Or, dans une lutte aussi inégale, la seule victoire à espérer est de n’être pas constamment vaincu ; la seule ressource dans la défaite, lorsqu’on ne peut l’éviter, est de la dissimuler avec art, et, puisqu’il faut tomber, de tomber du moins avec grâce. […] Burnouf s’est préservé, à force d’art, de ce défaut, que n’avait pas évité Dureau de La Malle.
L’art qui médite, qui édifie, qui vit en lui-même et dans son œuvre, l’art peut se représenter aux yeux par quelque château antique et vénérable que baigne un fleuve, par un monastère sur la rive, par un rocher immobile et majestueux ; mais, de chacun de ces rochers ou de ces châteaux, la vue, bien qu’immense, ne va pas à tous les autres points, et beaucoup de ces nobles monuments, de ces merveilleux paysages, s’ignorent en quelque sorte les uns les autres ; or, la critique, dont la loi est la mobilité et la succession, circule comme le fleuve à leur base, les entoure, les baigne, les réfléchit dans ses eaux, et transporte avec facilité, de l’un à l’autre, le voyageur qui les veut connaître.
Je ne pense pas que, chez les anciens, aucun livre, aucun orateur ait égalé, dans l’art sublime de remuer les âmes, ni Bossuet, ni Rousseau, ni les Anglais dans quelques poésies, ni les Allemands dans quelques phrases. C’est à la spiritualité des idées chrétiennes, à la sombre vérité des idées philosophiques qu’il faut attribuer cet art de faire entrer, même dans la discussion d’un sujet particulier, des réflexions touchantes et générales, qui saisissent toutes les âmes, réveillent tous les souvenirs, et ramènent l’homme tout entier dans chaque intérêt de l’homme.
C’est l’art des sacrifices que doivent arriver à pratiquer à divers degrés tous ceux qui veulent avoir une action sur un public impatient, comme l’est le lecteur en France. […] Je te ferme ma porte… Mais toi, pauvre grand homme qui as usé tes genoux à poursuivre l’art, prends place au milieu des penseurs et couvre-toi de cette couronne glorieuse.
Il est enthousiaste de son art ; il fait des études sans fin. […] Outre le génie de son art qu’on ne lui refusera pas, on voit encore qu’il est spirituel dans le choix et la convenance des accessoires.
Et ces jouissances multipliées ne donneront-elles pas naissance à tous les arts du luxe ? […] Les fortunes divisées restreignent les sciences et les arts à l’utile.
Aujourd’hui les habitans de la province de Hollande, laquelle comprend l’isle des Bataves et une partie du païs des anciens Frisons, sont portez au commerce et aux arts. […] Personne ne sçait mieux qu’eux, tenir ferme ou se relâcher à propos dans les affaires, et l’on remarque encore jusques dans la populace de Rome, cet art d’insinuer de l’estime pour ses concitoïens, qui fut toujours une des premieres causes de la grande renommée d’une nation.
Il y a donc, il doit donc y avoir une doctrine, un ensemble de conseils, une démonstration pratique, un enseignement positif de l’art d’écrire. […] Il est de ceux qui expliquent la pensée, l’art, l’inspiration et l’esthétique par le mécanisme nerveux et les circonvolutions cérébrales.
Et, parmi ces enfants, que l’Art déjà soumet, Un surtout, sérieux et bouclé, me charmait. Je m’étais éloigné de cette aimable toile, Et je voyais toujours l’enfant aux yeux d’étoile ; Et je me surprenais, en marchant, à songer : « Je veux dire à mes fils les leçons du berger, « Leur tailler des pipeaux, et leur faire comprendre « À quel point l’Art est doux, consolateur et tendre !
Dans ces premiers temps où l’esprit humain n’avait point tiré de l’art d’écrire, de celui de raisonner et de compter, la subtilité qu’il a aujourd’hui, où la multitude de mots abstraits que nous voyons dans les langues modernes, ne lui avait pas encore donné ses habitudes d’abstraction continuelle, il occupait toutes ses forces dans l’exercice de ces trois belles facultés qu’il doit à son union avec le corps, et qui toutes trois sont relatives à la première opération de l’esprit, l’invention ; il fallait trouver avant de juger, la topique devait précéder la critique, ainsi que nous l’avons dit page 163. Aussi les poètes théologiens dirent que la mémoire (qu’ils confondaient avec l’imagination) était la mère des muses, c’est-à-dire des arts.
« Vous n’avez vécu que pour les choses de l’intelligence ; et, non content de chercher dans l’observation de notre coin de nature et d’humanité, matière à remplir vos études et à satisfaire la curiosité de vos goûts, vous avez élargi l’horizon contemporain, vous avez ressuscité le charme d’un siècle disparu, vous avez rapproché de nous la fantaisie et le mystère des arts lointains. […] Vous avez mis dans votre style les jeux de la lumière, les frissons du plein air, la coloration et la vie du monde extérieur ; vous y avez mis aussi les secousses intérieures, les émotions subtiles, les troubles secrets du monde moral ; et désireux de retenir dans votre phrase, un peu de ce qui luit ou de ce qui vibre, de ce qui aime ou de ce qui souffre, vous avez demandé à la richesse et à la diversité des formes, l’art d’exprimer fidèlement la multiplicité infinie de la nature. […] En chemin de fer, Rodin, que je trouve vraiment changé, et très mélancolieux de son état d’affaissement, de la fatigue qu’il éprouve à travailler dans le moment, se plaint, presque douloureusement, des contrariétés que, dans le métier de peintre et de sculpteur, infligent aux artistes, les commissions d’art, qui, au lieu d’être des aides de leur travail, par les sollicitations, les démarches, les courses, leur font perdre un temps, que lui aimerait mieux employer à faire de l’eau-forte. […] Exposition curieuse pour les origines de l’Art. […] Alors succédaient les biographies d’art et les livres historiques, écrits un peu sous ma pression, et la tendance naturelle de mon esprit vers la vérité du passé ou du présent : œuvres, où il y avait peut-être un peu plus d’appoint de moi, que de mon frère.
Des Florentins en grand nombre, à chaque trouble survenu dans la république des Médicis, avaient émigré sur ce point et y avaient fondé une espèce de colonie qui continuait d’associer, comme dans la patrie première, l’instinct et le génie du négoce au noble goût des arts et des lettres. […] Ce qui est certain, c’est que l’éducation de Louise fut fort soignée, qu’elle vécut dans les loisirs et les honnêtes passe-temps ; elle apprit la musique, le luth, les arts d’agrément, les belles-lettres, sans négliger pour cela les travaux d’aiguille, et enfin elle associait à ces goûts divers, déjà si complets chez une femme, les exercices de cheval et des inclinations passablement belliqueuses. Il semblait, en un mot, pour parler le langage d’alors, que Pallas l’eût instruite en tous ses arts ingénieux et dotée de tous ses dons. […] Louise était évidemment nourrie des Anciens : on pourrait indiquer et suivre à la trace un assez grand nombre de ses imitations ; mais elle les fait avec art toujours et en les appropriant à sa situation particulière10. […] Mais il n’est que trois cœurs au monde qu’elle ne peut persuader ni abuser, et près desquels elle perd ses sourires : à savoir, « l’auguste Minerve, qui n’aime que les combats, les mêlées, ou les ouvrages brillants des arts, et qui enseigne aux jeunes filles, sous le toit domestique, les adresses de l’aiguille ; puis aussi la pudique Diane aux flèches d’or et au carquois résonnant, qui n’aime que la chasse sur les montagnes, les hurlements des chiens, ou les chœurs de danse et les lyres, et les bois pleins d’ombre, et le voisinage des cités où règne la justice ; et enfin la vénérable Vesta, la fille aînée de l’antique Saturne, restée la plus jeune par le décret de Jupiter, laquelle a fait vœu de virginité éternelle, et qui, à ce prix, est assise au foyer de la maison, à l’endroit le plus honoré, recevant les grasses prémices. » A part ces trois cœurs qui lui échappent, Vénus soumet tout le reste, à commencer par Jupiter, dont on sait les aventures.
Or, cette neuve poésie où se reflètent exactement des poésies antérieures et où Chénier se complaisait ingénument, d’autres l’ont recommencée avec plus de parti pris et un art plus consommé. […] D’un autre côté, l’intelligence du passé et le goût de l’exotique ont engendré une longue et magnifique lignée de poèmes où revivent l’art, la pensée et la figure des temps disparus. […] On peut croire qu’il tient de la nature un dédain de l’émotion extérieure, un fonds de sérénité contemplative que sont venus renforcer l’art et le parti pris ; et il est sans doute intéressant d’étudier chez lui l’alliance surprenante de l’ataraxie orientale avec la science et la conscience inquiètes des hommes d’Occident. […] Mais, en même temps, cette époque singulière lui plaît et le retient par le spectacle des plus violentes passions que l’humanité ait éprouvées, par la puissance de sa vie tour à tour fouettée d’appétits grossiers et pendue à l’invisible, par l’aspect infiniment pittoresque de son existence extérieure, par son art maladif et grandiose à qui l’obsession du surnaturel a donné quelque chose de disproportionné et de sublime. […] Or, l’union de ces deux sentiments semble devoir être, dans l’art, le produit extrême d’une civilisation très vieille et très savante, comme est la nôtre.
Rassurez-vous : les professeurs savent l’art des parenthèses et celui-ci s’interrompt pour déclarer, très grave : « Je vous prie de croire que je ne fais pas de jeux de mots. » Non, Trolliet, nous n’aurons pas la cruauté de vous croire. […] Il mêle les pédantismes ironiques aux pédantismes graves et écrit des préfaces qui détruisent ses livres, Cet art de ne point se prendre au sérieux est ce qu’il y a de plus précieux dans le professeur, sa dernière justice et sa dernière sincérité. […] Cette dernière méditation, conduite avec art, m’apporterait d’agréables émotions intellectuelles si Mauclair ne m’informait qu’à ce moment le dictateur est rejeté dans la démence « par l’ironie des lois invisibles ». […] Ses essais critiques comprennent, outre un éloge déjà ancien et vraiment bien jeune de Laforgue, un volume très intéressant, l’Art en silence. […] L’art en silence ne vaut pas seulement par sa riche matière.
Feydeau fait exclusivement dans le plaqué, et ses succès ne peuvent guère être plus durables que ceux des trompe-l’œil parfois émerveillants, mais éphémères, d’un art sans conscience. […] XII Catherine d’Overmeire n’est pas une idée comme Fanny, mais de l’art pour l’art, un conte pour un conte, c’est le récit d’une séduction que rien, à coup sûr, n’empêche d’être vraie. […] Il est une règle dans l’observation du cœur humain et de l’art qui l’exprime ; il est une règle qu’il ne faut jamais perdre de vue. […] Feydeau, et nul d’entre eux n’y donne l’intérêt élevé, l’intérêt d’art ou de nature humaine que doit avoir toute œuvre qui a la prétention de vivre.
les pauvres révolutionnaires dans les lettres, dans les arts, dans les sciences ! […] Je n’ai jamais placé d’argent, et je suis embarrassé de mes 12 000 francs devant la pénurie de l’objet d’art chinois ou japonais. […] Tout a bien augmenté dans la vie, et c’est devenu bien cher l’art de se tuer. […] C’est d’un grand art naturiste, cette statue tombale de Marino Soccino de Vecchietta. […] Enfin de la réalité rigoureuse, exécutée dans un état d’hallucination mystique, et à laquelle une maladresse naïve ne fait qu’ajouter un charme : de l’art qui a une certaine ressemblance avec l’art de Mantegna.
Le cadre, puis le fond, puis la scène centrale ; tout cela sans art apparent, à la vérité sans art, jeté, d’instinct, si harmonieusement, et sobre, et net, et en quelques traits précis et forts. […] Cet aristocrate a donné de l’art et de la littérature la définition la plus démocratique qui se puisse. […] Ils ont entassé les bibelots d’art, et accumulé les notes d’historiographe. […] Il était impossible de lui arracher une conversation sur la littérature et même sur son art à lui. […] En choses d’art, l’art national a besoin de greffe étrangère.
Notre forme de gouvernement n’en permettait pas le développement, comme l’a fait justement remarquer Fénelon ; aussi nulle tradition ne put s’établir ; et les rares discours que l’on a recueillis, dans les temps où la faiblesse du pouvoir royal, sous les deux régences, permit la libre et publique discussion des affaires publiques, sont des accidents sans conséquence, des œuvres isolées et sans lien, où l’on n’aperçoit pas un art de la parole. […] L’objet qu’on ne doit jamais perdre de vue, c’est d’interpréter la parole de Dieu pour l’utilité du prochain ; il ne s’agit pas d’ignorer la rhétorique, mais de la manier délicatement ; c’est tout un art que de « faire parler Dieu » avec efficacité. […] Au point de vue de l’art, l’Histoire des variations est un des plus puissants chefs-d’œuvre de Bossuet : cette suite de raisonnements, de discussions, ce mélange ardu de faits historiques et de théologie dogmatique est animé d’une vie extraordinaire. […] L’art et l’esprit profanes envahissent le sermon, qui devient un pur développement de philosophie morale, embelli plus ou moins de traits ingénieux et surprenants. […] Mais, en général, les protestants méprisent l’art et s’en défient.
Mais ces premiers paysages faits à dessein et composés avec art, qui sont relevés d’images et de souvenirs mythologiques ou classiques (Arcadie, épée de Damoclès, autels d’Esculape, etc.), me plaisent moins que ceux qui seront retracés chemin faisant et avec des traits plus naturels, sans que l’auteur ait l’air de se mettre exprès à son chevalet. […] Ramond n’a rien de cette mollesse et de cette fadeur de teinte que nous avons souvent remarquée chez quelques écrivains de l’époque finissante de Louis XVI ; il a plutôt quelque chose de l’apprêt et de la roideur qui s’attacheront aux nobles tentatives de l’art régénéré, et auxquels Chateaubriand à sa manière n’échappe pas plus que David. […] Il ne disait pas assez en parlant ainsi ; il ne disait pas que dans ses propres écrits comme dans ceux d’un bien petit nombre de savants exacts, il était entré quelque chose de la beauté de l’art et de la magie du talent, et qu’il y aurait à citer des disciples de premier ordre dans la postérité de Buffon : lui-même, fût-il le seul, en serait la preuve.
Jacques Demogeot, professeur agrégé de l’Université, connu par une histoire élégante de la littérature française et par des études d’art et de poésie. […] À ceux-là, généreux imprudents et qui vont courir tant de hasards, s’ils ont même un véritable talent, que de conseils nouveaux à donner et non prévus par Quinlilien, pour leur dignité, pour la conduite et l’économie de leur verve laborieuse, pour la modération des désirs, pour qu’ils ne sacrifient pas l’art au métier, l’inspiration à l’industrie, pour qu’ils ne fassent du moins que les concessions indispensables ! […] Siméon Pécontal, poète bien connu, l’un des fervents disciples de l’art sérieux, et qui, tout récemment encore, en célébrant dans des stances le génie de Chateaubriand, a rencontré un des plus beaux exordes lyriques dont puisse s’honorer l’ode française.
Feydeau, à quelqu’un de ses amis romanciers ou dramaturges qui insistait sur la disparité des genres, aura dit : « Et pourquoi n’appliquerais-je pas la même faculté d’analyse et de plastique à l’étude, à la reconstitution d’un sentiment unique, d’une situation simple, et n’en tirerais-je pas des effets d’art ? […] De plus sérieux contradicteurs, et plus désintéressés, soutiennent qu’il est pénible, à travers ce déploiement continu de force et de talent, d’être constamment obligé (soi, lecteur) d’avoir en perspective ce qui est l’idée fixe de ce malheureux et maniaque Roger, c’est-à-dire l’image toute matérielle d’un partage physique ; que c’est une fin peu digne d’un art aussi vivant et aussi expressif, que c’est un but peu en proportion avec une monodie aussi déchirante. […] Plein de passion et d’ardeur, dévoué, dans une existence partagée, au noble culte de l’art, il saura se donner cette plus large carrière ; il la médite et l’embrasse déjà.
Quel grand maître, en effet, dans l’art d’écrire ! Je ne saurais trop, surtout, admirer l’art avec lesquel il conduit ses auditeurs, sans les en avertir, à travers des images qui leur sont familières, vers les objets qu’il a en vue, et la perfection avec laquelle il fait correspondre exactement ces images matérielles avec les vérités invisibles qu’il veut faire comprendre. […] Où Bourdaloue, qui avait vécu si longtemps en province, avait-il pu acquérir ces finesses de l’art, et, parmi les qualités plus substantielles encore que celles dont je parle, le don de choisir le mot nécessaire (il n’y en a jamais qu’un), et de vider, pour ainsi dire, la pensée de toutes les choses qu’elle contient ?
Je voyais aussi un vieux général polonais dévot aux chapelets et aux médailles dont il avait éprouvé et dont il préconisait maint effet ; à deux pas de là, le peintre Overbeck, dans son atelier, dévot à l’art pur chrétien. […] C’est l’œuvre d’un La Bruyère ligueur, voisin des halles, vengeur des paroisses, qui profite habilement de la languerévolutionnaire et s’en fait un ragoût de plus ; qui s’en donne à cœur-joie et à lèche-doigts ; qui, à défaut de Versailles où il n’est pas allé, se rabat et tombe sur la haute et basse bourgeoisie, sur la gent parlementaire, la gent écriveuse, grosse et menue, le fretin des journaux, la province ; mais qui, jusque dans le trivial et l’injurieux, dans ce qui dégoûte et repousse, a gardé l’art de l’imprévu, l’art de réveiller à chaque coup son lecteur par la variété des tons, le contraste des fragments, le brûle-pourpoint des apostrophes, tout ce qui supplée au manque de transitions.
Les coupures mêmes qu’on y a faites dans les parties intermédiaires, et qui rendent les oppositions très tranchées, prêtent à l’ensemble du livre une apparence d’art qui était sans doute fort étrangère à l’intention de l’auteur. […] Il s’étonne presque de trouver Rœderer plus lettré, plus entendu aux choses de goût, moins étranger à la culture des arts, qu’il ne l’avait cru. […] Beugnot y met plus d’art et de malice.
« Je sais bien toutefois que, si je n’ai pu faire mieux dans les circonstances où je me suis trouvé, j’ai manqué de l’art d’en faire naître de plus fécondes. […] « Je sens que mes écrits auraient pu être utiles, si je les avais fait connaître davantage ; mais faire beaucoup de pas pour le succès me paraît peu digne des arts mêmes, à plus forte raison de l’art par excellence, celui d’écrire pour le bonheur des hommes.
Je n’ai rien dit encore des pièces purement d’art et tout à fait désintéressées. […] Un certain besoin de composition et d’art, une certaine volonté et préoccupation de lyrisme, font quelquefois qu’on prête à l’observation naturelle plus qu’elle ne donne et ne renferme. […] Et d’abord elle n’a rien fait en art dramatique qui ajoute à notre glorieux passé littéraire des deux siècles : Corneille, Molière, Racine, sont demeurés debout de toute leur hauteur et hors d’atteinte.
Mais puisque ce n’est pas, comme chez André Chénier, l’art des combinaisons (junctura pollens), le procédé savant, la fermeté des tons et des couleurs qu’on espère trouver en lui, on doit préférer celles de ses pièces où, à travers les réminiscences de ses modèles, il nous a donné quelques marques directes et attendrissantes, quelques témoignages intimes de lui-même : l’Ermitage, le Bonheur, les Regrets, les Deux Ruisseaux. […] Welbruck était un prince aimable et léger, qui ne cherchait qu’à, s’amuser, et qui n’a paru favoriser un instant les belles-lettres et les arts que pour imiter ce qu’il voyait faire à presque tous les souverains de l’Europe. » (Mélanges, 1810, page 62.) […] Welbruck était un prince aimable et léger, qui ne cherchait qu’à, s’amuser, et qui n’a paru favoriser un instant les belles-lettres et les arts que pour imiter ce qu’il voyait faire à presque tous les souverains de l’Europe. » (Mélanges, 1810, page 62.)
Il avait aussi un sens exquis de l’art : il avait ce don rare, la mesure dans l’énergie. […] Les Contes, c’est la pure tradition des auteurs champenois et picards, c’est l’inspiration des fabliaux, avec un peu de l’art de Boccace. […] Je n’ai qu’à y renvoyer le lecteur désireux de comprendre la substantielle solidité et l’art exquis des Fables.
Quand il connut son art, il ne demeura point, il partit. […] L’effet de l’art n’est plus un beau désordre ; c’est, au contraire, la formule harmonieuse et intelligible. […] Déjà la plume de Baudelaire ne tremblait pas quand il lamentait les accords mourants du Portrait : La maladie et la mort font des cendres De tout le feu qui pour nous flamboya, De ces grands yeux si fervents et si tendres, De cette bouche où mon cœur se noya… Ainsi c’était trouvé avant Leconte de Lisle l’art d’être ému et d’émouvoir sans geste.
Au début du Consulat, on la trouve brillante, fêtée, applaudie, la plus jeune reine des élégances, donnant le ton à la mode, inventant avec art des choses simples qui n’allaient qu’à la suprême beauté. […] On peut dire qu’elle perfectionna l’art de l’amitié et lui fit faire un progrès nouveau : ce fut comme un bel art de plus qu’elle avait introduit dans la vie, et qui décorait, ennoblissait et distribuait tout autour d’elle.
L’historien politique juge les hommes et les événements, l’historien des lettres ou des arts juge les œuvres, l’historien de la philosophie juge les systèmes. […] Ainsi se sont développées, d’abord sous forme de chapitres, par exemple dans les écrits de Voltaire, puis comme œuvres distinctes et séparées, l’histoire des institutions, l’histoire des mœurs, des controverses religieuses, des lettres, des arts, des sciences, enfin des systèmes de philosophie. […] C’est à la philosophie de le décider ; mais, cette question mise à part, les systèmes subsistent à titre de faits où se manifestent bien plus que dans l’histoire extérieure, et même que dans l’histoire des lettres et des arts, les lois du développement intellectuel de l’humanité.
Il faudrait encore bien rechercher si la sonorité de l’espagnol ne produit pas un cliquetis de mots parfois vide et vain, si la douceur italienne ne dégénère pas aisément en mollesse banale et ne fait point penser à ce « latin bâtard » dont parle Byron, si ces deux idiomes arrêtent et retiennent suffisamment l’idée, si dans ces deux langues la facilité toute spontanée de la musique ne se dérobe pas aux nuances psychologiques du sentiment, aux profondes analyses de la pensée, à la dialectique soutenue, à cette harmonieuse alliance de la philosophie morale et de l’art, qui recommandent la prose et la poésie française depuis leurs origines jusqu’aux chefs-d’œuvre contemporains. […] Le moindre poète ayant su et pratiqué son art est populaire chez les peuples voisins : et chez nous pendant longtemps on n’a guère retenu du passé que les œuvres étudiées au collège, inscrites sur le programme du baccalauréat. […] C’est surtout par les triomphes de l’art, la suprématie de la Poésie et de la Prose, l’impérieux ascendant de la Pensée et du Génie, qui ne sont pas au hasard d’une bataille et à la merci de la conquête.
Auguste Vacquerie contre des frénétiques d’art quand même et partout, dont la secte existait déjà il y a une quarantaine d’années. […] Cette industrie relevait de l’art, car il y fallait la plus exacte fidélité. […] Faire de l’art un commerce lui semblait indigne de l’art. […] L’art et la littérature devaient trouver aussi place dans l’examen de toutes ces manifestations de l’esprit humain. […] ………………………………………………………………………………………… « L’art n’a pas la vérité pour objet.
C’est un art inférieur, parce qu’il est informulé. […] C’est un art inférieur, parce qu’il est informulé. […] On a dit que cet art resplendissant était impassible. […] Art, religion, science, philosophie, la poésie devait tout dominer. […] Albalat de son Art d’écrire.
On voit par la description de ce palais combien les arts de l’architecture et de la décoration étaient antérieurs même aux époques reculées chantées par le premier des épiques. […] La théorie superbe du progrès incessant et indéfini de l’humanité dans tous les arts reçoit ici d’un pauvre chanteur aveugle le plus éclatant et le plus éternel démenti. […] C’était un autre luxe, mais c’était un luxe où l’art n’était pas moins associé à l’ornementation intérieure qu’il l’est de nos jours. […] On ne s’étonne, en fermant ce poème, que d’une seule chose : c’est que la nature, l’étude, l’art et le génie aient suffi pour produire en un seul homme un pareil homme, et que les Grecs, qui divinisaient tout, n’aient pas fait d’un pareil homme un dieu ! […] Didot et François, dans les maremmes d’Étrurie, peinture dont le style rappelle les plus beaux temps de l’art hellénique, représente cet épisode de l’Iliade.
Ces bibelots, choisis avec art chez les fournisseurs à la mode dont vous aimez à vous entourer, ne sont-ils pas autour de vous pour accaparer, pour dilapider votre attention ? […] Dumas n’a suivi aucune de ces directions que lui montraient ses contemporains : s’il avait plus d’esprit qu’Edmond About, il n’en avait ni la frivolité, ni l’indifférence ; d’autre part, un idéalisme naturel l’éloignait des fins et des procédés naturalistes ; enfin la théorie de l’art pour l’art répugnait à son tempérament plutôt actif qu’artiste. […] Aussi, M. de Vogüé rompt-il franchement avec la doctrine de l’art pour l’art, qui fut certainement la doctrine littéraire favorite de la période actuelle, celle des délicats, comme se dénomment aujourd’hui ceux qui s’intitulaient jadis beaux esprits : « Ces délicats sont singuliers, dit-il dans cet avant-propos du Roman Russe qui est un véritable manifeste. […] Les derniers romantiques prêchaient l’art pour l’art ; comme ceux-ci aux jeux de mots, les sceptiques se plaisaient aux jeux inoffensifs des idées ; les naturalistes recommandaient l’impassibilité, tandis que les pessimistes, ayant constaté l’universelle désespérance, s’enfuyaient dans un rêve de néant. […] En d’autres termes, le Bien ne les intéresse pas, ou ne les intéresse qu’à condition qu’il soit aussi Beau, et beau d’une certaine beauté, décoré de l’éclat factice que l’art peut lui prêter Cette indifférence les conduit naturellement à la doctrine de l’art pour l’art, qu’ils acceptent et professent plus ou moins franchement : parfois, comme M.
On peut être sérieux sans être ennuyeux ; l’érudition, ce me semble, ne doit exclure ni l’art ni l’esprit. […] Oui, l’on sait bien que l’art est une chose et que la morale en est une autre ; on sait aussi que l’art a pour objet la beauté, non l’utilité; mais, messieurs, est-ce que par hasard la beauté morale serait seule exclue ? […] En effet, la théorie de l’art pour l’art, si on la prenait à la lettre, serait bien creuse et bien puérile. […] … L’art vole, et ne mange pas et ne marche pas. […] C’est le Cardinal qui fait tout : c’est lui qui « a ennobli le but de l’art », et c’est lui qui « en facilite les connaissances aux poètes ».
Prises comme enseignement d’art, ces études sont étonnantes par la justesse des indications qu’elles donnent sur les formes que l’univers offre pour matière à l’artiste. […] De la poésie il nous mène à la peinture, et il tente une hardie transposition d’art : il rend avec les moyens de la littérature, avec des mots, des effets qui semblaient exiger la couleur.
Vous voyez bien que l’art de Grosclaude est du grand art !
De roman, de construction d’art, il n’y en a pas l’ombre dans ces trois cent soixante pages. […] Que parlez-vous d’art et de style ?
Aucune manifestation d’art ne lui reste étrangère. […] La religion de l’art s’est installée sur les débris de la Foi.
Lamartine a créé tout notre art romantique. […] J’y ai vu ce que peu de livres laissent transparaître : le souci de l’avenir des races, l’intérêt de leur ordre et de leur force, la passion d’un art plus humain et plus réel, le solennel amour de la vie harmonieuse, la pitié et la charité à toutes les pages.
La lecture de ce grand maître, dans l’art d’émouvoir les passions, frappa tellement son imagination tendre & vive, qu’il se promit bien dès-lors de les imiter un jour. […] Voyons, dans cet écrivain, rival des tragiques Grecs & de Corneille pour l’intelligence des passions, une élégance toujours soutenue, une correction admirable, la vérité la plus frappante, point ou presque point de déclamation ; partout le langage du cœur & du sentiment, l’art de la versification avec l’harmonie & les graces de la poësie porté au plus haut dégré.
Huysmans, tout horrible que ce livre soit, n’est pas seulement, comme je l’ai dit, d’être affreux dans sa philosophie, mais, en art, c’est d’être puéril. En art, il y avait mieux à nous offrir et à nous faire admirer.
Ce mot liberi signifia aussi d’abord nobles : les arts libéraux sont les arts nobles ; liberalis répond à l’italien gentile.
Indulgent aux jeunes, Jules Breton ne voit pas chez nos impressionnistes des œuvres si lointaines de l’art que bien des critiques l’ont dit ; peu épris de Manet, il déclare pourtant que l’impression est l’art tout entier. […] Il ne faut que du génie ou du talent pour cela et la France en a trouvé dans ses réserves toutes les fois que l’art a été menacé. […] L’Art du comédien. — 1890. […] On connaît déjà de lui l’Art et la Comédie ; cette fois, c’est de l’art du comédien qu’il s’agit, et c’est plaisir de le suivre dans ses analyses. […] Il est intitulé : Études d’art antique et moderne et se compose d’une suite d’études écrites ou sur l’esthétique proprement dite ou sur certains événements d’art tels que la découverte d’un beau vestige de l’antiquité, un Salon ou un anniversaire glorieux.
Stendhal n’avait d’imagination que dans les choses d’amour, et particulièrement dans l’art de rêver la jouissance. […] Cet art perdu, il l’avait retrouvé. […] La démocratie n’est pas l’art de briser les chaînes, mais l’art de s’enchaîner mutuellement. […] Il faudrait certainement, pour être un bon critique, avoir pratiqué tous les arts littéraires et en connaître ainsi les secrets. […] Travail et art ; science, non pas, ou pas encore, et sans doute jamais.
Pour eux, l’idée ne venait qu’au second plan, et l’on se souvient de cette école de l’art pour l’art, qui était le triomphe absolu de la rhétorique. […] Il a parlé de la vérité dans l’art, et cela devait me suffire. […] Tout l’art moderne est là. […] Le goût n’est plus à ces courts récits, si délicats parfois, d’un art si achevé. […] Toute la nouvelle est ainsi d’un art très travaillé, dans une simplicité apparente.
. — Idée de l’art pur. — En quoi la satire nuit à l’art. — En quoi elle diminue l’intérêt. — En quoi elle fausse les personnages. — Comparaison de Thackeray et de Balzac. — Valérie Marneffe, et Rebecca Sharp. […] Rencontre de l’art pur. […] Transformer le roman, c’est le déformer : celui qui, comme Thackeray, donne au roman la satire pour objet cesse de lui donner l’art pour règle, et toutes les forces du satirique sont des faiblesses du romancier. […] Pour se représenter exactement cette altération de la vérité et de l’art, il faut comparer pied à pied deux caractères. […] Sous cette pluie d’ironies et de mécomptes, l’héroïne s’est rapetissée, l’illusion s’est affaiblie, l’intérêt a diminué, l’art s’est amoindri, la poésie a disparu, et le personnage, plus utile, est devenu moins vrai et moins beau.
Enfin soit, il est permis, n’est-ce pas, à tout auteur amoureux de son art, d’espérer que ses pièces seront jouées après sa mort, telles qu’elles ont été écrites, telles qu’elles ont été imprimées. […] Au fond ce sont bien certainement le voyage de Philippe Sichel, et plus tard le voyage de Bing, qui ont fait faire connaissance intime à l’Europe avec le Japon, et qui ont vulgarisé l’art de l’Empire du Soleil, en Occident. […] si j’avais encore quelques années à vivre, je voudrais écrire sur l’Art Japonais un livre dans le genre de celui que j’ai écrit sur l’Art du dix-huitième siècle, un livre moins documentaire, mais un livre encore plus poussé vers la description pénétrante et révélatrice des choses. Et ce livre je le composerai de quatre études : une sur Okousai le rénovateur moderne du vieil art japonais ; une sur Outamaro, le Watteau de là bas, une sur Korin, et une autre sur Ritzono, deux célèbres peintres et laqueurs. […] Mais votre pièce nous a saisis, bouleversés, enthousiasmés, et des jeunes gens qui, comme moi, ne vous connaissaient guère, trois heures avant, et qui n’avaient pour votre art qu’une estime profonde, sont sortis pleins d’une admiration affectueuse pour vous.
Elles sont pour l’artiste, parce qu’elles donnent de la clarté à ses pensées et lui enseignent quels sujets ont un sens pour l’art, et par conséquent quels sont ceux qu’il doit traiter et ceux qu’il doit laisser de côté. […] Il me dit qu’il avait été obligé de quitter un peu sa Nuit de Walpurgis, pour finir sa dernière livraison d’Art et Antiquité. […] La comparaison du peuple allemand avec les autres peuples éveille des sentiments douloureux auxquels j’ai cherché à échapper par tous les moyens possibles ; j’ai trouvé dans la science et dans l’art les ailes qui peuvent nous emporter loin de ces misères, car la science et l’art appartiennent au monde tout entier, et devant eux tombent les frontières des nationalités ; mais la consolation qu’ils donnent est cependant une triste consolation et ne remplace pas les sentiments de fierté que l’on éprouve quand on sait que l’on appartient à un peuple grand, fort, estimé et redouté. […] « Le caractère, dit-il, c’est tout ; et cependant, de notre temps, il y a eu parmi les critiques de petits personnages qui n’étaient pas de cet avis et qui voulaient que dans une œuvre de poésie et d’art un grand caractère ne fût qu’une espèce de faible accessoire. […] Il est artiste, il n’est pas moraliste ; tant pis pour ceux qui ne comprennent pas que l’art est tout dans son délicieux poème d’Hermann et Dorothée, il change les notes de son clavier et il chante à demi-voix les divines naïvetés de l’amour innocent et domestique.
Le reste est le comble de l’art, et même de l’artifice. […] Et l’on sait enfin que, chez l’artiste, la passion s’amortit toujours un peu par la conscience qu’il en prend, et parce que ses propres sentiments lui deviennent « matière d’art ». […] Chacune de ses « histoires », chacune de ses « descriptions » — description d’un homme, d’une littérature, d’un art, d’une société, d’une époque, d’un pays — ressemblent à des constructions massives et serrées. […] Ce chat représente l’Art et cette oie la Bourgeoisie. […] Allais a certainement enrichi l’art du coq-à-l’âne et de l’absurdité méthodique.
Mais l’art suprême de Temple était de paraître agir et de sembler nécessaire. […] Et comme les institutions libres ont ce beau privilège, que l’art de persuader en est l’âme et que, même corrompues, elles ne peuvent se passer du talent, son amitié et sa haine ne pouvaient être indifférentes à personne et, dans cette arène où luttaient les plus heureux génies de l’Angleterre, la nature l’avait jeté tout armé. […] Quatre ans après cette tentative, il saisissait avec une audace inouïe et un art admirable l’occasion de la soulever tout entière. […] L’art profond de Swift, pour prendre et soutenir un personnage, apparaît ici consommé et arrivé à sa dernière perfection. […] Master of arts.
Mais, le sophisme de M. de Maistre admis, il le brode avec un art d’écrivain qui rappelle un sophiste de son pays, J. […] Cette époque touche celle des Étrusques, dont les arts et la puissance vont se perdre dans l’antiquité, qu’Hésiode appelait grands et illustres, neuf siècles avant Jésus-Christ, qui envoyèrent des colonies en Grèce et dans nombre d’îles, plusieurs siècles avant la guerre de Troie. […] Songez que les pyramides d’Égypte, rigoureusement orientées, précèdent toutes les époques certaines de l’histoire ; que les arts sont des frères qui ne peuvent vivre et briller qu’ensemble ; que la nation qui a pu créer des couleurs capables de résister à l’action libre de l’air pendant trente siècles, soulever à une hauteur de six cents pieds des masses qui braveraient toute notre mécanique, sculpter sur le granit des oiseaux dont un voyageur moderne a pu reconnaître toutes les espèces ; que cette nation, dis-je, était nécessairement tout aussi éminente dans les autres arts, et savait même nécessairement une foule de choses que nous ne savons pas. […] L’homme demande tout à la fois à l’agneau ses entrailles pour faire résonner une harpe, à la baleine ses fanons pour soutenir le corset de la jeune vierge, au loup sa dent la plus meurtrière pour polir les ouvrages légers de l’art, à l’éléphant ses défenses pour façonner le jouet d’un enfant ; ses tables sont couvertes de cadavres ! […] « Quinze siècles avaient passé sur la ville sainte lorsque le génie chrétien, jusqu’à la fin vainqueur du paganisme, osa porter le Panthéon dans les airs, pour n’en faire que la couronne de son temple fameux, le centre de l’unité catholique, le chef-d’œuvre de l’art humain, et la plus belle demeure terrestre de celui qui a bien voulu demeurer avec nous, plein d’amour et de vérité. » XI Voilà tout ce livre du Pape, œuvre très savante, quoique très décousue, inférieure aux Soirées de Pétersbourg, et qui cependant produisit plus de gloire à l’écrivain, parce qu’elle fut adoptée à son apparition par les Chateaubriand, les Bonald, les Lamennais, hommes éclatants de la restauration théocratique en France à cette époque.
Il revient encore une fois à la Havane, renonce à d’autres excursions sur le continent américain, se rembarque et rentre à Bordeaux, ne rapportant de ce voyage soi-disant autour du monde que quelques calculs trigonométriques vulgaires, quelques études insignifiantes sur des phénomènes étudiés mille fois avant lui, et quelques phrases prétentieuses où la légèreté des aperçus et la brièveté des excursions étaient déguisées avec art par la sonorité grandiose des mots. […] Telle était, après ce premier ouvrage, la réticence suspecte de M. de Humboldt, disciple de ces maîtres dans l’art de se taire, ou d’étudier les effets sans remonter jamais aux causes. […] La mort de cette femme fut un événement, car, dans ses voyages, Mme de Humboldt s’était mise en rapports intimes avec les notabilités de la science et des arts. […] « Nous avons parlé plus haut de sa promotion au conseil privé du roi, avec le titre d’excellence, et nous ajoutions que non-seulement en général toutes les Académies célèbres des sciences et des arts, ainsi que toutes les sociétés éminentes du monde, recherchaient comme un grand honneur de compter Humboldt parmi leurs membres, mais que les princes de tous les pays s’empressaient de lui payer le tribut de leur considération, ce qui était en même temps un hommage rendu à la science, en lui conférant leurs ordres les plus élevés. […] Le 14 septembre, anniversaire de sa naissance, était chaque année, dans le château de Tégel, habité par sa nièce, Mme de Bülow, une fête de famille à laquelle étaient conviés ses amis, et où l’amitié, la science et les arts lui apportaient un franc et cordial hommage.
On pourrait presque dire que l’insuffisance, l’absence de l’art sont un bonheur ici. […] Et surtout le rythme sans art est expressif : ce n’est pas le déroulement magnifiquement égal de l’alexandrin homérique : distribuée à travers ces couplets qui la laissent tomber et la reprennent, rétrogradant et redoublant sans cesse pour se continuer et se compléter, la narration s’avance inégalement et, de laisse en laisse, d’arrêt en arrêt, monte comme par étages ; et cette discontinuité même devait, semble-t-il, communiquer une dramatique intensité à la déclamation du jongleur. […] Ils ont surtout — et en cela ils semblent révéler l’aptitude éminente de la race — ils ont le sens du drame et du roman : sans poésie, sans style, leur art est là, dans le dessin des actions, et l’imitation de la remuante humanité. […] Dès que l’auteur est à bout d’art ou de psychologie, la main de Dieu paraît. […] L’art des jongleurs s’exerça surtout sur les places publiques, aux pèlerinages, aux foires.
Il a dérobé à La Bruyère son art d’aiguiser l’épigramme, à Pascal l’ironie mordante et légère. […] Courier est le dernier et authentique représentant de l’art classique chez nous, le dernier des écrivains qui se rattachent au mouvement déterminé par les travaux de l’Académie des Inscriptions : il a droit d’être nommé après André Chénier. […] Le, défaut de Courier, c’est qu’on sent trop cet art, et l’effort de l’écrivain : nous aimerions un peu plus d’abandon ; et pourtant, en son genre, il fut un vrai artiste, et tout à fait original. […] Très curieux d’art, il n’était pas artiste ; et le grand mouvement littéraire de son temps s’accomplit sans qu’il y comprit rien. Il le disait sur ses vieux jours : le romantisme, c’est la Commune ; il l’abhorrait comme une insurrection ; il n’y sentait pas l’explosion puissante de l’art et de la poésie.
L’art n’ayant pas encore idéalisé les Érynnies, comme il fit plus tard, Eschyle les évoqua dans la laideur surhumaine que leur prêtaient les mythes primitifs, et telles que l’imagination populaire les voyait en rêve. […] La Grèce saluait en elle l’idéal de sa race et de son génie ; la vertu vaillante, le courage réfléchi, l’activité de l’esprit, la fertilité des idées, le génie multiple des arts. […] Toutes les sciences dérivent de sa sagesse, tous les arts lui sont attribués, toutes les industries sont ses œuvres vives. […] C’est elle qui a appris à la femme l’art de semer les fleurs sur la toile, comme sur l’herbe serrée d’une prairie brillante, d’y dessiner en fils de pourpre les exploits des héros et la gloire des dieux. […] Les Théories et les sacrifices allaient aux dieux embellis par le ciseau de l’art raffiné.
Aujourd’hui littérature, art, science, tout se tait sous la grosse et bête voix de la politique. […] C’est vraiment charmant cette petite et rustique maison japonaise du Trocadéro, avec son enclos de bambous, sa porte aux grosses fleurs sculptées dans un bois tendre, ses petits arbres en paraphes d’écriture, ses parasols, sous l’ombre desquels se remuent des volatiles minuscules, ses resserres en essences joliment veinées : tout ce goût et tout cet art décoratif dans une habitation des champs. […] Décidément, à l’exposition du Japon, l’écran au héron d’argent, et le paravent avec toute cette flore sur laque, en pierre dure, en ivoire, en porcelaine, en métaux de toutes sortes : ce sont pour moi les deux plus beaux objets mobiliers, que depuis le commencement du monde a fabriqués l’art industriel chez aucun peuple. […] Mardi 7 mai Parmi les gens à imagination, je suis étonné, combien il leur manque le sens de l’art, la vue compréhensive des beautés plastiques, et parmi ceux qui ont cela, je suis étonné combien il leur manque l’invention, la création : ils ne sont que des critiques. […] Jeudi 10 octobre Au fond, dans toute cette Exposition de 1878, il n’y a guère que les objets d’art japonais, les imitations de verre de Venise, et le moulage russe d’un seul jet du corps d’une femme.
Dans l’Horoscope La Fontaine met en lumière par deux exemples combien sont trompeuses les prédications ou les prévisions que certains pensent tirer de la conjonction des astres ; puis il se met à raisonner : De ces exemples il résulte Que cet art, s’il est vrai, fait tomber dans les maux Que craint celui qui le consulte ; Mais je l’en justifie et maintiens qu’il est faux. […] Tout aveugle et menteur qu’est cet art, Il peut frapper au but, une fois entre mille ; Ce sont des effets du hasard. […] Boileau, à la vérité, a négligé la fable, je ne dis pas La Fontaine, vous allez voir pourquoi, dans l’Art poétique. Qu’il ait omis le nom de La Fontaine, c’est tout naturel ; il n’a mis, dans l’Art poétique, aucun nom d’homme vivant ; il allait de soi qu’il ne nommât pas La Fontaine. […] Ailleurs, il félicite La Fontaine de cet instinct poétique et il a bien raison c’est-à-dire de cette spontanéité poétique qui, dit Voltaire, à tort, ne semble devoir rien à l’art et qui est comme une faculté de la nature.
On lit, en tête du recueil des Plus Belles Lettres françaises par Richelet, un jugement fort exact et fort net sur Gui Patin et sur sa personne ; ses lettres y sont louées pour leurs bonnes parties, pour leur liberté et leur enjouement, pour les bons contes et les faits curieux qu’elles renferment : « Ces choses, dit-on, doivent obliger à n’en point regarder de si près le langage : car il n’est pas toujours selon Vaugelas ni Patru. » Ainsi, du temps de la jeunesse de Gui Patin, il y avait une séparation bien marquée dans le genre épistolaire : d’un côté, l’art, et rien que l’art et la rhétorique, comme chez Balzac et ceux de cette école ; de l’autre côté, le naturel, et rien que le naturel, avec tous ses hasards et ses crudités comme chez Gui Patin. La réunion d’un certain art et du naturel au sein de l’imagination la plus vive n’aura lieu que chez Mme de Sévigné ; et cet art encore plus insensible et qui n’est plus que du goût, joint au naturel le plus parfait et le plus continu, ne se rencontrera qu’une fois dans tout son complet, chez Voltaire.
M. de Balzac a surtout dès l’abord mis dans ses intérêts une moitié du public très-essentielle à gagner, et il se l’est rendue complice en flattant avec art des fibres secrètement connues. « La femme est à M. de Balzac, » a dit quelque part M. […] Certains côtés délicats et sensibles auraient pu être touchés avec art ; mais l’écrivain, pur épicurien, n’y est pas arrivé encore. […] Nous citerons le début : « Le Ciel m’ayant permis de réussir à faire la pierre philosophale, après avoir passé trente-sept ans à sa recherche, veillé au moins quinze cents nuits, éprouvé des malheurs sans nombre et des pertes irréparables, j’ai cru devoir offrir à la jeunesse, l’espérance de son pays, le tableau déchirant de ma vie, afin de lui servir de leçon, et en même temps de la détourner d’un art, etc. » En effet, l’honnête alchimiste, bien qu’il ait trouvé le secret de la transmutation, conserve jusque dans son triomphe un sentiment si profond de son infortune passée, qu’il voudrait détourner les jeunes gens des périls de cette science hermétique, au moment même où il la leur dévoile obscurément. […] Cette pensée, pour devenir tout à fait vraie, ne doit pas craindre de s’énoncer avec plus d’énergie, et je risque ici la variante qu’un ami plus sévère que moi (j’ai toujours cet ami-là à mes côtés) me souffle à l’oreille : « Balzac romancier est un médecin, quelque peu suborneur, de maladies cutanées ou sous-cutanées, de maladies lymphatiques secrètes, — quelque chose entre Alibert et Cullerier. — Il a des arts secrets, de certains tours de main, comme en a l’accoucheur, le magnétiseur.
Le philosophe veut rendre durable la volonté passagère de la réflexion ; l’art social tend à perpétuer l’action de la sagesse ; enfin ce qui est grand se retrouve dans ce qui est petit, avec la même exactitude de proportions : l’univers tout entier se peint dans chacune de ses parties, et plus il paraît l’œuvre d’une seule idée, plus il inspire d’admiration. […] Si les nations étaient en paix au-dehors et au-dedans, les arts, les connaissances, les découvertes en divers genres feraient chaque jour de nouveaux progrès, et la philosophie ne perdrait pas en deux ans de guerre civile, ce qu’elle avait acquis pendant des siècles tranquilles. Après avoir bien établi l’importance première de la nature des constitutions, il faudrait prouver leur influence par l’examen des faits caractéristiques de l’histoire des mœurs, de l’administration, de la littérature, de l’art militaire de tous les peuples. […] Dans les États obscurs, les arts ne font aucun progrès, la littérature ne se perfectionne, ni par l’émulation qui excite l’éloquence, ni par la multitude des objets de comparaison, qui seule donne une idée fixe du bon goût.
Le commerce et les arts s’y installèrent avec eux. […] Quand les premières atteintes de l’âge lui annoncèrent sa fin prochaine, il ne résista pas, il se résigna avec sérénité aux lois de la nature, il repassa avec sa famille et ses amis l’état de son immense fortune, noblement acquise, généreusement occupée pour la gloire des arts et des lettres ; il indiqua à ses héritiers l’usage qu’il convenait d’en faire après lui pour l’accroître et la conserver par sa destination au bien public. […] C’est par là que sa famille d’opulents parvenus, sortie d’un médecin célèbre, s’était insensiblement élevée par le commerce et les arts au premier rang de la république. […] Sans jalousie pour son frère Julien, jeune homme de dix-sept ans, très-distingué et déjà très-populaire par son goût pour les arts et pour les lettres, il lui donna les maîtres les plus éminents pour achever son éducation.
les acteurs nourris de classique, défiants, hostiles, Mlle Mars ne consentant pas à nommer Firmin son lion superbe et généreux ; les défenseurs de l’art nouveau recrutés dans les écoles et les ateliers, Théophile Gautier, superbe, truculent, chevelu, arborant le légendaire pourpoint rouge pour la terreur des bourgeois ; la représentation houleuse, terminée en triomphe de V. […] Il a le sens de la scène, l’instinct des combinaisons qui font effet : cet art très particulier du théâtre, qui n’a rien de commun avec la littérature, qui n’a besoin ni de la poésie ni du style pour valoir, aucun romantique ne l’a possédé comme Dumas. […] Puis de vastes amplifications, des merveilles d’invention verbale : comme la scène des portraits d’Hernani, réalisation d’une figure banale de l’art oratoire. […] Le théâtre, pour lui, est un art qui se suffit ; il n’y a pas besoin de pensée, ni de poésie, ni de style : il suffit que la pièce soit bien construite.
Les monuments, la mer, la face humaine, dans leur plénitude, natifs, conservant une vertu autrement attrayante que ne les voilera une description, évocation dites, allusion je sais, suggestion : cette terminologie quelque peu de hasard atteste la tendance, une très décisive, peut-être, qu’ait subie l’art littéraire, elle le borne et l’exempte. […] La nature n’engendre le génie immédiat et complet, il répondrait au type de l’homme et ne serait aucun ; mais pratiquement, occultement touche d’un pouce indemne, et presque l’abolit, telle faculté, chez celui, à qui elle propose une munificence contraire : ce sont là des arts pieux ou de maternelles perpétrations conjurant une clairvoyance de critique et de juge exempte non de tendresse. […] Je m’interromps, d’abord en vue de n’élargir, outre mesure pour une fois, ce sujet où tout se rattache, l’art littéraire : et moi-même inhabile à la plaisanterie, voulant éviter, du moins, le ridicule à votre sens comme au mien (permettez-moi de dire cela tout un) qu’il y aurait, Messieurs, à vaticiner. […] Je ne blâme, ne dédaigne les périodes d’éclipse où l’art, instructif, a ceci que l’usure divulgue les pieuses manies de sa trame.
Ouvrez au contraire l’Art poétique de Boileau. […] Elles ont en pareille occurrence bien d’autres choses à faire qu’à s’occuper de vers, de grammaire, de questions d’art ; puis, comme elles prisent et encouragent avant tout les qualités fortes et masculines, elles s’intéressent plus aux hommes d’épée et aux politiques qu’aux hommes de lettres, et, si par hasard elles agissent sur ces derniers, le résultat de leur action est peu visible, parce qu’elles les portent à développer en eux ce qu’il y a de moins féminin. […] Je ne sais point si la ’tendresse maternelle a été plus vive de nos jours qu’autrefois ; je suis tenté de le croire, bien qu’elle ait été de tout temps passionnée ; mais, à coup sûr, l’art d’être père et grand-père n’a jamais été poussé plus loin qu’aujourd’hui, si cet art consiste à satisfaire les désirs et les caprices de la gent enfantine ; et, comme il est aisé de le voir, cette exaltation d’un sentiment naturel a leu aussitôt son contrecoup dans les œuvres de nos écrivains.
Aussi est-ce une loi éternelle dans les sociétés, que les uns y doivent tourner leur esprit vers les travaux de la politique, tandis que les autres appliquent leur corps à la culture des arts et des métiers. […] La marine est, à cause de sa difficulté, l’un des derniers arts que trouvent les nations. […] Le fil d’Ariane est l’art de la navigation, qui conduit Thésée à travers le labyrinthe des îles de la mer Égée. […] Pour des peuples qui ne s’appliquaient à aucun art, c’était fuir l’oisiveté.
C’est l’élément des bons esprits ; C’est par elle que j’ai compris L’art d’Apollon sans nulle étude… On sent dans tout cela l’harmonie, la facilité, mais aussi, comme il l’indique, un certain échauffement de tête et de fantaisie. […] Les vers sont mous et lâches comme le seraient des vers de Scudéry ; l’auteur ne paraît pas se douter de l’art d’écrire en vers sérieux. […] On peut dire qu’il mourut à temps, au moment où la noble figure de Louis XIV allait mettre en déroute tous ces grotesques de l’art, et avant d’avoir essuyé les traits satiriques de Boileau.
Cette famille revendique l’honneur d’avoir donné des grands maîtres à l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, des cardinaux à l’Église, et un troubadour au beau ciel languedocien. « Garins d’Apchier, disent les manuscrits cités par Raynouard, fut un gentil châtelain du Gévaudan, vaillant et bon guerrier, et généreux, et bon trouvère et beau cavalier ; et il sut tout ce qu’on peut savoir du bel art de galanterie et d’amour. » Il passe même pour avoir inventé une forme nouvelle de poésie. […] Il l’a rendu dans sa composition du Centaure avec une sève débordante, jointe à une beauté de forme et d’art qui, dans un coup d’essai, déclare un maître. […] Son centaure, vieilli et contristé, déclare au visiteur humain qui le consulte que, pour être allé avec tant d’ivresse et de fougue et avoir tant pressé et tourmenté l’immense nature, il n’a pas surpris le grand secret et n’a rien arraché à la nuit des origines ; qu’il a senti seulement le souffle errer, sans saisir le sens ni les paroles, et que l’incompréhensible est pour lui le dernier mot comme le premier. — Mais je n’ai pas à analyser ici les productions de Guérin ; il me suffit d’en rappeler l’idée et d’en provoquer le réveil : ses œuvres complètes, on nous l’annonce enfin, vont paraître, prose et vers, lettres et fragments d’art, grâce aux soins des mêmes amis qui se sont voués à l’honneur de son nom et à la conservation de sa mémoire.
Guizot dans la défense du système : « Je sais, disait-il, que les doctrinaires ont de grands défauts et qu’ils n’ont pas l’art de se faire aimer du gros public ; il n’y a qu’eux pourtant qui veuillent franchement ce que j’ai voulu. […] Molé, avec infiniment moins de talent et de science que messieurs les doctrinaires, était par l’esprit plus homme d’État qu’eux, et avait des parties supérieures pour le gouvernement, l’art de concilier et de gagner, le ménagement des hommes, le sentiment et le tact des situations. […] J’insiste ; j’aimerais qu’il nous parlât lui-même de ces choses, des secrets de son art, de ce en quoi il a véritablement excellé.
Qui n’a lu ses admirables Précis des campagnes de Turenne, de Frédéric, de César, suivis d’observations détaillées, — tout l’art et la science de la guerre résumés en quelques pages concises, et ramenés à des principes fixes, supérieurs, qu’il n’appartient pourtant qu’au génie ou au talent de savoir, à des degrés divers, mettre en pratique et appliquer ? […] Je ne crois dans les arts qu’à ce qui est simple, et je tiens que tout effet cherché est un effet manqué. […] Ensuite, il y a dans ses tableaux ce que nous autres, amateurs des arts, appelons le clair-obscur, et ce clair-obscur consiste dans une profonde tristesse, tristesse d’un honnête homme vivant sous la plus basse et la plus exécrable des tyrannies.
Cependant Voltaire n’était pas un pur Descartes, il avait besoin aussi de l’amitié, des arts, des excitations sympathiques de chaque jour. […] mon cher Cideville, écrivait-il à cet autre ami si cher, que ce serait une vie délicieuse de se trouver logés ensemble trois ou quatre gens de lettres, avec des talents et point de jalousie, de s’aimer, de vivre doucement, de cultiver son art, d’en parler, de s’éclairer mutuellement ! […] Ce paradis terrestre, il le trouva, il se le créa, et c’est à Cirey, auprès de Mme du Châtelet, qu’il en avait choisi le lieu, non sans art, dans un pays de frontières, un pied en Lorraine et l’autre en France.
Exposé dans un théâtre public, on me dissèque : un savant médecin explique devant tous, à mon sujet, comment la Nature a fabriqué le corps de l’homme avec beauté, avec art, avec une parfaite harmonie. […] Il est dit, dans une bulle datée du 17 janvier 1536, qu’il lui est permis d’exercer en tous lieux l’art de la médecine, à titre gratuit toutefois, et jusqu’à l’application du fer et du feu exclusivement ; ces sortes d’opérations étaient interdites aux prêtres. […] Après quoi, vers l’heure de deux ou trois heures après midi environ, on sort de l’hôtel, et l’on va en compagnie de l’écuyer Gymnaste s’essayer à l’art de la chevalerie et à la gymnastique.
Il exprima le désir d’entendre de sa bouche le récit détaillé et méthodique des campagnes d’Italie, d’Égypte et de toutes celles de l’Empire, en un mot « d’apprendre sous lui l’art de la guerre ». […] Comme son père, il avait un art singulier pour plaire quand il le voulait. […] Le talent proprement dit, l’art d’écrire lui vient chemin faisant ; il dira à propos des sépulcres restés vides, qui furent construits près de Jérusalem par Hérode le Tétrarque : « Alors, comme à présent, il y avait des grandeurs passagères ; et des tombeaux promis et élevés ne recevaient pas les cendres qui devaient les occuper. » Mais c’est l’Égypte surtout qui est le but où tend le voyageur ; il y retrouve, en y mettant le pied, les souvenirs présents et les émotions héroïques de sa jeunesse.
Enfin ce goût de quelques romantiques, au nom de la liberté de l’art, pour le mot cru, la peinture brutale, était devenu chez Zola une véritable passion pour l’indécence et pour l’indécence froide et, si je puis dire, de sens rassis. […] Il n’écrivait plus qu’avec ses procédés et ses recettes d’accumulation et de répétition, sans qualités de narration, ce qui, du reste, n’avait jamais été où il excellât, et désormais sans art de description, de dessin ni de couleur. […] Elle dira sans doute : « Il ne fut pas intelligent ; il écrivait mal toutes les fois qu’il ne décrivait pas ; il ne connaissait rien de l’homme qu’il prétendait peindre, qu’il prétendait connaître et que, seulement, il méprisait ; il avait des parties de poète septentrional et un art de composition qui sentait le Latin ; et il savait faire remuer et gesticuler des foules. » Et il est possible aussi qu’elle n’en dise rien.
Il s’adonne à un certain art, à un certain genre, à un certain procédé, en un mot, il fait une œuvre se distinguant de celles d’autrui par certains caractères, ceux-là mêmes que nous avons appris à dégager dans le précédent chapitre. […] Leur art, à l’exemple de la nature muette, s’adresse aux sens et à l’intelligence, pour provoquer par elle l’émotion que les artistes passionnés cherchent à produire directement, sachant que l’on s’émeut de voir un semblable ému. […] Il en est d’autres encore, tels que celui des écrivains mercantiles, des auteurs de contes pour les enfants, des feuilletonistes écrivant pour une classe définie de la société, des peintres et des musiciens soucieux de plaire au public plus qu’à eux-mêmes, en un mot des artistes qui emploient certains moyens ou certains effets, non pas d’instinct, mais volontairement, et dans un but étranger à l’art ; il sera facile de se tirer d’affaire pour les œuvres de cette sorte, en considérant qu’elles n’intéressent que par la personnalité qu’elles affectent de manifester et qu’il sera toujours facile de distinguer.
Il est inutile de mentionner les livres si connus de Descartes16, de Pascal17, de Newton18; mais je rappellerai quelques ouvrages du xviiie siècle, peu lus aujourd’hui, et où nos logiciens pourront trouver des détails intéressants : par exemple, la Logique 19 de Mariotte, le célèbre et ingénieux physicien, le premier ouvrage français de ce genre où la méthode expérimentale ait pris la place qui lui appartient (encore n’y est-elle pas très-nettement distinguée de la méthode géométrique) ; le Traité de l’expérience, du docteur Zimmermann, célèbre médecin du xviiie siècle, né en Suisse et connu surtout par son beau livre sur la Solitude ; l’Essai sur l’art d’observer, de Jean Sénebier, ministre protestant de Genève, traducteur de Spallanzani, et lui-même naturaliste distingué de cette grande école de Genève qui a produit les Réaumur, les Trembley, les Bonnet, les de Saussure, les de Gandolle et tant d’autres hommes supérieurs ; les Fragments de Lesage, de Genève20, personnage original, doué d’un esprit méditatif et profond, connu surtout comme l’auteur d’une hypothèse sur la cause mécanique de la gravitation ; enfin le Discours sur l’étude de la philosophie naturelle, de W. […] Quant aux règles que donne Bacon sur l’art de faire des expériences, elles sont loin d’être aujourd’hui aussi surannées que le dit M. […] Pascal, De l’esprit géométrique. — De l’art de persuader.
Le prince qui avoit conçu une idée si noble, eut en cette occasion un excès de complaisance, et déferant trop à l’art, il permit au peintre d’alterer l’élegance et la simplicité de sa pensée par des figures qui rendent le tableau plus composé, mais qui ne lui font rien dire de plus que ce qu’il disoit déja d’une maniere si sublime. […] Pour nous renfermer dans les limites de la peinture, j’ose avancer que rien n’a plus souvent écarté les bons peintres du veritable but de leur art, et ne leur a fait faire plus de choses hors de propos, que le desir de se faire applaudir sur la subtilité de leur imagination, c’est-à-dire sur leur esprit. […] Après avoir regardé ces tableaux du côté de l’art, on les regarde encore avec l’attention qu’on donneroit aux recits d’un contemporain de Marie De Medicis.
Tous tant que nous sommes, nous répudierons avec un sentiment que, par politesse, je veux bien ne qualifier que d’inexprimable, cette affectation de simplesse et de bonhomie ; cette bergerie de l’art pour l’art, cette papelardise de Sainte Nitouche littéraire, et tous, nous poserons cette question à laquelle il est impossible de répondre : Est-ce donc que Mme Sand est dans la cour de Ponce-Pilate pour se renier si bravement ainsi, et pour dire d’elle-même : « Je ne connais pas cette femme-là ? […] Elle n’est, si vous Técoatez, qu’une aimable rêveuse, vierge de tout ce qu’on lui reproche ; qui a commencé par pondre, sans rime ni raison, des romans pour ces vilains hommes, et qui berquinant sur le tard de la vie, pond pour ses enfants des comédies que ces vilains hommes incorrigibles trouvent charmantes ] Elle n’a jamais pensé qu’à l’Art et au plaisir de faire des contes, et ce n’en est pas un qu’elle nous fait là !
Je ne veux pas mutiler l’homme ; je ne veux rien trancher dans ce que Dieu a fait en l’entremêlant de corps et d’âme avec un art, si c’en est un, si prodigieusement consommé. […] Aussi en a-t-il marqué l’imagination et le cœur de son héroïne, tout en la sauvant de la tache de l’adultère, de cette tache dernière qui fait se rejoindre toutes les autres et n’en fait plus qu’une seule de toutes, — et ceci, disons-le pour ceux qui creusent les choses et ne font pas de la critique à fleur de peau, ceci est réellement d’un Maître dans l’art des nouveautés et des inventions. […] L’amour du vrai dans l’art lui a tenu lieu de principes que probablement il n’a pas, et l’a fait agir dans la conception de son prêtre comme s’il les avait.
si souvent dans les choses de l’art et de l’intelligence, c’est précisément le mérite de ces sortes de compositions qui fait leur infortune, et, nous le répétons, pour publier un volume de ces choses dédaignées du public, il faut ou la candeur d’un mouton qui au bord d’une route rêve un pré, ou l’insouciance altière d’un véritable artiste qui écrit pour ses pairs littéraires et donne sa démission à l’avance de toute popularité. […] Soit, en effet, qu’il eût compris qu’il faut plus d’art peut-être pour construire un drame ou un récit dans les proportions de Madame Firmiani ou de la Grande Bretèche que dans celle des Mystères de Paris ou de Monte-Cristo, soit qu’il ne se sentit dans l’esprit, pour chacune de ses conceptions, que le cadre étroit d’une nouvelle et qu’il ne voulût pas trop embrasser pour mal étreindre, il n’en a pas moins donné à la Critique le spectacle de deux choses l’une, auxquelles elle est peu accoutumée : — l’amour désintéressé de ce qui est difficile, et l’exacte conscience de soi. […] sa petite illusion d’antiquaire, si enfin la réalité historique pèche un peu dans l’œuvre de Babou (car c’est une œuvre que ces six nouvelles), du moins l’effet d’art n’en a point souffert.
De ce qui précède, on peut donc inférer qu’à l’origine la loi de la succession des rimes a été dictée par la musique, et ce qui porte à croire cette assertion, c’est la phrase de Joachim du Bellay : « Il y en a qui fort superstitieusement entremeslent les vers masculins avec les vers féminins… afin que plus facilement on les peust chanter sans varier la musique pour la diversité des mesures qui se trouveroient en la fin des vers. » Ronsard, qu’on ne peut jamais trop consulter, s’exprime ainsi sur la rime dans son Art poétique : « La Ryme n’est autre chose qu’une consonance et cadance de syllabes, tombantes sur la fin des vers, laquelle je veulx que tu observes tant aux masculins qu’aux féminins, de deux entières et parfaictes syllabes, ou pour le moins d’une aux masculins pourveu qu’elle soit résonante et d’un son entier et parfaict. » Mais nulle part, il ne promulgue une règle à suivre sur l’alternance des rimes. […] Ronsard n’en dit pas un mot dans son Art Poétique. […] Modestes observations sur l’art de versifier, de Clair Tisseur.
Chez les Grecs, chez les Romains, chez les classiques français du dix-septième et du dix-huitième siècle, chez la plupart des écrivains, des causeurs qui, dans nos journaux, dans nos salons, portent sur les œuvres de l’art et de la poésie des jugements d’éloge ou de blâme, la critique littéraire n’a jamais douté d’elle-même. […] Si vous dites qu’à tout le moins l’art doit toujours être intime, personnel, sincère, nous vous objecterons l’impersonnalité d’un Sophocle, l’universalité d’un Goethe, le désintéressement ironique d’un Mérimée.
Dans ces livrets d’une bouffonnerie énorme et pourtant fine898, dont la fantaisiste irréalité semble se rapprocher parfois de la comédie de Musset, dans cette « blague » enragée qui démolit tous les objets de respect traditionnel, en politique, en morale, en art, et qui ne reconnaît rien de sérieux que la chasse au plaisir, revit ce monde du second empire que les romans et les comédies, plus brutalement ou plus sévèrement, s’efforceront de représenter : monde effrénément matérialiste, si vide de conviction qu’il ne croyait même pas à lui-même, se moquant du pouvoir et de l’argent qu’il détenait, et se hâtant, avant de les perdre, d’en acheter le plus possible de plaisir. […] Elles jouent à la grande comédie, et l’on n’y sent rien qu’un faiseur qui spécule sur la vulgarité intellectuelle et morale de son public, sans donner d’autre but à son art que de faire cent ou deux cents fois salle comble.
Moréas s’était rendu compte que le Symbolisme, utile à son heure, n’offrait que les caractères d’un Art transitoire, et qu’à le suivre inconsidérément, au lieu de s’acheminer à la Terre promise, on risquait de choir dans un cul-de-sac. […] En face de cette liste de poètes d’art libre, voyons, en passant, la liste des jeunes parnassiens et quand nous aurons mentionné les beaux talents de MM.
L’art étoit inconnu à tout le monde, excepté à Corneille. […] Vaincre son amour eût été un défaut capital dans l’art tragique, qui consiste principalement dans les combats du cœur ».
S’il n’en était ainsi, l’homme, en s’éloignant toujours de son origine, serait devenu une sorte de monstre ; mais, par une loi de la Providence, plus il se civilise, plus il se rapproche de son premier état : il advient que la science au plus haut degré est l’ignorance, et que les arts parfaits sont la nature. […] D’un côté, l’homme sauvage, en s’emparant des arts, n’a pas assez de finesse pour les porter jusqu’à l’élégance, et l’homme social pas assez de simplicité pour redescendre à la seule nature.
Elles lui appartiennent en latin, à cause du tour élegant et de la précision avec laquelle il les a renduës en sa langue, et à cause de l’art avec lequel il enchasse ces differens morceaux dans le bâtiment régulier dont il est l’architecte. […] Il y a bien de la difference entre emporter d’une gallerie l’art du peintre, entre se rendre propre la maniere d’operer de l’artisan qu’on vient d’admirer, et remporter dans son portefeüille une partie de ses figures.
Les écrivains obscurs Il y a une catégorie d’auteurs qu’au point de vue de l’art de lire il faut considérer très attentivement : ce sont, comme on les a appelés, « les auteurs difficiles », c’est-à-dire ceux qu’on ne comprend pas du premier regard, ni même du second, les Lycophron, les Maurice Scève, les Mallarmé. […] Montaigne a une page admirable sur l’art de compliquer ce qui est simple et d’obscurcir ce qui est clair : « Il n’est pronostiqueur, s’il a cette autorité qu’on daigne feuilleter et rechercher curieusement tous les plis et lustres [détours ?
« Tout ce que l’enfer peut vomir de plus faux — dit-il des Philippiques — y était exprimé dans les plus beaux vers, le style le plus poétique, et tout l’art et l’esprit qu’on peut imaginer. » Quand il arrive aux affreux passages où le Régent est accusé d’empoisonnement : « L’auteur — ajoute-t-il — y redouble d’énergie, de poésie, d’invocations, de beautés effrayantes, de portraits du jeune roi et de son innocence… d’adjurations à la nation de sauver une si chère victime, en un mot, de tout ce que l’art a de plus fort et de plus noir, de plus délicat, de plus touchant, de plus remuant et de plus pompeux… » Ce n’est pas tout.
Ce sont toujours, plus ou moins, des portefeuilles qui tombent et qui, en tombant, s’éparpillent avec plus ou moins d’art ; car il y a un art encore pour s’éparpiller.
Du buste ou du camée dont il est fou : Tout passe, — l’art robuste Seul a l’éternité ! […] Ils sont, en effet, comme expression, d’une sécurité de beauté réussie qui est le comble de l’art, et on n’a jamais mieux senti, qu’en les lisant, ces vers incomparables même aux autres vers de M.
Nous nous disions : L’originalité, retardée par la jeunesse et les admirations, va peut-être éclater dans les vers de ce jeune homme qui a l’art des vers ; elle va remplir les larges moules de son rythme, qui semblent préparés pour elle. […] Ponsard, en supposant qu’on puisse employer ce terme de peinture en parlant d’un poète aussi peu peintre que l’auteur de Lucrèce ; mais si le résultat d’art est différent, le résultat d’impression est le même.
Au surplus, c’est au nom de la vérité que se sont accomplies toutes les révolutions de l’art dramatique. […] On ne peut cependant pas faire tout le temps du grand art, même naturaliste ! […] Plus l’art se vulgarise en bas, plus il s’affine en haut, par dédain de la foule. […] Car votre mission n’est pas de nourrir les jeunes littérateurs, ni de rénover l’art dramatique. […] J’ai eu pitié de Prométhée ; j’aime les hommes et je leur ai enseigné les métiers et les arts.
L’art de filer la laine ou les fibres végétales est venu ensuite. […] On pense à une prohibition religieuse analogue à celle qui a stérilisé l’art musulman. […] Il connaît l’art incroyable de paralyser d’un coup de dard, sans les tuer, leur appareil moteur. […] Tels sont les Chinois, race positive ; ils ont poussé si loin l’art des supplices que nous avons peine à en croire les voyageurs. […] Mémoire sur l’industrie primitive et les arts à leur origine ; Paris, 1864, 3 vol, in-8.
l’art ! l’art ! […] Pourtant qui pourrait dire où commencent la science et l’art ? […] On a beaucoup comparé l’art et la vie. […] Séailles : Le Génie dans l’art (Paris, Félix Alcan).
Fauvel, Henri (1860-1938) [Bibliographie] L’Art et la Vie (1888).
Egalement Acteur & Poëte, il a composé plusieurs Comédies, dont quelques-unes, conduites avec art, sont d’une gaieté assez piquante.
Carrara, Jules [Bibliographie] L’Art d’avoir vingt ans (1886). — La Lyre (1887).
Il a laissé plusieurs Ouvrages relatifs à son Art, dont la lecture peut intéresser l’Artiste & l’Amateur.
Il a erré « dans le verger de son âme, sur les rebords du jour où le rêve chemine » et en est revenu avec des vers tout en nuances, d’un art raffiné.
Charles Morice Vignier est un des artistes doués du sentiment le plus aristocratique de l’art, que je sache.
] Abbé, de l’Académie Royale des Belles-Lettres, Sciences & Arts de Bordeaux, né en 17..
Charles Morice Le très jeune homme qui a fait ces vers (Les Trêves) est un poète, et je saine avec joie cette allégorie ancienne de l’art comparé à un temple, qui resterait une « allégorie ancienne » si elle n’avait été inspirée au poète par le pressentiment de la grande réalité religieuse et moderne de la beauté en soi.
À dire vrai, et quoique l’auteur ait toutes les habiletés de l’art impersonnel, nous l’aimons mieux dans les pièces plus intimes, dont quelques-unes sont de véritables cris de détresse.
Mais que m’importe que vous soyez supportable, si l’art exige que vous soyez sublime.
Georges Nardin a publié diverses études ou critiques d’art et des articles à la Revue contemporaine.
Il savoit la Musique & les Mathématiques, qu’il fit toujours marcher de pair, & expliquoit le premier Art par les principes du second.
Deshays Les portraits de Deshays sont si mauvais de dessin, de couleur et du reste, qu’ils ont l’air d’être faits en dépit de l’art et du bon sens.
Quel art de relever et de fixer les petites choses ; les plus minces détails de la vie enfantine !
Ses Poésies recueillies bordent aujourd’hui les Quais, après avoir occupé quelques pages dans le Mercure, & avoir fait dire à M. l’Abbé le Blanc, qui étoit sans doute son ami : Quand je lis ces Ecrits où ta plume s’exerce A peindre avec tant d’art les amoureuses loix, Je croirois lire Ovide, ou Tibulle, ou Properce, Si l’un des trois, jadis, eût fait des vers François.
« Mais si, comme on l’a dit et comme de notre temps on ne se lasse pas de le prouver, l’histoire est toujours à faire, cela est vrai surtout de l’histoire des lettres, où les tentatives nouvelles du talent, les disputes des écoles, les prétentions du paradoxe et les démentis de l’expérience font incessamment découvrir des points de vue négligés dans l’art, des enseignements utiles pour le présent, des encouragements à la vraie nouveauté, des préservatifs contre la fausse et stérile hardiesse, et toute une étude d’imagination et le goût à faire pour l’avenir, sur les monuments du passé. » M.
D’ailleurs, son Art de communiquer ses idées, son Essai sur la santé, & son Ventriloque peuvent être regardés comme des Productions qui ne sont point étrangeres à la Littérature.
De plusieurs Ouvrages qu’il a faits, on n’estime aujourd’hui que son Histoire des Croisades contre les Albigeois : elle suppose de grandes recherches, de la critique, & sur-tout l’art de les fondre habilement dans le cours de la narration.
Ces sujets se rapportent au côté physique ou au côté moral des arts.
Thiers pour l’art d’éclaircir et de démêler les faits ! […] Le but de l’art n’est pas de s’étaler.
L’amour des arts, la beauté du climat, toutes ces jouissances prodiguées aux Athéniens, pouvaient leur servir de dédommagement. […] Les poésies d’Ossian ne sont pas plus avancées dans l’art poétique, que ne devaient l’être les chants des Grecs avant Homère40.
La comédie de l’art reprit alors à notre théâtre, et notamment à Molière, presque autant que lui devaient ceux-ci. […] Ce rôle redevint un des principaux de la comédie de l’art, et une série de mimes célèbres ont perpétué chez nous sa popularité, de sorte qu’il en est demeuré plus Français qu’Italien.
Japonisme L’Art industriel japonais. […] Et penser qu’il existe de bons petits journalistes parisiens qui n’ont pas assez d’ironies méprisantes pour l’art d’un pays, où les ouvriers sont de tels poètes !
La dissonance étant cachée dans le fond même de l’art, on voulut la fondre et la disperser sur toute l’étendue du clavier. […] Dès lors ce qu’il y avait d’essentiel et de subsistant par son énergie propre a cédé la place aux signes variables et plus ou moins arbitraires ; dès lors le génie individuel a remplacé le génie général ; dès lors les impressions ont été reçues par un plus ou moins grand nombre, mais n’ont pas été reçues par tous ; dès lors enfin l’art est venu au secours de la nature.
Nous avons signalé plus d’une fois cette tendance qui est partout maintenant, dans les arts, la philosophie, la littérature, et que nous avons nommée le bourgeoisisme. […] Venu l’un des derniers de cette école plastique dont Gautier est le chef puissamment correct et presque radieux, Bouilhet n’a vu la société romaine que par ses côtés matériels d’art compliqué et de corruption colossale : aussi a-t-il reproduit avec la science d’un antiquaire l’inventaire éclatant ou immonde de cette société au temps des empereurs, et s’est-il perdu dans cette abominable immensité.
Des jeunes gens, ainsi que lui sans renommée alors, ayant comme lui toute leur vie devant eux et sans autre existence que l’avenir, se réunirent, un jour, à l’allemande, au fond d’une vieille maison de la vieille rue du Doyenné, maintenant détruite, dans un but d’amusement, de rêverie, d’art facile et de libre littérature. […] Homme d’imagination plus savante que dévorante, il aimait les choses d’art, les belles étoffes, les armes, les camées, les urnes antiques, tout le bric-à-brac des civilisations lointaines et disparues, qui donnaient à son imagination l’élan fécond qu’elle n’avait pas naturellement.
Elle sait avec art varier leurs berceaux, Elle trouve Moïse au milieu des roseaux. […] Cette simplicité que le poète a trouvée dans une grande délicatesse d’organisation et plus encore dans le sentiment chrétien qui est le fond de sa vie vraie et non pas uniquement de sa vie littéraire, cette simplicité communique à sa poésie quelque chose de la pénétrante grandeur des hymnes de la liturgie qu’il rappelle et le fait arriver à des effets où l’art disparaît plus profondément que dans les chœurs même de Racine.
Procédé mauvais, du reste, contraire à l’art, et qui d’ailleurs n’est pas nouveau ! […] Monde, personnes, choses, faits, inventions, tout cela, dans son roman, est, il faut bien le dire, sans intérêt pour l’imagination difficile, la seule qu’il faille invoquer en fait d’art ou de littérature, et on n’a point une seule fois à dire, pendant la lecture qu’on en fait : « Voilà qui est beau », mais au plus : « Voilà qui est exact », et encore de la plus facile des exactitudes.
Des Égyptiens, les arts passèrent chez les Grecs, et bientôt les éloges naquirent en foule. […] La beauté du climat, en développant leur imagination, leur donnait un caractère enthousiaste et sensible ; la liberté élevait leurs âmes ; l’égalité des citoyens leur faisait mettre un grand prix à l’opinion de tous les citoyens ; la loi, en permettant à chacun d’aspirer aux charges, et de décider des affaires de l’État, leur défendait de se mépriser eux-mêmes ; les arts vils, abandonnés à des mains esclaves, les empêchaient de se flétrir sous les travaux ; les exercices et les jeux les donnaient continuellement en spectacle les uns aux autres ; la multitude des petits États établissait des rivalités d’honneur entre les peuples ; enfin, les grands intérêts et les victoires leur donnaient ce sentiment d’élévation qui aspire à la renommée.
Charles Fuster M. de Bengy-Puyvallée a trouvé des mignardises tout à fait délicates et délicieuses ; il s’est fait un moyen âge exquis, un dix-huitième siècle adorable, — et, à travers tout cela, la passion moderne jette parfois ses cris : l’ensemble est d’une originalité extrême, d’une fine saveur… Nous le répétons, c’est un art très particulier, très subtil et infiniment nuancé.
C’est le Fauca mese d’un cœur simple et droit, qui ignore les artifices et les surprises savantes de l’art raffiné, mais qui pleure franchement et simplement et qui fait pleurer avec lui.
Armand Silvestre Dans le Psautier du Barde, je retrouve l’art très délicat dont la première impression me vint des Fêtes galantes et que certains poèmes de mon ami Laurent Tailhade m’ont rendue, depuis, avec une intensité de grâce latine dont j’ai toujours été puissamment charmé.
Son talent principal consistoit dans l’art de manier adroitement l’ironie.
Blanc, [Jean-Bernard le] Abbé, Historiographe des Bâtimens du Roi, de l’Académie della Crusca, de celle des Arcades de Rome, de l’Institut de Boulogne, Honoraire de la Société académique des Arts de Dijon, sa patrie, né en 1707.
Des vers, certes, et de forts beaux, qui sans être absolument libres, ne s’embarrassent pas d’un « art poétique » de congrégation.
Adorateur & Commentateur de Boileau, il auroit affoibli la gloire de ce Poëte par des détails minutieux & puériles, si le Lutrin, l’Art Poétique & la plus grande partie de ses Ouvrages n’étoient de nature à résister à la fadeur de l’encens.
Son Abdeker ou l’Art de conserver la beauté, est un petit Roman, ou, pour mieux dire, une ingénieuse bagatelle.
« Je le dis à la confusion de mon Art, écrivoit-il à un de ses amis, si les Médecins n’étoient payés que du bien qu’ils font, eux-mêmes n’en gagneroient pastant.
On n’avait pas encore en français, si l’on excepte quelques beaux endroits des Martyrs, d’aussi éclatants produits d’un art tout pur et désintéressé. […] Il avait fait ses trois plus beaux poèmes, Êloa, Moïse, Dolorida : il avait atteint un sommet de l’art au-dessus duquel il ne devait pas s’élever. […] En se brisant par sa faute, elle l’obligea à chercher d’autres points d’appui pour son art, d’autres points de vue. […] Et dans ce qui suit, ou je me trompe fort, on peut trouver une leçon d’art et de goût oratoire, un petit supplément anecdotique à ajouter à toutes les rhétoriques connues. […] Je parle au point de vue de l’art : il est un autre point de vue encore.
— En art il faut réussir, continue Sainte-Beuve, sans écouter… Oui, il faut réussir… Je voudrais que vous réussissiez… Là, une suspension, avec quelques paroles ravalées, qui nous font soupçonner que le livre n’a pas eu de succès dans son entourage, qu’il a peut-être ennuyé la manchote. […] * * * Il est rare que les faiseurs de l’opinion en art et en littérature ne subissent pas la tyrannie des imbéciles : les guides du goût public en sont généralement les domestiques. […] Nous nous sommes sentis là, mordus d’un nouveau goût de raretés, du goût des objets d’art de la nature. […] Jeudi 22 avril À propos de notre article sur Jean-Michel Moreau paru dans la Revue d’art qu’il dirige, nous allons ce matin chez Feydeau, que nous croyons seulement un peu souffrant. […] Car le côté curieux de cette représentation, ce n’est pas la nature telle que vos yeux la voient, c’est la plus jolie, la plus spirituelle, la plus blonde, la plus colorée peinture qui soit, à ce point que, si par un progrès qu’on peut prévoir, on parvenait à fixer ces images colorées, il n’y aurait plus d’art de peindre.
Secret de couturière, art d’arranger les restes. […] Crime contre l’esprit et reniement du plus précieux, la pensée devenue art d’agrément comme la mandoline de la fille de la concierge et, à la fin du compte, voleur volé, fausseté, ennui de qui a si fort voulu ne pas être dupe. […] Elle se fortifie sans cesse dans les journaux et fait échec à la science, à l’art, en s’appliquant à flatter l’opinion dans ses goûts les plus bas : la clarté confinant à la sottise, la vie des chiens. […] Valéry s’y interroge sur les possibilités de renouveau dans les domaines de l’art et de la philosophie : le surréalisme, pour Crevel, semble constituer à cette date une réponse en même temps qu’une discussion des prémisses valéryens : la supériorité de l’intellect, assimilé à l’esprit. […] Il attaque à cette date outre Barrès ceux qui, comme Desnos, ont poussé fort loin l’art du jeu de mots en poésie et récusent le virage politique à l’ordre du jour.
Bossuet n’est pas de ces talents ingénieux qui ont l’art de traiter excellemment des sujets médiocres et d’y introduire des ressources étrangères ; mais que le sujet qui s’offre à lui soit vaste, relevé, majestueux, le voilà à son aise, et plus la matière est haute, plus il va se sentir à son niveau et dans sa région. […] Il est l’Apôtre sans art d’une sagesse cachée, d’une sagesse incompréhensible, qui choque et qui scandalise, et il n’y mettra ni fard ni artifice : Il ira en cette Grèce polie, la mère des philosophes et des orateurs ; et, malgré la résistance du monde, il y établira plus d’églises que Platon n’y a gagné de disciples par cette éloquence qu’on a crue divine. […] Tu arrêtes cette eau d’un côté, elle pénètre de l’autre, elle bouillonne même par-dessous la terre… Après tout, Bossuet est un orateur ; si peu qu’il cherche son art, il en possède et en connaît toute la pratique comme un Démosthène ; ce beau morceau, qui a l’air d’être brusque et soudain, il sait bien qu’il est beau, il le garde et le met en réserve pour le répéter dans l’occasion. — On remarque aussi, jusque dans ses sermons de la grande époque, des expressions non pas surannées, mais d’une énergie propre et qui n’est pas de l’acception commune : « Notre siècle délicieux, qui ne peut souffrir la dureté de la croix » ; pour notre siècle ami des délices. — « C’est vouloir en quelque sorte déserter la Cour que de combattre l’ambition. » Déserter, c’est-à-dire dévaster, rendre déserte (solitudinem facere). — « Il y a cette différence entre la raison et les sens, que les sens font d’abord leur impression : leur opération est prompte, leur attaque brusque et surprenante. » Surprenante est pris ici au sens propre et physique, et non dans le sens plus réfléchi d’étonner et d’émerveiller.
Qu’on veuille se reporter en 1827, au moment où la curiosité critique se dirigeait dans tous les sens, non point par un esprit de simple étude et de connaissance impartiale, mais avec un désir de conquête, d’appropriation, et une honorable avidité de s’enrichir au profit de l’art et, s’il se pouvait, de la création moderne. […] Ce qui était bien certain pour ceux qui tentaient la pratique de l’art en vers, et surtout dans l’ordre lyrique, c’est que les dernières sources trop fréquentées du xviiie siècle, sources de tout temps mélangées et fort minces, étaient taries et épuisées, et qu’il fallait se retremper ailleurs, non pas tant pour les sentiments (on les avait en soi) que pour l’expression, pour la couleur, pour le style. […] Voici une de ces pièces satiriques que je traduis ; ce sont des distiques latins : Tant que tu as bu aux sources d’Aonie ; tant que sur le sommet du Pinde, ô Ronsard, tu as touché avec art la lyre aux onze cordes, ta muse a fait retentir les champs du Vendômois de ses graves accents que Phéhus eût avoués pour siens ; mais dès que tu n’as plus eu souci que de t’engraisser la panse à la manière d’une soyeuse truie, tu as grossi le nombre de ceux qui font les enterrements, qui ressemblent aux frelons, et sont impropres à l’ouvrage.
En tout cela on trouve le même art, le même talent de société déguisé, métamorphosé en cent façons, et jaloux de tirer d’un rien tout ce qui peut donner à une familiarité d’habitude le piquant de la diversité et de l’imprévu. […] Parmi les divers portraits qu’on fit de lui depuis sa mort, il en est un qui est peu connu et qui mérite d’être cité, parce qu’on l’y représente sous un jour assez particulier dans ses relations auprès des femmes et comme pratiquant un art raffiné de fatuité. […] Pourtant on ne peut s’empêcher de remarquer que si Boileau avait ajouté à ses talents de poète et à sa finesse de critique les grâces et le monde de Voiture, son art de vivre sur un pied de familiarité avec les plus grands et de jouer sans cesse avec eux sans s’oublier, il eût mieux ressemblé à Horace.
Ce n’est plus cette fois, ni un Saint-Simon qui nous fait assister à tous les ressorts cachés, à tous les dessous de cartes, dans cet immense jeu d’une Cour à laquelle il laisse du moins, au milieu d’un fouillis sans pareil, son mouvement imposant et sa grandeur ; ce n’est plus un Dangeau nous annotant jour par jour les allées et venues, les entrées et les sorties, les mille détails et incidents du cérémonial ; ce n’est plus une princesse Palatine, duchesse d’Orléans, nous écrivant de Versailles des crudités à faire frémir, sur les princesses du sang qui boivent et fument dans les corps de garde, sur les gênes, les cuissons et les tortures intestines de l’étiquette, et nous donnant le gros menu d’un dîner du Roi ; ce n’est plus même un homme de l’art racontant les détails de la grande opération faite à Sa Majesté en 1686 : ceci est un Journal de la santé, des maladies et des incommodités de Louis XIV, dressé dès son enfance et allant jusqu’en 1711, c’est-à-dire quatre ans avant sa mort. […] Le Roi sait toutes les historiettes de Louis XV, ce qu’il en faut croire et ce qu’il en faut rabattre ; il nous montre le Parc-aux-Cerfs réduit à ses justes et presque modestes proportions ; il nous dit l’emploi que Mme de Pompadour faisait de sa fortune en amie des arts ; il nous livre les comptes de dépenses de Mme Du Barry au luxe effréné. […] Mais il faut en prendre son parti : si l’art était la forme la plus haute sous laquelle l’Antiquité aimait à concevoir et à composer l’histoire, la vérité au contraire est la seule loi, décidément, que les modernes aient à suivre et à consulter.
Les génies purement d’art et de forme, et de phrases, dénués de ce germe d’invention fertile, et doués d’une action simplement viagère, se trouvent en réalité bien moins grands qu’ils ne paraissent, et, le premier bruit tombé, ils ne revivent pas. […] Ce qui commença à rappeler sérieusement l’attention de Gœthe du côté de la France, ce furent les tentatives de critique et d’art de la jeune école qui se produisit surtout à dater de 1824, et dont le journal le Globe se fit le promoteur et l’organe littéraire. […] Imaginez-vous maintenant une ville comme Paris où les meilleures têtes d’un grand empire sont toutes réunies dans un même espace, et par des relations, des luttes, par l’émulation de chaque jour, s’instruisent et s’élèvent mutuellement ; où ce que tous les règnes de la nature, ce que l’art de toutes les parties de la terre peuvent offrir de plus remarquable est accessible chaque jour à l’étude : imaginez-vous cette ville universelle, où chaque pas sur un pont, sur une place, rappelle un grand passé, où à chaque coin de rue s’est déroulé un fragment d’histoire.
Par malheur, pour l’art sérieux, il n’en est pas ainsi ; et, si le poëme épique du moyen âge, en France, n’a pas abouti, ne s’est pas réalisé en un chef-d’œuvre, il est bien plus vrai encore de dire que le Mystère, le drame religieux et sacré, ne s’est finalement résumé et épanoui chez nous dans aucune œuvre vraiment belle et digne de mémoire. […] Mais ce que je nie, même après le plaidoyer de MM. les frères Paris, c’est que l’art ait passé par là, par le travail de l’auteur : il n’y a là dedans qu’un talent de faiseur, une certaine habileté incontestable, et tout à fait comparable à celle d’un de nos dramaturges du boulevard, entendus et rompus au métier. […] C’est encore, pour tout dire, comme si l’on comparait tel ou tel lambeau ou segment de ces vieilles tapisseries ou toiles peintes retrouvées à Reims avec un chef-d’œuvre de Paros : matière et art, tout diffère.
Il est arrivé ainsi à faire un livre d’art autant et plus que d’histoire, et qui suppose chez l’auteur une réunion, presque unique jusqu’ici, de qualités supérieures, réfléchies, fines et brillantes. […] Renan s’en soit tiré à la satisfaction de tous les lecteurs, ni peut-être à la sienne propre, avec sa théorie des « sincérités graduées » et des « malentendus féconds » ; mais il a mis du moins à cette transition, et pour la sauver, tout l’art et toute la ténuité, toute la subtilité d’explication dont un esprit aussi distingué est capable. […] Il semble presque impossible, au point de vue de l’art et en prétendant conserver l’intérêt du récit, d’opérer une réduction quelconque de ce grand drame, consacré dans les imaginations par l’admirable liturgie du Moyen-Age et par tant de chefs-d’œuvre du pinceau.
Nous récusons volontiers les étrangers, comme si, du côté de l’art, ils n’étaient pas, à certain degré, nos juges. […] L’action, l’arrangement dramatique, les caractères, les mœurs, la langue, tout enfin, les vers même offrent les défauts les plus graves ; et la barbarie d’un art qui commence à peine à se former ne suffit pas, il s’en faut, à les excuser. […] Vanter les Athéniens parmi les Athéniens, ce n’est peut-être pas ce qu’il y a de plus difficile, disait Socrate ; mais louer les Athéniens devant les gens du Péloponèse, et réciproquement, cela demande un plus grand art et un plus grand effort.
« C’est ce gouvernement qui a permis à Rome de conquérir l’Italie, et avec l’Italie, comme par le même procédé, le monde. » Quant aux arts de Rome, ils sont, comme ceux de la Grèce, l’image fidèle de son génie. Le génie des Grecs est infini et varié ; il est naturellement délicat ; toutes les formes de l’art y atteignent vite et d’elles-mêmes à la perfection et à la fleur. […] Aussi ne trouve-t-on réellement à Rome, dès le principe, « qu’un seul art grand et original, l’architecture, parce qu’il est le plus utile. » De même « un seul des dons de l’esprit y naît naturellement, y atteint de soi-même tout son développement, et étend son influence sur tous les autres, l’éloquence. » Ici encore, une de ces pages concises et pleines, qui résument toute une perspective et une suite de vues : « Par leur caractère, par leurs institutions, les Romains sont naturellement un peuple, je ne dirai pas éloquent, mais oratoire.
Il semble avoir été écrit en prévision du 18 Fructidor et des déportations prochaines : on n’ose dire pourtant que la Guyane et Sinnamari aient en rien répondu à la description des colonies nouvelles que proposait Talleyrand d’un air de philanthropie, et en considération, disait-il, « de tant d’hommes agités qui ont besoin de projets, de tant d’hommes malheureux qui ont besoin d’espérances. » Il y disait encore, en vrai moraliste politique : « L’art de mettre les hommes à leur place est le premier peut-être dans la science du gouvernement ; mais celui de trouver la place des mécontents est, à coup sûr, le plus difficile, et présenter à leur imagination des lointains, des perspectives où puissent se prendre leurs pensées et leurs désirs est, je crois, une des solutions de cette difficulté sociale. » Oui, mais à condition qu’on n’ira pas éblouir à tout hasard les esprits, les leurrer par de vains mirages, et qu’une politique hypocrite n’aura pas pour objet de se débarrasser, coûte que coûte, des mécontents. […] La grâce, le goût, l’art de l’insinuation, il faut qu’il les ait eus au plus haut degré pour que, dans ses Mémoires sobres et sévères, Napoléon, racontant ce qui se passa à son retour de l’Italie et de Rastadt, et la manière dont il fut accueilli par le Directoire, les fêtes qu’on lui donna, ait songé à distinguer celle du ministre des affaires étrangères. […] Le flair merveilleux des événements, l’art de l’à-propos, la justesse et, au besoin, la résolution dans le conseil, M. de Talleyrand les possédait à un degré éminent ; mais cela dit et reconnu, il ne songeait, après tout, qu’à réussir personnellement, à tirer son profit des circonstances : l’amour du bien public, la grandeur de l’État et son bon renom dans le monde ne le préoccupaient que médiocrement durant ses veilles.
On sait les hautes qualités de M. de Vigny, son élévation naturelle d’essor, son élégance inévitable d’expression, ce culte de l’art qu’il porte en chacune de ses conceptions, qu’il garde jusque dans les moindres détails de ses pensées, et qui ne lui permet, pour ainsi dire, de se détacher d’aucune avant de l’avoir revêtue de ses plus beaux voiles et d’avoir arrangé au voile chaque pli. […] Ce qu’il trouvera, ce ne sera pas sans doute ce que nous savons déjà sur la façon et sur l’artifice du livre, sur ces études de l’atelier si utiles toujours, sur ces secrets de la forme qui tiennent aussi à la pensée : il est bien possible qu’il glisse sur ces choses, et il est probable qu’il en laissera de côté plusieurs ; mais sur le fond même, sur l’effet de l’ensemble, sur le rapport essentiel entre l’art et la vérité, sur le point de jonction de la poésie et de l’histoire, de l’imagination et du bon sens, c’est là qu’il y a profit de l’entendre, de saisir son impression directe, son sentiment non absorbé par les détails et non corrompu par les charmes de l’exécution ; et s’il s’agit en particulier de personnages historiques célèbres, de grands ministres ou de grands monarques que le poëte a voulu peindre, et si le bon esprit judicieux et fin dont nous parlons a vu de près quelques-uns de ces personnages mêmes, s’il a vécu dans leur familiarité, s’il sait par sa propre expérience ce que c’est que l’homme d’État véritable et quelles qualités au fond sont nécessaires à ce rôle que dans l’antiquité les Platon et les Homère n’avaient garde de dénigrer, ne pourra-t-il point en quelques paroles simples et saines redonner le ton, remettre dans le vrai, dissiper la fantasmagorie et le rêve, beaucoup plus aisément et avec plus d’autorité que ne le pourraient de purs gens de lettres entre eux ? […] Une veine d’ironie pourtant, qui, au premier coup d’œil, peut sembler le contraire de l’admiration, s’est glissée dans tout ce talent pur, et serait capable d’en faire méconnaître la qualité poétique bien rare à qui ne l’a pas vu dans sa forme primitive : Moïse, Dolorida, Éloa, resteront de nobles fragments de l’art moderne, de blanches colonnes d’un temple qui n’a pas été bâti, et que, dans son incomplet même, nous saluerons toujours.
. — Diderot a enseigné les mathématiques, dévoré toute science, tout art et jusqu’aux procédés techniques des industries. […] Combien d’autres siècles ensuite pour l’invention des arts les plus nécessaires, pour l’usage du feu, la fabrication des « haches de silex et de jade », la fonte et l’affinage des métaux, la domestication des animaux, l’élevage et l’amélioration des plantes comestibles, pour l’établissement des premières sociétés policées et durables, pour la découverte de l’écriture, des chiffres, des périodes astronomiques341 ! […] Voir sa Langue des calculs et son Art de raisonner.
Alexandre Dumas, avec un art aussi consommé que cruel, dissèque, devant le public, un cœur gangrené. […] Il oublie que la littérature finit où la pathologie commence, que l’analyse d’un caractère ne doit pas empiéter sur la dissection, qu’il est des types et des choses dont l’écrivain doit se garder, comme l’israélite du pourceau et comme le brame du paria : parce que ces choses et ces types ne sont ni de sa compétence ni de son ressort, qu’ils résistent à toutes les purifications de l’art et du style, et qu’il faut les renvoyer au lazaret dont ils dépendent, à la clinique qui les réclame et dont ils sont sujets exclusifs. […] L’art est-il fait pour des expériences si cruelles, pour un désabusement si glacial ?
Je voudrais qu’on en vînt là, même à l’égard des gens de lettres qu’on célèbre au sein des académies : à plus forte raison, quand il s’agit des hommes qui ont cultivé des sciences ou des arts sévères. […] Pour s’en guérir, il devrait suffire de relire dans les anciens éloges ces parties si applaudies autrefois : ce sont celles qui font tache aujourd’hui. — Mlle Mars disait un mot d’un grand sens, et qui a son application dans plus d’un art : « Comme nous jouerions mieux la comédie, si nous ne tenions pas tant à être applaudis ! […] Non pas que je conseille à ceux-ci de ne pas plaire, les jours où ils se produisent ; mais ils ne doivent chercher à plaire qu’en restant eux-mêmes, et tout l’art est dans la mesure20.
Être épicurien, quand on l’est avec art, n’empêche pas d’être habile, et Chaulieu, à partir de ce jour, le prouva. […] Il pensait comme Hamilton24 que, « pourvu que la raison conserve son empire, tout est permis ; que c’est la manière d’user des plaisirs qui fait la volupté ou la débauche ; que la volupté est l’art d’user des plaisirs avec délicatesse et de les goûter avec sentiment ». — « Je suis fait de sentiments et de volupté », disait-il, — De telles maximes supposent bien de l’oisiveté, du raffinement, et tout un art que nos âges de lutte et de labeur ont peine à comprendre.
« Il était insinuant, dit Mme de Motteville ; il savait se servir de sa bonté apparente à son avantage ; il avait l’art d’enchanter les hommes, et de se faire aimer par ceux à qui la Fortune le soumettait. » Il est vrai que c’était surtout dans les difficultés et quand il avait le dessous, qu’il usait de ces dons flatteurs et de ces paroles de miel dont la nature a pourvu cette race prudente et si aisément perfide des Ulysses. […] Pourquoi donc se mettre si fort à admirer ces hommes qui ont tant méprisé les autres hommes, et qui ont cru que le plus grand art de les gouverner était uniquement de les duper ? […] C’est à ces conditions, selon moi, c’est moyennant ces précautions légères, qu’aura gain de cause, auprès même des plus exigeants, ce travail agréable et déjà si goûté, dont je n’ai pu signaler qu’un point essentiel, et qu’anime dans toutes ses parties un heureux sentiment des arts.
On y voit déjà toutes ses qualités, une imagination naturelle et gaie, un style clair et piquant, surtout l’art si difficile de conduire une action et d’enchaîner les scènes. […] Par sa radiation injuste de l’Institut après les Cent-Jours, on fit de lui l’homme de l’opinion, et il profita avec art de ce revirement inattendu : « Il est des injustices si criantes, disait-il, qu’il y a une certaine douceur à les subir ; le public vous rend alors bien plus que l’autorité ne vous ôte. » Il est vraiment curieux de considérer ce fonds du vieux parti libéral à sa naissance, de voir quels en furent les premiers fondateurs, et d’où ils étaient sortis. […] Racine, par exemple, y dit à Cavois : On le voit aisément, vous vivez à la Cour, Où la grâce et l’esprit ont fixé leur séjour ; Vous nous en retracez l’exquise politesse, Et cet art de louer avec délicatesse.
Ainsi parlent les athénées, les sorbonnes, les chaires assermentées, les sociétés dites savantes, Saumaise, successeur de Scaliger à l’université de Leyde, et la bourgeoisie derrière eux, tout ce qui représente en littérature et en art le grand parti de l’ordre. […] Ils vous apportent un art farouche, rugissant, flamboyant, échevelé comme le lion et la comète. […] Les rhétoriques, inquiètes des contagions et des pestes qui sont dans le génie, recommandent avec une haute raison, que nous avons louée, la tempérance, la modération, le « bon sens », l’art de se borner, les écrivains expurgés, émondés, taillés, réglés, le culte des qualités que les malveillants appellent négatives, la continence, l’abstinence, Joseph, Scipion, les buveurs d’eau ; tout cela est excellent ; seulement il faut prévenir les jeunes élèves qu’à prendre ces sages préceptes trop au pied de la lettre on court risque de glorifier une chasteté d’eunuque.
L’art de faire les lois est un art difficile que les sociétés démocratiques ne possèdent que rarement. […] Les sciences tournent à l’utilité ; les arts ne recherchent que le petit et le joli, quand ils ne poursuivent pas le grossier.
Mais elle a eu peu de peintres de l’art pour l’art, pour la vérité seule de la peinture. […] Je les trouve absolument contraires au but que l’Art doit atteindre dans un roman.
Vous détachez cette faculté égoïste et politique, et vous en déduisez aussitôt tous les caractères de la société et du gouvernement romain, l’art de combattre, de négocier et d’administrer, l’invincible amour de la patrie, le courage orgueilleux et froid, l’esprit de discipline, le projet soutenu et accompli de conquérir, garder et exploiter le monde, le respect de la loi, le talent de la résistance et de l’attaque légale, la mesure et l’obstination dans les luttes civiles ; partout la réflexion qui calcule et la volonté qui se maîtrise. De ce groupe de dispositions morales, on peut déduire tous les détails importants de la constitution romaine ; et il se déduit lui-même de la faculté égoïste et politique que vous avez d’abord détachée. — Portez-la dans la vie privée : vous verrez naître l’esprit intéressé et légiste, l’économie, la frugalité, l’avarice, l’avidité, toutes les coutumes calculatrices qui peuvent conserver et acquérir, les formes minutieuses de transmission juridique, les habitudes de chicane, toutes les dispositions qui sont une garantie ou une arme publique et légale. — Portez-la dans les affections privées : la famille, transformée en institution politique et despotique, fondée, non sur les sentiments naturels, mais sur une communauté d’obéissance et de rites, n’est plus que la chose et la propriété du père, sorte de province léguée chaque fois par une loi en présence de l’État, employée à fournir des soldats au public. — Portez-la dans la région : la région, fondée par l’esprit positif et pratique, dépourvue de philosophie et de poésie, prend pour dieux de sèches abstractions, des fléaux vénérés par crainte, des dieux étrangers importés par intérêt, la patrie adorée par orgueil ; pour culte une terreur sourde et superstitieuse, des cérémonies minutieuses, prosaïques et sanglantes ; pour prêtres des corps organisés de laïques, simples administrateurs, nommés dans l’intérêt de l’État et soumis aux pouvoirs civils. — Portez-la dans l’art : l’art, méprisé, composé d’importations ou de dépouilles, réduit à l’utile, ne produit rien par lui-même que des œuvres politiques et pratiques, documents d’administration, pamphlets, maximes de conduite ; aidé plus tard par la culture étrangère, il n’aboutit qu’à l’éloquence, arme de forum, à la satire, arme de morale, à l’histoire, recueil oratoire de souvenirs politiques ; il ne se développe que par l’imitation, et quand le génie de Rome périt sous un esprit nouveau. — Portez-la dans la science : la science, privée de l’esprit scientifique et philosophique, réduite à des imitations, à des traductions, à des applications, n’est populaire que par la morale, corps de règles pratiques, étudiées pour un but pratique, avec les Grecs pour guides ; et sa seule invention originale est la jurisprudence, compilation de lois, qui reste un manuel de juges, tant que la philosophie grecque n’est pas venue l’organiser et le rapprocher du droit naturel.
Émile Strauss Sur un avis appréciatif de l’art poétique de M.
Ses Ouvrages de Médecine ne sont pas de notre ressort ; mais l’Histoire qu’il a composée de cet Art, lui donne une place parmi les Gens de Lettres les plus éclairés.
l’Abbé Foucher joint le mérite des recherches à l’art de les mettre en œuvre, & à celui de les rendre agréables, intéressantes à la lecture.
. — Dans le monde de l’art (1898)