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1052. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre IV. Moyens de déterminer les limites d’une période littéraire » pp. 19-25

Il suit de là que toutes les œuvres de la littérature française forment ainsi des groupes, d’abord considérables, qui comprennent d’autres groupes plus petits, auxquels sont subordonnés des groupes moindres encore. […] La première comprend tout le moyen âge et se prolonge, jusque vers le milieu du xvie ° siècle ; les œuvres qui la remplissent offrent ces caractères communs d’être, en immense majorité, d’inspiration féodale et catholique, d’appartenir à des genres nés spontanément sur le sol même de la France : la langue seule dans laquelle elles sont écrites, langue à deux cas qu’on nomme aujourd’hui le vieux français, suffirait à les séparer de celles qui les ont suivies.

1053. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 5, explication de plusieurs endroits du sixiéme chapitre de la poëtique d’Aristote. Du chant des vers latins ou du carmen » pp. 84-102

Du chant des vers latins ou du carmen Je ne crois pas pouvoir mieux faire pour confirmer ce que j’ay déja dit concernant la melopée et la melodie tragiques des anciens, que de montrer qu’en suivant mon sentiment, on comprend très-distinctement le sens d’un des plus importans passages de la poëtique d’Aristote, que les commentaires n’ont fait jusques ici que rendre inintelligible. […] Je dirai la même chose de monsieur l’abbé Gravina, qui, pour avoir supposé que la melopée des pieces de théatre étoit un chant musical, et la saltation une danse à notre maniere, a fait dans son livre de la tragedie antique, une description du théatre des anciens, à laquelle on ne comprend rien.

1054. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vitu » pp. 103-115

Or, Auguste Vitu est très capable de faire un livre, ramassé, soutenu et fort, soit d’antiquités, soit d’histoire ; mais comme l’histoire est, en ce moment, ce qui doit passer le plus près de toute pensée qui comprend les dangers du présent et veut le salut de l’avenir, c’est un livre d’histoire que nous lui demandons positivement. […] Ce serait moins enfantin que l’histoire pittoresque, moins dangereux que l’histoire fataliste, plus vite compris dans ce siècle, chancelant et sceptique, que l’histoire providentielle, et ce serait infiniment sain.

1055. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Dante »

La gloire est plus faite pour tourmenter que pour éclairer nos esprits ; elle les force plus à s’occuper du génie qui l’a méritée qu’à le bien comprendre. […] On s’en est jusqu’ici beaucoup plus occupé qu’on ne l’a compris.

1056. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lessing »

Aussi fut-ce pour l’améliorer — si l’on peut dire améliorer pour dire : faire quelque chose de rien, — que quelques esprits littéraires entreprirent de fonder un théâtre à Hambourg, — à Hambourg, précisément la ville où, plus tard, on se mettait à trois pour comprendre un mot de Rivarol ! […] préféré Destouches ; mais le mal est moins grand pour Lessing que de n’avoir pas compris que Shakespeare était tout le théâtre, résumé dans un homme, par conséquent le théâtre même qu’il voulait fonder.

1057. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « I. Saint Thomas d’Aquin »

Il consiste à reprendre d’une main tout doucettement ce qu’il a donné de l’autre avec un grand geste, et ce qui suit va le faire comprendre : Agrégé à la Faculté des lettres, sorti de l’Université pour entrer à l’Académie dont il a voulu le prix qu’il n’a pas manqué, ayant par conséquent des terreurs respectueuses fort naturelles pour le progrès, et non moins naturellement des affections intellectuelles pour l’Église, M.  […] Il a tourné, en homme qui comprend ces questions et ces langages, dans ce rond d’idées qui ne s’est pas élargi d’Aristote à saint Thomas d’Aquin et de saint Thomas d’Aquin à Kant lui-même.

1058. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Lefèvre-Deumier »

Dans de telles circonstances, on comprend que Lefèvre-Deumier ait gardé dix ans un recueil qui n’a pas, d’ailleurs, l’accent des poésies contemporaines. […] Vous ne comprenez pas ces morts de tous les temps, Tenant tous à la fois dans un seul de vos champs ; Ces assises du globe, où, poussière à poussière, L’Éternel pèsera la terre tout entière !

1059. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « J.-J. Ampère ; A. Regnault ; Édouard Salvador »

Regnault l’a compris. […] Son histoire de Marseille, qui comprend tant de faits et à laquelle il sait rattacher tant de choses, est écrite avec une rapidité pleine d’éclairs.

1060. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

DOM JAPHET Peut-être ignorez-vous encore qui je suis : Je veux vous l’expliquer autant que je le puis, Car la chose n’est pas fort aisée à comprendre. […] Telle n’est pas sa manière de comprendre son art ! […] Et puis, s’ils ne les comprennent pas toujours très bien, ce sont pourtant les Grecs, c’est Aristote, c’est aussi Sophocle et Euripide, que d’Aubignac ou La Mesnardière se piquent de suivre ; et Racine estime qu’en suivant les Grecs on ne saurait jamais se tromper tout à fait. […] Cela est d’un temps dont nous ne comprenons plus les sentiments, bien loin de les partager. […] Enfin, Messieurs, si je me suis fait bien comprendre, n’ajouterons-nous pas que l’idée même que Racine se faisait de son art devenait désormais un danger plutôt qu’un secours pour l’avenir de la tragédie ?

1061. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

» Elles ne peuvent guère être comprises que notées. […] C’est ainsi que le comprenait Jean Journet, — un modèle que j’offre à M.  […] … Vous ̃comprenez, Monsieur, que je ne veuille pas m’exposer… — C’est trop juste. […] C’est pour avoir compris cette mission nouvelle et nécessaire de la poésie, que le volume de M.  […] Les Grecs, nos maîtres en bien des choses, ne l’avaient pas compris autrement.

1062. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Habituez-vous à comprendre ce que vous n’aimez pas, afin d’arriver à aimer ce que vous n’aviez pas compris. […] Bien comprise, elle le crée et l’augmente. […] On peut toujours voir et comprendre autrement ce qui a été vu et compris par d’autres. […] Je comprendrais peu une exclusion absolue. […] Il a compris la nature à la façon antique.

1063. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Comment comprendrais-je vos regards muets ? […] J’avoue que je ne pouvais comprendre comment ces buissons ne s’enflammaient pas. […] Lavretzky et Lise s’en aperçurent tous les deux, et Lemm le comprit. […] Tout son cœur se glaça ; il comprit le sens de ces larmes. […] — Vous m’avez entendu, répondit Lemm : n’avez-vous donc pas compris que je sais tout ? 

1064. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Loy, Aimé de = Desloye, Jean-Baptiste Aimé (1798-1834) »

Sainte-Beuve Il y a, dans les vers de Loy, souvent redondants, faibles de pensée, vulgaires d’éloges, je ne sais quoi de limpide, de naturel et de captivant à l’oreille et au cœur, qui fait comprendre qu’on l’ait aimé.

1065. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

L’ancien style classique, mieux fait pour être écouté et compris, s’adressait surtout au sens de l’ouïe, plus intellectuel que celui de la vue. […] Pour posséder un sentiment juste et complet des destinées sociales, il faut d’abord avoir compris les époques finies ; pour bien les comprendre, il faut les avoir aimées. […] Car il comprenait bien l’esprit moderne, et surtout l’esprit français, ennemi du symbolisme, et qui ne voit de philosophie que dans la logique, et de poésie que dans la forme. […] Les choses de notre temps, dit Ballanche, parlent un langage qui se fait assez comprendre et qui est aussi une révélation de Dieu. […] L’instinct des artistes en devine plusieurs, et le sentiment religieux reconnaît et adore les autres sans les comprendre.

1066. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

— Oui, monsieur. — M’avez-vous bien compris ? […] Si celui-là veut, il ira loin ; il aime la nature et comprend bien l’antique. » La joie éclata aussi sur la figure de Maurice. […] Comprenez-vous, Étienne ? […] Vous devez comprendre à présent, mon ami, le sens dans lequel sera dirigée l’exécution de mon tableau. […] Déjà il avait été compris dans les mandats décernés contre les complices de Babeuf.

1067. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Les romanciers naturalistes se sont attachés avec ténacité à des formules qu’ils comprenaient mal. […] Qu’ils comprennent donc leur responsabilité ! […] La publication de son œuvre critique, qui comprend déjà une vingtaine de volumes, se continue. […] On comprend que la confection d’un tel personnage ait été laborieuse. […] Il est de ceux qui nous font comprendre comment les écoles finissent.

1068. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Et l’on comprend tout le plaisir que put tirer de la conversation de l’Amazone celui qui fait sa gloire. […] Et quand il abordera Pascal, on murmurera dans son entourage ; « On ne le comprend plus du tout, il parle comme dans les livres !  […] Robert de Traz parcourt aujourd’hui l’Europe avec l’idée de comprendre et de faire comprendre ce qu’il voit. […] Comprenez-vous pareil zèle à trahir, pareil entrain pour se détruire ? […] Aujourd’hui, je comprends avec netteté que, mon père et moi, nous avions raison l’un et l’autre.

1069. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Je comprenais maintenant à quel ordre d’idées se rattachait cette singulière manie. […] — Je ne te comprends pas…, me répondit-il simplement. — Vous ne me comprenez pas ? […] Ceux qui m’ont accusé de salir la maternité n’ont rien compris à mes inventions. […] Quatre mois de congé, non compris le voyage !

1070. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Indiana (1832) »

Indiana ne comprend pas encore, elle s’explique moins profondément qu’il ne convient cette catastrophe funeste arrivée à sa compagne chérie ; elle ne peut et n’ose deviner.  […] Mais le sir Ralph de la quatrième partie ne ressemble plus à celui-ci, que nous croyons apprécier et comprendre ; le sir Ralph qui démasque, après des années de silence, son amour pour Indiana épuisée, qui prête à cet amour le langage fortuné des amants adolescents et des plus harmonieux poètes, le sir Ralph dont la langue se délie, dont l’enveloppe se subtilise et s’illumine ; le sir Ralph de la traversée, celui de la cataracte, celui de la chaumière de Bernica, peut bien être le sir Ralph de notre connaissance, transporté et comme transfiguré dans une existence supérieure à l’homme, de même que l’Indiana, de plus en plus fraîche et rajeunie, à mesure qu’on avance, peut bien être notre Indiana retournée parmi les anges ; mais à coup sûr ce ne sont pas les mêmes et identiques personnages humains, tels qu’on peut les rencontrer sur cette terre, après ce qu’ils ont souffert et dévoré. 

1071. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Virgile et Constantin le Grand par M. J.-P. Rossignol. »

Rossignol nous fait bien comprendre la transformation que subit peu à peu dans l’imagination des peuples cette sorte de vague prédiction virgilienne, portée sur l’aile des beaux vers et revêtue d’une magique harmonie. […] Grâce à ce rôle nouveau qu’une semblable interprétation créait à Virgile, et que la vague tradition favorisa, on comprend mieux comment le divin et pieux poëte (le poëte pourtant de Corydon et de Didon) a pu être pris sous le patronage de deux religions si différentes et si contraires, comment le Christianisme du moyen-âge s’est accoutumé peu à peu à l’accepter pour magicien et pour devin, et comment Dante, le poëte théologien, n’hésitera point à se le choisir pour guide dans les sphères de la foi chrétienne.

1072. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — I »

Vous ne comprendrez jamais le sentiment religieux ; vous ne saurez jamais ce que c’est qu’une religion, si, par malheur, vous ne vous êtes jamais demandé d’où vous veniez ? […] Mais dans un âge mûr, après tous les progrès de la civilisation, la raison n’a plus besoin de formes pour comprendre ; elle saisit la vérité dans toute sa nudité naturelle, et c’est la philosophie qui vient lui enseigner ses destinées.

1073. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alexandre Dumas. Mademoiselle de Belle-Isle. »

Le chevalier d’Aubigny arrivait furieux, on lui riait au visage ; Mme de Prie se frottait les mains ; Mlle de Belle-Isle, survenant, ne comprenait rien, et d’Aubigny, rassuré, se gardait bien de l’instruire : il emmenait vite sa fiancée. […] que le rôle serait beau pour un auteur dramatique qui le comprendrait et qui aurait en lui la veine !

1074. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Mais, faute d’y penser, faute de comprendre assez l’importance de cette remarque, notre critique tombe à chaque instant dans l’injustice ou dans la banalité. […] L’élargissement du goût est facile à comprendre ; à mesure que nos préjugés tombent, beaucoup de nos répugnances doivent céder et disparaître.

1075. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VI. La commedia sostenuta » pp. 103-118

Maître, parlez de manière à être compris… BARRA. […] Elle a besoin de recourir à un notaire qui lui rédige un acte interminable auquel elle ne comprend rien, et, quand elle lui en demande l’explication, il la renvoie à un avocat, son associé.

1076. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

Le seul parti qu’il eût à prendre, était de lui donner une lettre de divorce, et de l’envoyer avec ses plus jeunes enfants chez son père, lequel comprendrait, il en était certain, la véritable raison qui le poussait à agir ainsi et donnerait à la pauvre femme consolation et conseil. […] Mitfort ; on comprend la curiosité que j’éprouvai même à faire connaissance avec la personne de mon artiste-héros, par un portrait, une figuration, une représentation quelconque.

1077. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XII. Mme la Princesse de Belgiojoso »

L’esprit et la science peuvent n’en pas tenir un grand compte, mais toute âme vivante et mourante encore plus, comprendra qu’il y a ici un charme secret, une intime originalité. […] Mais, hors cette impression, qu’il ne fallait pas être bien sensitive pour éprouver, la voyageuse n’a rien compris à cette polygamie des harems qu’un voyageur, d’une intelligence plus perçante et plus mâle, aurait examinée.

1078. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet »

Avec les besoins de plus en plus marqués de précision et d’exactitude qui tendent à devenir le fond même de l’esprit moderne, l’historien, pour bien comprendre l’histoire et la ressusciter en la peignant, doit vivre là où elle a vécu et s’est faite. […] … Et quelle notion prise dans ce Christianisme, repoussé par la Chine, empêcherait d’admettre aujourd’hui l’impossibilité d’une conversion à laquelle on a résisté pendant des siècles, et cette vue d’un châtiment, pour les peuples qui n’ont pas, comme les individus, d’autre monde pour expier leurs fautes, sans laquelle l’ordre croule et l’Histoire ne se comprend plus !

1079. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution d’Angleterre »

Et, pour moi, Guizot l’a si bien compris ainsi, son expérience d’homme d’État et de philosophe l’ont si bien convaincu qu’en Histoire la plus forte des influences n’était ni les choses, ni les idées, ni les missions providentielles, comme disent les confidents indiscrets de la Providence avec d’inexprimables fatuités, ni toutes ces forces chimériques inventées lâchement pour sauver l’homme du danger de sa responsabilité, — espèce de laurier à électricité négative qu’on lui plante sur la tête pour repousser la foudre de Dieu et la condamnation des siècles, — que, dans les biographies récemment publiées, l’illustre historien n’a pas même pris la vie des hommes éclatants, des personnages décisifs de la Révolution d’Angleterre. […] Les uns chercheront donc dans le nouvel écrit de Guizot, comme ils cherchèrent dans tous ceux du même auteur qui le précédèrent, des raisons suffisantes pour accepter et légitimer, pour innocenter et comprendre le principe des révolutions ; les autres pour le repousser, le maudire et le combattre davantage.

1080. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « W.-H. Prescott » pp. 135-148

Il ne soupçonne pas que pour comprendre l’Espagne de Philippe II et Philippe II, il faut avoir, au moins, la notion profonde du Catholicisme, et qu’il ne suffit pas pour cela d’être citoyen des États-Unis et libre penseur. […] Après la décapitation de d’Egmont, ce Ney de l’histoire hispano-flamande, — car Graveline et Saint-Quentin valent bien la Moscowa, — et pour qui, comme pour Ney, il y eut autant de raisons de pardonner que de condamner, Prescott rapporte toute entière cette lettre du duc d’Albe à Philippe II, que tant d’autres historiens auraient oubliée : « Votre Majesté comprendra le regret que j’ai eu de voir finir ainsi ce pauvre seigneur et de lui faire subir ce sort ; mais je n’ai pas reculé devant le devoir de servir mon souverain… Le sort de la comtesse m’inspire aussi une très grande compassion quand je la vois chargée de onze enfants dont aucun n’est assez âgé pour se suffire, et quand on pense à son rang élevé de sœur de comte palatin et à sa vie si vertueuse et si exemplaire, je ne puis que la recommander aux bonnes grâces de Votre Majesté. » Les bonnes grâces de Philippe II furent chiches.

1081. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

Champfleury, qui n’a jamais su, lui, construire une phrase et qui n’en comprend même pas l’organisme. […] Au milieu du monde où il place sa jeune fille et auquel je reproche, en masse, une insupportable médiocrité, j’ai pensé longtemps que si l’amant d’Henriette était, comme amant, aussi médiocre que les autres, comme persécuteurs, Henriette au moins resterait une fille énergique, — et d’une originale énergie, — dont le type, délicatement et profondément compris par M. 

1082. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre XI. De la géographie poétique » pp. 239-241

Peut-être doit-on comprendre de cette manière les Arcadiens d’Évandre, et les Phrygiens d’Énée. […] Sans doute il comprenait avec raison sous cette dénomination les vagabonds sans lois et sans culte qui, pour échapper aux rixes continuelles de l’état bestial, cherchaient un asile dans les lieux forts occupés par les premières sociétés, faibles qu’ils étaient par leur isolement, et manquant de tous les biens que la civilisation assurait déjà aux hommes réunis par la religion.

1083. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Les lettrés seuls comprennent la plupart des sujets traités par les arts. […] Je me fais mal comprendre, Marcel. […] Mais cela ne se comprend pas. […] Les étrangers n’y comprennent rien. […] Nous avons quelque peine à comprendre de tels sentiments.

1084. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gère, Charles de »

Sous cette forme et sans éclat, un sentiment d’une intensité singulière se fait comprendre et se fait aimer… Il y a beaucoup de vers, précis et forts venus du cœur, ingénus et francs, qui prennent l’âme et font jaillir la pitié, dans le livre touchant de M. de Gère.

1085. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 265

Il a fait une Histoire critique de la République des Lettres, qui comprend l’espace de cinq années, où il est aisé devoir que les citations étoient ses armes favorites, sans qu’il s’inquiétât beaucoup où elles pouvoient porter.

1086. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 405

Les Littérateurs peu dévots seront étonnés de la place que nous donnons ici à cet Abbé ; mais ceux qui comprennent & ceux qui prouvent qu’une dévotion sage & éclairée est capable de rendre le mérite littéraire plus intéressant, souscriront volontiers à cette admission.

1087. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

J’ai beaucoup connu d’hommes publics, je n’en place aucun pour la pureté et la grandeur d’âme au-dessus de M. de La Ferronnays ; quand l’aristocratie adopte la raison publique, elle réconcilie en elle les deux parties du genre humain qui tendent toujours à se combattre, faute de se comprendre. […] On comprend l’énergique rancune de Charles X contre M. de Chateaubriand. […] Vous m’avez fait réellement comprendre que tout est contemporain pour celui qui comprend la notion de l’éternité ; vous m’avez expliqué Dieu avant la création de l’homme, la création intellectuelle de celui-ci, puis son union à la matière par sa chute, quand il crut se faire un destin de sa volonté. […] morte avant la première ride sur son beau visage et sur son esprit ; la duchesse de Maillé, âme sérieuse, qui faisait penser en l’écoutant ; son amie inséparable la duchesse de La Rochefoucauld, d’une trempe aussi forte, mais plus souple de conversation ; la princesse de Belgiojoso, belle et tragique comme la Cinci du Guide, éloquente et patricienne comme une héroïne du moyen âge de Rome ou de Milan ; mademoiselle Rachel, ressuscitant Corneille devant Hugo et Racine devant Chateaubriand ; Liszt, ce Beethoven du clavier, jetant sa poésie à gerbes de notes dans l’oreille et dans l’imagination d’un auditoire ivre de sons ; Vigny, rêveur comme son génie trop haut entre ciel et terre ; Sainte-Beuve, caprice flottant et charmant que tout le monde se flattait d’avoir fixé et qui ne se fixait pour personne ; Émile Deschamps, écrivain exquis, improvisateur léger quand il était debout, poète pathétique quand il s’asseyait, véritable pendant en homme de madame de Girardin en femme, seul capable de donner la réplique aux femmes de cour, aux femmes d’esprit comme aux hommes de génie ; M. de Fresnes, modeste comme le silence, mais roulant déjà à des hauteurs où l’art et la politique se confondent dans son jeune front de la politique et de l’art ; Ballanche, le dieu Terme de ce salon ; Aimé Martin, son compatriote de Lyon et son ami, qui y conduisait sa femme, veuve de Bernardin de Saint-Pierre et modèle de l’immortelle Virginie : il était là le plus cher de mes amis, un de ces amis qui vous comprennent tout entier et dont le souvenir est une providence que vous invoquez après leur disparition d’ici-bas dans le ciel ; Ampère, dont nous avons essayé d’esquisser le portrait multiple à coté de Ballanche, dans le même cadre ; Brifaut, esprit gâté par des succès précoces et par des femmes de cour, qui était devenu morose et grondeur contre le siècle, mais dont les épigrammes émoussées amusaient et ne blessaient pas ; M. de Latouche, esprit républicain qui exhumait André Chénier, esprit grec en France, et qui jouait, dans sa retraite de la Vallée-aux-Loups, tantôt avec Anacréon, tantôt avec Harmodius, tantôt avec Béranger, tantôt avec Chateaubriand, insoucieux de tout, hormis de renommée, mais incapable de dompter le monstre, c’est-à-dire la gloire ; enfin, une ou deux fois, le prince Louis-Napoléon, entre deux fortunes, esprit qui ne se révélait qu’en énigmes et qui offrait avec bon goût l’hommage d’un neveu de Napoléon à Chateaubriand, l’antinapoléonien converti par popularité : L’oppresseur, l’opprimé n’ont pas que même asile ; moi-même enfin, de temps en temps, quand le hasard me ramenait à Paris. […] Ce mot sur la mort de madame de Duras est bien appliqué à une des femmes les plus capables de comprendre le génie parce qu’elle avait de beaux talents, et la plus digne d’être regrettée parce qu’elle avait un cœur plus grand encore que le talent.

1088. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

C’est bien le poète aussi, le poète toscan irrité, le petit-fils de Dante et l’héritier de ses colères, qui maudit en passant l’immense cloaque parisien, et les écrivains ignorants qui de toute la littérature italienne comprennent tout au plus Métastase, et le jargon nasal de ce pays, ce qu’il y a de moins toscan au monde. […] Il y avait dans les destinées si différentes de la duchesse Charlotte et de la comtesse Louise un contraste éloquent, une leçon douloureuse et amère qu’un poète, un moraliste, un peintre des passions humaines aurait dû mieux comprendre, et qu’il eût comprise sans nul doute, s’il n’avait pas été si directement intéressé dans cette aventure. […] Une fois revenu à la poésie, je ne quittai plus mon petit poème que je ne l’eusse complètement terminé, y compris le quatrième chant. […] « Avec tout cela, écrit-il, inébranlable dans ma conviction du beau et du vrai, j’aime mieux (et je saisis toutes les occasions de renouveler à cet égard ma profession de foi), j’aime beaucoup mieux encore écrire dans une langue presque morte et pour un peuple mort, et me voir enseveli moi-même de mon vivant, que d’écrire dans ces langues sourdes et muettes, le français ou l’anglais, quoique leurs armées et leurs canons les mettent à la mode ; plutôt mille fois des vers italiens, pour peu qu’ils soient bien tournés, même à la condition de les voir pour un temps ignorés, méprisés, non compris, que des vers français ou anglais, ou dans tout autre jargon en crédit, lors même que, lus aussitôt par tout le monde, ils pourraient m’attirer les applaudissements et l’admiration de tous. […] « Sans cela, ajoute le commentateur de la vie d’Alfieri, on ne comprendrait pas certain épisode de ce voyage à Londres, dont Alfieri ne parle pas dans ses mémoires (pour éviter sans doute des explications très étranges).

1089. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

L’écrivain en qui était déposée la vertu suprême de donner la vie, d’en reproduire les innombrables formes, de la comprendre totalement dans un immense embrassement d’intelligence, s’est détourné de soi, s’est repris au monde avec lequel il était entré en une plus intime communion qu’il n’appartient d’habitude à un homme, et s’est réduit aux pensées étroites d’un religieux qu’inquiètent seulement la pratique et la prédication d’une doctrine selon les pauvres d’esprit. La nature, le problème de cette âme se rétrécissant au point de s’exclure du domaine même, énorme et multiple, qu’elle était apte, parmi de rares, à régir ; le long enfantement de cette faculté de mécontentement, d’inquiétude, de souci, d’égarement, de passion, trouble et précipitée qui ne fit plus juger louable au comte Tolstoï que d’amender en vue de plus de bonheur bien bas, cette humanité décrite et montrée dans ses larges œuvres : cet essor et ce déclin seront considérés dans les pages qui suivent avec l’étonnement douloureux, mais aussi avec le vif désir de comprendre que mérite la transformation si complète d’un esprit si haut. […] La Guerre et la Paix atteint presque ainsi au véritable but du roman réaliste, celui de contenir non pas un cas particulier et spécial auquel la sympathie ne se concède en somme que par politesse, mais de comprendre quelque large ensemble social, do façon à satisfaire le plus profond et le plus universel des intérêts humains, celui qui lie chacun à la communauté de tous, au monde. […] Tolstoï échoue de même et se récuse devant les passions de l’intelligence ; l’ambition, l’amour de l’or, de la domination, ne tiennent aucune place dans ses livres ; les solutions logiques des perplexités humaines, ces magnifiques efforts de l’esprit tâchant de concilier en un système cohérent ses besoins et ses notions sont débattus à peine, dans Anna Karénine notamment, et avec le langage grossier d’un homme qui n’a pu s’élever à les comprendre. […] De ce désaccord intime entre les penchants de l’écrivain et le spectacle que son intelligence était forcée à contempler, sans pouvoir l’aimer ou le comprendre, ce fut un sentiment de tristesse, de répulsion, de détachement, de volontaire irréflexion qui résulta.

1090. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

C’est ce procès, si souvent débattu de nos jours avec la partialité et avec la passion des querelles d’esprit, que nous allons essayer de juger à notre tour, en comprenant bien et en faisant bien comprendre cet homme d’achoppement, Boileau. […] Pour le comprendre il fallait comprendre préalablement l’esprit français contemporain. […] Celle sur la noblesse est une imprécation contre les inégalités de rang qui préludait de bien loin à la révolution française et que Louis XIV autorisait parce qu’il ne comprenait d’inégalité que pour le trône. […] Il faut plaindre ceux qui méprisent un tel artiste de n’avoir ni des yeux ni des oreilles capables de comprendre ce grand art de faire rendre à des syllabes tout ce que la nature fait éprouver de plus inexprimable aux sens, même le silence et l’assoupissement des sensations ! […] Si nous avions à la définir comme nous la comprenons, nous dirions : la critique est la logique des arts, de l’art de penser et d’écrire comme de tous les autres arts que l’esprit humain a inventés pour exercer les forces de son intelligence ou de ses sens à la gloire de son être.

1091. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Bien des gens, il est vrai, en parlent de confiance, et seraient fort embarrassés d’éclaircir les vagues idées que ce mot éveille en eux ; réjouissons-nous toutefois que, même mal ou peu compris, il soit sur toutes les lèvres : on en peut conclure qu’il exprime une tendance sérieuse de toutes les âmes. […] Dans l’ignorance et l’anarchie générales, le passé était mal connu, le présent mal compris ; sous le joug d’autorité qui opprimait à la fois la pensée et la conduite, nul espoir pour la raison d’étendre ses conquêtes dans l’avenir. […] C’est que son génie avait compris toute la puissance de la méthode expérimentale, l’avait appliquée sur plusieurs points avec une sagacité merveilleuse pour l’époque, et devinait dans l’accumulation, la coordination et la transmission des résultats qu’elle peut fournir, la condition d’un progrès auquel nulle borne ne peut être assignée. […] Non, car la loi ainsi comprise s’impose avec une absolue nécessité aux phénomènes qu’elle gouverne. […] C’est assez dire qu’Aristote avait compris toute l’importance de l’anatomie comparée.

1092. (1903) La renaissance classique pp. -

Au lieu de réfléchir et de se demander si tel vice ou tel [caractère, si telle tradition, tel arbitraire ou telle violence n’avait point, en somme, sa raison d’être non pas dans une nécessité physique inéluctable, mais dans un plus grand bien dont ces maux relatifs seraient la condition, ils préférèrent s’emporter et décrire avec amertume et cruauté ce qu’ils étaient incapables de comprendre. […] Le jour où nous croyons comprendre la pensée d’un Goethe, ce n’est pas que nous soyons devenus plus intelligents au sens métaphysique du mot, mais c’est que nous sommes parvenus à un point de notre développement intellectuel qui offre quelque analogie avec celui du grand poète. […] Malheureusement, l’admirable leçon qui se dégageait de son Histoire de la littérature anglaise n’a pas été comprise chez nous. […] Elles comprennent des aptitudes acquises et communes à tout un groupe d’individus : une méthode particulière de penser, une façon spéciale de sentir et de s’exalter, de jouir, d’aimer, de goûter la vie ; et ce qui domine toutes ces ressemblances, c’est le souvenir émouvant des mêmes périls et des mêmes triomphes, des mêmes grandes choses accomplies ensemble. […] * Pour le comprendre, pour en avoir en quelque sorte l’intuition vivante, il faut, un beau jour, — avec piété, avec recueillement, — visiter cette longue série de merveilles qui commence au vieux Louvre et, par la cour du Carrousel, les Champs-Élysées, l’Arc-de-Triomphe, la Muette, Sèvres et Saint-Cloud, aboutit à Versailles.

1093. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

Quoi qu’il en soit, Mézeray servit pendant deux ou trois campagnes, et, lorsqu’il quitta brusquement sa place, il y avait gagné du moins d’avoir vu la guerre d’assez près pour en savoir la langue et en comprendre les opérations : cela lui servit plus tard comme historien. […] L’auteur se forme sensiblement à mesure qu’il les écrit : la fin du tome premier, à partir de Philippe le Bel et surtout de Charles V et Charles VI, devient fort nourrie et fort pleine ; le second volume, qui commence à Charles VII et qui finit avec Charles IX, est constamment soutenu ; le troisième, qui comprend le seul règne de Henri III et celui de Henri IV jusqu’à la paix de Vervins, est excellent. […] Blanche la prudente, la sage, la raisonnable, la politique et la sainte, n’a jamais mieux été comprise et présentée que dans ce portrait de Mézeray.

1094. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

Mais d’abord louons Froissart d’avoir compris et embrassé dans toute son ampleur sa fonction de chroniqueur, qui était le véritable rôle de l’historien d’alors. […] Il comprit à première vue qu’il n’y avait que la prose qui pût suffire à embrasser ainsi et à porter à l’aise tous ces événements, et, malgré la facilité tout ovidienne qu’il avait à rimer, il se garda bien d’imiter Philippe Mouskes, l’évêque de Tournai, et d’aller emprisonner sa Chronique dans des rimes. […] C’est ce qui a fait dire de lui à Montaigne, assez pareil de nature, et qui était si bien fait pour l’apprécier et le comprendre (il parle en cet endroit des historiens simples, qui ramassent tout ce qui vient à leur connaissance, et qui enregistrent à la bonne foi toutes choses sans choix et sans triage) : Tel est entre autres, pour exemple, le bon Froissart qui a marché, en son entreprise, d’une si franche naïveté qu’ayant fait une faute, il ne craint aucunement de la reconnoître et corriger en l’endroit où il en a été averti, et qui nous représente la diversité même des bruits qui couroient et les différents rapports qu’on lui faisoit : c’est la matière de l’histoire nue et informe ; chacun en peut faire son profit autant qu’il a d’entendement.

1095. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

La nouvelle du débarquement de Napoléon à Cannes la terrifia, et elle en comprit à l’instant la portée, elle en prévit les suites. […] N’oublions pas que les hommes, y compris les femmes, ne sont pas tout d’une pièce, qu’il y a des temps d’émotion générale où une démarche, un mouvement qui ne sera pas entièrement d’accord avec l’ensemble de la ligne suivie, peut paraître la chose la plus naturelle ; et, dans ce cas-ci, le mouvement qui aurait porté Mme de Staël à écrire la lettre en question, serait infiniment honorable, et, par conséquent, digne d’elle. […] Cette lettre, ou telle autre pareille, ne nous forcez pas à le dire, nous les amis de Mme de Staël, et qui comprenons ses premiers mouvements en plus d’un sens, c’est la compensation peut-être d’avoir écrit un jour au général Moreau de revenir d’Amérique pour nous combattre, d’avoir appelé Bernadotte le véritable héros du siècle, celui qui joint la vertu au génie ; elle a pu, dans des moments de révolte et d’irritation trop motivée, s’emporter à ces vivacités extra-françaises ; elle était femme après tout, nous ne l’en blâmons pas ; mais concevez donc aussi qu’elle a pu écrire à un autre moment cette lettre toute française en simple brave femme qu’elle était ce jour-là, et en bonne patriote.

1096. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Le Saint-Simonisme, en tous ceux qu’il a touchés, a tué la foi au libéralisme pur, et tout en ne repoussant rien de ce que la liberté a de bon, d’utile et de pratique, le nom de liberté désormais, pour tous ceux qui ont compris le sens et le bienfait aussi de ce qui n’est pas elle, qui ont conçu, ne fût-ce qu’une fois, le regret ou l’espoir d’une haute direction sociale, a perdu de sa vertu merveilleuse et de sa magie. […] Guéroult n’a point de parti pris absolu, et il est de ceux qui, tout en désirant le plus, comprennent qu’on puisse faire halte en deçà : « Nous ne comprenons, dit-il, rien d’absolu dans une société progressive par nature et composée d’un ensemble de rapports nécessairement variable.

1097. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Tout le temps qu’en exil vivra mon Clinias, Je veux tirer de moi quelque bonne vengeance, Amasser, travailler sans la moindre dépense, Épargner pour lui seul. » Aussitôt fait que dit : Je jette tout dehors, jusqu’à mon dernier lit ; Je ressemble en un tas meubles, outils, vaisselle ; Servantes et valets, je vends tout pêle-mêle, Y compris la maison, sauf, toutefois, les gens Dont le travail pouvait m’indemniser aux champs ; Et, des quinze talents que j’en obtins à peine, Pour bien m’y tourmenter, j’achète ce domaine, Pensant que, plus j’endure et vis en me privant, Moins j’aggrave mes torts envers mon pauvre enfant. […] Nul n’a mieux compris que lui le charme des brouilleries et des raccommodements, les tendresses plus vives après les fureurs. […] Diderot le fougueux, le verveux, a eu l’honneur de comprendre et de sentir dans Térence celui qui lui ressemblait le moins, celui qui n’outre rien, ne charge jamais, et qui ne met pas un trait de plus que nature.

1098. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Au sein de cette infinie variété des talents, pour les embrasser et les critiquer, la première condition est de les comprendre, et, pour cela, de s’effacer, ou même de se. contrarier et de se combattre. […] On se sent véritablement ailleurs ; l’on comprend que l’on a quitté Paris tout de bon ; la différence du climat, de l’architecture, des costumes, ne vous dépayse pas autant que la présence de ces grands végétaux des régions torrides que nous n’avons l’habitude de voir qu’en serre chaude. […] On comprend qu’on soit quelque peu tenté d’être matérialiste, quand la matière est si riche et si belle.

1099. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Le Parlement de Besançon, le Parlement ou Conseil souverain pour l’Alsace siégeant à Brisach, le Parlement de Metz avec adjonction d’une Chambre spéciale dite de réunion, se virent chargés de connaître de l’état des terres comprises dans l’étendue de leur juridiction, et d’en connaître au point de vue de la souveraineté. […] De cette manière, le roi paraîtra faire justice et la fera en effet, et la Chambre, en adjugeant à l’évêque ce qui lui appartient, réunira à la couronne de Sa Majesté la souveraineté des lieux que les évêques auront fait assigner… Afin de ne point faire trop de bruit, il ne faut comprendre dans une même requête que cinq ou six villages, et, de huitaine en huitaine, en faire présenter sous le nom de chacun desdits évêques, moyennant quoi, en peu de temps, l’on aura fait assigner tous les lieux qu’on peut prétendre avoir été autrefois desdits évêchés. » La tactique est assez nettement indiquée ; on voit la marche de cette politique rongeante qui bientôt ne se contenta point d’absorber les petits feudataires enclavés, mais qui s’essayait parfois à sortir du cercle et à pousser jusqu’en pays allemand, à la grande clameur des seigneurs, princes ou même rois qui se sentaient atteints. […] Turenne et Créqui, dans les dernières campagnes, avaient eu lieu d’être mécontents d’elle, et si la petite république n’avait pas été annexée plus tôt et comprise dans un article du Traité de Nimègue, c’est que Louvois comptait bien s’en accommoder bientôt après à meilleur marché, et sans qu’il fût demandé en retour de compensation d’aucune sorte ni d’équivalent.

1100. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Quoi qu’il en soit, cette singularité de sa démission, bien qu’assez peu comprise dans le moment, est devenue après coup une preuve de très-vive clairvoyance. […] Je glisse donc sur la partie des réformes radicales proposées alors par La Presse, et qui se confondaient dans le tumulte avec tant d’autres projets moins cohérents et moins concertés ; mais ce qui tranchait et la distinguait honorablement, ce que tous aussitôt comprirent, ce fut l’opposition franche et déclarée que M. de Girardin commença à faire dans le courant de mars aux vagues paroles, aux concessions continuelles, aux illusions fatales du Gouvernement provisoire, comme aussi à la propagande violente de quelques-uns de ses membres dans les départements. […] C’est au milieu de ces luttes de chaque jour que M. de Girardin, obéissant à l’un des instincts et à l’une des lois de son esprit, s’est formé de plus en plus un système complet et radical de politique ou plutôt d’organisation de la société, qui est généralement peu compris, et qu’il ne cesse d’appliquer comme pierre de touche en toute circonstance.

1101. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Il s’adressa dans sa haute et froide impartialité à toutes les nuances, à toutes les couleurs d’opinions qui s’étaient dessinées depuis 1789 jusqu’au 18 brumaire, sans en exclure aucune, au côté droit comme au côté gauche des diverses Assemblées qui s’étaient succédé : il convenait pourtant que les Constituants lui donnaient plus de mal que d’autres à réduire et à employer ; les Conventionnels lui en donnèrent moins : ils avaient été amenés à comprendre mieux que les premiers que la liberté n’est pas tout, que le salut public doit passer même avant les principes, et que dans la vie des nations il y a telle chose qu’on ne saurait supprimer, le gouvernement avec ses nécessités à certaines heures. […] Il ne s’agit ni de les grandir et de les diviniser, ni de les dégrader et de les démolir ; un de ces excès appelle l’autre : il est mieux de se les bien expliquer et de les comprendre. […] Ayant pris sur lui d’ordonner le combat, il n’avait pas tardé à comprendre à son tour qu’à la guerre le patriotisme ne suffit pas à tout, et qu’il y a parfois nécessité de se contenir ou de reculer.

1102. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

Malheureusement les propos tenus par plusieurs ministres du roi dans les Cours ont fait croire le contraire. » Dans de telles conjonctures, Marie-Antoinette, on le conçoit, ne réussit à rien tirer de bien net des ministres qui sont et doivent être plus Français qu’elle, et qui ne se décident point sur des impressions et d’après des convenances de famille : « Pour le roi personnellement, il est bien attaché à l’alliance, et autant que je puisse le désirer ; mais, pour un moment aussi intéressant, je n’ai pas cru devoir me borner à en parler au roi : j’ai vu MM. de Maurepas et de Vergennes ; ils m’ont fort bien répondu sur l’alliance et m’y paraissent véritablement attachés ; mais ils ont tant de peur d’une guerre de terre, que quand je les ai poussés jusqu’au point où le roi de Prusse aurait commencé les hostilités, je n’en ai pu avoir de réponse bien nette. (25 mars 1778.) » Novice qu’elle est dans ces sortes d’affaires, elle ne démêle pas très distinctement les motifs qui font agir nos ministres et les intérêts véritables qu’elle aurait dû comprendre comme eux, ce qui lui aurait permis d’agir de concert vers le seul résultat possible. […] Elle eût évoqué l’affaire, s’en fût emparée par l’intelligence comme par le cœur, l’eût comprise dans le fond et dans la forme ; elle eût écouté les raisons des ministres de Louis XVI, y eût ajouté l’autorité de sa raison propre ; elle eût épargné à un roi faible ses tiraillements et son embarras, elle eût épousé sa politique sans abjurer la voix du sang : au lieu d’être un simple écho et de répéter sa leçon de Vienne, elle aurait eu sa façon de voir, un avis à elle, et indiquant toute la première la voie moyenne à suivre, la seule possible, renvoyant à Marie-Thérèse quelques-unes des objections que l’impératrice avait faites à Joseph II, elle eût réjoui Marie-Thérèse elle-même, et celle-ci, reconnaissant jusque dans les demi-résistances de sa fille ses propres pensées, sa propre sagesse, se fût écriée avec orgueil : « Elle est deux fois ma fille et mon sang !  […] On comprend très bien, en lisant les lettres de Marie-Thérèse à sa fille, comment elle fut amenée à cette démarche pacifique auprès de Frédéric, et aussi combien de telles avances durent coûter à la noble fille des Habsbourg.

1103. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

Ils n’ont pas été transportés d’un jour à l’autre et faits de toute pièce, tout roides et tout neufs, d’après une langue savante et morte, que l’on ne comprend que par les yeux et plus du tout par l’oreille. […] La réforme de l’orthographe elle-même y est comprise et s’en ressent ; on est tenté de s’en effrayer, de reculer à cette seule idée comme devant une périlleuse audace. […] Ainsi, pour le mot lyrique par exemple, dont le sens ne se borne plus à des pièces d’opéra, comme du temps de Quinault ou de M. de Jouy, mais qui comprend et embrasse, selon les meilleurs critiques, tout un vaste ensemble de poésie intime ou personnelle et d’épanchements de l’âme, en regard et à côté des genres épique et dramatique : il faudra, bon gré, mal gré, tenir compte de ces progrès de l’Esthétique, comme on dit.

1104. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

Enfin, j’ai décrit la convalescence avec les phénomènes qui l’accompagnent ; les fringales surtout ; l’appétit d’aliments… et du reste, vous comprenez sans que j’aie besoin d’insister !  […] Délire professionnel : « Gervaise comprit qu’il s’imaginait être sur un toit en train de poser des plaques de zinc. […] Un seul exemple fera comprendre la nature du reproche que nous sommes en droit de faire à M. 

1105. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre II. Des idées générales et de la substitution simple » pp. 33-54

. — Un nom que l’on comprend est donc un nom lié à tous les individus que nous pouvons percevoir ou imaginer d’une certaine classe et seulement aux individus de cette classe. […] Ces deux idées régnantes, le zizi et le fafer, étaient deux points cardinaux de son intelligence, et il partait de là pour tout comprendre et tout nommer. […] Dorénavant, le couple dont le nom est le premier terme comprend, comme second terme, un cortège immense d’autres mots et, par suite, une série aussi grande de tendances distinctes, lesquelles correspondent à des caractères généraux également distincts, et laissent place à côté d’elles pour une infinité de tendances nouvelles que l’expérience pourra provoquer. — Telle est la vertu de la substitution établie par les couples.

1106. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

On comprendrait mal le caractère de l’action qu’exercèrent les doctrines de Boileau après sa mort, si l’on n’examinait quel succès elles eurent auprès de ses contemporains. […] Français, trop de son siècle et de son monde pour sentir le charme et la grandeur intimes de l’antiquité : et s’il vante avec sa pétulance accoutumée trois ou quatre anciens, s’il célèbre la richesse et l’harmonie des langues grecque et latine, auprès desquelles nos langues modernes ne sont que des « violons de village », il ne prend et ne comprend là comme ailleurs que ce qui est conforme à ses préjugés littéraires ou autres. […] Nul ne peut dire aujourd’hui ce qui sortira de ce mouvement : il n’y a rien pour ainsi dire dans les doctrines de la nouvelle école, autant qu’on peut les comprendre, qui ne soit un démenti donné au naturalisme, comme à l’Art poétique, à tous les préceptes tendant à l’expression d’un objet réel dans une forme fixe et finie.

1107. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

On comprendra donc que nous nous contentions d’esquisser rapidement les physionomies des principaux orateurs qui se distinguèrent du commun : à la Constituante, Mirabeau et Barnave ; à la Législative et à la Convention, Vergniaud ; à la Convention, Danton et Robespierre. […] On comprendrait mal sa domination, si on ne voyait l’appui qu’elle trouva dans sa parole : à cet égard, l’éloquence a été pour lui ce qu’elle était pour les chefs des démocraties anciennes635 . […] Cela, c’est du Shakespeare — tel que le comprenait Hugo et qu’il en faisait.

1108. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Darwin surtout — plus mal compris à mesure qu’il était moins directement étudié — est devenu presque populaire. […] Ceux qu’il amuse seulement, sont ceux qui ne l’ont pas compris, ou qui n’ont pas voulu s’en donner la peine : car il n’y a qu’une incurable frivolité ou un violent parti pris qui puisse s’y méprendre. […] Puis il s’est livré à la science, il en a tenté les deux voies maîtresses, les sciences de la nature, et l’érudition philologique ; celles-là pour en comprendre l’esprit, les méthodes, la portée, et pour compléter sa culture, celle-ci pour y chercher la matière de sa pensée et l’aliment de son activité.

1109. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Il jouit de sentir qu’il y a entre certaines races de telles différences que jamais elles ne se comprendront, de sentir que les hommes sont impénétrables et inintelligibles les uns aux autres, comme l’univers est inintelligible à tous. […] Au reste, s’ils les voyaient bien, ils y prendraient tant de plaisir qu’ils n’auraient plus de courage pour l’action ; puis ils comprendraient l’abîme qui sépare les races et renonceraient à leur tâche impossible et sublime. […] Et dehors, dans les jardins, des jeunes filles vêtues de mousseline chantent des choeurs, comme dans l’île d’Utopie ou dans les Atlantides ; puis les danses commencent, lascives, furieuses, qui finissent vers l’aube par la fête universelle de la chair… Mettez toutes ces impressions ensemble, et d’autres encore, indéfinissables, que j’oublie, et vous comprendrez qu’il n’y a rien de plus sensuel, de plus languissant, de plus mélancolique que le Mariage de Loti.

1110. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre premier. La contradiction de l’homme » pp. 1-27

§ 3 Mais je n’effleure la psychologie animale, encore assez obscure, que pour mieux faire comprendre, par la comparaison, ce que c’est que la morale humaine, quelle nature elle révèle, et aussi quel degré, quel état de développement. […] Pour comprendre celle-ci, considérons ceux de ses préceptes qui ne regardent que nous, ou plutôt supposons que les prescriptions de la morale individuelle ne concernent que l’individu. […] Et si j’ai, pour fixer les idées, rapproché la vie individuelle et la vie sociale, on entrevoit, je pense, combien celle-ci est plus claire, plus nette, plus visible en ses détails, et comment c’est elle surtout qui peut éclairer la vie physiologique et la vie mentale et nous les faire comprendre.

1111. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

La chose est facile à comprendre. […] Il a fallu une centaine d’années et un bon nombre d’initiateurs pour que la rude majesté des sommets glacés, leur silencieuse et formidable solitude fût comprise et sentie par les descendants des habitués de Versailles et de Trianon. […] Impressions recueillies à vol d’oiseau, notes, études, enquêtes, réflexions philosophiques, poèmes descriptifs, récits d’ascensions, de chasse, d’excursions, romans de mœurs exotiques ou cosmopolites, fantaisies à la Jules Verne, itinéraires à la Chateaubriand, pérégrinations amoureuses à la Pierre Loti, — comptez, si vous pouvez, l’infinie variété d’œuvres qui démontrent cet élargissement du domaine littéraire, et vous comprendrez sans peine combien il importe de savoir en quels points précis chaque époque fixait les limites du monde connu.

1112. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

La méthode du naturaliste, en effet, comprend deux opérations essentielles : classer et décrire. […] II « Le sentiment, dit-il, comprend tous nos plaisirs et peines et certains modes d’excitation d’un caractère neutre, qu’on définira plus tard. » Le sentiment (feeling) comprend à la fois les diverses sensations précédemment examinées et les émotions179.

1113. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

— « Aviez-vous compris ?  […] Et comme l’ami répondit qu’il avait compris : « Alors, ajouta Pline, pourquoi faire recommencer ? […] Je m’incline ; ces maîtres compétents ont sans doute trois fois raison en ce qui les concerne ; mais, en ce que nous avons droit de comprendre comme eux, ils ont tort.

1114. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Son honneur à lui, c’est de n’avoir jamais, même aux moments les plus désespérés et les plus amers, cédé d’un point sur les conditions qu’il jugeait essentielles au rétablissement de la monarchie en France : « Il est aussi impossible de refaire l’Ancien Régime, pensait-il, que de bâtir Saint-Pierre de Rome avec la poussière des chemins. » Consulté de Vérone par Louis XVIII, et d’Édimbourg par le comte d’Artois, dans leurs projets excentriques de restauration, il ne cesse de leur redire : « Il faut écouter l’intérieur si l’on veut entreprendre quelque chose de solide… Ce n’est pas à nous à diriger l’intérieur, c’est lui qui doit nous diriger. » Dans une note écrite pour Louis XVIII en juillet 1795, Mallet du Pan lui pose les vrais termes de la question, que ce roi ne paraissait pas comprendre entièrement alors, et qu’il fallut une plus longue adversité pour lui expliquer et lui démontrer : La grande pluralité des Français ayant participé à la Révolution par des erreurs de conduite ou par des erreurs d’opinion, écrivait Mallet, il n’est que trop vrai qu’elle ne se rendra jamais à discrétion à l’ancienne autorité et à ses dépositaires ; il suffit de descendre dans le cœur humain pour se convaincre de cette vérité. […] Mallet ne pardonne point aux princes émigrés de ne pas comprendre ce mouvement spontané des sections de Paris, de ne pas le favoriser de toutes leurs forces en agréant la fusion des Constitutionnels : Avec un million d’écus, un million de livres, écrivait-il au comte de Sainte-Aldegonde (23 septembre 1795), on décidait de haute lutte la victoire des sections. […] Exposant dans son Mercure britannique, peu de mois avant sa mort, en janvier de l’an 1800, le caractère de la grande commotion qui allait continuer de peser sur le nouveau siècle et qui ouvrait une époque de plus dans l’histoire des vicissitudes humaines, il y montrait en vrai philosophe que le caractère de cette Révolution portait avant tout sur la destruction de toutes les distinctions héréditaires préexistantes, que c’était au fond une guerre à toutes les inégalités créées par l’ancien ordre social, une question d’égalité, en un mot : « C’est sur ce conflit, ajoutait-il, infiniment plus que sur la liberté, à jamais inintelligible pour les Français, qu’a porté et que reposera jusqu’à la fin la Révolution. » Espérons que, même en tenant moins à la liberté qu’il ne faudrait (ce qui est trop évident), nous la comprendrons pourtant assez pour démentir un pronostic si absolu et si sévère.

1115. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

En deux mots je désirais vous faire comprendre pourquoi Le National, qui est en très grande partie mon œuvre, n’a pas cette modération dans le ton et les formes, que vous avez louée dans ma défense. […] Pour couper court, je dirai qu’il y eut, selon moi, un moment décisif que Carrel manqua, et où il aurait dû comprendre que la partie, telle qu’il l’avait engagée et qu’il l’aurait voulu prolonger, était sans issue. […] Carrel, qu’on crut durant quelques jours dangereusement atteint, fut l’objet de témoignages publics unanimes, et de la part même du parti légitimiste adversaire, et de la part de tout ce qu’on appelait le juste-milieu (y compris le Palais-Royal), sans parler des opposants de toutes les nuances.

1116. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Ceux qui, sur la foi de quelques anecdotes exagérées, se font de lui une sorte de rêveur toujours absent, ont raison de n’y rien comprendre : mais c’est que l’aimable poète n’était point ce qu’ils se figurent. […] Quand on a lu le Roman de Renart et les fabliaux du Moyen Âge, on comprend que déjà La Fontaine est là tout entier, et en quel sens on peut dire qu’il est notre Homère. […] Je ne le crois pas, et l’on peut déjà s’en apercevoir : la poésie des Méditations est noble, volontiers sublime, éthérée et harmonieuse, mais vague ; quand les sentiments généraux et flottants auxquels elle s’adressait dans les générations auront fait place à un autre souffle et à d’autres courants, quand la maladie morale qu’elle exprimait à la fois et qu’elle charmait, qu’elle caressait avec complaisance, aura complètement cessé, cette poésie sera moins sentie et moins comprise, car elle n’a pas pris soin de s’encadrer et de se personnifier sous des images réelles et visibles, telles que les aime la race française, peu idéale et peu mystique de sa nature.

1117. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

Comment ces deux plumes sont-elles entrées l’une dans l’autre et se sont-elles soudées pour une de ces collaborations dont je n’ai jamais compris la mystérieuse difficulté ? […] Ils peignent leur Rolande et ses vices avec un sans-souci de peintres indifférents à tout ce qui n’est pas la couleur et la plastique de leur peinture, et avec une impassibilité plus légère, mais aussi positive que celle de Flaubert, le plus fieffé matérialiste de peinture qu’il y ait dans ce temps de matérialisme en toutes choses… Ils disent le long de leur roman que Rolande a le don de fascination, ce qui est bien facile à dire quoique pas une seule fois on ne comprenne qu’elle l’ait dans le roman où elle se meut, mais ce don de fascination qu’ils lui ont fait, évidemment elle l’a pour eux. […] Fervaques n’écrit pas les mémoires de son temps comme les ont écrits tant de faiseurs de mémoires et de conteurs d’anecdotes, que nous sommes bien heureux d’avoir pour nous faire comprendre la grande histoire, qui n’est pas toujours ce qu’elle paraît être dans les historiens solennels.

1118. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

Son geste était rare, son corps immobile ; on eût dit qu’il lisait un livre intérieur, uniquement attentif à le comprendre et à se convaincre ; il réfléchissait tout haut. […] J’en vins même à me convaincre que je ne comprenais véritablement que ce que j’avais trouvé moi-même ; je perdis toute foi à l’instruction transmise ; et dès lors je n’ai point changé d’opinion. […] « Je ne comprends pas que, prenant le scepticisme corps à corps, on prétende démontrer que l’intelligence humaine voit réellement les choses telles qu’elles sont.

1119. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Déjà quelques grandes pensées de Condillac ne semblaient plus comprises ; on ne parlait plus de ses découvertes sur la nature de l’âme, ou sur la perception extérieure, et l’ingénieux professeur, qui essayait de le corriger et de le ranimer, réduisait toute la philosophie à la distinction puérile de l’idée claire et de l’idée vague, de la connaissance attentive et de la connaissance involontaire, de la formule et de l’impression. […] Cousin est légion ; ainsi possédé, l’on comprend qu’il ait possédé le public. […] Et lorsqu’à tant de variations utiles on ajoute l’alliance d’un parti politique, le crédit prêté par la rénovation de l’histoire, le talent des maîtres, le silence des adversaires, et par-dessus tout l’irrésistible sympathie de l’esprit poétique et nuageux du siècle, on comprend la nécessité de cette longue fortune et de cette solide domination.

1120. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

Vous entreverrez alors le but de la science, et vous comprendrez ce que c’est qu’un système. […] Nous découvrons l’unité de l’univers et nous comprenons ce qui la produit. […] Elle n’est point comprise en eux, et ils se dérivent d’elle.

1121. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Chacun d’eux n’est que le point le mieux éclairé d’une zone mouvante qui comprend tout ce que nous sentons, pensons, voulons, tout ce que nous sommes enfin à un moment donné. […] Ce que le groupe sera est déjà présent dans ce qu’il est, pourvu que l’on comprenne dans ce qu’il est tous les points de l’univers avec lesquels on le suppose en rapport. […] Plus nous approfondirons la nature du temps, plus nous comprendrons que durée signifie invention, création de formes, élaboration continue de l’absolument nouveau. […] Comprendrait-on, autrement, qu’il traversât des phases bien réglées, qu’il changeât d’âge, enfin qu’il eût une histoire ? […] Aussi ne comprenons-nous pas que l’hypothèse évolutionniste passe, en général, pour être apparentée à la conception mécanistique de la vie.

1122. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

La nature se livre à qui la veut comprendre ; J’ai goûté la douceur de son corps merveilleux. […] Que pouvait-il comprendre, lui, le passionné, à cette poésie calme, rassise, à ces vers d’airain retentissant comme des tonnerres lointains, sans jamais éclater, par cette suprême loi de l’art que tout éclat est une discordance, et que, le beau, c’est l’harmonie ? […] S’il entre dans son plan de se comprendre dans ce martyrologe, voici quelques notes que je me fais un plaisir de mettre à sa disposition. […] Barbey d’Aurevilly trouve ridicules et ennuyeuses les œuvres d’Edgar Quinet, cela se comprend de reste, quand on est au courant des théories de notre critique, mais, dit un proverbe, c’est le ton qui fait la chanson, et ici le ton est de tout point déplorable. […] Au dire, toujours heureux, de Barrès, Roger Marx, apôtre de l’individualisme, « sans témérité, mais sans palinodie, soutient, défend, louange les tentatives obscures, mal comprises, étouffées parfois, dès qu’il croit y rencontrer une saveur spéciale.

1123. (1899) Arabesques pp. 1-223

Natanson avoue qu’elle est difficile à comprendre, — mais M.  […] Ils aiment la vie ; ils comprennent que l’art doit s’intéresser à l’homme tout entier ; ils acceptent la science. […] Les prolétaires, dès qu’ils réfléchissent, comprennent que leur émancipation en dépend. […] A-t-il compris que l’esprit militaire abêtit et déforme, génération après génération, les troupeaux humains qui peinent pour sa gloire et celle de ses confrères ? […] Si l’on veut bien remarquer que les neuf dixièmes des crimes et des délits sont dirigés contre la propriété ou l’autorité, on comprendra l’essence même de leur doctrine.

1124. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Comprendre tout, c’est un mérite. […] Il parle aux révoltés aussi bravement qu’aux convertis ; sa langue est comprise à la fois par les raffinés et par les sauvages. […] Il comprit d’abord l’antique un peu à la façon de Rubens. […] Elle s’était altérée, on ne le niait pas ; mais, quelle qu’elle fût devenue, elle comprenait les deux siècles de notre grand théâtre. […] Charrier lui-même a commencé comme Vernouillet), on comprend les sympathies de l’auteur pour le marquis d’Auberive.

1125. (1898) La cité antique

Il nous est presque aussi difficile de comprendre les vieilles croyances de ces hommes qu’il l’eût été à eux d’imaginer les nôtres. […] Les Tartares conçoivent le droit de propriété quand il s’agit des troupeaux, et ne le comprennent plus quand il s’agit du sol. […] Elle pouvait indifféremment ne comprendre qu’une seule lignée ou produire des branches nombreuses ; ce n’était toujours qu’une famille. […] Tout cet ensemble était compris dans le titre de citoyen et se perdait avec lui. […] On ne comprenait l’association humaine et elle ne paraissait régulière qu’autant qu’elle était fondée sur la religion.

1126. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

En second lieu, que quand la conséquence pourroit s’étendre à tous les verbes de la même espece, il ne seroit pas possible d’y comprendre les fréquentatifs naturels & ceux d’imitation, où l’idée accessoire de répétition est trop sensible pour y etre méconnue. […] L’article idiotisme qui les comprend tous, est le seul article encyclopédique sur cet objet ; & nous ne donnons celui-ci que pour céder aux instances qui nous en ont été faites. […] Il ne s’agit ici ni du mâle ni de la femelle exclusivement, les deux sexes y sont compris. […] Le matériel des mots comprend leurs élémens & leur prosodie. […] L’idée commune attachée à ces deux termes est donc celle de l’irrégularité ; ce font deux dénominations spécifiques attribuées à différentes especes de mots, & également comprises sous la dénomination générique d’irrégulier.

1127. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 445

Il eut même beaucoup de peine, au lit de la mort, à comprendre qu’il devoit aimer Dieu ; aussi répondit-il à ceux qui l’y exhortoient : Ah, oui !

1128. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Saint-Marc Girardin, lui aussi, à qui d’ordinaire ce mot de passion semble faire peur, ou qui du moins aime à se jouer en en parlant, a compris que c’était là ou jamais le cas de se déclarer, que c’était une passion par raison, tout pour le bon motif et pour l’ordre, pour l’étroite morale et la juste discipline : dans une suite de charmants articles il a pris rang à son tour parmi ceux qui occupent en propre un de ces beaux noms de femmes d’autrefois, qui s’en emparent et portent désormais couleurs et bannière de chevaliers. — Et vous donc qui parlez, me dira quelqu’un, où avez-vous planté votre drapeau ? […] Dans le cas présent, quoique le groupe dont il s’agit ne soit point direct par rapport à Mazarin, et qu’il s’éloigne même d’un degré en descendant, il n’est pas inutile pourtant pour mieux définir et circonscrire la nature originelle de ce cardinal-ministre et pour achever de le faire comprendre. […] Comprendre quelque chose au jeu de la machine, avoir la moindre idée de la constitution anglaise, impossible ! […] Je ne sais ce qu’a voulu nous dire Stendhal par cette note ; s’il a prétendu dire que le duc de Nivernais était un de ces petits-maîtres et qu’il n’a rien compris au jeu de la machine anglaise, il s’est trompé, et cette correspondance même qu’il atteste, et qui n’est qu’une faible partie des dépêches dont cependant elle peut donner l’idée, en est la meilleure preuve. Le mauvais vouloir de la nation anglaise et des partis, les lenteurs et les prétentions de l’Espagne comprise dans le traité, la nouvelle de succès obtenus par les armes anglaises, la prise de La Havane, qui intervint dans le cours même de la négociation, la médiocre sincérité de quelques-uns des ministres anglais qui concouraient à la confection du traité et leur crainte de se compromettre, retardèrent de quelques semaines la signature qu’il aurait fallu enlever de prime abord.

1129. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

  M. de Châteaubriand, génie alors plus mélancolique et plus suave, mémoire harmonieuse et enchantée d’un passé dont nous foulions les cendres et dont nous retrouvions l’âme en lui ; imagination homérique jetée au milieu de nos convulsions sociales, semblable à ces belles colonnes de Palmyre, restées debout et éclatantes, sans brisure et sans tache, sur les tentes noires et déchirées des Arabes, pour faire comprendre, admirer et pleurer le monument qui n’est plus ! […] J’essayais de comprendre les paroles qu’elle murmurait ainsi et qui venaient jusqu’à moi ; mais mon drogman arabe ne put les saisir ou les rendre. […] Nous restâmes muets et enchantés comme ces esprits célestes quand, planant pour la première fois sur le globe qu’ils croyaient désert, ils entendirent monter de ces mêmes bords la première prière des hommes ; nous comprîmes ce que c’était que la voix de l’homme pour vivifier la nature la plus morte, et ce que ce serait que la poésie à la fin des temps, quand tous les sentiments du cœur humain éteints et absorbés dans un seul, la poésie ne serait plus ici bas qu’une adoration et un hymne ! […] L’idée est mûre, les temps sont décisifs ; un petit nombre d’intelligences appartenant au hasard à toutes les diverses dénominations d’opinions politiques, portent l’idée féconde dans leurs têtes et dans leurs cœurs ; je suis du nombre de ceux qui veulent sans violence, mais avec hardiesse et avec foi, tenter enfin de réaliser cet idéal qui n’a pas en vain travaillé toutes les têtes au-dessus du niveau de l’humanité, depuis la tête incommensurable du Christ jusqu’à celle de Fénélon ; les ignorances, les timidités des gouvernements, nous servent et nous font place ; elles dégoûtent successivement dans tous les partis les hommes qui ont de la portée dans le regard et de la générosité dans le cœur, ces hommes désenchantés tour à tour de ces symboles menteurs qui ne les représentent plus, vont se grouper autour de l’idée seule, et la force des hommes viendra à eux s’ils comprennent la force de Dieu et s’ils sont dignes qu’elle repose sur eux par leur désintéressement et par leur foi dans l’avenir. […] Je le plains et je ne le comprends pas : quant à moi, je puis sans peine oublier toutes les critiques fondées ou non qui m’ont assailli sur ma route.

1130. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Balzac n’avait pas mérité une médiocre estime, puisqu’il avait le premier compris cette fin de toute grande littérature. […] « Je me sentais vivre, dit-il, — il avait alors quarante ans, — et, me tâtant avec autant de soin qu’un riche vieillard, je m’imaginais presque être plus loin de la mort que je n’avais été en ma jeunesse. » Il mourait pourtant-moins de quinze ans après, ne causant pas moins de surprise que de deuil à ses amis, qui ne pouvaient comprendre qu’il fût mort sans l’avoir prédit. […] Ce qui ne veut pas dire, on le comprend de reste, l’homme qui raisonne ou enseigne, mais l’homme qui sent, imagine, s’émeut, se passionne dans une mesure telle, que tout lecteur se reconnaît dans ses écrits, et que nous tenons pour nôtres ses sentiments, ses passions et sa raison. […] Il y donne la même définition de la philosophie, et y comprend de même les sciences ; il distingue, dans nos sensations, les phénomènes de l’esprit et ceux du corps ; il assigne la même origine à nos idées, et trouve dans l’entendement des idées supérieures aux idées sensibles ; il donne la même preuve de l’existence de Dieu ; il reconnaît, comme Descartes, la souveraineté de la raison dans toutes les opérations de l’esprit, dans l’appréciation du vrai et du faux, dans la conduite de la vie. […] Les choses n’y peuvent toujours être comprises du premier effort, ni se communiquer par une première lecture.

1131. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Seul, Adrien de Bourdoise comprit comme lui la réforme ecclésiastique. […] Pour bien comprendre cela, il faut avoir l’habitude de la critique des textes et de la méthode historique ; or voilà ce que les mathématiques ne donnent en aucune façon. […] Je le comprenais malgré lui et mieux qu’il n’eût voulu. […] Il ne comprit rien à la nature de mon esprit, ne devina passes futures évolutions logiques. […] À Saint-Sulpice, en effet, je fus mis en face de la Bible et des sources du christianisme ; je dirai, dans le prochain récit, l’ardeur avec laquelle je me mis à cette étude et comment, par une série de déductions critiques qui s’imposèrent à mon esprit, les bases de ma vie, telle que je l’avais comprise jusque-là, furent totalement renversées.

1132. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Vous comprenez alors le degré d’énormité, et même de difformité, que les choses prennent sous ces deux espèces de verres grossissants. […] J’aime autant cette race des clowns que M. de Goncourt lui-même, et je comprends peut-être aussi passionnément que lui la poésie de ces hommes, dans lesquels le corps est souvent plus spirituel, dans ses évolutions, que bien des intelligences dans les leurs… Je me permettrai de le dire ici, puisque l’occasion s’en présente, j’ai toujours été un grand hanteur de Cirques, un amateur de ces spectacles physiques qui ne me donnent pas qu’un plaisir des sens, quoiqu’il y soit aussi, mais un plaisir intellectuel bien autrement profond et raffiné. […] Il y a les détails du métier cherchés, appris, notés, sous la dictée des clowns ou des acrobates avec qui on s’est mis en rapport en vue d’un livre à faire et de son exhibition immédiate ; manière facile d’acquérir une érudition qui reste indigérée, et plus superficielle encore que facile de pénétrer des mœurs qu’il s’agirait de bien comprendre pour les exprimer. […] Leur épaisseur ne comprend que ce qui est épais. […] Ainsi l’absurde visite de la Faustin à ce maniaque de professeur de grec, pour entendre lire Phèdre dans une langue qu’elle ne comprend pas !

1133. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

. — Le roi, bon justicier, faisait la police, et au besoin, de lui-même, commandait aux maris d’enfermer leurs femmes3, aux pères de « laver la tête à leurs fils. » Nous comprenons maintenant l’adoration, les tendresses, les larmes de joie, les génuflexions des courtisans auprès de leur maître. […] Élevés dans l’égalité, jamais nous ne comprendrons ces effrayantes distances, le tremblement de cœur, la vénération, l’humilité profonde qui saisissait un homme devant son supérieur, la rage obstinée avec laquelle il s’accrochait à l’intrigue, à la faveur, au mensonge, à l’adulation et jusqu’à l’infamie pour se guinder d’un degré au-dessus de son état. […] Dans quel océan de minuties, de tracasseries poussées jusqu’aux coups de poings « et de griffes » ; dans quel abîme de petitesses et de ridicules, dans quelles chicanes inextricables de cérémonial et d’étiquette la noblesse était tombée, c’est ce qu’un mandarin chinois pourrait seul comprendre. […] Nous plions comme lui ; nous comprenons qu’une pareille âme avait besoin de s’épancher. […] « La fougue lui faisait faire quelquefois le tour entier et redoublé d’une chambre courant sur les tables et les chaises sans toucher du pied la terre. » Il vécut et mourut dans les rages et les blasphèmes, « grinçant des dents », écumant, « les yeux hors de la tête », avec une telle tempête et si continue d’ordures et d’injures qu’on ne comprenait pas comment des nerfs d’homme y pouvaient résister ; le sang fiévreux de l’animal de proie s’allumait pour ne plus s’éteindre, et par des redoublements exaspérés s’acharnait après le butin.

1134. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Buchez et Roux ; ils comprennent, ils interprètent à leur manière, ils étendent et transforment les théories de leurs plus hardis devanciers. […] A partir de 92 jusqu’en 1814, la portion de ces Mémoires, qui ne comprend pas moins d’un volume, est d’un intérêt et d’une nouveauté qu’on doit précisément à l’intervalle du rôle politique actif. […] En la faisant bien comprendre dans son ensemble, il reste un point auquel il réussit difficilement à nous accoutumer : c’est lorsqu’aux Cent-Jours, et Bonaparte arrivant sur Paris, La Fayette, qui s’est rendu à une conférence chez M.  […] Il ne s’ouvrait qu’à ceux dont il se savait compris : dès qu’il s’était aperçu qu’on ne le suivait pas, qu’on ne l’entendait pas, il se refermait, et c’en était fait pour la vie. […] Avant le 18 brumaire, il comprit tout ce que Bonaparte était et allait faire.

1135. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Ce cœur bouleversé et dévoré ne comprenait rien au calme de ses amis ; il leur demandait « si les corruptions et les scélératesses des hommes au pouvoir ne mangeaient pas leur chair et ne séchaient pas leur sang. » La résignation le révoltait. […] Pour comprendre ce que devint l’une, il faut comprendre ce qu’était l’autre : l’art dépendit des affaires, et l’esprit des partis fit l’esprit des écrivains. […] Ainsi concentré, il comprend mieux et il souffre davantage ; l’emportement ne vient point soulager sa colère ou dissiper son attention ; il sent toutes les pointes et pénètre le fond de l’opinion qu’il déteste ; il multiplie sa douleur et sa connaissance, et ne s’épargne ni blessure, ni réflexion. […] « Cadénus pouvait louer, estimer, approuver, mais ne comprenait pas ce que c’était qu’aimer991. » Rien de plus vrai, et Stella l’a senti comme les autres. […] Ses frères, traités en valets, finissent par s’enfuir ; ils rouvrent le testament, et recommencent à comprendre la volonté de leur père ; Martin, l’anglican, pour réduire son habit à la simplicité primitive, découd point par point les galons ajustés dans les temps d’erreur, et garde même quelques broderies par bon sens, plutôt que de déchirer l’étoffe.

1136. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 511

Il paroît plus s’occuper de la maniere de dire les choses, que du soin de les faire comprendre, de leur donner de la netteté, de la suite, du poids.

1137. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Avant-propos »

Le second volume comprendra les essais relatifs à la méthode, avec une introduction qui indiquera les origines de cette méthode et la marche suivie dans les applications.

1138. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Mais comme on comprend, — ce sont ses propres expressions, — que son cœur se soulevât à la lecture de ce fatras mystique ! […] Que ce sang-froid même ait étonné d’abord, puis irrité, puis exaspéré Bossuet, on le comprend sans peine. […] Le neveu de Rameau l’eût compris. […] De ces spectateurs assemblés, les uns ont compris la parole divine : ce sont des jeunes gens et des vieillards. […] Car alors vous vous apercevriez que vous ne vous compreniez vous-même qu’à la faveur de beaucoup de vague et d’assez de confusion.

1139. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Comprenez-moi bien. […] Elle hait ses amants ; soit, je le comprends ; mais pourquoi diable les méprise-t-elle ? […] La petite femme ne comprend pas. […] Je les comprends. […] Elle paraît comprendre et sentir ce qu’elle dit, et elle est très vivante.

1140. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Mallarmé a rencontré des lecteurs qui le comprennent, ce qui est déjà une preuve bien convaincante de l’infinie bonté de Dieu, mais il a trouvé des admirateurs d’autant plus fanatiques qu’ils sentent que l’objet de leur admiration est plus inaccessible. […] Les peaux décolorées par les fards, les yeux cerclés de vert ou de bleu, les sangs pauvres et les nerfs détraqués des races vieillies, les humeurs fantasques précédant les maladies mentales, les vierges d’une perversité précoce, les vices qui s’épanouissent comme des moisissures sur le fumier des sociétés en décomposition, toutes les dépravations savantes des civilisations faisandées, ont naturellement la séduction des choses rares pour le décadent qu’horrifient les simples amours comprises de tout le monde. […] Bourde, qui n’a pas su ou n’a pas voulu apprécier à sa juste valeur l’ésotérisme de la poésie soi-disant décadente, semble en avoir mieux compris l’extériorité. […] Mais on n’y comprendra rien.

1141. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

Dans les rôles secondaires s’affirme la façon allemande de comprendre et de jouer le drame : ces très honnêtes gens traduisent en leur vie de tous les jours la vie toute mythique de leurs personnages ; sincères donc et simples, mais toujours en ces chevaliers du Saint Gral on reconnaît les sympathiques habitués des brasseries. […] Vous avez compris parce que je vous ai dit de la position des Patrons vis à vis de moi, que l’idée d’un gain pour les acteurs est exclus, qu’il faut même les considérer comme disposés à un sacrifice ; j’ai cependant arrangé les choses pour que, au cas d’un sacrifice impossible, il y eût possibilité de dédommagements ; et même grâce au dévouement de plusieurs artistes distingués, je suis en mesure d’empêcher qu’aucun des artistes n’ait à me refuser à cause de difficultés matérielles. […] Le personnel comprenait, en 1876, chanteurs et chanteuses, 57 choristes, 6 répétiteurs et le chef d’orchestre, et 315 instrumentistes. […] Il défendit le festival, y compris après la mort de Louis II, lorsque son existence était remise en cause.

1142. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Il est de ceux dont il convient de parler à l’heure où ils disparaissent, car il est compliqué, difficile à comprendre, et la postérité n’a le temps de se souvenir que de ce qui se détache avec unité et netteté. […] Il comprit à l’instant qu’il avait affaire, non pas, comme on le disait dans le monde des purs classiques et de Marie-Joseph, à un jeune poète intéressant, qui promettait beaucoup et qui avait laissé des fragments incorrects qu’il aurait perfectionnés avec l’âge, mais à un maître déjà puissant, novateur, hardi et pur à la fois, pur jusque dans ses négligences. […] Où trouvera-t-il quelqu’un pour le plaindre, pour le comprendre, si ce n’est encore parmi ceux qui aime et passionnément les mêmes choses dont il a souffert et par où il a péri ? […] C’était comme une lampe qui n’a pas d’air… Son enthousiasme pour la littérature allemande et pour la transformation de la nôtre l’a beaucoup subjugué : depuis j’ai osé m’étonner que sa poésie, bien qu’élégante, mais cérémonieuse toujours, se fût à peine dégagée de l’esclavage dont il avait horreur… Son esprit parlé était plus irrésistible quand il se croyait bien écouté et bien compris, et qu’il respirait de sa maladie noire.

1143. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

J’ai compris le secret de cette rage de travail, pendant les mois d’octobre et de novembre, et pourquoi je ne pouvais alors le faire lever de cette chaise, où, du matin à la nuit, sans relâche et repoussant le repos, la main à la plume, il peinait sur le dernier livre qu’il signerait. […] Des orgues sont venues jouer, et je me suis senti des larmes me venir dans les yeux, comme à une femme… Il m’a fallu l’entraîner contre la berge, et là, débonder tout mon chagrin, tandis qu’il me regardait, sans trop comprendre. […] une paralysie de la parole… Cela se calme un peu, au bout d’une heure, sans qu’il puisse dire d’autres paroles que des oui et des non, avec des yeux troubles, qui n’ont plus l’air de me comprendre. […] Je suis effleuré, à tout instant, du frôlement de son bras sortant de son lit, pendant que dans sa bouche avortent et se brisent des paroles qu’on ne comprend pas… Par la fenêtre ouverte, par-dessus le noir des grands arbres, entre et s’allonge, sur le parquet, la blanche clarté électrique d’une lune de ballade… Il y a de sinistres silences, où s’entend seul le bruit de la montre à répétition de notre père, avec laquelle, de temps en temps, je tâte le pouls de son dernier né… Malgré trois prises de bromure de potassium, avalées dans le quart d’un verre d’eau, il ne peut dormir une minute, et sa tête s’agite sur son oreiller dans un mouvement incessant de droite à gauche, bruissante de toute la sonorité inintelligente d’un cerveau paralysé, et jetant par les deux coins de la bouche, des ébauches de phrases, des tronçons de mots, des syllabes informulées, prononcées d’abord avec violence, et qui finissent par mourir comme des soupirs… Dans le lointain j’entends distinctement un chien qui hurle à la mort… Ah !

1144. (1899) Esthétique de la langue française « La métaphore  »

Le chenet est le petit chien du foyer, chiennet ; le portugais dit caes da chamine, les chiens de la cheminée ; le provençal, cafuec, et l’anglais, fire-dog, le chien du feu ; l’allemand, feuerbock, et le danois, ildbuk, le bouc du feu ; l’espagnol, morillo, le petit Maure du feu, et l’idée est bien espagnole, de faire rôtir éternellement l’ennemi national ; mais il est probable que la métaphore n’est plus comprise, pas plus que celle, plus douce, qui a fait chez nous du chien le fidèle gardien du foyer. […] Il m’est agréable de rencontrer l’idéalisme verbal à l’état de tradition populaire et j’admets d’autant plus volontiers l’explication qu’elle n’explique rien, — en ce sens qu’il reste à nous faire comprendre comment le même euphémisme se retrouve dans les temps et les pays les plus éloignés ; il reste aussi à découvrir les vrais noms de la belette, si nous n’en sommes plus, comme les Grecs, à la confondre avec le chat. […] Le mot latin s’est substitué, sans qu’on en comprenne le sens, aux noms indigènes qui avaient sans doute été faits, comme en Angleterre, avec l’idée de fleur qui a goût de miel, honey sukkle, ou celle de lien sauvage, lien des bois, wood bine 193. […] Ils ont opéré la même scission entre dessin et dessein sans s’apercevoir, les pauvres gens, que la langue, incorrigible, recommençait exactement avec le mot plan les mêmes et indispensables confusions sans lesquelles les hommes cesseraient bientôt de se comprendre.

1145. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Comme, aux premiers temps de l’Église, il a compris en lui les barbares de la barbarie, dans des temps dont nous voyons l’aurore il comprendra d’autres barbares, les barbares de la civilisation. […] Paroles hardies dans leur humble simplicité, trop mystiques au sens corrompu du monde, mais pleines, pour qui sait les comprendre, de toutes les lucidités de la foi. […] Oxford a compris qu’il s’agissait de son foyer et de son autel.

1146. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Son désespoir sera profond, on le comprend à ses discours. […] Je l’admets et je le comprends : Mais s’il ajoute que ces désordres se produiront de toute nécessité au détriment de celui qui commet l’injustice, je ne comprends plus. […] On comprend difficilement qu’avec ses goûts aristocratiques il se laisse entraîner par des sociétés crapuleuses. […] Je comprends le zèle à défendre une croyance, fût-il excessif. […] Friedrich aurait du mieux le comprendre.

1147. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

Sous le titre d’Odes, il a compris, nous dit-il, toute inspiration purement religieuse, toute étude purement antique, toute traduction d’un événement contemporain ou d’une impression personnelle ; et il a rejeté, sous le nom de Ballades, des esquisses d’un genre fantastique, des scènes de magie, des traditions superstitieuses et populaires. […] Quand on a fait ces vingt vers, on doit comprendre qu’il est un moyen de laisser voir la pensée, sans s’épuiser à la peindre.

1148. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

Il distingue deux espèces de centralisations : 1° celle qui comprend certains intérêts communs à toutes les parties de la nation, tels que la formation des lois générales et les rapports du peuple avec les étrangers ; 2° celle qui voudrait comprendre et organiser administrativement les intérêts spéciaux à certaines parties de la nation, tels, par exemple, que les entreprises communales.

1149. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre III. Du récit des faits. — Antécédents et conséquents. — Causes et effets »

Comprendre, c’est apercevoir une chose dans son origine et dans ses suites. […] L’histoire, la vie, le monde présentent à chaque moment des problèmes qui, dans l’état actuel de nos connaissances, ne peuvent être résolus : il faut avoir le tact de le comprendre et la modestie de s’abstenir.

1150. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre II. Précurseurs et initiateurs du xviiie  siècle »

Il acheva d’éveiller dans ces légères intelligences des salons le besoin de tout comprendre, la conviction que l’inexplicable n’est que de l’inexpliqué. […] Il demandait aux dames, pour comprendre sa Pluralité des mondes, tout juste la même somme d’attention dont elles ont besoin pour suivre la Princesse de Clèves.

1151. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre II. La tragédie »

Crébillon eut une idée géniale : il comprit que, dans l’état des mœurs, une belle scène était celle qui présenterait la situation la plus contraire aux bienséances, d’une manière conforme à ces bienséances473. […] Le grand mérite de Voltaire, d’où découle son incomparable supériorité sur tout son siècle, c’est d’avoir compris la tragédie.

1152. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXI. Le littérateur chez les peintres » pp. 269-282

Geffroy, nous ont valu, cette année encore, d’excellents articles, excellents surtout en ce qu’ils signalent des artistes indépendants, sans notoriété, déplaisants en général au public et qu’il n’est peut-être pas absurde de lui imposer quelques années, jusqu’à ce qu’il ait eu le loisir de les comprendre et de les aimer tout seul. […] Les visiter n’est point une fatigue : les magasins sont dans le centre, qui les organisent ; les toiles sont en petit nombre, en bon jour, dans des salles aérées ; en même temps l’effort réalisé d’un peintre durant un certain nombre d’années est mis sous les yeux du curieux, qui peut suivre et comprendre l’évolution de l’artiste.

1153. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXII » pp. 222-236

Je lui fis comprendre qu’il manquait de conduite par ses harangues dans lesquelles il mêlait le roi avec des citations de la Sainte-Écriture et des Pères. […] Son honorable cause n’était pas de nature à être comprise parle vulgaire ; elle n’était pas non plus de celles qu’on divulgue.

1154. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 326-344

Des leçons ainsi énoncées sont-elles propres à former de Grands Hommes, & son Héros eût-il compris quelque chose à ce langage ? […] Les Femmes ont compris que le vernis philosophique étoit celui de tous qui leur convenoit le moins, & le Recruteur philosophe s'est consumé en pure perte.

1155. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Taine » pp. 231-243

Nulle théorie, du reste, plus faite que celle-là pour les lâchetés d’un temps comme le nôtre, où tous les genres de législation s’amollissent et où ce fameux mot de femme : « Tout comprendre, c’est tout pardonner », a été pourri par les hommes, qui en ont fait, jusque dans l’ordre littéraire : « Tout comprendre, c’est tout accepter ! 

1156. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

cet homme, qui a passé toute une vie haletante et balancée entre deux condamnations à mort, comme le pendu, qu’il faillit bien être, au bout de sa corde dans les airs, est revenu deux fois à cette forme de testament fatale pour sa pensée, et antithèse que l’on comprend très bien de la part de ce hors-la-loi, de ce communiste du xve  siècle, mi-parti de mendiant un peu trop brusque et de voleur un peu trop gai. […] Campaux l’a bien compris, — mais il n’insiste pas assez sur ce hiatus dans les facultés de Villon, tant il craint de froisser rudement l’admiration qu’il lui porte.

1157. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

Mais cela ne dispensait pas de l’obligation, pour un historien de Gustave III, de nous peindre d’abord, ensuite de nous faire comprendre, et finalement de juger définitivement ce même Gustave III. […] Léouzon-Leduc ne peint, ne fait comprendre ni ne juge Gustave III.

1158. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Vauvenargues » pp. 185-198

Il sourit amèrement quand il parle à son ami Mirabeau « de traîner son esponton dans la crotte », et il n’a pas l’air de comprendre que cela, qui le dégoûte, le préserve de traîner son âme, plus avant que son esponton, dans les fanges brillantes de son siècle ! En effet, il ne le comprenait pas.

1159. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

Ont-ils compris la spontanéité de ce génie qui n’eut guère qu’une manœuvre en tout, — couper la ligne de l’ennemi au risque de se faire écraser, — mais qui n’avait besoin d’aucune autre pour être le roi de la mer ; qui pouvait se passer de tout, de réflexion, d’expérience et de science, et n’en pas moins être ce qu’il fut, parce qu’il avait le plus brave, le plus pur et le plus puissant du génie militaire, qui est d’aller, même contre toute raison, toujours en avant ! Et l’autre spontanéité de Nelson, l’auront-ils compris davantage ?

1160. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Du Deffand »

Jeune, presque enfant, elle disait du catéchisme ce qu’elle dit plus tard de saint Paul : « Comprenez-vous, vous ! […] Ces deux volumes comprennent particulièrement la correspondance de la marquise avec la duchesse de Choiseul et l’abbé Barthélemy, qui fut, comme l’on sait, le secrétaire du duc de Choiseul.

1161. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Nelson »

Ont-ils compris la spontanéité de ce génie qui n’eut guère qu’une manœuvre en tout, — couper la ligne de l’ennemi au risque de se faire écraser, — mais qui n’avait besoin d’aucune autre pour être le roi de la mer, qui pouvait se passer de tout : de réflexion, d’expérience et de science, et n’en pas moins être ce qu’il fut, parce qu’il avait le plus brave, le plus pur et le plus puissant du génie militaire, qui est d’aller, même contre toute raison, toujours en avant ! Et l’autre spontanéité de Nelson, l’auront-ils compris davantage ?

1162. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Mademoiselle de Condé »

Seulement, compréhensible et senti au temps de Ballanche, le contraste a grande chance, maintenant, de n’être ni senti ni compris… Et qu’importe, du reste ! […] Qu’importe que ces chastes lettres, dans lesquelles expirent les premiers et les derniers soupirs d’une âme céleste, ne puissent plus être comprises d’une société figée et conglutinée dans le matérialisme le plus épais !

1163. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XI. Gorini »

Jamais l’Église ne courut plus de danger peut-être qu’avec ces respectueux, qui la saluaient pour mieux faire croire qu’elle était morte ; et M. l’abbé Gorini le comprit. […] Les hommes sont si petits ; ils tiennent si peu à la vérité et tant à leur personne, que, pour peu que vous leur disiez qu’ils ont du talent, ils vous pardonneront d’avoir dit qu’ils en ont mal usé, et pourtant, si on comprenait, c’est la chose mortelle !

1164. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XV. Vauvenargues »

Il sourit amèrement quand il parle à son ami Mirabeau « de traîner son esponton dans la crotte », et il n’a pas l’air de comprendre que cela, qui le dégoûte, le préserve de traîner son âme, plus avant que son esponton, dans les fanges brillantes de son siècle ! En effet, il ne le comprenait pas !

1165. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVI. Médecine Tessier »

C’est à la réflexion seulement que nous avons compris qu’un livre de cette importance et de cette portée ne pouvait être passé sous silence. […] M. le docteur Tessier n’est pas uniquement préoccupé de spiritualiser l’instruction et de tenir compte de la magnifique duplicité humaine, même dans l’intérêt de l’observation physiologique ; il va plus loin et plus haut… « Le rationalisme dogmatique, dit-il, ne saurait coordonner les phénomènes physiologiques, et comprendre les rapports de la physiologie et de la médecine, mais, sur le terrain de la pathologie, ce rationalisme devient la négation de TOUTE vérité. » Ainsi, comme on le voit, l’enseignement n’est pas seulement matérialiste ; il est de plus arbitraire et antimédical, et l’habile écrivain le prouve avec une rigueur dont, certes, il n’avait pas besoin aux yeux de ceux qui savent jusqu’où peut porter une idée.

1166. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXII. L’Internelle Consolacion »

L’imitation n’est point et ne saurait être le premier des livres humains, car il n’est pas humain de confondre la cité domestique et la cité monastique, comme le faisait le vieux Tyrcis, qui ne comprenait pas plus l’une que l’autre, et comme le feraient tous ceux, qui ne verraient pas que l’Imitation est une œuvre exclusivement monacale. […] L’Évangile est littérairement barbare, parabolique, miraculeux, ardemment imagé, et il ne se comprend bien qu’à l’Église et dans la lumière de l’enseignement sacerdotal, tandis que l’Imitation, nous l’avons dit, est métaphysique et décolorée comme le verre d’eau claire qu’on boit sans avoir soif et qui ne nourrit pas davantage.

1167. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Caro. Le Pessimisme au XIXe siècle » pp. 297-311

Caro, l’auteur de l’Idée de Dieu, aurait dû comprendre, si, en vivant avec les philosophes, son spiritualisme ne s’était pas essuyé des dernières lueurs du Christianisme qui l’éclairait encore… Or, entre tous, il a choisi, parmi ceux qui concentrent et qui résument la haine et le mépris d’une vie réputée inexplicablement douloureuse, le poète Leopardi, auquel il donne l’importance exagérée d’un talent qu’il n’eut jamais, et il le dresse à côté de Schopenhauer et de Hartmann comme étant le poète de l’idée dont ils sont les métaphysiciens. […] Il est certain, en effet, que cette philosophie du Pessimisme, sensuelle et athée, qui ne comprend rien à la douleur et qui ne veut ou ne peut plus la supporter, est dans la logique exacte de toutes les philosophies qui l’ont précédée· Il est certain qu’elle est, scientifiquement, la dernière marche de cet escalier infernal qui s’enfonce et disparaît dans les abîmes de la folie et dans le désir forcené de l’anéantissement.

1168. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « A. Dumas. La Question du Divorce » pp. 377-390

Il faut que la question reste dans son intégralité fière… Eh bien, jusqu’ici, c’est ce que personne n’a compris ! […] Qu’ils se taisent donc et dévorent leur mépris, mais qu’ils comprennent enfin qu’où il n’y a plus de religion d’État, il n’y a plus d’indissolubilité religieuse possible ; et puisque nous n’avons su la défendre, cette religion d’État qui fit la force morale et la gloire de la France, ce n’est pas sans elle que nous sauverons le mariage chrétien.

1169. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Auguste Vacquerie  »

On conçoit qu’il n’aime pas à se regarder dans ces imitations et à se trouver trop soi dans ces glaces dont il a fourni l’étamage, — ce qui est trop cher ; mais les hugolâtres s’excommuniant eux-mêmes de leur hugolâtrie, et se mettant à la porte de l’imitation hugotine qui est toute leur Église, et hors de laquelle il n’y a pour eux ni vie ni salut, cela réellement ne se comprend plus ! […] Et si, par impossibilité, j’étais obligé d’admettre le phénomène sans le comprendre, je dirais : Après tout, tant mieux pour Auguste Vacquerie, que je ne hais point !

1170. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Charles Baudelaire. Les Fleurs du mal. »

Il n’y a que ceux qui ne veulent pas comprendre, qui ne comprendront pas.

1171. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Milton »

par aucun libraire, avait-il donc fait quelque découverte qui montre, dans le Milton que l’on connaît, un Milton qu’on ne connaissait pas, comme lorsque Thomas Carlyle découvrit les fameuses lettres inédites de Cromwell, qui éclairèrent d’un jour si profond l’individualité complexe de l’homme (… un homme s’est rencontré…) que n’avait pas compris Bossuet, ce Maître en Histoire ? […] Ses filles, méchantes pour lui, excepté la dernière, rechignaient, quand il fut aveugle, à lui faire des lectures savantes dans des livres qu’elles ne comprenaient pas.

1172. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Eugène Sue » pp. 16-26

Si un jour la popularité leur arrive, ce n’est que tard, non sur leurs œuvres, que l’en-bas social comprend peu, mais sur leur nom, que d’en haut on lui a répété. […] Une simple anecdote le fera comprendre.

1173. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 290-291

On sent bien qu’il n’est rien de plus dur aux Savans, que le sacrifice de quelques morceaux d’érudition ; cependant, avec un peu plus de réflexion, il leur seroit aisé de comprendre que l’ennui épargné au Lecteur tourneroit à l’avantage de leur mérite littéraire, & que l’honneur de faire un bon Livre est préférable à celui de faire un gros Livre.

1174. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « À Monsieur P. Bottin-Desylles »

Bottin-Desylles Mon très cher parent et très cher ami Je vous dédie ce livre comme le témoignage d’une admiration qui a commencé dès que j’ai pu comprendre, et d’une affection qui a commencé dès que j’ai pu sentir.

1175. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Il y a plus, il n’est pas toujours possible que nos raisonnements soient compris, bien loin qu’ils puissent toujours être suivis. […] Comment seriez-vous compris lorsque vous en appelez à un mobile qui n’existe pas chez celui à qui vous vous adressez ? […] Dans la section de la Justice, Charron comprend les devoirs de l’homme envers soi. […] On comprend sans peine que l’Hôpital ait failli être victime de sa franchise ; on s’étonne même qu’il ne l’ait pas été. […] Mais généralement on était loin de comprendre le but de la philosophie.

1176. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Mais lisez maintenant cette immortelle apostrophe, et vous comprendrez sous les paroles ce que les paroles cachaient, comme le poignard d’Aristogiton, sous les derniers replis du cœur du consul ! […] Les privations, mieux que les jouissances, m’ont fait comprendre ce que donnent de plaisir les amitiés, les habitudes de société, les rapports de voisinage et de clientèle, les pompes de nos jeux et la magnificence de nos fêtes. […] « Mais vous, qui êtes comme moi sectateur des principes plus spiritualistes et plus sublimes des disciples de Socrate et de Platon, avec quelle délicatesse ne faudra-t-il pas en développer la philosophie pour être compris ? […] « L’idée seule de la vertu, dit-il, nous prouve que l’on peut comprendre et certifier certaines choses. […] Mais, si je n’ai pas pour la comprendre tous les moyens que je voudrais bien avoir, est-ce une raison pour me priver de ce que j’ai ?

1177. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

S’il parle comme notre conscience, fût-il sévère, il ne nous effrayera pas, car nous comprendrons qu’il a raison. […] Mais le génie d’une langue a ses mystères ; il est souvent difficile de justifier d’une façon satisfaisante pour l’entendement telle image, que, pourtant, nous comprenons sans peine, et qui, si notre réflexion se tait, nous paraît juste, et non pas seulement gracieuse ou brillante ; il me semble que, parfois, les figures du style plaisent à l’esprit pour plus d’une raison et ne peuvent être rangées exclusivement dans aucune des catégories que distinguent les dictionnaires. […] Mais, si cette transition d’un sens à un autre a été possible, c’est grâce à l’apparition intermittente dans la succession psychique de paroles intérieures particulièrement vives ; ce fait, vaguement aperçu par certains hommes, et désigné plus ou moins nettement dans leur langage, ne parut point étrange à leurs interlocuteurs ; ils reconnurent un phénomène qui leur était familier ; l’allusion étant comprise, elle s’acclimata dans la langue commune jusqu’à devenir une métaphore presque banale. […] Chaignet (Vie de Socrate, p. 118, 124-125, 147-148), la voix du demonium n’aurait aucun rapport avec ce que nous appelons la parole intérieure morale, car le demonium et, en général, les dieux auraient révélé seulement l’avenir, y compris les conséquences de nos actes, laissant à la raison humaine la tâche et l’honneur de découvrir le devoir ; « la théorie de Socrate exclut l’intervention du surnaturel dans les questions d’ordre moral ». — Nous ne voyons pas comment l’avenir et la moralité pouvaient former, selon Socrate, deux domaines distincts. […] Il y a plusieurs façons de comprendre et de dire : « Qu’il mourût ! 

1178. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Le Cardonnel, Louis (1862-1936) »

Vigié-Lecocq Chez Le Cardonnel, seul, le sentiment religieux atteint toute sa pureté ; mais pureté très moderne encore, nerveuse nostalgie d’une âme trop délicate pour les besognes serviles à qui le cloître, seul, sied et qui, seule, peut comprendre toutes les joies spirituelles d’un silence claustral.

1179. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Morice, Charles (1861-1919) »

François Coppée Quand Charles Morice fait des vers, je ne les comprends pas ; quand il écrit la Littérature de tout à l’heure, il est d’une clarté admirable, et il y a, là-dedans, des pages sur Pascal et le xviie  siècle, qui sont tout à fait de premier ordre.

1180. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Viennet, Jean-Pons-Guillaume (1777-1868) »

Bernard Jullien On peut faire à Viennet un reproche grave et qui, malheureusement, peut lui être adressé souvent : il a le défaut d’enchâsser dans ses vers, selon le besoin de la rime ou de la mesure, des mots dont il ne semble pas comprendre le sens, tant ils sont en contradiction avec ce qui précède ou ce qui suit ; quand il dit, par exemple, que la gazette se guindé au ton de l’épopée, en usurpant l’euphémisme et l’onomatopée, c’est pis qu’une cheville, c’est un non-sens.

1181. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 400-401

Iris, vous comprendrez un jour Le tort que vous vous faites : Le mépris suit de près l’amour Qu’inspirent les Coquettes.

1182. (1864) William Shakespeare « Préface »

L’auteur l’a compris.

1183. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

J’en éprouve assez pour la comprendre et la sentir en abrégé. […] Je comprends désormais comment le disciple de Tracy dédie aujourd’hui ses livres contre Gall à la mémoire de Descartes, comment le disciple de Geoffroy Saint-Hilaire a passé à Cuvier. […] J’ai d’abord hésité à comprendre : je ne savais pas Musset un si vaillant et si belliqueux chevalier. […] Ainsi pour les expériences physiques : vous faites des mélanges dans un matras, et cela aide à comprendre les météores. […] Cela n’eût point été en mon pouvoir, et d’ailleurs, dès ma jeunesse, j’avais toujours compris la critique autrement.

1184. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Mais, en même temps, je ne comprends pas du tout le roman religieux. […] L’auteur d’Émile n’est plus compris ; que dis-je ? […] Thiers, c’est, à une époque donnée, une convention comprise et acceptée de tout le monde ; c’est une charte qui engage ceux même qui ne l’ont pas jurée. […] L’erreur de Saint-Julien est donc de n’avoir rien compris au caractère de sa maîtresse, erreur que pour ma part j’excuse cordialement, mais qui lui coûtera cher. […] Saint-Julien comprit tout cela ; mais il était trop tard.

1185. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Plus tard, il s’en repent, sans trop comprendre, parce qu’on lui a dit que ce n’était pas bien. […] Mais elle n’a rien vu, rien compris. […] Bérénice ne veut pas comprendre. […] Ou plutôt, il a craint les railleries des hommes de son temps, qui n’auraient pas compris. […] » c’est bien, si vous voulez, vers Minos qu’elle crie, mais nous comprenons que c’est surtout vers le Dieu de Racine.

1186. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rictus, Jehan (1867-1933) »

Remy de Gourmont Les Soliloques du pauvre exigeaient peut-être un peu d’argot, celui qui, familier à tous, est sur la limite de la vraie langue ; pourquoi en avoir rendu la lecture si ardue à qui n’a pas fréquenté les milieux où l’on parle pour n’être pas compris de ces « mess », « flics » ou « cognes » ?

1187. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre V » pp. 48-49

Chapitre V Conclusion des quatre chapitres précédents qui comprennent les deux périodes de 1600 à 1610, et de 1610 à 1620.

1188. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 221-222

Il paroît avoir fondé & connu tous les replis du premier ; mais pour avoir trop raffiné, il a quelquefois brouillé les matieres, & l’on ignore souvent ce qu’il a voulu dire, parce qu’il veut le dire mieux qu’il ne falloit pour le faire comprendre.

1189. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 264-265

Il n'eut besoin que d'élever la voix & de faire entendre la raison, pour enlever aux Dulot, aux d'Assoucy, &c. leurs sots Admirateurs ; Scarron même eût été compris dans la proscription, sans les pensées naïves, les expressions ingénieuses & la gaieté qui échappent par intervalles à sa Muse bouffonne.

1190. (1887) Essais sur l’école romantique

J’avoue qu’il me manque un sens pour comprendre cette langue factice, espèce de scholie poétique de la langue populaire, qui donne, par ses périphrases, la monnaie de tous les mots propres, et, par ses équivalents, leur synonymie. […] Les gens frivoles comprendront peu cette amitié, ou n’y croiront pas. […] Il demande à la nuit qui lui a donné ce muet langage, compris seulement des poètes, des amants, des malheureux, d’où vient que l’homme a peur par une nuit noire, quoique tout dorme autour de lui, même le mal. […] Je ne comprenais plus les livres que j’avais aimés, et je commençais à aimer les livres que je n’avais pas encore compris. […] Comprenez-vous, jeunes filles des loges et des galeries, s’il y a une mère assez abandonnée de Dieu pour mener sa fille à ces orgies ?

1191. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Je conçois qu’un homme qui laisse des ouvrages achevés, des monuments peu accueillis d’abord et peu compris de ses contemporains, mais remplis de beautés ou de vérités qui éclatent après lui, soit proclamé, homme de génie sur sa tombe, tandis qu’il ne passait de son vivant que pour un original distingué. […] Delécluze, s’il apprécie Béranger, comprend peu Lamartine, et ne veut voir en lui qu’un poète sans inspiration propre, un reflet et un écho de Byron. […] « Mme Tastu, une femme de mérite plutôt que d’esprit, qui a été poëte un jour. » La voilà bien définie, et telle que je l’ai comprise.

1192. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

Ducis qui, en ces années de crise, s’est fait son conseiller, son directeur ami, et qui est plus fait que personne pour comprendre cette espèce d’inquiétude indéfinissable, lui prescrit les remèdes qu’il estime les plus salutaires pour le corps et pour l’âme : nous assistons à toute une cure morale : « Versailles, 25 juillet 1775 « Votre tristesse opiniâtre m’afflige, mon ami. […] Après cela, pensez à votre santé ; comprenez bien ce mot de santé. […] Cette soif insatiable de gloire au bord du tombeau, cette inquiétude fiévreuse, cette complexion voltairienne, je ne comprends rien de tout cela. » En revanche il apprend avec plaisir que son ami s’est livré, comme un bon paysan, aux travaux de la fenaison, et qu’en fatiguant le corps il a forcé au repos son âme trop active.

1193. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

Un bouillant esprit, et qui exagérait tout37, a dit avec emphase : « Comprendre, c’est égaler. » C’est là, sous air d’axiome, une pensée fausse. Pour comprendre un tableau et se bien représenter le genre de talent qui l’a conçu et exécuté, on n’est pas un peintre ; pour comprendre l’idée et l’exécution d’une action de guerre, on n’est pas un général : on reste un critique ; l’essentiel est de l’être avec le plus d’ouverture autour de soi et le plus d’étendue qu’on le peut.

1194. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Il a dû changer d’armes plus d’une fois et se transformer pour se faire égal aux circonstances ; mais, certes, ce qui ne lui a jamais manqué, c’est le courage ; ce n’est pas non plus l’intelligence des temps, des moments et de la société moderne largement envisagée, hardiment comprise, et si souvent talonnée par lui ou devancée en plus d’un sens. […] Doué d’un coup d’œil économique précis, il comprit surtout cette vérité moderne, et qui régira de plus en plus tous les ordres d’activité, à savoir que c’est à tous désormais qu’il faut s’adresser pour réussir, et qu’il n’y a rien de tel pour fonder quelque chose et pour être quelqu’un que d’avoir notoriété et crédit chez chacun, chez tout le monde. […] L’autre représentait, à cette date, l’esprit d’entreprise, l’innovation hardie, inventive, l’esprit économique et véritablement démocratique, le besoin de publicité dans sa plénitude et sa promptitude, les intérêts, les affaires, les nombres et les chiffres avec lesquels il faut compter, la confiance qui est l’âme des grands succès, l’appel à tous, l’absence de toute prévention contre les personnes, y compris les personnages dynastiques, l’indifférence aux origines pourvu qu’il y eût valeur, utilité et talent ; il était l’un des chefs de file et des éclaireurs de cette société moderne qui n’est ni légitimiste ni carbonariste, ni jacobine ni girondine, ni quoi que ce soit du passé, et qui rejette ces dénominations anciennes, surannées déjà ; qui est pour soi, pour son développement, pour son progrès, pour son expansion en tous sens et son bien-être ; qui, par conséquent, est pour la paix et pour tout ce qui la procure et qui l’assure, et pour tout ce qu’elle enfante ; qui aurait pris volontiers pour son programme, non pas la revanche des traités de 1815 ou la frontière du Rhin, mais les chemins de fer avant tout.

1195. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Taine nous fait comprendre et presque aimer, à la façon éprise et enivrée dont il en parle, les premiers moteurs et les héros de cette Renaissance littéraire anglaise : en prose, Philippe Sidney, ce d’Urfé antérieur au nôtre ; en poésie, Spenser, le féerique, qu’il admire au-delà de tout. […] Pour exprimer un pareil sentiment, ce n’était pas assez des images et de la poésie qui ne s’adresse qu’aux yeux ; il fallait encore des sons, et cette poésie plus intime qui, purgée de représentations corporelles, va toucher l’âme : il était musicien et artiste ; ses hymnes s’avançaient avec la lenteur d’une mélopée et la gravité d’une déclamation… « Il fait comprendre ce mot de Platon, son maître, que les mélodies vertueuses enseignent la vertu… » Et ce mot encore : « Les paysages de Milton sont une école de vertu. » La vertu de Milton s’était accommodée de Cromwell. […] Taine : le critique nous fait bien comprendre cette vie mélangée, besogneuse, et ce talent qui va un peu au hasard comme la vie, mais ample, abondant, imaginatif, et qu’une sève vigoureuse anime, qu’une veine de copieuse poésie nourrit et arrose.

1196. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Devant un lever du soleil, devant la majesté des hauts lieux, je comprends Jean-Jacques, je comprends David et le Psalmiste, mais j’ai peine de là à me rabattre à une discussion sur le péché de Marguerite, ce péché irrémissible, celui de la désespérance en Dieu, et tout ce qui s’ensuit. […] Ces deux femmes, si elles s’étaient rencontrées, se seraient-elles comprises, se seraient-elles aimées ?

1197. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Avoir passé sa vie dans les études innocentes du cabinet n’est pas la meilleure préparation pour le bien comprendre. […] Lorsqu’en vertu d’un don obtenu du roi Charles X par le marquis, depuis duc de Saint-Simon, les Mémoires furent, pour ainsi dire, arrachés volume par volume du Dépôt des Affaires étrangères où ils étaient jalousement conservés, les lettres et pièces attenant aux Mémoires, mais qui n’étaient point formellement comprises dans le don royal, furent retenues. […] Il y a en Saint-Simon plus pour nous qu’un La Bruyère : il éclaire La Bruyère et nous aide à le mieux comprendre ; il met des noms et des personnages là où l’autre avait mis des types.

1198. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Ce fut une obligeance et aussi une malice… » Je ne puis comprendre, malgré toutes les explications de M.  […] J’aurais désiré notamment vous voir vous prendre à l’épisode d’Arténice dont j’ai cru que la révélation était une de mes trouvailles, lorsque votre article m’est venu prouver qu’en fait de trouvailles je n’en ai fait qu’une : la lettre de Valincour… Si je regrette que vos critiques ne se soient pas plus affirmées et ne m’aient pas confondu, accablé en détail, je regrette encore plus, vous le comprendrez, que vos éloges aient procédé de même. […] « Et d’abord, pour commencer par la fin, je ne puis comprendre que La Bruyère étant mort bien authentiquement d’apoplexie, vous mentionniez ces sots bruits de poison autrement que pour les rejeter.

1199. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

je vous comprends, je sais bien que s’il n’est pas d’un honnête homme de faire de certaines choses, il n’est pas non plus d’un homme de bonne compagnie d’y trop prendre garde et d’y trop insister. […] l’empereur est bien à plaindre, et on ne le plaindra pas, parce que son obstination à garder son entourage n’a pas de motif raisonnable ; ce n’est que de la faiblesse qui ne se comprend pas dans un homme tel que lui. […] Il leur faisait signe depuis quelque temps, mais des signes muets et qui n’étaient compris qu’à demi.

1200. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

Avant qu’il ouvrît la bouche, je fis un signe invisible à ma tante et je lui fis comprendre que l’exécution n’aurait peut-être pas lieu. […] Il leur enseigna en même temps de garder le silence sur l’objet de la cérémonie, de prier Dieu dans leur cœur et de se taire devant le bargello, pendant que lui, le père Hilario, dirait la messe des morts et que l’enfant de chœur qui servirait la messe entendrait, sans les comprendre, les paroles latines prononcées par le prêtre sur la tête des deux fiancés. […] Mais l’ordre était superflu ; c’était un gros chien et une chienne qui n’étaient pas du tout méchants, ils parurent tout de suite comprendre que je n’étais pas plus méchante qu’eux ; ils flairèrent, sans gronder seulement, mes pieds nus, et en léchèrent la poussière, tellement que je priai la portière de ne pas les enchaîner, mais de me les laisser pour compagnie dans la nuit.

1201. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Je comprendrais encore la portée donnée par M.  […] On comprend cet amour subit, on comprend moins la conversion foudroyante qu’opère en lui l’homélie qu’il vient de mettre au net pour son sot patron.

1202. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

Kléber tourna le dos et ne comprit pas. […] Napoléon, du premier coup, a compris que la majorité de toute société est neutre et ne demande qu’à subsister et à se soumettre, si elle est garantie dans ses croyances et dans ses intérêts. […] Ils comprennent l’exposé, la critique des opérations de Kléber et de Menou, jusqu’à évacuation de la colonie.

1203. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

Mme Du Deffand, à peine arrivée, attend les lettres du président avec une impatience qui ne se peut imaginer, et elle lui déduit les preuves de ce goût qu’elle a pour lui, de peur qu’il n’en ignore : J’ai vu avec douleur que j’étais aussi susceptible d’ennui que je l’étais jadis ; j’ai seulement compris que la vie que je mène à Paris est encore plus agréable que je ne le pouvais croire, et que je serais infiniment malheureuse s’il m’y fallait renoncer. […] Ajoutez-y une activité dévorante qui ne savait comment se donner le change, et vous commencerez à la comprendre. […] Mme Du Deffand lui portait envie de ce qu’il ne s’ennuyait jamais dans la solitude ; mais, avec son goût sévère, elle ne comprenait pas qu’on aimât pêle-mêle tant de choses, qu’on pût lire à la fois Shakespeare et La Guerre de Genève de Voltaire, admirer Mme de Sévigné et se plaire aux romans d’un Crébillon fils.

1204. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Rappelons-en ici quelque chose ; c’est là le seul moyen de le pénétrer à fond, cœur et génie, et de le bien comprendre. […] Ici, il avait affaire à une personne aussi élevée par l’esprit que noble et facile par le caractère, belle et jeune encore, et n’en abusant pas ; qui le comprenait par ses hauts côtés, qui lui ôtait tout sentiment de lien, tout soupçon de tracasserie ; il était gai avec elle, aimable, maussade aussi parfois souriant le plus souvent, et s’émancipant comme un écolier échappé aux regards du maître : « J’ai peur que les temps de courte liberté, dont je jouis si rarement dans ma vie, ne viennent à m’échapper de nouveau. » Il écrivait cela en août 1832, en courant les grandes routes de Paris à Lucerne. […] Il a (comme le René des Natchez encore) la prétention de n’être pas connu, de n’être pas compris : « Vous prenez mon sourire pour de la gaieté, vous vous y connaissez mal.

1205. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

… » Dusaulx ne comprenait pas cette approbation, et il fallut que Rulhière la lui expliquât. […] En lui conseillant cette noble revanche du sort, Rulhière montrait qu’il était digne d’en embrasser l’idée élevée et de la comprendre. […] On comprend bien que, tandis qu’elle excita au sein de l’Institut des objections de la part d’hommes pratiques et qui avaient vu la Pologne ou la Russie, elle ait tant agréé à Daunou, esprit orné, plus académique qu’il ne croyait, et qui ne voulait pas que l’histoire, même vraie, fût écrite d’une manière quelconque.

1206. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

Tel il était à l’âge de quarante-trois ans, tel au fond il resta jusqu’à la fin ; mais les dix années finales (1815-1825) où il devint et où il fit un personnage populaire, méritent d’être comprises à part : aujourd’hui je ne m’occuperai que du premier Courier, du Courier avant le rôle et le pamphlet. […] Allait-il mieux comprendre l’époque nouvelle qui succédait, et l’espèce de transaction qu’il eût convenu dès l’abord d’y ménager et d’y favoriser ? Il comprit fortement du moins le principal des éléments qui devait y prévaloir et triompher.

1207. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Contemporaine du grand mouvement de la Renaissance, elle y participa graduellement ; elle s’efforça d’en tout comprendre et de le suivre dans toutes ses branches, ainsi qu’il seyait à une personne de haut et sérieux esprit, d’entendement plein et facile, et de plus de loisir que si elle fût née sur le trône. […] Elle fit, à cette époque, comme toute la cour de France, qui, à certain jour, et en n’obéissant qu’à la mode, au progrès des lettres et au plaisir de comprendre la Sainte Écriture ou de chanter les Psaumes en français, faillit se trouver luthérienne ou calviniste sans le savoir. […] Par son instinct de femme, elle comprit à l’avance la tolérance comme L’Hôpital, comme Henri IV, comme Bayle lui-même.

1208. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

Il m’explique ce que je ne comprenais pas chez un Belge : ces coups d’œil, par moments, tout noirs, et ces cheveux en escalade. […] Et toujours à la suite de cela, le refrain : « Moi, jouer avec mes petits-enfants, c’est tout ce que je demande. » En se levant, La Rochelle, mis à l’aise par la débonnarité du grand homme, lui demandait si Dumaine ne pourrait pas jouer, deux ou trois fois, dans je ne sais quelle pièce : « Voyez-vous, répondait Hugo, à ce que vous demandez, je vais vous dire qu’il y a deux Hugo : le Hugo de maintenant, un vieil imbécile, prêt à tout laisser faire, et puis il y a le Hugo d’autrefois, un jeune homme plein d’autorité — et il appuya lentement sur cette phrase. — Cet Hugo-là vous aurait refusé net, il aurait voulu la virginité de Dumaine pour sa pièce. » Et le ton sec et autoritaire, dont le second Hugo dit cela, doit faire comprendre à La Rochelle qu’il n’y a au fond qu’un seul Hugo, celui du passé et du présent. […] Il me disait qu’il n’y comprenait rien, qu’il n’aurait jamais pu croire qu’il pût vivre quinze mois, qu’il avait un caillot de sang dans la cervelle de la grosseur de son verre à bordeaux.

1209. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Il a compris et il a dit, en de rudes apostrophes, quel rôle dissolvant l’argent — le nitrate d’argent — jouait dans la désorganisation, dans la désagrégation de la société bourgeoise. […] Poirier prouvent avec éclat que le poète a compris la portée de la révolution dramatique que vient d’accomplir M.  […] Vous comprendrez, d’ailleurs, que le secrétaire perpétuel ne puisse que se taire aujourd’hui, quand, demain, le directeur de l’Académie sera publiquement le digne et éloquent interprète des grands regrets de la compagnie, frappée au cœur et à la tête.

1210. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Mais il a d’étranges façons de comprendre l’art de M. d’Houdetot : plus d’une fois, lorsqu’un lapin lui est parti entre les jambes, Murger a retenu son doigt sur la détente du fusil, et la bête de s’enfuir sous le regard souriant de ce Nemrod original. […] Je n’ai jamais compris pourquoi on séparait l’expression en littérature de la forme en peinture, en musique, en statuaire. […] Du reste, Henry Murger semble l’avoir compris ; car, avant la fin même du volume, il est rentré dans son monde d’artistes par une petite nouvelle de vingt pages intitulée Biographie d’un inconnu qui… Je l’appellerais volontiers un chef-d’œuvre, si les camaraderies et les complaisances intéressées n’eussent fait de ce mot une ridicule banalité. — Croyez-moi, quand on prononce de tels actes de contrition, on mérite l’absolution la plus entière, eût-on sur la conscience les deux cents volumes de péchés littéraires de M. 

1211. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

Cauteleur et poltron, l’auteur de la Vie de Jésus a très bien compris que diminuer Jésus-Christ de sa divinité, c’est diminuer le Christianisme… simplement de la vie, et que la difficulté est de bien s’y prendre pour opérer tout doucement cette diminution importante. […] Pour cela, des voies moins pures sont nécessaires, etc. », ce qui veut dire, en termes qu’on surveille, mais qu’il est impossible de ne pas comprendre, que le bien, pour être, a besoin du mal, et que la vertu ne peut rien de grand et de fort dans le monde sans l’aide des gredins et l’appoint de la coquinerie. […] Athé, sceptique, philosophe, ou savant (ce qui comprend tout cela dans sa langue féline et traîtresse), Renan, comme je l’ai dit plus haut, n’est qu’un protestant, armé de la méthode protestante, cherchant avec sa lanterne individuelle — ce falot falot, passez-moi le mot !

1212. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Marie, sa Marie, sa douce dédaigneuse, il ne l’a peut-être autant aimée que parce qu’elle lui réfléchissait et lui symbolisait la Bretagne ; parce qu’il pouvait les appeler toutes deux dans celui de ses vers qui a le plus de cette inexprimable chose qu’on nomme le charme, faute d’y rien comprendre : Cette grappe du Scorff, cette fleur de blé noir ! […] Mais voilà ce que Brizeux le lettré ne comprit pas et ne pouvait pas comprendre.

1213. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

L’autre dira : — Je suis tout étourdi par cet air si vif ; nous autres Parisiens, vous comprenez… Les plus ingénieux envelopperont leur certificat d’origine civilisée dans un compliment pour la campagne ou la mer. […] Ils l’ont connu, mais ils ne l’ont pas tous compris. […] Dans l’autre, qui comprend le Midi, la presse locale a une tout autre diffusion, et surtout une importance incomparablement plus grande, l’esprit est plus régionaliste, les conversations n’obéissent plus servilement à la direction parisienne, et, par exemple, s’il nous était donné d’entendre les propos échangés entre les convives d’un grand propriétaire de Montpellier ou de Béziers, nous constaterions qu’il n’est pas pour eux de question politique, littéraire ou mondaine qui puisse retenir longuement les esprits, tandis qu’on discutera à perte de vue celle des vendanges dernières, du plâtrage, du sucrage et des cours du vin rouge.

1214. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

En dernier lieu, il est certain que ces observations et ces lois pourront être comprises, vérifiées et acceptées ; car déjà, tous les jours, les hommes se comprennent lorsqu’ils se parlent entre eux de leurs espérances, de leurs craintes, de leurs émotions, de leurs idées, toutes choses intérieures et invisibles. […] Voilà les faits énumérés et désignés ; à présent nous pouvons essayer de comprendre et de juger.

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