Il est d’ailleurs si facile de tourner en ridicule ses patientes investigations. Il faudrait avoir l’imagination bien malheureuse pour ne pas trouver quelque fade plaisanterie contre un homme qui passe sa vie à déchiffrer de vieux marbres, à deviner des alphabets inconnus, à interpréter et commenter des textes qui, aux yeux de l’ignorance, ne sont que ridicules et absurdes. […] Ce ridicule préjugé est une des plus sensibles peines que rencontre celui qui consacre sa vie à la science pure. […] Nous sommes si timides contre le ridicule que tout ce qui peut y prêter nous devient suspect ; or les meilleures choses, en changeant de nom et de nuances, peuvent être prises par ce côté. […] Le jargon scolastique, quand il ne cache aucune pensée ou qu’il ne fait que servir de parade à d’étroits esprits, est fade et ridicule.
III Le ridicule, — le ridicule sauveur, — comme on disait anciennement de Jupiter, voilà, en effet, la dernière ressource qui reste contre des livres contagieux à la façon de l’Amour de Michelet ! Sans le ridicule abondant en beaucoup de détails de cette production incroyable, et le comique grotesque de certains enthousiasmes et de certaines attitudes de l’auteur, le livre peut-être aurait un succès. […] Le livre de l’Amour pourrait donc, malgré tout, même dans les conditions désagréablement physiologiques où il est placé, faire son chemin, qui serait une belle route, mais heureusement le ridicule y est et le rire prend. Le ridicule sauveur ! […] Nous donnons notre parole d’honneur qu’il y a un chapitre intitulé : « Une Rose pour directeur », dans ce livre physiologique, chimique et chirurgical, où le côté sain est le ridicule ; car le rire purifie.
Un Magistrat allait par son mérite à la première dignité, il était homme délié et pratique dans les affaires ; il a fait imprimer un ouvrage moral, qui est rare par le ridicule. […] Le philosophe consume sa vie à observer les hommes, et il use ses esprits à en démêler les vices et le ridicule ; s’il donne quelque tour à ses pensées, c’est moins par une vanité d’auteur, que pour mettre une vérité qu’il a trouvée dans tout le jour nécessaire pour faire l’impression qui doit servir à son dessein. […] Il n’a manqué à Molière que d’éviter le jargon et le barbarisme, et d’écrire purement : quel feu, quelle naïveté, quelle source de la bonne plaisanterie, quelle imitation des mœurs, quelles images, et quel fléau du ridicule ! […] Est-il moins dans la nature de s’attendrir sur le pitoyable que d’éclater sur le ridicule ? […] Il ne faut point mettre un ridicule où il n’y en a point, c’est se gâter le goût, c’est corrompre son jugement et celui des autres ; mais le ridicule qui est quelque part, il faut l’y voir, l’en tirer avec grâce, et d’une manière qui plaise et qui instruise.
Non seulement la grâce et le goût servaient en France aux intérêts les plus grands, mais l’une et l’autre préservaient du malheur le plus redouté, du ridicule. Le ridicule est, à beaucoup d’égards, une puissance aristocratique ; plus il y a de rangs dans la société, plus il existe de rapports convenus entre ces rangs, et plus l’on est obligé de les connaître et de les respecter. […] La classe qui dominait en France sur la nation, était exercée à saisir les nuances les plus fines ; et comme le ridicule la frappait avant tout, ce qu’il fallait éviter avant tout, c’était le ridicule.
Tour à tour naïve, tendre, morale, et guerrière, elle fait éclore les idées les plus riantes et les sentiments les plus élevés ; elle inspire l’amour, cimente l’amitié, frappe le ridicule, enflamme le courage ; enfin, est à la fois l’interprète du cœur et l’organe de l’esprit. […] De grands généraux, de grands écrivains en ont immortalisé la gloire : Molière en a immortalisé les ridicules et les vices. […] La bourgeoisie veut copier la cour, elle n’en imite que les ridicules et les vices, sans en emprunter l’éclat et les grâces ; enfin, le noble se dégrade, et le bourgeois ne s’ennoblit pas. […] Ne semblent-ils pas nous dire : Il n’y a plus de vices, plus de ridicules ? […] Et d’ailleurs, les êtres ridicules ou vicieux que Molière a traduits sur la scène, sont encore au milieu de nous.
» Le Cocu imaginaire suivit les Précieuses ridicules. […] Cependant les Précieuses ridicules, pièce satirique et personnelle, peignent des vices de salons propres à la nation française. […] La verve comique y manquait, c’était de l’imagination plus que du ridicule ; le Français ne l’aime pas. […] Arnolphe paraîtra d’autant plus ridicule alors, que son caractère aura été mieux établi ici. […] Jamais l’amour seul n’a pu rendre ridicule un homme de quarante-deux ans, et c’est l’âge d’Arnolphe.
Est-ce là le moment de faire un ridicule étalage des couleurs de la poésie ? […] La véritable vertu est ridicule sur la scène. […] Il n’y a rien là de ridicule. […] Ses impostures, souvent ridicules en elles-mêmes, ont toujours été agrandies par leur objet. […] Que cette frénésie du sot orgueil est petite et ridicule !
Vous trouvez souvent dans la littérature du Nord des scènes ridicules à côté de grandes beautés. […] Il y a faiblesse dans la nation qui ne s’attache qu’au ridicule, si facile à saisir et à éviter, au lieu de chercher avant tout, dans les pensées de l’homme, ce qui agrandit l’âme et l’esprit. […] La surprise est certainement un grand moyen d’ajouter à l’effet ; mais il serait ridicule d’en conclure que l’on doive faire précéder une scène tragique d’une scène comique, pour augmenter l’étonnement par le contraste.
La coterie se défend avec les faibles secours d’une vogue que le ridicule a ralentie, que poursuit la risée publique. […] Il ne souffrira, près du berceau de son fils, ni vice, ni ridicule. […] Si quelque biographe imprimait aujourd’hui cette phrase dans une vie de Louis XIV : « Le 1er novembre 1661, le roi nomme pour gouvernante de M. le Dauphin, une des personnes de la société représentée par Molière, dans ses Précieuses ridicules, et bafouée par le public depuis deux ans », ne croirait-on pas que cet écrivain est tombé en imbécillité ou en démence ?
Mais un défaut ridicule, dès qu’il se sent ridicule, cherche à se modifier, au moins extérieurement. […] D’où vient une expression ridicule du visage ? […] On devine alors combien il sera facile à un vêtement de devenir ridicule. […] Et c’est là encore ce qui rend quelquefois la timidité un peu ridicule. […] En d’autres termes, il doublera de quelque ridicule physique le ridicule professionnel.
S’il pensait ce qu’il affirme, il faudrait conclure qu’il tient mon livre pour absurde et ridicule, et je n’y verrais pas d’inconvénient chacun étant libre de ses opinions ; mais si mon volume est absurde et ridicule, comment peut-il écrire, dans le même article, à propos du même ouvrage : « Hélas ! […] Mais pourquoi me prêter des intentions ridicules, comme celle-ci : « On pouvait, dit-il, mettre M.
Les anciens romans sont aujourd’hui ridicules et méprisés dans toute l’Europe, et la satire de ces vaines fictions fait encore la gloire de l’Espagne : pourquoi ? […] L’éloquence est bien ridicule quand elle est déplacée. […] nos agréables, nos petits-maîtres ne sont-ils pas coiffés exactement comme les moines mendiants de l’ancien régime, qui nous paraissaient alors fort ridicules ? […] Lorsqu’elle parut, le théâtre de Thalie ne pouvait encore s’honorer que du Menteur et des Précieuses ridicules. […] C’est assurément une des plus mauvaises et des plus ridicules scènes de la pièce, quoi qu’en dise l’auteur du Cours de Littérature.
On fit de cette ridicule querelle le sujet de quelques farces. […] On y rencontre par-tout ce vrai comique qui va chercher les ridicules jusques dans les replis du caractère, pour l’exposer ensuite en plein Théatre. […] On y remarque presque à chaque page une affectation ridicule à se servir de termes figurés & nouveaux qu’il croit propres à égayer. […] Cette ridicule platitude plut dans le tems. […] Comment un jeune Empereur, qui après tout avoit de l’esprit & des talens, peut-il être représenté par un vieux financier ridicule, qui donne à dîner à des parasites plus ridicules encore, & qui parle avec autant d’ignorance & de sottise, que le Bourgeois Gentilhomme de Moliere ?
S’il s’attaque à des gens moyens, ni ridicules ni surprenants, mais simples, naturels et vertueux, le romancier anglais ne parvient à Créer que de pâles ombres sans vie, de paroles banales, d’actes insignifiants et qui restent ternes et nuls d’un bout à l’autre du livre. […] D’autre part, pour que l’image soit une caricature, il faut qu’elle éveille par elle-même le sentiment de dérision ou d’aversion que l’artiste désire susciter, souvent à propos de gens qui ne sont ni ridicules, ni haïssables ; il faut donc que la représentation de ces gens qui doit être véridique, soit en même temps déformée, de telle sorte qu’elle force par elle-même à formuler le jugement que l’artiste entend suggérer. […] Ceux-ci ont pour premier devoir d’outrer de telle sorte les déformations ridicules qu’ils s’imposent de trouver que le jugement du spectateur ne puisse s’y tromper. […] Dans Nicolas Nickleby, le vieux commis Newman Noggs est assurément ridicule, sans qu’on oublie jamais qu’en cet être bizarre on a affaire à quelqu’un de bon et d’honnête. […] Ce sera de l’art caricatural, et c’est l’art de Dickens dans la plupart des livres dans lesquels, on sait avec quelle outrance, il déverse sans cesse le ridicule, l’aversion, la haine, la faveur, la bienveillance sur les personnages qui les peuplent.
Le public ne sçut point du tout gré à l’auteur d’avoir eu cette attention, & le traita de ridicule, comme les autres, pour avoir osé innover. […] Cette bisarrerie & cette bigarrure rendirent l’innovation encore plus ridicule. […] Un cas, disent-ils, où il seroit ridicule de changer la manière usitée d’écrire, c’est lorsque des mots, ayant un même son, ont pourtant une signification opposée, comme poids, poix & pois, ville, & vile, qui sont toutes choses différentes. […] Il est ridicule que des gens instruits d’ailleurs se fassent un crime de la moindre faute contre la prosodie Grecque & Latine, & qu’ils négligent la prosodie Françoise.
En voici qui ne se suivent pas et qui sont très belles, et en voici qui se suivent et qui sont ridicules. » Telle fut, dans sa pauvreté, la thèse de M. […] Brunetière déclare le conseil sans portée, et, pour montrer qu’une métaphore suivie peut être ridicule, il cite celle que Molière met plaisamment dans la bouche de Trissotin : Pour cette grande faim qu’à mes yeux on expose, Un seul plat de huit vers me semble peu de chose, Et je pense qu’ici je ne ferai pas mal De joindre à l’épigramme ou bien au madrigal Le ragoût d’un sonnet, qui, chez une princesse, A passé pour avoir quelque délicatesse. […] Brunetière, une métaphore très bien suivie et qui est parfaitement ridicule. » M. […] Brunetière, une métaphore qui ne se suit pas, celle-là, mais qui n’est pas moins ridicule : « Si ceux qui ont écrit contre lui avaient eu son galon et en même temps l’honneur et les charges, à coup sûr leur plume aurait changé de direction et, au lieu de distiller du fiel, elle aurait applaudi des deux mains47. » Mais voici d’autres singularités de M.
Il est des esprits constitués du regard pour voir, sinon exclusivement, du moins de préférence, le ridicule, la grimace, la petitesse, la bêtise dans la méchanceté, le grotesque dans la bassesse, — qui n’en diminue pas l’odieux, allez ! […] Auguste Vitu écrirait d’une manière charmante, très piquante, et pour le moment très utile, l’histoire comique de cette Révolution dont on nous a dit les horreurs et les infamies, mais dont les ridicules, perdus dans les horreurs, sont moins connus. Vitu vient d’en ramasser, avec tant d’à-propos, quelques-uns, en ces pages tout à la fois corsées et légères, d’une érudition si peu attendue et si exacte, qu’il nous ferait grandement plaisir de les ramasser tous et d’entreprendre, à ce point de vue nouveau du ridicule, une histoire de la Révolution française. […] Auguste Vitu est naturellement allé à l’homme qui a le plus été frappé des ridicules de la Révolution et qui s’en est le plus moqué, avec la verve, l’ironie et l’aristocratique impertinence de Voltaire, lui aussi un voltairien de l’autre bord que l’histoire, qui n’en a fait jamais d’autre, oubliait, et que Vitu nous restitue.
Il devient spectateur d’une guerre ridicule, qui l’amuse fort. […] Fontenelle a dit de lui-même qu’il ne lui étoit jamais arrivé de jetter le moindre ridicule sur la plus petite vertu. […] parce que, dès qu’on s’écarte un tant soit peu de l’uniformité, l’infraction marque, & le ridicule naît. […] A Paris, l’homme est noyé dans la foule, & le ridicule devient imperceptible. […] L’on rit, il est vrai : mais il n’y a rien de si sacré qu’on ne puisse tourner en ridicule(60).
Gresset, Piron et Destouches ne se sont point proposé des sujets de pure invention et comme en l’air ; ils ont eu en vue même dans ces portraits généraux, quelque travers, quelque ridicule, qui passait alors non loin d’eux à portée du rire. […] Est-ce là, de près ou de loin, un ridicule, un vice du jour ? […] Mais ce que nous voudrions surtout suggérer à un talent aussi net et aussi naturel d’expression, aussi tourné par vocation, ce semble, aux choses de théâtre, ce serait d’agrandir, avant tout, le champ de son observation, non pas de vieillir (cela se fait tout seul et sans qu’on se le dise), mais de vivre, de se répandre hors du cercle de ses jeunes contemporains, de voir le monde étendu, confus, de tout rang, le monde actuel tel qu’il est, de le voir, non pas à titre de jeune auteur déjà en vue soi-même, mais d’une manière plus humble, plus sûre, plus favorable au coup d’œil, et comme quelqu’un de la foule ; c’est le meilleur moyen d’en sortir ensuite avec son butin, et de dire un jour à quelque ridicule, à quelque vice pris sur le fait : Le voilà !
Qu’on ne l’accuse point de malignité : il est si naturel à un esprit droit & juste, à un cœur ferme & généreux, d’éprouver les mouvemens du dépit, à la vue des usurpations ; le zele pour la gloire des Lettres & les intérêts de l’équité est si prompt à s’enflammer contre des injustices absurdes & multipliées, que l’esprit vient comme de lui-même au secours de la raison outragée ; & du mélange de sa vivacité unie à la sensibilité du cœur, naissent ces traits vigoureux qui impriment tantôt le ridicule, tantôt l’opprobre sur les travers ou sur les vices. […] Et quoi de plus ridicule, que de reprocher à un Poëte satirique, didactique ou héroï-comique, de n’en avoir pas mis dans ses Ouvrages ? […] Finissons cet article, en déclarant encore à tous les Aristarques du nouveau Monde Littéraire, que, malgré leurs efforts, leurs Dissertations, leurs Sentences, leurs Satires, Despréaux n’en sera pas moins celui de tous nos Poëtes dont on a retenu & dont on citera toujours le plus de vers ; celui qui, le premier, a déployé les richesses de notre Langue, & qui l’a portée, par ses Ouvrages, au degré d’estime où elle est parvenue depuis ; celui qui a fait le plus régner le bon goût, & a le plus fortement attaqué le mauvais ; celui qui a su le mieux réunir l’exactitude de la méthode & la vivacité de l’imagination ; le sel de la bonne plaisanterie, & le respect dû à la Religion & aux mœurs ; l’art de lancer le ridicule, & celui de louer avec délicatesse ; le talent d’imiter, en paroissant original ; la distinction unique d’être tout à la fois Législateur & Modele ; &, pour tout dire enfin, il ajoutera à tous ces genres de gloire, ce qui donne le plus de droit aux hommages de la vertu, les qualités du cœur. […] Plan, ordonnance, action, caracteres, comique, dialogue, style, versification, tout y annonce un Peintre habile à saisir les nuances du ridicule, & à le présenter dans un jour propre à le faire ressortir.
Ses tableaux des différens vices, des divers ridicules des hommes sont si vrais qu’on y reconnoît les originaux de tous les pays. […] Il ne faut pas confondre ce Dictionnaire philosophique, avec un autre publié sous le même titre, & dans lequel on ne s’est attaché qu’à détruire la Religion ou à la rendre ridicule. […] On a trouvé depuis environ cent ans un nouveau moyen de nous faire connoître nos ridicules ; c’est d’en mettre la satyre dans la bouche d’un étranger qu’on fait voyager en France. […] Mais à ce défaut près, qui n’est pas peu de chose, on y lit de bonnes tirades contre les vices & les ridicules des François & des Anglois.
De là l’emphase et les grands mots, et les citations des anciens, et la magnificence du style portée dans des affaires pour lesquelles, sous peine d’être ridicule, il fallait le style du monde le plus simple. […] De là, souvent notre espèce d’incrédulité pour les mouvements extraordinaires et passionnés de l’âme ; de là, surtout, dans l’éloquence comme au théâtre, cette facilité à saisir les petites teintes de ridicule qu’une circonstance étrangère mêle quelquefois aux grandes choses, et qui, surtout, sont si voisines du pathétique que l’on cherche. […] Le théâtre, dans une farce d’un grand homme66, nous en a conservé la peinture ; et si on excepte le degré d’exagération théâtrale qu’il faut toujours pour que la fiction produise l’effet de la vérité, et que le ridicule soit en saillie, les portraits étaient ressemblants. […] Le goût punit par le ridicule ceux qui s’écartent de ses lois ; la société perfectionnée achève de l’étendre. […] L’éloquence du barreau acquit de l’ordre, de la justesse, de la pureté dans son langage, plus de précision dans ses raisonnements, mais elle ne put acquérir cette force, qui est ridicule quand elle n’est que dans les mots, qui, pour se communiquer, doit être imprimée à la pensée, et ne peut jamais l’être que par la chose même et l’importance générale de l’objet.
Le peuple se moque du peuple tant qu’il n’a point reçu l’éducation de la liberté, et l’on n’aurait fait que se rendre ridicule en France si, même avec des idées fortes, on eût voulu s’affranchir du ton qui était dicté par l’ascendant de la première classe. […] Mais la société, c’est-à-dire, des rapports sans but, des égards sans subordination, un théâtre où l’on appréciait le mérite par les données les plus étrangères à sa véritable valeur ; la société, dis-je, en France, avait créé cette puissance du ridicule que l’homme le plus supérieur n’aurait pu braver. […] La nature a créé des remèdes aux grandes douleurs de l’homme ; le génie est de force avec l’adversité, l’ambition avec les périls ; la vertu avec la calomnie ; mais le ridicule peut s’insinuer dans la vie, s’attacher aux qualités même, et les miner sourdement à leur insu. […] Cette tyrannie du ridicule qui caractérisait éminemment les dernières années de l’ancien régime, après avoir poli le goût, finissait par user la force ; et la littérature s’en serait nécessairement ressentie. […] On se plaindra de la faiblesse de l’esprit humain qui s’attache à telle expression déplacée, au lieu de s’occuper uniquement de ce qui est vraiment essentiel ; mais dans les plus violentes situations de la vie, au moment même de périr, on a vu plusieurs fois qu’un incident ridicule pouvait distraire les hommes de leur propre malheur.
Aujourd’hui que les ridicules qui en sont l’objet ont été remplacés par des ridicules d’une autre espece, ses plaisanteries ont perdu tout leur sel, faute d’application.
Nous venons de passer en revue une nombreuse société qui n’est pas moins en opposition avec celle de la cour qu’avec les précieuses ridicules de la ville. […] Elle partagea avec Molière l’honneur de faire tomber les affectations et tous les ridicules de la préciosité ; triomphe qui ne fut ni long ni difficile à obtenir ; car les précieuses avaient commencé en 1651, et, Boileau disait déjà, en 1677, en parlant d’une précieuse : reste de ces esprits jadis si renommés, que Molière a diffamés. […] Je suis dans la persuasion que la bonne compagnie aurait suffi pour purger la société des affectations ridicules, et que sans elle la France aurait conservé longtemps encore une grossièreté de langage que Molière protégeait comme naïveté et franchise.
Il est malheureux pour lui d’avoir introduit dans un Ouvrage grammatical un jargon philosophique, ridicule dans presque tous nos Ecrits modernes, & plus encore dans un Livre élémentaire. […] Quand on donne des préceptes de langage, il faut bien se garder d’avoir soi-même un langage qui prête à la censure & au ridicule.
Les ennemis de la poësie, ridicules échos de Platon, voudroient qu’on la bannît totalement. […] Ils l’accusent de jetter du ridicule sur la vertu, de mettre en maximes les réflexions les plus détestables, de traiter le plus souvent des sujets licencieux, d’attaquer les réputations les mieux établies, d’être un cloaque dont l’infection se répand partout. […] On voyoit, sous la figure de cette dernière déesse, des visages, qui, malgré toute la flatterie de l’art, n’auroient pas été admis aux moindres emplois à la cour d’Amathonte : des hommes même avoient ce ridicule. […] Un troisième ridicule, qui subsiste encore de nos jours, c’est celui de se faire peindre en paysan, en viéleur, en marmotte, en nourrice, en savoyarde, en sœur du pot, &c. […] Cela lui donnoit souvent des ridicules.
Cet homme de lettres est leur oracle et leur conseil ; ils sont l’écho de ses décisions ridicules. […] Peut-être deviendra-t-il enfin si ridicule, que nos auteurs se trouveront plus ridicules encore de l’avoir adopté, et qu’ils en reviendront au vrai et au simple. […] Ce n’est point à toute cette ostentation si ridicule et si inutile que l’on doit la réussite d’un ouvrage. […] Et pourquoi est-il plus permis d’outrager un homme de lettres qui honore la nation, que de rendre ridicule un homme en place qui avilit a sienne ? […] Un d’entre eux tournait en ridicule la délicatesse excessive d’un écrivain célèbre qui avait témoigné un chagrin (trop grand sans doute) de quelques satires publiées contre lui : l’écrivain célèbre fit une chanson où l’homme en place était effleuré très légèrement.
Et puis ces jugements à crans sont si ridicules. […] Elles y seraient d’ailleurs ridicules. […] Dans L’Adorée, roman, il analysait la jalousie ridicule et imméritée qu’inspire une jolie femme à un mari détraqué. […] Et alors scrupules, inquiétudes rétrospectives, ridicules des enquêtes, idée fixe dégénérant en folie.
Vous croyez que la vertu se tient lieu de digne et de suffisante récompense, mais qu’elle accepte la gloire sans l’exiger ; que la gloire n’est pas tant une dette dont s’acquitte le public, qu’un aveu de ce qu’il doit, et tout ensemble une protestation qu’il est solvable. » Plusieurs trouveront les conversations rappelées par Balzac d’une gravité qui va jusqu’au ridicule ; les sujets qu’elles traitaient seraient ridicules, sans doute, dans la société d’une bourgeoise de petite fortune qui aurait à soigner elle-même son ménage et ses enfants. Ils seraient ridicules dans les entretiens d’une femme sans esprit, sans jugement, qui aurait la vanité de faire la savante. Ils seraient ridicules dans un pays où tous les esprits seraient tendus aux affaires publiques, soit par la nature de la constitution, soit par une révolution flagrante, ou récente, ou imminente.
De plaisanter les grands il ne fit point scrupule, Sans qu’ils le prissent de travers ; Il fut vieux & galant, sans être ridicule ; Et s’enrichit à composer des vers. […] On voulut lui donner des ridicules, parce qu’il avoit un bon carosse & qu’il faisoit bonne chère, qu’il fréquentoit les grands & les princes. […] Ils ne voyoient pas combien il est ridicule de comparer un homme amoureux à un homme pestiféré.
Quoi de plus ridicule que cette supposition d’un lion amoureux d’une jeune fille, de l’entrevue du lion et du beau-père de ce lion, qui se laisse limer les dents ? […] Esope met une corneille au lieu d’un geai : la corneille valait mieux, attendu qu’elle est toute noire ; sa fantaisie de se parer des plumes du paon n’en était que plus ridicule, et sa prétention plus absurde. […] Ce ridicule se trouve dans les histoires ancienne et romaine de Rollin.
Ces spectacles, qui nous paroissent avec raison si ridicules & si contraires au goût, n’étoient pas tels aux yeux de nos Ancêtres. […] De-là naquirent l’intérêt sordide, les faux airs & les ridicules de toute espèce. […] Il ne chercha point à exciter le rire de la malignité en faisant la satire du vice ou du ridicule ; il voulut seulement intéresser le cœur, en nous peignant ses foiblesses. […] De quels ridicules arrêteront-ils le cours ? […] N’est-il pas aussi plaisant que ridicule, de les entendre, on ne dit pas se comparer modestement à Corneille, à Racine, à Molière, mais se mettre hardiment au-dessus d’eux ?
C’est que ce goût de la métaphore — si ridicule parfois, — était alors en Europe universel. […] Ces âmes tourmentées de l’amour divin en inventèrent d’extraordinaires, et qui finirent bientôt par atteindre le ridicule et l’absurde. […] On comprend que, au xviie siècle, à l’époque où le goût du gros comique allait jusqu’à travestir la Passion de Notre-Seigneur en vers burlesques (1649), on se soit moqué de ces titres ridicules chers aux dévots. […] D’ailleurs, vers la même époque, du genre mystique et religieux, cette habitude de prendre des titres allégoriques s’étendit, sans que cela parût le moins du monde ridicule, à des livres de toute espèce. […] Là encore subsiste l’habitude des sous-titres qui autrement est devenue bien ridicule par l’abus qu’on en fit.
On sait que le sel & la vivacité de cette plaisanterie contribuerent, autant que les armes d’Henri IV, à porter les derniers coups aux extravagances de la Ligue, en la couvrant de ridicule. […] Moliere, il est vrai, eut aussi la gloire de corriger les Marquis ridicules & les Femmes savantes de son Siecle ; mais ces manies se sont reproduites sous d’autres formes.
Il en est de même de sa Rome ridicule, où l’on rencontre des morceaux agréables. […] Les travers & les ridicules peuvent fournir matiere à la plaisanterie, mais l’infortune doit au moins trouver grace devant une ame honnête.
Une société dans laquelle un élément aussi essentiel et aussi répété que le sot, est changé à ce point, ne peut plus supporter ni le même ridicule, ni le même pathétique. […] L’homme par lui-même est peu digne d’enthousiasme : sa coopération probable à l’infâme Beacon ; anecdote ridicule du verre dans lequel George IV avait bu. […] Les vers italiens et anglais permettent de tout dire ; le vers alexandrin seul, fait pour une cour dédaigneuse, en a tous les ridicules.
Ce qui décrédite dans cet ouvrage les paroles dirigées contre les précieuses, ce sont des in décences pires que les plus ridicules affectations. […] Molière, soutenu de ces autorités, donna bientôt La Critique de l’École des femmes, c’est-à-dire mit en scène et livra au ridicule les censures qui avaient été faites de sa pièce, dont il aggrava les indécences, se targuant de l’approbation de la cour. […] « Je ne vois, dit l’auteur de la pièce, rien de si ridicule que cette délicatesse d’honneur qui prend tout en mauvaise part, donne un sens criminel aux plus innocentes paroles, et s’offense de l’ombre des choses.
Cet avocat, né avec un sens droit, un esprit clair & juste, avec une passion forte pour la vérité, sentit qu’elle étoit continuellement étouffée par un étalage ridicule de paroles inutiles & pompeuses. […] Le fond de la cause la plus claire disparoissoit sous cet entassement ridicule de compilations de toute espèce*. […] Il seroit aisé de la lui rendre, quelques rares que soient les talens supérieurs, si les avocats redoubloient de délicatesse sur l’honneur, sur les bienséances, sur l’attention à ne tourner en ridicule & à ne diffamer personne ; s’ils ne s’injurioient point, comme il est de règle, à haute voix, pendant que les juges sont aux opinions ; s’ils ne se chargeoient pas indifféremment de toutes sortes de procès*.
Les seuls petits événements, ridicules pour les salons, mais qui ont de la portée au dehors, au moins comme symptômes, ce sont les brochures qui éclosent autour de M. de Lamartine : il a ses publicistes à lui, qui le démontrent à la foule (comme nous-même l’avons démontré poëte il y a quinze ans) ; on le démontre réformateur et politique, philosophe, — révélateur. […] C'est ridicule ; oui, mais M.
La ridicule contexture des événemens, l’inconséquence des caracteres, les contradictions perpétuelles dans l’intérêt & les sentimens, l’ont fait reléguer dans la classe des monstres tragiques qui, après avoir hurlé quelque temps sur la Scene, vont se cacher pour toujours. […] On a compris qu’un Roi imbécille, sottement disposé à croire le premier qui lui parle ; qu’une Princesse indéfinissable, occupée sans cesse à gémir & à hésiter ; qu’un Amant enthousiaste qui ne sait ni ce qu’il dit ni ce qu’il fait ; que des Prêtres en délire qui ne se rencontrent que pour disputer & s’injurier ; que des incidens accumulés sans vraisemblance & sans nécessité ; que des Scenes déclamatoires absolument décousues, étoient le comble du ridicule.
Comment le ridicule ne fustige-t-il pas de pareils écrivains, et par quelle concession un journal qui se respecte leur ouvre-t-il ses colonnes à grands fracas ? […] Ce roman de Balzac était annoncé, il y a quelques jours, dans les Débats, par une lettre de l’auteur, la plus amphigourique, la plus affectée et la plus ridicule qui se puisse lire, tout cela afin de mettre en goût le public.
On étoit alors si peu accoutumé à voir tourner en ridicule les objets les plus graves, à trouver dans les Livres des Satires si mordantes & si libres, des entretiens si licencieux & si orduriers, que la hardiesse qui enfanta cette singuliere & extravagante Production, en grossit le mérite aux yeux même de ceux qui l’eussent condamnée avec sévérité, en conservant leur sang froid. […] Nous n’ignorons pas que les Admirateurs de Rabelais ont prétendu excuser le défaut de plan, de méthode, de suite, de raison, qui choque dans tout son Livre, en croyant trouver dans ses peintures une censure allégorique des mœurs, des usages & des ridicules de son temps ; qu’ils ont vanté avec complaisance certains traits ingénieux qui y pétillent par intervalle ; qu’il n’est pas même jusqu’à son verbiage qui ne leur paroisse mystérieux, & tendre à des allusions, dont leur sagacité regrette de ne pouvoir expliquer l’objet.
Si quelque heureux génie eût jeté sur la manie philosophique le même ridicule que cet Auteur répandit sur l'érudition pédantesque, les Philosophes auroient déjà disparu, comme les Commentateurs. […] On y voit la présomption & les extravagances, dont l'excès & le ridicule devroient corriger ceux qui prétendent s'élever au dessus des autres par leur savoir, & qui se mettent au dessous par leur déraison.
Il dit : Mon ordre, mon cordon bleu ; il l’étale ou il le cache par ostentation ; un Pamphile, en un mot, veut être grand ; il croit l’être, il ne l’est pas, il est d’après un grand. » Puis vient Saint-Simon, qui profite beaucoup du journal de Dangeau pour établir ses mémoires, pour en fixer bien des faits et en rajuster des souvenirs, mais qui se moque constamment et de l’œuvre et du personnage ; il achève de nous peindre Dangeau en charge, en caricature, tant il donne de relief à ses ridicules et tant il efface ses bonnes qualités : C’était le meilleur homme du monde, dit-il, mais à qui la tête avait tourné d’être seigneur ; cela l’avait chamarré de ridicules, et Mme de Montespan avait fort plaisamment, mais très véritablement dit de lui qu’on ne pouvait s’empêcher de l’aimer ni de s’en moquer. […] Quels que soient d’ailleurs les points de supériorité de Saint-Simon sur Dangeau, et qui sautent aux yeux, il en est sur lesquels il a aussi ses ridicules et ses travers. […] Ils n’ont pas eu de peine à montrer que Saint-Simon exagère, en les résumant, les défauts du personnage ; nos jeunes auteurs vont trop loin toutefois quand ils font de Saint-Simon un ennemi de Dangeau : on n’est pas ennemi de ceux dont on voit les ridicules, et le seul tort de Saint-Simon est de trop voir et d’être doué par la nature d’un organe qui est comme un verre grossissant, et d’une parole de feu irrésistible : de là tant de portraits ressemblants, outrés, vrais à les bien entendre, et en tout cas ineffaçables. […] Tout cela n’était pas si ridicule, et Duclos, le mordant esprit, parle ici de cette institution, trop tôt déchue, d’un ton reconnaissant, — Enfin, c’était aussi une idée d’homme de lettres chez Dangeau que de tenir registre chaque soir de tout ce qu’il avait vu dans la journée, sans y manquer jamais, et en comblant soigneusement les lacunes quand il faisait de rares absences.
Il est si obtus que, voulant se déclarer à une femme jeune, spirituelle, nullement dévote, éminemment « laïque », il y emploie le style des Manuels de piété et ne conçoit pas ce qu’un tel langage, appliqué à une telle matière, doit avoir nécessairement, pour cette jeune femme, de répugnant et de souverainement ridicule. […] Worms a sauvé Tartuffe du ridicule. […] Il est encore plus éloigné d’employer, pour la flatter et la séduire, le jargon de la dévotion ; ce n’est point par habitude qu’il le parle, mais avec dessein, et selon qu’il lui est utile, et jamais quand il ne servirait qu’à le rendre très ridicule. […] (Au surplus, des traits que nous jugeons grossiers et ridicules pouvaient fort bien toucher un bourgeois qui, sans doute, comme beaucoup de ses contemporains, lisait encore régulièrement la Vie des Saints. […] Lors donc que Tartuffe expose à Elmire le « truc » de la direction d’intention, elle a beau n’être qu’une assez faible chrétienne, ces discours ne sont point de l’hébreu pour elle ; elle a du moins entendu parler de ces choses, et elle peut estimer Tartuffe cynique, mais non point extravagant ni ridicule.
Sganarelle, c’est le bourgeois ridicule, c’est le bourgeois enrichi. […] Molière a vu de l’homme, ses ridicules plutôt que ses vices. […] Vous dites que le Misanthrope est ridicule, et vous vous écriez : « Voilà donc la vertu ridicule ! » Vous vous trompez, la vertu d’Alceste n’est pas ridicule. […] Non, encore une fois, Molière n’a jamais eu l’intention de vouer au ridicule la vertu d’Alceste, pas plus qu’il n’a eu l’intention de rendre ridicule la probité commerciale de M.
Car vous êtes ridicule. […] Vous ne voulez pas être ridicule. […] Ou plutôt le ridicule n’existe pas chez eux ; j’entends le ridicule français, celui qui consiste à ne pas se conformer à l’usage établi. […] Tout cela est absurde et ridicule. Il faut que j’en montre le ridicule et l’absurdité !
M. de Molière fit un prologue en marquis ridicule qui voulait être sur le théâtre, malgré les gardes, et eut une conversation risible avec une actrice, qui fit la marquise ridicule, placée au milieu de l’assemblée. » Ainsi, non seulement les deux troupes qui se partagèrent la salle du Petit-Bourbon, à l’époque où Molière revint s’installer à Paris, avaient dans leur répertoire les mêmes œuvres, mais encore la méthode artistique des uns était fréquemment employée par les autres. […] « Il contrefaisait d’abord les marquis avec le masque de Mascarille, dit un des interlocuteurs de La Vengeance des Marquis 42 ; il n’osait les jouer autrement, mais à la fin il nous a fait voir qu’il avait le visage assez plaisant pour représenter sans masque un personnage ridicule. » Il faut entendre ces mots en ce sens que Molière, la première fois qu’il contrefit les marquis, dans Les Précieuses ridicules, eut recours au travestissement de Mascarille, le valet de L’Étourdi et du Dépit amoureux, rôles qu’il aurait joués avec le masque, suivant l’étymologie du nom (maschera, mascarilla). […] Peu après le départ des Italiens, le 18 novembre, les Français représentèrent au Petit-Bourbon Les Précieuses ridicules. Les Italiens avaient, paraît-il, effleuré ce sujet : « Molière, dit l’auteur des Nouvelles nouvelles, eut recours aux Italiens ses bons amis, et accommoda au théâtre français les Précieuses qui avaient été jouées sur le leur et qui leur avaient été données par un abbé des plus galants (l’abbé de Pure). » Malgré cette affirmation, il nous paraît fort peu vraisemblable que les Italiens eussent pu faire la satire du ridicule que la pièce nouvelle attaquait et qui git principalement dans le langage.
L’imitation est la souillure inévitable et terrible qui guette les livres trop heureux : ce qui était original et frais semble une collection ridicule d’oiseaux empaillés ; les images nouvelles sont devenues des clichés. […] En somme, puisqu’il s’agit de littérature, il y a des images qui sont belles ; il y en a qui sont laides ; il y en a de délicates et de vulgaires ; il en a que leur nouveauté ne sauve pas d’être ridicules ; il y en a d’immortellement jolies. […] Les clichés définitifs, en effet, avant de mourir dans l’abstraction, passent par la phase du ridicule. […] L’étude des clichés donnerait d’analogues résultats, mais plus curieux encore et bien plus concluants, parce que les exemples seraient innombrables de ces images jadis charmantes et qui ont aujourd’hui le ridicule des vieux visages fardés. […] Ce dernier cliché, ridicule pour celui qui « voit » les images écrites par les paroles, est tout à fait abstrait pour ceux qui l’emploient ; c’est un juron ; il est abstrait comme un juron et signifie, non pas les mots qu’il contient, mais la colère de celui qui profère les mots.
Si l’on retrouve quelque part ce dernier, son enjoûment, son aimable désordre, ses bouffonneries, ses transperçans & cyniques, c’est sur le théatre de notre comédie Italienne ou sur celui de la Foire ; théâtres de tout temps en possession de relever les ridicules célèbres, de contrefaire la figure, la voix, les gestes, les manières de ceux qu’on juge devoir être l’objet de l’amusement du public. […] Ce qui perdit celui-ci, ce fut moins sa philosophie huée sur le théâtre, ce furent moins ses maximes tournées en ridicule, que sa façon libre de s’expliquer sur la religion & sur le gouvernement de son pays. […] De combien de ridicules ne fut-il pas couvert sous le nom de M. de la Rimaille ?
Car autant le piano d’Érard contient de mélodies odieuses, autant cette petite tête si mignonne, si bien faite et doucement abritée sous cette forêt blonde et bouclée, contiendra, à coup sûr, de scènes ridicules, insupportables ! […] Mais le ridicule qui est quelque part, il faut l’y voir, l’en tirer avec grâce et d’une manière qui plaise et qui instruise. » Il disait aussi, et l’on croirait entendre Molière, mais un Molière plus correct et plus châtié : « Le philosophe consume sa vie à observer les hommes, et il use son esprit à en démêler les vices et les ridicules. […] J’enrage de voir de ces gens qui se conduisent en ridicules, malgré leur qualité ; de ces gens qui décident toujours et parlent hardiment de toutes choses, sans s’y connaître ; qui dans une comédie se récrieront aux méchants endroits et ne branleront pas à ceux qui sont bons… Eh ! […] Vous avez aussi dans L’Impromptu un méchant poète, un marquis ridicule, un homme raisonnable comme Philinte. […] On venait leur apporter, des plus beaux salons, toutes sortes de petits ridicules frais éclos, dont ces messieurs et surtout ces dames faisaient leur profit immédiat.
Cladel, Léon (1834-1892) [Bibliographie] Les Martyrs ridicules, avec une préface de Baudelaire (1862) Le Bouscassié, nouvelles (1869). — La Fête votive de Saint-Bartholomé-Porte-Glaive (1872). — Les Va-nu-pieds (1873). — L’Homme de la Croix-aux-Bœufs (1878). — Mon ami le sergent de ville (1878). — Bonshommes (1879). — Ompdrailles ou le Tombeau des lutteurs (1879). — Par-devant notaire (1880). — Crête-Rouge (1880). — Eaux-fortes (1881). — L’Amour romantique (1882) […] [Préface aux Martyrs ridicules (1862).]
Nommer Despréaux Desvipéreaux, lui reprocher d’avoir fait servir des alouettes au mois de juin dans son Repas ridicule, glorifier Pelletier de recevoir chaque jour vingt-cinq personnes à sa table, traiter l’auteur des Satires de « bouffon » et de « faussaire », ou de « jeune dogue » qui aboie autour de lui, et lui dire agréablement qu’il ne fait rien « que les mouches ne fassent sur les glaces les plus nettes », le menacer du bâton ou faire entendre que les cotrets ont déjà pris le contact de ses épaules, trouver dans ses vers des insultes au parlement, à la cour, au clergé, au roi, et un athéisme digne du sort de Vanini, le reprendre tantôt d’user « de quolibets des carrefours, de déclamations du Pont-Neuf qui ne peuvent être souffertes que dans un impromptu de corps de garde », et tantôt de piller Horace, Juvénal ou Molière : voilà ce que la rancune venimeuse des victimes de Boileau invente pour le confondre. […] Pradon, éclairé par sa rancune, voit même quelque chose de plus : il caractérise assez bien la poésie de Boileau, lorsqu’il lui donne « la force des vers et la nouveauté des expressions », lorsqu’il lui reproche de manquer de verve et d’imagination, et de séduire le public par des « vers frappants » semés de place en place, lorsqu’il dit de la description du Repas ridicule : « C’est le fort de l’auteur, quand il a de ces peintures-là à faire. » Je n’ai pas dit autre chose au chapitre précédent. […] et doutons-nous qu’il condamne Chapelain pour sa dureté laborieuse, Scudéry pour sa fécondité stérile, Quinault pour sa fade tendresse, et les romans pour le ridicule travestissement de l’antiquité ? […] Du jour où Boileau marqua le but, ils furent coupables de tâtonner et de dévier ; comme il avait trouvé, ils étaient ridicules de chercher encore.
Mais cela ne nous sauve point, paraît-il, d’avoir été ridicule. […] Cette opinion peut paraître ridicule à certaines gens ; mais elle est partagée par des personnes qui ne sont pas ridicules et qui en valent d’autres. […] Il y a bien, en effet, quelque difficulté et même un peu de ridicule à vouloir toujours proclamer la supériorité de l’inspiration pure et simple sur le travail, quand on voit Pascal recommencer treize fois une de ses Provinciales et refaire souvent cinq fois le même morceau.
Quiconque s’isole s’expose au ridicule, parce que le comique est fait, en grande partie, de cet isolement même. […] Si curieux que le poète comique puisse être des ridicules de la nature humaine, il n’ira pas, je pense, jusqu’à chercher les siens propres. […] Il est difficile de dire à quel moment précis le souci de devenir modeste se sépare de la crainte de devenir ridicule. […] Une étude complète des illusions de la vanité, et du ridicule qui s’y attache, éclairerait d’un jour singulier la théorie du rire. […] Lors même que la liste pourrait être dressée des ridicules connus, la comédie se chargerait de l’allonger, non pas sans doute en créant des ridicules de pure fantaisie, mais en démêlant des directions comiques qui avaient passé jusque-là inaperçues : c’est ainsi que l’imagination peut isoler dans le dessin compliqué d’un seul et même tapis des figures toujours nouvelles.
On rit toujours aux Précieuses ridicules : il est convenu qu’on doit rire, et l’on rit, et l’on ne médite pas sur tous les mots. […] Dès la deuxième scène des Précieuses ridicules que voyons-nous ? […] Il est conforme à l’humeur de la comédie de grossir nos ridicules et même de nous en prêter d’invention pour exciter plus sûrement le rire. […] Quand on choque les idées de son temps, ou l’on tombe dans le ridicule, ou l’on devient un tyran pour solenniser le ridicule par la terreur ; ou bien encore on s’expose à être renversé par elles. […] Les Précieuses ridicules, sc.
Inversement le réaliste vous « touche », comme on disait quelquefois au XVIIe siècle, pour ne pas dire tout à fait blesser, ou au moins vous inquiète, quand il peint quelqu’un de ridicule qui pourrait bien être à peu près vous. Que de lecteurs ayant compris que Flaubert se moque d’Homais se sont dit : « Se railler d’un homme parce qu’il est anticlérical, ce n’est pas très fort ; après tout, moi je le suis et je ne suis pas si ridicule. […] Ce n’est pas la mode d’il y a vingt ans qui est ridicule ; c’est celle d’il y a deux ans. Celle d’il y a vingt ans est ancienne, celle d’il y a deux ans date, elle est surannée ; celle d’il y a vingt ans est entrée dans l’histoire ; celle d’il y a deux ans n’est pas entrée dans l’histoire et est sortie de l’usage et son ridicule est de se donner ou d’avoir l’air de se donner comme étant encore dans l’usage alors qu’elle en est sortie. […] Dans ma jeunesse, vingt ans après 1848, Chateaubriand était ridicule.
Laus de Boissy a fait huit ou dix Comedies, dont aucune n’a été jugée digne des honneurs de la représentation ; des Drames, des Proverbes, des Opuscules, des Opéra-comiques, des Contes moraux, & d’autres Ouvrages qui n’eussent jamais vu le jour, s’il ne les eût fait imprimer à ses frais, & qui n’ont servi qu’à le couvrir de ridicule aux yeux de tous ceux qui ont eu la patiente curiosité de les parcourir. […] Laus de Boissy, dit Alethophile *, pourra devenir, sinon un grand défenseur des Auteurs philosophes, du moins un défenseur qui ne les rendra pas si ridicules.
Nous verrons qu’il fut, avec Ménage, des plus empressés à applaudir aux Précieuses ridicules de Molière. […] Remarquons que ces nouvelles recrues en hommes de lettres et en hommes du monde ne déprécient pas plus que les premières l’hôtel de Rambouillet, et n’annoncent pas davantage les ridicules qu’on lui attribue. […] M. le Prince disait de lui : « Si Voiture était de notre condition, on ne le pourrait souffrir. » Je remarque que nous n’avons rien dit encore que de vague et de banal concernant la personne sur qui pèse aujourd’hui le ridicule de la préciosité de mœurs et de langage ; parlons un moment de ses premières années et des premières apparences de son caractère.
L’emploi qu’il faisoit des figures de rhétorique, son affectation à prodiguer l’antithèse & l’hyperbole, son attention ridicule à courir après l’esprit, ses grands mots, ses longues phrases, eussent gâté le plus beau génie. […] Ses défauts doivent toujours le rendre ennuyeux & ridicule ; &, s’il arrive qu’on les lui passe jamais, ce ne sera qu’au retour du mauvais goût & de la barbarie. […] On tournoit en ridicule sa probité rigide & son titre de grand épistolier de France.
Quand un auteur s’est trompé, on le reprend honnêtement ; & lorsqu’il y a du ridicule dans un livre on le tire avec tant de circonspection, que l’écrivain peut seulement se le reprocher à lui-même. […] Ce Journal a pour objet de présenter un tableau des mœurs & des ridicules du siécle. […] Rien de plus ridicule que de prendre un ton empoulé pour annoncer des choses triviales.
Les hommes toujours avides de demêler le ridicule d’autrui, et naturellement desireux d’acquerir toutes les lumieres qui peuvent les autoriser à moins estimer les autres, devroient donc trouver mieux leur compte avec Thalie qu’avec Melpoméne : Thalie est encore plus fertile que Melpoméne en leçons à notre usage. […] Mais la comedie, suivant la définition d’Aristote est l’imitation du ridicule des hommes ; et la tragedie, suivant la signification qu’on donnoit à ce mot, est l’imitation de la vie et du discours des heros ou des hommes sujets par leur élevation aux passions les plus violentes.
Sinon, en voulant y faire reparaître le sens métaphorique, on s’exposerait à parler le langage des Précieuses ridicules. […] Rousseau ont été tournés en ridicule : Et les jeunes zéphirs, de leurs chaudes haleines, Ont fondu l’écorce des eaux. […] Qu’y a-t-il de ridicule dans ce langage ? […] Tout réduire à la métaphore, c’est le procédé des précieux : mais jeter la métaphore au milieu des termes propres, n’est-ce pas scabreux aussi, et souvent ridicule ? […] On le voit par ces vieilles et ridicules locutions : l’aigle de Meaux, le Térence français.
Si, après avoir vu cette théorie absolue dans le livre de Renan, le lecteur ne le ferme pas et continue ce livre, qui n’a plus rien, après cette théorie, à nous apprendre que nous ne devions suspecter, c’est que les choses odieuses qu’on y trouve n’ont pas dégoûté des choses ridicules qui y sont ! III Les choses ridicules y sont, en effet, innombrables. […] Il faut que nous cessions d’être Français, il faut que nous ayons l’esprit… dénationalisé, pour que nous n’ayons pas déjà tué, sous la plus retentissante des moqueries, des ridicules de la taille de ceux que je vais signaler. […] C’est cela qui est exquis (page 260) 1 Autre part, puisque nous parlons des choses ineffablement ridicules, Jésus-Christ a toujours cédé à l’opinion, et c’est pour cela qu’il fut sacrifié. […] IV Eh bien, ces ridicules monstrueux, abjects et imbécilles, car il faut bien enfin appeler les choses par leur vrai nom, n’ont pas appelé le sifflet vengeur d’un bout de la Critique à l’autre bout !
Sa conversation est composée de parenthèses, principal objet de toutes ses phrases ; il voudrait laisser échapper ce qu’il a le plus grand besoin de dire ; il essaye de se montrer fatigué de tout ce qu’il envie ; pour se faire croire à son aise, il tombe dans les manières familières ; il s’y confirme, parce que personne ne compte assez avec lui pour les repousser, et tout ce dont il est flatté dans le monde est un composé du peu d’importance qu’on met à lui, et du soin qu’on a de ménager ses ridicules pour ne pas perdre le plaisir de s’en moquer. […] Le seul vrai ridicule, celui qui naît du contraste avec l’essence des choses, s’attache à leurs efforts : lorsqu’elles s’opposent aux projets, à l’ambition des hommes, elles excitent le vif ressentiment qu’inspire un obstacle inattendu ; si elles se mêlent des intrigues politiques dans leur jeunesse, la modestie doit en souffrir ; si elles sont vieilles, le dégoût qu’elles causent comme femmes, nuit à leur prétention comme homme. […] Celle qui se vouerait à la solution des problèmes d’Euclide, voudrait encore le bonheur attaché aux sentiments qu’on inspire et qu’on éprouve ; et quand elles suivent une carrière qui les en éloigne, leurs regrets douloureux, ou leurs prétentions ridicules prouvent que rien ne peut les dédommager de la destinée pour laquelle leur âme était créée. […] Une femme qui se croit remarquable par la prudence et la mesure de son esprit, et qui n’ayant jamais eu deux idées dans la tête, veut passer pour avoir rejeté tout ce qu’elle n’a jamais compris, une telle femme sort un peu de sa stérilité accoutumée, pour trouver mille ridicules à celle dont l’esprit anime et varie la conversation : et les mères de famille, pensant, avec quelque raison, que les succès mêmes du véritable esprit ne sont pas conformes à la destination des femmes, voient attaquer avec plaisir celles qui en ont obtenu.
Brunetière, les lieux communs s’y dépouillent de ce qu’ils ont de banal, et ne conservent de tout ce que l’on confond sous le nom de banalité que l’universalité seule, pour en ressortir originaux et vrais d’une vérité toute nouvelle. » Mais, dira-t-on, notre expérience est bien petite, et notre prétention ne serait-elle pas ridicule de vouloir réformer les pensées des grands hommes sur les petits événements de la famille et du collège, avec des souvenirs enfantins ? […] Vous vous formerez ainsi un jugement personnel sur le Misanthrope, vous accorderez à Rousseau qu’Alceste est ridicule avec sa vertu, et par sa vertu. […] Vous nierez que la sympathie, l’admiration dont on ne peut se défendre pour Alceste aillent contre le but de l’auteur, et vous reconnaîtrez au contraire que c’est un des plus merveilleux effets du génie de Molière, d’avoir su unir dans un même caractère la sympathie et le ridicule, comme il a su associer dans don Juan la souveraine grâce et l’odieux. Vous conclurez alors que Molière n’a voulu en somme que montrer combien le monde s’accommode peu de la parfaite vertu, qui le gêne, et dont il se venge par le ridicule, et combien aussi l’humaine faiblesse en est peu susceptible, puisque dans la plus belle âme elle s’exagère, s’aigrit et s’attache à des riens.
Celle-ci sans doute se flatte de corriger en riant les mœurs, et pour cela elle ne craint jamais d’étaler les ridicules ; elle se prend même quelquefois aux vices, et elle les produit vivement au grand jour pour leur faire honte. Pourtant la limite entre les ridicules et les vices proprement dits ne saurait se franchir indifféremment, et dans ces vices mêmes tous ne sont pas de telle sorte qu’ils puissent être impunément exposés. […] Ces créanciers du père, introduits à plus d’une reprise auprès du fils comme personnages ridicules et presque odieux, ne méritent en rien, a-t-on observé encore, cette teinte repoussante, par cela seul qu’ils sont des créanciers.
Ridicule délicieux de gens qui avaient oublié de se tâter, comme Sosie, pour voir ce qu’ils étaient ! Mais ce ridicule divertissant de lourdauds qui veulent se lever et qui retombent à chaque fois sur leur derrière, Lessing ne le partagea pas. Il n’attrapa pas la plus légère éclaboussure de ce ridicule incomparable.
La vieille fille de La Famille Percier, qui perd un mari qu’elle adore avec la fureur d’un amour attendu trente-neuf ans, et qui le perd par un de ces dévouements mêlés de faiblesse à une famille qui la tyrannise, est la vieille fille, pur et vieux sang, sublime et ridicule tour à tour. […] Deltuf, le pathétique et le comique se combattent, mais il reste toujours la vieille fille idéale à nous donner, l’être fier et pur qui n’a pas trouvé un cœur digne d’elle et qui a accepté la tristesse du célibat sans en prendre les ridicules. Ce type de grandeur cachée, ce beau sujet à traiter pour un observateur profond, épouvante les écrivains en France, où le ridicule a tant d’empire : or, celui qu’on a jeté sur la position de la vieille fille est si grand et si officiel, qu’ils croiraient peut-être le voir rejaillir jusqu’à eux, s’ils considéraient seulement la vieille fille par les côtés touchants, élevés, héroïques, et voilà pourquoi ils se sont abstenus de la peindre dans la splendeur possible de son isolement désespéré ou courageux.
Il est vrai que la Langue seroit restée dans une barbarie ridicule, si son style avoit servi de modele à ceux qui l'ont suivi ; mais on trouve dans ses Ouvrages une verve qui étonne, & des traits d'esprit, qui, revêtus d'expressions moins baroques, feroient honneur aux meilleurs Poëtes de ce Siecle. […] Ce n'est pas tout, Ronsard égara une foule d'Imitateurs, qui crurent, d'après son exemple, ne pouvoir mériter le suffrage des Lecteurs, qu'en entassant des mots barbares, qu'en étalant une folle érudition, & qu'en s'enveloppant dans un entortillage de pensées ; abus ridicule dont on ne tarda pas à revenir, & que tout esprit censé auroit rejeté avec indignation.
» Si La Bruyère revenait au monde, il serait bien étonné de voir cette religion, dont les grands hommes de son siècle confessaient la beauté et l’excellence, traitée d’infâme, de ridicule, d’absurde. […] Ces vices, dans le siècle de Louis XIV, se composaient avec la religion et la politesse, maintenant ils se mêlent à l’impiété et à la rudesse des formes : ils devaient donc avoir dans le dix-septième siècle des teintes plus fines, des nuances plus délicates ; ils pouvaient être ridicules alors : ils sont odieux aujourd’hui.
Son ridicule crime cérébral mérite d’être sifflé comme la ridicule perversité sensuelle de telles névrosées, muses de ce pauvre Mendès. […] Jean Laurenty est le plus ridicule et le plus fanfaron des bas-bleus. […] C’est plein aussi de détails ridicules. […] Ici, l’héroïne est trop connue pour permettre ces ridicules inventions. […] Et c’est sa misandrie qui la rend ridicule et intéressante.
L’esprit français voulait se mirer lui-même dans les œuvres de l’antiquité, et, comme il n’y trouvait pas son image, il osait, avec une effronterie tout aussi grande dans un camp que dans l’autre, ici les tourner en ridicule, là les façonner violemment à sa ressemblance. […] Quand la troupe de Molière donna Les Précieuses ridicules, la pièce fut jouée avec un applaudissement général, dit Ménage, et il est probable que les gens d’esprit de l’ancien hôtel Rambouillet applaudirent plus haut que tout le monde. […] La religion outrée, crédule, imbécile, mais enfin sincère, traduite en ridicule par un comédien ! […] Molière a montré moins d’indépendance dans la grande comédie qu’un an avant sa mort il fit sur un petit ridicule. […] Mais à l’époque de Molière, ce ridicule existait beaucoup moins dans les maisons bourgeoises que dans la haute aristocratie, où il n’était pas aussi ridicule, puisque le rang et la fortune laissent un loisir dont il semble que les dames elles-mêmes ne sauraient faire un meilleur usage qu’en s’instruisant.
Comment les anciens conservaient-ils si scrupuleusement un usage si sujet au ridicule ? […] On trouve ridicule que l’action tragique soit coupée et suspendue par des sonates de musique instrumentale.
La comédie parut d’abord une satyre publique, injurieuse, licencieuse, bouffonne et outrée, où les personnages étaient nommés sans ménagement, avec les qualifications les plus odieuses et les charges les plus ridicules. […] Elle ne présente pas les hommes comme le jouet du hasard ; mais comme les victimes de leurs vices ou de leurs ridicules ; elle leur présente le miroir, et les fait rougir de leur propre image.
Mars renversé, et couvrant de son corps neuf arpents, Diane donnant des soufflets à Vénus, sont aussi ridicules qu’un ange coupé en deux, et qui se renoue comme un serpent. […] Au reste, il n’est pas tout à fait vrai que les divinités chrétiennes soient ridicules dans les batailles.
Inutile d’ajouter qu’étant très intelligente, elle n’y a nullement été ridicule ; mais enfin, ce n’était pas cela du tout. […] Trissotin, joué par M. de Féraudy, est tout juste ridicule, il l’est à peine. […] L’office du théâtre réaliste est de reproduire des ridicules et de ne point les corriger. […] Il ne se raille pas des ridicules de l’humanité. […] C’est un peu plus ridicule que du Bouchardy ?
L’enthousiasme d’un homme peut aisément être combattu ; l’enthousiasme qui s’empare d’une réunion d’hommes, pour quelque objet que ce soit, brave le ridicule et séduit presque toujours la multitude. Sur ce chapitre du ridicule il a des observations fines et qui sont d’un vrai moraliste. On disait autrefois qu’en France personne ne résistait au ridicule ; cela a bien changé depuis : « Est-ce qu’il y a du ridicule, en effet, quand il n’y a plus de mœurs fixées ? Le ridicule serait aujourd’hui un moyen de succès s’il aidait un homme à sortir de la foule.
Qui ne l’a pas lue, ne peut avoir l’idée de cette incroyable préface ; mais le ridicule a ses droits si sacrés en France que, cette idée, nous voulons vous la donner. […] , ait attaché à la tête de son livre une préface d’un ridicule à le tuer, sur le coup ? […] L’auteur a eu l’héroïsme de son sujet à trente endroits où les écrivains de ce temps auraient pris la fuite comme des pleutres, devant ce moulin à vent du ridicule contre lequel ils ne se battent pas ! Ce sont même les Saints les plus ridicules, les plus bas au regard du monde, qu’il a trouvés et qu’il a posés les plus grands à la lumière de Dieu. […] Avec le génie hardi que je reconnais à Ernest Hello, — dont l’un des beaux chapitres est consacré à saint Joseph de Cupertino, cet homme inouï, incompréhensible comme le mystère de l’Incarnation lui-même ; car il incarne aussi l’esprit de Dieu et sa puissance miraculeuse dans l’imbécillité, la laideur, la maladresse, le ridicule, la maladie, toutes les humiliations et toutes les hontes et tous les dégoûts de l’humanité, — il y a dans l’histoire de l’Église des sujets tentateurs pour une plume aussi catholiquement osée que la sienne.
Pindare, dit-il, sera toujours Pindare ; Homère sera toujours Homère ; & les Chapelain des Chapelain ; les Scudéri des Scudéri : il n’y a guère de ridicules dont il n’ait couvert tous les Perrault. […] ceux de ridicule, d’impertinence, de témérité aveugle, d’ignorance, de folie, d’absurdité, reviennent continuellement. […] Le peuple Romain croyoit à cette métamorphose, & le poëte a suivi la tradition ; ainsi que dans un poëme sur Clovis, il n’y auroit aucun ridicule, selon M. de Voltaire, à parler de notre sainte Ampoule. […] Tant de choses, qu’il dit & qu’il fait, ne nous paroissent si ridicules que parce que nous n’avons aucune idée juste. […] Ce sont ces mêmes anciens & pitoyables romans, que Cervantes, dans celui de Dom Quichotte, a couvert d’un ridicule éternel.
De cette disposition à saisir le ridicule, la comédie tire sa force & ses moyens. […] & quel fléau du ridicule ! […] le misantrope par air est-il moins ridicule que le misantrope par principes ? […] La plûpart des ridicules des grands sont si bien composés, qu’ils sont à peine visibles. […] L’absurde & l’obscene sont à la farce ce que le ridicule est à la comédie.
D’autres qu’elle sont bas-bleus, avec l’aveuglante vanité du genre, les prétentions, l’orgueil déplacé, le ridicule et l’impuissance. […] La critique, sous peine d’être elle-même ridicule, ne peut aller plus loin… On n’analyse point ce qui n’est pas… Au moins, dans les Derniers Abbés, si la classe des abbés n’est pas plus là que celle des marquis dans les Derniers Marquis, il y a une haine et une envie personnelle contre quelqu’un ; mais, chose comique, tristement grotesque comme un tic ! […] Je l’ai dit déjà, ce qui les distingue, c’est leur néant comme œuvre, humaine et littéraire ; c’est cet incompréhensible néant dont les passions, qui ont toute honte bue et tout ridicule bu, n’ont jamais pu les faire sortir. […] Le bas-bleuisme a commencé par être ridicule.
L’ignorance de la cristallisation amoureuse amènerait pareillement un homme grossier à trouver ridicule qu’un amoureux se donne tant de peine pour obtenir d’une certaine femme un plaisir que cent femmes entre lesquelles il peut choisir lui procureraient à l’instant. […] Camille Mauclair écrit des pages pleines de verve sur l’hypocrisie du mariage bourgeois, sur le ridicule d’une journée de noces et l’odieux fréquent de la nuit qui la suit. […] Et Montaigne ne le trouvait ridicule que parce qu’il lui était extérieur. Le mariage, point de départ de la cristallisation sociale, le mariage bourgeois fondé sur l’argent peut être ridicule ou odieux du point de vue de l’amour, du point de vue de l’art, du point de vue de la religion.
Mais tout cela n’est que ridicule ; et il y a pis que du ridicule dans ce déplorable délire du talent, qui trouve des enthousiastes, même des imitateurs, et qui se fait tirer à dix éditions et traduire en onze langues.
Tel est du moins le sentiment des rédacteurs de la revue d’Édimbourg, qui déclarent que ces sorcières barbues sont grotesques, ridicules, intolérables4. […] Trop hideux pour me plaire, ils sont aussi trop ridicules pour m’étonner ; et puisque je n’en puis recevoir aucune sorte d’illusion, me les offrir n’est plus un art, ce n’est qu’un enfantillage. […] S’il veut peindre une âme dépravée, il ose en exposer à nos yeux jusqu’à l’ignoble enveloppe ; et, sauf quelques adoucissements, son Richard III vient de se produire, difforme et terrible, infâme et non ridicule, sur notre théâtre même. […] Ces tournures pénibles font mieux remarquer l’objet ignoble ou vulgaire qu’elles prétendent voiler ; et le ridicule sous-entendu devient plus sensible. […] Les deux vers de l’Art poétique seraient donc moins offensants pour Molière, et plus dignes de l’exactitude de Boileau si on lisait : Dans ce sac ridicule où Scapin l’enveloppe Je ne reconnais plus l’auteur du Misanthrope.
Le reste n'est qu'un Recueil de sentences rimées, & rendues assez exactement dans le goût des Torva Mimalloneis implerunt cornua bombis, dont Perse a si bien fait sentir le ridicule. […] Mais ces morceaux estimables sont absorbés par une monotonie, un appareil emphatique, qui les rendent presque ridicules aux yeux d'un Homme sensé. […] Rien de plus ridicule qu'un Orateur pesamment grave, froidement passionné, qui ne s'échauffe & ne s'anime qu'à l'aide des métaphores, des apostrophes, des exclamations, dont toutes les ressources consistent à enfler les moindres conceptions, à donner un air mystérieux aux idées les plus simples, à surcharger de parure les objets les plus minces.
Sans fin, et plus, s’il se peut : Ce mot, et plus, s’il se peut, est ridicule. […] On ne l’eût point accusé de flatterie ; et il aurait eu la gloire de contribuer peut-être à faire cette réforme dans les cours de quelques souverains, qui conservaient ce ridicule usage. […] Que La Fontaine adopte ce conte ridicule sur Empédocle, on peut le lui passer ; mais comment lui pardonner l’Empédocle de cire ?
Ses ridicules, si elle en a eu, et pourquoi pas ? […] ses ridicules sont noyés dans la gloire, une nappe de lumière bien tranquille. […] Elle est poltronne devant la douleur, poltronne contre l’opinion ; poltronne contre le ridicule, ce fantôme qui s’évanouit quand on marche dessus !
Il a à lui la plaisanterie, qui déshonore le mieux les choses contre qui on l’emploie, et dont, en nous racontant ses pauvretés, ses ridicules et ses vices, il déshonore l’antiquité ! […] Leur éloquence à la Robert-Houdin me transportait dans des courroux véritablement puérils. » (Pourquoi puérils, puisque cette éloquence, qui escamotait la pensée, était fausse, charlatane, saltimbanque, ridicule ? Il n’y a rien de puéril à sentir vivement le ridicule et la fausseté !)
Elle ne l’égaiera pas non plus, malgré les chansons dont elle est ornée et qui ne sont pas assez gaies pour cela… Vaudeville et drame, tout est faible, pâle, inerme, dans ce gros objet qui n’a pas même la force d’être ridicule. Le talent peut être ridicule parfois, cela s’est vu ! […] et Charles de Rémusat a cette correction qui sauve du ridicule, mais qui ne sauve pas de l’ennui… Il faut bien en convenir, son drame est ennuyeux, mortellement ennuyeux !
En eux-mêmes, ils sont risibles, insensés, ridicules. […] Caro a certainement le sentiment des monstrueux sophismes et des monstrueux ridicules dont il s’est avisé de nous tracer l’histoire, mais il l’a dans la proportion de son âme et avec le caractère de son esprit. […] Pour être lu, il a caché tout d’abord la face de ces deux sinistres Pierrots philosophiques, — sinistres, mais amusants pour ceux-là qui se paient de tout avec le ridicule dont ils rient, — prévoyant bien que pour nous amener à ces deux gaillards, inouïs d’extravagance, qui sont, au fond, le but de son livre, il était nécessaire de faire un détour, et il a ouvert son crochet jusqu’aux premiers jours de la création.
En s’occupant avec respect d’un Saint à qui on a fait une petite popularité moqueuse, et, disons-le, presque ridicule, M. Aubineau a montré le courage le plus rare en France : le courage de marcher sur le ridicule, ce fantôme qui, du reste, s’évanouit toujours, le lâche ! […] Assurément, il n’y a pas à faire ici de critique littéraire ; ce serait même ridicule dans un sujet pareil.
Il eut le bonheur de casser bien vite une table de marbre : cet accident, qui lui fit une querelle, le rendit tout entier à la philosophie et aux lettres ; il avait ce tact du ridicule qui tient à un esprit délié et fin, et cette arme légère de la plaisanterie, qui consiste presque toujours à faire contraster les objets, ou en réveillant une grande idée à côté d’une petite chose, ou une petite idée à côté d’une grande. De ce rapprochement ou de ce contraste, naît le ridicule que les peuples simples ignorent, que les peuples à grand caractère méprisent, mais qui est si à la mode chez toutes les nations, dans cette époque où les vices se mêlent aux agréments, et où l’esprit ayant peu de grandes choses à observer, multiplie par le loisir ses idées de détail. […] Il attaqua comme La Bruyère les vices et les ridicules de son temps ; mais moins fort et moins ardent que lui, ayant plutôt cette fleur d’esprit qu’eut dans la suite Fontenelle, avec plus de hardiesse et de saillie dans le caractère, il mêla partout la philosophie à la légèreté, et la satire à la grâce.
Gautier, quand nous traitons de bagatelles triviales le Repas ridicule, les Embarras de Paris et le Lutrin, ou quand nous nous figurons une poésie abstraite et banale, une élégance monotone et sans expression, des vers nus et décharnés, implacablement alignés et coupés à l’hémistiche, pareils à une rangée de mannequins qui seraient tous pliés par le milieu du corps. […] Aussi la poésie de Boileau est-elle précisément dans la partie de son œuvre qu’on a coutume de négliger comme « vulgaire et insignifiante » ; dans le Repas ridicule, dans les Embarras de Paris, dans le Lutrin, dans quelques morceaux de la Satire X. […] Ne comparez pas son Repas ridicule à celui de Régnier : le vieux poète, avec une verve étourdissante, écrit une scène de comédie ; caractères, dialogue, action, tout est enlevé avec un éclat, une fantaisie incroyables. […] Nous avons lu dans le Repas ridicule ces vers Où les doigts des laquais dans la crasse tracés Témoignaient par écrit qu’on les avait rincés. […] Sainte-Beuve s’applaudit quelque part de l’heureuse influence exercée par Louis XIV sur les écrivains de son temps : sans Louis XIV, Boileau, pour ne parler que de lui, eût fait plus de Repas ridicules et d’Embarras de Paris.
L’explication qu’il en donne est peut-être plus prudente que vraie. « Les hommes de goût, pieux et éclairés, dit-il100, n’ont-ils pas observé que, de seize chapitres qui composent le livre des Caractères, il y en a quinze qui, s’attachant à découvrir le faux et le ridicule qui se rencontrent dans les objets des passions et des attachements humains, ne tendent qu’à ruiner les obstacles qui affaiblissent d’abord et qui éteignent ensuite dans tous les hommes la connaissance de Dieu ; qu’ainsi ils ne sont que des préparations au seizième et dernier chapitre, où l’athéisme est attaqué et peut-être confondu, où les preuves de Dieu, une partie du moins de celles que les faibles hommes sont capables de recevoir dans leur esprit, sont apportées, où la providence de Dieu est défendue contre l’insulte et les plaintes des libertins ? […] Plus heureux encore que l’auteur des Maximes, qui n’avait eu affaire qu’à de grandes passions et à de grands vices, La Bruyère avait surtout affaire aux travers qui sont ou le commencement ou la fin des vices ; et, le plaisir du ridicule tempérant chez lui l’indignation du mal, il devait être plus modéré et plus agréable, en même temps qu’il était plus varié. […] A égale distance de la colère du satirique et de l’austérité du prédicateur, il se tient dans une sorte de sérénité aimable ; plus heureux d’avoir trouvé le trait vif, saisi le ridicule et créé l’expression qui le peint, qu’affecté de la tristesse de sa matière et du peu d’efficacité probable de la leçon. […] Un peu en deçà, ce ne sera plus La Bruyère, mais quelque aimable esprit moralisant par honnêteté ou par imitation, et peignant les ridicules d’une main incertaine ; ce sera Vauvenargues. […] Certains portraits de La Bruyère sont excessifs, moins encore par l’exagération que par le trop grand nombre de traits ; chaque original en porte plus que sa charge : ce sont les Hercules du ridicule.
Aristophane saisissait quelques plaisanteries populaires ; il présentait quelques contrastes d’une invention commune et d’une expression grossière ; mais ce n’est jamais par la peinture des caractères, ni par la vérité des situations, que les ridicules des hommes et les travers de la société ressortent dans ses pièces. […] À Athènes on pouvait se faire connaître, et se justifier sur la place publique au milieu de la nation entière ; mais, dans nos associations nombreuses, on ne pourrait opposer que la lumière lente des écrits au ridicule animé du théâtre.
Thomas, Marmontel, Saint-Lambert, & plusieurs autres illustres dont la Philosophie s’honore ; il prétend de l’autre, que j’ai beaucoup trop loué Jacques Abadie, qu’il traite de déclamateur qu’on ne peut lire ; M. l’Abbé de la Bletterie, dont il trouve le style ridicule ; M. […] Un homme sage qui lira les Libelles enfantés par ses défenseurs, verra toujours la personnalité substituée à la raison directe, l’injure mise à la place de la justification, un faux air de dédain opposé à la honte & au ridicule dont on les couvre, &c. »
Le plus sûr moyen de corriger le ridicule, c’est de le peindre & même de le charger. […] Qui ne sçait, aussi bien que lui, qu’il est ridicule de tout admirer en eux, jusqu’à leurs défauts.
Et les douairières sont sottes sans ridicule. […] J’aime que chez Jules Renard, sans grossissement, la médiocrité soit honorable, le ridicule discret, et l’inattendu sans surprise. […] Le ridicule serait deux fois injustifié.
Analyser les pièces du programme, en lire les fragments essentiels, souligner les passages typiques, avec gentillesse pour en montrer la valeur, comme le voisin complaisant qui vous tire par le coude aux bons endroits, ou avec malveillance pour vous en insinuer le ridicule, ce ridicule inséparable de toute beauté un peu neuve ? […] Ne faut-il pas qu’un homme soit d’une oisiveté un peu ridicule pour aller écouter un autre monsieur au milieu de l’après-midi, quand il pourrait si bien se promener, jouer ou par hasard travailler ; les jeunes filles, c’est une autre affaire ; voici longtemps qu’on a judicieusement observé qu’elles sont, toutes, amoureuses des professeurs, et il suffisait d’entrer cet hiver au cours libre de M.
Elles appartiennent à cette préciosité scientifique qui sera un des ridicules européens de notre époque comme la préciosité sentimentale est le grand ridicule européen de la longue époque des Gongora, des Marini et des Voiture. […] Dans Le Tout-Pourri, par exemple, où il touche à des choses qu’il ne connaît pas mieux que nous, il se manifeste un des mille maladroits qui, d’un geste avide et ridicule, cherchent le scandale.
Mais ce serait porter un jugement ridicule, que de donner en général la préférence aux uns ou aux autres. […] Alexandre, César, ce roi philosophe dont je viens de vous parler, tous d’aussi bonne maison que ces messieurs, et à ce que je crois, un peu plus grands hommes, seraient d’un autre avis, plus juste et plus flatteur pour celui dont je parle ; et le public, plus fort que tous les gens à la mode, le dédommagera, par son suffrage, de ceux qu’il n’aurait pas le bonheur d’obtenir : ce public, un peu dur quelquefois, mais toujours respectable, prendrait la liberté de dire à ses frivoles censeurs : Rien n’est si ridicule que de vouloir attacher du ridicule aux talents, et de paraître dédaigner ce qu’on n’est pas en état de faire.
Et cette situation irritée et, il faut bien le dire, un peu ridicule, a été encore pour le livre un avantage de publicité. […] Lord Byron, qui a cravaché les bas-bleus dans une comédie de leur nom, prétendait que sa femme, qui était un bas-bleu, savait les mathématiques… Mais de ces temps-là à ces temps-ci, la tendance des femmes vers le bas-bleuisme, ce ridicule transcendant de l’histoire des mœurs contemporaines, s’est généralisée et précisée d’une façon si effroyable, qu’on ne trouvera bientôt plus de femmes en France, on n’y trouvera que des bacheliers. […] Dumas s’est permise contre la sainte Vierge, empêcheront aussi qu’on accepte, sur le grand et ridicule pied où il le donne, le livre malade de ce bas-bleu, — qui n’est pas bleu comme l’azur du ciel, mais plutôt comme un commencement de gangrène.
Ce n’est pas par des Remarques plus subtiles que justes, par des Réflexions plus fausses que conformes au goût, par des Analyses infidelles & insidieusement présentées, par des Critiques minutieuses & souvent puériles, par des Notes grammaticales auxquelles on attache une importance d’autant plus ridicule, que les fautes de langue qu’on y releve appartiennent moins au Poëte qu’au temps où il vivoit, qu’on pourroit se former une idée sûre du Héros de la Tragédie. […] Si la jalousie étoit la source de cet acharment, elle cesseroit d’être odieuse pour devenir ridicule.
] de l’Académie des Inscriptions & Belles-Lettres, né à Dijon en 1726 ; Littérateur infiniment plus versé dans l’Histoire des anciens Peuples, & dans la connoissance des bons Auteurs Grecs & Latins, que nos Philosophes, qui n’ont cherché à répandre du ridicule sur l’érudition & sur ceux qui la cultivent, que par la manie générale de proscrire tous les genres de mérite qu’ils n’ont pas. […] On verra par là de quel côté est la raison, & sur qui tombent la honte & le ridicule.
Il y voit si clair, avec une intelligence si nette à trouver en tout le bouffon et le ridicule, qu’il ne respecte pas même cette chose éminemment vénérable, la force. […] Un esprit plus élastique, plus observateur, plus agile nous a fait pénétrer les dessous ridicules de ce que l’on vénère ailleurs.
Marot, de retour dans sa patrie, & triomphant d’une odieuse cabale, se vengeoit de la persécution de ses ennemis, leur rendoit ridicule pour ridicule.
Les mots propres à être ouïs de tous, et les phrases propres à ces mots, sont ridicules, lorsqu’on ne doit parler qu’aux yeux et pour ainsi dire à l’oreille de son lecteur. » On ne parle pas devant cent personnes comme devant une seule ; le choix de mots, la correction de phrases, qui sont nécessaires, quand on écrit, deviennent ridicules quand on cause ; et je ne sais pas de gens plus fastidieux que ceux qui, dans la conversation, parlent comme un livre.
Le Portugal délivré de ses oppresseurs avec tant de courage et d’activité ; une révolution durable et complètement faite en quelques heures ; une seule victime, Vasconcellos ; la multitude agissante, et soudain le calme rendu à cette multitude redevenue corps de nation : tout cela ne paraissait guère susceptible de ridicule. […] Charles Nodier Il y a dans cette œuvre (La Panhypocrisiade) tout ce qu’il fallait de ridicule pour gâter toutes les épopées de tous les siècles et, à côté de cela, tout ce qu’il fallait d’inspiration pour fonder une grande réputation littéraire.
Ces échevins ne sont que des sacs de laine ; ou des colosses ridicules de crème fouettée ; ou si vous l’aimez mieux, c’est comme si l’artiste avoit laissé une nuit d’hyver sa toile exposée dans sa cour, et qu’il eût neigé dessus toute cette composition. […] Ces vilaines figures ont je ne scais quoi de coulant, de fluant depuis la tête aux pieds qui achève par sa vérité de faire sortir le ridicule des grosses têtes, des grosses perruques, et des gros ventres.
Tout l’Ancien régime est construit sur une idée fausse exprimée par un mot ridicule, l’esprit classique, mot qui désigne la culture, la pensée et l’art si variés de deux siècles ! […] L’âme de Bouvard et Pécuchet, celle d’un vieux fakir, fat et ignorant le ridicule, habitaient ce corps de militaire. […] Il n’y a réellement pas de mot dans une langue qui soit banal ni inutile, pas de mot usé, avili, qui ne puisse servir une fois, et il n’est pas d’image si belle, d’expression neuve et juste, qui ne soit ridicule dans certaines occasions. […] Il eût crayonné une figure amusante comme Gaudissart ou dressé des statues terribles comme les grands avares de Balzac, le père Grandet, le père Hochon, Gobseck : non, si Flaubert a donné à la fois tant d’importance et tant de bassesse à ses héros, c’est qu’il ne les voyait pas si étrangers et ne se sentait pas lui-même à l’abri de leurs ridicules : il y a du Bouvard et Pécuchet dans Flaubert. […] Imaginez l’égoïsme et l’orgueil de certains niais ; et voyez comment le nietzschisme, compris par un parti politique, devient ridicule.
Le secret de l’auteur consiste à faire passer rapidement devant les yeux du spectateur un grand nombre de personnages qui viennent donner ou montrer des ridicules ; ce sont surtout des travers de modes que l’on attaque ordinairement dans ces pièces. […] Les anciens ne connaissaient point les pièces épisodiques ; mais ils avaient une autre manière d’attaquer en même temps plusieurs espèces de ridicules et de les immoler à la fois. Les chœurs de leurs comédies étaient en partie destinés à cet usage ; ils y rassemblaient plusieurs personnages ridicules sur lesquels le poète lançait rapidement une foule de traits. […] Par exemple, il ne serait pas vraisemblable qu’un général d’armée venant de prendre par force une ville importante, se trouvât seul dans la grande place ; et, par conséquent, si l’on mettait un monologue en la bouche de ce personnage, on ferait une chose ridicule. […] Nous voyons des auditeurs ; et dès-lors le parleur ne nous paraît pas ridicule : ce n’est pas à eux qu’il s’adresse, mais c’est pour eux qu’il s’explique.
Là, il n’y a aucune excuse, car toutes les plantes ont un nom original et rien n’obligeait les botanistes français à accepter la ridicule nomenclature de Linné, alors que la nomenclature populaire est d’une richesse admirable. […] Maladie du sein dont le nom était, il est vrai, dû à une erreur assez ridicule. […] Le même Nodier fait remarquer, quoique bien respectueux du grec, combien il est ridicule et impropre de dire en français alphabet au lieu de abécé ou abécédaire, selon les cas.
Jamais homme de lettres ne fut d’une humeur plus altière, d’une vanité plus ridicule, d’un commerce plus difficile & plus insupportable. […] L’auteur, au lieu d’y présenter la sagesse sous les traits de l’agrément & de la simplicité, donne dans une ridicule métaphysique de cœur & de sentimens. […] Rien de plus ridicule & de plus contraire au bien de la litterature, que ces petites sociétés provinciales qui, loin de faire de véritables gens de lettres, ne font que des fainéans & des membres à charge à l’état.
Le ridicule que M. de Mouy craint peut-être pour Madame Geoffrin, je ne le crains pas, moi. Il n’y a jamais de ridicule dans une passion quand elle est vraie, et je pense même comme Madame de Staël, c’est que le ridicule ici est un mot inventé par le monde pour dégoûter des sentiments exaltés les âmes qui valent mieux que lui.
je ne veux parler que des philosophes, et non pas des prêtres positivistes, des philosophes qui prétendent tirer une grande doctrine des six volumes de fatras qu’Auguste Comte a légués… aux vers de la terre, et qui font actuellement de si grands efforts pour cacher le ridicule fondamental de leur grand homme. […] Homme d’esprit, qui a le sentiment du ridicule, ce sentiment préservateur, M. […] Je sais qu’il y parle peu de cette religion, et qu’il la fond avec la philosophie dans les dernières pages de son écrit ; je sais que les grands ridicules y sont estompés, mais cependant on les y aperçoit encore sous l’estompe de précaution qui les couvre.
La des peinture simples ridicules, comme dans Molière, n’a rien de démoralisant. Nos ridicules mêmes ne sont souvent que les points saillants de nos tendances les plus fortes, celles qui nous occupent et nous distraient le plus ; nos ridicules, intérieurement, sont parfois nos « raisons de vivre », étant ce qui nous sauve de l’ennui, de l’équilibre trop monotone d’une vie trop bien réglée. De même, pour les autres, le ridicule est parfois une cause de rire sans malveillance, de gaieté, de légèreté d’âme. Le ridicule peut être un des ferments de la vie morale ; il ne faut craindre ni d’être innocemment ridicules, ni de rire innocemment des ridicules de l’humanité. Mais déjà la peinture des vices est plus dangereuse que celle des ridicules et des simples passions.
Je n’oublierai pas un point capital : Béranger est mort en communion parfaite avec le régime impérial qu’il n’avait pas appelé, mais qu’il avait certainement préparé ; il n’y porta point d’enthousiasme, mais il eut le bon sens de comprendre où était le salut de la France, et que, de plus, il lui serait ridicule, à lui qui avait tant fait pour entretenir par sesrefrains le culte de Napoléon, de n’en pas accepter les conséquences. […] Il ne fallait pas surtout la faire précéder par une généalogie ridicule. […] La partieà laquelle vous vouliez m’attacher est, sans contredit, celle qui m’eût présenté le plus de charmes ; mais, même dans cette partie (style d’employé), un journaliste qui craint le scandale devient bientôt froid, et c’est être ridicule. […] Les passions royalistes de 1816 avaient opéré en lui en sens inverse : tant de violences mêlées à tant de ridicules avaient suscité sa gaîté vengeresse.
alternatives grossières d’appétits et de dégoûts du côté du roi ; de futiles jouissances et de chagrins avilissants du côté de madame de Montespan ; un jour on voit en elle la vanité contente d’imposer quelques heures de plus aux courtisans, par des apparences de faveur ; le lendemain ce sont de ridicules désespoirs ou tombe cette vanité par l’évidence de la disgrâce. […] Âme vivante n’en avait connaissance ; on la voulut donner aussi mystérieusement qu’elle avait été fait briquée, Le tailleur de madame de Montespan lui apporta l’habit qu’elle lui avait ordonné ; il en avait fait le corps sur des mesures ridicules.
En poursuivant les prétendus Sages de ce siecle dans la carriere des Arts & de la Politique, où ils n’ont pas moins extravagué que dans la Physique, il aura sur les autres adversaires de la Philosophie, l’avantage d’avoir combattu des erreurs dangereuses, avec les seules armes du ridicule & de la bonne plaisanterie. […] L’invention en eût été plus riche, la diction plus naturelle, & l’intérêt plus sensible ; l’Auteur auroit employé des expressions plus correctes, & évité les tournures Gasconnes ; ses images auroient été mieux choisies, ses comparaisons plus justes & moins ridicules ; il n’eût point appelé le Soleil le Duc des Chandelles les Vents les Postillons d’Eole, le Tonnerre le Tambour des Dieux ; le total de l’Ouvrage eût été dans le goût de ces vers du quatrieme Chant, qu’on peut citer avec estime, dès qu’il ne s’agit pas de l’Astronomie : Il se trouve entre nous des esprits frénétiques Qui se perdent toujours dans des sentiers obliques, Qui, sans cesse créant des systêmes nouveaux, Prouvent que la raison gît loin de leurs cerveaux.
La définition qu’Aristote fait de la comedie, quand il l’appelle une imitation du ridicule des hommes, enseigne suffisamment quels sujets lui sont propres. Comme elle n’inflige pas d’autre peine aux personnages vicieux que le ridicule, elle n’est pas faite pour répresenter les actions qui meritent des châtimens plus graves.
Ce désir, qui lui était commun avec tous ses camarades, se montrait en lui d’une manière plus ridicule et plus grossière, parce qu’à la bassesse plate et vile qui, comme je le dis, était la base de son caractère, il joint une bêtise et une bonne opinion de lui qui en fait l’ornement. Il avait entendu dire que, pendant la maladie du roi à Metz, M. de Richelieu s’était enfermé seul avec lui et avait interdit la porte à M. de Bouillon et à mon grand-père, qui avaient eu l’un et l’autre la faiblesse de souscrire à cette volonté ridicule de M. le maréchal. […] Cependant MM. les capitaines des gardes, et nommément M. de Beauvau et M. le duc d’Ayen, s’en formalisèrent d’une manière qui me parut ridicule ; car ce changement, en procurant plus de tranquillité au roi, n’attentait nullement à leurs droits, et ne les confondait pas avec plus de monde, puisque la chambre où l’on plaçait leurs entrées était interdite à tous ceux qui ne les avaient pas. […] Il la poussait même plus loin que l’exactitude, et je dirai en passant comment elle nous procura une scène ridicule et plaisante. […] Cette histoire ridicule peut servir à faire connaître l’empressement peu réfléchi, l’exactitude machinale des subalternes, que la plus profonde vénération n’abandonne jamais.
Diderot ne faisait point partie de ce ridicule candélabre à trois becs. […] — si l’épouvante pouvait exister avec le ridicule et ne se perdait pas, grâce au sien, dans l’âpre gaîté du mépris. […] Il est ridicule, malgré le sérieux de son esprit et la majesté de son emphase. Il est ridicule, parce qu’il est inconséquent, et que l’inconséquence est le ridicule de l’intelligence comme elle en est la lâcheté ; — parce qu’il est trompé par ses facultés elles-mêmes comme un tuteur par ses pupilles, des filles perdues ! […] … Ils ne connaissent pas l’inconséquence, la déshonorante et ridicule inconséquence.
Latouche s’est rendu célèbre dans la littérature d’il y a quinze ou vingt ans par une foule de traits pareils, malicieux et même (quelques-uns disent) méchants : il a drapé les ridicules de la jeune École d’alors dans un article critique, intitulé la Camaraderie ; mais il a oublié de dire que ces ridicules de coquetterie et de cajolerie poétique, il les avait autant que personne partagés, caressés, — sauf à les dénoncer ensuite avec esprit, avec fiel aussi et âcreté.
Sieyes, en 1800, était déjà frappé de ridicule ; voilà ce que disent les témoins bien informés de ce temps-là. — On trouve aussi que Fouché est jugé un peu favorablement et avec trop d’indulgence ; le portrait de M. de Talleyrand, très-agréable, n’est lui-même qu’ébauché ; l’historien, si bien au fait des secrets les plus honteux, ne peut tout dire ; mais ces portraits sont touchés avec infiniment d’art et de goût. […] Soumet, nous dit-on, dans la vie privée, avait de l’esprit, de la grâce, une sorte de courtoisie romanesque qui se conciliait d’une manière assez aimable avec les vanités du poëte et de légers ridicules.
Quand ils ne sont pas à plaindre, ils sont ridicules. […] Le ridicule n’est que la disproportion. […] Les ridicules y sont les mêmes, et la grossièreté plus grande. […] Ce qui est ridicule est laid, et, après l’avoir raillé, on finit par le plaindre. […] Molière, Précieuses ridicules.
L’auteur ou le traducteur se plaît à trouver dans l’amour d’Hélène pour Jules Branciforte un de ces amours passionnés qui n’existent plus, selon lui, en 1838, et qu’on trouverait fort ridicules si on les rencontrait ; amours « qui se nourrissent de grands sacrifices, ne peuvent subsister qu’environnés de mystère, et se trouvent toujours voisins des plus affreux malheurs ». […] Il songeait sans cesse au ridicule et à n’y pas prêter, et M. de Balzac n’en avait pas même le sentiment. […] Vers 1785, il n’y avait peut-être pas un amateur à Rome qui ne trouvât ridicules les ouvrages de Canova, etc. […] Beyle, vers ce temps, revenait de Rome, de Civitavecchia, à Paris, et dans le premier moment, craignant le ridicule, il fut tout confus d’un pareil éloge si exorbitant : il ne savait où se cacher.
Elle est charitable par bigoterie et dévote d’une superstition étrangère, ce qui est plus ridicule qu’édifiant aux yeux des Français. […] La reine croit, et cela paraît certain, que Mme de Mailly l’examine sans cesse pour lui trouver de nouveaux ridicules et égayer le roi à ses dépens dès qu’elle l’a quittée : c’est une indignité. » Lors même que cela n’était pas (car Mme de Mailly n’avait point ce caractère de méchanceté), il suffisait que la reine se figurât qu’il en était ainsi pour qu’elle éprouvât un lent et continuel supplice. […] Les amis de la favorite, voyant la reine paraître et espérer dans sa candeur reconquérir d’une seule fois tout le terrain perdu, y compris le point essentiel du conjungo, usèrent de l’arme, alors si en usage, du ridicule. […] « Son discernement lui fait démêler tous les travers et sentir tous les ridicules ; sa bonté, sa charité, les lui font supporter sans impatience, et lui permettent rarement d’en rire.
Ce que Racine a fait pour l’amour tragique, principe de folie, de crime et de mort, Marivaux le fait pour l’amour qui n’est ni tragique ni ridicule, principe de souffrance intime ou de joie sans tapage, pour l’amour simplement vrai, profond, tendre. […] Il l’avait employé à former le cadre de la peinture des mœurs ou des caractères ; ou bien il en avait recherché les effets plaisants et ridicules ; ou bien il l’avait fait servir à provoquer des manifestations de l’humeur intime. […] Laissant la peinture du monde et des ridicules mondains, La Chaussée prend pour objet la vie intime, les douleurs domestiques : il développe les tragédies des existences privées, le mari libertin ramené à sa femme par la jalousie, le riche ou noble fils de famille épris d’une pauvre fille, le fils naturel en face de son père, etc. […] La comédie plaisante se renferme dans la peinture des ridicules mondains : cette peinture est à l’ordinaire sans largeur et sans couleur, sèche, fine, spirituelle.
On aime à rencontrer, au milieu des fadeurs et des exagérations parfois ridicules de ce début de correspondance, plus d’un de ces endroits où perce déjà le roi futur, l’homme supérieur qui, bien qu’il ait la fureur de rimer et de produire ses premiers ouvrages, saura en triompher par une passion plus haute, et qui ne sera jamais un rhéteur sur le trône. […] Toutes les fois qu’il parle à Voltaire de Mme Du Châtelet, il a bien de la peine à ne pas être grossier ou ridicule : « Je respecte trop les liens de l’amitié, lui écrit-il à Cirey, pour vouloir vous arracher des bras d’Émilie… » Quand il veut être galant, il l’est avec cette légèreté. […] Il savait très bien que cette manie était chez lui un faible et presque un ridicule, qu’on le louait en face pour l’appeler Cotin par derrière. […] Il faut tout dire : quelques années après, Frédéric communiquait, un soir, de ses vers au professeur Thiébault, bon grammairien et académicien que lui avait procuré d’Alembert, et il se laissa aller par mégarde à montrer une épigramme très mordante qu’il avait faite contre d’Alembert lui-même : ce roi caustique n’avait pu se refuser au malin plaisir de noter quelque ridicule qu’il avait saisi dans ce caractère honorable.
Mais il l’a si traîtreusement déformé, il l’a tant et tant de fois jeté en l’air, que le sombrero en est tout grotesquement bossué ; il a roulé à l’entour tant de rubans ridicules, il en a tourmenté les bords d’une telle façon, que le grave couvre-chef du conspirateur est devenu un chapeau d’arlequin. […] L’autobiographie est haïssable quand elle est un prétexte : Pour la vanité — à faire la roue en public ; Pour le cynisme — à se poser devant la foule, avec le cortège crotté de ses turpitudes ; Pour la malveillance. — à affubler d’anciens amis de rôles odieux ou ridicules. […] Du reste, Henry Murger semble l’avoir compris ; car, avant la fin même du volume, il est rentré dans son monde d’artistes par une petite nouvelle de vingt pages intitulée Biographie d’un inconnu qui… Je l’appellerais volontiers un chef-d’œuvre, si les camaraderies et les complaisances intéressées n’eussent fait de ce mot une ridicule banalité. — Croyez-moi, quand on prononce de tels actes de contrition, on mérite l’absolution la plus entière, eût-on sur la conscience les deux cents volumes de péchés littéraires de M. […] Champfleury lui-même, lorsqu’il veut bien déposer dans un coin le Drapelet ridicule du système, n’est-il pas un poète ?
Dans les rues de la ville prochaine, il se sentait mal à l’aise ; dans celles de Paris il était ridicule. […] Là il n’était pas ridicule, il était admirable, il sortait du domaine comique, il devenait un acteur du grand drame qu’est la vie d’une nation : il était un bon serviteur de la France. […] Ils ont donc décrit, admirablement d’ailleurs, des personnages odieux, ridicules ou amusants, ils ont flagellé des imbéciles ou des coquins, ils ont été poètes, et grands poètes si l’on veut, mais ils n’ont rendu qu’un aspect de la province et celui-là justement qui avait le moins besoin qu’on y insistât. […] Mais aujourd’hui, les rares costumes provinciaux qui subsistent en France, personne ne songe plus à les trouver ridicules ; on les aime, on les célèbre, ils font partie de la précieuse « couleur locale », et chacun sait qu’il en reste bien peu, non seulement en France, mais en Europe.
Les passions exagèrent la vue des choses, même pour les meilleurs esprits ; elles détournent, elles amusent ; on a du jugement, mais on le suspend dans les occasions où il nous gêne ; on a le sentiment des ridicules, mais on l’étouffe sous une certaine chaleur d’enthousiasme qui séduit. […] Saint-Marc Girardin n’a jamais fait ainsi ; il a été frappé à première vue des défauts, des travers, des ridicules du temps, et il les a raillés, il en a badiné avec un côté de raison sérieuse et piquante ; il a tiré parti de tout ce qu’il voyait, de tout ce qu’il lisait, pour se livrer au jeu auquel son esprit se complaît surtout et excelle, pour moraliser. […] Saint-Marc Girardin, qui en fut toujours exempt, en a saisi les effets désastreux et les ridicules ; il n’a rien épargné pour en dégoûter la jeunesse, il y a réussi.
La période de 1650 à 1660 va nous montrer une triple opposition : celle des mœurs dissolues et débordées de la cour et de la capitale, d’un côté, avec les mœurs retenues de la société spirituelle, décente et polie de l’autre, avec les précieuses ridicules. […] Elles trouvaient la reine et Mazarin assez ridicules pour être justiciables de leur autorité ; les motifs d’une guerre étaient si frivoles, le but des grands qui en parlaient si médiocre, qu’elles n’y voyaient qu’un amusement de courte durée, une tracasserie armée, un trigaudage travesti en entreprise guerrière, dont elles n’étaient pas indignes de partager la gloire.
Il est certain qu’on ne peut trop louer son courage à fronder le ridicule philosophique, & à s’opposer à l’empire du mauvais goût. […] Palissot, on entreprenoit de fronder sur la Scene cette variété de ridicules, si fort multipliés depuis la représentation de sa Piece qui en a fait éclore de nouveaux !
On voulut jetter du ridicule sur toutes ses beautés ; prouver qu’il n’avoit réussi dans aucun genre : Qu’il avoit manqué le pastoral dans ses bucoliques, ouvrage admirable par les graces simples & naturelles, par l’élégance & la délicatesse, par cette pureté de langage qui le caractérisent ; le didactique dans ses géorgiques, poëme le plus travaillé de tous ceux qu’il nous a laissés, & qu’on peut appeller le triomphe de la poësie Latine ; l’épique dans son énéide, chef-d’œuvre de l’esprit humain, qu’Auguste ne pouvoit se lasser de lire, & la tendre Octavie de récompenser, jusqu’à faire compter à l’auteur dix grands sesterces pour chaque vers, ce qui montoit à la somme de 325 000 livres. Mais les parodistes ne couvrirent qu’eux-mêmes de ridicule.
Quel ridicule il jette sur ce prince ; sur son affectation à composer des vers emmiellés, doucereux, cadencés & chargés d’épithètes ; des vers forcés, ignobles & ridicules, sans génie, sans chaleur & sans force, & qui n’avoient que de l’enflure & de l’harmonie, tels que les suivans* : On entend bourdonner les cornes tortueuses.
Il représente son ennemi caché, entouré de ridicules beaux-esprits qui lui font habituellement leur cour, qui répétent à l’envi chacune de ses maximes, & qui vont partout rapporter, comme un bon mot, une sottise qu’il leur a débitée avec emphase. […] Les mêmes talens qui l’ont rendu célèbre doivent le faire haïr. » Pope, en relevant les défauts & les ridicules de son ennemi, lui reconnoît d’ailleurs du mérite.
Le veritable amour jette souvent du ridicule sur les personnages les plus serieux. […] Ces heros, ainsi défigurez, paroîtront peut-être aux petits-fils de ceux qui les admirent tant aujourd’hui, des personnages barboüillez exprès pour être rendus ridicules.
Il a toujours eu en horreur le ridicule. […] … Je voudrais savoir quel original a pu faire une si ridicule épitaphe ?” […] About, bien d’autres romanciers avaient prétendu railler les vices et les ridicules. […] Ses mœurs, ses ridicules, ses usages ont été retracés. […] Les travers et les ridicules d’une petite ville du Midi y sont peints à merveille.
Mais, à défaut de ridicule, elles auraient encore contre elles leur nombre et surtout leur médiocrité. […] Comme toute cette littérature, médiocre et médiocrement gaie d’ailleurs, me semble au retour ridicule ! […] Ampère, fort timide, n’osait pas la déranger et la dame soutenait comme elle pouvait une conversation désespérée, luttant entre sa politesse et le désir de mettre à la porte l’Académicien qui, l’œil fixé sur le creux où son épée s’était enfoncée, avait l’air le plus embarrassé et le plus ridicule. […] Ce n’était pas encore ridicule, l’uniforme militaire était partout. […] Le rhume est un mal ridicule, mais aussi un mal affreux.
Un préjugé créé par les philosophes faisait le christianisme barbare, absurde, ridicule ; il n’y avait que des petits esprits, des imbéciles pour y croire. Il fallait créer un préjugé contraire, rassurer l’amour-propre du Français, affranchir les classes éclairées de la peur du ridicule attaché à la religion, la leur représenter respectable, décente et belle. […] Il trouve la Trinité au Thibet, à Otaïti ; dans une dévotion populaire, il aperçoit une trace du culte des Dieux lares : il croit donner des appuis à la religion par ces rapprochements, et il ne se doute pas que, pour en ôter le ridicule, il en ruine la divinité. […] Le christianisme était associé depuis un siècle à des idées ridicules, grossières, odieuses : le nouveau livre l’associait à des idées touchantes, grandioses, vénérables. […] Ses Natchez, dans la partie récrite en épopée, sont ridicules.
Il tourne en ridicule non seulement les idoles de la tribune, mais les grands dieux de l’Olympe eux-mêmes, dans ce qu’ils ont de contraire à la majesté de la nature divine. […] Au contraire, à mesure que la séparation entre l’idéal et le réel se prononça davantage, à mesure que l’habitude de philosopher apprit aux auteurs et à leur public à se retirer en eux-mêmes pour y chercher le type absolu de tout ce que la comédie voue au néant par le ridicule, le théâtre ne commença qu’en apparence à être plus moral, et il devint en réalité moins poétique et moins comique. […] 2º Ils se développent dans leur rapport avec une idée morale, avec quelque grand et général intérêt de la Société, de la Famille ou de la Religion, contre lequel ils ont la ridicule audace de batailler. […] Le Bon Sens et l’Art véritable sont également satisfaits de la mésaventure des Précieuses ridicules, et du désenchantement plus amer des Femmes savantes. […] Don Quichotte est ridicule ; dans un monde légalement ordonné, il veut créer l’ordre par la chevalerie, quand celle-ci n’est plus bonne qu’à le défaire.
Il se retrouve homme de lettres sur ce point : entre deux ridicules, selon lui, et deux inconvénients, il choisit le moindre, et, pour le coup, il dirait volontiers comme cet autre de ma connaissance : « J’ai, pour un homme de lettres, le malheur d’appartenir à une nation qui n’est jamais plus fière que quand elle a un pompon sur la tête, et qu’elle obéit au mot d’ordre d’un caporal. » Son bourgeois de Paris nous est présenté par lui comme ayant éprouvé aux affaires du mois de juin (1832) un double accident : « il a gagné une extinction de voix et la croix d’honneur, deux malheurs dans la vie d’un homme raisonnable, qui craint également la médecine et le ridicule ». […] Plus tard, l’auteur se trouva sujet lui-même à ce ridicule qu’il craignait. […] Il était comme retenu sans cesse par la peur d’être dupe ou ridicule.
L’effet moral vraiment digne de ce nom, sur une scène élevée, doit sortir du spectacle même de la nature humaine observée et saisie dans le jeu varié de ses passions, dans ses misères et dans ses grandeurs, et jusque dans l’énergique naïveté de ses ridicules. […] À des degrés inférieurs, il est encore d’honorables places à saisir ; et, quoique le talent se laisse peu conseiller à l’avance, quoiqu’il appartienne à lui seul, dans ce fonds tant de fois remué, mais non pas épuisé, de l’observation naturelle et sociale, de découvrir de nouvelles formes et des aspects imprévus, qu’on nous permette d’exprimer ce seul vœu : c’est qu’il revienne enfin et qu’il s’attache désormais à étudier une nature humaine véritable, une nature saine et non corrompue, non raffinée ou viciée à plaisir, une nature ouverte aux vraies passions, aux vraies douleurs, sujette aux ridicules sincères, malade, quand elle l’est, des maladies générales, et naturelles encore, que tous comprennent, que tous reconnaissent et doivent éviter.
Pour que le génie comique se développe, il faut vivre beaucoup en société, attacher beaucoup d’importance aux succès de société, et se connaître, et se rapprocher par cette multitude d’intérêts de vanité, qui donnent lieu à tous les ridicules, comme à toutes les combinaisons de l’amour-propre. […] Quand le gouvernement est fondé sur la force, il peut ne pas craindre le penchant de la nation à la plaisanterie : mais lorsque l’autorité dépend de la confiance générale, lorsque l’esprit public en est le principal ressort, le talent et la gaieté qui font découvrir le ridicule et se plaire dans la moquerie, sont excessivement dangereux pour la liberté et l’égalité politique.
C’est le goût cherchant à supplanter le ridicule. […] Les acteurs étaient tout aussi ridicules. […] Aujourd’hui on rit trop souvent de sottises indécentes et platement ridicules. […] On comprend le ridicule d’une pièce faite pour vaincre une difficulté de cette espèce. […] Ses comédies sont une critique agréable des ridicules de son siècle.
C’est lui qui, un jour qu’un homme en place, excédé de son procédé, lui en faisait sentir l’inconvenance, répondait sans s’émouvoir ; « Je sais bien, monsieur, que je suis, moi, un homme fort ridicule ; mais ce que je vous dis ne laisse pas d’être fort sensé, et, si vous étiez jamais obligé d’y répondre sérieusement, soyez sûr que vous joueriez un personnage plus ridicule encore que le mien. » C’est lui qui, s’apercevant un jour qu’il était de trop dans un cercle peu sérieux, ne se gêna pas pour dire : « Je sens que je vous ennuie, et j’en suis bien fâché ; mais moi, je m’amuse fort à vous entendre, et je vous prie de trouver bon que je reste. » Tout cela est bien de l’homme dépeint par La Bruyère dans son portrait chargé, mais reconnaissable, de celui même que le cardinal de Fleury, à son point de vue de Versailles, appellera un politique triste et désastreux ; malencontreux, du moins, et intempestif, qui avait reçu le don du contretemps comme d’autres celui de l’à-propos, et qui, lorsqu’il se doutait du léger inconvénient, prenait tout naturellement son parti de déplaire, pourvu qu’il allât à ses fins. […] Mais il a écrit quelque part contre l’esprit moqueur ; n’ayant pas en lui même le sentiment du ridicule, il le désapprouvait naturellement chez les autres.
Ce « je ne sais quoi », ne serait-ce pas le goût, la crainte de paraître trop content de son esprit, le discernement rapide du point qu’il ne faut pas dépasser sous peine de devenir affecté et ridicule ? Tout au moins, si on est ridicule à Paris, on l’est à la mode d’aujourd’hui, non à la mode d’il y a deux ou trois cents ans. […] La Gypsie est encore une pièce qui commence par de beaux vers sonores et colorés et qui se termine par une toute petite chute, plus ridicule que risible.
Inutile de rappeler le ridicule de la critique à interjections. […] Je porte à un degré extrême, et presque ridicule, ce goût du jugement exact. […] Mais, outre que le risque est de nos jours assez rare, les couronnes tressées à des médiocres ne sont pas moins ridicules auprès un siècle.
Je ne parle point de ces figures de rhétorique, si chères à quelques pédants modernes, et dont le nom même est devenu si ridicule, que les professeurs les plus sensés les ont entièrement bannies de leurs leçons : il en est pourtant encore qui en font grand cas, et il est assez ordinaire d’interroger sur ce sujet important ceux qui aspirent à la maîtrise ès arts. […] On convient aujourd’hui, assez généralement, que ces tragédies sont une perte de temps pour les écoliers et pour les maîtres : c’est pis encore, quand on les multiplie au point d’en représenter plusieurs pendant l’année, et quand on y joint d’autres appendices encore plus ridicules, comme des explications d’énigmes, des ballets, et des comédies tristement ou ridiculement plaisantes. […] Je sais que le latin étant une langue morte, dont presque toutes les finesses nous échappent, ceux qui passent aujourd’hui pour écrire le mieux en cette langue, écrivent peut-être fort mal : mais du moins les vices de leur diction nous échappent aussi ; et combien doit être ridicule une latinité qui nous fait rire ? […] Jamais cet avis ne leur fut plus nécessaire ; nos livres se remplissent insensiblement d’un idiome tout à fait ridicule ; plusieurs pièces de théâtre modernes, jouées avec succès, ne seront pas entendues dans vingt années, parce qu’on s’y est trop assujetti au jargon de notre temps, qui deviendra bientôt suranné et sera remplacé par un autre. […] C’est au plus le style de quelques académies de province, dont la multiplication excessive et ridicule est aussi funeste aux progrès du bon goût, que préjudiciable aux vrais intérêts de l’État : depuis Pau jusqu’à Dunkerque, tout sera bientôt académie en France.
Pourtant il devint amoureux ; et, sans admettre ici l’anecdote invraisemblable racontée par Fontenelle, et surtout sa conclusion spirituellement ridicule, que c’est à cet amour qu’on doit le grand Corneille, il est certain, de l’aveu même de notre auteur, que cette première passion lui donna l’éveil et lui apprit à rimer. […] il faut juger de la sorte sa dédicace à Montauron, la plus attaquée de toutes, et ridicule même lorsqu’elle parut. […] La moralité de ses héros est sans tache : comme pères, comme amants, comme amis ou ennemis, on les admire et on les honore ; aux endroits pathétiques, ils ont des accents sublimes qui enlèvent et font pleurer ; mais ses rivaux et ses maris ont quelquefois une teinte de ridicule : ainsi don Sanche dans le Cid, ainsi Prusias et Pertharite. […] Quand Racine eut parodié par la bouche de l’Intimé ce vers du Cid : Ses rides sur son front ont gravé ses exploits, Corneille, qui n’entendait pas raillerie, s’écria naïvement : « Ne tient-il donc qu’à un jeune homme de venir ainsi tourner en ridicule les vers des gens ?
Ce livre est celui que Lesage refera et recommencera dans la suite en cent façons sous une forme ou sous une autre, le tableau d’ensemble de la vie humaine, une revue animée de toutes les conditions, avec les intrigues, les vices, les ridicules propres à chacune. […] Turcaret fut joué en 1709 ; les ridicules et les turpitudes qui signalèrent le triomphe du système de Law y sont d’avance flétris. Ici la comédie dénonça et précéda l’explosion du vice et du ridicule ; elle eût été préventive si elle pouvait jamais l’être. […] Le maître qui renvoie Gil Blas ne lui en veut pas ; il compatit au tort qu’il lui fait, et lui ménage même une bonne condition ; et Gil Blas renvoyé ne maudit pas le vieillard ; il nous le montre tel qu’il est avec sa passion sénile, amoureux, ridicule, mais bonhomme encore, et tâchant de concilier un reste de justice avec sa faiblesse.
Sa mère, femme de beaucoup d’esprit, une précieuse en son temps (avant que le mot fût devenu ridicule), belle, active, intrigante, était arrière-petite-fille de l’illustre et grave chancelier de L’Hôpital. […] Il se ruina, s’endetta, et il en était à regretter d’un air sérieux ses premiers désordres, car « le ridicule, pensait-il, est préférable à la pauvreté ». Le pauvre homme, enfin, avec de l’esprit et bien des qualités aimables, était plus qu’en chemin de se rendre à tout jamais ridicule et méprisable dans la société, quand il commença à faire quelques réflexions sérieuses, auxquelles une maladie grave vint prêter appui. […] Cela paraît d’abord ridicule ; mais quand, un moment après, on se trouve sur la montagne, et tout l’horizon humilié, on se tient en paix : mirabiles elationes maris.
Parler aujourd’hui des romans de Mlle de Scudéry et les analyser, serait impossible sans la calomnier, tant cela paraîtrait ridicule. […] Par le faux appareil d’imagination et le faux attirail historique dont elle environne sa pensée, Mlle de Scudéry n’est guère plus ridicule, après tout, que ne l’a été Mme Cottin il y a quarante ans. […] Si donc il fallait conclure et répondre à la question posée au début, je rattacherais désormais au nom de Mlle de Scudéry l’idée, non pas du ridicule, mais plutôt de l’estime, d’une estime très sérieuse, et point du tout l’idée de l’attrait ou de la grâce. […] Chapelle et Bachaumont, dans leur agréable Voyage, nous font assister à une conversation ridicule des précieuses de Montpellier, où tout ce qui se dit est au rebours du bon sens et de la fine justesse.
Mais, quelque peu philosophe qu’une nation puisse être sur ce point, l’orateur qui veut réussir auprès d’elle, doit se conformer aux préjugés qui la dominent, et qu’on peut appeler la philosophie du vulgaire ; le génie même les braverait en vain, surtout chez un peuple léger et frivole, plus frappé du ridicule que sensible au grand, sur qui une expression sublime peut manquer son effet, mais à qui une expression populaire ou triviale n’échappe jamais, et qui à la suite de plusieurs pages de génie, pardonne à peine une ligne de mauvais goût. […] Demander s’il y a une harmonie du style, c’est à peu près la même chose que de demander s’il y a une musique ; et vouloir le prouver, est presque aussi ridicule que de le mettre en question. […] Peut-on rien lire de plus ridicule que le commentaire de Despréaux sur la première ode de cet auteur, et ses efforts pour travestir en sublime le mélange bizarre que le poète grec fait dans la même strophe, de l’eau, de l’or, et du soleil avec les jeux olympiques ? […] ce rhéteur à contretemps ne nous paraîtrait-il pas jouer un rôle bien ridicule ou bien insipide ?
La tour de porcelaine ne lui fait pas mirage à l’horizon, il ne laisse jamais le réel pour le fantastique ; quand une fois il tient nos originaux, nos travers, nos ridicules, il ne les lâche pas. […] Après tout, M. de Bernard, en se livrant vers cette fin au terrible à la mode, a pu se dire qu’il avait, dans les trois autres quarts du roman, payé assez largement sa dette à l’observation fine et franche, à la vérité amusante des mœurs, à cette nature humaine d’aujourd’hui, vivement rendue dans ses sentiments tendres ou factices, ses élégances et ses ridicules, ses affectations naïves ou impertinentes ; car il a fait de tout cela dans Gerfaut, et bon nombre de ces pages, de ces conversations et de ces scènes scintillantes ou gaies, entraînantes ou subtiles, et parfois simplement plaisantes, auraient pu être écrites par un Beaumarchais romancier, ou même par un Regnard.
C’est lui, toujours lui, qui tantôt jette dans l’enfer chrétien ces hideuses figures qu’évoquera l’âpre génie de Dante et de Milton, tantôt le peuple de ces formes ridicules au milieu desquelles se jouera Callot, le Michel-Ange burlesque. […] Le second prendra tous les ridicules, toutes les infirmités, toutes les laideurs. […] Il s’infiltre partout, car de même que les plus vulgaires ont mainte fois leurs accès de sublime, les plus élevés payent fréquemment tribut au trivial et au ridicule. […] L’action, encadrée de force dans les vingt-quatre heures, est aussi ridicule qu’encadrée dans le vestibule. […] Ils traitent surtout de ridicules ces endroits merveilleux où le poëte, afin de mieux entrer dans la raison, sort, s’il faut ainsi parler, de la raison même.
Cette œuvre immense, fastidieuse ou ridicule par endroits, est souvent admirable. […] Elle s’est complu parfois aux combinaisons mélodramatiques, fantastiques, qui ont l’intention d’être terrifiantes ou merveilleuses, et qui ne sont aujourd’hui que déconcertantes et ridicules. […] D’abord le style manque : de ce côté-là, Balzac n’est pas du tout artiste ; dès qu’il se pique d’écrire, il est détestable et ridicule ; il étale une phraséologie pompeuse, ornée de métaphores boursouflées ou banales. […] Sainte-Beuve n’a donné qu’un roman, Volupté (1834) : cette œuvre très moderne, plus facile à goûter aujourd’hui qu’il y a soixante ans, est lyrique par certains détails d’exécution, par des couplets effrénés, fort ridicules aujourd’hui, mais surtout par le caractère strictement intime et personnel de l’étude morale. […] Il a peut-être plus de sensibilité qu’il n’en montre : il est capable d’affection ; mais il craint extrêmement le ridicule ; il pose pour l’homme fort et détaché.
Vincent d’Indy Introduire la politique — chose vile et méprisable — dans l’Art, en faisant subir à celui-ci l’outrage des mœurs électorales, me paraîtrait odieux, si ce n’était pas simplement ridicule. […] Robert Scheffer Voici mon opinion féroce et sincère : Ce vampire de lettres, le vieux et ridicule Goncourt, qui institua le fameux prix par vanité et pour sauver son nom d’un oubli certain, on devrait, selon l’usage rituel, lui percer le cœur d’un pieu bien aigu afin qu’il cesse ses exploits. […] Pour la Vie heureuse, ces probe-dames illettrées tuent leur lauréat sous le ridicule. […] Odieux et ridicule , énonce M. […] Je trouve parfaitement ridicule cette façon de prolonger le collège dans la vie, en décernant des couronnes de papier vert… b.
Cette question ne peut être sérieuse, elle est même ridicule et c’est malheureusement ce qui fait que nos byzantins se passionnent aujourd’hui pour elle. […] Avec tout cela, il eût mieux fait de ne pas écrire le ridicule pamphlet musical dont il s’est rendu coupable. […] Pourquoi s’étonner qu’un grand nombre de Français ne goûtent pas la musique de Wagner, quand Wagner lui-même a écrit des volumes pour prouver que la musique italienne est sans valeur, que la musique française est ridicule dans Gounod, grotesque dans Auber ? […] Reyer : … Il nous sera bien permis de dire qu’il y a dans cette question et dans les incidents auxquels elle a donné lieu, à côté d’un sentiment très respectable si l’on veut, quoique chose de puéril et de parfaitement ridicule. […] Louis de Romain, après un compte-rendu de la représentation du Chevalier Jean, à Cologne, publiait un article où, distinguant la question artistique de toutes autres, il adressait aux artistes l’appel que voici : … Il appartient à la presse musicale, à nos compositeurs dont les œuvres reçoivent de l’autre côté du Rhin une large hospitalité, aux Gounod, aux Saint-Saëns, Massenet, Joncières à tous ceux enfin qui par leur situation, leur autorité, leur talent, ont une influence sur le public de faire cesser une comédie dont le résultat ne peut être que de nous rendre ridicules aux yeux du monde civilisé … C’est à ces lignes que M.
Moliere a tracé presque le caractère de tous les originaux qui jouent un rôle ridicule sur la scène du monde. […] Il cherche moins à peindre des ridicules, qu’à inspirer l’humanité. […] M. de Voltaire est plus gai ; il excelle par l’art de saisir tout ce qui peut rendre ses adversaires ridicules. […] Mais de tous ces Lyriques, on ne se souvient que de Ronsard, encore ce souvenir rappelle beaucoup de ridicule. […] C’est à cette excessive & ridicule attention de rimer exactement qu’on attribue quelques longueurs, quelques répétitions, quelques lieux communs qu’on trouve dans ses Odes.
Dieu m’a donné, pour mon supplice, une vanité sans bornes et une hauteur ridicule par rapport à ma fortune ; mais je ne suis pas assez sot pour la placer aussi mal. […] Il n’a pas plutôt articulé cette dernière proposition qu’il la trouve ridicule, indigne d’un fils de famille ; il l’a articulée pourtant, et Saint-Vincens est libre d’agir et de risquer l’ouverture, s’il le veut et s’il l’ose. […] C’est à des hommes plus heureux que moi qu’il appartient de craindre le ridicule ; pour moi, je suis accoutumé, depuis longtemps, à des maux beaucoup plus sensibles.