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23. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

On a, dans ce recueil de fables et de récits dont le Renard est le héros, un assemblage de bien des types et des personnages qui ont couru depuis sous d’autres noms. […] C’est l’ensemble de ces récits, appelés branches, qu’un érudit estimable, M.  […] Tels qu’ils sont, ces récits en vers du Renart, ouvrage de divers auteurs, la plupart anonymes, plaisent, amusent, rebutent et dégoûtent quelquefois, mais instruisent toujours sur les mœurs et les opinions de nos pères. […] Commençons par un de ces récits quelconques où Renart figure, et prenons-en un où il y ait de l’agrément, et pas trop d’allégorie ou de satire. […] Je n’ai fait dans tout ce récit que suivre fidèlement mon auteur, et j’ai ôté plutôt au piquant, que je n’y ai ajouté.

24. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

C’est alors, sur les défis du magicien, que commence le récit des aventures de Lohengrin, Wolfram ayant chassé le démon en faisant le signe de la croix. […] , le récit qui termine l’œuvre (chant XVI, à partir de la strophe 823), a dû servir de cadre primitif au poème de Lohengrin. […] C’est ainsi que la douce femme perdit son époux. » Ce court récit de Wolfram est conforme à la version française septentrionale. […] Dans ce récit, Lohengrin s’appelle Hélias et Elsa Béatrix. […] Pendant la plainte d’Amfortas et le récit des malheurs du Gral, elle semble prise d’un tremblement farouche, et se tourne et se retourne sur la terre, comme une possédée.

25. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET (La Confession d’un Enfant du siècle.) » pp. 202-217

L’auteur, en avançant dans son récit, a fait maintes fois autre chose que ce qu’il avait projeté d’abord ; la débauche y tient moins de place que dans le projet primitif, j’imagine. […] Là où M. de Musset excelle, et là où nous le retrouvons avec tout son charme et son avantage, c’est dans le récit légèrement dramatique, coupé avec art, svelte d’allure, brillant de couleur et animé de passion. […] Le style de M. de Musset, dans la Confession, est, comme il l’est en général dans sa prose, vif, net, court, transparent ; le tour aisé et concis, surtout dans les récits du second volume, se ressent de la prédilection que l’auteur affiche pour Candide et Manon Lescaut. […] Au fond il est bien clair aujourd’hui que cette Confession n’est que le récit, un peu voilé et dépaysé, du roman réel qui a fourni depuis le sujet de ces autres romans, à peine voilés et déguisés, Elle et Lui par George Sand, Lui et Elle par M. […] Il ne reste plus à présent, pour démêler le vrai dans ce conflit de récits passionnés et même envenimés, qu’à attendre la publication des lettres écrites par les deux acteurs en jeu, lettres contemporaines des événements, et dont quelques-unes au moins ont été conservées soit par la personne survivante intéressée, soit par des tiers.

26. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

À quoi se réduit l’idée génératrice qui anime et gouverne tout le récit ? […] Hugo dans le reste du récit. […] Sandeau, lire le récit de leur vie. […] Richard est un récit dont l’intérêt ne saurait être contesté. […] À proprement parler, c’est plutôt un programme de récit qu’un récit achevé.

27. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

De ses récits comparés à ceux des historiens de l’antiquité. — § VIII. […] Il n’est pas, en effet, de petite affaire dans son récit, parce qu’il n’en est pas une qui ne mette en jeu quelque passion. […] Il se commet, à son insu, dans plus d’un récit, parce qu’au lieu d’avoir vu les choses de la galerie, il y a été mêlé de sa personne, et qu’il a sa part du ridicule qu’il observait. […] Des récits de Saint-Simon comparés à ceux des historiens de l'antiquité. […] Mais les récits de Saint-Simon n’ont pas cette brièveté de Tacite, si pleine et si éloquente, ni cet art merveilleux qui donne à l’histoire l’intérêt d’un récit et l’aspect saisissant d’un tableau, ni ces profondes maximes qui en sont la moralité, et où Tacite est sans égal.

28. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

Pelleport ne cherche pas à se donner dans son récit un enthousiasme qu’il n’a pas. […] On saisit parfaitement dans le récit de Pelleport cette transformation presque soudaine, mais qui pourtant a ses degrés. […] Le récit qu’il fait de cette expédition a son prix sous sa plume. […] Il le fera, et dans un récit qui, sur quelques points, atteint, à force de simplicité, à l’émotion. […] Son récit ne s’arrête pas là, à cette fin des grandes guerres, il s’étend aux Cent-Jours, à la Restauration et au régime qui a suivi.

29. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

C’est sous le nom de Lucius, qui était celui d’un précédent narrateur, qu’Apulée commence son récit, et il confondra plus d’une fois, en avançant, son propre personnage avec l’original qu’il revêt. […] Selon lui, tout ce que l’imitateur latin a ajouté au premier récit du Lucius grec n’est qu’un insipide développement, « une pitoyable amplification » ; ce ne sont que hors-d’œuvre, inepties et sottises. […] La voilà, cette occasion tant souhaitée, tes vœux constants se réalisent ; tu vas te rassasier le cœur de tous ces récits merveilleux. […] Mais Apulée n’y met pas tant d’intention et se contente d’une malice générale qui circule, et que le lecteur sent ou néglige selon qu’il lui plaît : lui, il ne songe qu’à bien conter avant tout, à donner du mouvement à ses récits et à être plaisant. […] Ne demandez pas la raison à ces récits et à ces jeux de l’enfance et du caprice.

30. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

En la lisant, on se rend un compte exact de ce qu’a été ce grand désastre dès l’origine et dans ses dernières conséquences, bien mieux encore qu’en lisant des récits plus généraux et plus étendus. […] Depuis lors son récit n’est plus que l’histoire de ce régiment et du 3e corps, dont il fait partie. […] Les moindres incidents de cette seconde moitié de la marche sont à suivre dans le récit de M. de Fezensac. […] Mais le récit de M. de Fezensac, en devenant un peu moins particulier, ne perd pas pour cela en intérêt. […] Les réflexions morales se pressent durant ce récit, dont j’ai encore omis bien des particularités saisissantes.

31. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

Avec les romantiques, l’intérêt passe des faits aux mœurs, à la couleur : de récit apocryphe le roman historique devient ou prétend devenir peinture exacte, évocation : c’est l’éveil du sens historique. […] Dès lors, elle ne s’arrête plus : chaque année, pendant quarante ans, elle donne un ou deux romans, des nouvelles, des récits biographiques ou critiques. […] A peine touche-t-elle à la France par le fameux récit de la bataille de Waterloo : récit d’un homme d’expérience, original et saisissant par la médiocrité voulue et l’insignifiance expressive du détail. […] En réalité le roman de Mérimée est essentiellement objectif : il se répand autour de son sujet, mais le récit lui-même est impersonnel. […] Il se plaît à déconcerter nos intelligences, à troubler nos nerfs, par des récits étranges, qui nous laissent dans le doute, si nous avons affaire à un mystificateur ou réellement à un miracle.

32. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Tous ses ouvrages, pour ne parler que des excellents, sont des récits en action. […] La même brièveté donne à la morale l’air d’aphorismes tirés de quelque poète gnomique et adaptés à un petit récit. […] J’aime mieux celui qui pense d’abord au récit ; la morale y est ce qu’elle peut. […] Plus d’une fable n’est qu’un récit sans interlocuteur et sans dialogue. D’autres sont mélangées de description et de récit.

33. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

On peut voir, d’après cette publication et les discussions intéressantes auxquelles elle a donné lieu2, jusqu’à quel point Froissart a tenu ce qu’il promettait au début, de ne rien introduire dans le récit de son devancier ni de n’en rien retrancher qui pût l’altérer, mais seulement de le multiplier et accroître autant qu’il le pourrait. […] La bataille de Poitiers (1356), par laquelle il débute dans la partie originale de son récit, est de tout point, comme on le verra, un chef-d’œuvre. […] C’est plaisir de les écouter tous les deux, chacun faisant son échange et payant les récits de l’autre par quelque beau récit en retour. […] ci vous ne les perdrez pas, car toutes seront mises en mémoire, en récit et chronique dans l’histoire que je poursuis, si Dieu m’accorde que je puisse retourner sain et sauf dans la comté de Hainaut et en la ville de Valenciennes dont je suis natif. […] Ce sont là des inconvénients inévitables ; mais l’extrême et passionnée curiosité de Froissart était une sorte de remède et de garantie contre la partialité même, s’il y avait été enclin ; car il n’était pas homme à se boucher une oreille, ni à retenir un récit qui lui aurait été conté, ce récit eût-il dû contredire sur quelque point une autre version précédente.

34. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

C’est la première bataille à laquelle assista Commynes, et rien n’est piquant comme le récit qu’il en fait. […] Environ un siècle auparavant, Froissart, le dernier des historiens du Moyen Âge et le plus brillant, décrivait la bataille de Poitiers (1356) dans un récit tout à fait épique et grandiose. […] L’ironie de Commynes se joue dans ce premier récit ; c’est cette ironie que nous cherchons, et non l’affaire en elle-même, qui ne nous importe guère. […] Le nom de Tacite se présente ici naturellement avec l’image de Tibère s’enfermant dans l’île de Caprée ; mais le récit de Tacite est d’un caractère à la fois plus atroce et plus grand. […] Il reprend sa supériorité d’historien là où il assiste en personne, dans le détail des négociations de Venise et dans le récit de la bataille de Fornoue.

35. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

Chaque récit est composé comme un drame, avec son exposition, ses péripéties, son dénouement. […] La moralité, je veux dire la formule morale dont le récit est l’illustration exacte, passe assurément au second plan. Tantôt elle est en tête, ou en queue, selon le caprice du poète, tantôt elle est double, tantôt elle est absente : deux récits se juxtaposent pour une seule morale. Souvent le récit exquis, original, amène une moralité insignifiante ou banale. […] Au reste, il n’y a pas à nier que la morale qu’on peut tirer des Fables, tant des moralités que des récits, est une morale épicurienne.

36. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

Je le crois, et pourtant, en ce qui est de la véritable Elvire, un récit fidèle et simple, où l’homme se souviendrait de tout et dirait tout, serait, je le répète, d’un grand prix et pourrait être encore d’un grand charme. Ici, dans Raphaël, nous voyons tout d’abord que ce n’est point un tel récit que l’auteur prétend nous donner, et que nous devons attendre. […] Ce récit s’intitule : Pages de la vingtième année. […] Je ne relève ces premiers détails que pour montrer que nous ne pouvons nous attendre, dans ce récit en prose, à trouver toute la vérité et la réalité sur un sujet qui, simplement exposé, nous intéresserait tant. […] Allons au fond de notre critique et dégageons toute notre pensée : l’auteur de Raphaël, dans cette partie délicate de son récit, a voulu tout nous dire, et il n’a pas osé.

37. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Un grand voyageur de commerce »

Ses récits en seraient beaucoup plus émouvants ; et nous aurions beaucoup plus de plaisir, nous mettrions plus de promptitude à y croire. […] Mais, comme j’ai dit, ces récits et ces descriptions sont étrangement dénués de simplicité. […] Ce qui donne encore un air d’artifice à plus d’une page du célèbre explorateur, c’est ce qui aurait pu, tourné autrement, ajouter à la beauté de son récit : ce sont les ressouvenirs de son éducation protestante. Ce n’est peut-être pas sa faute, mais il y a dans son livre, au lieu des involontaires et simples effusions religieuses qu’on y aimerait, il y a comme des morceaux de prêche, très emphatiques et compassés, et qui, dans le récit d’une entreprise commandée par des intérêts si évidemment et si pleinement terrestres, étonnent et semblent plaqués.

38. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Il ne commence son récit qu’à l’arrivée à Riom, et lorsqu’on est sur la terre d’Auvergne. […] Il veut introduire de l’agrément en tout et partout, même dans le récit des plus grands crimes. […] Dongois, rédigea à son retour à Paris, et par curiosité, un récit de ce qui s’était passé à Clermont. […] Je le demande, ce récit n’est-il pas signé de Fléchier, à chaque ligne, par le bel esprit symétrique et par l’antithèse ? […] Les honneurs des Grands Jours sont et devaient être dans le récit de Fléchier pour M. de Caumartin son Mécène.

39. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Feuillet de Gonches »

Dans cette dédicace qui sert de préface à son livre, Feuillet nous a fait l’histoire de ces récits qu’il reprend en sous-œuvre aujourd’hui. […] Il ne s’agit ici ni des traditions qui peuvent plus ou moins éclairer le berceau des peuples, ni des ressemblances de récit qui attestent les analogies intellectuelles du genre humain. […] il s’agit simplement pour nous des Contes d’un vieil enfant 30 à des enfants plus jeunes, et surtout d’impression profonde et sincère, et voilà pour quoi nous croyons que les contes en question auraient gagné à avoir une origine plus obscure et moins savante ; car, en fait de récits merveilleux et de légendes, tout ce qui nous vient par les livres nous vient diminuant. […] Nous sommes, nous, de ceux-là qui croient que rien ne vaut, pour un conteur, le premier récit, le récit immédiat, cueilli n’importe où, mais en dehors des livres et de leurs abominables coquetteries, savantes ou littéraires.

40. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Seulement, voici, pour moi, ce qui est intéressant et curieux : Ragotin abonde en récits, en narrations, naturellement   je dis naturellement, puisque La Fontaine suivait un peu le texte de Scarron et que le texte de Scarron est tout en récits   d’autre part, comme La Fontaine est un narrateur admirable et comme il connaît son talent à cet égard, il ne s’est pas refusé de traduire en vers quelques-uns des récits de Scarron, et ce petit travail que vous pouvez trouver futile, frivole, était estimé des gens du dix-septième siècle, très estimé même. […] De ces récits qui sont très divertissants, je ne vous en citerai qu’un parce qu’il faut se borner ; je vous citerai la chevauchée de Ragotin et l’âne tué. […] » Et Ragotin fait piteusement le récit de son équipée. […] Ce sont des vers tout à fait dans la manière de Molière jeune, de Molière faisant le récit de l’Etourdi, par exemple, ou aussi dans la manière de Corneille faisant le récit du Menteur, des vers de récit comiques ; je n’ai pas besoin de vous dire qu’un très grand poète moderne a introduit d’excellents récits comiques dans des pièces du reste fort intéressantes et même admirables. Ces récits comiques étaient tout à fait dans la manière du dix-huitième siècle, et vous voyez comme La Fontaine y réussit.

41. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

» N’y a-t-il pas là mieux qu’un récit, un apologue ? […] Avec beaucoup d’habileté il a coupé, sans l’interrompre, les pages de son récit par des tableaux, des croquis d’après nature de grand intérêt. […] L’action de ces récits est tellement serrée qu’il est difficile d’en donner un extrait significatif. […] En effet, on y trouve bien des récits d’événements, des appréciations d’un intérêt souvent piquant, mais rien qui ne puisse être dit et écrit. […] Il est impossible de contenir son admiration en lisant le récit de la façon dont fut conçu le plan d’Austerlitz.

42. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Dans les trouvères la finesse naïve du récit tient la place du talent poétique. […] De tels récits, sans doute, laissent à désirer. […] Je ne veux pas entrer dans le récit de cette guerre ; elle dura vingt ans. […] Tout est gigantesque dans ce récit. […] Par la vivacité et la vérité du récit il intéresse plus encore.

43. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Que le moraliste aille en droite ligne vers la conclusion, et abrège le récit pour s’arrêter dans la maxime ; le poëte suivra avec complaisance la ligne onduleuse de la passion, et développera le récit en s’attardant autour des détails vrais. […] Vous allez la suivre dans les récits, les descriptions et les discours. […] Tout récit, tout discours, toute description, tout ensemble de récits, de descriptions et de discours, concourt à un effet, et n’a son prix et son entrée dans la fable que parce qu’il concourt à cet effet. […] La fable du bûcheron la montre dans le récit. […] Tout d’abord il est frappé du « portrait fidèle » par lequel commence le récit.

44. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Le tome xiie , qui est d’un volume plus considérable, renferme trois livres, — le premier qui a titre : « Blocus continental », où sont exposées les mesures relatives à cet immense système prohibitif, et les démêlés avec la Hollande dont elles sont l’occasion ; — un second livre qui a pour titre : « Torrès-Vedras », et un troisième, « Fuentes d’Onoro », contiennent principalement le récit de Pexpédition de Masséna en Portugal (1810-1811), mais aussi toutes les opérations militaires et autres en Espagne, et de plus les premiers préparatifs de Napoléon vers le Nord contre la Russie. […] Mais j’ai lu trop attentivement ces derniers volumes, et je me suis remis par là trop avant dans le train du récit et dans le procédé de l’historien pour n’en pas dire encore une fois ma pensée et d’une manière directe. […] Thiers, font mieux dans le cours même du récit. […] Je comprends que lorsqu’on a à écrire, non pas seulement quelques pages, mais des volumes tout entiers, et à fournir un long cours de récit, on ne se laisse pas trop aller à ces bonnes fortunes qui tentent, que l’on choisisse de préférence un ton simple, uni, qu’on s’y conforme et qu’on y fasse rentrer le plus possible toutes choses, au risque même de sacrifier et d’éteindre quelques détails émouvants. […] Il n’y a là ni victoire ni grand désastre, rien de ce qui parle à l’imagination ; ce ne sont que journées pénibles : cependant il n’est aucun récit plus attachant et plus instructif dans toute l’Histoire de M. 

45. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. Ve et VIe volumes. »

Sans doute, en le lisant, il est bien vrai qu’on sent naître en soi une idée de nécessité qui subjugue ; dans l’entraînement du récit on a peine à concevoir que les événements aient pu tourner d’une autre façon, et à leur imaginer un cours plus vraisemblable, ou même des catastrophes mieux motivées ; la nature humaine, ce semble, voulait que les choses se passassent dans cet ordre, que les partis se succédassent dans cette génération ; étant donnée chaque crise nouvelle, on dirait qu’on en déduit presque irrésistiblement la suivante, et qu’on procède à chaque instant par voie de conclusion, du présent à l’avenir : non pas, au moins, que dans sa manière purement narrative ; M.  […] Initié à la raison des choses, le lecteur n’aurait qu’à se laisser aller de toute sa conviction au récit, et à reposer son intelligence dans le spectacle à la fois varié et continu qui se produirait sous ses yeux par un développement nécessaire, et qu’il ne pourrait s’empêcher de voir ni de comprendre. […] Que si cependant, par suite de certaines circonstances, l’homme ou plutôt la majorité des hommes qui forment une société vient à se prendre d’une passion unique et violente ; si cette société, comme il arrive en temps de révolution, en proie à une idée fixe, s’obstine à ce qu’elle prévaille, et, irritée des obstacles, n’y répond que par une volonté d’une énergie croissante, n’est-il pas évident alors que l’historien peut et doit tenir compte de cette disposition morale, désormais ordonnatrice toute-puissante des événements, la mêler à chaque ligne de ses récits, et les pénétrer, les vivifier tout entiers de cette force des choses, qui n’est après tout que la force des hommes ? […] Ses taches nombreuses disparaissent sans doute et pour ainsi dire s’effacent parmi tant de mouvement et d’éclat ; mais qu’il eût été moins incorrect et négligé, loin de distraire du récit, il l’eût mieux fait ressortir encore : la pensée de l’écrivain, qui quelquefois s’affaiblit dans ses formes indécises, eût été plus sûre, gravée de la sorte, d’arriver pleinement intelligible et franche à cet avenir auquel elle a droit de s’adresser.

46. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

L’art du narrateur a été, dans ce vaste récit, tout en ne sacrifiant rien de l’action principale, de maintenir la part singulière de ces figures héroïques et de les détacher, de les ramener à temps ; il y a là un grand talent de composition sans qu’il y paraisse. Il entrelace tous ses récits et les retrouve quand il le veut. […] Froissart, dans sa netteté de récit, n’oublie rien. […] Je ne sais si cette pensée d’un rapprochement funèbre est venue à l’esprit de Froissart ; elle semble comme négligemment touchée dans les paroles qui concluent le récit, et, qu’il l’ait eue ou non, il met le lecteur à même d’achever et de tirer toute la réflexion morale. […] Cela est surtout vrai pour Poitiers : c’est le premier récit de bataille, tout à fait développé.

47. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la révolution française — I. La Convention après le 9 thermidor. »

Thiers continue le récit de la Révolution depuis le 9 thermidor et le poursuit jusqu’à la fin de l’année 1796 ; il nous donne la dernière moitié de la Convention et le commencement du Directoire. […] Telle qu’elle se peint dans le récit de l’historien, la seconde moitié de la Convention ne dépare pas la première, elle en est digne, et quoique le jugement dans notre esprit ne soit pas pleinement un éloge, c’est encore moins une injure. […] Thiers en fait jaillir autant d’instruction que d’intérêt ; son récit est à la fois un drame et une leçon, sans jamais cesser d’être un récit, tant il a su y mettre de compassion et d’impartialité tout ensemble. […] Thiers l’a rêvé aussi, ce rôle idéal ; il s’en fait l’interprète pour tous, et de même que dans les chants du chœur antique, dans ces vœux, ces prières, ces conseils jetés au milieu de l’action sans la hâter ni la ralentir, le spectateur aimait à entendre le cri de la nature humaine et à reconnaître ses propres impressions, de même, en lisant l’historien, on éprouve une vive et continuelle jouissance à retrouver partout l’accent simple et vrai d’une émotion qu’on partage et à sentir un cœur d’homme palpiter sous ces attachants récits.

48. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 45, de la musique proprement dite » pp. 444-463

De-là sont nées les chansons ; et l’observation qu’on aura faite, que les paroles de ces chansons avoient bien une autre énergie lorsqu’on les entendoit chanter, que lorsqu’on les entendoit déclamer, a donné lieu à mettre des récits en musique dans les spectacles, et l’on en est venu successivement à chanter une piece dramatique en entier. […] Il est donc une verité dans les récits des opera, et cette verité consiste dans l’imitation des tons, des accens, des soûpirs, et des sons qui sont propres naturellement aux sentimens contenus dans les paroles. […] Peut-être que les bruits de guerre de Thesée, les sourdines d’Armide, et plusieurs autres symphonies du même auteur auroient produit de ces effets qui nous paroissoient fabuleux dans le récit des auteurs anciens, si l’on les avoit fait entendre à des hommes d’un naturel aussi vif que des atheniens, et cela dans des spectacles où ils eussent été émus déja par l’action d’une tragédie. […] Qu’on se figure donc quelle comparaison Vossius auroit faite des cantates et des sonates des italiens avec les symphonies et les récits de Lulli, s’il les eut connus, lorsqu’il écrivit le livre dont je parle. […] Elles se contentent que ses chants soient variez, gracieux, et il leur suffit qu’ils expriment en passant quelques mots du récit.

49. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

qui forment récit. […] Aucun auteur ne renseigne plus pleinement et plus abondamment, par des traits véritables sur ses créatures, ne se propose plus ouvertement pour but de les révéler par des récits et des scènes inventés à une plus parfaite imitation de ce que présente la vie, même à un observateur attentif. […] D’autres avant lui ont tracé, d’un coup, des profils et des tableaux également saisissants ; il n’est unique qu’en sa manière de montrer des vies entières, de décrire peu à peu par une lente accumulation de scènes, de récits et d’indications, toute l’évolution vitale, en ses variations, ses écarts et sa particularité permanente d’un être conduit d’un bout à un autre d’une partie ou du tout de sa carrière. […] Chacun de ces personnages primordiaux, ceux encore que nous négligeons de citer, présentés sans cesse, se témoignant vivants en des incidents toujours renouvelés et produits non tant par la marche même du récit, que par le besoin où est l’auteur, où ils sont pour ainsi dire eux-mêmes, de manifester et d’être manifestés, apparaissent par la constance même de leur mise en évidence, comme irrécusablement existants. […] Par ces procédés d’un art imparfait et ramassé, les scènes et les récits, les épisodes, les digressions, les crises de pensées, les actes et les échecs s’entrelacent en ces étranges romans comme un faisceau de lianes.

50. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

C’est là que nous la trouvons au moment où la Révolution éclate : elle en fut témoin, une des patientes et des victimes, victime non immolée toutefois, et qui survécut assez pour être une des belles indignées qui se vengèrent par un récit où elles mirent leur âme. […] cette dernière relation (Souvenirs de quarante ans, récits d’une dame de Mme la dauphine) est bien touchante, bien sentie, très modérée de ton, très habile ; seulement, il y a sous-main, cela est trop sensible, un arrangeur, un rédacteur autre que Mme de Béarn elle-même ; et dès lors je suis inquiet, je conçois des doutes, je pense à M.  […] Il faut voir dans ses récits la suite de ses effrois et de ses stratagèmes de toute sorte, dont le résultat fut de sauver l’infortuné marquis. […] Ce marquis de Champcenetz, frère aîné de l’aimable mauvais sujet, fait dans tout ce récit, on en conviendra, une assez triste figure. […] Il y a même à ce sujet deux ou trois particularités qui seraient piquantes, mais qui n’ont d’autorité pour elles que celle de l’éditeur anglais qui a continué le récit : nous aurions besoin, pour nous y arrêter, que Mme Elliott nous l’eût dit elle-même.

51. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

La ville de Tartas, etc. » Et il poursuit son récit sur d’autres points. […] Il commence par un tableau circonstancié des dernières années de Louis XIV : ici, malgré les imitations et les emprunts que nous allons signaler, on sent dans le récit de Duclos une vive impression personnelle, qui y donne le mouvement. […] Ne trouvant pas, apparemment, assez de vivacité à ce récit de Saint-Simon et à ce discours indirect, il le met en scène, en dialogue ; il suppose les paroles mêmes des deux personnages et leur prête à tous deux de sa familiarité. […] Voici ce récit, refait par Duclos d’après Saint-Simon : Sire, lui dit-elle, je ne vous trouve pas aussi bon visage qu’hier, vous avez l’air triste : je crois qu’on vous donne du chagrin […] Duclos, dans la suite de son récit, ne quitte Saint-Simon, ou plutôt n’est abandonné de lui qu’à la date de 1723, à la mort du duc d’Orléans et à l’époque du ministère de M. le Duc.

52. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Mais si c’est le père du duc d’Anguien qu’on nous présente, nous sommes un peu fâchés de voir le récit d’une partie de la guerre de Trente ans tourner autour de ce médiocre personnage. […] J’ai lu, pour ma part, avec une sorte d’admiration mêlée de pitié ce récit de l’éducation d’un prince. […] Oui, c’est bien lui qui eut le principal honneur de la journée : il est impossible d’en douter après le récit de M. le duc d’Aumale. […] Je recueille, à travers le long récit de M. le duc d’Aumale, les quelques phrases qui concernent Gassion : elles ne lui attribuent qu’un rôle effacé et tout subalterne. […] On pourrait retrancher toutes les phrases où celui-ci est nommé sans enlever au récit rien d’essentiel.

53. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Le tour en est vif, les détails piquants, la langue facile et claire c’est toujours ce don du récit, qui, dans les lettres, est tout le génie de nos pères. Mais il manque à ce recueil ce qui fait le principal mérite des récits qui touchent au licencieux, je veux dire la grâce et la délicatesse qui en déguisent les traits les plus grossiers, et permettent de s’en amuser sans embarras. […] Les récits sont suivis d’entretiens auxquels toute la compagnie prend part. […] Elle règle l’ordre des récits, elle discute les points délicats, elle décide les difficultés d’amour et de morale ; sa gravité, sa réputation de vertu, donnent beaucoup de poids à ses avis. […] Pour le fond des récits, comme pour l’arrangement, Marguerite cherche visiblement à ressembler à Boccace.

54. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Ce sont des récits par allusions. […] Anatole France, sont des récits établis aussi sur des documents. […] Ces récits, M.  […] La portion historique du récit recule à l’arrière du tableau. […] Louis Bertrand situe son récit.

55. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Thiers professe dix fois lui-même avec un esprit plus hautain que juste dans le récit et dans la discussion du Concordat. […] Ce n’est plus l’histoire, c’est le catéchisme du droit des gens ; entre Grotius et Tacite il y a la différence d’un traité à un récit. […] Nous ne saurions trop le répéter : le récit est admirable, mais un récit doit faire penser. Pour qu’un tel livre fût parfait, il faudrait que le récit fût écrit par M. Thiers et que la moralité du récit fût écrite par Bossuet.

56. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

Thucydide a introduit le langage d’une prose sévère aussi bien dans ses harangues que dans ses récits. […] L’histoire narrative elle-même l’emploie dans ses récits et ses tableaux. […] Guizot ; seulement ils y sont fondus, comme il convient au genre, dans la trame du récit et dans l’unité de la composition. […] Telle est la véritable philosophie de cette histoire ; elle n’a rien de commun avec les classiques récits de l’antiquité. On le voit bien dans le récit que nous a fait M. 

57. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

S’il faut en croire un récit, le grand-prêtre alors l’aurait adjuré de dire s’il était le Messie ; Jésus l’aurait confessé et aurait proclamé devant l’assemblée la prochaine venue de son règne céleste 1107. […] Son récit, en effet, est en parfait accord avec ce que l’histoire nous apprend de la situation réciproque des deux interlocuteurs. […] Alors eut lieu, selon tous les récits, une scène révoltante. […] Dans le récit de Jean, Jésus se nomme lui-même. […] Il est probable que c’est là une première tentative d’« Harmonie des Évangiles. » Luc aura eu sous les yeux un récit où la mort de Jésus était attribuée par erreur à Hérode.

58. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

La duchesse de Duras avait récemment composé d’agréables romans ou nouvelles qui avaient été très goûtés dans le grand monde ; elle avait de plus fait lecture, dans son salon, d’un petit récit non publié qui avait pour titre Olivier. […] Le défaut de Beyle comme romancier est de n’être venu à ce genre de composition que par la critique, et d’après certaines idées antérieures et préconçues ; il n’a point reçu de la nature ce talent large et fécond d’un récit dans lequel entrent à l’aise et se meuvent ensuite, selon le cours des choses, les personnages tels qu’on les a créés ; il forme ses personnages avec deux ou trois idées qu’il croit justes et surtout piquantes, et qu’il est occupé à tout moment à rappeler. […] Il se demandait s’il pourrait intituler ce recueil : « Historiettes romaines, fidèlement traduites des récits écrits par les contemporains, de 1400 à 1650. » Son scrupule (car il en avait comme puriste) était de savoir si l’on pouvait dire historiette d’un récit tragique. […] Dans une autre nouvelle de lui, San Francesco a Ripa, imprimée depuis sa mort (Revue des deux mondes, 1er juillet 1847), je trouve encore une historiette de passion romaine, dont la scène est, cette fois, au commencement du xviiie  siècle ; la jalousie d’une jeune princesse du pays s’y venge de la légèreté d’un Français infidèle et galant : le récit y est vif, cru et brusqué. […] [1re éd.] elle avait de plus fait lecture d’un petit récit non publié qui avait pour titre Olivier.

59. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Thierry a écrit des Récits mérovingiens : en une page, Guizot nous en donne toute la substance. […] Il commença, dans ce double esprit, ses Lettres sur l’Histoire de France : mais son chef-d’œuvre, ce sont les Récits mérovingiens (1840). […] Il saisit très adroitement dans les documents originaux l’expression colorée qui date et caractérise le récit, qui contient comme l’âme du passé : mais, malgré tout, il n’est pas suffisamment artiste. […] Les récits d’une tante, une promenade au musée qui avait recueilli les tombes de Saint-Denis, lui révélèrent sa vocation : à peine sorti du collège, il s’appliqua à l’histoire. […] On comprendrait moins bien le génie historique de Michelet, si l’on n’avait vu dans ces ouvrages à quel point la poésie de son style et ce don d’évocation qui rend ses récits si vivants résultent d’une communion d’âme avec toutes les manifestations de la vie.

60. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

En même temps que des chroniques et des mémoires sans nombre jettent chaque jour des clartés nouvelles sur notre histoire passée ou contemporaine, notre curiosité, dont les besoins s’accroissent, se transporte au-delà des mers vers des nations encore mal connues, et s’enquiert aux voyageurs de ces grandes contrées du monde, réclamant d’eux du vrai et du nouveau, et accueillant avidement leurs récits. […] En prêtant à ses personnages de longs récits, M.  […] Or, le petit-fils de Zombé étant allé visiter les ruines de Palmarès,  revient et dit à son père Juan : « Je suis allé dans la vallée, et j’ai été m’asseoir au milieu des palmiers qui sont étendus sur le sable ; tes récits sont revenus à ma mémoire. […] Pourquoi ces perpétuels récits ?

61. (1899) Le monde attend son évangile. À propos de « Fécondité » (La Plume) pp. 700-702

Il a composé les pages de Geneviève ; les récits du Tailleur de Pierres ont été transcrits par cet homme qui avait célébré Elvire. […] Pourquoi les récits de Jeanne d’Arc n’ont-ils pas eu une action plus profonde et plus précise ? […] On peut également et par contre admirer, dans Fécondité, le rajeunissement d’un génie, des parties lyriques et épiques, une fermeté extraordinaire dans le récit. […] Les chapitres sur Chantebled, les paysages, les récits de la fin sont prodigieux.

62. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

C’est un récit chanté. Un récit suppose un fait. […] En troisième lieu, un poème épique suppose un récit continu, un commencement, un milieu, une fin, récit inspirant, par ses péripéties, un intérêt épique ou dramatique à celui qui lit ou qui écoute. […] Le beau moral, le beau humain égale dans ce récit l’horreur pathétique. […] » Béatrice interrompt son amant dans le récit de son infortune, de ses exils et de ses asiles.

63. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Si une lecture attentive des Récits d’un Chasseur inspire une profonde aversion pour les droits dont disposent les seigneurs russes, ce n’est point M.  […] Après avoir lu les Récits d’un Chasseur, on demeure convaincu qu’elle ne saurait être vraiment funeste qu’à la médiocrité. […] La triste et humiliante situation où il se trouve est admirablement dépeinte dans trois récits : le Bourgmestre, Lgove et les Deux Propriétaires. […] Enfin le récit touchant des chanteurs. […] Je reprends mon récit, que j’avais interrompu au moment où l’entrepreneur s’était avancé au milieu de la chambre.

64. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Comtesse Merlin. Souvenirs d’un créole. »

Cette nature vive, fraîche et sensible de l’auteur des Souvenirs, se peignait à mes yeux à travers ces récits plus ou moins semés de jolis mots et sur lesquels courait sa plume facile. […] Il y a dans cette partie du récit une sobriété de style et une simplicité de tour qui est du tact par opposition à l’abondance même des sensations. […] « Elle parlait pourtant assez bien espagnol, nous dit l’auteur du récit, mais elle n’en prononça pas un mot.Il semble que dans les grandes douleurs, on revient à la langue naturelle, comme on se réfugie dans le sein d’un ami. » L’arrivée de la jeune Mercedès à Cadix, puis à Madrid où elle retrouve sa mère, sa famille ; l’état de la société peu avant l’invasion des Français ; les accidents gracieux qui formaient de légers orages ou des intérêts passagers dans cette existence de jeune fille, puis l’invasion de Murat, la fuite de Madrid, le retour, la cour de Joseph, et le mariage ; tels sont les événements compris dans ces deux premiers volumes de Souvenirs.

65. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire »

Les coursiers se cabrent, les chevaliers s’enfuient ; et l’un d’eux, l’un des anciens amants, Arthur, le tendre troubadour, entre dans un cloître ; c’est lui qui, en pleurant toujours sa belle, a donné, dit-on, le premier récit. […] si parfois une femme, Pensive, en les lisant, à la fuite du jour, Sent son œil qui se mouille et son cœur qui s’enflamme   A tes récits d’amour ; Si, parmi les amis qu’a chéris ton enfance, Un seul peut-être, un seul qui t’aurait oublié, Y trouve avec bonheur quelque ressouvenance   D’une ancienne amitié ; Ou, si d’enfants chéris une troupe rieuse Qu’amusent tes récits, que charment tes accents, En t’écoutant, devient meilleure et plus joyeuse,   Et t’aime pour tes chants : Ce rêve est assez beau pour enivrer ton âme !

66. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Pour eux, leur histoire est finie ; il ne reste plus à y ajouter que le récit de leur mort héroïque. […] Le fait est qu’elle ressort du récit de M. […] Thiers ne nous paraîtrait pas devoir soulever toutes ces questions qui, ainsi posées, jurent plutôt avec la forme de cet entraînant récit. […] Ce récit dramatique encourage, enflamme, et produit un peu l’effet d’une Marseillaise ; il fait aimer passionnément la révolution. […] Thiers ; mais c’est par la simplicité seule, par la grandeur et la netteté des lignes, que son récit prétend à les égaler.

67. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

Ainsi la première littérature fut le récit : un homme narrait quelque histoire. […] A maintes âmes suffisent encore les arts primitifs, le récit, renonciation très générale de notions brèves et sommaires. […] Et voici le théâtre, au lieu des récits. […] Le récit, le théâtre, le roman, ce fut les trois formes successives de la littérature ancienne. […] L’artiste devra mêler à la forme du récit, la forme musicale de la Poésie.

68. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Mais la société laïque, l’aristocratie féodale avait pourtant déjà ses poèmes qui l’enchantaient, des chansons, et surtout des récits de caractère épique : seulement on ne les écrivait pas. […] Sauf les interpolations que la flatterie et l’intérêt peuvent introduire dans la rédaction des poèmes, les derniers événements dont le souvenir y soit élaboré en récits légendaires sont de cette époque. […] La matière aussi a reçu sa forme : elle est distribuée déjà en amples compositions, en récits détaillés. […] Nulle intention littéraire, nul souci de l’effet ne gâtent l’absolue simplicité du récit. […] Il n’est pas jusqu’à la forme que le mouvement et la grandeur du récit n’emportent et n’élèvent.

69. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Son intention était louable ; il eut tort d’étudier très superficiellement, et comme avec dédain, les vieux récits qu’il prétendait rajeunir. […] C’est dans les récits de cette nature que j’admire surtout sa sobriété et l’art qu’il met à choisir les traits les plus frappants en négligeant maint détail qui nuirait à l’illusion. […] Le récit s’enchevêtre à chaque instant des réflexions de l’auteur. […] Sterne, dans son Tristram Shandy, avait déjà mis à la mode cette sorte de commentaire perpétuel inséré dans le texte d’un récit des plus simples. […] Ce sont des fragments qui se suivent, sans transition ; tantôt de courts récits, tantôt des dialogues entremêlés quelquefois de morceaux lyriques.

70. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

  On a beau suivre et étudier de près le récit que M. de Rohan a fait des guerres civiles religieuses sous Louis XIII, et le rôle si considérable qu’il y joua, on ne peut, même en se plaçant au point de vue le plus neutre et en évitant d’entrer dans les questions d’Église, s’intéresser fortement à lui et désirer à aucun moment son succès et le triomphe de ses armes. […] Ses mémoires, fort bons à lire, sont loin d’être un récit complet auquel on puisse se fier sans contrôle ; il y dissimule ce qui lui convient. […] En revanche, Rohan se plaît fort à célébrer une action héroïque de sept soldats de Foix qui, s’enfermant dans une bicoque auprès de Carlat, arrêtèrent le maréchal et toute son armée deux jours entiers, et, après lui avoir tué plus de quarante hommes, se sauvèrent au nombre de quatre ; trois sur les sept, trois proches parents, voulurent demeurer et se sacrifier, parce que l’un était blessé et hors d’état de sortir : « Ainsi les quatre autres, dit Rohan, à la sollicitation de ceux-ci et à la faveur de la nuit, après s’être embrassés, se sauvent, et ces trois-ci se mettent à la porte, chargent leurs arquebuses, attendent patiemment la venue du jour, et reçoivent courageusement les ennemis, desquels en ayant tué plusieurs, meurent libres. » Ce sont là les seuls éclairs du récit chez Rohan, qui voudrait bien assurer aux noms de ces braves soldats une immortalité dont il n’est pas le dispensateur : il fallait de certains échos particuliers, et qui ne se retrouvent pas deux fois, pour nous renvoyer les glorieux noms qui ont illustré les Thermopyles. […] Dès cette partie de son récit on peut remarquer la plainte ordinaire que fait Rohan de la versatilité, de l’impatience et du peu de justice des peuples, de l’ingratitude qui est « l’ordinaire récompense des services qu’on leur rend » ; de leur humeur qui les porte à être « aussi insolents en prospérité qu’abattus en adversité ». […] En ce qui est du récit de la capitulation et de la prise de La Rochelle, dans les mémoires de Richelieu, il perce un accent de triomphe un peu trop étincelant et qui sent l’inhumanité : ceci est le point faible, on le sait, du grand cardinal.

71. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

On a ce magnifique récit de l’expédition nocturne et de la victoire : « Nous partîmes cinq cents, mais, par un prompt renfort, Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port… » Narration épique admirable, due tout entière à Corneille, et par laquelle il compense et paye largement toutes ses invraisemblances. On aime incomparablement mieux ce récit que celui de Théramène ; la rhétorique y paraît moins ou plutôt elle n’y paraît pas, et il y a de plus vraies beautés. C’est le plus noble des bulletins, le plus chevaleresque des récits de guerre. […] Nous nous levons alors, et tous en même temps Poussons jusques au ciel mille cris éclatants… » Nous nous levons alors… On peut dire de ce mouvement, de ce beau récit impétueux, ce que Cicéron disait de pareils récits guerriers de Thucydide : Canit bellicum. […] Chimène, survenant à la fin du récit pour redemander justice, ne laisse pas le temps de la réflexion : le bonhomme de roi fait la grimace et un geste d’impatience en l’entendant annoncer ; il en a évidemment assez et un peu trop de cette importune Chimène.

72. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Tous les grands conquérants, les illustres guerriers fondateurs d’empire, ont été dans tous les temps matière à épopée, c’est-à-dire à des récits plus ou moins merveilleux, lesquels, accueillis, grossis par la bouche des peuples, colportés par des chanteurs toujours écoutés : Pugnas et exactos tyrannos Densum humeris bibit aure vulgus, se sont quelquefois résumés et fixés en œuvre durable sous la main d’un poëte de génie. […] La raison en est manifeste : ces grands individus, venus à des époques très-éclairées, se sont trouvés de toutes parts entourés et suivis de récits exacts, circonstanciés, de mémoires, de commentaires. […] En France même, plus d’un vieux matelot ou d’une vieille paysanne a là-dessus son récit que les jeunes écoutent et croient. […] Ce mélange d’imagination et d’histoire, d’enthousiasme et de sévérité, de récit idéal et de prophétie sensée, de personnification symbolique en Napoléon et de réalité vivante, de carnage des camps, de ruse dans les conseils et d’équité démocratique, demanderait, pour être réduit en œuvre et conduit à bien, la vie entière d’un Virgile, d’un Dante ou d’un Milton. […] Antiquaire par son érudition allemande, poëte et philosophe par ses vues profondes et intimes sur l’histoire de l’humanité, familier avec les idées des Niebühr et des Gœrres, épris de l’imagination pittoresque de l’auteur de l’Itinéraire, il aborde la Grèce et l’interroge par tous les points, sur son antiquité, sur ses races, sur la nature de ses ruines, sur les vicissitudes de ses États, sur ses formes de végétation éternelle ; il saisit, il entend, il compose tous ces objets épars ; il les enchaîne et les anime dans un récit vivant, fidèle, expressif, philosophique ou lyrique par moments, selon qu’il s’élève aux plus hautes considérations de l’histoire des peuples, ou selon qu’il retombe sur lui-même et sur ses propres émotions ; c’est une œuvre d’art que ce récit de voyage : le sens historique et le sens des lieux y respirent et s’y aident d’un l’autre ; l’harmonie y règne ; le souffle du dieu Pan y domine ; l’interprétation du passé, depuis les époques cyclopéennes et homériques jusqu’à la féodalité latine, y est d’un merveilleux sentiment, et elle pénètre de toutes parts dans l’âme du lecteur, sinon toujours par voie claire et directe, du moins à la longue par mille sensations réelles et continues, comme il arriverait à la vue des ruines mêmes et sous l’influence du génie des lieux.

73. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Le récit qu’elle a tracé des événements du Temple fut écrit au Temple même dans les derniers mois de sa détention et quand on se fut relâché de l’extrême rigueur. […] Dans ce récit exact, méthodique, sensé et touchant, Madame donne la mesure de sa raison précoce et de son bon jugement dans les choses de l’âme. […] Ce n’est que le premier jour du procès de Louis XVI, quand elle le voit emmené pour être interrogé à la barre de la Convention, ce n’est que ce jour-là que Marie-Antoinette succombe à son inquiétude et qu’elle rompt son silence généreux : « Ma mère avait tout tenté auprès des municipaux qui la gardaient pour apprendre ce qui se passait ; c’était la première fois qu’elle daignait les questionner. » Dans ce récit tout simple et que nul ne lira sans larmes, il y a des traits qui font une impression profonde, et dont la plume qui écrit ne se doute pas. […] Une pareille idée d’opposition ne se présentera jamais, je puis l’assurer, à celui qui viendra de relire le simple récit chrétien et humain de Madame Royale au Temple. […] Toute cette littérature plus ou moins exaltée, et dans le goût de Mme Cottin, qui s’agitait autour de la jeunesse de Madame Royale, ne l’atteignit évidemment en rien, et le récit qu’elle a tracé en 1795 des événements du Temple serait la critique de tous ces autres récits et de ces faux tableaux d’alentour, si on pouvait songer seulement à les rapprocher.

74. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Il exprima le désir d’entendre de sa bouche le récit détaillé et méthodique des campagnes d’Italie, d’Égypte et de toutes celles de l’Empire, en un mot « d’apprendre sous lui l’art de la guerre ». […] Il lui raconta dans les moindres circonstances ces aventures premières, ces premiers jeux et triomphes de l’habileté et de la fortune ; il mena cet ordre de récits, sans discontinuer, jusqu’à la fin de la première campagne d’Italie. […] Il termina cette espèce de cours par un récit des événements de 1830. […] Tu sais combien mon âme attentive à ta voix S’échauffait au récit de ses nobles exploits… Le premier vers avait été un peu changé et, selon moi, gâté par le prince : il avait substitué le mot arrivé au lieu d’attaché. […] C’est le journal instructif d’un esprit supérieur qui prend intérêt avant tout aux choses de l’administration et de l’organisation sociale, et qui tient à les faire comprendre ; mais ces remarques positives et spéciales n’absorbent pas le voyageur, et le récit perd, en avançant, toute sécheresse.

75. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

La vie privée, en tant qu’elle est vraie, se vit avant tout, se pratique, se démontre par l’exemple et par le récit ; elle ne se préconise pas. […] L’auteur, on le conçoit, prend occasion du récit de Simiane pour juger la première moitié du xviiie  siècle et en retracer les principales figures ; aussi, dans le récit de Simiane, sent-on par trop fauteur de nos jours. […] Le récit de Simiane a touché Rousseau, mais ne l’a pas converti. […] La meilleure démonstration serait celle qui transpirerait dans une suite de récits fidèles et de peintures variées ; on oublierait souvent le but, on ne le discuterait jamais ; puis, à un certain moment, comme après un doux et captivant séjour chez, des amis heureux, on se sentirait devenu autre, converti à leur vertueux bonheur et le voulant mériter.

76. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VI. Du raisonnement. — Nécessité de remonter aux questions générales. — Raisonnement par analogie. — Exemple. — Argument personnel »

Détestables auditeurs, ils rectifient opiniâtrement les moindres erreurs, complètent les moindres lacunes du récit qu’on fait : si le narrateur est fait à leur mode, on épilogue, on dispute à perte de vue sur un point de nulle valeur, et l’on n’en sort pas, le récit ne s’achèvera jamais ; si c’est un homme d’esprit, il leur passe la parole. […] Je conseillerai donc, si l’on veut apporter quelque récit à l’appui d’un conseil ou pour preuve d’une thèse, de n’entreprendre point de faire parler les animaux et les arbres, et de n’imaginer rien qui soit hors des conditions de la vie commune : que la fable soit un conte, une anecdote, enfin une petite scène du monde réel ; cela aura plus d’intérêt et un tour plus moderne. Le charmant récit où Voltaire nous peint les différentes destinées de Jeannot et de Colin est le modèle accompli de ce genre de moralité : tout est combiné pour l’instruction que veut donner l’auteur ; c’est le procédé même de l’apologue, un conseil donné par l’exemple des personnages qu’on invente : mais ici plus rien de merveilleux ; tout est vraisemblable, c’est la nature même et la vie.

77. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Guy de Maupassant »

À la même époque, tous ses récits expriment la philosophie la plus simple, la plus directe et la plus négative. […] Cette philosophie rudimentaire, non pas vraie (je l’espère du moins), mais irréfutable, qui a très bien pu être celle du premier anthropoïde un peu intelligent et à laquelle les hommes les plus raffinés des derniers âges finiront peut-être par revenir après un long circuit inutile ; cette philosophie que Maupassant a pris la peine de formuler dans un de ses derniers volumes (Sur l’eau), est la froide source, secrète et profonde, d’où venaient à la plupart de ses petits récits leur âcre saveur. […] … Le résultat, c’est que les récits de M. de Maupassant intéressent et émeuvent comme la réalité, et de la même façon. […] Vous, mon cher Bourget, vous avez un tas d’intentions et d’affectations ; nul romancier ne transforme plus complètement que vous la matière première de ses récits ; vous ajoutez votre esprit tout entier à chacune des parcelles du monde que vous exprimez dans vos livres ; vous vous donnez un mal de tous les diables, vous fatiguez, vous exaspérez ; avec tout cela vous contraignez à penser et l’on peut disserter sur vous indéfiniment.

78. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre onzième. »

Il choisit une nuit libérale en pavots : Il n’a été donné qu’à La Fontaine de jeter, au milieu d’un récit très-simple, des traits de poésie aussi nobles et aussi heureux. […] Il paraît singulier que La Fontaine réduise à un résultat si médiocre, le récit d’un fait aussi intéressant que celui qui est le sujet de cet Apologue. […] Vient ensuite le récit très-rapide de la mort des trois jeunes gens ; mais ce qui est parfait, ce qui ajoute à l’intérêt qu’on prend à ce vieillard et à la force de la leçon, ce sont les deux derniers vers : Et pleurés du vieillard, il grava sur leur marbre Ce que je viens de raconter. […] Ce n’est que le récit d’un fait singulier qui prouve l’intelligence des animaux.

79. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor de Laprade. Idylles héroïques. »

Les récits de guerre se mêlent bien aux récits champêtres. […] Or, à notre sens, toute poésie lyrique repousse, d’essence, le dialogue qui n’est pas lié au récit et qui n’y entre pas comme l’intaille même dans le bronze. […] III Les Idylles héroïques de M. de Laprade se divisent donc en trois poèmes d’une certaine haleine, comprenant des récits et des dialogues grossièrement attachés les uns aux autres, ainsi que nous venons de l’expliquer.

80. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers, Tome xix. (L’île d’Elbe, — L’acte additionnel. — Le champ de mai.) » pp. 275-284

Thiers et à lui arracher des mains le triste récit de Waterloo ? […] Tout ce récit de M.  […] Appelez cela un récit ou un tableau, peu m’importe ! […] Le récit de ce qui se passe à Lille entre le roi fugitif, le duc d’Orléans, et les maréchaux Macdonald et Mortier, est d’une belle gravité.

81. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Toujours est-il que, dans la France du Nord, en pays champenois, picard et vallon, vers le milieu du xiie  siècle, les gestes de Renart le goupil étaient devenus assez populaires pour qu’un clerc flamand fit une compilation de ces récits en vers latins, l’Ysengrinus. Puis, vers 1180, un poète allemand, Henri le Glichezare, faisait de l’histoire de Renart un poème suivi, qui semble attester que les récits français tendaient déjà à se grouper dans un certain ordre. […] Mais c’est aussi la même vivacité de récit, la même aisance de dialogue, le même art de railler, et la même ironie qui circule à travers le roman, pétille et déborde comme une mousse légère. […] Bien peu de récits échappent à l’incohérence et à l’absurdité. […] Paris a donné l’appui de son autorité — on a soutenu que nombre de récits dont s’égayaient nos pères avaient une origine plus lointaine et plus singulière : ils seraient venus de l’Inde, et par toute sorte d’intermédiaires, portés de leur patrie bouddhique dans le monde musulman, de là dans l’Occident chrétien, ils se seraient infiltrés jusque dans nos communes picardes et françaises, déversant dans le large courant de la tradition populaire un torrent d’obscénités et de gravelures.

82. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

On a tant abusé de nos jours du mot imagination, on l’a tellement transportée tout entière dans le détail, dans la trame du style, dans un éclat redoublé d’images et de métaphores, qu’on pourrait ne pas voir ce qu’il y a d’imagination véritable et d’invention dans cette suite de compositions de moyenne étendue, qui n’ont l’air de prétendre, la plupart, qu’à être d’exactes copies et des récits fidèles. […] Mérimée, sans phrases, sans système, avec ce sentiment continu de la réalité et ce besoin qu’il a en tout de s’expliquer les choses comme elles se sont passées, nous a donné un récit instructif, enchaîné, attachant, et qui jette, chemin faisant, la plus grande clarté sur l’ensemble de l’organisation romaine. […] Il observe le sens moral dans ses récits. […] La Providence permet quelquefois ces tardives et terribles réparations. » Maintenant voici le récit du préteur battu de verges : la condition des Italiens, c’est-à-dire des plus favorisés des sujets de Rome, de ceux qu’on appelait alliés, en va cruellement ressortir. […] Dans un récit destiné au public, on pourrait désirer que quelques-unes de ces pages fussent détachées du texte qu’elles ralentissent, et allassent former une note ou supplément.

83. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

C’est un esprit sain, très naturel, sans utopie, admirant et comprenant très bien les arabes, qu’il nous a peints en larges traits, — et ce sont les meilleures pages, parce qu’elles sont morales, de ce récit, abusivement physique, où l’éternelle description dévore tout et en a le droit, car dans les livres de voyage elle est sur son terrain plus qu’ailleurs. […] De plus, sous sa forme flottante, familière, épistolaire, peu littéraire par conséquent, il a comme un besoin d’unité vaguement obéi, un essai de secrète ordonnance qui sentie livre combiné, et donne comme une pointe d’unité dramatique à ces récits qui ne se suivent plus pour se suivre, à ces impressions d’ordinaire inconséquentes et sans autre raison d’être que les hasards de son chemin pour le voyageur, et qui tournent ici autour d’une figure et d’un fait central, — la figure et l’épisode d’Haouâ. Haouâ est une mauresque rencontrée, perdue, retrouvée, aimée par l’auteur, — on n’oserait pas le dire, tant la chose reste vague, mystérieuse, indécise, dans ce récit, chef-d’œuvre de gaze transparente et voilante à la fois ! […] Il est la source de tous les récits qui vont suivre. […] Mais ce qui ne sera pas perdu pour l’historien de la Commune, c’est, dans un récit nécessaire dont l’humanité ne pouvait se passer, d’être arrivé à temps, comme on arrive à temps dans la bataille, et du même coup dans la victoire et l’immortalité !

84. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Il possède aussi le secret de la composition, quoiqu’il oublie souvent d’en faire usage ; il sait, quand il le veut, lier les épisodes dans la trame serrée du récit ; il a un dessein qu’il déroule, un but qu’il poursuit, et alors même qu’il se perd trop longtemps au détail des choses communes, il a le triste mérite de ne point ignorer où il va. […] Il faudrait emprunter des exemples à chaque page du récit. […] Carthaginoise ou non, elle doit être avant tout une créature humaine ; or, dans le récit de M.  […] Si la pensée fait défaut dans le récit de M.  […] Ce n’est pas l’emphase, ce ne sont pas les descriptions fatigantes, inexactes, impossibles, qui forment le défaut capital de ce laborieux récit : la grande faute que la critique doit reprocher sans ménagement à l’auteur de Salammbô, c’est l’inhumanité de ses peintures.

85. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Bourget à de bien précieuses observations, ou plutôt au récit de sensations rapportées avec une grande fidélité. […] Jules Lemaître n’est ni un roman, ni un récit historique, ni une fantaisie, bien qu’il se compose d’un peu de tout cela. […] Le récit de M.  […] C’est, en même temps que le récit d’une guerre terrible, l’étude par croquis, par mots échappés, d’un pays que nous connaissons mal ou seulement par les récits officiels de la guerre de 1877. […] Flammarion reproduit les récit des terreurs causées par la crainte de la fin du monde à toutes les époques.

86. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

Je ne l’insulterai pas au point de penser qu’il croit naïvement mettre dans ses travaux une grande unité, parce qu’il donne un seul titre à plusieurs récits ; il sait bien, tout autant que nous, que ce qui fait l’ensemble de toute composition, c’est une idée. […] Eh bien, c’est ce phénomène qui saute aux yeux dans la vie de Gustave III, c’est cet hermaphrodisme de son personnage historique, qu’il eût été intéressant d’étudier et de mettre en valeur dans le récit qu’on eût fait du règne de cet homme qui avait, à la fois, trop et trop peu pour être cette simplicité équilibrée et toute-puissante que l’on appelle un grand homme ! […] Le chroniqueur de journal qu’il ne cesse d’être pendant tout le cours de son récit a le ton propret de son métier, quand il n’en a pas les vulgarités déclamatoires et prudhommiques ; car il a souvent des phrases dans ce goût charmant : « Le prince Charles ne tarda pas à s’abandonner à de folles amours et à délaisser la femme qu’il avait épousée pour concentrer en elle toutes ses affections et en faire la souche honorable de sa postérité. » Il est impossible, comme vous voyez, d’être plus distingué. […] Même la catastrophe, en vue de laquelle l’histoire tout entière a été écrite par le mélodramatique auteur des Couronnes sanglantes, même cette catastrophe est sans émotion partagée, sans expression digne des faits pathétiques dont le récit déborde à chaque pas !

87. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. J. Autran. Laboureurs et Soldats, — Milianah. »

Si cet homme qui dans sa préface a eu, probablement après coup, une idée juste, l’avait abordée dans ses poèmes, s’il portait quelque part l’influence ou l’empreinte des récits bibliques ! […] Autran, Et c’est ce poëme qui a des prétentions de récit épique, malgré l’étroitesse de son cadre et sa brièveté, que M.  […] Autran, qui ressemblent à des vers écrits pour un concours académique, ne peuvent lutter contre le récit du commandant de Milianah, le colonel d’Illens, contre cette page magnifique de simplicité et de tristesse que tout le monde a lue dans le livre de La Guerre et l’Homme de guerre, par M.  […] Non, certes, que la poésie ne pût ajouter à la beauté du fait qu’elle raconte et élever une réalité si sublime à quelque chose de plus beau encore que la mâle simplicité du récit : ce serait nier la poésie et l’art du poète que de le prétendre ; mais il fallait un poète qui eût la corde militaire ; et, il faut bien le dire, les cordes de la lyre de M. 

88. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Thiers, nous le savons bien, mais c’est là où conduirait sa théorie historique de l’intelligence supérieure à tout dans le récit des événements humains. […] Cette faute historique le poursuivra partout dans le cours de son récit. […] C’est ici qu’on regrette un Tacite, ce grand lyrique des grands événements ; mais dès qu’on reprend le récit avec M.  […] Mais, en général, les hommes et les femmes, cette partie vivante et intrinsèque de l’histoire, sont la partie faible de ce long récit. […] Ce beau récit n’a pas le mérite de la nouveauté, car il avait été déjà écrit par des historiens littéraires d’un grand talent, mais dans M. 

89. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Hermant, autant de discrétion et de mesure dans un récit plein de dangers pour un écrivain inexpérimenté. […] Paul Margueritte, un volume de petits récits paru chez Lecène et Oudin. […] Trois jours après, les journaux contenaient le récit de l’arrestation de Lebiez et ses aveux. […]   Avant d’entrer plus avant dans le récit de M.  […] On s’est justement plaint de la passion qui entrait le plus souvent dans ces récits écrits par un seul qui ne juge que par ses deux yeux et par son seul bon sens ; les récits faits par tout le monde sont-ils beaucoup plus dignes de foi ?

90. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

Les royalistes se sont abstenus de me lire, afin d’avoir le droit de répéter sur parole ces calomnies démenties par chacune de mes pitiés de cœur dans ce récit. […] Qu’on lise ce récit compulsé tête par tête, dans cette mêlée de cadavres et dans cette mare de sang, pour faire au peuple horreur de lui-même quand il prend ses fureurs pour loi ? […] Le pathétique de ce récit dans les Girondins n’est que la justice de l’histoire, qui en appelle au cœur des férocités de l’esprit. […] Le vénérable fils de M. de Sèze a remué ses souvenirs de quatre-vingts ans pour me prouver l’inexactitude de détail de mon récit en ce qui touche son père. […] Qu’on daigne relire en effet le jugement hardi d’idées, mais implacable de justice, par lequel je termine le récit du jugement de Louis XVI, même en me plaçant au point de vue de la nation répudiant la royauté.

91. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Par un prodige d’identification avec le personnage de ce récit, Poe réalise, dans l’ordre strict où le narrateur fictif a pu les apercevoir, des scènes qui cessent d’être imaginaires. […] Pour les figurer, celui-ci ne dut consulter que les besoins de son récit, et puiser dans l’intuition de sa propre âme, bouleversée, déchirée, affolée et déchue, dont son intelligence lucidement froide constatait les convulsions. […] Ingram, aucun trait du singulier récit ne dément la révélation allégorique de la fin. […] Le récit d’un voyage fabuleux, une hallucination opiacée, magnifique et sanglante, une vendetta d’une atrocité bizarre, partagent le lecteur entre un frisson et l’attrait d’incidents inouïs. […] Dans d’autres œuvres, dans les récits d’aventure, il suscite la peur communicative que cause le spectacle d’un de nos semblables courant un épouvantable danger.

92. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Il s’appliqua, suivant la nature de son esprit observateur, à tout deviner, à tout démêler dans cet événement extraordinaire, et il en fit, à son retour à Paris, des récits qui charmèrent la société. […] Vers l’année 1770, il était tout à fait en vogue par deux ouvrages de genre différent, mais qui tenaient à une même nature d’esprit, par ce récit anecdotique de la Révolution de Russie et par un discours en vers sur Les Disputes. […] Le côté du récit où l’auteur vise au Salluste et rappelle le Saint-Réal et autres auteurs classiques de Conjurations, n’est pas trop prédominant. […] Pourtant il me semble que les principaux points du récit de Rulhière ont été généralement adoptés depuis, et par les historiens même (tels que Lévesque) qui sont d’ailleurs le moins disposés à le suivre. […] Je ne puis que renvoyer au récit de Dusaulx84 ceux qui désireraient ne rien perdre de la conversation.

93. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre V. Séductions pour la compréhension de la psychologie indigène. — Conclusion »

Il me reste, pour en finir, à relever quelques indications de psychologie, découlant des récits du présent recueil. Assurément on ne peut conclure de façon ferme que le noir présente les défauts ou possède les qualités qu’il attribue aux héros de ses récits. […] Pour un lecteur attentif, il ressortira aisément de la lecture des récits de ce recueil une impression, sinon très nette du moins très exacte, de la mentalité des indigènes. […] De même, Ashia trompe Amadou Sêfa, qui l’a sauvée du serpent, avec un amant qu’elle juge cependant inférieur à son mari, comme elle le lui exprime sans équivoque dans le cours du récit. […] J’ai indiqué seulement à titre de curiosité les quelques récits relatifs à ces idées.

94. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Souza, Robert de (1865-1946) »

Vielé-Griffin, passionnée pour les prairies et pour les fleuves ; elle va gravement par le monde, sa curiosité recherchant de plus vastes horizons ; elle s’attarde parfois au récit des légendes et des faits glorieux ; elle interroge les terres, les eaux, les nuées et les bois ; elle écoute les voix mystérieuses de l’univers et les appels douloureux des hommes. […] Thomas Braun Naïve, archaïque, enluminée, cette gaucherie d’écriture nous charme lorsqu’elle interprète les chansons de gestes de telles Histoires de France, — elle ne suffit pas à nous lasser d’autres légendes ou récits comme la Huche, l’Embaumeur et les Accordailles dont les trouvailles charmantes et les images délicieuses relèvent l’intérêt ; mais elle devient insupportable dans les descriptions d’une nature sentimentale ou même philosophique.

95. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XV. Les jeunes maîtres du roman : Paul Hervieu, Alfred Capus, Jules Renard » pp. 181-195

On a repris depuis si souvent cette forme de satire légère et qui s’excuse, par une pointe, d’être profonde, que, relu ce soir, le récit me semblerait défraîchi. […] C’est un récit que n’avions-nous pas lu, en substituant Pierre à Paul et Foley à Delpit. […] C’est de l’ironie sentimentale ; point un récit attendri dont on relève la fadeur par des plaisanteries passementées ; au contraire, un roman léger et ironique, avec les repos mélancoliques d’un esprit un peu clairvoyant qui se lasse de plaisanter. […] Les coins des Sourires pincés, les papillotes de ses Coquecigrues, les éclairs de sa Lanterne sourde, autant de petites pages à relire jusqu’à la mémoire par cœur sans altération du plaisir, puisqu’il n’y a pas là rire émoussable ou surprise de suite éventée, puis aussi qu’il ne fatigue point par les bavardages et les délayages où s’embourbent les vieux comiques, sous prétexte de récit « bon enfant », puis enfin qu’il surveille son style jusqu’à une maîtrise spéciale, menue et propre, excellente à dire ce qu’il veut sans plus.

96. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Émile Ollivier, offre non seulement l’intérêt d’un roman plein de passion, mais aussi celui d’une sorte d’autobiographie. « Récit de jeunesse », a écrit l’auteur au-dessous de son œuvre ; et, effectivement, le récit de M.  […] Armand Silvestre fait paraître sous le titre : Récits de belle humeur. […] » Et le récit commence, récit plein de la poésie d’un jeune cœur, et aussi des tristesses qui marquent les étapes de la vie. […] Il faut lire le récit de ses audaces bien prouvées pour y croire. […] On y verra aussi se développer un véritable roman d’amour qui n’est qu’un récit fait de stricte vérité.

97. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

Flaubert a choisie pour fond et pour sujet de son récit, et qu’il a voulu peindre dans tout le détail de ses atrocités, l’offrant comme une espèce de type de la guerre chez les Anciens ou du moins chez les peuples d’Afrique. […] Tout en aimant la réalité, il n’avait pour base et pour texte authentique qu’un récit de quelques pages ; il lui fallait inventer ou retrouver tous les détails, tous les accessoires. […] On n’a que le récit de la navigation autour de l’Afrique, le Périple de cet Hannon de qui Montesquieu a dit si magnifiquement : « C’est un beau morceau de l’Antiquité que la Relation d’Hannon : le même homme qui a exécuté a écrit ; il ne met aucune ostentation dans ses récits. […] Le récit, qui se divise en quinze chapitres ou tableaux, commence au moment où les Mercenaires accumulés dans Carthage inquiètent la population et les magistrats.

98. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Lui-même, érudit fort distingué, mais encore plus causeur spirituel, il se plaisait à raconter des scènes de la vie de son père, des épisodes dramatiques et comiques du Conseil d’État, des malices sur quelques contemporains du Consulat et de l’Empire, par exemple sur François de Neufchâteau, qui, ayant à faire le récit du 19 brumaire, le soir même, devant des auditeurs avides et impatients, ne parvenait pas à sortir des parenthèses ni des embarras que sa voiture avait rencontrés dans sa route vers Saint-Cloud : on lui demandait les grands résultats, les résolutions prises, et il vous expliquait, à n’en pas finir, comment il avait eu toutes les peines du monde à passer. Tous ces récits étaient fort bien rendus et mimés, d’une voix quelque peu forte et robuste, par un homme de haute stature et en qui un filet de l’ironie paternelle se faisait encore sentir ; mais cette ironie n’était plus la source même et ne venait que par une sorte de transmission et d’habitude : elle était de souvenir plus que d’inspiration et de jet. […] Aussi c’est bien moins comme récit continu, comme témoignage et contrôle positif concernant des faits historiques, que ces Mémoires méritent de compter, qu’à titre de portraits vivants et de tableaux. […] Dès ce premier récit, M.  […] Beugnot, à ce propos, a tracé le plus fin portrait de cet agent d’intrigue et qui était dès longtemps suspect à Napoléon2 ; mais il a beau faire et essayer de nous amuser au détail, il a beau donner un tour plaisant au récit de son voyage à travers la Picardie après qu’il s’est enfui et comme évadé de sa préfecture, il ne réussit pas à pallier le fond : l’acte est là qui parle assez haut : il y a quelque chose dans la conscience qui se refuse à admettre que le ministre d’hier à Düsseldorf, le préfet de Lille, d’une ville frontière, soit passé dès le premier jour, et pendant que Napoléon luttait encore, dans le Gouvernement intermédiaire qui le détrônait.

99. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

C’est le style d’une conversation élégante et polie ; rarement celui d’un récit fait avec la prétention de produire un effet donné. […] On ne recommence pas impunément un pareil récit, on est fatalement condamné à le copier. […] Le style, si utile en toute occasion, n’est-il pas indispensable dans le récit ? […] Pour le récit, par exemple, ne serait-il pas utile de s’interdire les images fréquentes et vivement accusées ? […] Cette liaison, prenez-y garde, bien qu’elle manque d’élévation et de poésie, n’est pas inutile à l’intérêt du récit.

100. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Une des raisons qui expliquent encore la vogue rapide de M. de Balzac par toute la France, c’est son habileté dans le choix successif des lieux où il établit la scène de ses récits. […] Un alchimiste de nos jours (car, de nos jours, il y a çà et là répandus et cachés un assez grand nombre d’alchimistes encore) a fait imprimer en 1832, chez Félix Locquin, rue Notre-Dame-des-Victoires, le récit de ses tribulations et de sa découverte, sous le titre d’Hermès dévoilé. L’auteur de ce récit, qui ne se nomme pas, est évidemment un homme vertueux, d’une parfaite bonne foi, sensible de cœur et pénétré de la vérité de ce qu’il raconte. […] On raconte à ce sujet une historiette assez piquante dont on prête le récit à M. de Latouche : je la donne ici sans la garantir, et uniquement à titre d’apologue. […] Il commence si bien chaque récit, il nous circonvient si vivement, qu’il n’y a pas moyen de résister et de dire non à ses promesses ; il nous prend les mains, il nous introduit de gré ou de force dans chaque aventure.

101. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

On se l’explique à merveille : l’auteur portait, pour la première fois, l’ordre et la loi dans des récits qui jusque-là, sous d’autres plumes, n’avaient offert qu’anarchie et confusion comme leurs objets mêmes. […] Il y régla donc son récit et ses jugements ; il fit saillir la force principale et en dégagea fermement les résultats. […] A ne voir le livre qu’en lui-même et indépendamment de toute discussion extérieure, en le lisant tout d’un trait (et je viens de le relire), on est pris et attaché par cette forme sévère de talent, par ce développement continu, pressé, d’un récit grave et généreux, où ressortent par endroits de hautes figures. […] A chaque nœud du récit, quelques principes fortement posés reviennent frapper les temps et comme sonner les heures. […] Ce qui lui paraît en général le plus facile, c’est le récit.

102. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

On estimait seulement les chansons de geste plus vraies : mais on accueillait tout ce qui amusait : en sorte que, du xiie  siècle au xive , une intense fabrication jeta dans la circulation une masse énorme de récits de toute nature et de toute provenance. […] Ce n’était pas tout encore : selon le hasard qui présidait à la vie des écrivains, selon le livre qui leur tombait entre les mains, le voyageur ou le croisé qu’ils avaient entendu, selon enfin qu’eux-mêmes avaient été promener leur curiosité en telle province ou en tel pays, une incroyable diversité de récits réclamait tour à tour l’attention du public : romans grecs et byzantins, contes orientaux, traditions anglo-saxonnes, légendes locales de Normandie ou du Poitou, fables incroyables, anecdotes vraies ou vraisemblables, sujets pathétiques, comiques, féeriques, historiques, et même réalistes. On passe de.Mahomet à Mélusine, de l’empereur Constant au roi Richard Cœur de Lion ; à côté du merveilleux Partenopeus de Blois de Denis Pyramus, qui nous conte en son style enjolivé les amours d’un beau chevalier et d’une fée inconnue (c’est Psyché, où les rôles seraient renversés), on rencontre la très simple et dramatique histoire de la châtelaine de Vergy, qui n’est que le récit d’une très humaine passion située en pleine réalité contemporaine, ou l’aimable chante-fable d’Aucassin et Nicolette, récit, en prose coupée de laisses chantées, des amours de deux enfants qui finissent par se rejoindre et s’épouser. […] Un charme puissant, une efficace consolation émanaient pour eux de ces récits, où la prose parlée alternait avec les vers chantés, qu’accompagnait le son d’une petite harpe, appelé rote. […] Il aura l’art de ménager l’intérêt, dans un court épisode, d’engager, de conduire, de conclure le récit d’une aventure vraisemblable : il dira à merveille les émotions d’une demoiselle qui erre la nuit, sous la pluie, par les mauvais chemins, ne voyant pas les oreilles de son cheval, et invoquant tous les saints et saintes du paradis.

103. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre II. Le fond et la forme dans la littérature indigène. »

Voici les principaux de ces détails dont s’enjolivent nos récits : L’avalement de l’adversaire. — V. […] Pas d’histoires de brigands non plus, de ces récits cauchemardants dont la Roeuber-brautigam de Grimm est un type achevé et qu’on retrouve aussi dans les 1001 Nuits (Ali-Baba et les 40 voleurs). […] Certains héros des contes indigènes paraissent petits, mais c’est par contraste avec les géants, d’origine surnaturelle, qui figurent en même temps qu’eux dans le récit. […] [Conclusion] Quelques mots me restent à ajouter touchant la forme des récits que je publie. […] Je le croyais d’autant plus que dans aucun des récits recueillis par moi, au Sénégal et en Guinée, je n’en avais trouvé la moindre trace et que les contes des Mille et une Nuits n’en présentaient point d’exemple dans la traduction, d’ailleurs médiocrement fidèle, de Galland.

104. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Bug-Jargal » (1826-1832) — Préface de 1826 »

Ces documents lui ont été singulièrement utiles pour rectifier ce que le récit du capitaine d’Auverney présentait d’incomplet sous le rapport de la couleur locale, et d’incertain relativement à la vérité historique. […] L’auteur suppose que, pendant les guerres de la révolution, plusieurs officiers français conviennent entre eux d’occuper chacun à leur tour la longueur des nuits du bivouac par le récit de quelqu’une de leurs aventures.

105. (1890) Dramaturges et romanciers

Ce n’est plus elle, c’est la folie qui est le ressort principal du récit. […] Dans ce récit, la pensée de M.  […] Il m’est difficile d’y voir autre chose qu’un gracieux et amusant récit. […] La leçon pratique qui ressort du récit de M.  […] Que d’ingénieuses combinaisons de pensées révèle cet émouvant récit !

106. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Les deux premiers chapitres servent d’introduction et de préambule au récit, et y préparent. […] Le contraste avec Dominique, et en même temps certain rapport insaisissable qui les rapproche, donnent à penser pour la suite et commencent à diversifier le récit. […] Assistons un peu avec lui, ou plutôt avec Dominique, dont c’est le récit, à la rentrée de Madeleine au retour de son voyage : « Elle arriva vers la fin de juillet. […] De temps en temps elle s’interrompait, essoufflée de parler, comme si elle l’eût été de monter et de descendre encore les échelons de montagne où son récit nous conduisait. […] Ici, et dans toutes les scènes déchirantes, et incomplètes de solution, qui remplissent la dernière partie du récit jusqu’à l’entière rupture, j’oserai me permettre une critique.

107. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

On pourrait sans doute désirer, en quelques endroits du récit, un coup de pinceau plus vif, un trait de burin plus profond ; mais je ne sais si une autre manière produirait une impression aussi nette, aussi lucide et aussi parfaitement juste que celle que laisse ce récit égal, uni, et ce style, interprète fidèle et patient de l’équité. […] Le livre intitulé Baylen se termine par le récit d’une autre capitulation fâcheuse, mais qui, du moins, n’eut rien que d’honorable, celle de Junot et de son armée en Portugal. […] Pourtant, dans un récit historique, un peu de Tacite de temps en temps ne ferait pas mal, si l’on entend par là une réflexion forte, concentrée, une expression figurée et profonde qui rassemble toute une situation et qui la juge, un de ces traits qui percent à jour un homme et le qualifient éternellement. […] Son récit, calme et limpide, se déroule sans impatience. […] Ce récit d’opérations, presque toujours intéressant à suivre, et où le général Gouvion Saint-Cyr a son épisode à part pour sa belle campagne de Catalogne, est entremêlé et relevé de pages très spirituelles sur la royauté de Joseph et son entourage.

108. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Michaud, un de ces récits attachants et légers comme il les aimait. […] La matière s’est étendue évidemment à mesure qu’il avançait, et c’est au moment où il terminait la rédaction de son récit, qu’il embrassait toute la masse de faits et de réflexions qui y devait rentrer. […] Bien des parties, qui ont été rejetées dans la Bibliothèque finale, auraient pu se fondre heureusement dans le récit, en l’animant. […] L’art de faire passer l’esprit des anciens chroniqueurs dans un récit moderne, ferme et neuf, n’était pas trouvé à cette date de 1811, à laquelle M.  […] Reinaud me fait remarquer, entre autres choses, qu’il y a dans les premiers volumes de l’Histoire des croisades un mouvement et même une chaleur de récit dont je n’ai pas assez tenu compte.

109. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers (suite) »

Thiers, de faire un résumé, le plus clair et le plus simple possible, de ces suprêmes et émouvants récits. […] Après les deux récits que Napoléon a laissés de la bataille, la narration explicative de M.  […] C’est à regret et à mon corps défendant que je me suis vu forcé de toucher ce point littéraire et de goût, à la fin d’un récit où toute littérature s’oublie et cesse, où ce serait le triomphe de la peinture elle-même de ne point paraître une peinture, où l’histoire doit à peine laisser apercevoir l’historien, et où la page la plus belle, la plus digne du héros tombé et de la patrie vaincue avec lui, ne peut se payer que d’une larme silencieuse. […] De la masse un peu confuse de mémoriaux et de récits publiés sur cette captivité douloureuse et féconde, M. 

110. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, romans (1832) »

Le premier récit a beaucoup de simplicité : c’est une espèce de nouvelle racontée à un bivouac par le capitaine Delmar ; les commentaires plus ou moins heureux dont ses camarades entrecoupent son histoire, les interruptions du sergent Thadée, qui pourrait bien être quelque neveu dépaysé du caporal Trimm, le rôle du chien boiteux Rask, tout cela a du naturel, de l’à-propos, de la proportion. Quant au sentiment du récit, on le trouvera assurément exagéré : l’amitié exaltée du capitaine pour Bug, ce désespoir violent qu’il éprouve en repassant sur la fatale circonstance, cette douleur durable, mystérieuse, qui depuis ce temps enveloppe sa vie, n’ont pas de quoi se justifier suffisamment aux yeux du lecteur déjà mûr, et qui sait comment les affections se coordonnent, comment les douleurs se cicatrisent. […] Cette parole d’honneur à Biassou, qui se trouvait dans le premier récit, y choquait moins que dans le second, où elle se joint au refus opiniâtre de corriger les fautes de français de la proclamation. […] Les développements considérables que reçut Bug-Jargal sous sa dernière forme ont amené quelques défauts de proportion qui jurent avec l’encadrement primitif du récit, lequel, on ne doit pas l’oublier, se débite de vive voix, en cercle, à un bivouac.

111. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

C’est le nom d’un chef cosaque zaporogue, et, dans ce caractère sauvage, féroce, grandiose et par instants sublime, le romancier a voulu nous offrir un portrait de ce qu’étaient encore quelques-uns de ces chefs indépendants des bords du Dnieper durant la première moitié du xviie  siècle, date approximative à laquelle se rapportent les circonstances du récit : « C’était, dit-il, un de ces caractères qui ne pouvaient se développer qu’au xvie  siècle, dans un coin sauvage de l’Europe, quand toute la Russie méridionale, abandonnée de ses princes, fut ravagée par les incursions irrésistibles des Mongols ; quand, après avoir perdu son toit et tout abri, l’homme se réfugia dans le courage du désespoir ; quand sur les ruines fumantes de sa demeure, en présence d’ennemis voisins et implacables, il osa se rebâtir une maison, connaissant le danger, mais s’habituant à le regarder en face ; quand enfin le génie pacifique des Slaves s’enflamma d’une ardeur guerrière, et donna naissance à cet élan désordonné de la nature russe qui fut la société cosaque (kasatchestvo). […] Un épisode romanesque vient rompre le sanglant récit : Andry, étant encore au séminaire de Kiew, a eu occasion de voir une belle jeune fille, une Polonaise, la fille d’un vaïvode, il l’aime ; or, elle est dans la place avec son père ; elle a reconnu Andry du haut du parapet, elle le lui fait dire. […] La trace de Boulba se retrouve bientôt en effet : il est retourné parmi les siens ; il les a soulevés sans peine au récit de ses douleurs, et cent mille Cosaques reparaissent en armes sur les frontières de l’Ukraine. […] La petite histoire intitulée un Ménage d’autrefois, et qui peint la vie monotone et heureuse de deux époux dans la Petite-Russie, est pourtant d’un contraste heureux avec les scènes dures et sauvages de Boulba : rien de plus calme, de plus reposé, de plus uni ; on ne se figure pas d’ordinaire que la Russie renferme de telles idylles à la Philémon et Baucis, de ces existences qui semblent réaliser l’idéal du home anglais et où le feeling respire dans toute sa douceur continue : Charles Lamb aurait pu écrire ce charmant et minutieux récit ; mais vers la fin, lorsque le vieillard a perdu son inséparable compagne, lorsque le voyageur, qui l’a quitté cinq années auparavant, le revoit veuf, infirme, paralytique et presque tombé en enfance, lorsqu’à un certain moment du repas un mets favori de friandise rappelle au pauvre homme la défunte et le fait éclater en sanglots, l’auteur retrouve cette profondeur d’accent dont il a déjà fait preuve dans Boulba, et il y a là des pages que j’aimerais à citer encore, s’il ne fallait se borner dans une analyse, et laisser au lecteur quelque chose à désirer. — En homme, le nom de M. 

112. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVII. Romans d’histoire, d’aventures et de voyages : Gebhart, Lemaître, Radiot, Élémir Bourges, Loti » pp. 201-217

D’ailleurs, si l’intérêt de badauderie populaire est éveillé et retenu par les récits simplement mondains, évocateurs d’une vie de petits hôtels, de lampes à colonnes et de tous ces surahs, ce n’est pas trop de dire qu’il est captivé par la flatteuse confidence où les met un narrateur complaisant des gestes de personnages historiques. […] Émile Gebhart de manquer de finesse, ou d’ignorer les annales contemporaines de son récit. […] Je ne veux aucunement traiter de fables les récits voulus sincères, et nous n’excellons point en tant de genres qu’on doive dénigrer des travailleurs qui maintiennent mieux que tous autres en France, avec les meilleures méthodes, la tradition de l’investigation scientifique. […] Son récit est local, profondément, mais il faut lui savoir gré d’épargner des descriptions de ciels et de palmiers déjà connus, gré davantage et point négativement d’avoir écrit un roman psychologique et social qui soit roman algérien.

113. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XX. Mme Gustave Haller »

Il y a de l’adultère, du naufrage, de l’assassinat, de l’enfant enlevé, du procès criminel, de la pendaison, interrompue au moment final ; toutes les péripéties haletantes et pirouettantes des romans d’Alexandre Dumas et de Ponson du Terrail — ces conteurs bas, aimés des esprits bas — tout le vieux jeu du mélodrame, retourné de la scène au récit ! […] Elle y reste… ou plutôt elle y resterait, si elle ne plantait tout là, quand elle est embarrassée, et ne sautait à une autre situation, ce qui fait de son récit une suite (peut-on dire une suite ?) […] Dans ce livre, le récit n’est rien de plus que le récit.

114. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IV. »

Ces chanteurs introduits dans l’action de l’Odyssée, ce chantre aveugle qui se fait entendre à la table hospitalière du roi Alcinoüs, leurs hymnes aux dieux, ne s’éloignent en rien, pour l’expression et le rhythme, de tout le reste du récit. […] Il n’importe ; on voit ici, dans l’unité de ton des hymnes religieux et des récits épiques, l’antiquité même de cette poésie lyrique. […] Mais l’hymne à Apollon, cité par Thucydide, et quelques autres à Mercure, à Vénus, à Cérès, mêlés de récits et de prières, marquent bien le rapport de la poésie narrative au chant lyrique. […] Le goût sentit, dans la fiction et le récit, cet accent naïf qui ne trompe pas et qu’on ne peut guère simuler.

115. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Prosper Mérimée. »

Il nous suffisait d’être avertis, et « tout ça, c’est de la littérature. » Or, lisez les courts récits de Mérimée. […] Et, si je ne devais m’en tenir aux récits rassemblés dans ce volume, combien d’autres où il paraît se complaire dans la peinture ou plutôt dans la notation tranquille de la stupidité, de la férocité et de la misère humaines ! […] Il goûte par-dessus tout les époques et les pays de vie ardente, de passions fortes et intactes : le XVIe siècle, la Corse des maquis, l’Espagne picaresque  Et ce sceptique a écrit le plus beau récit de bataille qui soit : L’enlèvement de la redoute.

116. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre IV. Personnages des fables. »

Les fables ne sont pas non plus — comme on aurait tendance à le croire au premier abord — des sortes de fabliaux satiriques dans le genre des récits analogues du Moyen-Age. […] Les fables indigènes sont donc des récits exclusivement destinés à l’amusement des auditeurs et n’ont nullement pour but d’enseigner la morale, fût-elle uniquement pratique, ni de dénoncer les abus sociaux. Parmi ces récits, les plus nombreux — et de beaucoup — sont ceux qui rapportent les bons tours joués par maître lièvre à l’hyène, son ennemie intime.

117. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 377-379

Il écrit avec noblesse, & souvent avec élégance ; il a l’art de présenter les faits d’une maniere intéressante ; on voit qu’il est plein de sagacité dans la Critique, judicieux & quelquefois profond dans ses Réflexions, toujours vrai dans ses Récits. […] Un autre défaut qu’on peut lui reprocher, est trop de timidité dans le récit, & trop peu de cette abondance historique, si nous pouvons nous servir de ce terme, qui facilité la marche de l’Historien & lui donne de la rapidité.

118. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

N’y a-t-il pas, en effet, de la religion dans la philosophie, de la philosophie dans l’histoire, du drame dans le récit, du récit dans le drame, de la poésie dans l’éloquence, de l’éloquence dans la poésie ? […] Quelle que soit la fécondité de la pensée, l’imagination d’un homme ne suffirait pas à la création de ces multitudes de fables sacrées ou récits populaires. […] Pour qu’une nation écoute et retienne ces récits chantés, il faut que ce qu’on lui chante soit déjà accepté comme un fonds de vérité dans ses traditions. […] Le génie héroïque et le génie sacerdotal s’y confondent tantôt dans des récits de batailles, tantôt dans des raffinements spiritualistes de la morale et de la théologie. […] Damayanti, de son côté, est sans cesse obsédée des récits que la renommée fait de la beauté, de l’héroïsme et de la vertu de Nala.

119. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Suivons donc Villehardouin dans son récit sobre et peu souple, mais digne et fidèle. […] Villehardouin, qui nous donne cette impression à travers son récit, ne la démêlait sans doute qu’imparfaitement lui-même : il n’y avait point de contradiction déclarée alors entre ces intérêts du monde et ceux de la religion ; les mêmes hommes qui pourvoyaient aux uns étaient sincèrement préoccupés des autres : toute la différence n’était que dans la proportion et dans la mesure ; mais la part faite au ciel, même quand elle ne venait qu’en seconde ligne, restait encore grande. […] Il manquait encore, malgré tout, une énorme somme : « Et de cela furent extrêmement joyeux, nous dit Villehardouin, ceux qui ne voulaient rien y mettre ; car maintenant ils pensaient bien que l’armée devrait se rompre. » Le fait est qu’à tout moment on aperçoit dans le récit de Villehardouin le regret d’une partie des croisés de s’être engagés si légèrement dans une si rude entreprise et le désir de la faire échouer. […] Voilà le côté politique et prudent ; mais l’autre côté généreux et grandiose, je ne le dissimulerai pas, comme l’ont trop fait dans leurs divers récits des écrivains raisonnablement philosophes : la grandeur du courage et l’héroïsme, ce sont là aussi des parties réelles qui, même après des siècles, tombent sous l’œil de l’observation humaine. […] je franchis pour le moment les intervalles ; écoutons l’héroïque récit.

120. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

L’auteur a soin de ne donner son récit que comme un passe-temps et presque un badinage : un jour, à Lesbos, étant allé chasser dans un bois consacré aux Nymphes, il a vu un tableau peint ou une suite de peintures ; il s’est fait donner l’explication, et c’est ce récit qu’il va refaire et raconter. […] Daphnis a quinze ans quand le récit commence, et Chloé en a treize ; tous deux sont dévots aux Nymphes, dont la grotte sacrée est voisine de là, et c’est même dans cette grotte que Chloé à la mamelle a été trouvée avec la brebis qui la nourrissait. […] Tout n’est pas pastoral et innocent dans le récit. […] Tous les accidents, tels que surprises, vols, guerres, qui viennent troubler le cours heureux du récit principal sont racontés lu plus vite possible, et, aussitôt passés, ne laissent derrière eux aucun souvenir.

121. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

Il aimait à raconter ses aventures, j’aimais à les entendre, ce qui avait un grand charme pour lui ; car je soupçonne que ce que j’entendais pour la première fois, les gens de sa Cour l’entendaient pour la centième… « Je me souviens de l’impression que me firent les récits du prince ; j’étais étonné de l’entendre parler sans fiel de ses ennemis, et sans reconnaissance pour ses amis : c’était un vrai Stuart. […] Je laisse parler Dutens ; on ne refait pas ces premiers récits tout naturels : « Le jour étant pris pour l’exécution du projet, Mme Orlandini vint déjeuner chez le comte-d’Albany ; après le déjeuner, elle propose d’aller au couvent des Bianchette (Dames-Blanches) voir quelques ouvrages de religieuses, en quoi celles-ci passaient pour exceller. […] J’avoue que toute cette partie du récit de M.  […] J’emprunte ce récit à Dutens (Mémoires d’un Voyageur qui se repose, tome II, page 125). […] J’ai suivi Dutens, qui dit tenir le récit de M. de Choiseul lui-même, dans une conversation à Chanteloup, et qui, étant diplomate, paraît avoir dû être moins sujet à se tromper.

122. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Au sortir de là, il se mit à écrire le récit de cette visite où le philosophe, sans le connaître, sans l’avoir vu encore, n’eut pas même l’idée de lui demander son nom, lui parla d’abord de tout, comme à un vieil ami, s’ouvrit à lui de mille plans politiques, philosophiques et autres, faisant à la fois les questions et les réponses, et ne le quitta qu’après l’avoir serré avec effusion dans ses bras. Ce charmant récit de trois ou quatre pages, très fin, très gai, qui exagère la réalité, qui ne va pas tout à fait jusqu’à la caricature, qui a de l’ivresse et du montant, qui semble écrit après déjeuner, est peut-être le premier échantillon, dans notre littérature, de ce genre un peu chargé, mais d’une charge légère, où Janin s’est tant joué depuis. […] Maintenant, je n’entrerai pas dans le récit du roman de M.  […] J’ai tant de respect, je l’avoue, pour tout ce qu’on peut savoir de vérité historique, que j’aurais préféré un récit tout simple, tout nu, de ce qu’on sait sur cette congrégation de l’Enfance, ou du moins un récit dans lequel les circonstances inventées n’eussent paru jurer en rien avec les faits d’autre part avérés et établis.

123. (1927) André Gide pp. 8-126

Point d’action, point de récit : rien que de l’analyse. […] Dans le récit, puisque récit il y a, M.  […] Le mieux sera de suivre pas à pas le récit, en tâchant d’en dégager peu à peu la signification. […] Dans l’acception ordinaire, c’est justement un récit de deux ou trois cents pages au moins, qui peut être une « sotie » ou n’importe quoi, en outre, pourvu qu’il soit d’abord un récit. […] Quelle peine il s’est donnée pour mettre sur pied ce récit finalement à demi raté !

124. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Le récit de Saxo Grammaticus nous émeut sans doute ; mais quel abîme entre le récit et la tragédie de Shakespeare ! […] Le récit du règne de Charles VII révèle dans le talent de M.  […] Et pourtant, dans le récit même de la vie de Jeanne d’Arc, combien de fois M.  […] Il est difficile de suivre dans le récit de M.  […] Le récit proprement dit, simple, austère ou paré de couleurs poétiques, le récit en lui-même semble répugner à son intelligence.

125. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Docquois, Georges (1863-1927) »

. — Pantomime de poche, récit animé (1896). — Lucas s’en va-t-aux Indes, farce tabarinique en vers (1896). — Compliment de la Parisienne à François Coppée (1896). — Le Pont aux ânes, farce en un acte, en vers (1897). — Théâtre bref, en collaboration avec Émile Coden (1897-1898). — Paris sur la route, revue, en collaboration avec Lucien Métivet (1897). — On demande un jeune ménage, un acte, en collaboration avec Em.  […] Mais il n’a utilisé que l’ossature de la nouvelle, le récit nu, tel qu’il eût pu le trouver dans un fait divers.

126. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

J’ai pris un grand plaisir à l’entendre lire, il y a quelques mois, dans un temps où je n’étais guère capable d’une application continue ; cette notice m’a touché à la fois par la singularité de la destinée individuelle qu’elle retrace, et par les réflexions morales et humaines qu’elle suggère : je me suis promis d’en faire part à mes lecteurs, à mon premier loisir, et de les associer, s’il se peut, aux sentiments que j’avais éprouvés moi-même au récit de cette simple et véridique histoire. […] Le récit de M. de Saint-Joseph, fort exact, fort circonstancié, ne manque pas d’un sentiment d’émotion qui dispose à la pitié. Je ne crois rien m’exagérer, mais ce récit naturel, qui d’une part nous montre des populations exaspérées, fanatisées, sauvages, des chefs et des gouverneurs timides et obligés de hurler avec la populace, de peur de la voir se déchaîner ; qui, d’autre part, nous fait entrevoir des âmes humaines comme il s’en rencontre partout, des cœurs pétris d’un meilleur limon et qui s’attendrissent au spectacle des peines et des souffrances de leurs semblables ; ce récit, sans y viser, a quelque chose de pathétique et de tout à fait virgilien : « Au coucher de la lune, l’obscurité devint profonde ; les guérillas perdirent toute trace de chemin et nous surveillèrent de plus près. […] Telle est cette touchante histoire qui tranche, ce me semble, sur les autres récits de cette époque célèbre. […] Sur Stengel, « le parfait modèle du général d’avant-poste », qui fait la transition de l’ancienne armée à la nouvelle, il faut voir la belle page que lui a consacrée Napoléon dans le récit de la première campagne d’Italie.

127. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Il importe assez peu pour la qualité de l’ouvrage que l’auteur en ait pris ici ou là le canevas, qu’il y ait inséré tel ou tel épisode d’emprunt : le mérite n’est pas dans l’invention générale, mais dans la conduite, dans le ménagement de chaque scène et de chaque tableau, dans le détail du propos et du récit, dans l’air aisé et le tour d’enjouement qui unit tout cela. […] Mais il le faisait avec naturel, avec facilité, avec un don de récit et de mise en scène qui était son talent propre, avec une veine de raillerie et de comique qui se répandait sur tout, avec une morale vive, enjouée, courante, qui était sa manière même de sentir et de penser. […] L’auteur, dans ce récit étendu, développé et facile, a voulu représenter la vie humaine telle qu’elle est, avec ses diversités et ses aventures, avec les bizarreries qui proviennent des jeux du sort et de la fortune, et surtout avec celles qu’y introduit la variété de nos humeurs, de nos goûts et de nos défauts. […] Ce troisième volume abonde en récits excellents. […] Mais tous ces emprunts, ces pièces de rapport, et les choses qu’il y mêlait de son invention, se fondaient et s’unissaient comme toujours dans le cours d’un récit facile et amusant.

128. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

C’est dans cette retraite dernière qu’il écrivit son plus agréable et son plus durable ouvrage, ses Mémoires : « C’est pour mes enfants que j’écris l’histoire de ma vie, dit-il en les commençant ; leur mère l’a voulu. » Il s’y trouve bien des choses qu’on est étonné, à la lecture, qu’il ait écrites pour ses enfants et à la sollicitation de sa femme ; mais cela forme un trait de mœurs de plus, et le ton général de bonhomie et de naturel qui règne dans l’ensemble du récit fait tout passer. […] Il est à remarquer comme dans ses récits, de quelque nature qu’ils soient, il n’oublie jamais les détails du manger, le vin de Champagne ou le flacon de vin de Tokai qui animait la fin des plus spirituels repas. […] » Il manque peu de chose à ces premiers livres des Mémoires de Marmontel pour en faire de vrais chefs-d’œuvre de récit et de peinture familière et domestique. […] Rien de plus agréable, d’ailleurs, que tous ces premiers récits de Marmontel. […] Cette discrétion faisait, dans mes récits, l’admiration de ma mère. » On voit le ton et quel vif sentiment domestique anime toutes ces premières pages.

129. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Et par l’ingénuité de sa conception cette simple nouvelle prend les proportions d’un récit épique. […] Cependant l’auteur se restreint aux faits seuls de son récit ; avec un pouvoir rare sur son talent il sait faire tenir le récit, — et naturellement, sans l’ombre d’intention. — dans les bornes d’une conscience d’enfant. […] Pour moi un récit doit s’expliquer lui-même. […] En effet, chaque récit forme un groupe. […] L’auteur semble nouer le nœud du récit, tandis qu’en réalité il en prépare la solution.

130. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Souvent même, devenu exigeant avec l’estimable biographe qui ne tire de son trésor que ce qui se rapporte assez directement au récit, le lecteur voudrait plus d’excursions, plus de prodigalités de citations et d’extraits ; ou plutôt il voudrait tout, il lui faudrait toutes ces familiarités et ces divagations de correspondance. […] Dans le récit, ou plutôt dans la discussion à laquelle il se livre, des amours de Mirabeau et de Sophie, nous craignons que M. Lucas-Montigny ne se soit grossi les inconvénients de certains détails nouveaux, et que ses idées sur la dignité du genre n’aient ajouté un peu trop de rigueur à sa louable morale « Nous pourrions, dit-il, donner une relation très-circonstanciée de l’emploi du temps passé follement aux Verrières, de la route suivie par les deux amants quand il se furent décidés à s’éloigner, de tous les accompagnements de cet acte de démence et de désespoir ; mais un tel récit serait mélangé d’incidents scandaleux que nous rejetterons toujours, parce qu’ils sont indignes de l’histoire, parce qu’ils la dégradent, parce que même ils la font mentir, puisqu’elle doit peindre les grands faits et non les passagers accidents de la vie des personnages dont elle s’occupe, les traits saillants de leur physionomie et non les difformités secrètes. » De telles maximes crûment énoncées par un biographe sont elles-mêmes la critique la plus sévère du procédé qu’il suit : nous ne nous arrêterons pas à les réfuter. […] Et pourtant ces souvenirs des commencements doivent être pleins de pureté et de charme, lorsque le prisonnier de Joux, jouissant d’une demi-liberté, venait à Pontarlier chez le vieux marquis de Mounier dont la maison lui était ouverte, lorsqu’il racontait devant lui et sa jeune femme les malheurs et les fautes qui l’avaient conduit là, et qu’elle, comme Desdemona aux récits d’Othello, comme Didon aux récits d’Énée, comme toutes les femmes qui écoutent longuement des exploits ou des malheurs, pleurait et l’aimait pour ce qu’il avait fait et subi, pour ce qu’il avait souffert. […] Mirabeau lui-même, écrivant à une personne à laquelle il ne parlait que le langage de la plus sincère conviction, disait : « Mon père a autant de supériorité sur moi par le génie, qu’il en a par l’âge et le titre de père. » Après un admirable récit de la vie de son grand-père, Jean-Antoine, récit composé dans une captivité au château d’If sur les notes de son père, il termine par ces mots : « Ceux qui seraient étonnés des couleurs que nous avons osé employer pour peindre un homme qui n’est resté ni dans les fastes des cours qu’on appelle histoire des nations, ni dans les recueils mensongers des gazettes, auraient tort, à ce qu’il nous semble….

131. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Cette insouciance, mise sous les yeux du spectateur, le frappe beaucoup plus qu’un simple récit n’aurait pu le faire. […] J’avais essayé de mettre en récit ce que Schiller a mis en action. […] L’obligation de mettre en récit ce que, sur d’autres théâtres, on pourrait mettre en action, est un écueil dangereux pour les tragiques français. Ces récits ne sont presque jamais placés naturellement. […] On a relevé mille fois l’inconvenance du superbe récit de Théramène dans Phèdre.

132. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Meurice, Paul (1818-1905) »

Le récit de l’emploi de ses journées serait un récit merveilleux ; je ne crois pas qu’il se souvienne d’une heure inutilement employée.

133. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 58-61

Sa maniere de narrer n’est point un récit ; c’est une déclamation, un amas d’antitheses, un enchaînement de pensées symétriques, une collection de jolis tableaux, qui caractérisent bien plus le pinceau académique, que les vigoureux crayons de la Muse de l’Histoire. […] Il faut sans doute à leurs oreilles des phrases longues, seches, & contournées avec de pénibles efforts ; il faut à leur esprit des pensées emphigouriques, des réflexions froides, des observations équivoques, des contradictions* révoltantes, des vûes minutieuses, le tout énoncé avec le sombre appareil de la morosité ; il faut pour leur amusement, des critiques ameres, des récits scandaleux, des calomnies.

134. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Seulement, je veux vous faire remarquer qu’il y a des fables qui sont tout entières des narrations, non plus seulement des descriptions rapides, mais des narrations de la nature, c’est-à-dire une suite de tableaux de la nature se reliant entre eux et formant un récit, formant un poème de la nature. […] Il y a, comme en parallélisme, ou comme en entrelacement, la fable, l’anecdote à proprement parler, l’anecdote qui conduit à une conclusion morale, mais, s’entrelaçant à elle, un récit de phénomènes naturels. […] On s’étonne que le récit des faits naturels qui ont dû se produire n’y soit pas. La Fontaine a dédaigné ou négligé ce récit qui serait une chose charmante, et cette ressource poétique. […] Encore une fois, comme toujours il y a entrelacement de la fable à proprement parler et du récit naturiste qui est une semaine de la vie des champs.

135. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — II » pp. 161-173

Je n’ai pour cela qu’à profiter des documents mêmes que me fournit la publication nouvelle, en tirant un peu moins du côté de l’éloge que ne l’a dû faire naturellement l’estimable biographe (tout biographe devient aisément un apologiste ou un panégyriste), et en me tenant d’ailleurs dans les lignes exactes du récit de Napoléon, le premier des juges, ainsi que dans les termes des meilleurs témoins, auteurs de mémoires. […] Il est curieux de voir dans le récit de Napoléon, à côté des noms des grands divisionnaires d’alors, Laharpe, Masséna, Augereau, Stengel trop tôt enlevé, poindre coup sur coup et comme s’échelonner les nouveaux noms destinés à l’illustration prochaine : Joubert en tête, distingué pour le combat du 13 avril à l’attaque de Cosseria et à la prise des hauteurs de Biestro ; Lanusse, adjudant général, décidant de la victoire du 15 à Dego ; Lannes fait colonel pour sa conduite dans le même combat ; Murat suppléant et vengeant dans une charge dernière Stengel tué le 21 à Mondovi. […] L’entrain du triomphe et de la jeunesse, la familiarité militaire et républicaine, l’amabilité naturelle, la gaieté et même un peu d’étourderie française, respirent dans le récit, qu’on va lire, de l’accueil fait à Joubert et à Masséna dans la citadelle d’Alexandrie (6 mai 1796) : J’aurais voulu dater ma lettre d’Alexandrie ; mais j’ai passé si rapidement avec mon avant-garde, que j’ai à peine eu le loisir de profiter des honnêtetés de M. le gouverneur (Solaro), homme à crachats et à deux ou trois ordres au moins. […] Je ne recommencerai pas un récit de cette journée de Rivoli : on ne refait pas un tableau après les maîtres30.

136. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « L’Abbé Prévost et Alexandre Dumas fils » pp. 287-303

Il resterait donc ici le poète du détail, du récit, de la mise en scène et du style, qui sont bien aussi de la poésie ; mais ce poète-là n’y est pas davantage. […] Il a beau nous raconter la vie de cette fille, qu’il nous dit si jolie et si voluptueuse, il ne rose ni ne rougit son récit de la fraîcheur de sa jeunesse ou de l’émotion de son plaisir. […] Le récit de Manon Lescaut n’a pas l’air de se comprendre… Il va toujours son amble tranquille, chargé de choses dégoûtantes, comme le mulet chargé de reliques, et ce malheureux récit, qui ne se doute de rien, s’en revient toujours de Pontoise… Est-ce cela que Dumas appelle de la candeur ?

137. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « V » pp. 19-21

Le récit si dramatique de Tite-Live a été très-bien suivi et développé, ainsi qu’un très-beau récit d’Ovide (Fastes, livre Il).

138. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Bon nombre de fables se mêlaient à ces récits, et les poëtes chroniqueurs puisaient aux mêmes sources que les auteurs de romans. […] Les jeux-partis, sorte de dialogues mêlés de récit et de réflexions, pourraient être regardés comme de grossières ébauches du poème dramatique17. […] Un trop grand nombre de ces poèmes ne sont que des imitations de récits orientaux, transmis par des traductions latines. […] De même que, dans la prose, la langue a déjà une sorte de maturité pour le récit, de même, dans les écrits en vers, la langue suffit à ce tour d’esprit satirique avec lequel notre nation est née. […] C’est donc dans les poèmes mêlés de récit et de satire qu’il faut chercher les premiers traits de l’esprit français et les premières traditions de notre langue poétique.

139. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

On y pense d’abord aux faits, puis au récit ; à la matière, puis à l’art. […] Il y fallait un poète et tout l’art du théâtre transporté dans le récit de faits historiques. […] La grande beauté de l’Histoire de Charles XII, c’est le récit. […] L’histoire moderne n’a pas de plus beau récit. […] Au commencement du récit, tout est au futur : c’est le temps qui sied à une hypothèse.

140. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Cette multiple agonie, partagée en chapitres dialogues, soulève le cœur, et n’ajoute rien à la vraisemblance du récit. […] Tous ces détails, tous ces hors-d’œuvre, ralentissent le récit et provoquent l’impatience. […] Mais toute cette érudition théorique et pratique n’ajoute rien à l’intérêt du récit. […] L’emploi de l’histoire au théâtre n’est-il pas soumis à des lois très différentes des lois du récit historique ? […] Il s’attribue et il pratique librement le droit de modifier, d’élargir, d’interpréter les récits des conteurs italiens.

141. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Cette république noble et marchande, dont l’origine se perd dans les plus anciens débris de l’Empire romain ; qui eut la première en Italie, en face et à côté de la nouvelle politique romaine, une politique à elle, profonde, suivie, consommée, indépendante ; qui eut ses épisodes de grandeur héroïque et de chevalerie maritime, bien qu’un intérêt de commerce fût toujours au fond ; qui, dans le cours de sa longue et séculaire décadence, sut trouver tant de degrés encore brillants et des temps d’arrêt si glorieux ; qui ne s’abaissa véritablement que depuis la fin du xviie  siècle ; ce gouvernement jaloux, mystérieux, si longtemps sage, de qui la continuelle terreur était tempérée par un carnaval non moins continuel, comme en France la monarchie absolue l’était par des chansons ; cette cité originale en tout, et qui le fut hier encore jusque dans l’insurrection dernière par laquelle, déjà si morte, elle essayait d’un réveil impossible ; cet ensemble d’institutions, d’intérêts, d’exploits et de prouesses, de conjurations, d’espionnages et de crimes ; tant de majesté, de splendeur et d’austère vigilance, se terminant en douceurs molles et en plaisirs, tout cela se suit et se comprend d’autant mieux dans le récit de M.  […] Daru avec emphase ; elles sont dites en passant et fondues dans le récit. […] On a, dans les Mémoires de Napoléon, un récit de ce même accident, de cette catastrophe définitive ; elle est retracée avec une rapidité et avec une certitude péremptoire que lui seul, l’acteur principal et le conquérant, pouvait se permettre. […] Je n’ai point assez examiné toutes les faces de ce problème historique pour me permettre d’avoir un avis et pour dire si la question est aujourd’hui bien positivement résolue : seulement on ne saurait traiter le récit ou plutôt l’interprétation de M.  […] Une fiction romanesque, c’est la qualification que peut mériter le récit de Saint-Réal avec son cortège d’assemblées nocturnes, de discours éloquents et de caractères inventés ; il n’a rien vu là-dedans, en effet, que l’occasion de faire un beau pendant à la Conjuration de Catilina par Salluste.

142. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Renan qui, depuis des années, avait formé le dessein de donner une histoire critique des origines et des progrès du christianisme pendant les trois premiers siècles, crut devoir modifier un peu son plan de campagne : il pensa qu’il serait bon et opportun de détacher le premier volume et de le donner hardiment sous forme de récit, presque de cinquième Évangile ; il publia la Vie de Jésus, qui vient de mettre le feu aux poudres et de passionner le public. […] Renan, en exposant l’origine première et la naissance du christianisme, pouvait choisir entre diverses méthodes et diverses formes : il a préféré, pour ce premier volume, pour l’histoire du fondateur, le récit, la biographie suivie, en prenant soin d’y fondre et d’y cacher de son mieux la discussion : il n’a pu toutefois l’éviter entièrement. Critiquer et défaire un récit à deux mille ans de distance est chose plus aisée que de le reconstituer, surtout lorsque l’on n’a pour cette œuvre d’autres secours directs, d’autres renseignements et matériaux que ceux qui sont fournis par les historiens mêmes que l’on vient critiquer. […] Renan ne présente-t-il son récit que comme probable et plausible, comme une façon satisfaisante de concevoir et de s’imaginer ce qui a dû se passer, ou de cette manière, ou d’une manière plus ou moins approchante. […] Il semble presque impossible, au point de vue de l’art et en prétendant conserver l’intérêt du récit, d’opérer une réduction quelconque de ce grand drame, consacré dans les imaginations par l’admirable liturgie du Moyen-Age et par tant de chefs-d’œuvre du pinceau.

143. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

A une première ébauche de l’esprit français ; à quelques poésies satiriques, inspirées par nos mœurs nationales ; à quelques récits clairs et intéressants des événements de notre histoire. […] La foi du théologien transporte saint Bernard si loin et si au-dessus de la vie, qu’il néglige ces indications si lumineuses ; et quand il se rencontre dans les livres saints quelques fortes peintures ou des récits attachants de la vie, il les tourne à la figure, comme pour mettre une ombre mystique entre la réalité et lui. […] Froissart en mêle trop rarement à ses charmants récits mais là composition est elle-même une idée générale d’un ordre supérieur. […] On l’a vu plus haut pour les chroniqueurs : les événements contemporains sont l’unique matière de leurs récits. […] Fallait-il donc que l’esprit français continuât de tourner dans ce cercle du récit et de la satire, et se réduisît à la peinture et à la critique de la société française ?

144. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

J’aime peu, je l’avoue, dans l’histoire grave ce mode de division et de coupe ; c’est ce que j’appelle de l’histoire par strophes, c’est une gageure perpétuelle d’être éloquent et de dramatiser le récit. […] Avant d’en venir à nous rendre l’esprit des premières scènes de la Restauration, M. de Lamartine s’est engagé dans le récit de la campagne de 1814. […] Quand arrive l’heure de la Restauration, M. de Lamartine pourtant ne peut s’empêcher de redevenir l’homme de 1814, et de saluer l’ère véritable de laquelle il date et où il a reçu, lui et nous tous, le baptême de l’esprit : « Le règne des épées finissait, dit-il, celui des idées allait commencer. » Les hommes politiques encore existants qui ont vu de près ces grandes choses de 1814, l’arrivée des Alliés devant Paris, les négociations d’où sortit le rétablissement des Bourbons, et qui ont assisté ou qui ont été immiscés à quelque degré à ces conseils des souverains, en laisseront sans doute des récits dignes de foi et circonstanciés ; ces hommes trouveront immanquablement à redire en bien des points aux vastes exposés de M. de Lamartine. […] Pour les détails et pour le canevas de la narration, il a continuellement emprunté au récit de deux historiens qui l’ont précédé, et qui ont fait des recherches plus exactes et plus positives qu’il n’est accoutumé à en faire. […] Le hasard, ou plutôt ma curiosité naturelle, veut que j’aie précisément écrit pour moi, le soir même, le récit de ma rencontre et de ma conversation avec M. de Lamartine ; je me garderai bien d’en faire part au public, qui est rebattu pour le moment de ces sortes de confidences.

145. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

On a le récit de ses aventures tant soit peu masquées et romancées dans une petite nouvelle intitulée La Provençale. Il s’y met en scène sous le nom de Zelmis, et ne s’y montre pas à son désavantage : « Zelmis, comme vous savez, mesdames, est-il dit dans le récit, est un cavalier qui plaît d’abord : c’est assez de le voir une fois pour le remarquer, et sa bonne mine est si avantageuse qu’il ne faut pas chercher avec soin des endroits dans sa personne pour le trouver aimable ; il faut seulement se défendre de le trop aimer. » Ce Zelmis a rencontré à Bologne, dans une fête, une belle Provençale, une Arlésienne, mariée à un sieur de Prade, et qui, dans le roman, s’appelle Elvire. […] On regrette en cet endroit que Regnard n’ait pas fait comme pour ses autres voyages, qu’il n’ait pas donné un récit tout nu et sans ombre d’art : ce serait aujourd’hui plus intéressant pour nous. […] Bref, sans entrer dans les détails du récit qui, d’ailleurs, ne manque pas de grâce et de délicatesse, Regnard et la belle Elvire sont délivrés ; le mari qu’on croit mort est plus qu’oublié. […] Lui, il n’était guère connu des gens du voisinage que par les récits de son valet de chambre, et comme un grand voyageur qui avait eu bien des aventures.

146. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Parlant du style de l’histoire, Cicéron, par la bouche d’Antoine, le veut et le recommande sans rien qui rappelle le barreau ou la tribune, coulant et continu, et d’un beau courant de récit. […] Mérimée, qui a beaucoup étudié et médité les anciens, et qui met dans ses récits historiques plus d’art qu’il n’en montre, semble s’être particulièrement préoccupé de la manière de Xénophon et de César, et, bien qu’il varie sa narration, il la tient toujours la plus voisine qu’il peut de la sobriété et de la simplicité. […] Mon seul vœu, c’est qu’en avançant, et sûr désormais de lui et de tous, comme il l’est et le doit être, il se méfie moins, qu’il s’abandonne parfois à l’essor, et qu’il ose tout ce qu’il sent ; voyageur, qu’il laisse étinceler cette larme amoureuse du beau, qui lui échappe en présence du Parthénon ou des marbres ioniens de l’Asie Mineure ; romancier, qu’il continue d’appliquer ses burins sévères et qu’il craigne moins, jusque dans la passion ou dans l’ironie, de laisser percer quelque attendrissement ; historien, qu’il laisse arriver quelque chose aussi de l’éloquence jusque dans la fermeté de ses récits ; que, dans la grande et maîtresse histoire qu’il prépare, il réunisse tous ces dons, et comme toutes ces parties séparées de lui-même, qu’il a perfectionnées avec tant de soin une à une ; qu’il les fonde et les rassemble désormais, et qu’il accomplisse avec toutes les forces qu’il possède, et avec ce feu qui unit le cœur à la volonté, cette belle histoire de Jules César, du plus ami de l’esprit entre les conquérants, du plus aimable entre les grands mortels. […] Ce sont ces touches fines et poétiques qui font le charme des jolis récits de M. de Musset. […] Son récit est net, svelte, alerte, coupé au vif.

147. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bonnières, Robert de (1850-1905) »

La reine destinataire des récits de M. de Bonnières se complaît évidemment trop à un vocabulaire vieillot, et son conteur flatte ses vénérables références. […] Il utilise les récits, les légendes dans un esprit très national de moraliste plutôt que de poète, mais avec un archaïsme un peu uni, une tenue classique trop sévère et, par cela même, trop éloignée des frustes abandons.

148. (1912) L’art de lire « Avant-propos »

Fiches relatives à l’invention, aux idées nouvelles ; fiches relatives à la disposition, au plan, à la manière dont l’auteur conduit ses idées ou conduit son récit, ou mêle ses idées à son récit ; fiches sur le style, sur la langue ; fiches de discussion enfin, c’est-à-dire sur les idées de l’auteur comparées aux vôtres, sur son goût comparé à celui que vous avez, sur ses idées encore et son goût comparés à ceux de notre génération ou à ceux de la génération dont il était, etc.

149. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 15, observations concernant la maniere dont les pieces dramatiques étoient représentées sur le théatre des anciens. De la passion que les grecs et les romains avoient pour le théatre, et de l’étude que les acteurs faisoient de leur art et des récompenses qui leur étoient données » pp. 248-264

L’opera des bamboches, de l’invention de la grille, et qui fut établi à Paris vers l’année mil six cens soixante et quatorze, attira tout le monde durant deux hyvers, et ce spectacle étoit un opera ordinaire, avec la difference, que la partie de l’action s’executoit par une grande marionnette, qui faisoit sur le théatre les gestes convenables aux récits que chantoit un musicien, dont la voix sortoit par une ouverture ménagée dans le plancher de la scéne. […] Suivant le récit de Ciceron, ceux qui joüoient des tragédies s’exerçoient des années entieres avant que de monter sur le théatre. […] Suetone ajoute même quelques particularitez assez curieuses, au récit de Pline.

150. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Bon gré, malgré, il faut rire en écoutant le récit de cette vie joyeuse et folle. […] Ce récit naïf porte avec lui la condamnation du despote. […] M. de Lamartine a bien senti tout ce qu’il y a d’étrange dans un tel récit adressé au public ; il a prévu le reproche et tenté de se justifier. […] Je regrette bien vivement que l’auteur n’ait pas compris la nécessité de clore son récit à la mort de Graziella. […] Il y avait dans cette action unique de quoi défrayer les quatre cents pages de son récit.

151. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVII » pp. 109-112

……………… La reine d’Angleterre est arrivée au Tréport et à Eu samedi, comme on l’attendait (voyez les Débats et le récit de M. […]  — Cela fera sourire vos républicains et, si vous le voulez, prévenez-les, en souriant vous-même, du récit que vous ferez.

152. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Je partis et j’écrivis ce récit qui date d’hier soir. […] Pierre Loti a bien, lui aussi, le charme du récit, mais il sait se garder d’être trop habile et il est éloquent. […] Toutes les pages de ce récit sont navrantes, et je ne saurais mieux faire que d’emprunter une citation à l’avertissement ; pour mieux définir l’intérêt de ce livre qui prendra une belle place auprès des récits de Silvio Pellico ; laissons parler M. de Vogüé. […] Ce récit peint sur le vif l’influence bienfaisante du romancier. « On nous conduisit dans une salle étroite, froide et sombre. […] Je continue le récit.

153. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — I. Sur M. Viennet »

L’ouvrage qu’il publie aujourd’hui et où il a résumé en un corps de récit toute son Étude ecclésiastique et politique depuis saint Pierre jusqu’à Innocent III, depuis la barque du pêcheur jusqu’aux gloires du Vatican, n’eût peut-être jamais paru, si l’auteur n’avait en quelque sorte été provoqué et piqué personnellement. […] Nous pourrions détacher quelques chapitres de l’ouvrage qui sont d’un récit animé et qui offrent de rapides tableaux.

154. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Schwob, Marcel (1867-1905) »

Marcel Schwob pour écrire tout jeune des récits d’un ton si ferme, d’une marche si sûre, d’un sentiment si puissant. […] Schwob, plus artiste à coup sûr qu’Hérodas, met dans ses récits une poésie et une mélancolie qui manquaient au poète de l’Île de Cos, lequel était volontiers jovial et « réaliste ».

155. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

Aujourd’hui des légions et des flottes, et, ce qu’on avait vu plus rarement encore, les prétoriens et les soldats, gardiens de la ville, marchaient au combat. » II Selon l’admirable économie de ses récits, ordonnés comme des poèmes, Tacite profite de la lenteur d’Othon dans sa marche vers les Gaules pour reporter les regards de son lecteur vers une autre région de l’empire où se noue un autre drame militaire pour un troisième dénouement déjà prévu. […] Ici Tacite reprend le récit de la guerre civile, après avoir ainsi montré en Orient le germe d’un autre règne. […] L’invective, dans Tacite, n’est pas moins vengeresse que son jugement n’est impartial dans le récit : « Un misérable, nommé Régulus, frère de Messala, a brigué sous Néron le rôle de délateur ; il a perdu, par ses délations, d’illustres familles, il s’est engraissé de leurs dépouilles. […] XXXIV Du sénat, Tacite transporte le récit dans les Gaules et en Judée. Les mœurs des peuples qu’il décrit interrompent habilement le récit des tragédies romaines, et reposent l’âme pour la préparer à de nouvelles émotions.

156. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Nous sautons le technique et nous courons au récit ; car, si nous aimons nos prétentions, nous leurs préférons notre plaisir. […] A un récit complexe et continu, il a préféré une suite de tableaux représentant, l’un après l’autre, tous les grands côtés de la société française sous le règne de Louis XIV. […] Ce que nous demandons à l’historien, pour en garder une impression durable, ce sont les causes de la guerre exposées et jugées, la situation des deux peuples qui vont en venir aux mains, leurs chefs, les préparatifs de la lutte, les batailles, et, dans les récits de ces batailles, les traits qui caractérisent le commandement chez les généraux et la manière de se battre chez les soldats ; enfin, la justice rendue à tous, avec un peu d’inclination pour tout ce qui peut honorer notre nation à ses propres yeux, et entretenir parmi nous la tradition de la discipline et du courage. […] Je n’empêche pas qu’un autre n’analyse longuement les dépêches et qu’il n’entrecoupe le récit par des extraits ; — mais alors il fait une histoire diplomatique ; — qu’il ne s’étende sur les dissensions intérieures de la Hollande et sur la fin tragique des De Witt ; mais c’est entreprendre sur l’histoire de la Hollande ; — qu’il ne raconte au long les combats qui en si peu de jours mettent la Hollande aux abois, et la forcent à se noyer pour se sauver ; — mais ce sont là des mémoires militaires. […] Dans le récit des croisades, ce n’est pas pour les chrétiens que Voltaire penche, fussent-ils Français.

157. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

Denain mérite donc d’être connu, étudié comme Rocroy, d’autant plus que le récit de ce beau fait d’armes offrait des points douteux et non éclaircis, des obscurités qui n’ont été levées que dans ces derniers temps. […] Aussi l’historien des Mémoires militaires, rédigés sous Louis XVI et publiés seulement de nos jours, n’hésite-t-il pas à conclure son récit de la campagne de 1710 en ces termes, si avantageux à Villars : « Ce général sauva, pour la deuxième fois, la France ; peut-être aurait-il conservé quelque place de plus si, d’un côté, un reste d’espérance de paix, et, de l’autre, le danger de mettre le royaume au hasard d’un événement douteux, n’eût dicté les ordres du roi à son général, et si le général lui-même n’eût été retenu et par la crainte des risques auxquels un combat pouvait l’exposer, et par le mauvais état dans lequel étaient les troupes. […] on a de ce fait d’armes de Denain le récit de Montesquiou, tout à son avantage naturellement ; on n’a pas le bulletin officiel du général en chef. Villars envoya le jour même au roi le marquis de Nangis, qui fit un récit verbal, et l’on en est réduit, de son côté, à la narration succincte qui se lit dans ses Mémoires et qui n’a pas la valeur d’une relation détaillée. […] Le récit du maréchal de Montesquiou, très-distinct de celui de Villars, paraît n’être arrivé d’abord au roi que par voie verbale également ; mais on possède une relation écrite que ce maréchal fit avec détail et complaisance pour être mise sous les yeux de Louis XIV, lorsqu’il dut produire ses titres et état de services avant d’être admis dans l’Ordre du Saint-Esprit.

158. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

M. de Valfons a placé dans le cours de cette année 1746 une brouille du comte de Clermont avec le maréchal de Saxe, et il en donne un récit assez agréable. […] je crois sentir dans ce simple récit de Rochambeau l’homme déjà moderne, l’homme de la guerre d’Amérique et qui a traversé honorablement 89. Son récit est naturel, sans forfanterie : il réserve son admiration pour ces ouvriers du corps d’artillerie dont aucun rapport officiel ne parle et que les brillants aides de camp rougiraient de nommer. […] Je donnerai d’abord le récit de M. de Luynes : « M. de Lœwendal était avec M. le comte de Clermont, et M. le comte d’Estrées faisait l’avant-garde de cette droite. […] monsieur le comte, vous vous fâchez ; M. le comte de Clermont a envoyé recevoir les ordres de M. le maréchal, il les aura dans un moment. » En effet, la réponse arriva : ce fut d’aller en avant, comme le comte d’Estrées l’avait proposé. » Ce récit n’est point tout à fait exact, et Rochambeau, présent à l’action, le rectifie sur quelques points : « M. le comte d’Estrées marcha, à la tête de plusieurs colonnes d’infanterie, droit au village (d’Ans), le faisant tourner par l’infanterie des troupes légères : il fut emporté, et la gauche de l’ennemi fut prise en flanc par tout le corps commandé par ces trois généraux.

159. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Tacite (1re partie) I L’histoire est de tous les genres de littérature celui qui supporte le plus la médiocrité de l’écrivain, d’abord parce que l’intérêt y est dans le fait plus encore que dans le style : le fait ou le récit se suffit, pour ainsi dire, à lui-même. […] V Il faut que l’historien soit homme d’État : car l’histoire est pleine de politique, et s’il n’a pas l’intelligence de la politique, cette bonne conduite de la vie appliquée en grand aux nations, aux sociétés, aux empires, il écrira au hasard des récits pleins d’ignorance, de contresens et de non-sens. […] VII Les peuples enfants veulent des récits merveilleux, mais sans critique, comme ceux d’Hérodote. […] On ne peut lui reprocher qu’une chose : un excès de brièveté dans le récit. […] « Jamais, en effet, calamités plus terribles et augures plus menaçants ne témoignèrent au peuple romain que les Dieux ne veillaient plus à sa sécurité, mais à leur vengeance. » XIII Après avoir frappé ainsi l’esprit de ses lecteurs de l’impression dont il est frappé lui-même, Tacite entre d’un pas rapide, mais sûr, dans son récit par le tableau du lendemain de la mort de Néron.

160. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Mais la source immédiate du drame, c’était la variation de l’office du jour, les prières ou le récit qui rappelaient l’acte divin, le saint, ou le martyr, dont l’office du jour consacrait particulièrement la mémoire ; c’était l’Evangile, les Actes des apôtres, ces délicieux poèmes de la religion naissante, que l’usage de l’Église découpait pour servir à l’éducation du peuple selon l’ordre de l’année chrétienne. Le drame était partout dans ces récits : il suffisait de distinguer les personnages et de distribuer les rôles. […] Les deux premières parties surtout font honneur au clerc inconnu qui a rimé les récits de la Genèse en son langage normand. […] Des vers de récit sont mêlés au dialogue. […] De légères suppressions font de la pièce une œuvre purement dramatique : et d’autre part, pour un public encore peu habitué à la mobilité du dialogue scénique, la lecture et la simple récitation exigeaient certaines indications et parties de récit, sans lesquelles ces esprits peu alertes auraient eu peine à suivre et à comprendre le mouvement du morceau.

161. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

Mais, chez ces deux capitaines si polis, la ligne du récit est plus fine, ou du moins plus légère, plus élégante. […] Le ton du récit est celui de l’histoire développée et complète. […] Ce qui est là résumé en une page, se trouve développé et confirmé en mille manières dans le courant du récit. […] On se souvient des récits du naïf Joinville, si peu semblable aux Monge et aux Berthollet. […] Ces deux volumes d’un si beau récit, tout semés de mots caractéristiques qui ne peuvent venir que du grand témoin, et dont quelques-uns ont été ajoutés au crayon, sur la dictée, par Napoléon même, ne s’arrêtent pas au moment de son départ d’Égypte.

162. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

tu as le don de la parole, tu as de la jeunesse, tu sais conter un récit héroïque : raconte de nouveau ce livre royal, et cherche par là la gloire auprès des grands. » Cet ami lui abrégea les recherches, lui procura un certain recueil déjà fait, et le poète, voyant la matière en sa puissance, sentit sa tristesse se convertir en joie. […] Ferdousi, dans son récit puisé à la tradition, est loin d’avoir eu une intention aussi expresse ; mais on ne craint pas de dire qu’après avoir lu cet épisode dramatique et touchant, cette aventure toute pleine de couleurs d’abord et de parfums, et finalement de larmes, si l’on vient à ouvrir ensuite le chant VIIIme de La Henriade, on sent toute la hauteur d’où la poésie épique chez les modernes est déchue, et l’on éprouve la même impression que si l’on passait du fleuve du Gange à un bassin de Versailles. […] Elle avait entendu faire de lui maint récit fabuleux, comme Médée de Jason, Ariane de Thésée, comme Desdémone d’Othello. Elle lui répète quelques-uns de ces discours qui ont égaré sa raison : « Tels sont les récits qu’on m’a faits, lui dit-elle, et je me suis souvent mordu la lèvre à cause de toi. » Il y a une belle parole du Sage : « Ne parle pas d’hommes devant les femmes, car le cœur de la femme est la demeure du malin, et ces discours font naître en elles des ruses. » Bref, la belle Tehmimeh s’offre ici au héros, sans trop de ruses pourtant et sans détour, ne souhaitant rien tant que d’avoir un fils d’un homme tel que Roustem. […] Malgré la colère que ce récit inspire involontairement contre Roustem, le poète n’accuse personne : Le souffle de la mort, dit-il, est comme un feu dévorant : il n’épargne ni la jeunesse ni la vieillesse.

163. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Les vers sont précédés d’une explication en prose, d’un Récit, d’où j’ai tiré les citations précédentes. […] Je ne puis m’empêcher de mettre en regard des stations idéales de Veyrat à cette royale abbaye le récit qu’a tracé Pierre Leroux d’une visite au même monastère, récit charmant, fin, ironique, auquel je renvoie les curieux53. […] Ce joli récit fait tache, — une tache claire et riante, — au milieu des pages politiques sombres dont il est entouré.

164. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Rodolphe Topffer »

Nous en avons sous les yeux le récit et les dessins, que M.  […] C’est ainsi que lui-même nous les a montrés autrefois dans son gai récit de la Peur ; c’est ainsi qu’il y revenait plus mélancoliquement dans son dernier roman de Rosa et Gertrude. […] Le bon pasteur, dans son récit, garde parfaitement le ton qui lui est propre, et rien ne le fait s’en départir jamais. […] On rencontre de ces duretés ainsi rachetées dans le charmant récit de Rosa et Gertrude.

165. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

supposez un moment qu’après tout à l’heure deux siècles, d’Hacqueville soit revenu au monde, qu’il se mette à se ressouvenir de ce temps-là, à nous entretenir de Mme de Sévigné et de ses amis, à vouloir tout nous dire et ne rien oublier ; imaginez le récit intime, abondant, interminable, que cela ferait, un récit doublé et redoublé de circuits sans nombre et de toutes sortes de parenthèses ; ou, mieux encore, imaginez une promenade que nous ferions à Saint-Germain ou à Versailles en pleine cour de Louis XIV, avec d’Hacqueville pour maître des cérémonies et pour guide : il donne le bras à Mme de Sévigné, mais il s’arrête à chaque pas, avec chaque personne qu’il rencontre, car il connaît tous les masques, il les accoste un à un, il les questionne pour mieux nous informer ; il revient à Mme de Sévigné toujours, et elle lui dirait : « Mais, les d’Hacqueville, à ce train-là, nous n’en sortirons jamais. » C’est tout à fait l’idée qu’on peut prendre du livre de M.  […] Mais je m’aperçois que, si je n’y prends garde, je vais m’engager dans un récit de roman, ce qui n’est point de mon fait ici. […] Quant à la marquise de Courcelles, il faut lire ses aventures dans le récit de M. 

166. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Chefs-d’œuvre de la littérature française (Collection Didot). Hamilton. » pp. 92-107

Il a celle de son temps dans le badinage ; il sait la dose de l’esprit français à cette date : Quels que soient leurs ornements, dit-il, Dans un récit de longue haleine Les vers sont toujours ennuyants. […] Pour être le héros du récit d’Hamilton, il n’en est bien souvent que le prétexte. […] Analyser ces Mémoires de Grammont serait une tâche ingrate et maussade, puisque c’est le tour qui en fait le prix, et que le récit, à partir d’un certain moment, va un peu comme il plaît à Dieu. […] La dernière page où se résument en mariages ces bizarreries de l’amour et du hasard termine à merveille ce gracieux récit, dont la fin commençait à traîner un peu7.

167. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

Il s’avisa d’interrompre le chœur par des récits, sous prétexte de se délasser : cette nouveauté réussit. Mais qu’était-ce que ces récits ? […] Voilà ce qu’on peut imaginer de plus vraisemblable, en ne supposant, avec Aristote, qu’un acteur ; mais, après tout, ces récits d’une action qu’on ne voyait pas n’étaient qu’une espèce de poème épique. En un mot, il n’y a point encore là de vraie tragédie ; il peut au plus y en avoir un léger crayon ; car, outre que le sujet des récits de l’acteur était une action suivie, l’accessoire l’emporta peu à peu sur le principal.

168. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française — II. La Convention après le 1er prairal. — Le commencement du Directoire. »

Sans que l’historien se soit posé ces questions sous une forme dogmatique, on trouve répandus dans son récit tous les éléments pour les résoudre, et le jeu assez compliqué des intrigues contre-révolutionnaires y est débrouillé nettement. […] C’est après avoir ainsi retracé les victoires toutes républicaines de la première campagne d’Italie, que, jetant les yeux sur la France, alors si florissante et pourtant dévouée à de si prochains malheurs, il couronne son récit par cet éloquent épilogue, par cet hymne enivrant dont le ton poétique sied encore à la voix de l’histoire : « Jours à jamais célèbres, à jamais regrettables pour nous ! […] Il n’est pas jusqu’à ses disgrâces naturelles qui n’influent sur le ton de son récit, et comme le disait il y a peu de temps notre poète populaire, le portrait mis en tête du livre en devient la pièce justificative, le commentaire essentiel.

169. (1925) Comment on devient écrivain

Ses prétentions philosophiques ne lui font jamais perdre de vue l’intérêt et le récit. […] Or, l’intervention personnelle d’un conteur dans ses récits donne à ces récits éternellement l’air de préfaces. […] La vie des champs est absente de son récit.‌ […] J’entends par roman historique un récit de faits accompagné d’une reconstitution du passé. […] Le récit se perd dans des matériaux en fusion.

170. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Ce récit, caractéristique des mœurs, est dans la bouche d’Énée, qui raconte sa surprise, en abordant sur les côtes de l’Épire, d’y avoir retrouvé la triste Andromaque. […] Que fait au lecteur de nos temps la noble succession des petits princes d’Este, dont l’Arioste et le Tasse surchargèrent leurs récits pour aduler les vanités d’un duc et d’un cardinal de Ferrare ? […] Cette prévention que la manière de l’auteur fait naître est malheureusement justifiée, et c’est elle qui altère la confiance que mérite la vérité de son récit. […] que de récits ! […] Réfuterai-je l’opinion qui condamne la prolixité des récits de Nestor ?

171. (1883) Le roman naturaliste

Il y a ici dans le récit de M.  […] A ce signal donné, le récit, comme d’ordinaire, va tourner à la caricature. […] voici le bout de journal où vous trouverez tout au long le récit de l’aventure, authentiqué par-devant la justice ; et que répondrez-vous à cela ? […] Le récit, jusqu’alors analytique et psychologique, devient insensiblement dramatique et, selon le mot à la mode, mouvementé. […] Est-il un récit plus navrant que l’histoire de ses amours avec M. 

172. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Une anecdote heureusement placée interrompt ici la sévérité du récit épique. […] « Nous allons nous engager dans ce douloureux et héroïque récit. […] Mais, si la politique de l’historien est faible, le récit est magique. […] Administrer et se combattre, c’est tout le sens de cet immense récit. […] Thiers que nous ferions porter la véritable critique qui pèsera sur cette belle histoire ; c’est sur l’absence de philosophie politique qui marque et qui attriste ce long récit.

173. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Ces récits qu’on admire n’ont qu’une valeur de vanité. […] Pourtant le récit de cette conversion inverse fait frissonner. […] Ces récits tragiques étreignent l’âme. […] Après l’âge d’or voici l’âge de fer et la légende cède au récit. […] Rien de plus net que le récit et que le réseau des intrigues.

174. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Il en est une surtout que je ne crains pas de donner pour un charmant récit original ; cela s’appelle le Séminaire. […] Ce récit, fort imprévu de la part d’un tel homme, est simple, naturel, exempt (ce qu’on aura peine à croire) de toute déclamation, et empreint d’un cachet de vérité que j’aime avant tout dans les écrits de ce genre. […] J’en viens au récit qu’il a donné lui-même de ses premières années, récit très simple, très naturel, je l’ai dit, philosophique d’impression et de résultat, mais nullement révolutionnaire de forme et de langage. […] Humanité pendant la Terreur, récit en vers, avec des notes historiques, par M. 

175. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

En un endroit du récit, on trouve un chapitre intitulé « Les Poètes » : c’est un dîner supposé entre gens de lettres et beaux esprits du temps de Louis XIII ; le fameux poète Théophile y préside. […] Si quelques événements n’offrent pas dans ses récits le pathétique terrible auquel s’attendait l’imagination du lecteur, on n’en doit pas moins apprécier la finesse impartiale de son esprit. Il explique plus qu’il ne peint, mais une pénétration ingénieuse éclaire tous ses récits : et dans l’art si difficile de l’histoire, l’étendue et la précision des recherches, l’intelligence exacte des grandes choses, et le talent d’écrire soutenu dans un long ouvrage, sont des qualités rares, dignes d’un succès durable. Les récits de M.  […] Bazin est une composition rare, originale, offrant, non pas comme d’autres prétendues histoires, une marqueterie brillante et spirituelle, moyennant des lambeaux de citations relevées de quelques scènes dramatiques, mais un récit médité, réfléchi, tout à fait neuf, dans lequel il est tenu compte de chaque témoignage, et où l’historien a constamment le fil en main pour donner à tout la liaison la plus vraisemblable, l’accord le plus exact et l’enchaînement le plus conforme à la vérité.

176. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Un peintre a représenté Télémaque chez Calypso : la scène se passe à table ; le jeune héros fait le récit de ses aventures, et Calypso lui présente une pêche. Diderot trouve que cette pêche offerte par Calypso est une sottise, et que Télémaque a bien plus d’esprit que la nymphe et que son peintre, car il continue le récit de ses aventures sans prendre la pêche qu’on lui offre. Mais si cette pêche était bien offerte, si la lumière y tombait d’une certaine façon, si l’expression de la nymphe y répondait, si en un mot le tableau était d’un Titien ou d’un Véronèse, cette pêche-là aurait pu être un chef-d’œuvre, malgré la sottise que l’esprit croit y apercevoir ; car ici, dans un tableau, le récit des aventures qu’on n’entend pas, et que l’offre de la pêche court risque d’interrompre, n’est que très secondaire ; nous n’avons que faire de nos oreilles, et nous sommes tout yeux. […] On a de Diderot de petites pièces volantes, de petits récits, des contes, des boutades, qu’on s’est accoutumé à appeler des chefs-d’œuvre. […] Ai-je sous les yeux quelque spectacle enchanteur, sans m’en apercevoir j’en médite le récit pour eux.

177. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Mais depuis que j’ai eu à examiner de plus près les récits qui le concernent, et à le suivre lui-même dans les pages qu’il a laissées, il m’a semblé que la méthode pour l’expliquer et le présenter sous le meilleur jour à tous était simple, et qu’il suffisait de raconter et d’exposer. […] Ici, les récits de Marmont dans ses Mémoires prennent un intérêt puissant, et une grande part s’en réfléchit sur l’homme extraordinaire dont il fut le compagnon, le lieutenant, et que nul n’a mieux connu que lui. […] Mais ce qui, dans le récit de cette campagne, m’a intéressé bien plus que la narration militaire elle-même, si claire toujours et si lumineuse chez Marmont, c’est le souvenir des entretiens fréquents qu’il eut avec Napoléon et dont il nous a transmis les particularités saillantes. […] Les récits de Marmont s’animent ainsi naturellement, et sans qu’il y vise, de ces impressions morales et guerrières ; on sent toujours l’homme en lui. […] Telle est, dit Marmont en terminant cette partie de ses Mémoires, telle est l’analyse et le récit succinct de cette bataille de Paris, objet de si odieuses calomnies, fait d’armes si glorieux, je puis le dire, pour les chefs et pour les soldats.

178. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Il se mêle à tous ses récits : le narré simple et objectif du fait lui est impossible ; il ne sait point l’isoler du jugement qu’il en a porté et de l’impression personnelle qui lui en est restée. […] De là l’immense intérêt de tout ce qui est religieux et populaire, des récits primitifs, des fables, des croyances superstitieuses. […] C’est que la première raconte le fait dans sa réalité toute nue, et que la seconde mêle à ce récit un élément subjectif, une appréciation, un jugement, une manière de voir du narrateur. […] Cela s’explique dans toutes les hypothèses naturelles ; car il ne faut point être plus difficile pour les Évangiles que pour les autres récits historiques ou légendaires, lesquels offrent souvent des contradictions bien plus fortes. Mais cela forme, ce semble, une objection tout à fait sans réponse contre ceux qui s’obligent à trouver dans chacun de ces récits une histoire vraie à la lettre et jusque dans ses moindres détails.

179. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

La nouvelle qui a obtenu le second prix, et qui a pour titre Le Chant des Hellènes, est une confession, ou du moins une confidence, celle d’une femme à une jeune amie qu’elle veut prémunir contre un travers dont elle n’a pas pu se garder elle-même. « Préserver son imagination de tout écart n’est qu’un simple calcul de bonheur pour une femme vertueuse » : cette épigraphe, empruntée à Mme Necker de Saussure, se trouve justifiée par le récit ; mais ce récit est facile, naturel, coulant, et n’a rien d’une prédication. […] Deux autres nouvelles ont mérité des accessits ; le premier est accordé à un récit intitulé Les Deux Transfuges, qui semble réel dans sa singularité, et qui s’encadre agréablement entre les haies d’un humble champ du Bourbonnais. […] Oscar Honoré, de la Société des gens de lettres. — La nouvelle qui a obtenu le second accessit a pour scène les bords de la mer sur les côtes de Normandie, et pour sujet un épisode de la vie de pêcheur : au milieu de figures simplement vraies se détache celle de Pierre, qui donne son nom au récit, et qui est pleine d’idéal et de sensibilité.

180. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

» — Pour le bien expliquer, il faut, dit le père, reprendre les choses dès l’origine. » Et ici commence tout un récit fort admiré des Anciens, proposé comme un modèle de narration aux orateurs eux-mêmes par Cicéron, qui y fait remarquer le développement approprié, le mouvement dramatique, le parfait naturel des personnages introduits et des paroles qu’on leur prête, et, par instants, mais par instants seulement, la brièveté excellente, qui à toute cette abondance persuasive ajoute une grâce. […] Mais dans tout ce récit où se complaît cette nature paterne si sincère et si naïve, ne sentez-vous pas la veine de bonhomie, d’indulgence et d’humanité, propre au poète qui avait le droit de dire : Homo sum ? C’est alors (le récit du bonhomme dure toujours) qu’un bourgeois d’Athènes, un certain Chrêmes, sur la bonne réputation de ce jeune fils de famille, vient offrir au père de lui accorder sa fille unique avec une grosse dot. […] La fin du récit n’est plus que pour dire que le mariage de Pamphile étant manqué par l’éclat de cette scène, et le beau-père Chrémès ayant retiré sa parole, le bon père Simon dissimule encore vis-à-vis de son fils, afin de l’éprouver jusqu’au bout, et bien déterminé à toute extrémité à le gronder d’importance, s’il le trouve rebelle à sa volonté.

181. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Quelques-unes même des narrations d’Hérodote ont l’air d’une allégorie morale, plutôt que d’un récit exact. […] De tels récits s’accordent peu avec une anecdote que raconte Aulu-Gelle. […] Ces petites découvertes de l’érudition laissent aux récits de l’historien tout leur charme et tout leur prix. […] Le nom en resta dans la langue latine, pour exprimer des récits enjoués et libres. […] Des idées d’humanité, de bienfaisance, de justice, sortent du milieu de ce fatras de révélations et de récits merveilleux.

182. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVIII. Gentils conteurs » pp. 218-231

Pierre Louÿs pour échauffer assez et ennoblir la vanité de son récit. […] Pour soi seul on ne compose point de si longs récits ; un poème en prose, une note sur un album, ou rien du tout, le canapé et le cigare suffisent ; à une exaltation plus forte le poème s’impose et se clame. […] Seul, le mode d’exposition des récits n’est ni assez imprévu, ni assez piquant.

183. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La révocation de l’Édit de Nantes »

À plus d’une place de son récit, et quand il rapporte les excès que personne, du reste, ne cherche à justifier, et qui accompagnèrent l’exécution de la mesure prise contre les protestants, l’historien des Réfugiés innocente entièrement le roi et affirme que ces excès auraient été réprimés s’il avait pu en être instruit, et cette noble justice venant d’un protestant de nom et d’un philosophe de fait honore infiniment l’écrivain. […] Obligé, par le sujet même de son livre, de parler d’hommes qui n’eurent jamais nulle part, à l’exception de quatre ou cinq d’entre eux peut-être, ce haut pavé historique qui agit tant et tout d’abord sur l’imagination du lecteur, il n’a pas, selon nous, assez contenu son récit entre ces quelques hommes vraiment dignes du regard de l’histoire, et il est tombé dans les infiniment petits d’une longue suite de biographies. […] Aussi, nous le disons en finissant, et c’est par là que nous voulons terminer, quoique nous appréciions très bien ce qu’il y eut de cruel et de vraiment digne de regret dans nos pertes, à cette époque de notre histoire, une si fastidieuse exactitude finit par manquer entièrement l’effet qu’un récit moins traîné dans le terre-à-terre des détails devait produire, même sur les esprits les moins enclins à s’attrister.

184. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Par suite, elles ne préjugent rien sur l’originalité foncière du récit. […] Aucun auteur a-t-il introduit dans ses récits plus de commentaires que Balzac ? […] Quel est le personnage le plus vivant de ce merveilleux et froid récit ? […] Le récit par témoin suppose un coup d’œil rétrospectif qui n’est guère favorable à cette qualité. […] À lire le récit de ces tristes années la pitié vient.

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