/ 1797
697. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

Ô ciel ! […] L’impitoyable grand-prêtre s’adresse à Joas, dont il va gouverner l’enfance : Apprenez, roi des Juifs, et n’oubliez jamais Que les rois dans le ciel ont un juge sévère, L’innocent un vengeur et l’orphelin un père. […] Elles viennent s’appliquer sans effort, d’elles-mêmes, aux vers comme les ailes se collent à la flèche pour la faire voler plus haut dans le ciel, pour les faire percer plus avant l’oreille et dans le cœur. […] Il date du ciel, et il est digne d’y être parlé.

698. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Étant ainsi convenus de leurs mouvements, les volontaires partent au nombre de deux mille hommes ; il tombait du ciel beaucoup d’eau. […] Usant de tout, chez eux partout, ils promènent vaguement des flots au ciel leur blanche voile. […] Regardez plutôt cette phrase : « Mais le temps noir se dissipe, le jour reparaît, je vois un petit point bleu dans le ciel. […] C’est le vol sinueux et agile d’une abeille qu’un coup de vent emporte tout à coup dans le ciel. […] Les yeux fixés ailleurs que sur les États-Unis, il dénigre les ennemis de César et porte César au ciel.

699. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Combien de fois, en voyant les nuages s’élever du fond des vallées et monter en rampant sur le flanc des rochers jusqu’à la cime où nous étions, n’avons-nous pas recherché dans leurs oscillations les présages heureux ou malheureux d’un ciel couvert ou serein ! […] Enfin, à force de constance et d’adresse, la lunette mieux dirigée un soir, et par un ciel parfaitement serein, vers le sommet au loin soupçonné, laissa bientôt voir de nuit le point lumineux et presque imperceptible qu’on avait vainement cherché jusque-là dans un champ trop indéfini.

700. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

alors la consigne tomberait à l’instant ; mais, hormis pour elle, il est invisible à l’univers : Au reste, si un dieu vouloit pour moi descendre Du ciel, ferme la porte et ne le laisse entrer. […] Bernardin de Saint-Pierre, par une grâce du ciel, avait déjà reconnu de loin la grande plage antique, et, sans y aborder, il l’avait saluée à l’horizon.

701. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

La direction de nos facultés morales tend à la vertu, comme celle de nos facultés physiques à la santé ; et l’âme du jeune homme que la première éducation n’a pas flétrie s’élève d’elle-même vers le ciel comme la tige d’une plante vigoureuse. […] Croissez, comme j’ai vu ce palmier de Latone, Alors qu’ayant des yeux je traversai les flots ; Car jadis, abordant à la sainte Délos, Je vis près d’Apollon, à son autel de pierre, Un palmier, don du ciel, merveille de la terre : Vous croîtrez comme lui… Après avoir tenté inutilement de l’acclimater à Berne, le trésorier de Bonstetten permit à son fils de se rendre en Hollande à l’université de Leyde, mais sous la condition expresse qu’il n’y étudierait pas la philosophie : il craignait que ce regard aux choses du dedans ne nuisît à l’observation des faits du dehors ; mais Bonstetten était assez éveillé pour suffire aux deux sortes de vue.

702. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

« C’est pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez point où vous trouverez de quoi manger pour le soutien de votre vie, ni d’où vous aurez des vêtements, pour couvrir votre corps… « Considérez les oiseaux du ciel : ils ne sèment point, ils ne moissonnent point, et ils n’amassent rien dans des greniers ; mais votre Père céleste les nourrit : n’êtes-vous pas beaucoup plus qu’eux ? […] Le moment paraît venu, toutefois, où la séparation du mort et du vif ne tardera pas à se faire, et si ce n’est l’homme (assez de craquements nous l’indiquent), les seuls vents du ciel le feront.

703. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

Pas de trace de jours sombres, de nuages, de brouillard et d’humidité ; toujours le ciel du bleu le plus pur, l’air le plus doux, et partout un sol sec, sur lequel on pourrait s’étendre nu. […] « On ferait bien, concluait-il, de relire le livre une fois tous les ans, pour s’en renouveler l’impression dans toute sa fraîcheur. » Qu’il y ait eu un peu d’excès dans cette admiration pour une œuvre composée de tant de parties et d’éléments dès longtemps trouvés, que le puissant lecteur, tout plein d’harmonieux souvenirs, ait prêté un peu à cette production du déclin comme à un dernier né qu’on gâte et qu’on favorise, je l’accorderai aisément ; Goethe abondait dans son sens en exaltant si fort le perpétuel âge d’or de la Grèce : mais ce qui ne le trompait pas, c’était le sentiment régnant, respirant dans ce dernier ; tableau, et par lui reconnu et salué, de tout un monde idéal, serein, fortuné, à ciel fixe, à horizon bleu, — l’horizon de la mer de Sicile ou des mers de l’Archipel12.

704. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

C’était en effet une sorte de pèlerinage où se portaient dévotement les fidèles ; on courait les provinces, on se dirigeait aux bords du Rhin ; de Strasbourg à Cologne, on saluait du plus loin, à l’horizon, chaque ville qui laissait apercevoir un clocher, une flèche « montrant comme du doigt le ciel » ; c’était une vraie course au clocher et à l’ogive. […] Les Grecs, dans leur architecture, comptaient avec la lumière, la transparence de l’air, avec les sites environnants ; ils apportaient une étude toute particulière dans l’arrangement des angles de leurs édifices, se détachant en silhouette sur le ciel ou sur le fond bleuâtre des montagnes.

705. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

A cela près pourtant, tout était bien et aurait continué de l’être, si, le moment de ferveur passé, le poëte, revenant à ses goûts secrets, avait quitté une arène où il ne s’était jeté que par élan ; si, rentrant en quelque sorte dans la vie privée, il avait osé redevenir lyrique, comme il l’avait été d’abord, avec ses impressions personnelles, affections douces, mystérieuses, pudiques, écloses et nourries sous un ciel idéal, dans le calme des bocages sacrés, ou parmi les danses des guerriers et des vierges. […] Le vers de six syllabes a quelque chose de leste qui sied mal, et le dôme devrait monter au ciel avec plus de lenteur et de majesté.

706. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

Il possède encore deux facultés remarquables : la qualification pittoresque avec laquelle il caractérise en passant, l’épithète rare avec laquelle il peint un ciel… » Modification du caractère. — « Avril : Absorption complète, refus de parler, toute l’après-midi, son chapeau de paille lui barrant la vue, il reste assis en face d’un arbre, dans une immobilité tristement farouche. » 8 avril : « Peu à peu il se dépouille de l’affectuosité, il se déshumanise ; les autres commencent à ne plus compter pour lui et recommence en lui le féroce égoïsme de l’enfant. » 16 avril : « Ce qu’il y a d’affreux dans ces abominables maladies de l’intelligence, c’est qu’elles détruisent souterrainement et à la longue, chez l’être aimant qu’elles frappent, la sensibilité, la tendresse, l’attachement, c’est qu’elles suppriment le cœur… cette douce amitié qui était le gros lot de notre vie, de notre bonheur, je ne la trouve plus, je ne la rencontre plus… Non je ne me sens plus aimé par lui, et c’est le plus grand supplice que je puisse éprouver, et que tout ce que je puisse me dire n’adoucit en rien… ! […] Ce jour levant, ce vert de l’arbre jaillissant de l’ombre, cet éveil du ciel et des oiseaux avec leurs notes bienheureuses, tombant dans une agonie, dans une fin de jeune existence, c’est bien horrible !

707. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

» Et Paméla, défaisant ses cheveux, s’agenouille, les yeux au ciel, d’un air inspiré, aux applaudissements de l’assistance309. — La sensibilité devient une institution. […] On interprète « les harmonies de la Nature » comme des attentions délicates de la Providence ; en instituant l’amour filial, le Créateur a « daigné nous choisir pour première vertu notre plus doux plaisir314 »  À l’idylle qu’on imagine au ciel, correspond l’idylle qu’on pratique sur la terre.

708. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Avez-vous remarqué que l’azur du ciel parle mieux à l’âme dans les villes et que les fleurs y sont plus émouvantes ? […] Le dandysme est une fleur des ruines qui s’engendre de la décomposition des empires et qui s’épanouit à l’heure intermédiaire où l’élite d’hier, dépouillée de ses vertus, garde un reste de prestige comme le ciel, à l’heure où le soleil le quitte, en commémore un dernier reflet.

709. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

ils ont adopté pour leur usage personnel cette heureuse définition du bonheur dans une cité paisible : un facile travail, une pauvreté contente, une joie ingénue et sérieuse, une patrie honorée, un ciel clément, des hommes et des dieux indulgents. […] En général, ces personnages du romancier sont fragiles : ils ne sont point bâtis ni constitués d’une argile terrestre bien forte, ni embrasés d’une étincelle du ciel bien ardente ; ils sont nés d’un souffle, animés d’un caprice, humides d’une goutte de rosée ; leur nom est jeunesse, beauté de dix-huit ans, facilité volage, oubli.

710. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

À Versailles, à deux pas de la Cour, Ducis resta de tout temps un homme de la Savoie, au cœur d’or, aux vertus de famille, sans un jour de désordre ni d’oubli dans les mœurs, chrétien, catholique, pratiquant, aimant à faire des tournées de campagne dans les presbytères des bons curés des environs, et passant de là sans discordance au théâtre, se souvenant de son pays originaire, du village de Hauteluce (Alta lux) voisin du ciel, et, les jours de fête, s’inspirant, dans sa pieuse vision, du désert de la Grande-Chartreuse et des abeilles de la montagne. […] Au moment où je vous écris, disait-il à Bernardin de Saint-Pierre, à qui la plupart de ces jolies lettres de la fin sont adressées, je suis seul dans ma chambre : la pluie tombe, les vents sifflent, le ciel est sombre, mais je suis calme dans mon gîte comme un ours qui philosophe dans le creux de sa montagne.

711. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Effrayé de la peur de la vie et souffrant misérablement de son horreur, pénétrant l’homme dans ses dessous farouches et douloureux, pris du triste amour de sa chair souffreteuse, ne voyant en toute transgression que le commencement du châtiment, inquiet, éperdu et aimant, obstinément attaché à débattre et à retourner le problème du mal, du péché et de la peine, interrogeant la science et violenté, dans son âme obscure et slave, par la hautaine impiété de la philosophie évolutionniste, par ces doctrines qui, extraites et résumées du cours des astres, du choc des atomes, du sourd essor de la substance organique, puisent dans leur origine matérielle une inhumaine dureté et font au ciel qu’elles mesurent et dans l’âme qu’elles analysent un épouvantable et clair vide, frémissant du tranquille déni qu’elles opposent au problème final de toute méditation irréaliste — le but et le sens de la vie, — et finalement repoussé par les sèches raisons dont elles interdisent la pitié, l’aide aux faibles, aux malades, aux méchants, par la nécessité de ne point intervenir dans la lutte de tous contre fous, qui est à la fois la loi du monde vivant et la source même de ce qui nous pousse à la violer, — Dostoïewski s’est violemment rejeté en arrière ; sortant de toute église comme de tout enseignement, maudissant toute intelligence, se contraignant à croire ce qui console non sans trembler de la peur tacite d’être déçu, il a rivé ses yeux sur l’Évangile, il s’est prosterné pleurant sur la face pleurante d’un Christ populaire, en une agonie de pitié, de douleur, d’angoisse, d’effroi, de fou désespoir et de tremblante supplication aussi tragique en sa clameur que les affres contenues de Pascal. […] Malade de la névrose épileptique, ayant passé en sa jeunesse par le choc effroyable d’une condamnai ion à mort, et gracié les pieds sur l’échafaud, pour aller traîner des années dans un bagne en Sibérie avec toute la vermine d’une société primitive, il vécut ensuite sous le ciel, « saturé d’encre », de Saint-Pétersbourg, et promena dans cette sombre ville, dure aux pauvres, sa silhouette râpée.

712. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

Au bout de quelques années de séjour, on y déclare que le ciel est un rêve d’esprit creux. […] Cette angélique figure resta gravée dans sa mémoire, dans son cœur peut-être, et le souvenir de la charmante et touchante princesse, épuré par la vue de sa piété parfaite et de sa pénitence héroïque, lui servit plus tard, lorsque du haut de la chaire il peignait la beauté et la pureté des anges, et emportait avec lui ses auditeurs attendris dans le ciel.

713. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Le fils de Jehovah descendant du ciel et y remontant à son tour, miracle, vérité éternelle ! […] Les premiers chrétiens ne furent nullement embarrassés de situer le ciel. […] L’expression nous est restée : monter au ciel. […] Le ciel ne peut donc pas être en haut. […] Deltour, de vieux professeurs ratatinés se frapper le cœur, lever les yeux au ciel et dire : « Oh !

714. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre premier. Idée générale de la seconde Partie » pp. 406-413

Si vous portez des talents supérieurs au milieu des passions humaines, vous vous persuaderez bientôt que ces talents mêmes ne sont qu’une malédiction du ciel ; mais vous les retrouverez comme des bienfaits, si vous pouvez croire encore au perfectionnement de la pensée, si vous entrevoyez de nouveaux rapports entre les idées et les sentiments, si vous pénétrez plus avant dans la connaissance des hommes, si vous pouvez ajouter un seul degré de force à la morale, si vous vous flattez enfin de réunir par l’éloquence les opinions éparses de tous les amis des vérités généreuses.

715. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Gilbert Augustin-Thierry »

« Car, comme dit Hamlet, il y a plus de choses sous le ciel, Mercutio, que n’en conçoit votre philosophie. » Mais d’autre part, c’est ici proprement le domaine des suppositions invérifiables, des chimères et des ombres vaines.

716. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dupont, Pierre (1821-1870) »

Nous n’apercevons le ciel qu’entre deux toits, nous ne saluons jamais l’aurore chez elle, le couchant déroule ses pourpres loin de nos yeux.

717. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre IV. De quelques poèmes français et étrangers. »

Ô ciel !

718. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Bathild Bouniol »

Bathild Bouniol7 C’est sous ce ciel-là, retrouvé enfin par la muse de l’auteur des Chants du Passé, que se tient la muse de notre autre poète, Bathild Bouniol, mais elle a les pieds sur la terre, et son œil, plus attentif qu’inspiré, est fixé sur les hommes, qu’elle regarde jusqu’au fond du cœur.

719. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Charles Barbara » pp. 183-188

Malgré l’intelligence qu’il lui reconnaît, il n’a pas fait héroïque et fulminant cet athée qui voudrait tuer Dieu pour avoir la paix, comme il a tué l’homme pour avoir l’argent ; car on a beau se dessiner en Ajax contre le ciel, le poing dont on menace Dieu est toujours un poing canaille et qui mérite d’être abattu sur le billot !

720. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Gabriel Ferry »

Dupe, ou, pour dire un mot moins dur, victime du génie de Cooper, Ferry a cru qu’on pouvait reprendre la création achevée d’un immense artiste, et il ne s’est pas aperçu que dans Fenimore Cooper le véritable personnage, le vrai héros des poèmes que nous avons sous les yeux, c’est l’Amérique elle-même, la mer, la plaine, le ciel, la terre, la poussière enfin de ce pays qui n’a pas fait son peuple et qui est émietté par lui… Il n’a pas vu qu’en ôtant Bas-de-Cuir lui-même des romans de Fenimore, — cette figure que Balzac, qui avait le sens de la critique autant que le sens de l’invention, a trop grandie en la comparant à la figure épique de Gurth dans Ivanhoe et qui n’est guères que le reflet du colossal Robinson de Daniel de Foe, — il n’a pas vu qu’il n’y avait plus dans les récits du grand américain qu’une magnifique interprétation de la nature, que l’individualisation, audacieuse et réussie, de tout un hémisphère, mais que là justement étaient le mérite, la profondeur, l’incomparable originalité d’une œuvre qui n’a d’analogue dans aucune littérature.

721. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XII. Des panégyriques ou éloges des princes vivants. »

Tes éloges, tes panégyriques sont nos champs cultivés, nos villes heureuses, la prière secrète du père de famille aux pieds des autels, le vieillard qui lève ses mains au ciel pour remercier les dieux d’avoir prolongé ta vie.

722. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre V. Observations philosophiques devant servir à la découverte du véritable Homère » pp. 268-273

. — Il semble s’élever jusqu’au ciel par le sublime de la pensée ; nous avons expliqué déjà ce mérite d’Homère, livre II, page 225.

723. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Addition au second livre. Explication historique de la Mythologie » pp. 389-392

Lorsque l’idée d’une puissance supérieure, maîtresse du ciel et armée de la foudre, a été personnifiée par les premiers hommes sous le nom de Jupiter, la seconde divinité qu’ils se créent est le symbole, l’expression poétique du mariage.

724. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Ne nous amusons pas à dissiper des nuages dans un ciel serein ; c’est du temps perdu, ou plutôt fort mal employé. […] C’est l’hôte d’un monde ancien et fantastique, qui de loin en loin vient visiter notre vie lasse et désenchantée, traverse notre ombre d’un rayon de lumière et remonte au ciel avec la poésie. […] J’arracherai le voile qui cache aux Français la vraie figure de leur poète favori, non pour faire tomber tout leur enthousiasme, mais pour l’éclairer et l’épurer, et s’ils continuent à appeler Molière le plus grand des poètes comiques, messieurs, sachons être indulgents pour une nation spirituelle qui ne connaît pas la véritable valeur des mots, parce que le ciel lui a envié l’esprit philosophique, je veux dire ce besoin de logique et de définitions qui est le commencement de la sagesse. […] Elle est fort amusante ; mais ne se termine-t-elle pas par un trait tout à fait exagéré, quand Valère, en présence de l’avare, s’adresse ainsi à sa fille : « Oui, l’argent est plus précieux que toutes les choses du monde, et vous devez rendre grâces au ciel de l’honnête homme de père qu’il vous a donné. […] Les mets sont épars dans nos plaines, Les vins les plus exquis coulent de nos fontaines ; Les fruits naissent confits dans toutes les saisons ; Les chevaux tout sellés entrent dans les maisons ; Le pigeonneau farci, l’alouette rôtie Nous tombent ici-bas du ciel comme la pluie107.

725. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

… La toile tombe, les rochers descendent dans le troisième dessous, les nuages remontent au cintre, le bleu du ciel regrimpe dans les frises, les praticables démontés s’en vont par les côtés, pièce à pièce, l’armature nue du théâtre peu à peu apparaît. […] Ainsi que ces nuages, ainsi que ce lointain, se renvoient lentement au ciel l’horizon de la jeunesse, les espoirs, tout le bleu de l’âme ! […] Arbres, ciel, eau, tout cela me fait l’effet d’une concession à temps, dont le jardinier renouvellerait un peu les fleurs au printemps, et où il aurait mis un petit bassin avec des poissons rouges… … Non, rien de tout cela de la nature ne me parle, ne me dit quelque chose à l’âme. […] C’était l’effet étrange de ce Soir du paysagiste Laberge qui est au Louvre, découpant la nuit des arbres, et collant leurs feuilles d’ébène sur un ciel d’une lumière infinie, d’une magnificence mourante. — Les livres ont leurs berceaux. […] Il a trouvé un dessin carré, un contour fruste qui rend ce corps-paquet, où il n’y a plus rien des rondeurs provocantes de la forme féminine, ce corps que le travail et la misère ont aplati comme avec un rouleau, n’y laissant ni gorge ni hanches, et qui ont fait de cette femme un ouvrier sans sexe, habillé d’un casaquin et d’une jupe, dont les couleurs ne semblent que la déteinte des deux éléments entre lesquels ce corps vit, — en haut bleu comme le ciel, en bas brun comme la terre.

726. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Partout où le ciel mit deux cœurs, s’aimer est doux !  […] Nos yeux ont la couleur et l’éclat du ciel ; Nos cheveux sont si beaux que tes Romaines nous les empruntent pour en ombrager leurs têtes. […] Peut-être en ce moment, du fond des nuits funèbres, Montant vers nous, gonflant ses vagues de ténèbres,              Et ses flots de rayons, Le muet Infini, sombre mer ignorée, Roule vers notre ciel une grande marée              De constellations ! […] Avait, dans le ciel clair, le profil aigu          D’un couperet de guillotine. […] Il n’est pas vrai de dire avec Cartyle : « La forme métrique est un anachronisme, le vers est une chose du passé ;  » non, le vers subsistera, parce qu’il est un organisme défini et merveilleusement, propre à l’expression sympathique des sentiments ou des idées : Le vers s’envole au ciel tout naturellement, Il monte ; il est le vers, je ne sais quoi de frêle Et d’éternel, qui chante et pleure et bat de l’aile.

727. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « [Appendice] » pp. 417-422

Quittez l’erreur que vous suivez Craignez que le ciel ne s’irrite ; Aimez pendant que vous vivez, Et songez que je ressuscite !

728. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Tissot. Poésies érotiques avec une traduction des Baisers de Jean Second. »

Qu’il fût né aussi bien sous le ciel d’Italie, sans doute il n’eût pas tant cherché ce langage.

729. (1874) Premiers lundis. Tome I « Bonaparte et les Grecs, par Madame Louise SW.-Belloc. »

et ne serait-il pas plus conforme à notre sagesse humaine, comme le ciel nous l’a faite, de dire que tout cela nuit à la Grèce et la tue, que ces puissants, qui, d’un mot pouvant la sauver, la regardent mourir, la tuent, et que nos vaisseaux, nos munitions, nos instructions et nos renégats la tuent encore davantage ?

730. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 4. Physionomie générale du moyen âge. »

Sous la voûte tournante et constellée du ciel, par-delà laquelle résident la Trinité, la Vierge, les anges et les saints, au-dessus de l’horrible et ténébreux enfer d’on sortent incessamment les diables tentateurs, au centre du monde est la terre immobile, « où se livre le combat de la vie, où l’homme déchu mais racheté, libre de choisir entre le bien et le mal. est perpétuellement en butte aux pièges du diable, mais est soutenu, s’il sait les obtenir, par la grâce de Dieu, la protection de la Vierge et des saints8 » : lutte tragique, où la victoire assure à l’homme une éternité de joie, la défaite une éternité de supplices.

731. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Jammes, Francis (1868-1938) »

Le ciel clair comme l’air entre par les croisées.

732. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre V. Suite des précédents. — Héloïse et Abeilard. »

La religion et l’amour exercent à la fois leur empire sur son cœur : c’est la nature rebelle, saisie toute vivante par la grâce, et qui se débat vainement dans les embrassements du ciel.

733. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre premier. Que la Mythologie rapetissait la nature ; que les Anciens n’avaient point de Poésie proprement dite descriptive. »

Ils nous ont sans doute laissé d’admirables peintures des travaux, des mœurs et du bonheur de la vie rustique ; mais, quant à ces tableaux des campagnes, des saisons, des accidents du ciel, qui ont enrichi la muse moderne, on en trouve à peine quelques traits dans leurs écrits.

734. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Deshays  » pp. 134-138

Le saint a les bras élevés, la tête renversée et les regards tournés vers le ciel.

735. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Méry »

Ce livre-ci nous donne la mesure du progrès accompli par cet esprit qui fait sa spirale éternelle, comme dit Gœthe, mais qui la fait en haut, du côté du ciel !

736. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Argument » pp. 93-99

Le ciel, que les hommes avaient placé d’abord au sommet des montagnes, s’éleva peu à peu dans leur opinion.

737. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Tout à l’heure « sur le tertre des chapelles vêtues de lierre », des bardes amis composaient ensemble des chants naïfs et surchargés d’images inattendues, « toiles de ciel et de verdure où chacun tissait sa fleur ». […] Ils s’éprennent des nouveaux gazouillements entendus et des dernières ailes aperçues voltigeantes dans le ciel ; mais ils ne sont point les couleurs des générations successives de doctrines. […] Une Eva, plus imprécise encore que celle de Vigny et plus puérile, se presse contre lui pendant que le ciel n’est à ses yeux Qu’un vaste embrasement de prière exaucée.

738. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Il explique le rictus des cadavres par la joie des morts de rentrer dans le grand tout, et la position des yeux des crapauds par leur désir de voir le ciel bleu. […] Je suis dans ces grands bois et sous le ciel vermeil, Et je n’ai pas de lit, fils, mais j’ai le sommeil Etc. […] Une nuit étoilée vue aux heures où tous dorment, le ciel bas d’une soirée d’hiver, L’air sanglote et le vent râle, Et sous l’obscur firmament, La nuit sombre et la mort pâle Le regardent fixement, le bois sombre plein de souffles froids où Cosette, la nuit, va pour chercher un seau d’eau, pénètrent d’une horreur sacrée.

739. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Il en est de même de vous, Monsieur : je ne vous cacherai pas qu’au moment où vous vous êtes armé pour détruire nos anciennes croyances ; de ce moment où Racine, Voltaire et Boileau ont provoqué vos mépris, j’ai redouté dans vous un ennemi d’autant plus dangereux pour le théâtre, que vous avez reçu du ciel ce génie adroit et persévérant qui fait triompher l’erreur et force la vérité à se cacher quelque temps. […] Vous avez une imagination vive, une verve intarissable qui se révèle par des pensées fortes et hardies ; mais il vous manque un ami, ou plutôt parmi tant d’amis un ennemi généreux qui vous éclaire et qui vous dise avec fermeté : Malgré tous les dons que vous avez reçus du ciel, en suivant la route que vous avez prise, vous ne ferez jamais un bon ouvrage dramatique. […] Ce mot du maestro, je n’oserais pas vous conseiller, Monsieur, de vous l’appliquer, mais cependant fasse le ciel que vous soyez assez sage pour imiter Dellamaria.

740. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

Ainsi Jupiter, Cybèle, Neptune, étaient simplement le ciel, la terre, la mer, que les premiers hommes, muets encore, exprimaient en les montrant du doigt, et qu’ils imaginaient comme des êtres animés, comme des dieux ; avec les noms de ces trois divinités, ils exprimaient toutes les choses relatives au ciel, à la terre, à la mer. […] Les premiers hommes (les poètes théologiens), encore incapables d’abstraire, firent une chose toute contraire, mais plus sublime : ils donnèrent des sentiments et des passions aux êtres matériels, et même aux plus étendus de ces êtres, au ciel, à la terre, à la mer.

741. (1894) Critique de combat

Nous avons levé les yeux vers ce nuage lumineux, qui flottait majestueusement dans le ciel crépusculaire et qui semblait savoir où il allait. […] En récrivant à sa manière la vie de Jésus, il suppose que le Christ mourant a lancé vers le ciel cinq gouttes de sang. […] Quant à la cinquième, elle plane encore au ciel, prête à tomber, et elle pourrait bien faire la révolution sociale de demain. […] Il faut de la religion pour le peuple, disait-on jadis plus crûment, ce qui peut se traduire ainsi : « Il faut lui promettre le ciel pour ne pas lui donner la terre. […] quelle bassesse d’âme, ô ciel !

742. (1802) Études sur Molière pp. -355

Fasse le ciel, qu’insensiblement séduit, comme Arnolphe, par les charmes naissants d’une enfant élevée sous ses yeux, il n’ait pas les mêmes raisons que lui pour s’en repentir ! […] Le roué de coterie remplace le corrupteur de cour ; le poltron révolté contre le ciel remplace l’athée, et par cette métamorphose l’on ne conçoit plus ce que les femmes, victimes de sa débauche, ont pu lui trouver de si séduisant ; par quelle raison son valet n’ose le quitter ; pourquoi son père ne le fait pas jeter dans le fond d’un cachot ; et à quel propos le ciel lui fait l’honneur d’accumuler, pour le punir, miracle sur miracle : enfin, la pièce, rapetissée à la taille de l’acteur, n’a plus un grand caractère. […] Orgon, pressé par son beau-frère, acte I, scène vi , de tenir la parole qu’il a donnée à Valère, veut éluder, et lui promet de faire ce que le ciel voudra  : dans Lo Hypocrito, comedia di messer Pietro Aretino, l’Hypocrite affecte de citer sans cesse le ciel, la charité ; mais le ce que le ciel voudra de Molière, a bien plus le mérite de l’à-propos. […] ne doit-elle pas faire remarquer à son mari que Tartuffe, en même temps impie et libertin, a l’art de lever les scrupules, de faire des accommodements avec le ciel ? […] Molière, chargé de choisir un sujet propre à amener des divertissements qui tinssent du miracle, prend dans la fable de Psyché l’instant le plus favorable pour mettre à contribution le ciel, la terre et les enfers.

743. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Et le soir, encore le ciel, la mer, les montagnes. […] on peut inventer, on peut créer, mais on ne peut pas copier… On a beau sentir en écrivant, il n’en résulte que mots communs : bois, montagnes, ciel, lune, etc., etc. […] La vierge Marie tient la couverture découvrant l’enfant et regarde les pâtres, avec un véritable sourire du ciel. […] Je prie le ciel de me rendre indifférente à ces saintes infamies, mais je me vois à bout de patience. […] S’il ne me tombe quelque secours du ciel, vous me verrez avant peu.

744. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Je terminerai cette notice par quelques mots sur le sol, le ciel et les monuments de l’Angleterre. […] Le ciel de ce pays est moins élevé que le nôtre ; son azur est plus vif, mais moins transparent. […] On retrouve ici Ossian dans Virgile ; mais c’est Ossian sous le ciel de Naples, sous un ciel où la lumière est plus pure et les vapeurs plus transparentes. […] Prenant ce murmure pour l’avant-coureur d’un orage, je sortis de la hutte pour regarder le ciel. […] Je voudrais que les hommes de talent connussent mieux leur haute destinée ; qu’ils sussent mieux apprécier les dons qu’ils ont reçus du ciel.

745. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Entra l’on ne voit rien de si beau sous le ciel. […] Une gloire, en termes de peinture, est la représentation du ciel ouvert avec des personnes célestes, Dieu, anges, saints, etc. […] ciel, que de vertus vous me faites haïr !  […] Don Juan qui n’est puni et qui ne peut l’être que par le ciel et qui dira : « Si ce n’est que le ciel… » Elle fait quelquefois une excursion du côté du roman et elle est la comédie romanesque ; mais alors elle est un peu fade et l’on trouve que l’idylle est plus propre à la lecture rêveuse qu’à la représentation qui veut de l’action et qui veut du mordant. […] Il veut avoir de l’argent pour avoir de la puissance et il bat monnaie avec le ciel qu’il promet et l’enfer dont il menace pour conquérir l’argent qui est une force.

746. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

De mes persécuteurs j’ai vu le ciel complice : Tant d’horreurs n’avaient point épuisé son courroux ; Madame, il me restait d’être oublié de vous. […] … ce nom seul dont les droits sont si saints, Sa jeunesse, mon sang, n’est pas ce que je plains : Je plains mille vertus, une amour mutuelle, Sa piété pour moi, ma tendresse pour elle, Un respect qu’en son cœur rien ne peut balancer… Non, je ne croirai point, ô ciel ! […] De même les connaisseurs ont toujours condamné dans Pompée,         … Les fleuves… rendus rapides Par le débordement… des parricides ; et tout ce qui est dans ce goût ; mais ils ont admiré : Ô ciel ! […] S’il y est question d’une divinité du ciel, de l’enfer, d’un naufrage, des êtres même moraux et inanimés, il les représente au naturel par la magie des décorations. […] mon cœur se fend : Je ne suis plus mère, ô ciel !

747. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

Il réfléchit et répondit : Je lui écrirais : Je suis charmé que le ciel ait enfin béni notre union ; soignez votre santé, j’irai vous faire ma cour ce soir. » — Il y a vingt réponses semblables, et j’ose dire qu’avant de les avoir lues on n’imagine pas à quel point l’art social peut dompter l’instinct naturel. […] Mais elles aiment mieux l’appartement que le grand air ; en ce temps-là le vrai soleil, c’est la clarté des bougies, et le plus beau ciel est un plafond peint ; y en a-t-il un moins sujet aux intempéries, plus commode pour causer, badiner   On cause donc et l’on badine, en paroles avec les amis présents, par lettres avec les amis absents. […] Ajoutez l’absence des causes qui font la tristesse moderne et mettent au-dessus de nos têtes un pesant ciel de plomb. […] Jusqu’en 1789, le ciel est trop beau, l’air est trop tiède, pour qu’on se résigne à se boutonner jusqu’au cou. « Liberté, facilité, monsieur l’abbé, disait le cardinal de Rohan à son secrétaire ; sans cela nous ferions de ceci un désert282. » C’est de quoi le bon cardinal s’était bien gardé ; tout au contraire il avait fait de Saverne un monde enchanté d’après Watteau, presque « un embarquement pour Cythère ».

748. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Il achevait un âge, il jouissait de ce qui avait agité les autres ; sa poésie ressemblait aux beaux soirs d’été ; les lignes du paysage y sont les mêmes que pendant le jour ; mais l’éclat de la coupole éblouissante s’est émoussé ; les plantes rafraîchies se relèvent, et le soleil calme au bord du ciel enveloppe harmonieusement dans un réseau de rayons roses les bois et les prairies que tout à l’heure il brûlait de sa clarté. […] On oubliait dans le Cygne mourant que le sujet était presque usé et l’intérêt un peu faible, pour savourer des vers comme ceux-ci : Quelques pics bleus dans le lointain s’élevaient, —  et blanche sur la froide blancheur du ciel — brillait leur couronne de neige. —  Un saule se penchait en pleurant sur la rivière, —  et secouait le flot quand le vent soupirait. —  Au-dessus, dans le vent courait l’hirondelle, —  qui se pourchassait elle-même dans ses sauvages caprices ; —  et plus loin, à travers le marais vert et tranquille, —  les canaux enchevêtrés dormaient, —  tachés de pourpre, de vert, et de jaune1520. […] Qu’il est doux, pendant que la brise tiède en chuchotant nous caresse de son souffle, —  appuyés sur des couches d’amarante et de moly1521, —  nos calmes paupières à demi baissées, —  sous les voûtes sacrées du ciel sombre, —  de suivre la longue rivière brillante qui traîne lentement — ses eaux en quittant la colline empourprée ; —  d’entendre les échos humides qui s’appellent — de caverne en caverne à travers les épaisses vignes entrelacées ; —  d’entendre les eaux qui tombent avec des teintes d’émeraude, —  à travers les guirlandes tressées de l’acanthe divine ; —  entendre et voir seulement dans le lointain la vague étincelante ; —  rien que l’entendre serait doux ; —  rien que l’entendre et sommeiller sous les pins1522. […] Il s’est lâché à travers la vie comme un cheval de race cabré dans la campagne, que l’odeur des plantes et la magnifique nouveauté du vaste ciel précipitent à pleine poitrine dans des courses folles qui brisent tout et vont le briser.

749. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Que si votre religion est pour un petit nombre, que si elle exclut les pauvres et les humbles, elle n’est pas la vraie ; bien plus, elle est barbare et immorale, puisqu’elle bannit du royaume du ciel ceux qui sont déjà déshérités des joies de la terre. […] Celui qui peut comprendre la prédication d’un Jocelyn de village et ces paraboles, Où le maître, abaissé jusqu’au sens des humains, Faisait toucher le ciel aux plus petites mains. […] Il devient tout à fait urgent, ce me semble, d’élargir le tourbillon de l’humanité : autrement des individus pourraient atteindre le ciel quand la masse se traînerait encore sur terre. […] C’est fatalement, enfin, que le peuple incrédule s’est élevé contre ses maîtres en incrédulité et leur a dit : « Donnez-moi une part ici-bas, puisque vous m’enlevez la part du ciel. » Tout est donc nécessaire dans ce développement de l’esprit moderne ; toute la marche de l’Europe depuis quatre siècles se résume en cette conclusion pratique : élever et ennoblir le peuple, donner part à tous aux délices de l’esprit.

750. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

Arrivé dans la région de l’éther, le roi se dressa de son siège et lança une flèche contre le ciel, en signe de défi. — Le sage Cyrus lui-même, irrité contre un fleuve hostile, le condamna comme Xerxès, et réussit à le supplicier. […] Pars et rapporte à Mardonios ce que disent les citoyens d’Athènes : Tant que le soleil suivra sa route dans le ciel, nous ne traiterons pas avec Xerxès, mais nous combattrons contre lui, avec les dieux et les héros dont il a brisé les statues et brûlé les temples. » — Puis, se retournant vers Sparte, avec une fraternité magnanime, justement blessée pourtant d’avoir été soupçonnée : — « Qu’on ait craint à Lacédémone de nous voir traiter avec le Barbare, c’est dans la nature. […] L’égoïsme Spartiate cherchait au ciel un astre pour complice, chaque fois qu’il s’agissait d’abandonner son allié. […] Point de milieu entre le dieu splendide et le dieu sinistre, entre le ciel et l’enfer : la terre était tranchée en deux zones, comme la vallée du Jugement dernier.

751. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

… ce n’est pas dans le dictionnaire… C’est une expression de peintre, ça… Tout le monde n’est pas peintre… C’est comme un ciel de couleur rose thé, rose thé… Qu’est-ce que c’est, une rose thé… » Et il répète une ou deux fois : « Rose thé », ajoutant : « Il n’y a que la rose, ça n’a pas de sens ! » — Et cependant, monsieur Sainte-Beuve, si j’ai voulu exprimer que le ciel était jaune de la nuance jaune rosée d’une rose thé, d’une gloire de Dijon par exemple, et n’était pas du tout du rosé de la nuance de la rose ordinaire ? […] Il se promène dans un va-et-vient étroit, tournant autour de la porte d’Auteuil, qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il gèle, qu’il neige, insensible aux intempéries, et le regard au ciel, disputant, grommelant, s’emportant dans le vide avec la voix aigre, l’espèce de claquette d’un maniaque. […] Le vague de ses yeux semble, par moments, se lever au plafond, comme au ciel.

752. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Il décrit l’influence du séjour d’un beau cavalier dans le château des Bolkonsky sur la sœur recluse, laide et pure du prince André, ou l’émoi profond dans lequel la présence de cet homme à bonnes fortunes jette Natacha fiancée, mais délaissée et tendue à se briser dans l’impuissant désir de son fiancé absent ; le romancier marque la bizarre jouissance de Nicolas Rostow, ruiné au jeu, rentrant dans le salon de sa famille et entendant sa sœur chanter une note particulièrement claire ; toujours est révélée la merveilleuse faculté de l’âme humaine à se prêter aux formes que lui imposent les variations de son ambiance ; en de plus hautes conjonctures, c’est le prince André, dangereusement blessé à Austerlitz, et qui, tombant, distingue de son regard distrait des férocités humaines la profondeur de l’inaltérable ciel bleu, développant sa silencieuse voûte au-dessus du fracas fumeux de la canonnade dans la haute paix de l’infini ; c’est le prince Pierre résolu à assassiner. […] Dans ce vaste drame, la vie même est jouée ; les spectateurs sont de la pièce ; ils ne sortent pas d’eux-mêmes, mais, pris à la magie de cet art, s’abandonnent à la belle et facile occasion de poursuivre leur existence quotidienne dans le fictif, dans un lieu sans peines, sans dégradants soucis de soi-même, mais baigné d’une atmosphère de rêve et de brume immense, complexe, obscur, fragmentaire, vaste, noire, et si immédiatement connu d’une vue si proche, que le lecteur s’y perd et s’y trouve comme un passant dans le large miroir des eaux profondes ou stagnent le ciel, le site et lui-même qui reconnaît son ombre dans la leur. […] Le prince André Bolkonsky, cet homme sec, clair, acerbe, qui tient à la vie par des liens si étroits, s’inquiète, s’aigrit, vit au hasard et se déçoit de vains semblants d’envie, jusqu’au jour où une balle le jette à terre et le force à plonger ses yeux vacillants dans la paix d’un ciel que ne souillent pas la fumée, le sang et les cris des batailles. L’irréparable mort de sa femme, l’impossibilité d’expier ses duretés envers cet être frivole, le replongent dans son amertume et ses agitations, et c’est encore par un calme soir de givre et de ciel clair qu’il entend et accepte presque des paroles du prince Pierre, la promesse d’une vie future, l’existence d’un dieu personnel qui réveillent en lui la force de vivre et d’espérer.

753. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Nulle part on ne conte mieux ces récits chimériques qui flottent dans l’imagination transparente comme les fumées du narghilé dans un ciel serein. […] Aussi est-il par excellence le poète des esprits ingénieux, mais médiocres, qui n’ont pas d’ailes et qui jouent terre à terre à la poésie, au lieu de se laisser emporter par elle dans son ciel ; Musa pedestris ! […] Il lui faut une place à part dans la littérature, entre ciel et terre. […] Il est véritablement curieux et presque ridicule de voir comment il prenait avec un compas la mesure des ailes de Pindare pour ajuster ses ailes factices à lui sur ce modèle, et pour fendre le ciel à l’aide de ce lourd mécanisme d’enthousiasme classique qui le laissait tomber ventre à terre aux justes sifflets de ses admirateurs ébahis.

754. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Bossuet, homme de sommet, et d’un sommet qui touche au ciel, reste sur sa hauteur dans son histoire. […] En lisant et discutant Luther, il avait trouvé dans les écrits de ce révolté, qui fit flèche de tout contre Rome, de ces passages qui retombent sur sa renommée pour la salir, car l’apostat des derniers temps n’avait pas la grandeur tragique de l’apostat des premiers, et c’était autre chose que son propre sang qu’il lançait en blasphémant contre le ciel. […] Ces premiers traits, jetés sur un papier que le vent du désert a tourné, et qui furent écrits sur le pommeau de la selle ou sur la pierre de quelque chemin écarté, ressemblent à ces quadri d’André Chénier, base de prose d’où sa poésie s’envolait, trépieds préparés afin que le feu du ciel pût y descendre. […] Le chrétien s’était mis en mesure avec le ciel.

755. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

De même qu’on voit un grand fleuve qui retient encore, coulant dans la plaine, cette force violente et impétueuse qu’il avait acquise aux montagnes d’où il tire son origine : ainsi cette vertu céleste, qui est contenue dans les écrits de saint Paul, même dans cette simplicité de style conserve toute la vigueur qu’elle apporte du ciel d’où elle descend. […] Bossuet mettait sans doute sa certitude avant tout dans le ciel ; mais, orateur, il redoublait d’autorité et de force calme en sentant que sous lui, et au moment où il la pressait du pied, la terre de France ne tremblait plus.

756. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Mais puisque enfin vous voilà homme fait, et dans la pleine maturité de l’âge, de plus grands sujets vous appellent. » Et il lui montrait la troupe glorieuse des saints et des martyrs qui, rangés dans le ciel, n’attendaient que leur poète. […] Le Tourneux, qui vise à réformer en lui le cœur, est attentif à poursuivre en lui ce déguisement nouveau de l’amour-propreb : « Considérez, lui écrit-il, mon cher frère, qu’on peut bien, dans l’Église visible et militante, chanter et composer les louanges de Dieu avec un cœur impur et des lèvres souillées, mais qu’on ne chantera pas les louanges de Dieu dans le ciel avec un cœur impur et des lèvres souillées… Vous avez donné de l’encens dans vos vers, mais c’était un feu étranger qui était dans l’encensoir.

757. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

Se percer, se piquer, se navrer, se tuer, Et parmi les assauts forcenant pêle-mêle Tomber mortes du ciel aussi menu que grêle, Portant un gentil cœur dedans un petit corps : Il verse parmi l’air un peu de poudre ; et lors Retenant des deux camps la fureur à son aise. […] Le poète y introduit le dieu Protée, par la bouche duquel il fait dire à la noble reine toutes sortes de belles et flatteuses choses, et même des prophéties très sensées, par exemple : N’offensez point par arme ni par noise, Si m’en croyez, la province françoise ; Car, bien qu’il fût destiné par les cieux Qu’un temps seriez d’elle victorieux, Le même ciel pour elle a voulu faire Autre destin, au vôtre tout contraire.

758. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Lorsqu’on descend le Rhône de Lyon à Avignon, il y a un moment, aux environs de Valence, où le ciel change ; l’azur est plus bleu, l’air plus limpide et plus transparent, les horizons se détachent en contours plus harmonieux : on est entré dans le pur Midi, dans la zone lumineuse. Sénecé ne s’aperçut pas qu’il s’opérait quelque changement pareil dans le climat des esprits vers cette date mémorable de 1664, et quand lui-même avait vingt et un ans ; il ne vit point qu’en descendant le fleuve on avait passé l’une de ces lignes par-delà lesquelles le soleil et le ciel sont plus beaux.

759. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

L’illustre auteur, dans sa marche infatigable, peut se comparer à une comète ardente qui a successivement apparu à l’horizon de plusieurs mondes d’esprits, salué d’eux avec transport à cause de son éclat, à mesure qu’il se découvrait pour la première fois dans leur ciel. […] La ruine était aux pieds, le labarum au ciel brillait toujours.

760. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

Aussi, quand le ciel bleu permet de rentrer la moisson bien sèche, tout le monde quitte la ferme et s’égaille à la besogne. […] La mer tout entière et chacune de ses vagues, la nuit et chacune des nuées du ciel, autant de prostituées qu’il nous montre à l’œuvre.

761. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Tout ce qu’on peut dire c’est qu’une pareille éventualité est tout à fait invraisemblable, et alors, au lieu de dire : Saturne sera près de tel point du ciel, nous devrons nous borner à dire : Saturne sera probablement près de tel point du ciel.

762. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

Il en eut la révélation, le soir même, en contemplant, dans la campagne de Valvins, « l’incomparable ciel de juillet, tandis qu’il marchait en compagnie du poète, au milieu du Serpent, du Cygne, de l’Aigle et de la Lyre ». […] Il y retrouvait le même chaos de ratures et de surcharges, la même création de néant et il ne put se retenir de penser que Mallarmé « avait essayé d’élever enfin une page à la puissance du ciel étoilé ».

763. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

D’autre part, je n’ai pas voulu me mêler des changements et des réformes projetées par les premiers révolutionnaires, parce que je me suis aperçu qu’on voulait former un nouveau ciel et une nouvelle terre, et qu’on avait l’ambition de faire un peuple de philosophes, lorsqu’on n’eut dû s’occuper qu’à faire un peuple d’heureux. […] Il y disait en réponse à ceux qui regardaient le serment comme une garantie : Il eût été digne de notre siècle de reconnaître que le serment est une bien faible épreuve pour des hommes polis et raffinés ; qu’il n’est nécessaire que chez des peuples grossiers à qui la fausseté ou le mensonge coûte moins que le parjure ; mais que dans nos mœurs cette auguste cérémonie n’est plus qu’une forme outrageante pour le ciel, inutile pour la société, et offensante pour ceux qu’on oblige à s’y soumettre.

764. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Ses douces nuées, à lui, ne renferment pas d’orage, et, en s’écartant, elles ont laissé voir un fond de ciel serein, à peine voilé par places, mais pur et délicieux. […] Oui, au nom du ciel !

765. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Au ciel il prit la foudre, et le sceptre aux tyrans. […] Franklin est un des hommes qui, tout en honorant l’humanité et en aimant à regarder vers le ciel, ont le moins visé à faire l’ange.

766. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Le ciel même peut-il réparer les ruines De cet arbre séché jusque dans ses racines ? […] Que Boris se hâte de descendre d’un trône usurpé ; qu’il cherche dans la solitude d’un cloître à se réconcilier avec le ciel, j’oublierai ses crimes et je l’assure même de ma toute-puissante protection. » Boris lisait cette lettre avec un transport de rage.

767. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

Les génies, les esprits, ce nommé Eschyle, ce nommé Isaïe, ce nommé Juvénal, ce nommé Dante, ce nommé Shakespeare, ce sont des êtres impérieux, tumultueux, violents, emportés, extrêmes, chevaucheurs des galops ailés, franchisseurs de limites, « passant les bornes », ayant un but à eux, lequel « dépasse le but », volant brusquement d’une idée à l’autre, et du pôle nord au pôle sud, parcourant le ciel en trois pas, peu cléments aux haleines courtes, secoués par tous les souffles de l’espace et en même temps pleins d’on ne sait quelle certitude équestre dans leurs bonds à travers l’abîme, indociles aux « aristarques », réfractaires à la rhétorique de l’État, pas gentils pour les lettrés asthmatiques, insoumis à l’hygiène académique, préférant l’écume de Pégase au lait d’ânesse. […] Avez-vous besoin de croire, d’aimer, de pleurer, de vous frapper la poitrine, de tomber à genoux, de lever vos mains au ciel avec confiance et sérénité, écoutez ces poëtes, ils vous aideront à monter vers la douleur saine et féconde, ils vous feront sentir l’utilité céleste de l’attendrissement.

768. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

Et pour ne parler que de notre pays, Lamartine, Victor Hugo, Alfred de Musset, Sainte-Beuve, Théophile Gautier, sont des prosateurs presque identiques en valeur à ce qu’ils sont comme poètes ; et Alfred de Vigny, qui est de cette constellation poétique éclose dans le ciel de feu de 1830, doit être nommé, non après eux, mais avec eux… Seulement, comme quelques-uns d’entre eux, Vigny n’a pas eu tout à coup le double génie et n’a pas trouvé dans son âme les deux aptitudes entrelacées comme deux sœurs dans le même berceau. […] Tous les deux, forme à part, spécialité de talent et de vocation à part, sont de la même race d’intelligences, idéales, religieuses, pensives… Il est des têtes glorieusement conformées pour aller se casser inutilement contre le ciel.

769. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

Comme un marin qui n’observe le ciel et les astres que pour prévoir les dangers, diriger sa course et atteindre le port, il n’étudiait la nature et l’homme que pour régler sa vie et conjecturer ce qui suit la mort. […] Descendez dans les profondes vallées, dans les longues fondrières obscures, où le limon déposé par les eaux nourrit des futaies antiques : les superbes chênes montent vers le ciel d’un élan inflexible, et leur colonne grise descend droit jusqu’aux entrailles du sol, comme enfoncée par la main d’un géant.

770. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Le rêve et l’abstraction, telles furent les deux passions de notre renaissance : d’un côté l’exaltation sentimentale, « les aspirations de l’âme », le désir vague de bonheur, de beauté, de sublimité, qui imposait aux théories l’obligation d’être consolantes et poétiques, qui fabriquait les systèmes, qui inventait les espérances, qui subordonnait la vérité, qui asservissait la science, qui commandait des doctrines exactement comme on commande un habit ; de l’autre, l’amour des nuages philosophiques, la coutume de planer au haut du ciel, le goût des termes généraux, la perte du style précis, l’oubli de l’analyse, le discrédit de la simplicité, la haine pour l’exactitude ; d’un côté la passion de croire sans preuves ; de l’autre la faculté de croire sans preuves : ces deux penchants composent l’esprit du temps. […] Des pilastres, des étages de portiques, des labyrinthes de galeries, des salles immenses amoncelées en tours, des temples accumulés comme des cellules d’abeilles, des allées sans fin, peuplées de dieux et de monstres, une ville de pierre, exhaussée d’assises en assises comme pour escalader le ciel immobile, et plongée dans les entrailles du sol par ses souterrains béants : déjà effrayés par ce labeur gigantesque, les voyageurs s’approchèrent.

771. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Les burgs démantelés, comparés à une scie, y ébrèchent le ciel de leur silhouette féodale , et la nature entière y fait la cabriole sur le tremplin de la phrase de cet écrivain paysagiste. […] ou le rêve de ce type poétique, éclos sous le ciel sombre de la rêveuse Allemagne, attendait-il pour se réaliser l’organisation exceptionnelle de cette blonde enfant du Nord ? […] Puis, si l’estomac, en se vidant, dissipait le nuage et l’éclair du cerveau si l’azur y pendait en lambeaux comme un vieux ciel de théâtre troué, Gérard faisait un nouvel effort d’imagination et retrouvait le hatchis des Orientaux au fond du gobelet méphitique où le portefaix verse le poison appelé genièvre. […] Il a dit, du dernier traducteur de Misanthropie et Repentir, que « Gérard de Nerval avait comme la nostalgie du ciel ». […] Malheureusement, il en est de la vérité en toute chose comme de l’étincelle que le briquet arrache au caillou : on ne l’obtient qu’en choquant avec force certains préjugés à tête dure ; et il y a des gens qui, au lieu de faire la lumière dans la raison que le ciel leur a départie, trouvent plus commode d’emprunter la lanterne du voisin.

772. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Chateaubriand se dit lui-même disciple de Rousseau, et il est facile de reconnaître dans ses œuvres outre l’inspiration véritable, et le souffle de la nature, l’influence d’un ciel étranger. […] Le ciel même n’était pour elle que le séjour des dieux de l’Olympe, et les astres qu’une décoration mythologique. […] L’azur du ciel me plaît. […] Jette un cri vers le ciel, ô chantre des enfers, Le ciel même aux damnés enviera tes concerts. […] Montés sur un pareil diapason, nous aurions pu commettre un crime : le ciel ne le voulut pas.

773. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Ceux-là du moins, par un reste d’égards pour le groupe primitif d’où ils étaient sortis, évitaient d’ériger en système leurs secrètes préférences ; ils promenaient indifféremment leurs admirations éclectiques de la Bible à Homère, d’Homère au Dante, d’Eschyle à Shakspeare, du Parthénon à nos sombres cathédrales, du ciel d’Athènes au ciel scandinave, des marbres de Paros aux vierges de Raphaël. […] Reynaud, — et de vous asseoir sur un tas de gerbes, l’œil fixé sur un ciel d’azur qu’envahissaient successivement les reflets d’or du soleil couchant, les tons grisâtres du crépuscule et l’ombre constellée de la nuit ? […] Comment arrêter au vol toutes ces ailes d’abeille, étincelant sous un ciel d’Athènes parmi les douces senteurs de l’Hymette ? […] Donnez un but aux générations que l’on destitue de toute loi morale sur la terre, de toute espérance dans le ciel, vous en faites des révolutionnaires ; ôtez-leur ce but, vous en faites des rêveurs. […] Quoi qu’il en soit, ces Notices historiques sont un beau livre, un majestueux édifice auquel il ne manque que quelques fenêtres s’ouvrant sur le ciel.

774. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Rêves et réalités, par Mme M. B. (Blanchecotte), ouvrière et poète. » pp. 327-332

Chacun a vu passer quelque riant mensonge Dont rien n’a pu voiler l’ineffaçable songe : Heureux quand la chimère a des ailes d’azur Comme un nuage blanc flottant en un ciel pur !

775. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LVIII » pp. 220-226

Si l’histoire du saint personnage n’est écrite de main habile et par une tête qui soit au-dessus de toutes vues humaines, autant que le ciel est au-dessus de la terre, tout ira mal.

776. (1874) Premiers lundis. Tome I « Fenimore Cooper : Le Corsaire Rouge »

Doué d’une sensibilité contenue et profonde, d’une vaste et paisible imagination, il a vu de bonne heure les plus magnifiques spectacles de la nature ; il a vu ou il a rêvé, au sein de ces spectacles sublimes, quelques êtres humains en harmonie avec les forêts vierges, les prairies illimitées, et le ciel plus haut et plus immense là qu’ailleurs.

777. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la distribution des prix du lycée d’orléans. » pp. 223-229

Quand on embrasse, de quelque courbe de sa rive, la Loire étalée et bleue comme un lac, avec ses prairies, ses peupliers, ses îlots blonds, son ciel léger, la douceur épandue dans l’air, et, non loin, quelque château ciselé comme un bijou, qui nous rappelle la vieille France, ce qu’elle a été et ce qu’elle a fait dans le monde, l’impression est si charmante, si enveloppante, qu’on se sent tout envahi de tendresse pour cette terre maternelle, si belle sous la lumière et si imprégnée de souvenirs.

778. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre premier. Impossibilité de s’en tenir à l’étude de quelques grandes œuvres » pp. 108-111

De là, pour l’historien, une double obligation : mettre en relief ces sommets dont la base plonge aux mêmes profondeurs que celle des cimes moins hautes ; construire le massif montagneux d’où se détachent et montent en plein ciel les pics les plus élevés.

779. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIV » pp. 394-401

vient-elle du ciel ?

780. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Rosée du ciel (et il baise le mouchoir), rosée du ciel, larmes d’un cœur doux comme le ciel et compatissant comme lui1072 !  […] Quels remercîments ne devons-nous point au ciel pour nous avoir accordé ainsi la santé, la tranquillité, l’abondance ! […] C’est une dissertation à l’anglaise, toute composée de raisonnements exacts, ayant pour but d’établir que, d’après la nature du plaisir et de la peine, les malheureux souffrent moins que les heureux de quitter la vie, et jouissent plus que les heureux d’obtenir le ciel. […] Voyez cet assassin arrêté sur le corps de sa maîtresse égorgée, les yeux tors, la bouche contractée, grinçant à l’idée du sang qui l’éclabousse et le dénonce, ou ce joueur ruiné qui vient d’arracher sa perruque et sa cravate, et crie à genoux, les dents serrées et le poing levé contre le ciel.

781. (1904) Zangwill pp. 7-90

Avons-nous à étudier, nous proposons-nous d’étudier La Fontaine ; au lieu de commencer par la première fable venue, nous commencerons par l’esprit gaulois ; le ciel ; le sol ; le climat ; les aliments ; la race ; la littérature primitive ; puis l’homme ; ses mœurs ; ses goûts ; sa dépendance ; son indépendance ; sa bonté ; ses enfances ; son génie ; puis l’écrivain ; ses tâtonnements classiques ; ses escapades gauloises ; son épopée ; sa morale ; puis l’écrivain, suite ; opposition en France de la culture et de la nature ; conciliation en La Fontaine de la culture et de la nature ; comment la faculté poétique sert d’intermédiaire ; tout cela pour faire la première partie, l’artiste ; pour faire la deuxième partie, les personnages, que nous ne confondons point avec la première, d’abord les hommes ; la société française au dix-septième siècle et dans La Fontaine ; le roi ; la cour ; la noblesse ; le clergé ; la bourgeoisie ; l’artisan ; le paysan ; des caractères poétiques ; puis les bêtes ; le sentiment de la nature au dix-septième siècle et dans La Fontaine ; du procédé poétique ; puis les dieux ; le sentiment religieux au dix-septième siècle et dans La Fontaine ; de la faculté poétique ; enfin troisième partie, l’art, qui ne se confond ni avec les deux premières ensemble, ni avec chacune des deux premières séparément ; l’action ; les détails ; comparaison de La Fontaine et de ses originaux, Ésope et Phèdre ; le système ; comparaison de La Fontaine et de ses originaux, Ésope, Rabelais, Pilpay, Cassandre ; l’expression ; du style pittoresque ; les mots propres ; les mots familiers ; les mots risqués ; les mots négligés ; le mètre cassé ; le mètre varié ; le mètre imitatif ; du style lié ; l’unité logique ; l’unité grammaticale ; l’unité musicale ; enfin théorie de la fable poétique ; nature de la poésie ; opposition de la fable philosophique à la fable poétique ; opposition de la fable primitive à la fable poétique ; c’est tout ; je me demande avec effroi où résidera dans tout cela la fable elle-même ; où se cachera, dans tout ce magnifique palais géométrique, la petite fable, où je la trouverai, la fable de La Fontaine ; elle n’y trouvera point asile, car l’auteur, dans tout cet appareil, n’y reconnaîtrait pas ses enfants. […] Un air nouveau moins froid vous souffle aux joues ; le ciel change et le sol aussi. […] L’air et les aliments font le corps à la longue ; le climat, son degré et ses contrastes produisent les sensations habituelles, et à la fin la sensibilité définitive : c’est là tout l’homme, esprit et corps, en sorte que tout l’homme prend et garde l’empreinte du sol et du ciel ; on s’en aperçoit en regardant les autres animaux, qui changent en même temps que lui, et par les mêmes causes ; un cheval de Hollande est aussi peu semblable à un cheval de Provence qu’un homme d’Amsterdam à un homme de Marseille. […] Le ciel et le paysage lui tiennent lieu de conversation ; il n’a point d’autres poëmes ; ce ne sont point les lectures et les entretiens qui remplissent son esprit, mais les formes et les couleurs qui l’entourent ; il y rêve, la main appuyée sur le manche de la charrue ; il en sent la sérénité ou la tristesse quand le soir il rentre assis sur son cheval, les jambes pendantes, et que ses yeux suivent sans réflexion les bandes rouges du couchant. […] Ils se renferment dans une cave et nient le ciel.

782. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

Un matelot débarqué dans l’île, Stéphano, lui donne du vin ; il lui baise les pieds et le prend pour un dieu ; il lui demande s’il n’est pas tombé du ciel et l’adore. […] La cloche m’appelle. —  Ne l’entends pas, Duncan, car c’est un glas — qui t’appelle au ciel ou à l’enfer279. […] si tendre pour ma mère, —  qu’il n’aurait pas souffert que les vents du ciel — vinssent trop rudement visiter son visage. […] Quel besoin ont des coquins comme moi de ramper entre ciel et terre ? […] Si une première fois il a épargné son oncle, c’est qu’il l’a trouvé en prières, et par crainte de l’envoyer au ciel.

783. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Au-dessus, s’étendait un ciel tout d’une pièce, d’un gris foncé, comme un manteau lourd. […] Je regardai de nouveau dans le ciel et j’aperçus un second soleil, celui-ci d’un beau vert émeraude. […] Des bouleaux rachitiques, quelques pommiers noueux çà et là trouaient seuls la pâle fluidité du ciel. […] Si les rapports harmoniques étaient justes, un bras, une jambe, une tête reflétés par le ciel bleu, paraîtraient à M.  […] « Tant que Notre-Dame élèvera vers le ciel ses deux bras, dit M. 

784. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

N’avons-nous pas tous le ciel au-dessus de nos têtes !  […] … Pour être descendu du ciel, le sage ne s’est pas expatrié. […] La frayeur du moribond calomnie le ciel. […] On voit tous les jours plier sous les maux des hommes que le ciel n’épargne pas. […] Je ne suis pas capable, et fasse le ciel que je meure avant que d’avoir été capable d’une modération que je me reprocherais.

785. (1891) Esquisses contemporaines

Mais par-dessus tout la mer est là, la mer, ses horizons immenses, ses grands calmes, ses ciels, ses tempêtes, ses majestueuses fureurs, toutes les jouissances qu’elle donne et toutes les épouvantes. […] Que de fois, demeuré seul sur les pentes élevées, par un beau soir d’automne, ayant au-dessus de nous la voûte étincelante d’un ciel roulant dans l’infini de ses mondes, combien de fois notre pensée interdite ne s’est-elle pas troublée au-dedans de nous ! […] Un courant que nous ne dirigeons pas, et qui nous vient d’ailleurs, nous emporte bien loin des rives aimées où chantent les belles muses et nous voguons sur une mer incertaine, sous un ciel où flottent les rideaux sombres des brumes septentrionales. […] Tombée du ciel, sans attache aucune avec le cœur humain, l’autorité du texte se dressait, incompréhensible et formidable, comme un roc abrupt se dresse au sein des flots. […] Elle intronise une divinité dialectique dans un ciel intellectuel.

786. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Du même fonds, elle est la marque d’un catholicisme sans Dieu, d’un génie du catholicisme, c’est-à-dire d’un christianisme ramené à la matière et à la pesanteur de ses images, privé de l’âme qui les allégeait et du mouvement qui les emportait au ciel. […] « Il pestait, dit Maxime Du Camp, et pour la centième fois recommençait le petit cheval blanc, le petit ciel bleu, le petit pré argenté, le petit arbre sans nom dans la botanique et le petit Arabe aux bras nus. […] « Quelquefois un épervier apparaît dans le carré de ciel bleu compris entre les murs gris de la cour. […] Le paysage est d’abord construit ou plutôt détruit par le jeu de quelques lignes qui semblent tirées d’un album de croquis ; puis toute son âme confondue avec celle de l’artiste s’incorpore au ciel spacieux : ce ciel soucieux, aux pâleurs fades, d’où le soleil se retire avec de froids sourires, tient dans la page la même place que le mot « sérieux » dans le passage qui précède. […] Puis, une fois rentré, il se met à écrire jusqu’au matin « toute une série de choses inattendues qui parurent me tomber du ciel ».

787. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre II. De la sensibilité considérée comme source du développement littéraire »

L’admirable mot du confesseur de Louis XVI : « Fils de saint Louis, montez au ciel », n’a jamais été dit que par M. de Lacretelle, historien.

788. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VII. De la propriété des termes. — Répétition des mots. — Synonymes. — Du langage noble »

Je massacrai l’albâtre, et la neige, et l’ivoire ; Je retirai le jais de la prunelle noire, Et j’ose dire au bras : sois blanc, tout simplement… J’ai de la périphrase écrasé les spirales ; Et mêlé, confondu, nivelé sous le ciel L’alphabet, sombre tour qui naquit de Babel ; Et je n’ignorais pas que la main courroucée Qui délivre le mot, délivre la pensée… Oui, vous tous, comprenez que les mots sont des choses… Tel mot est un sourire et tel autre un regard… Ce qu’un mot ne sait pas, un autre le révèle.

789. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Jean Lahor (Henri Cazalis). »

C’est Brahma qui parle : Le soleil est ma chair, le soleil est mon cœur,          Le cœur du ciel, mon cœur saignant qui vous fait vivre.        

790. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Delavigne, Casimir (1793-1843) »

Icare et Phaéton sont tombés, mais du haut du ciel ; c’est un malheur qui n’arrivera jamais à M. 

791. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Desbordes-Valmore, Marceline (1786-1859) »

Les poésies de Mme Desbordes-Valmore sont remplies de ces grands noms ; le dernier surtout y est prodigué à un point qui frappe tout le monde et appliqué comme aucune femme ne s’en était encore avisée ; c’est que le ciel seul lui fournit des images proportionnées à une passion qui n’est qu’une perpétuelle apothéose : Dieu, c’est toi pour mon cœur ; j’ai vu Dieu, je t’ai vu !

792. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Éphémérides poétiques, 1891-1900 » pp. 179-187

Rodenbach ; Le Miroir du ciel natal.

793. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVI, les Érynnies. »

Ministres de la police éternelle, leur puissance, enracinée aux Enfers, atteignait le ciel.

794. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Malherbe, avec différens auteurs. » pp. 148-156

Malherbe ne manquoit jamais de leur répondre qu’il ne les croyoit pas en grande faveur dans le ciel, attendu que dieu les abandonnoit dans ce monde ; & qu’il aimeroit mieux que M. de Luynes, ou quelque autre favori, lui eût tenu ce langage.

795. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIII. Des panégyriques en vers, composés par Claudien et par Sidoine Apollinaire. Panégyrique de Théodoric, roi des Goths. »

Heureusement dans les grandes âmes, pour suppléer aux vertus, le ciel a placé les remords.

796. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Voyez Plein ciel dans la Légende des siècles. […] Les croix, les amours, les audaces sont plantés dans la boue et chancellent sous un ciel bas, un ciel d’angoisse. […] Sous quel climat, sous quel ciel dont il reflétera les troublantes apparences ? […] Le carnage s’annonce comme un grain, par un point noir, accapare la voûte concave du ciel, et c’est un déchaînement infernal de toutes les tumultueuses puissances. […] Il voudrait étreindre le beau ciel d’or, l’horizon tremblant de chaleur et si limpide, le grêle feuillage des oliviers semblable à de la poussière d’argent.

797. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Ils auraient vainement effort d’ailleurs ; on n’éteint pas plus la flamme intérieure du poète éteint une étoile au ciel. […] Tout à coup un coup de tonnerre sous ce ciel longtemps radieux. […] Ce ciel enflammé, cette lumière d’incendie brûlait ses yeux ; l’atmosphère embrasée pesait à son corps accablé. […] Depuis quinze ans, un ciel sans nuages sur ces heureux époux. […] » s’écrie la figure dessinée par Dumas première manière. « Je suis du ciel, moi ! 

798. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

Le ciel, où les anges et les saints jouissent de la présence de Dieu, se prend souvent pour Dieu même : implorer le secours du ciel ; grace au ciel : j’ai péché contre le ciel et contre vous, dit l’enfant prodigue à son pére. le ciel se prend aussi pour les dieux du paganisme. […] Les païens imaginèrent d’abord des causes frivoles de la plupart des éfets naturels : l’amour fut l’éfet d’une divinité particulière : Prométhée vola le feu du ciel : Cérès inventa le blé : Bacchus le vin, etc. […] Ce mot anagogique vient du grec (…) : ainsi le sens anagogique de l’ecriture sainte est un sens mystique, qui élève l’esprit aux objets célestes et divins de la vie éternèle dont les saints jouissent dans le ciel. […] Enfin, lorsque ces explications regardent l’eglise triomphante et la vie des bienheureux dans le ciel, c’est le sens anagogique ; c’est ainsi que le sabat des juifs est regardé come l’image du repos éternel des bienheureux.

799. (1913) Poètes et critiques

Le prophète s’élève au ciel, sur le carrosse et avec les chevaux du roi. […] — Qu’il était bleu, le ciel, et grand, l’espoir ! — L’espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir. […] Il lui semble qu’il discerne, dans le bleu du ciel, un point noir, précurseur de l’orage. […] Puisse le « feu du ciel » l’anéantir !

800. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

La nuit était froide et claire, le ciel étoilé. […] » Puis, se tournant vers son ami : « Si tout est fini, lui dit-il, que le ciel te bénisse ! […] Les jours passaient paisiblement, doucement, comme ces grands nuages blancs et lumineux qui flottent à la surface d’un ciel bleu. […] La nuit était belle, la lune rayonnait sur le ciel sans nuages ; Guérassime, couché sur le foin, dormait d’un sommeil inquiet, respirant avec peine, et se retournant à chaque instant. […] Les étoiles du ciel éclairaient sa marche.

801. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Mais, au nom du ciel, ne nous ramenez pas en arrière sous prétexte de progrès ; que la philosophie ne donne pas ce triste spectacle de revenir sans cesse sur ses pas et de ne se mouvoir qu’en cercle ! […] C’est là qu’en sont arrivés, je ne dis pas tous les savants, grâce au ciel, mais un certain nombre d’entre eux, qui, rangés sous la bannière de M.  […] En un mot, le stoïcien, si creuse que puisse être sa vertu, ne saurait être rabaissé au niveau de ce troupeau vulgaire qui n’a d’autre ciel que les sens, et d’autre mesure du bien et du beau que la jouissance et le désir. […] Sans doute, quel triste ciel que ce ciel qui ne vit qu’en nous, qui naît et qui meurt avec nous, et dont le seul lieu est la pensée ! Mais enfin cette doctrine prouve qu’il faut un ciel, en quelque endroit qu’on le place, et il y a une sorte de sévère grandeur, renouvelée du stoïcisme, dans ce culte du dieu intérieur, c’est-à-dire de la pensée.

802. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Il faut qu’un Bossuet, un Fléchier soient là, en robe violette, qu’ils étalent sa généalogie, changeant sa niaiserie en grand coeur, versant à flots l’éloquence, et finissant par la mettre dans le ciel, auprès de Dieu le Père. […] Je réponds qu’à la prochaine mort il y aura dix visions pour une, et que déjà les poëtes et les écrivains du voisinage s’arrangent pour installer le futur défunt au plus haut du ciel. […] il allait demander au ciel la guérison du roi ; il l’a trouvée en chemin : les âmes pieuses ont tout bonheur. […] Sa majesté lionne un jour voulut connaître De quelles nations le ciel l’avait fait maître. […] Si le ciel t’eût, dit-il, donné par excellence Autant de jugement que de barbe au menton, Tu n’aurais pas à la légère Descendu dans ce puits.

803. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Et d’abord, pour premières vérités, elle enseigne à l’homme qu’il a deux vies à vivre, l’une passagère, l’autre immortelle ; l’une de la terre, l’autre du ciel. […] Son Jupiter suspend le monde à une chaîne d’or ; son soleil monte un char à quatre chevaux ; son enfer est un précipice dont la géographie marque la bouche sur le globe ; son ciel est une montagne. […] Pour rendre sensibles par une image les idées que nous venons d’aventurer, nous comparerions la poésie lyrique primitive à un lac paisible qui reflète les nuages et les étoiles du ciel ; l’épopée est le fleuve qui en découle et court, en réfléchissant ses rives, forêts, campagnes et cités, se jeter dans l’océan du drame. Enfin, comme le lac, le drame réfléchit le ciel ; comme le fleuve, il réfléchit ses rives ; mais seul il a des abîmes et des tempêtes. […] Du jour où le christianisme a dit à l’homme : « Tu es double, tu es composé de deux êtres, l’un périssable, l’autre immortel, l’un charnel, l’autre éthéré, l’un enchaîné par les appétits, les besoins et les passions, l’autre emporté sur les ailes de l’enthousiasme et de la rêverie, celui-ci enfin toujours courbé vers la terre, sa mère, celui-là sans cesse élancé vers le ciel, sa patrie » ; de ce jour le drame a été créé.

804. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

. —  Pareillement, quand nous lisons une tragédie grecque, notre premier soin doit être de nous figurer des Grecs, c’est-à-dire des hommes qui vivent à demi nus, dans des gymnases ou sur des places publiques, sous un ciel éclatant, en face des plus fins et des plus nobles paysages, occupés à se faire un corps agile et fort, à converser, à discuter, à voter, à exécuter des pirateries patriotiques, du reste oisifs et sobres, ayant pour ameublement trois cruches dans leur maison, et pour provisions deux anchois dans une jarre d’huile, servis par des esclaves qui leur laissent le loisir de cultiver leur esprit et d’exercer leurs membres, sans autre souci que le désir d’avoir la plus belle ville, les plus belles processions, les plus belles idées et les plus beaux hommes. […] Une langue, une législation, un catéchisme n’est jamais qu’une chose abstraite ; la chose complète, c’est l’homme agissant, l’homme corporel et visible, qui mange, qui marche, qui se bat, qui travaille ; laissez là la théorie des constitutions et de leur mécanisme, des religions et de leur système, et tâchez de voir les hommes à leur atelier, dans leurs bureaux, dans leurs champs, avec leur ciel, leur sol, leurs maisons, leurs habits, leurs cultures, leurs repas, comme vous le faites, lorsque, débarquant en Angleterre ou en Italie, vous regardez les visages et les gestes, les trottoirs et les tavernes, le citadin qui se promène et l’ouvrier qui boit. […] Si différents qu’ils soient, leur parenté n’est pas détruite ; la sauvagerie, la culture et la greffe, les différences de ciel et de sol, les accidents heureux ou malheureux ont eu beau travailler ; les grands traits de la forme originelle ont subsisté, et l’on retrouve les deux ou trois linéaments principaux de l’empreinte primitive sous les empreintes secondaires que le temps a posées par-dessus.

805. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

CXCV Aussi, pour bien le confirmer dans l’idée qu’il allait me voir apparaître, quand je fus à la dernière arcade au tournant du cloître avant son grillage, je m’assis sur le socle de l’arcade et je jouai doucement, lentement, amoureusement, l’air de la nuit dans la tour, afin qu’il comprît bien que j’étais là, à dix pas de lui, et qu’il entendît pour ainsi dire battre mon cœur dans la zampogne ; et je finis l’air, non pas comme d’habitude, par ces volées de notes qui semblaient s’élancer vers le ciel, comme des alouettes joyeuses montant au soleil, mais je le finis par deux longs, lugubres et tendres soupirs de l’instrument qui semblait bien plutôt pleurer que chanter, hélas ! […] cette zampogne que j’ai entendue la nuit dernière du haut du ciel et qui s’est approchée tout à l’heure, comme une mémoire et une espérance, de ma lucarne ? […] Ensuite la pensée des jours sans fin que nous avions passés ensemble, depuis que nous respirions et que nous grandissions dans le berceau, dans la cabane, dans la grotte, dans la vigne, dans les bois, sans songer que jamais nous pourrions être désunis l’un d’avec l’autre, et puis ceci, et puis cela, que nous n’avions pas compris d’abord dans nos ignorances, et que nous nous expliquions si bien à présent que nous nous étions avoué notre penchant, contrarié par nous seuls, l’un vers l’autre ; et puis la fatale journée de la coupe du châtaignier, et puis celle de ma blessure par le tromblon du sbire, quand il avait étanché mon sang sur mes bras avec ses lèvres ; et puis ma folie de douleur et ma fuite de la maison sans savoir où j’allais pour le suivre, comme la mousse suit la pierre que l’avalanche déracine ; et puis ma pauvre tante et mon père aveugle abandonnés à la grâce de Dieu et à la charité du père Hilario, dans notre nid vide ; et puis l’espérance que les anges du ciel nous délivreront des pièges de la mort où nous étions pris, tels que deux oiseaux, pour nous punir d’en avoir déniché, les printemps, tant d’autres dans nos pièges de noisetier, quand nous étions enfants ; et puis la confiance de nous sauver de là, plus tard, d’une manière ou d’autre, car les quatre semaines et les quatre jours nous paraissaient si longs, que nous ne pensions jamais en voir la fin.

806. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Je trouve le premier épisode : une halte de bohémiens dans un paysage vague, dont je prendrais l’eau, le ciel, les plantages, sur le bord de la Seine. […] Au milieu d’une pelouse, autour d’une serviette, où il y a deux assiettes et une bouteille de vin, deux femmes couchées tout de leur long, et fumant des cigarettes : l’une reposant sur la paume d’une main ; l’autre allongée sur le dos, avec les deux mains entrelacées sous la nuque, et lançant au ciel des bouffées de fumée. […] Alors brutalement, et comme sans souci de la délicatesse de son dessin, il a fait pleuvoir de gros pâtés d’encre de Chine, qui étendus avec un blaireau, ont détaché sur la légère demi-teinte d’un ciel gris, les branchages et les oiseaux enfermés dans une couche de neige, faite miraculeusement par ces espèces d’archipels gardés secs dans le papier.

807. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Les hommes eurent souvent aussi deux noms : on retrouve, à un certain âge de la société, ces doubles noms affectés de prérogatives ou des significations différentes, dont l’un est le nom d’un être connu dans le ciel, et dont l’autre est le nom du même être connu sur la terre. […] Ce professeur s’exprimait ainsi, à l’occasion des paroles de Rousseau que nous venons de rapporter : « Il voulait découvrir les sources d’un grand fleuve, et il les a cherchées dans son embouchure : ce n’était pas le moyen de les trouver ; mais c’était le moyen de croire, comme on l’a cru des sources du Nil, qu’elles n’étaient pas sur la terre, mais dans le ciel. » J’accepte ces mots comme renfermant le sentiment de la vérité. […] Cependant des hommes d’un génie extraordinaire, qui, comme Prométhée, avaient dérobé le feu du ciel, ou comme Orphée avaient apprivoisé les animaux des forêts, fondèrent une société religieuse.

808. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

Il a cet avantage des esprits infiniment poétiques, que la poésie suit, comme une lueur, où qu’ils aillent, et qui font tomber des ciels d’or sur la teigne des pouilleux, comme le faisait Murillo… Où d’autres seraient bas, comme le sujet de leur peinture, il reste poétique et quelquefois poète. […] Sur le fond de l’immense pièce noyée d’ombre et ne recevant presque de clarté que par le vitrage arrondi, où la lune montait dans un ciel lavé, bleu de nuit, un vrai ciel d’opéra, la silhouette de la célèbre danseuse se détachait toute blanche, comme une petite ombre falotte, légère, impondérée, volant bien plus qu’elle ne bondissait ; puis debout, sur ses pointes fines, soutenue dans l’air seulement par ses bras étendus, le visage levé dans une attitude fuyante où rien n’était visible que le sourire, elle s’avançait vivement vers la lumière, ou s’éloignait en petites saccades si rapides qu’on s’attendait toujours à entendre un léger bris de vitre et à la voir ainsi monter à reculons la pente du grand rayon de lune jeté en biais dans l’atelier… Ce qui ajoutait un charme, une poésie singulière à ce ballet fantastique, c’était l’absence de musique, le seul bruit du rhythme, dont la demi-obscurité augmentait la puissance, de ce taqueté vif et léger, pas plus fort sur le parquet que la chute, pétale par pétale, d’un dahlia qui s’effeuille..

809. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Victor Le Clerc et dont était le spirituel Ampère, Beyle, qui était de la partie pour la campagne romaine, égayait les autres, à chaque pas, de ses saillies, et excellait surtout à mettre ses doctes compagnons en rapport avec l’esprit des gens du pays : « Le ciel, disait-il, m’a donné le talent de me faire bien venir des paysans. » Sa prompte et gaillarde accortise, sa taille déjà ronde et à la Silène, je ne sais quel air satyresque qui relevait son propos, tout cela réussissait à merveille auprès des vendangeurs, des moissonneurs, des jeunes filles qui allaient puiser l’eau aux fontaines de Tivoli comme du temps d’Horace. […] » Et il continue à rêver, à supposer : Par malheur, se dit-il, il n’y a pas de hautes montagnes auprès de Paris : si le ciel eût donné à ce pays un lac et une montagne passables, la littérature française serait bien autrement pittoresque.

810. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

En montant sur le pont, je vis au ciel tous les signes décrits par Dampier. […] On voyait au ciel quelques nuages blancs, d’autres cuivrés.

811. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Pour moi, je bénis le ciel de m’avoir fait vivre sous le règne de Louis XV et sous celui-ci. […] Un sang-froid goguenard que m’a donné le ciel et que je n’ai pas mal employé dans l’occasion, déjoua la burlesque importance du procureur, et je le civilisai très passablement. » Ainsi il a trouvé moyen de persifler même Bourdon (de l’Oise) ; il joua du fleuret, même avec ceux qui allaient tenir la hache.

812. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

Père de vingt enfants (ce qui ne laisse pas d’être une distraction et une charge pour un savant et un pur homme de lettres), Casaubon, on le voit, ne considère chaque nouveau-né qui lui arrive que comme un présent du ciel. — Et c’est ainsi que tout en lisant Sénèque et les stoïciens, il s’emparait de leurs maximes pour leur donner le vrai sens, et il les détournait, il les accommodait, par une parodie d’un genre nouveau, disait-il, à la piété véritable. Sa santé délicate l’avertit cependant de ne pas trop s’écarter des travaux commencés, s’il veut les mener à bonne fin ; il fait donc, un matin, le vœu formel, en présence de Dieu, et en implorant son aide, de se livrer dorénavant sans distraction à l’achèvement, de son commentaire d’Athénée ; il en prend l’engagement devant celui qui incline à son gré le ciel et la terre, comme si cet Athénée de plus ou de moins pouvait être pesé dans la souveraine balance !

813. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Je suis celui qui console encore ; car tous mes vieux amis sont bien découragés : seul, j’entrevois un ciel pur, et je le montre du doigt à ceux qui gémissent. » Il est là tout entier, par ce côté qui dépasse Horace, et qui nous le montre dans l’exercice de sa philosophie modérée et moyenne légèrement christianisée. […] Je m’enfoncerai chaque jour un peu plus dans la retraite ; peut-être au fond y a-t-il quelque divinité consolatrice qui m’attend pour m’aider à finir et me donner le baiser d’adieu » ; C’est bien cette même nuance habituelle de mélancolie avec espérance toujours, une allée voilée et sombre, avec un pan de ciel bleu au fond.

814. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Il y a bien des manières d’être voyageur, et je ne voudrais en exclure aucune ; mais je ne puis m’empêcher d’opposer cette façon d’aller de Montaigne à celle d’un grand écrivain moderne, voyageur par ennui plus encore que par curiosité, et qui, dès qu’il avait saisi les grands horizons, les vastes contours, les ciels et les sommets dominants d’un pays, ne daignait y rien, regarder de plus. […] Montaigne disait donc (et à travers le secrétaire on sent de plus en plus le langage et l’accent magistral, comme sous de certaines pages de l’abbé Ledieu on sent la parole de Bossuet), — il disait : « Qu’on ne voyait rien de Rome que le ciel sous lequel elle avait été assise et le plan de son gîte ; que cette science qu’il en avait était une science abstraite et contemplative, de laquelle il n’y avait rien qui tombât sous les sens ; que ceux qui disaient qu’on y voyait au moins les ruines de Rome en disaient trop, car les ruines d’une si épouvantable machine rapporteraient plus d’honneur et de révérence à sa mémoire : ce n’était rien que son sépulcre.

815. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Si je rencontrais une pierre, mon imagination en faisait un homme pétrifié ; si j’entendais quelques oiseaux, c’étaient des hommes couverts de plumes ; les arbres du boulevard, c’étaient encore des hommes chargés de feuilles ; les fontaines, en coulant, s’échappaient de quelque corps humain ; je croyais que les images et les statues allaient marcher, les murailles parler, les bœufs et les autres animaux du même genre rendre des présages, que du ciel, du ciel lui-même, et de l’orbite enflammée du soleil descendraient soudain quelques oracles.

816. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

Diaz, dit-il, vit dans un petit monde enchanté où les couleurs s’irisent, où les rayons lumineux traversent des feuillages de soie, où les objets sont baignés d’une atmosphère d’or ; le ciel ressemble à l’or bleu du col des paons, les gazons se mordorent, la terre scintille comme un écrin, les étoffes miroitent ou s’effrangent en fanfreluches étincelantes, etc., etc. » Il vous montre, en un mot, Diaz tel qu’il était en cette première manière ; à force d’être exact, il le contrefait et le grime : voyez, jugez ensuite ! […] Certes, il aime d’un sincère amour et Rabelais et Ronsard, — le Ronsard lyrique, — et quelques poètes de Louis XIII, Saint-Amant, son homonyme Théophile, etc. — La Bruyère seul (cela est à noter) obtient grâce et lui plaît de prédilection entre tous les auteurs dits du grand siècle. — Mais, pour la plupart du temps, ses vrais goûts sont ailleurs : Shakespeare, Gœthe, Heine, peuplent son ciel et sont ses dieux ; il sent plus volontiers le chef-d’œuvre étranger que le chef-d’œuvre national.

817. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Le troisième nous transporte au haut d’une maison dont la façade est peinte en couleur bleu de ciel ; dans sa petite chambre, sous la tuile, Jasmin, qui n’est qu’apprenti encore, à la lueur d’une lampe dont le reflet se joue aux feuilles du tilleul voisin (toujours de gaies images), Jasmin passe une partie de ses nuits à lire, à rêver, à versifier déjà. […] Et le vieux Te Deum des humbles mariages semblait descendre des nues, quand tout d’un coup une grande troupe de jeunes filles au teint frais, propres comme l’œil, chacune avec son fringant, viennent sur le bord du rocher entonner le même air, et là, semblables, tant elles sont voisines du ciel, à des anges riants qu’un Dieu aimable envoie pour faire leurs gambades et nous apporter l’allégresse, elles prennent leur élan, et bientôt, dévalant par la route étroite de la côte rapide, elles vont en zigzag vers Saint-Amant, et les volages, par les sentiers, comme des folles vont en criant : Les chemins devraient fleurir, Tant belle épousée va sortir, etc.

818. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

Ne perdons pas une minute de ce ciel ensemble, qui sait si nous le retrouverons jamais ! […] et il tomba inanimé à mes pieds ; le ciel s’obscurcit, la tête me tourna et je me sentis évanouir dans les bras de mon époux.

819. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Elle ne demande au ciel et à la terre qu’une grande cause à servir par un grand dévouement ; l’amour y surabonde avec la force. » Il était alors voltairien comme sa génération, déiste, non pas sceptique et indifférent, remarquons-le bien : même quand il ne croyait pas, la forme de sa pensée était toujours nette et tranchée. […] Mais, assurément, si un tel sentiment avait quelque part sa place légitime, et si l’orateur a eu droit d’en user, ce dut être dans l’éloge du général Drouot, ce lieutenant fidèle, homme rare et simple, tout patriotique, qui représentait la probité dans les camps, que Napoléon appelait le sage de la Grande Armée, et qui, au sortir des grandes batailles dont il avait dirigé les formidables batteries, ne demandait au ciel d’autre faveur que de venir mourir sur la paroisse où il avait été baptisé.

820. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Il se contente de dire : « Je traversai d’un bout à l’autre cette Espagne où, seize années plus tard ; le ciel me réservait un grand rôle, en contribuant à étouffer l’anarchie… » Et il entonne un petit hymne en son honneur à propos de cette guerre d’Espagne dont il ne cesse de se glorifier, tout en voulant paraître le plus libéral des ministres de la Restauration. […] que la voûte du ciel nous cache en tombant sur nous ! 

821. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

Il avait plu depuis peu ; point de poussière, et des ruisseaux bien courants ; un petit vent frais agitait les feuilles, l’air était pur, l’horizon sans nuages, la sérénité régnait au ciel comme dans nos cœurs. […] Qu’on se rappelle cette nuit qu’il passe à la belle étoile au bord du Rhône ou de la Saône, dans un chemin creux près de Lyon : Je me couchai voluptueusement sur la tablette d’une espèce de niche ou de fausse porte enfoncée dans un mur de terrasse ; le ciel de mon lit était formé par les têtes des arbres ; un rossignol était précisément au-dessus de moi, je m’endormis à son chant ; mon sommeil fut doux, mon réveil le fut davantage.

822. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

La situation exacte était celle-ci : la reine gouvernait le roi ; car, malgré tous les conseils dont on l’entourait, malgré les admirables instructions de Louis XIV, « le ressort qui détermine les hommes n’était pas en lui ; il avait reçu du ciel un esprit subalterne ou même subjugué ». […] Geffroy, dans lesquelles elle sollicite et remue ciel et terre pour arriver à être choisie.

823. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

D’Argens, dans je ne sais quel de ses ouvrages, avait fait des réflexions critiques sur l’amitié, et avait voulu prouver qu’on peut s’en passer et être heureux : Je ne suis malheureusement point de votre sentiment sur l’amitié, lui répond Frédéric (31 août 1745) : je pense qu’un véritable ami est un don du ciel. […] Si ma destinée est finie, souviens-toi d’un ami qui t’aime toujours tendrement ; si le ciel prolonge mes jours, je t’écrirai dès demain et tu apprendras notre victoire. — Adieu, cher ami, je t’aimerai jusqu’à la mort.

824. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

Il en est de notre e muet actuel comme de celui qu’on rencontre en certains mots de l’ancien français, virgene, angele, aposteles, aneme, vierge, ange, apôtre, âme, dont la valeur était purement étymologique et qui ne se prononçait jamais, tandis que l’e féminin qui ne se prononçait pas à la fin du vers ou à la césure se prononçait en position : 1 2 3 4 5 6 Sains Andrieu li Aposteles | li ot raison aprise (Chanson d’Antioche) 1 2 3 4 Filz, la toe aneme | seit el ciel absolude (Chanson de Saint Alexis) Toute cette partie de sa rythmique, que M.  […] L’on voit volontiers accouplées ces sonorités identiques, hier ennemies, cuir — buires, roi — voix — joie au mépris de la vaine habitude des yeux ; des assonances fort délicates, telles que : ciel — hirondelle, quête — verte, guimpe — limbe ; d’agréables rimes intérieures qui rappellent, avec beaucoup plus d’art, les jeux des poètes latins du XIIIe siècle : Ô Méditerranée, salut ; voici Protée qui lève de tes vagues son front couronné d’algues.

825. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

On peut lui appliquer, mais en bonne part, ce qu’il dit en mauvaise du peuple d’Athènes après la mort de Socrate : — Il cherchait ses opinions dans le bleu du ciel au lieu de les chercher à ses pieds. Ce n’est pas, il est vrai, tout à fait « le bleu du ciel » que les idées, qui doivent être toujours des notions précises et des réalités ; mais ces seules réalités ne constituent pas, dans notre pays, de critique efficace.

826. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

… Et c’est là encore, pour le dire en passant, une raison à ajouter aux autres pour que ce traité de « la Douleur », qui ne s’arrête pas à la bagatelle des larmes et qui, comme Julien l’Apostat, ne jette pas non plus du sang de sa blessure contre le ciel, ait partagé le triste sort de tous les écrits de Saint-Bonnet, qui échappent à leur époque par leur élévation même et ne se courbent pas au niveau de cette masse qu’on appelle le public… « Il faut que tout se paye toujours !  […] Il a vu aussi, lui, que la douleur était une culture pour l’âme de l’homme, et il l’a introduite jusque dans sa substance et il l’a poussée jusqu’au ciel, car c’est là que les âmes cultivées doivent fleurir.

827. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Ce matin, n’a-t-il pas vu — ô ciel !  […] Oui, la soirée était belle et le ciel était limpide ; rien ne disait, dans ce Paris qui appartenait depuis à peine une année au roi de France et à la Charte, que le météore allait surgir de la Méditerranée éclatante ! […] Et il interroge le patient ; alors, bonté du ciel ! […] Il en fit tant, le pauvre enfant, qu’il tomba malade, et peu s’en fallut qu’il ne fût enlevé par la pleurésie ; ô ciel ! […] Ô miracle, une voix si jeune au milieu de ces débris, de ces ruines, de ces misères, de ce peuple en deuil de sa gloire, au milieu de cette nation éperdue et qui ne sait plus si son étoile est restée au milieu du ciel !

828. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « SUR ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 497-504

Hors de là, vers les rives, aux endroits plus calmes et sur une surface assez immobile ou animée de contre-courants peu rapides, il y avait des raisonneurs qui expliquaient aux autres le spectacle, et pourquoi cela était ainsi de toute nécessité, et pourquoi cela devait être toujours ; il y avait, rangés derrière deux ou trois grands noms, sur les traces de Lamartine, harmonieusement ravi en ses tendresses sublimes, sur les pas de Victor Hugo, de plus en plus occupé à ses chauds horizons, et à portée de voix de quelques autres, il y avait des peintres de vieilles ruines, qui étudiaient les débris gothiques le long des bords, des psychologues qui se miraient au sein des eaux, des nacelles de rêveurs dont le front regardait perpétuellement le ciel, des essais de colonie littéraire et d’abri poétique autour d’agréables îles et dans les Délos nées d’hier.

829. (1874) Premiers lundis. Tome I « Hoffmann : Contes nocturnes »

Voyez, il semble avoir quelque chose de tout particulier dans l’esprit, à en juger par la manière dont il regarde le bleu du ciel. » C’est là Hoffmann, et lui-même nous a donné la clef de son génie.

830. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VI. De l’envie et de la vengeance. »

La France ne peut être sauvée que par ce moyen, et les partisans de la liberté, les amateurs des arts, les admirateurs du génie, les amis d’un beau ciel, d’une nature féconde, tout ce qui sait penser, tout ce qui a besoin de sentir, tout ce qui veut vivre, enfin, de la vie des idées, ou des sensations fortes, implore à grands cris le salut de cette France.

831. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dierx, Léon (1838-1912) »

Par son vers, la forêt chante un hymne large ; elle chante un mélancolique conseil, les surates d’un Coran de renoncement, le monotone enseignement de l’inconscient bibliquement proclamé, ainsi qu’en témoignera, tant qu’on aimera les beaux vers, le Soir d’octobre, où le monotone ennui de vivre est en chemin, avec telle magnifique escorte de fatigue des ciels et de douceur fanée des sons.

832. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Heredia, José Maria de (1842-1905) »

José-Maria de Heredia qui se dressent, or sur or, flamboyants sur le ciel splendide.

833. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIX » pp. 207-214

La Fontaine était un citoyen quand, après les ravages du Palatinat, il mettait dans la bouche du paysan du Danube ces vers énergiques : Craignez, Romains, craignez que le ciel quelque jour.

834. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Ronsard, et Saint-Gelais. » pp. 120-129

Il étoit né la même année de la défaite de François I, devant Pavie ; comme si le ciel, disoit-il, avoit voulu par-là dédommager la France de ses pertes.

835. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre quatrième. »

Vouloir tromper le ciel, etc.

836. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 30, de la vrai-semblance en peinture, et des égards que les peintres doivent aux traditions reçuës » pp. 255-265

Un soldat qui verroit le ciel s’entr’ouvrir ne doit pas même avoir peur comme une personne d’une autre condition.

837. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 18, qu’il faut attribuer la difference qui est entre l’air de differens païs, à la nature des émanations de la terre qui sont differentes en diverses regions » pp. 295-304

On peut même remarquer cette difference dans les ciels des tableaux du Titien et des tableaux de Rubens, ces deux peintres aïant representé la nature telle qu’elle se voit en Italie et dans les Païs-Bas où ils la copioient.

838. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Armand Baschet »

Mais si vous ajoutez que ledit coquebin est un roi, et un roi de ce pays gaulois qu’on appelle la France, la France, qui ne craint pas que le ciel lui-même tombe sur sa lance !

839. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « Introduction »

En même temps il a pris conscience de son énergie et librement il s’est mis à vivre. « Au seizième siècle, c’était la terre qui retrouvait sa vraie place dans le ciel ; aujourd’hui c’est l’homme3… ».

840. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Celle-là est en proie au repentir, à un repentir qui n’a rien de divin, je vous assure, et qui ne lui ouvrira pas les portes du ciel. […] Plût au ciel que son rêve fût une réalité et qu’il rendit en effet justice aussi bien qu’il se flatte de la rendre ! […] Illuminé par l’approche du ciel, le brave hidalgo reconnut, nous dit Cervantes, la folie de sa vie tout entière. […] Si la véritable attitude de l’homme est de tenir la tête droite et de regarder vers le ciel, je ne connais pas de poète qui impose cette attitude à ses lecteurs plus naturellement que Goethe. […] Alors ces yeux cyniques qui n’avaient jamais eu une larme de pitié et de sympathie humaine étaient devenus humides, puis il les avait relevés vers le ciel, et il avait prié.

841. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

De même, pour donner l’impression d’une coloration, ils procèdent par retouches ; ils posent des tons à petits coups de pinceau ; ils peindront ainsi, en s’y reprenant toujours, le bleu d’un beau ciel : Un ciel bleu où elle crut voir la promesse d’un éternel beau temps, — un ciel bleu, de ce bleu léger, doux et laiteux que donne la gouache à un ciel d’aquarelle ; — un ciel immensément bleu, sans un nuage, sans un flocon, sans une tache, — un ciel profond, transparent, et qui montait comme de l’azur à l’éther ; — un ciel qui avait la clarté cristalline des cieux qui regardent de l’eau, la limpidité de l’infini flottant sur une mer du Midi, — ce ciel romain auquel le voisinage de la Méditerranée et toutes les causes inconnues de la félicité d’un ciel font garder, toute la journée, la jeunesse, la fraîcheur et l’éveil de son matin100. […] Ce qu’il aperçoit sous l’azur pâli du ciel, c’est « une chair vivante. […] Ainsi, à de certaines heures, sur la campagne tranquille, passe un vent de fièvre, un souffle de feu, brûlant et desséchant, le coup de mistral qui emporte tout entre deux sourires du ciel. […] Le ciel là-bas s’étendait terne ; il sembla soudain comme embrasé ; les notes de la Marseillaise, nous arrivant massées et rassérénées par la distance, nous figuraient une marche aux flambeaux de la Souveraineté et de la Justice. […] Sardou d’élève de Scribe ; et plût au ciel qu’il appliquât docilement les leçons d’un tel maître !

842. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

D’un autre côté, lorsque le sentiment gothique fut mort, que Boucher et d’autres se mirent à dessiner, ils nous produisirent de vastes étendues de ciel bleu, une perspective soignée, des nymphes prenant des roses, et cela traité d’une façon superficielle, artificielle. […] Mystérieux est le brouillard de son sommet à sa base ; le soleil de son ciel est ridé et gris. […] Le plus grand est le dieu du ciel, Ukks, qui est « le père des Brises », « le Pâtre des agneaux-nuages ». […] Thiodolf ne leva pas un instant les yeux vers le ciel, ni vers les arbres, en parcourant le sol semé de cosses, que formait la pelouse, mais ses yeux regardaient droit devant lui, vers le point qui formait le centre de la pelouse. […] Puis, il devint révolutionnaire et panthéiste, et prit à partie les gens qui occupent de hautes situations tant au ciel que sur terre.

843. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Socrate avait ouvert le ciel ; Aristote, sans méconnaître le ciel, et en plaçant toujours Dieu et la providence au-dessus des phénomènes terrestres, professa la spiritualité de l’âme comme suprême espérance de tout. […] On dirait qu’un esprit divin, descendu du ciel pour éclairer les hommes, a pris la plume d’or des séraphins pour révéler aux hommes de toutes les conditions, de toutes les dates, de toutes les professions sociales, les moyens de perfectionner et de conserver leur gouvernement. […] Supprimez-y deux chapitres et vous n’avez rien à ajouter, rien à retrancher pour que la Politique d’Aristote, écrite 350 ans avant Jésus-Christ, soit le manuel de l’homme d’État de toutes les époques, preuve que la vérité est éternelle et qu’il n’y a rien de nouveau sous le ciel que le mensonge et le sophisme destinés à soutenir toutes les tyrannies, celle du peuple comme celle des rois.

844. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

L’Ouverture de Tannhaeuserap Dans un paysage comme la nature n’en saurait créer, dans un paysage où le soleil s’apâlit jusqu’à l’exquise et suprême dilution du jaune d’or, dans un paysage sublimé où sous un ciel maladivement lumineux, les montagnes opalisent au-dessus des bleuâtres vallons le blanc cristallisé de leurs cimes ; dans un paysage inaccessible aux peintres, car il se compose surtout de chimères visuelles, de silencieux frissons, et de moiteurs frémissantes d’air, un chant s’élève, un chant singulièrement majestueux, un auguste et pacifiant cantique élancé de l’âme des las pèlerins qui s’avancent en troupe. […] Soudain, dans ce site musical, dans ce fluide et fantastique site, l’orchestre éclate, peignant en quelques traits décisif, enlevant de pied en cap, avec le dessin d’une héraldique mélodie, Tannhaeuser qui s’avance ; — et les ténèbres s’irradient de lueurs, les volutes des nuées prennent des formes tourmentées de hanches et palpitent avec d’élastiques gonflements de gorges ; les bleues avalanches du ciel se peuplent de nudités ; des cris de désirs incontenus, des appels de stridentes lubricités, des élans d’au-delà charnel, jaillissent de l’orchestre et, au-dessus de l’onduleux espalier des nymphes qui défaillent et se pâment, Vénus se lève, mais non plus la Vénus antique, la vieille Aphrodite, dont les impeccables contours firent hennir pendant les séculaires concupiscences du Paganisme, les dieux et les hommes, mais une Vénus plus profonde et plus terrible, une Vénus chrétienne, si le péché contre nature de cet accouplement de mots était possible ! […] Telle que Wagner l’a créée, cette Vénus, emblème de la nature matérielle de l’être, allégorie du Mal en lutte avec le Bien, symbole de notre enfer intérieur opposé à notre ciel interne, nous ramène d’un bond en arrière à travers les siècles, à l’imperméable grandeur d’un poème symbolique de Prudence, ce vivant Tannhæuser qui, après des années dédiées au stupre, s’arracha des bras de la victorieuse Démone pour se réfugier dans la pénitente adoration de la Vierge. […] Inondé d’ineffables promesses et d’ardents effluves, il tombe, délirant, dans les bras des polluantes Nuées qui l’enlacent ; sa personnalité mélodique s’efface sous l’hymne triomphant du Mal — puis la démoniaque tempête de la chair qui rugit, les éclairs sulfureux et les jets phosphoriques qui grondent dans l’orchestre s’apaisent ; l’incomparable éclat de ces grands cuivres qui semblent une transposition des aveuglantes pourpres et des somptueux ors de Delacroix, s’affaissent — et un susurrement d’une ténuité délicieuse, un frôlement presque deviné de sons adorablement bleus et aériennement roses, frissonne dans l’éther nocturne qui déjà s’éclaire. — Puis l’aube apparaît, le ciel hésitant blanchit comme peint avec des sons blancs de harpe, se teint de couleurs encore tâtonnantes qui peu à peu se décident et resplendissent dans le magnifique alléluia, dans la fracassante splendeur des timbales et des cuivres.

845. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Mais les femmes elles-mêmes ont manqué à Marivaux ; les femmes, de nos jours, ont imité les hommes du jour ; elles se sont livrées à toutes sortes d’imaginations furibondes, à toutes sortes de paradoxes exécrables ; elles ont fait de la poésie érotique, elles ont fait de l’esprit boursouflé, elles ont fait de la critique sentimentale, elles ont déclamé, elles ont plaidé, elles ont fondé des religions, elles ont criblé de pétitions la Chambre des Pairs, elles ont arrangé l’histoire à la taille de leurs petites passions, elles ont essayé de toutes les tristes choses viriles : pas une d’elles n’a voulu se souvenir que la causerie, une causerie fine, agaçante, spirituelle, est surtout le partage des femmes, que le ciel les a faites pour parler aux hommes, non pas du haut de la chaire, de la tribune ou du théâtre, tout simplement, assises dans un fauteuil. […] » au contraire, elle s’arrête avec respect dans ce sentier de la mort, et elle tâche d’arracher à l’oubli quelques lambeaux de cette renommée, fugitive comme le nuage dans le ciel de l’été. […] Laboureurs obstinés, semeurs que rien n’effraie, Cicatrisant toujours quelque nouvelle plaie, Réparant les dégâts faits par l’homme ou le ciel, Vous travaillez au blé comme l’abeille au miel. Que le tonnerre gronde au ciel ou dans les rues, Chaque jour vous revoit, penchés sur vos charrues, Confier aux sillons le pain des nations, Indifférents au bruit des révolutions !

846. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Il y a travaillé pour les délicats, pour les esprits choisis, pour les âmes religieuses, pour le petit nombre des Élus, aussi petit, ce nombre-là, en littérature que dans le ciel ! […] Qu’y a-t-il de commun entre le ciel et l’histoire ? […] Commencée en 709, — entre Clovis et Charlemagne, par la révélation de saint Aubert, évêque d’Avranches, auquel l’archange Michel ordonna de bâtir sur le roc escarpé, au péril de la mer, qui allait devenir tous les genres de périls, un monastère impossible, et qui, pour preuve de la réalité de son apparition, laissa l’empreinte de son doigt dans la tête du saint à une telle profondeur qu’on retrouve le trou dans l’ossature du crâne qui nous reste, — traversant tout le Moyen Âge, et ne finissant qu’en 1594, après les terribles guerres protestantes, cette histoire du Mont Saint-Michel, qui recommencera peut-être dans l’avenir, a laissé là, écrite entre le ciel et l’eau, comme une immense lettre cunéiforme de granit devant laquelle nos pattes de mouche humiliées paraîtraient bien petites, si un esprit venant de Dieu ne les animait et ne les grandissait, en les animant… Or, c’est cet esprit-là, allumé dans le romancier devenu chrétien, qui lui a fait écrire une histoire qui, sans cet esprit, n’aurait que l’intérêt d’un roman, quoique ce soit certainement le plus magnifique de ses romans. […] Il a ouvert le ciel comme un pavillon au-dessus de la montagne qui portait à son sommet l’image de l’archange, et il en a fait tomber une lumière céleste pour mieux éclairer les faits prodigieux qu’il allait raconter.

847. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

Ces trois vers sont admirables en effet, pour représenter le bonheur d’un héros chrétien désabusé, dans le ciel. […] Mais le lieu commun est grandement traité ; il y est même rehaussé vers la fin ; et, allant au-delà d’Horace, Maynard, pour détacher son ami des ambitions périssables, montre que ce ne sont pas seulement les hommes, ni les cités, ni les empires qui doivent finir ; ce ne sont là que de petits débris : ce ciel physique lui-même, ce théâtre de tant de splendeurs, dit-il, finira, et il aura son jour de ruine :             Le grand astre qui l’embellit             Fera sa tombe de son lit.

848. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

En reprenant le cours du fleuve, ils donnèrent à un endroit dans les galères du Soudanab, qui leur lancèrent, à eux et aux autres chevaliers qui étaient sur la rive, si grande quantité de feu grégeois, « qu’il semblait que les étoiles du ciel tombassent ». […] Le ciel au-dessus était ouvert, peuplé en chaque point de figures vivantes, de patrons attentifs et manifestes, d’une invocation directe, et faciles à intéresser ; le plus intrépide guerrier marchait dans ce mélange habituel de crainte et de confiance comme un tout petit enfant.

849. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

j’aurais trouvé sur cette terre les joies du ciel. […] Il y a un régime physique comme un régime moral qui s’y approprie : la prière, les exercices spirituels, la vie contemplative ouvrent ce sens supérieur, développent cette face de notre âme tournée vers les choses du ciel, et ordinairement si obscurcie.

850. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Quand tu reprendras solitaire Ton doux vol, sœur d’Alaciel, Dis-moi, la clef de ce mystère, L’emporteras-tu dans le ciel ? […] Quand le raisin est mûr, par un ciel clair et doux, Dès l’aube, à mi-coteau rit une foule étrange.

851. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Sully Prudhomme s’écrie dans son enthousiasme candide : Il est tombé pour nous, le rideau merveilleux Où du vrai monde erraient les fausses apparences… Le ciel a fait l’aveu de son mensonge ancien. […] alors, en quoi ce ciel est-il plus beau que celui des anciens hommes ?

852. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

Regardez les pistoles qui tintent si gaiement dans l’escarcelle de Léandre : elles sont à l’effigie de Jupiter pleuvant du ciel sur Danaë. […] Mais l’air est si pur, le ciel si bleu, l’accueil de la jeune fille si délicat et si tendre, que l’enfant prodigue renonce au mariage d’argent et revient à cet amour pur que les Grecs disaient fils de la pauvreté.

853. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Mme de Tencin remuait ciel et terre pour faire de son frère un Premier ministre : Mme Geoffrin laissa de côté la politique, ne s’immisça jamais dans les choses de religion, et, par son art infini, par son esprit de suite et de conduite, elle devint elle-même une sorte d’habile administrateur et presque un grand ministre de la société, un de ces ministres d’autant plus influents qu’ils sont moins en titre et plus permanents. […] Jamais on ne voit dans le lointain le bleu du ciel ni la clarté des étoiles.

854. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Vainement la pitié murmure : Le ciel veut plus que des remords. […] Il n’est pas nombreux avec suite ni d’une manière soutenue ; ses jets de talent sont isolés et attestent une force ingrate, à laquelle le ciel ni les parents n’ont jamais souri… Cui non risere parentes.

855. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

Le ciel ne permet pas que vous ayez le temps d’exécuter vos bons desseins envers moi. […] c’est dans ce moment que je sens toute la force du doux lien qui m’attache au plus aimable, au plus vertueux des mortels que la bonté du ciel m’ait fait rencontrer sur la terre pendant le pèlerinage de mes jours.

856. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

        Et l’aigle suspendre son aire À l’un des mille bras dont il perce le ciel, Tandis que mille pieds l’attachent à terre. […] Peu de jours auparavant, se trouvant au Val, près de L’Isle-Adam, chez Regnault de Saint-Jean-d’Angély, par une pâle matinée de janvier de 1816, par un de ces ciels d’hiver qui ressemblent à l’extrême automne et qui ne laissent point encore deviner le printemps, il sortit du salon où sa famille était réunie et y rentra après une demi-heure de promenade pour y réciter comme un adieu cette épigramme vraiment digne de l’antique, cette légère et douce élégie : La feuille.

857. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

Des brouillards obscurs passent lentement, gravement, éternellement. » On croirait bien lire du Pierre Loti : c’est toujours ce même sentiment des vicissitudes à cycles réguliers et des transformations monotones de toute existence, qu’inspire l’océan et le ciel, la vie en plein infini, sans interposition d’êtres humains et de distractions mesquines, sans cloison opaque qui arrête l’œil perdu dans la transparence sans fond des flots et de l’éther. […] La pensée peut devenir vitale en quelque sorte, et le simple peut ne marquer qu’un degré supérieur dans l’élaboration du complexe ; c’est la fine goutte d’eau qui tombe du nuage et qui a eu besoin, pour se former, de toutes les profondeurs du ciel et de la mer.

858. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

« Quand cet être si fort, si fier, si plein de lui-même, si exclusivement préoccupé de ses intérêts dans l’enceinte des cités et parmi la foule de ses semblables, se trouve par hasard jeté au milieu d’une immense nature, qu’il se trouve seul en face de ce ciel sans fin, en face de cet horizon qui s’étend au loin et au-delà duquel il y a d’autres horizons encore, au milieu de ces grandes productions de la nature qui l’écrasent, sinon par leur intelligence, du moins par leur masse ; lorsque, voyant à ses pieds, du haut d’une montagne et sous la lumière des astres, de petits villages se perdre dans de petites forêts, qui se perdent elles-mêmes dans l’étendue de la perspective, il songe que ces villages sont peuplés d’êtres infirmes comme lui, qu’il compare ces êtres et leurs misérables habitations avec la nature qui les environne, cette nature elle-même avec notre monde sur la surface duquel elle n’est qu’un point, et ce monde à son tour avec les mille autres mondes qui flottent dans les airs et auprès desquels il n’est rien : à la vue de ce spectacle, l’homme prend en pitié ses misérables passions toujours contrariées, ses misérables bonheurs qui aboutissent invariablement au dégoût. » Il se demande si la vie est bonne à quelque chose, et ce qu’il est venu faire dans le petit coin où il est perdu. […] Il ne remarquait pas que les suppositions du théologien se fondent sur un dogme théologique, reculé au plus profond du ciel, hors des prises de toute science, incapable de produire une morale naturelle, capable de produire une religion positive, et qu’il eût repoussé s’il l’eût entrevu.

859. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Sur l’École française d’Athènes »

Celle-ci pourtant n’est pas là à ce degré de pureté et de simplicité première qui constitue la perfection classique ; cette perfection sans trace d’effort et sans surcharge aucune, il faut la chercher sous le ciel d’Athènes, dans la beauté idéale et légère des temples, dans l’admirable et discret accord des lignes monumentales avec les lignes naturelles du paysage et des horizons.

/ 1797