sujet Racine, poète de la Grâce et non des Grâces, reçu à l’Académie des Inscriptions dès 1719, était l’hôte de Frênes, d’où on lui écrivait, après son départ, qu’il avait fait les délices de tous par sa présence ; mais il ne faudrait pas prendre ce compliment pour autre chose qu’une pure politesse, et une lettre du Chancelier à M. de Valincour montre que le jeune Racine, dans son séjour à Frênes, s’était montré doux, facile d’humeur, mais peu inventif, rétif à la réplique, nullement propre aux jeux de société, donnant peu l’idée que de beaux vers pussent sortir de cette tête-là ; et de fait, il était de sa personne sans aucun agrément. […] Aussi ne marche-t-on qu’avec eux, en s’appuyant sur eux, sur ce qu’ils ont dit ; on a dans la mémoire toutes sortes de belles ou jolies sentences, recueillies à loisir et qu’on tient à placer ; on dirige tout son discours, on incline tout son raisonnement pour amener une phrase de Quintilien, pour insinuer une pensée de Cicéron, et l’on est tout content d’avoir échappé ainsi à penser par soi-même et en son propre nom.
… Lorsque Dieu forma le cœur et les entrailles de l’homme, il y mit premièrement la bonté comme le propre caractère de la nature divine… La bonté devait donc faire comme le fond de notre cœur… La grandeur qui vient par-dessus, loin d’affaiblir la bonté, n’est faite que pour l’aider, etc. » Mais c’est méconnaître outrageusement l’expérience que de déclarer ainsi que la bonté fait le fond de l’homme : l’homme n’est précisément ni bon ni méchant ; les uns ont reçu en naissant la bonté peut-être, mais les autres ont certainement autre chose au fond du cœur, et le grand Condé plus qu’un autre homme était une preuve de cette disposition primitive et nullement débonnaire. […] Dès le milieu du règne de Louis XIV, tout était tourné à la règle étroite, à la dévotion, et le profit moral, la dose de connaissance morale dont on parle, et qui d’ailleurs n’était propre qu’à un petit nombre d’individus d’élite dans une génération à peu près parue, étaient dès longtemps épuisés ; la révocation de l’Édit de Nantes, et l’approbation presque entière qu’elle reçut dans les régions élevées et de la part de quelques-uns de ceux même qui auraient dû être des juges, l’inintelligence profonde où l’on fut à la Cour de la révolution anglaise de 1688 et de l’avènement de Guillaume, montrent assez que les lumières étaient loin et que les plus gens d’esprit en manquaient. […] Mais j’ai tort de me borner aux seuls noms éminents : le propre de ce qu’on appelle lumières est d’être répandu et de circuler.
Avant d’en venir à Gœthe jugeant la France et les Français, donnons-nous le plaisir de le considérer encore par quelques aspects qui lui sont propres. […] « J’ai connu dans ma province, disait-il, des savants qui ne pouvaient lire que dans leur propre bréviaire. » — « Il en est de messieurs les savants, disait-il encore, comme de nos relieurs de Weimar : le chef-d’œuvre qu’on demande au nouveau venu, pour être reçu dans la corporation, n’est pas du tout une jolie reliure dans le goût le plus moderne. […] Gœthe, à ses débuts, est un homme du xviiie siècle ; il a vu jouer dans son enfance le Père de Famille de Diderot et les Philosophes de Palissot ; il a lu nos auteurs, il les goûte, et lorsqu’il a opéré son œuvre essentielle qui était d’arracher l’Allemagne à une imitation stérile et de lui apprendre à se bâtir une maison à elle, une maison du Nord, sur ses propres fondements, il aime à revenir de temps en temps à cette littérature d’un siècle qui, après tout, est le sien.
Voulez-vous savoir ce que c’est au juste qu’une algarade, non pas dans le sens général figuré et comme celle qu’on vient de voir de prélat à magistrat, mais dans le sens propre et primitif ? […] Ces ménagements lui réussirent au point que les villes, les bourgs et les cantons se convertissaient en corps et demandaient à démolir de leurs propres mains des temples que leurs pères avaient bâtis. […] « Ce pauvre prince, nous dit Foucault parlant du roi Jacques et ne revenant pas de ses airs riants, croit que ses sujets l’aiment encore. » Illusion et forme de consolation propre à ces vieux souverains déchus !
Amis de l’ancien régime et partisans du droit divin, qui en étiez venus, en désespoir de cause, à préconiser le suffrage universel ; à qui (j’aime à le croire) la conviction était née à la longue, à force de vous répéter, et qui vous montrez encore tout prêts, dites-vous, mais moyennant, j’imagine, certaine condition secrète, à embrasser presque toutes les modernes libertés ; — partisans fermes et convaincus de la démocratie et des principes républicains, polémistes serrés et ardents, logiciens retors et inflexibles, qui, à l’extrémité de votre aile droite, trouvez moyen cependant de donner la main parfois à quelques-uns des champions les plus aigris de la légitimité ; — amis du régime parlementaire pur, et qui le tenez fort sincèrement, nonobstant tous encombres, pour l’instrument le plus sûr, le plus propre à garantir la stabilité et à procurer l’avancement graduel de la société ; — partisans de la liberté franche et entière, qui ne vous dissimulez aucun des périls, aucune des chances auxquelles elle peut conduire, mais qui virilement préférez l’orage même à la stagnation, la lutte à la possession, et qui, en vertu d’une philosophie méditée de longue main dans sa hardiesse, croyez en tout au triomphe du mieux dans l’humanité ; — amis ordinaires et moins élevés du bon sens et des opinions régnantes dans les classes laborieuses et industrielles du jour, et qui continuez avec vivacité, clarté, souvent avec esprit, les traditions d’un libéralisme, « nullement méprisable, quoique en apparence un peu vulgaire ; — beaux messieurs, écrivains de tour élégant, de parole harmonieuse et un peu vague, dont la prétention est d’embrasser de haut et d’unir dans un souple nœud bien des choses qui, pour être saisies, demanderaient pourtant à être serrées d’un peu plus près ; qui représentez bien plus un ton et une couleur de société, des influences et des opinions comme il faut, qu’un principe ; — vous tous, et j’en omets encore, et nous-mêmes, défenseurs dévoués d’un gouvernement que nous aimons et qui, déjà bon en soi et assez glorieux dans ses résultats, nous paraît compatible avec les perfectionnements désirables ; — nous tous donc, tous tant que nous sommes, il y a, nous pouvons le reconnaître, une place qui resterait encore vide entre nous et qui appellerait, un occupant, si M. […] Israël et le Magnificat ; que tout ce qu’il y a de poésie dans le culte chrétien, l’encens, les chasubles brodées d’or, les longues processions avec des fleurs, léchant, le chant surtout aux fêtes solennelles, grave ou lugubre, tendre ou triomphant, l’a vivement exalté ; qu’il a respiré cet air, vécu de cette vie, et que, par conséquent, il a dû pénétrer plus avant dans le sens et l’intelligence de la musique chrétienne que beaucoup de jeunes gens qui, nourris des traditions de collège et ne voyant dans la messe qu’une corvée hebdomadaire, ne se seraient jamais avisés d’aller chercher de l’art et de la poésie dans les cris inhumains d’un chantre à la bouche de travers. » Et plus loin, insistant, sur le caractère propre, à ces chants grandioses ou tendres, et qu’il importe de leur conserver sans les travestir par trop de mondanité ou d’élégance, devançant ce que MM. d’Ortigue et Félix Clément ont depuis plaidé et victorieusement démontré, il dira (qu’on me pardonne la longueur de la citation, mais, lorsque je parle d’un écrivain, j’aime toujours à le montrer à son heure de talent la plus éclairée, la plus favorable, et, s’il se peut, sous le rayon) : « J’ai dit tout à l’heure, en parlant du Dies iræ, que je ne connaissais rien de plus beau ; j’ai besoin d’y revenir et de m’expliquer. […] le préjugé, ce monstre aux mille formes, et dont le propre est de ne pas se voir lui-même, est-il aussi loin de nous que nous nous en flattons ?
. — L’homme de talent est propre, bien rasé, charmant, accessible à tous ; il prend chaque jour la mesure du public et lui fait des habits à sa taille, tandis que le poète forge de gigantesques armures que les Titans seuls peuvent revêtir. — Sous Delacroix, vous avez Delaroche ; sous Rossini, Donizetti ; sous Victor Hugo, M. […] Le propre de l’homme de lettres, il n’y a pas longtemps encore, était d’être empêché dès qu’on le tirait de ses livres, et de ne pas savoir comment se nomment les choses. […] C’est alors, dans une de ces heures de satisfaction et de naturel orgueil, qu’il put écrire ces vers qu’il a intitulés spirituellement Fatuité (le propre du poète est d’exprimer au vif chaque sentiment qui le traverse et qui fut vrai, ne fut-ce qu’un moment) : Je suis jeune, la pourpre en mes veines abonde ; Mes cheveux sont de jais et mes regards de feu, Et, sans gravier ni toux, ma poitrine profonde Aspire à pleins poumons l’air du ciel, l’air de Dieu.
J’aimerais à pouvoir lui appliquer sa propre méthode à lui-même, pour le présenter et l’expliquer de mon mieux à nos lecteurs. […] Il en est ainsi d’un bout à l’autre de l’histoire ; chaque siècle, avec des circonstances qui lui sont propres, produit des sentiments et des beautés qui lui sont propres ; et à mesure que la race humaine avance, elle laisse derrière elle des formes de société et des sortes de perfection qu’elle ne rencontre plus.
La position de l’Italie, au centre du bassin de la Méditerranée, sur les bords de laquelle se groupe toute la civilisation antique, lui assure aussi dans les temps anciens une plus haute fortune. » Il y a beau jour que ces fonctions propres et spéciales aux divers pays dans leur originalité première sont épuisées. […] Il avait eu affaire aux barbares ; il connaissait à fond l’état de Rome et sa corruption ; il prévoyait le moment où cet orgueilleux colosse romain ne pourrait plus suffire à sa propre défense, et il voulait y pourvoir en déblayant, pour ainsi dire, toute la banlieue de l’Empire, en l’environnant de l’effroi de ses armes et de la terreur du nom romain, en y plaçant sans doute des colonies militaires, comme des sentinelles avancées. […] Il ne suffit pas d’élever des autels à la Bonté, et de les élever même dans son propre cœur : il faut des images plus parlantes aux foules.
Le vague des idées sans bornes est singulièrement propre à l’exaltation. […] L’on poursuit dans les autres l’incertitude dont on a soi-même la première idée ; et la faculté de croire, bizarre dans sa véhémence, s’irrite de ses propres doutes, au lieu de s’en servir pour examiner de plus près la vérité. […] Toutes les idées qui embrassent le sort de plusieurs hommes à la fois, se fondent sur leur intérêt bien entendu ; mais lorsqu’on veut donner à chaque homme, pour guide de sa propre conduite, son intérêt personnel, quand même ce guide ne l’égarerait pas, il en résulterait toujours que l’effet d’une telle opinion serait de tarir dans son âme la source des belles actions.
Ce n’est pas non plus une méthode, car le propre d’une méthode est de réunir en un corps toutes les vérités du même ordre, et d’en faire une science : et qui pourrait dire que cette propriété appartienne à la scolastique ? […] Ainsi quand saint Bernard dit, Non est talis tristitia hypocritarum non incorde, sect in fade est ; la langue française traduit « Telle ne n’est mies li tristèce des ypocrites ; car elle ne n’est mies el cuer, mais en la fazon. » Et plus loin, où le latin dit, Hypocrila ungit potius semetipsurn ut propriæ fragrantiarn opinionis respergat ; le français, à l’orthographe près qui changera, ne reste guère au-dessous de cette vérité rendue si vive par l’image « Li ypocrite oynt ainzois ley-inesmes, por espardre l’odor de sa propre noméie. » La langue est déjà constituée puisque voilà le tour qui marque le mouvement de la pensée, et le terme propre qui en est le signe définitif.
Ce n’est pas par son propre choix, c’est par la fatalité de sa nature que l’homme quitte ainsi les délices du jardin primitif, si riant, si poétique, pour s’enfoncer dans les broussailles de la critique et de la science. […] Pour s’absorber ainsi dans un grand corps, par lequel on vit, dont on fait sienne la gloire ou la prospérité, il faut avoir peu d’individualité, peu de vues propres, seulement un grand fond d’énergie non réfléchie prête à se mettre au service d’une grande idée commune. […] Il a servi à ce que tout ait vécu de sa vie propre, il a servi à introduire l’analyse dans l’unité.
Cette édition, publiée sous les auspices de la Société de l’histoire de France, n’est pas seulement meilleure que celle qu’on possédait jusqu’ici, elle est la seule tout à fait bonne, digne d’être réputée classique et pour le texte que l’éditeur a restitué d’après une comparaison attentive des manuscrits, et pour les noms propres dont un grand nombre avaient été défigurés et qu’il a fallu rétablir, et pour les notes exactes et sobres qui éclaircissent les endroits essentiels, enfin pour la biographie de Commynes lui-même, laquelle se trouve pour la première fois complétée et éclaircie dans ses points les plus importants. […] Commynes pense qu’il serait bon de tenir des États réguliers ; que ceux qui s’y opposent en élevant ces grands mots de majesté et d’autorité royale, ne le font que par des motifs personnels, parce que, n’étant que gens frivoles et propres à conter fleurette dans l’oreille, ils n’auraient pas de quoi figurer dans une grande assemblée où il faudrait discuter avec sérieux, et qu’aussi ils ont peur que leurs œuvres ne soient connues et blâmées. […] Dans un temps où tout le monde se croit propre à la politique, il ne serait pas mal d’aller regarder en lui quelles sont les qualités requises chez ceux que la nature a destinés à cette rare science.
Je ne parle pas ici de son courage, de sa fermeté, de cette hauteur de pensée capable d’embrasser tout ce qui est sous le ciel ; mais je parle d’une vigueur qui lui était propre, et d’une rapidité qui semblait de feu. […] Et sa fin ne fut-elle pas plus cruelle que le malheur de tous ceux qu’il proscrivit, lui dont la chair se rongeait elle-même et enfantait son propre supplice ? […] Il avait cette finesse de réflexion de laquelle dépend l’élégance et le goût, et il communique à ses lecteurs une certaine liberté d’esprit, une hardiesse de pensée qui est le germe de la philosophie… Le jugement de Buffon est extrêmement favorable à Pline ; il semble que le grand écrivain ait eu pour lui de la reconnaissance, qu’il ait deviné qu’on lui reprocherait un jour à lui-même quelques-uns des défauts qu’on peut imputer à l’auteur romain, et qu’il se soit plu d’avance à saluer en lui quelques-unes de ses propres qualités, quelques-uns des traits généraux de sa manière.
Ces impressions premières laissèrent de longues traces dans une imagination qui n’avait pas assez d’originalité et de vigueur propre pour les repousser et s’en guérir ; elles passèrent jusqu’à un certain point dans ses systèmes d’éducation, qui se présentèrent toujours le plus volontiers avec un mélange de travestissement et de théâtre. […] Elle veut être propre à tout et qu’on puisse dire d’elle comme de Gil Blas : « Vous avez l’outil universel. » Jamais on n’a eu à un moindre degré cette pudeur sur la science que Fénelon recommande aux femmes et qu’il leur voudrait vive et délicate, presque à l’égal des autres pudeurs. […] Il n’a pas assez de louanges pour célébrer les petites pièces du théâtre de société ou d’éducation que Mme de Genlis composait à cette époque et faisait jouer à ses propres filles : c’étaient de petites comédies morales où il n’entrait jamais ni rôle d’homme, ni intrigue d’amour.
Mallet du Pan en avertit les correspondants qui le consultent : Chaque séance est un mensonge de plusieurs heures, à l’aide duquel on déguise ses propres intentions. […] Son habileté et son bonheur seront au comble s’il parvient seulement à mettre en harmonie d’anciens préjugés avec les nouveaux, les intérêts qui précédèrent et ceux qui suivirent la Révolution : fragile mais désirable alliance de l’autorité monarchique et de la liberté, contre laquelle lutteront sans cesse les souvenirs, soit de la toute-puissance royale, soit de l’indépendance révolutionnaire… Il pressentait combien le génie français, toujours dans les extrêmes, et composé d’insouciance et d’impatience, était peu propre à cette lutte continuelle, à cet équilibre qui exige suite, vigilance, et modération jusque dans le conflit. […] Ceux qui liront ces Mémoires de Mallet du Pan y trouveront nombre de lettres intéressantes qui montrent dans l’intimité, et avec le ton qui est propre à chacun, l’abbé de Pradt, Montlosier, Mounier, Lally, Portalis.
Le propre du génie est de se posséder lui-même, et non d’être entraîné par une force aveugle et fatale, de gouverner ses idées, et non d’être subjugué par des images, d’avoir la conscience nette et distincte de ce qu’il veut et de ce qu’il voit, et non de se perdre dans une extase vide et absurde, semblable à celle des fakirs de l’Inde. […] Mais il resterait à savoir si les idées qui se produisent dans ces circonstances sont vraiment des idées originales et profondes ou si ce ne sont pas de simples lieux communs, des réminiscences qui se réveillent avec une certaine vivacité sous l’empire de la fièvre, et qui étonnent les assistants par leur contraste avec les accidents antérieurs beaucoup plus que par leur valeur propre. […] Moreau (de Tours) produit, comme un fait acquis à l’histoire, la singulière fantaisie qu’eut, dit-on, Charles-Quint d’assister à ses propres funérailles avant sa mort, cérémonie qui lui aurait fait une telle impression qu’il en mourut pour de bon.
Ainsi le principe de la liberté appartient en propre à Montesquieu, au moins dans notre pays. […] Je ne veux pas dire que Rousseau ait inventé l’amour de la nature, car on n’invente pas le cœur humain ; mais il a senti si vivement et peint si énergiquement cette grande passion, qu’elle lui appartient comme en propre, ainsi que l’héroïsme à Corneille. […] La largeur de l’esprit et du goût en littérature comme en toutes choses a sans doute ses inconvénients, car elle peut dégénérer souvent en un éclectisme banal qui admire tout, ou un scepticisme blasé qui n’admire rien : en outre, elle peut faire perdre à une nation le sentiment de ses qualités propres et l’entraîner à la poursuite de qualités qui ne sont pas les siennes.
L’esprit guerrier ne peut être chez nous cruel et oppresseur : aussi, dans ces temps d’opprobre où avait pu être porté cet exécrable décret de la guerre à mort, avons-nous vu nos armées reculer devant leurs propres triomphes, rester immobiles après des victoires achetées déjà par tant de sang, et refuser de ternir l’honneur de la patrie, dont elles seules alors étaient dépositaires. […] Une telle unanimité est assez étrange ; mais elle s’accorde avec notre propre assertion, que le principe intellectuel tend à prendre l’ascendant sur le principe moral, pour la direction de la société. […] La légitimité française vient de sauver l’Europe de l’anarchie dont elle était menacée ; sans cette légitimité, l’Europe aurait acheté de notre ruine et de sa propre ruine la chute de ce génie oppresseur qui pesait sur elle et sur nous.
Shakespeare, c’est le drame ; — et le drame est le caractère propre de la troisième époque de poésie, de la littérature actuelle. — Ainsi, pour résumer rapidement, la poésie a trois âges dont chacun correspond à une époque de la société : l’ode, l’épopée, le drame. […] Il y a tout dans tout ; seulement il existe dans chaque chose un élément générateur auquel se subordonnent tous les autres, et qui impose à l’ensemble son caractère propre. — Le drame est la poésie complète. […] En tout cas il y a entre elles des transitions innombrables, et, pour reprendre les mots de Victor Hugo, « il y a tout dans tout ; seulement il existe dans chaque chose un élément générateur auquel se subordonnent tous les autres, et qui impose à l’ensemble son caractère propre ».
Les motifs qui persuadaient les maîtres persuadaient les disciples ; le même besoin régnait dans la chaire et dans l’assemblée ; l’auditoire était converti d’avance ; on lui prouvait ce qu’il avait envie de croire ; dans les sentiments du professeur, il applaudissait ses propres sentiments. […] Son succès fut d’autant plus grand qu’à ses forces naturelles il ajouta des forces artificielles ; il profita des circonstances accidentelles comme des circonstances permanentes ; avec ses armes propres il eut des armes étrangères, et, en premier lieu, l’amour de la patrie et de la liberté. […] Personne ne voudrait la comparer, comme les anciennes, à un fleuve qui arrose et renverse ; point de bruit, point de mouvement, point d’effet ; c’est une baignoire bien propre, bien reposée et bien tiède, où les pères, par précaution de santé, mettent leurs enfants.
De temps en temps, il prend des notes sur un cahier relié fort propre, avec un porte-crayon d’argent, toujours rempli de mine de plomb choisie, d’une petite écriture régulière et nette, qu’un copiste admirerait. […] Ils sont obligés à chaque pas de modifier l’objet, ou de remplacer leurs propres sens ; ils modifient l’objet par des coupures, des macérations, des injections, des opérations chimiques ; ils remplacent leurs propres sens par le microscope, ou par les indications des réactifs.
Cela tiendrait-il, comme un critique moins indulgent l’a conjecturé, à ce que, ne s’assujettissant presque jamais, même dans sa prose, à un rigoureux enchaînement, Mme de Staël était peut-être, parmi les contemporains, la personne la moins propre à recevoir avec résignation et à porter avec grâce le joug de la rime ? […] « Mes opinions politiques sont des noms propres, » disait-elle. […] Jusque-là les orages même avaient laissé jour pour elle à des reflets gracieux, à des attraits momentanés, et, selon sa propre expression si charmante, à quelque air écossais dans sa vie. […] Rocca. ruiné de blessures, le culte de reconnaissance qu’elle lui voua, sa propre santé altérée, tout l’amena à de plus réguliers devoirs. […] Elle avait ajouté au bas, de sa propre main, d’une grosse écriture inégale et défaillante : Bien des compliments de ma part à René.
Une grave pensée gouvernait ce grand labeur. « Par l’intention de mes parents et de mes amis, j’avais été destiné dès l’enfance au service de l’Église, et mes propres résolutions y concouraient. […] On ne veut pas être dupe et se refuser les licences que les autres s’accordent ; on se relâche de sa sévérité juvénile ; même on en sourit, on l’attribue à la chaleur du sang ; on a percé ses propres motifs, on cesse de se trouver sublime. […] Même en des poëmes décoratifs qu’on n’employait que pour étaler des costumes et déployer des féeries, dans des Masques comme ceux de Ben Jonson, il imprimait son caractère propre. […] et quelle cruelle condition que de subir pendant toute l’éternité ses propres louanges522 ! […] — L’âme est à elle-même sa propre demeure, et peut faire en soi — du ciel un enfer et de l’enfer un ciel. — Qu’importe où je suis, si je suis toujours le même, — et ce que je dois être, tout, hors l’égal de celui — que le tonnerre a fait plus grand ?
Le rôle des énergies anagénétiques est d’élever les énergies inférieures à leur propre niveau par l’assimilation des substances inorganiques. […] Ils trouvent que cette cornue crée sa propre forme le long d’une série unique d’actes constituant une véritable histoire. […] Elle sera due à l’influence positive des conditions extérieures qui auront modelé l’organisme sur leur forme propre. […] C’est que la forme à laquelle la matière s’adapte était déjà la, toute faite, et qu’elle a imposé à la matière sa propre configuration. […] La première opération est propre à l’homme.
C’est en notant ses propres faiblesses qu’on arrive à plaindre ou à mépriser l’homme. […] Il serait châtié par eux, mais, s’étant mis de leur côté, il serait un peu l’auteur de sa propre condamnation ; et une partie de sa personne, la meilleure, échapperait ainsi à la peine. […] Mais cet élan propre à la vie est fini comme elle. […] Mais l’intelligence, se dilatant par son effort propre, a pris un développement inattendu. […] Sur chacun d’eux l’historien suffisamment renseigné mettrait un nom propre.
La Philosophie a bien pu garder le silence sur un courage si propre à honorer la Religion ; elle ne pourra jamais en donner des exemples.
Ce ne sont pas les louanges qui font vivre les Ecrits ; c’est aux Ecrits à vivre par leur propre mérite, & à justifier les louanges.
L’esprit de Mlle Scudéry, Ouvrage qui suppose le talent de l’analyse, eu égard à la diffusion qui regne d’un bout à l’autre dans les Productions de cette Demoiselle, le Dictionnaire des Cultes Religieux, celui des Batailles, le Dictionnaire d’Education, celui des Dits & Faits mémorables, lui méritent une place parmi ceux qui, sans rien tirer de leur propre fonds, ont voulu figurer parmi les Auteurs.
Ceux qui exigent l’impartialité dans les sentimens, la soumission à l’autorité, la modération dans la dispute, goûteront encore moins ses Ouvrages polémiques, où il est aisé d’appercevoir que les illusions du préjugé l’emportent sur sa raison, & peut-être sur ses propres sentimens.
C'est servir essentiellement les Lettres, que de contribuer à leur accroissement par les bonnes Productions étrangeres ; on n'est pas toujours aussi heureux, quand on n'y contribue que de son propre fond.
Wille a le burin net et d’une sûreté propre à l’artiste.
Il n’avait, pour peindre le Misanthrope, qu’à étudier sa propre misanthropie. […] Il se moquait d’Arnolphe et riait de Sganarelle, et que de traits, pour les peindre, il empruntait à son propre caractère ! […] Ce portrait, Molière le portait dans son propre cœur. […] Nous aimons à retrouver en eux des allusions et comme des citations à l’appui de nos propres idées. […] On pouvait fort bien étudier les littératures étrangères sans leur sacrifier notre propre tempérament.
« Qu’il s’agissait de consoler sa propre mère affligée de l’exil de son propre fils. […] Lier l’existence réelle de son propre corps avec la sensation, n’est point une chose facile. […] Ce sont vos propres termes. […] Agrippine était morte ; quoi de mieux à faire que d’en accuser sa propre fureur ? […] ou plutôt, quelle juste confiance dans sa propre obscurité !
Elles sont en dehors de son œuvre propre. […] On connaît le genre qui est propre à l’auteur, la combinaison qui porte sa marque. […] Mais il décrit avec le trait juste, il définit avec le mot propre. […] Ils ont prêté à leurs personnages leurs propres aphorismes. […] Weiss la faculté maîtresse ; telle a été la marque propre de son talent.
Au contraire, la qualité propre du fatalisme de M. […] Cela était propre à tempérer le trop de respect pour la Genèse. […] Le propre de Crispin, comme celui de Regnard, est de plaire. […] Il n’entend rien au genre de poésie qui nous est le plus propre. […] Il le possède en propre, seul de son temps.
Il aime à évoquer de leur tombe les stoïciens fameux dans l’histoire ; il salue en eux les représentants de l’énergie et de la volonté humaine, et, en les glorifiant, il lui semble glorifier ses propres ancêtres.
Toutefois ses œuvres portent bien la marque de son propre esprit.
Alexandre, comme à un Auteur laborieux, souvent utile & propre à fournir la matiere de plusieurs extraits intéressans à ceux qui savent les faire avec discernement.
On doit savoir gré à ce Naturaliste, de s’être chargé d’un ministere obscur dans l’idée du commun des Lecteurs, qui cependant suppose des connoissances propres à lui attirer l’estime des Savans.
Cette Histoire n’est cependant pas dépourvue de recherches, de méthode, de netteté ; qualités peu suffisantes pour attacher le commun des Lecteurs, & encore moins ceux qui ne goûtent les faits, qu’autant qu’ils sont présentés vivement & avec un coloris propre à les faire valoir.
Il s’est attaché, dans le style, à la maniere de Bourdaloue ; &, sans avoir, comme son modele, cette profondeur & cette plénitude de raisonnemens qui le rendent original, il a quelquefois plus de chaleur & des traits d’élévation propres à ranimer l’attention de l’Auditeur ou du Lecteur.
La fondation du Collége de Compiegne, à ses propres dépens, suffiroit pour faire honneur à sa mémoire, si ses Ouvrages ne lui donnoient un rang parmi nos Littérateurs estimables.
Mais un Auteur sans prétention, qui travaille moins pour la gloire que par attrait, ne doit pas être jugé à la rigueur, d’autant plus que celui-ci a, par intervalles, des lueurs de talent, propres à faire oublier ses défauts.
Rien de plus propre que cette invention à contribuer aux progrès des Sciences & des Lettres ; aujourd’hui elle leur est devenue inutile, même nuisible, par la multiplicité de ces sortes d’Ouvrages, & par l’abus que font les Journalistes de leurs éloges & de leurs critiques.
Ce Chardin est homme d’esprit ; il entend la théorie de son art ; il peint d’une manière qui lui est propre, et ses tableaux seront un jour recherchés.
Saint-Marc Girardin, lui aussi, à qui d’ordinaire ce mot de passion semble faire peur, ou qui du moins aime à se jouer en en parlant, a compris que c’était là ou jamais le cas de se déclarer, que c’était une passion par raison, tout pour le bon motif et pour l’ordre, pour l’étroite morale et la juste discipline : dans une suite de charmants articles il a pris rang à son tour parmi ceux qui occupent en propre un de ces beaux noms de femmes d’autrefois, qui s’en emparent et portent désormais couleurs et bannière de chevaliers. — Et vous donc qui parlez, me dira quelqu’un, où avez-vous planté votre drapeau ? […] Le grand-père du duc de Nivernais était le propre neveu de Mazarin, ce duc de Nevers, trop connu par sa querelle avec Racine et Boileau ; il s’est ainsi fait, de gaieté de cœur, une méchante affaire auprès de la postérité, et qui pèse encore sur son nom. […] Il ajoutait d’ailleurs, dans un sentiment très judicieux : L’Académie, en vous adoptant si jeune, non seulement s’assure une plus longue jouissance de vos talents, mais elle donne en votre personne un exemple propre à réveiller dans notre jeune noblesse le goût des belles-lettres, qui semble s’y éteindre peu à peu ; c’est ce qui nous fait craindre pour l’avenir un temps où la noblesse ne se distinguera plus du commun des hommes que par une férocité martiale. Le duc de Nivernais était, en effet, plus propre que personne à servir d’exemple ; à une époque où l’on se piquait avant tout d’être, non pas féroce, mais ce qu’on appelait un homme aimable et même un petit-maître, et en l’étant lui-même, il n’avait rien négligé de ce qui orne intérieurement l’esprit, il se préparait à devenir insensiblement raisonnable ; il savait toutes les langues vivantes, il lisait les auteurs étrangers et en tirait des imitations faciles ; il ne songeait qu’à embellir, à égayer honorablement une grande et magnifique existence, et, sans le savoir, il ménageait à son âme des consolations imprévues pour son extrême vieillesse, dans la plus violente crise sociale qui ait assailli les hommes civilisés. […] De tous ses titres d’autrefois, celui d’homme de lettres était le seul qui lui fût demeuré en propre et auquel il parût tenir.
Tandis que Racine enfant, l’esprit tout plein de Théagène et Chariclée, ne voyait rien de plus agréable au cœur et aux yeux (comme cela est en effet) que le vallon de Port-Royal-des-Champs, les religieuses et les solitaires s’en faisaient un lieu désert, sauvage, mélancolique, propre à donner de l’horreur aux sens ; ils n’avaient pas même la pensée de se promener dans les jardins. […] D’autres pages touchantes du Voyage, et qui trahissent bien, dans sa sincérité première, ce talent de cœur tout à fait propre au nouvel écrivain, sont celles où il se reproche comme une faute essentielle de n’avoir pas noté dans son journal les noms des matelots tombés à la mer. […] Dans la description du coucher de soleil citée, plus haut, il est question des vents alizés qui le soir calmissent un peu, et des vapeurs légères propres à réfranger les rayons ; deux mots que le Dictionnaire de l’Académie n’a pas adoptés encore. […] Enfin, pour achever ce petit parallèle, indiquons d’admirables pages qui terminent le Ministère de l’Homme-Esprit (1803), et dans lesquelles le profond spiritualiste et théosophe développe ses propres jugements critiques sur les illustres littérateurs de son temps ; Bernardin de Saint-Pierre doit en emporter sa part avec La Harpe et l’auteur du Génie du Christianisme. […] Ferdinand Denis, auteur de Scènes de la Nature sous les Tropiques et d’André le Voyageur, est dans nos générations un représentant très-pur et très-sensible de l’inspiration propre venue de Bernardin de Saint-Pierre : par les deux ouvrages cités, il appartient tout à fait à son école ; mais c’est sa famille qu’il faut dire.
Ajoutez que la mécanique sociale tourne d’elle-même, comme le soleil, de temps immémorial, par sa propre force ; sera-t-elle dérangée par des paroles de salon ? […] Ils font des livres qu’on ne lit guère ; on ne dispute plus, on se rit de tout, et l’on persiste dans le matérialisme. » Horace Walpole508 qui en 1765 revient en France et dont le bon sens prévoit le danger, s’étonne de tant d’imprudence : « J’ai dîné aujourd’hui, dit-il, avec une douzaine de savants ; quoique tous les domestiques fussent là pour nous servir, la conversation a été beaucoup plus libre, même sur l’Ancien Testament, que je ne le souffrirais à ma propre table en Angleterre, n’y eût-il pour l’écouter qu’un valet de pied. » On dogmatise partout. « Le rire est aussi démodé que les pantins ou le bilboquet. […] Plusieurs manient la lancette et même le scalpel ; la marquise de Voyer voit disséquer, et la jeune comtesse de Coigny dissèque de ses propres mains. — Sur ce fondement qui est celui de la philosophie régnante, l’incrédulité mondaine prend un nouveau point d’appui. […] « Le pouvoir absolu, dit l’une d’elles, est une maladie mortelle qui, en corrompant insensiblement les qualités morales, finit par détruire les États… Les actions des souverains sont soumises à la censure de leurs propres sujets comme à celle de l’univers… La France est détruite, si l’administration présente subsiste530. » — Lorsque, sous Louis XVI, une nouvelle administration avance et retire des velléités de réformes, leur critique demeure aussi ferme. « Enfance, faiblesse, inconséquence continuelle « écrit une autre531, nous changeons sans cesse et pour être plus mal que nous n’étions d’abord. […] Le roi se rappelle qu’il a rendu l’état civil aux protestants, aboli la question préparatoire, supprimé la corvée en nature, établi la libre circulation des grains, institué les assemblées provinciales, relevé la marine, secouru les Américains, affranchi ses propres serfs, diminué les dépenses de sa maison, employé Malesherbes, Turgot et Necker, lâché la bride à la presse, écouté l’opinion publique552.
Quel est l’amant qui imprimerait sous l’œil de son amie un sonnet où il attesterait lui-même sa propre infidélité cynique ? […] Il n’était ni jaloux ni intrigant, propre à se laisser aimer plus qu’à séduire, sûr comme l’amitié, fidèle et discret comme elle. […] Mme d’Albany recevait avec grâce et bonté ces hommages qui la relevaient à ses propres yeux. […] Sa taille moyenne n’était ni grande ni petite : la taille qui exclut la majesté, mais qui permet l’agrément ; ses cheveux étaient blonds, son front poli et divisé au milieu en deux zones légèrement arrondies, qui indiquent la facilité de l’intelligence ; ses joues d’un contour élastique, son nez un peu grossi et retroussé qu’on ne voit jamais en Italie, mais qui dans la jeunesse donne à la figure un mordant et un éveillé très propre à mordre et à éveiller le regard, sa bouche entr’ouverte et souriante, douce, fine, pleine de réticence sans malignité ; le plus beau de ses traits, c’étaient ses yeux, d’un bleu noir, larges, confiants, obéissants à sa pensée ; elle leur commandait. […] Telle qu’elle était, et en enlevant par la pensée trente ans de vie agitée à cette personne, on ne pouvait s’empêcher de lui restituer une vivacité sereine et une grâce agile, en contraste avec la majesté de son rang et avec les malheurs de son union, très propres à inspirer un immense amour.
C’était un descendant du chevalier Bayard, brave et aventureux comme son ancêtre ; lettré et poëte comme Ronsard, âme légère propre à se brûler à ce flambeau. […] Elisabeth avait commencé par appuyer quelque temps les prétentions de son propre favori, le beau Leicester, à la main de Marie Stuart ; puis la jalousie l’avait retenue ; elle reporta sa faveur sur un jeune Écossais de la maison presque royale des Lenox, dont le père lui était dévoué et habitait sa propre cour. […] Retenue prisonnière dans son propre palais dans sa chambre à coucher, sans une de ses femmes, Marie demeura seule toute la nuit, livrée à toutes les horreurs de son désespoir. […] XVII Les rideaux de la couche de la reine couvrirent tout le mystère de cette réconciliation et de la conspiration nouvelle du roi avec la reine contre ses propres complices dans le meurtre du favori ; cette conspiration éclata subitement le 15 mars, six jours après l’assassinat, par la fuite nocturne du roi et de la reine au château de Dunbar, forteresse d’où le roi pouvait braver ses complices, et la reine ses ennemis.
Il eût été mille fois plus beau de représenter ce grand caractère du martyr inspiré, persécuté et triomphant que de représenter dans Mahomet un incrédule de sa propre religion qui se moque de Dieu et des hommes. […] Il eut un troisième tort, c’est de se tromper sur la nature de son propre génie. Il n’avait de l’Arioste que la malignité, il n’en avait ni l’intarissable imagination, ni la franche gaieté, ni la naïveté d’enfant qui s’amuse lui-même de ses propres contes. […] Il ne s’occupait que de ce qu’il appelait les honnêtes gens, l’élite pensant de la société ; sa philosophie, qu’il ne croyait jamais destinée à devenir populaire, était une sorte de maçonnerie du sens commun propre à relier seulement les hautes classes de la société. […] La France semblait couronner en lui sa propre personnification triomphale.
La seule maniere d’y répondre, sans descendre au niveau de ses adversaires, c’est lorsque l’Ecrivain attaqué, s’occupant moins de sa propre cause que de l’intérêt des vérités qu’il défend, cite au tribunal de la raison & de la décence les passions qui le combattent, les suit dans leurs détours, met en évidence leurs bassesses, leur perversité, tire de leurs travers & de leurs excès, de nouvelles lumieres, de nouvelles preuves, &, par un nouveau genre de sacrifice, immole à l’instruction publique les dégoûts de sa propre justification. […] Quels Amis que ceux qui osent vous tyranniser ainsi, & vous engager à un procédé si propre à vous faire partager la honte dont ils ne cessent de se couvrir ! […] Quoiqu’il ait choisi, pour les rédiger, un Littérateur* dont la plume est aussi peu propre à accréditer le mensonge, qu’à faire goûter la vérité, je crois devoir cependant m’inscrire en faux & contre les faits allégués dans le Libelle, & contre la plupart des Lettres qu’on y rapporte. […] Ce qui résultera pour tout Esprit qui voudra faire usage de ses propres lumieres, & se dépouiller de ses préjugés, du dépit contre la mauvaise logique, du mépris pour les inconséquences, de l’indignation contre l’audace & la mauvaise foi.
Ils méritent en cela bien plus de reconnoissance, que la plupart des Ecrivains médiocres qui ne cessent de fatiguer le Public de leurs propres Ouvrages.
Ségaud n'étoient pas sans doute propres à traiter toutes les matieres ; le P.
Caractères propres du roman anglais. — En quoi il diffère des autres. […] Deux traits leur sont communs et leur sont propres. […] Il se contredit, il défait ses propres projets : il est comme un taureau aveugle qui bute à droite, à gauche, revient sur ses pas, n’atteint personne et piétine en place. […] Elle tient ses écritures et garde des Mémorandums, des sommaires, ou analyses de ses propres lettres. […] Sterne, Goldsmith, Burke, Sheridan, Moore ont une nuance propre, qui vient de leur sang, ou de leur parenté proche ou lointaine, la nuance irlandaise.
Son Traité des Sens, surtout, est plein d’idées neuves, profondes, & propres à faire sentir qu’il eût pu s’illustrer dans les Lettres, s’il s’y fût uniquement dévoué.
Il est étonnant qu’un sujet aussi intéressant, aussi noble, aussi fécond, aussi propre à élever l’ame, à échauffer le génie, & à lui faire enfanter de grandes idées, tel que la grandeur de Dieu considérée dans les merveilles de la Nature, ait échappé aux grands Poëtes du siecle de Louis XIV, même au petit nombre de bons Poëtes de ce siecle-ci.
Son excellente Traduction de Juvenal, précédée d’un Discours sur les Satires de ce Poëte, Discours aussi bien pensé que bien écrit, lui donne plus de droit à une place distinguée dans la Littérature que les Productions médiocres n’en donnent aux petits Auteurs qui travaillent de leur propre fonds.
La Satire que Boileau lui a adressée, a plus contribué à sauver son nom de l'oubli, que ses propres Ouvrages.
Par sa propre force, elle empira. […] Et en cette sorte ils vont à l’église comme des démons incarnés, avec un tel bruit confus, qu’il n’y a point d’homme qui puisse entendre sa propre voix. […] Le propre de Spenser, c’est l’énormité et le débordement des inventions pittoresques. […] Spenser est supérieur à son sujet, l’embrasse tout entier, l’accommode à son but, et c’est pour qu’il y imprime la marque propre de son âme et de son génie. […] La mélancolie351, son propre état d’esprit, et il le prend en homme d’école.
Bien que le propre des louanges bien données soit d’être modérées, trouvez donc l’homme qui, loué modérément, croie l’être comme il le mérite ? […] Rien, sinon ce qui reste d’un éblouissement passager, ou ce qu’on retient d’un concert où un grand artiste sans invention n’exécute que sa propre musique. […] C’est le propre des belles vertus qu’on n’en a pas plus le sentiment que du travail silencieux des fonctions physiques. […] Tout autre est la joie attachée à la découverte des vérités scientifiques, dont le propre est d’être universellement et unanimement reconnues. […] Que j’essaye donc d’ôter de mon être moral tout ce que la France y a mis ; que me restera-t-il en propre ?
Est-ce que Rodrigue et Chimène, est-ce que madame de Clèves, ne sont pas conçus et créés par ces beaux génies à leur propre ressemblance, à leur propre image, à leur image intérieure ? […] Quel était ce Saxon12, ce valeureux courage, Chassé par les arrêts de son propre héritage, Qui dans tes propres champs avec peu de guerriers, A cueilli tant de fois de glorieux lauriers ? […] Contre mon propre honneur mon amour s’intéresse : Il faut venger un père, et perdre une maîtresse ! […] Et à quoi peut-on attribuer ce qui s’y mêle de mauvais, qu’aux teintures grossières que je reprends quand je demeure abandonné à ma propre faiblesse ? […] Ceci est une nouvelle erreur, ou plutôt, pour dire le mot propre, une contre-vérité que notre très regretté maître et ami M.
J’aurai à vous demander, lorsque j’aurai l’honneur de vous aller voir, quelques noms propres qui ne sont désignés que par des initiales.
En disant cela, il tirait son propre horoscope ou plutôt il était lui-même la preuve de ces paroles… Assurément, c’était une forte génération que celle qui pouvait, sans se diminuer, laisser perdre de telles choses et oublier de tels talents.
Ses Mémoires chronologiques & dogmatiques, & ses Mémoires pour servir à l’Histoire universelle de l’Europe, depuis 1600 jusqu’à 1716, sont des Ouvrages propres à mériter l’approbation de leur siecle & celle de la postérité.
Depuis son Epître d’Héloïse à Abailard, il n’a rien paru de lui qui fût propre à soutenir l’idée avantageuse que cette Piece avoit donnée de ses talens.
Quand la satire est insolente & calomnieuse, elle n’est propre qu’à révolter les ames honnêtes.
Ce Drame, plus sinistre encore que celui de Béverley, n’est qu’un amas d’horreurs, entassées les unes sur les autres, plus propres à rendre les ames féroces, qu’à leur inspirer la haine du crime.
Prologue Nous, par la grâce du Figaro et notre propre volonté, secrétaire d’État au département de la Fantaisie, Vu l’internement du peuple turc en Asie Mineure ; Vu la cherté des loyers et l’exiguïté des logements parisiens ; Vu l’endurcissement des propriétaires ; Considérant que, par suite de l’internement du peuple turc en Asie Mineure, les appartements de Constantinople sont inoccupés ; Que la magnificence et la somptuosité orientales règnent avec profusion dans ces appartements ; Que les littérateurs, en leur qualité de gens d’imagination, ont évidemment droit à tout le luxe possible ; — Arrêtons : Article premier. — À partir du 15 janvier 1864, les hommes de lettres seront transportés à Constantinople sur des galères richement décorées.
La poésie a ou peut avoir sa forme, sa couleur, sa musique propre. […] Il le fallait bien pour sa propre sûreté, et dans l’intérêt de sa philosophie. […] Strowski, en juin, et propre à étayer ses propres raisonnements, mais plus que douteuse, en juillet, lorsqu’il a voulu contredire M. […] Il devait donc frayer avec les puissances et se faire son propre nonce ou légat. […] L’homme s’affranchit, se développe par lui-même : il est son propre Prométhée.
Elle était singulièrement propre à cette œuvre. […] On les ôte tout à fait dans les gymnases, dans le stade, dans plusieurs danses solennelles ; « c’est le propre des Grecs, dit Pline, de ne rien voiler ». […] Beaucoup d’exercices propres accroître l’agilité et la vigueur y sont inconnus ; en revanche, on y fait entrer des exercices d’armes, le duel jusqu’au sang, le tir de l’arc, le jet de la pique. […] Cela fait un singulier contraste avec le style moderne qu’elle emploie lorsqu’elle parle en son propre nom ou fait parler des personnages cultivés. […] Voyez les vers d’Alcée sur sa propre maison.
Villemain) de la faire riche, abondante, élégante, de reproduire les paroles, les discours, en les accentuant ou en les adoucissant ; il est même juge des convenances dans la manière de rédiger certaines décisions de la Compagnie, et, pour peu qu’on soit distrait ou complaisant (et on l’est presque toujours), il peut, sans être infidèle, introduire ses propres réserves jusque dans ce qui a été voté et décidé. […] Ce caractère de salon, qui est le propre des réunions particulières de l’Académie française, ne peut guère être bien compris que par ceux qui en sont. […] Enfin, l’Empereur ayant créé, le 22 décembre 1860, le grand prix biennal de 20,000 francs pour être attribué tour à tour, à partir de 1861, « à l’œuvre ou à la découverte la plus propre à honorer ou à servir le pays, qui se sera produite pendant les dix dernières années dans l’ordre spécial des travaux que représente chacune des cinq Académies de l’Institut impérial de France », l’Académie française a eu, la première, à en faire l’application, et après de longs débats intérieurs ou bien des noms célèbres furent contradictoirement discutés et agités, sans qu’on pût se fixer sur aucun, elle en vint à proposer l’Histoire du Consulat et de l’Empire par M. […] Le propre de l’Académie est de combiner et d’assembler tradition et innovation.
Elle s’est peinte de sa propre main de façon à ne pas donner envie de recommencer après elle. […] Ces détails si vrais, si faciles, si heureux de présence d’esprit et de liberté d’expression, ces innocents et profonds souvenirs se jouant d’eux-mêmes dans le cadre sanglant, funèbre, qui les entoure, qui les resserre à chaque instant et qui bientôt va les supprimer avant la fin et les écraser, forment une des lectures éternellement charmantes et salutaires, les plus propres à tremper l’âme, à l’exhorter et à l’affermir en l’émouvant. […] Entre tous ces hommes de bien et de mérite elle cherche vainement un grand caractère propre à rassurer dans cette crise et à rallier le bon parti par ses conseils. […] Il est touchant de voir quel respect d’amour mistress Hutchinson porte à son noble époux, avec quelle modestie elle lui attribue toutes ses propres vertus. « Ce qu’elle était, c’était lui tant qu’il était présent ; et ce qu’elle est maintenant n’en est plus qu’une image décolorée. » Mais mistress Hutchinson et Mme Roland diffèrent autant d’ailleurs que les deux Révolutions qui les ont produites.
Véritable fidélité à son propre honneur, cela est vrai ; mais fidélité aux Bourbons qui ne se révèle tout à coup qu’après la chute de Napoléon. […] Son nom, qui servait ainsi tous les ennemis des Bourbons, grandissait comme une arme à deux tranchants propre à toute main. […] De là, le mécompte de tous ces rêves pour refaire le passé sans éléments, au lieu d’améliorer le présent avec ses éléments propres. […] Je prévoyais que la Grèce ressuscitée, non par son génie propre, mais par un roi allemand, ne contenterait ni les Grecs ni les Turcs ; la question se réduisait donc, au fond, à savoir si nous préparerions aux Russes l’empire de la Méditerranée ; j’aimais mieux pour la France et pour l’Europe équilibrée les Turcs pour voisins que les Russes.
… voyons, pourtant, dans la Chose dont l’expression nous séduit, voyons les multiples aspects, les résonnances cachées, les attirances, les échos subtils qui d’elle, par tous côtés, s’éveillent : comprenons comment la Chose est littérairement, comment musicalement, comment plastiquement ; et, — quoique nous ne pourrons pas dire toutes ces compréhensions variées, par, chacune, son langage propre, — ayons en nous, néanmoins, l’émotion, complète, de la Chose vivante. […] La ville de Bayreuth, lieu des Représentations de Fête Wagnériennes, — le premier exemplaire et le modèle de toutes Représentations de Fête, — choisie par le Maître peut être pour quelque hasard, peut être, quoique admirable, pour quelque cause particulière, Bayreuth s’impose, aujourd’hui, nécessaire : site, édifice, théâtre miraculeusement propres aux artistiques jouissances, objet très convenant à sa fin, Bayreuth a cette éternelle consécration, l’agrément originel de Wagner ; et, s’il est bon que les Wagnéristes, en des temps fixes et réguliers, se réunissent de tous les pays, et qu’ils se réunissent au Théâtre de Fête, en un lieu absolument international, et Wagnérien, il est bon, aussi, qu’ils se réunissent auprès de la tombe du Maître. […] Brünnhilde est, de nouveau, perdue en la contemplation du cadavre : — « Comme le Soleil, purement, sa lumière me rayonne : le plus pur il était, lui qui m’a trahie : trompant l’épouse, — fidèle à l’ami, — de la propre aimée, la seule chère à lui, il s’est séparé par son épée. […] Ce résidu musical du déterminisme dramatique qu’est l’orchestre wagnérien, cette force physiologique qui associe si profondément notre organisme sensitif au devenir de l’action vivante, nous ignorons d’où elle sort, nos sens sont en désarroi, car cette musique semble ne plus avoir d’existence objective, elle nous semble aussi bien être le propre mouvement de notre pensée qu’un enchaînement orchestral : aucun point d’appui qui nous permette de le décider.
Homme bizarre, il s’était attribué, sans en avertir, dans Olivier Brusson (1823), un conte allemand d’Hoffmann, et ici voilà qu’il attribuait son propre Olivier à Mme de Duras. […] « Son esprit s’émoussait de ses propres finesses », a dit de lui Janin. […] Pourquoi fuir si vite ces choses simples que vous sentiez pourtant par éclairs, et vous aller embarrasser à plaisir dans les tortuosités de vos propres voies ? […] Quelle ironie contre sa propre simplicité !
C’est que précisément, en vertu de la force qui appartient à toute idée, l’image intérieure d’un coup sur la tête nous paraîtrait un coup réel si elle était seule, si sa force propre et sa tendance à produire des mouvements n’était pas contrebalancée par la force d’autres idées, ou, selon l’expression de Taine, refrénée. […] Quant à l’habitude et à l’instinct, ils sont un automatisme façonné peu à peu par la sensibilité même, par l’intelligence, par la volonté, pour les suppléer et accomplir sans effort ou faire accomplir par d’autres le même travail qui avait exigé un effort propre. […] Ribot, que la conscience soit elle-même une forme superficielle, sans efficacité propre ? […] A la fin de sa vie, Linné prenait plaisir à lire ses propres œuvres, et quand il était lancé dans cette lecture, oubliant qu’il était l’auteur, il s’écriait : « Que c’est beau !
L’un des plus inattendus n’est-il pas de voir un philosophe qui ne s’était guère occupé que de psychologie et de métaphysique ; qui, s’il n’a pas eu d’idées en propre, un système construit à la façon de Hegel ou de Schelling, a du moins eu de belles parties de discussion, souvent de l’aperçu entre deux idées fausses et surtout un style, beaucoup trop admiré, il est vrai, car il n’est pas sincère, oublier, tout à coup, ce qu’il est et ce qu’il fut, abandonner la philosophie qui meurt plus par le fait de ses partisans que de ses adversaires, laisser là l’habituel sujet de ses méditations et se jeter obstinément dans les petits et obscurs détails de la biographie, et de quelle biographie encore ! […] À ses propres yeux, il a passé gentilhomme, presque Luynes ! […] Cousin sont sa propre faiblesse. […] Cousin pour que le vieil homme puisse s’oublier entièrement auprès d’elle, et pour qu’au moment même de les quitter il n’embaume pas son propre passé dans le leur ?
Abauzit ; mais il s’en faut de beaucoup qu’ils soient propres à justifier l’enthousiasme de l’Ecrivain Génevois.
Qu’on ne cherche point dans ces Traductions une exactitude littérale ; elles sont plus libres que fidelles ; mais elles prouvent que le Traducteur entendoit aussi bien le Grec & le Latin que sa propre Langue.
Peut-être les pensées qu’il eût tirées de son propre fonds, n’eussent-elles pas été aussi sublimes que celles de l’Auteur des Provinciales ; mais on peut juger, par ses Ouvrages, qu’il étoit en état de composer un bon Livre, sur un aussi solide fondement.
Les Notes placées par l'Auteur à la fin du dernier volume, sont autant de Dissertations courtes & lumineuses, propres à rendre un grand jour sur plusieurs parties de l'Histoire de France.
Ce n’est point là la manière de Rabelais, ni le talent où il fût propre. […] Précisément l’art propre du conteur sans rien qui le soutienne et l’appuie, l’art du conteur en soi, le talent de bien conter n’importe quoi. […] Il devait devenir une libre philosophie, en s’abandonnant à ce « sens propre » que personne n’a plus redouté ni détesté que Calvin. […] La sécession autorise, du droit qu’elle a pris elle-même, la sécession dans son propre sein. […] Los idées littéraires de Ronsard parlant en son propre nom ne sont qu’un complément et le plus souvent qu’une confirmation de celles qu
« L’horreur que me cause cette mort est inexprimable, dit-elle en propres termes le lendemain à la princesse Daschkoff ; c’est un coup qui me renverse. » Mais le personnage politique en elle reprit aussitôt le dessus : elle comprit que désavouer hautement le crime et parler de le punir ferait l’effet d’une comédie jouée ; qu’elle ne persuaderait personne ; que ce meurtre lui profitait trop pour qu’on ne le crût pas commandé ou tout au moins désiré par elle ; elle dissimula donc, et faisant son deuil en secret, — un deuil au reste qui dut être court, — elle se contenta, pour la satisfaction et le soulagement des siens et de son fils, de conserver dans une cassette la lettre écrite à elle par Orlof, après l’acte funeste, et qui témoignait de l’entière vérité. […] Elle en poliça tout ce qu’elle put, tout ce qu’il lui fut donné de voir et d’atteindre de ce grand corps par elle-même et de ses propres yeux.
Comme conseil de style, on n’a qu’à renvoyer à l’auteur ses propres paroles : « Un écrivain qui a quelque souci de la postérité, dit-il dans sa remarquable préface, cherchera sans cesse à purifier sa diction, sans effacer toutefois le caractère particulier par lequel son expression révèle l’originalité de son esprit ; le néologisme n’est d’ailleurs qu’une triste ressource pour l’impuissance. […] Hugo se garde surtout de l’excès de sa force ; qu’à l’heure de la méditation, il sache attendre à loisir ses propres rêves, les laissant venir à lui et s’y abandonnant plutôt que de s’y précipiter ; qu’à l’heure de produire, il se reparte sans cesse aux impressions naïves qu’il veut rendre, les contemple longuement avant de les retracer, et plus d’une fois s’interrompe en les retraçant pour les contempler encore ; que, n’épuisant pas à chaque trait ses couleurs, il approche par degrés de son idéal, et consente, s’il le faut, à rester au-dessous plutôt que de le dépasser, ce qui est la pire manière de ne pas l’atteindre.
A chaque grande révolution politique et sociale, l’art, qui est un des côtés principaux de chaque société, change, se modifie, et subit à son tour une révolution, non pas dans son principe tout à fait intérieur et propre, qui est éternel, mais dans ses conditions d’existence et ses manières d’expression, dans ses rapports avec les objets et les phénomènes d’alentour, dans la nature diverse des idées, des sentiments dont il s’empreint, des inspirations auxquelles il puise. […] La mission, l’œuvre de l’art aujourd’hui, c’est vraiment l’épopée humaine ; c’est de traduire sous mille formes, et dans le drame, et dans l’ode, et dans le roman, et dans l’élégie, — oui, même dans l’élégie redevenue solennelle et primitive au milieu de ses propres et personnelles émotions, — c’est de réfléchir et de rayonner sans cesse en mille couleurs le sentiment de l’humanité progressive, de la retrouver telle déjà, dans sa lenteur, au fond des spectacles philosophiques du passé, de l’atteindre et de la suivre à travers les âges, de l’encadrer avec ses passions dans une nature harmonique et animée, de lui donner pour dôme un ciel souverain, vaste, intelligent, où la lumière s’aperçoive toujours dans les intervalles des ombres.
C’est que cette tristesse vaine, et pourtant sincère, je l’ai souvent sentie en moi, et que j’en rougis ; c’est que j’ai peur d’y découvrir un mélange affreux de vanité, d’égoïsme, de « gendelettrerie », de complaisance pour la beauté et la distinction de ma propre intelligence ; et que, de souffrir uniquement par la pensée (oh ! […] Elle a souvent pour résultat l’ennui et l’impossibilité d’échapper à son propre isolement ?
Les associations politiques auxquelles l’individu doit s’affilier sont forcément étroites, intolérantes ; oppressives pour les dissidents et même pour leurs propres membres. […] Le propre des Congrès, c’est de voter des motions, des résolutions, d’imposer des solutions, toutes choses contraires à la liberté de la pensée. » (De M.
L’état de leur conscience était celui des stigmatisées, des convulsionnaires, des possédées de couvent, entraînées par l’influence du monde où elles vivent et par leur propre croyance a des actes feints. Quant à Jésus, il n’était pas plus maître que saint Bernard, que saint François d’Assise de modérer l’avidité de la foule et de ses propres disciples pour le merveilleux.
C’est une certaine lumière de gloire et un certain caractère de grandeur que la vertu héroïque imprimée sur le visage des à omet mes ; elles défendent la solitude et la nudité d’une personne exposée aux outrages de la fortune, accablée sous les ruines d’un parti détruit, abandonnée de ses propres vœux et de sa propre espérance.
La suite prouverait qu’alors les yeux de cette femme respectable furent dessillés sur les relations du roi avec madame de Montespan ; qu’elle fut épouvantée de l’idée d’avoir opposé de la résistance à un mari qu’elle croyait follement jaloux d’une femme irréprochable : il est du moins certain, par le témoignage de mademoiselle de Montpensier, par celui du duc de Saint-Simon, qu’à la suite de l’apparition qui eut lieu dans le passage de l’appartement de la reine, madame de Montausier rentra chez elle malade, ne sortit plus de sa chambre que pour quitter la cour et rentrer dans sa propre maison, à Paris, où elle languit, ne recevant qu’un petit nombre d’amis particuliers. […] Les visites que la reine lui faisait durant sa maladie prouvent assez combien elle en honorait la cause ; peut-être même qu’elle croyait avoir contribué à la déception de madame de Montausier, par son propre aveuglement sur madame de Montespan.
Ils savent que rien n'est beau que le vrai ; que chaque chose doit être revêtue des couleurs qui lui sont propres ; que trop de faste dans le style est une preuve certaine de la stérilité de l'esprit ; que le naturel seul a droit de plaire, de saisir, de toucher. […] Des leçons ainsi énoncées sont-elles propres à former de Grands Hommes, & son Héros eût-il compris quelque chose à ce langage ?
Les « semeurs de doute » n’admettent pas l’hypothèse : « On ne devrait jamais raconter que ce qu’on a vu, de ses propres yeux, bien lucidement. Tout le reste est peut-être absurde… S’il est parfois utile de rédiger une description historique, on ne voit pas, loin des romans-feuilletons, la place d’un faux naufrage et d’un faux déraillement… » Oui, sans aucun doute, il serait préférable de ne jamais « raconter que ce qu’on a vu de ses propres yeux », et voilà pourquoi nous ne cachons pas notre prédilection pour la méthode d’observation directe.
Or, ce mérite absolu, qui appartient en propre au continuateur du chef-d’œuvre, la critique doit d’autant plus le reconnaître et le signaler dans Daly que c’était le seul des mérites qu’il pouvait avoir sur lequel elle n’avait pas complètement sa sécurité… Pourquoi ne dirions-nous pas ce que nous pensons ? […] À qui peut la juger il est évident que cette œuvre, qui a demandé tant d’années, ce hardi et magnifique travail exécuté sur la cathédrale de France la plus effrayante de beauté et la plus désespérante pour qui oserait se charger d’y porter la main, peuvent faire pressentir à la critique un architecte créateur pour plus tard, un architecte, enfin, pour le propre compte de son génie !
Alloury, le philosophe de son propre néant, continuait d’être ce qu’il avait toujours été : un simulacre. […] Propre à tout, d’une facilité de rédaction qui ressemble à du mécanisme, il parla de l’Antiquité, ce sujet universitaire, ce pensum affreux qu’il faut faire aux Débats pour démontrer que l’Université en sait aussi long que les Jésuites en fait de grec et de latin.
Quand, de ce côté-ci de la Révolution française, avec des idées de liberté religieuse que cette révolution a créées, nous ne voyons qu’une passion indigne du grand roi dans la révocation de l’Édit de Nantes, une passion odieuse et payée d’un immense désastre industriel, nous ne discernons réellement que la moitié des choses, et nous mettons entre nous et les mobiles de Louis XIV l’épaisseur de nos propres conceptions. […] Il ne s’est pas demandé si cette manière de traiter l’histoire ne conduisait pas aux nomenclatures et aux sécheresses des statistiques, et si l’ennui ne naîtrait pas de tous ces noms propres qu’il tire pour la première fois de leur oubli et de leur silence, et qui ne sont, après tout, que ceux de beaucoup de comparses dans ce drame éparpillé de l’exil.
on en intitulait une, entre toutes, L’Esprit révolutionnaire avant la Révolution, la tête qui la pensait, cette histoire, et qui, du propre aveu de son titre, se préoccupait plus de l’esprit révolutionnaire que de la Révolution elle-même, devait le chercher et le prendre partout où il fut. […] Un historien qui n’a pas une de ses sources qui ne soit révolutionnaire, — qui ne soit plus ou moins parfumée (pour lui) mais empoisonnée (pour moi) de l’esprit révolutionnaire, — doit en avoir lui-même, de cet esprit, dans un degré quelconque ; et quand il ne conclut pas dans son livre et en son propre et privé nom, il vous donne le droit de conclure pour lui.
Il n’y avait que des débris et d’habité que des tombeaux. » Et, comme s’il eût craint d’être compromis par sa propre raillerie, Charles Nodier (car c’était lui) ajoutait : « L’Inde, c’est le pays de l’hyperbole gigantesque », et il avait raison. […] du propre génie de l’Indoustan.
Et l’inquiétude qu’il éprouve n’est pas seulement pour ses propres raisonnements ou pour la destinée d’un livre qui peut paraître la plus mauvaise des plaisanteries à ceux qui prennent les choses par le côté plaisant, mais c’est une inquiétude plus haute, plus nette et plus fondée… La pudeur du philosophe qui rougit de ces vésanies d’une ignominieuse extravagance, ne l’empêche pas de jeter sur le temps où ces vésanies courent le monde et ambitionnent de le dominer le regard inquiet de l’homme pénétrant que le philosophe ne peut abuser… C’est ici le côté profond de cette Étude sur le Pessimisme au xixe siècle. […] Caro, qui, en France, est attaqué de cette démence, et qu’il a ajouté — ridiculus mus — dans ses Dialogues philosophiques la carie des idées de Schopenhauer à sa propre carie naturelle !
Ce fossoyeur d’un genre nouveau, qui ne ressemble pas à celui d’Hamlet et qui creuse son propre trou à lui-même ; ce creuseur à bêche sanglante, qui regarde, avec des yeux scientifiques et épouvantés, dans le mal certainement destructeur de sa chair et dans le mystère horriblement incertain de la mort, est, esthétiquement, d’un effet terrible. […] Âme cramponnée à la vie comme le chêne est attaché à la terre, sensibilité qui n’a rien de panthéistique, et pour qui l’univers tout entier a moins d’importance que les battements de son propre cœur !
Si souvent on a répondu sans la faire taire aux objections de la philosophie, si souvent on a vu la pensée se frappant elle-même avec l’arme de ses propres raisonnements, qu’on se trouve amené à reconnaître que l’histoire, la tradition, les faits dans leur simplicité auguste et dans leur sainte authenticité, sont les meilleurs moyens de traduire la vérité chrétienne et de l’introduire ou de l’affermir dans les esprits ; sur ce point les expériences se sont accumulées, mais il importe plus qu’on ne croit de le répéter. […] Comme la révolution du passé, qui, dans sa familiarité sacrilège et par la bouche de ses plus cyniques enthousiastes, faisait du Fils de Dieu un sans-culotte, la révolution de l’avenir a, pour son propre compte, recruté aussi au Calvaire et métamorphosé Notre-Seigneur en un socialiste anticipé.
Elle est en péril avec l’inspiration que le poète a choisie ou subie, mais qui ne lui est pas venue — comme l’inspiration doit venir — de son propre fond. […] Le monde, le monde sur lequel le poète opère, existait et avait son prix (et son prix éternel) avant d’être pétri par la main du poète, avant d’être animé de son souffle : il vivait, et vivait si bien que le poète n’a qu’augmenté sa vie en lui donnant la sienne, en lui versant, comme une vie nouvelle, sa propre individualité.
De sa propre dépouille il vêtit sa misère Et revint sans habit, ainsi qu’un pauvre hère ! […] Joseph Autran ne l’a pas mis seulement au service de ses propres inventions.
Excepté en poésie, où il sent et pense pour son propre compte, M. […] Heureusement qu’ils ont des provisions, ces comédiens, car ils ne souperaient pas chez le baron de Sigognac, qui vient de finir son dernier morceau de pain quand ils arrivent ; seulement, après avoir soupe de leurs propres victuailles, ils couchent sous ce toit presque croulé qu’ils préfèrent encore, contre les rigueurs du temps, à leur carriole ouverte aux vents et à la pluie.
IV Ainsi, en plein cœur de son propre talent, pour le diminuer et le piquer de sa tache, voilà que nous rencontrons le Bohême, c’est-à-dire l’homme qui vit intellectuellement au hasard de sa pensée, de sa sensation ou de son rêve, comme il a vécu socialement dans cette cohue d’individualités solitaires, qui ressemble à un pénitentiaire immense, le pénitentiaire du travail et de l’égoïsme américain ! […] Il y aurait quelque chose de plus à faire que ses Contes, ce serait sa propre analyse, mais pour cela, il faudrait son genre de talent… Quand on résume cette curieuse et excentrique individualité littéraire, ce fantastique, en ronde bosse, de la réalité cruelle, près duquel Hoffmann n’est que la silhouette vague de la fumée d’une pipe sur un mur de tabagie, il est évident qu’Edgar Poe a le spleen dans des proportions désespérées, et qu’il en décrit férocement les phases, la montre à la main, dans des romans qui sont son histoire.
Le goût du Public qui accueille si bénignement de semblables miseres, n’est-il pas propre à opérer la dégradation des Arts, après avoir prouvé celle des mœurs ?
Il s’est rendu plus utile à l’éloquence de la Chaire, en se faisant l’Editeur des Sermons de Bourdaloue, de Cheminais, de la Rue, &c. que par ses propres Sermons, qui néanmoins sont estimables à beaucoup d’égards.