Voilà, ajoute L’Estoile dans un langage plein de satiété et de pléonasme, et qui semble regorger de son objet, voilà les augustes et magnifiques titres de grandeur du grand duc de notre siècle. […] L’Académie française, habile à profiter des vogues nouvelles et à les favoriser, mit au concours l’Éloge de Sully pour lequel Thomas fut couronné (1763) : ce discours de Thomas, « plein de vérités utiles et hardies », comme on les aimait alors, eut un grand succès.
En ce qui est des femmes, elle n’avait aussi sur elles que des idées très arrêtées et médiocrement flatteuses : « Les femmes, disait-elle, ne savent jamais qu’à demi, et le peu qu’elles savent les rend communément fières, dédaigneuses, causeuses, et dégoûtées des choses solides. » L’éducation de Saint-Cyr, après la réforme, et dans le plein et véritable esprit de Mme de Maintenon s’il avait été constamment suivi, n’eût donc point péché par trop de timidité, de faiblesse et de grâce tendre ; l’austérité seulement en était voilée. […] Elle demande partout aux Dames qu’elle a formées le talent de la récréation autant que celui de la classe : « Rendez vos récréations gaies et libres ; on y viendra. » Louis XIV, à Saint-Cyr, apparaît plein de charme, de noblesse toujours, et parfois d’une certaine bonhomie qu’il n’eut que là.
Henri Beyle est, comme Paul-Louis Courier, du très petit nombre de ceux qui, au sortir de l’Empire en 1814, et dès le premier jour, se trouvèrent prêts pour le régime nouveau qui s’essayait, et il a eu cela de plus que Courier et d’autres encore, qu’il n’était pas un mécontent ni un boudeur : il servait l’Empire avec zèle ; il était un fonctionnaire et commençait à être un administrateur lorsqu’il tomba de la chute commune ; et il se retrouva à l’instant un homme d’esprit, plein d’idées et d’aperçus sur les arts, sur les lettres, sur le théâtre, et empressé de les inoculer aux autres. […] Daru, occupé des grandes affaires et portant le dur poids de l’administration des provinces conquises ou de l’approvisionnement des armées, trouvait encore le temps d’entretenir avec ses amis littérateurs de Paris, les Picard et les Andrieux, une correspondance charmante d’attention, pleine d’aménité et de conseils, il y avait là tout à côté le plus lettré des commissaires des guerres, le moins classique des auditeurs du Conseil d’État, Beyle, qui faisait provision d’observations et de malices, qui amassait toute cette jolie érudition piquante, imprévue, sans méthode, mais assez forte et abondante, avec laquelle il devait attaquer bientôt et battre en brèche le système littéraire régnant.
Ce fut en cette qualité sans doute qu’il vit pour la première fois le général Bonaparte au printemps de 1796, à la veille de la campagne d’Italie, et le futur vainqueur, tout plein des grands coups qu’il allait tenter, lui dit en partant : « Dans trois mois, je serai à Milan ou à Paris. » Au milieu des scandales trop célèbres qui caractérisent en général l’administration du Directoire, le ministère de Petiet fait une honorable exception. […] Mais, à défaut de ce qu’on a appelé le bonheur curieux d’expression, le curiosa felicitas d’Horace, qu’on sent trop échapper ici, on a chez lui la suite, des parties de force, de fermeté, et, dans les Épîtres et Satires, le courant facile et plein du bon sens.
Or précisément le jour où lui arriva cette demande de Balzac de répondre à la dissertation de M. de Girac, Costar relevait d’un violent accès de goutte ; il était à jeun d’esprit, et empressé de verser sur quelque sujet le trop plein de ses tiroirs. […] M. de Girac, poussé à bout, traité comme un sauvage qui, pour juger des élégances, sortirait tout hérissé de la lecture d’un rabbin ou du scholiaste de Lycophron, ne se contint plus, et, comme s’il eût voulu justifier le reproche, il se mit à puiser à pleines mains dans l’arsenal des Scaliger et des Scioppius, ou, si l’on aime mieux, dans le vocabulaire de Vadius.
La Beaumelle répliqua par un petit volume de lettres, qui sont, de l’aveu du même La Harpe, le meilleur ouvrage polémique qu’on ait jamais publié contre Voltaire : « Elles sont pleines d’esprit et de sel. […] Ses conseils à ce pauvre Maupertuis, malade alors de la poitrine, plus malade encore de la Diatribe du docteur Akakia, sont pleins de bon sens pratique, de sagesse ; il voudrait le tranquilliser, l’amener à mépriser les attaques comme il les méprisait lui-même ; il le lui redit sur tous les tons : (8 mars 1753).
Plein de foi et ne trouvant cependant rien à répondre à ma raison, qui s’était rangée du côté du curé, j’étais dans une situation extraordinaire, quand nous partîmes enfin pour Thionville. […] Ainsi, Merlin se voit initié de prime abord à l’autorité même, à la politique du cloître, et, pendant les dîners qu’il fait avec dom Effinger en tête-à-tête dans son appartement, il profite des conversations pleines de franchise du bon religieux, qu’il ne se lasse pas d’interroger.
Plein de la leçon que je venais de donner aux barbons dans ma Lettre à d’Alembert, j’eus honte d’en profiter si mal moi-même. […] Le chagrin que vous prétendez avoir voulu m’éviter ne pouvait être que retardé, et l’état d’incertitude où vous m’avez laissée était plus pénible sans doute que la pleine connaissance du fait.
Or c’est précisément à ce détroit que triomphe Corneille ; il en sort victorieux et comme à pleines voiles. […] … » Il n’y a pas d’exagération possible dans un tel moment : c’est plein de grandeur.
Collé, selon lui, « était un grand enfant qui ne se prenait nullement au sérieux (page 4) » et plus loin (p. 32), il nous le montre « possédant à un haut point la science de la vie » et connaissant à fond les hommes ; tantôt Collé est « un esprit doux et placide (p. 2) », tantôt il a « la nature mobile et inquiète (p. 4). » Collé nous est représenté comme faisant des fanfaronnades, comme suivant la mode, comme ayant un rire doux, plein de mièvrerie ! […] En politique, comme en comédie, c’était un admirateur de Henri IV, et il eût pu être, s’il eût vécu en ce temps-là, l’un des chansonniers de la Ménippée : il aimait, presque à l’égal de la gaîté française, les vieilles libertés françaises et les franchises de nos pères ; il faut voir comme il daube à l’occasion, dans son Journal, sur le chancelier Maupeou, « ce Séjan de la magistrature. » Il donne à plein collier dans l’opposition parlementaire, mais il ne voit rien au-delà.
Une jeune jolie reine, pleine d’agréments, n’a pas besoin de toutes ces folies, au contraire la simplicité de la parure fait mieux paraître et est plus adaptable au rang de reine ; celle-ci doit donner le ton, et tout le monde s’empressera de cœur à suivre même vos petits travers ; mais moi qui aime et suis ma petite reine à chaque pas, je ne puis m’empêcher de l’avertir sur cette petite frivolité, ayant au reste tant de raisons d’être satisfaite et même glorieuse sur tout ce que vous faites […] Vous dites que vous n’en êtes pas fâchée ; vous devez avoir vos bonnes raisons ; mais le public, depuis un temps, ne parle plus avec tant d’éloge de vous, et vous attribue tout plein de petites menées qui ne seraient point convenables à votre place.
La vive satisfaction que dut éprouver M. de Talleyrand pour le bien joué et le plein succès de sa tactique en 1814 ne fut que de courte durée. […] Je ne conçois rien à des relations aussi sèches que celles de Chateaubriand avec eux40. — Nous nous portons tous bien dans notre petit rayon ; mais quand nous voulons l’étendre, nous rencontrons des maladies dont ce pays-ci est plein, etc. » La révolution de juillet 1830 n’étonna point M. de Talleyrand, qui l’avait vue venir.
C’est trop vif, trop sincère, trop plein surtout de noms propres, pour pouvoir être donné en entier. […] Mais, en même temps, ce grand talent n’arrivait pas à la pleine renommée et au triomphe sans beaucoup d’insultes.
Ainsi, d’élans en élans, d’émotion en impiété, tout nous mène à la volupté enivrante de la nuit, au meurtre de l’époux, à la volupté encore, sur cette mer de Venise, où reparaissent voguant, pleins d’oubli, le meurtrier aimé et la belle adultère : Peut-être que le seuil du vieux palais Luigi Du pur sang de son maître était encor rougi ; Que tous les serviteurs, sur les draps funéraires, N’avaient pas achevé leurs dernières prières ; Peut-être qu’à l’entour des sinistres apprêts, Les prieurs, s’agitant comme de noirs cyprès, Et mêlant leurs soupirs aux cantiques des vierges, N’avaient pas sur la tombe encore éteint les cierges, Peut-être de la veille avait-on retrouvé Le cadavre perdu, le front sous un pavé ; Son chien pleurait sans doute et le cherchait encore : Mais, quand Dalti parla, Portia prit sa mandore, Mêlant sa douce voix, que la brise écartait, Au murmure moqueur du flot qui l’emportait… Les deux autres drames de ce volume, Don Paez et la Camargo, renfermaient des beautés du même ordre, mais moins soutenues, moins enchaînées, et dans un style trop bigarré d’enjambements, de trivialités et d’archaïsmes. […] A travers tout le premier drame qui se passe au Tyrol, un air vif des montagnes circule ; on entend l’hallali des chasseurs qui fait bondir ; on croit boire à pleine main la saveur glacée des neiges dont la franche âcreté répare un sang affadi.
Chez Boileau, cette timidité du bon sens, déjà signalée, fait que la métaphore est bien souvent douteuse, incohérente, trop tôt arrêtée et tarie, non pas hardiment logique, tout d’une venue et comme à pleins bords. […] Rien ne saurait mieux donner idée du degré de défaveur que la réputation de Boileau encourait à un certain moment, que de voir dans l’excellent recueil intitulé l’Esprit des Journaux (mars 1785, page 243) le passage suivant d’un article sur l’Épître en vers, adressé de Montpellier aux rédacteurs du journal ; ce passage, à mon sens, par son incidence même et son hasard tout naturel, exprime mieux l’état de l’opinion courante que ne le ferait un jugement formel : « Boileau, est-il dit, qui vint ensuite (après Regnier), mit dans ce qu’il écrivit en ce genre la raison en vers harmonieux et pleins d’images : c’est du plus célèbre poëte de ce siècle que nous avons emprunté ce jugement sur les Épîtres de Boileau, parce qu’une infinité de personnes dont l’autorité n’est point à mépriser, affectant aujourd’hui d’en juger plus défavorablement, nous avons craint, en nous élevant contre leur opinion, de mettre nos erreurs à la place des leurs. » Que de précautions pour oser louer !
Ici ses courtes mesures et ses rimes symétriques sont pleines de gaieté. […] Toutes s’opposent trois par trois à intervalles symétriques, et, si la symétrie manque à la dernière, c’est pour finir la phrase par un son plus plein et plus viril ; les mètres se disposent en deux rangées séparées et régulières, et la période est une strophe.
Les tragédies de Montchrétien sont lotîtes pleines d’effusions charmantes ou passionnées : j’en parlerai quand j’exposerai les commencements du théâtre classique. […] Il est curieux que ce genre tout impersonnel de l’histoire ne devait arriver à se constituer dans notre littérature que pendant le plein triomphe de la littérature personnelle : histoire et lyrisme se tiennent plus qu’on ne croit.
C’est ainsi que l’Idéal, qui est un livre tout plein de bons sentiments et où même les sermons abondent, lu à la campagne, dans un milieu paisible et patriarcal, m’a fait passer d’agréables heures. — M. d’Artannes, un gentilhomme qui a toutes les vertus et beaucoup d’expérience et d’esprit, se fait le mentor d’une fillette et s’applique à former son esprit et son cœur. […] Puis, la vie d’un notaire, d’un avoué, d’un professeur, n’est-elle pas une vie mesquine, pleine de contraintes et de servitudes, à côté de celle d’un propriétaire rural ?
Tel livre devra son insuccès aux vues nouvelles dont il est plein et qui lui vaudront au bout d’un siècle la réparation d’une gloire tardive. […] Il lui suffit de savoir distinguer, dans le champ de blé qui ondule sous ses regards, les épis les plus pleins, les plus dorés, les plus hauts.
La renommée du capitaine reste intacte, l’honneur du drapeau est sauf ; mais les ambulances sont pleines, et le Te Deum pourrait se chanter sur l’air du De Profundis. […] Cette scène, si touchante et si contenue, si pleine d’émotion et de distinction, rafraîchit à propos la sécheresse qui règne dans la pièce.
On y peut étudier en abrégé le progrès croissant de ses bizarreries et de ses humeurs, entremêlées de retours pleins de grâce, et de rares mais charmants rayons. […] Un jour, en une heure d’abandon, causant de ses ouvrages avec Hume, et convenant qu’il en était assez content pour le style et l’éloquence, il lui arriva d’ajouter : « Mais je crains toujours de pécher par le fond, et que toutes mes théories ne soient pleines d’extravagances. » Celui de ses écrits dont il faisait le plus de cas était le Contrat social, le plus sophistique de tous en effet, et qui devait le plus bouleverser l’avenir.
Mme Geoffrin est venue l’autre soir, et s’est assise deux heures durant à mon chevet ; j’aurais juré que c’était milady Hervey, tant elle fut pleine de bonté pour moi. […] On peut croire que cette modestie, chez elle, n’était qu’une manière plus douce, et pleine de goût, de porter son amour-propre et sa gloire.
Tous les mois suivants sont remplis de ses succès et de ses exploits, à Jargeau, à Beaugency, à la bataille de Patay où Talbot est fait prisonnier, à Troyes qu’elle fait rendre au roi ; à Reims où elle le fait couronner : ce sont pour elle quatre mois pleins de gloire. […] Ce témoignage est formel ; il est d’accord avec la légende, avec la poésie, avec cette statuette pleine de grâce qu’une jeune princesse artiste a laissée de Jeanne d’Arc arrêtant court son cheval à la vue du premier cadavre29.
On se rappelle involontairement ce magnifique début des Pensées : Que l’homme contemple donc la nature entière dans sa haute et pleine majesté ; qu’il éloigne sa vue des objets bas qui l’environnent ; qu’il regarde cette éclatante lumière mise comme une lampe éternelle pour éclairer l’univers ; que la terre lui paraisse comme un point au prix du vaste tour que cet astre décrit… Au lieu de ces expressions amples et véritablement augustes, Fontenelle, en parlant de l’ordonnance céleste, n’emploie volontiers que des images et des comparaisons rapetissantes. […] à tout bruit, à tout éclat ; l’autre qui proclame et prêche à haute voix ses doctrines, qui sème les germes à pleines mains à tous les vents, en apostrophant l’avenir ; Fontenelle qui se rattache encore à Descartes et à quelques-uns des grands esprits réguliers du siècle précédent, ou, qui pis est, aux précieuses ; et Diderot qui, en ses accès, par le désordre et la fougue de sa parole, semble déjà faire appel aux générations ardentes qui auront à leur tête Mirabeau ou Danton.
Désintéressée, fidèle, secrète, sûre au dernier point ; et, à la faiblesse près, on pouvait dire qu’elle était vertueuse et pleine de probité… Tout cela lui acquit de la réputation, et une considération tout à fait singulière. […] Elle a les cheveux du plus beau châtain qu’on ait jamais vu, le visage rond, le teint vif, la bouche agréable, les lèvres fort incarnates, une petite fosse au menton, qui lui sied fort bien, les yeux noirs brillants, pleins de feu, souriants, et la physionomie fine, enjouée et fort spirituelle… Pour de l’esprit, Clarice en a sans doute beaucoup, et elle en a même d’une certaine manière dont il y a peu de personnes qui soient capables, car elle l’a enjoué, divertissant, et commode pour toutes sortes de gens, principalement pour des gens du monde.
Il sortit de là pour être mousquetaire, assista aux derniers moments de Louis XV, reçut un jour, au passage, un regard charmant de la jeune et nouvelle reine Marie-Antoinette : il paraît que ce furent là les plus vifs souvenirs de ce jeune mousquetaire au cœur simple, à la figure noble et pleine de candeur. […] Quand on lit ce bel ouvrage de Bossuet, on est à l’instant comme un voyageur qui se sent porté sur un grand fleuve aux ondes pleines, majestueuses et sonores sous le soleil.
Voici une lettre badine du prince de Conti, alors généralissime en Catalogue, adressée au duc de La Rochefoucauld, le premier auteur de fortune de Gourville ; elle est datée du camp de Saint-Jordy, le 17 septembre 1654 : Quoique j’eusse résolu, écrit le prince de Conti, de faire réponse à votre lettre et de vous rendre grâce de votre souvenir, j’ai présentement la tête si pleine de Gourville, que je ne puis vous parler d’autre chose. […] En pays étranger, il a l’œil à tout ; dans sa curiosité de s’instruire, il a remarqué à la fois la bizarrerie des mœurs, le naturel des peuples, le talent et la portée d’esprit des gouvernants, le fort et le faible de chaque branche d’administration ; et, tout en faisant rire dans ses relations pleines de vivacité et de saillies, il instruit l’homme d’État ou même l’homme de guerre qui l’interroge.
» Tout ce style est net, piquant, plein de traits, un peu mince ou aigu. […] Il était plein de l’Angleterre en arrivant, et il dut repousser et ajourner l’idée de publier d’abord un livre sur ce gouvernement original et si peu semblable au nôtre, qui le tentait : il donna de préférence ses Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence (1734), qui sont restées le plus classique et le plus parfait de ses ouvrages, le seul même qui nous paraisse aujourd’hui sorti tout d’un jet comme une statue.
J’y vois comme une espèce de geste d’un homme vif qui est plein de son sujet, qui craint en causant d’en laisser échapper quelque chose, et qui prend le bras de celui qui l’écoute. […] Mais, si vous ne voulez point adoucir la rigueur de mes travaux, cachez le travail même : faites qu’on soit instruit et que je n’enseigne pas ; que je réfléchisse, et que je paraisse sentir ; et, lorsque j’annoncerai des choses nouvelles, faites qu’on croie que je ne savais rien, et que vous m’avez tout dit… Toute cette Invocation est pleine de beauté, et le sentiment de jouissance de la raison, qui y est définie « le plus parfait, le plus noble et le plus exquis de nos sens », y est élevé jusqu’à la poésie.
Arrivé en Angleterre et nonobstant les promesses échangées, il doute de pouvoir les réaliser, et il la prévient honnêtement, sans autrement s’en chagriner beaucoup : « Dans le fait, dit-il par manière d’excuse, les dépenses que j’étais obligé de faire me mettaient dans l’impossibilité de payer mon passage. » Lorsque plus tard il sera de retour à Philadelphie, déjà établi, et qu’il verra miss Read triste, mélancolique, veuve ou à peu près, il reviendra à elle, mais seulement après avoir manqué lui-même un autre mariage, et parce que l’état de célibat lui paraît plein de vices et d’inconvénients4. […] Dans la première partie de sa vie, bien qu’il paraisse plein d’inventions et un grand promoteur en toute matière d’utilité publique, Franklin ne l’est jamais que dans la mesure immédiate qui est applicable ; il ne sort point du cadre ; il est avant tout pratique.
Meister parle des agréments de sa figure, de sa physionomie pleine de finesse et d’expression, et en même temps il ne nous dissimule pas ce que l’ensemble de sa personne avait d’irrégulier : Il portait, dit-il, la hanche et l’épaule un peu de travers, mais sans mauvaise grâce. […] Voyant une femme vive et généreuse, pleine de sollicitude pour le bien-être de l’homme de talent infortuné, il l’avertit assez sévèrement de son imprudence.
Son esprit fin, ironique, dédaigneux, plein de nuances, se plaisait à observer un monde dont il voyait à merveille les exagérations et les légers ridicules, un monde dont il jouissait et dont il allait se servir sans jamais s’y mêler entièrement. […] Par exemple, le sot n’acquiert jamais d’expérience ; il vivrait deux cents ans, que la nature serait pour lui toujours jeune et pleine de fraîcheur ; il ne lie pas ses idées ; il va et court à travers tout, le dernier jour comme le premier ; il est jusqu’à la fin dans l’imprévu et dans le bonheur de l’enfance.
Je recommande particulièrement celui de L’Union conjugale, qui est plein de sentiment et de beauté. […] Et à ceux qui voulaient des images douces, Chateaubriand avait, à pleines mains, à en offrir de telles, de charmantes et de parlantes toujours : on lut le chapitre « Des rogations », et l’on pleura.
Ce qui peut paraître singulier, c’est que Frédéric ne se tient point pour atteint et convaincu par l’explication pleine d’espérance et de grandeur que lui a donnée M. de Suhm. […] Je regarde avec des yeux d’indifférence tout ce qui m’attend, sans désirer la fortune ni la craindre, plein de compassion pour ceux qui souffrent (son père à l’agonie), d’estime pour les honnêtes gens et de tendresse pour mes amis.
Les vieux donjons pleins de carnage ouvrent leurs yeux fauves et flairent l’obscurité ; l’inquiétude les prend. […] Avoir abrité sous ses escarpements ce serment redoutable de trois paysans d’où sort la Suisse libre, cela n’empêche pas l’immense Grütli d’être, à la nuit tombante, une haute masse d’ombre sereine pleine de troupeaux, où l’on entend d’innombrables clochettes invisibles tinter doucement sous le ciel clair du crépuscule.
Il faut mettre dans ce dernier genre toutes les Rhétoriques qui ont précédé l’Art de parler du Pere Lami de l’Oratoire, & on pourroit même y comprendre ce livre, plein de choses étrangeres à son sujet, d’idées fausses & bizarres, & qui est d’ailleurs très-superficiel. […] Rien n’y sent la sécheresse didactique ; le style est toujours plein d’agrément & de noblesse.
Dans les Horizons prochains, le mysticisme de l’auteur des Horizons célestes n’était qu’une douce lueur entre ciel et terre et qui ressemblait à une aube, le point blanchissant qui s’est enfin étendu, comme le jour, sur sa pensée, un jour si plein maintenant qu’il ne grandira plus ! […] C’est une sainte Thérèse restée dans la famille, répandant à pleins bords sur ses parents, ses enfants, ses amis, ce cœur si généreusement intraitable, qui ne veut rien sacrifier de ses affections ; mais ce n’est pas l’héroïque vierge d’Avila, avec la circoncision austère de son cœur par amour de l’Époux Unique et ses trente monastères derrière elle !
VI Les fouilles dans les papiers de Saint-Simon continuent au ministère des affaires étrangères, et voici pour la seconde fois Faugère qui remonte de ce puits, son seau plein. […] On aura mieux la compréhension de cette tête où tout se tenait dans une unité pleine de force.
Une âme souffre à travers ses pages, une âme chrétienne, baptisée, pleine de Dieu, une vraie âme, tandis que dans les pages de La Rochefoucauld, de Vauvenargues et même de La Bruyère, il n’y a que des entéléchies d’Aristote, il y a des esprits et peu d’âme, — quoique, d’entre les trois, le plus jeune, qui sentait palpiter ses vingt ans à travers sa philosophie, ait dit que « les grandes pensées viennent du cœur », La Bruyère, le seul chrétien d’entre eux, ne l’était que correctement, comme tous les honnêtes gens de son époque, mais il devait entendre cette religion, dont il admirait l’ordonnance, à peu près comme Le Nôtre entendait ses jardins. […] Il a souvent cet esprit terrible, comme s’il ne sortait pas de la cellule apaisante d’Angèle, comme s’il ne sentait pas à pleine haleine sa rose de mysticité !
» L’inter-nationalisme n’est autre chose pour la cité que le complément de sa vie intra-organique, sa nécessaire vie extérieure, c’est-à-dire la condition de sa pleine existence. […] De même qu’à la vie organique se superpose la vie sociale ou hyper-organique, à la vie sociale se superpose une autre vie que nous pourrions appeler hyper-sociale, et qui n’est peut-être que la vie humaine, au sens plein du mot.
Sa douce extase devant de telles images suspend sa colère et ses haines ; et la lyre est, sous ses doigts, pleine de tendresse et de pureté naïves. […] Si le poëte lyrique de l’Empire est là plein de grâce et de verve, dans ses admirations ou dans ses colères, a-t-il pour nous cette perfection de naturel, et cette naïve nouveauté de langage qui ne vieillira jamais ?
Elle avait sous les yeux, parmi les ouvrages qui se présentaient à son examen, des études de l’Antiquité, tentées avec ingénuité et avec franchise120 ; des drames où la passion romanesque traverse l’histoire et ne craint pas de se rencontrer en présence des plus grands noms121 ; des comédies surtout, où des scènes et des caractères fort gais ont charmé le public122, et où des figures aimables, entremêlées à d’autres qui ne sont que plaisantes, lui ont procuré et lui procurent chaque jour un divertissement plein de distinction et d’élégance123.
Les pièces justificatives sont pleines d’horreurs touchant les mœurs et les principes prétendus de l’Université ; celle-ci en devient presque intéressante, à titre de calomniée26 ; elle est pourtant bien assez puissante pour se défendre toute seule : laissons-la faire. — C'en est bien assez aujourd’hui sur cette grosse querelle.
Les premiers sermons de ce premier des orateurs sont pleins d’antithèses, d’images incohérentes, de battologie, d’exagération, d’enflure de style.
Il jeta donc les yeux sur le jeune d’Effiat Cinq-Mars, plein de grâces et d’éclat, fait pour toucher l’oisiveté du monarque.
Ils sont certainement pleins de chaleur et de lumière, et tout à fait inspirés du sujet qui faisait alors la préoccupation des plus grands poètes et artistes : la guerre de l’indépendance grecque.
Et d’abord, il est incontestable, qu’en général, l’instant qui suit dépend beaucoup de celui qui précède ; que pour qui saurait bien l’un, l’autre ne serait plus guère un mystère ; et qu’un être auquel serait accordée la connaissance pleine et entière du présent n’aurait pas grand effort à faire pour y voir immédiatement et comme par intuition l’avenir.
La lettre où elle rapporte la mort du dauphin et le deuil du roi est pleine de larmes, d’une simplicité parfaite et d’une onction pénétrante.
Ce qui nous fâche et nous étonne, c’est que des jeunes hommes qui semblaient pleins d’âme et d’avenir, d’une intelligence étendue et exercée, plus propre sans doute à spéculer qu’à agir, s’étant imaginé de tout temps qu’ils auraient, dans une révolution, à jouer le rôle de Girondins, se figurent probablement que l’heure est venue, et, par une étrange illusion, s’arrêtent, non pas devant des échafauds à dresser (nous n’en sommes pas là encore, et on abolira peut-être la peine de mort en attendant), mais devant les conséquences à tirer de leurs idées politiques.
L’âme, troublée par les sentiments qui l’oppressent, se persuade qu’elle soulagera sa peine en s’en occupant davantage ; les premiers instants où le cœur s’abandonne à la rêverie, sont pleins de charmes, mais bientôt cette jouissance consume.
En second lieu, des termes simples, exacts, nus, peuvent former un style expressif et plein, par la précision même et la netteté du sens qui résulte de leur juste emploi, quand ils sont maniés par un homme qui pense et qui sait les employer à faire penser.
Mais son silence, à lui, est tout plein de raillerie.
Son style même, ample, aisé, frais et plein, ne se recommande ni par une finesse ni par un éclat extraordinaire, mais par des qualités qui semblent encore tenir de la bonté et lui être parentes… George Sand a été une matrice pour recevoir, un peu pêle-mêle, les plus généreuses idées.
Il est étrange de songer que ce cerveau, en qui la réalité avait reflété des images si nettes, qui avait su interpréter, ramasser, coordonner ces images avec une vigueur et dans des directions si décidées, et nous les renvoyer, plus riches de sens, à l’aide de signes si fortement ourdis, n’ait plus, à partir d’un certain moment, reçu du monde extérieur que des impressions confuses, incohérentes, éparses, aussi rudimentaires et aussi peu liées que celles des animaux, et pleines, en outre, d’épouvante et de douleur, à cause des vagues ressouvenirs d’une vie plus complète ; et que l’auteur de Boule-de-Suif, de Pierre et Jean, de Notre Coeur, soit entré, vivant, dans l’éternelle nuit.
Verlaine, rendue seulement à sa pleine valeur poétique, par la suppression de toutes règles vaines et du stérile désir de raconter une histoire.
À moins de légitimer la paresse qui nous fait négliger les choses lentes à connaître, et davantage aimer, pour l’économie d’un peu d’attention, les pages brèves que les livres pleins.
Elle attribue sa pleine valeur aux deux grandes choses de ce monde, l’intelligence (c’est-à-dire la science) et le courage.
Ces Réflexions, composées pour l’instruction de ses enfans, donnent une idée avantageuse de son ame, qui s’y montre sensible, élevée, pleine d’indulgence & de philanthropie.
La langue française est pleine de tels mots : quelques-uns des plus utiles, des plus usuels, sont italiens, espagnols ou allemands.
Suivant son inspiration, sans autre but que de penser et de faire penser, avec un cœur plein d’effusion, avec un regard rempli de paix, il irait voir en ami, à son heure, le printemps dans la prairie, le prince dans son Louvre, le proscrit dans sa prison.
Ce passage effrayant remua les ténèbres ; Au bruit qu’ils firent, tout chancela ; la paroi Pleine d’ombres, frémit ; tout s’y mêla ; le roi Mit la main à son casque et l’idole à sa mitre ; Toute la vision trembla comme une vitre, Et se rompit, tombant dans la nuit en morceaux ; Et quand les deux esprits, comme deux grands oiseaux, Eurent fui, dans la brume étrange de l’idée, La pâle vision reparut lézardée, Comme un temple en ruine aux gigantesques fûts, Laissant voir de l’abîme entre ses pans confus.
Une autre raison qu’il donnoit pour excuse des gallicismes dont ses harangues sont pleines, c’est la nécessité d’être clair & de plaire à bien des auditeurs François, pour qui, sans ce secours, des paroles Latines n’auroient été que des sons importuns.
Comme ils ont à parler de politique ou de législation, leurs harangues doivent être pleines de mouvemens & de grandes vues.
« Il n’y a rien, ni dans le ciel ni sur la terre, qui soit ou plus doux, ou plus fort, ou plus élevé, ou plus étendu, ou plus agréable, ou plus plein, ou meilleur que l’amour, parce que l’amour est né de Dieu, et que, s’élevant au-dessus de toutes les créatures, il ne peut se reposer qu’en Dieu.
La simplicité de l’Écriture est celle d’un antique prêtre qui, plein des sciences divines et humaines, dicte du fond du sanctuaire les oracles précis de la sagesse.
On ne sent point quelque chose de plein et de nourri dans leurs ouvrages ; l’immensité n’y est point, parce que la divinité y manque.
Voilà pourquoi nous admirons plusieurs poëmes qui ne sont rien moins que reguliers, mais qui sont soutenus par l’invention et par un stile plein de poësie, qui de moment en moment présente des images qui nous rendent attentifs et nous émeuvent.
Comme les théatres des anciens étoient très-vastes et qu’on y entroit sans païer, l’assemblée y dégeneroit en une véritable cohuë pleine de gens sans attention, et par consequent toujours prêts à distraire ceux qui auroient été capables d’en avoir.
Après avoir cité des passages des Pensées pleins de belles antithèses, nous concluons formellement par ces mots : « On voit le profit qu’on peut tirer de ce magnifique style. » Voilà comment nous déconseillons la lecture de Pascal « comme du temps perdu ».
Même les ennemis religieux et politiques de l’auteur, qui n’auraient, pour perdre Michelet comme historien, qu’à citer les faits étrangement immondes dont son livre est plein, ne peuvent pas justement les citer !!!
Il raconte son excursion sous ce titre, que je trouve excellent : « L’Arbre de Taine à Vouziers », dans un livre plein de tendresse pour la Lorraine et la région de l’Est : « Images de France ».
Tel est surtout l’ouvrage d’un de ces Scandinaves, qui, au neuvième siècle, fut en même temps roi, guerrier, poète et pirate, et qui, pris en Angleterre les armes à la main, condamné à mourir dans une prison pleine de serpents, chanta lui-même son éloge funèbre.
Telle aussi doit être l’autorité d’un sénat sous un monarque, lequel a pleine liberté de suivre ou de rejeter ce qui a été conseillé par le sénat.
Ce discours est aussi plein de sagesse que la moelle des Proverbes de Salomon ; c’est l’éloge de la vie rustique opposée aux hasards de la vie agitée et ambitieuse des habitants des villes. […] Dussé-je la voir pour la dernière fois, je veux du moins rencontrer encore le regard plein de franchise de cet œil noir. […] L’Allemagne était pleine d’hommes à sa hauteur en philosophie, en histoire, en science, en politique, en roman, en critique, en poésie ; il suffit de nommer les Herder, les Kant, les Jacobi, les Schlegel, les Winckelmann, les Klopstock, les Wieland, les Schiller, pour assigner au dix-huitième siècle allemand la même fécondité intellectuelle qu’au dix-huitième siècle français.
Quelque grande salle au fond de l’édifice, au rez-de-chaussée, renferme hermétiquement une vaste bibliothèque poudreuse, pleine dans les rayons d’en haut de volumes de toutes langues, presque pétrifiés dans leurs stalles, sous leur reliure à fermoir, et, sur les tablettes inférieures, des brochures nouvelles et en désordre attestent la continuité du maître à se tenir en rapport avec ce que l’espèce humaine produit de nouveau et son attention à ce qui se passe sur la terre. […] Une vie recueillie et solitaire, dans un vieux château de Bourgogne, au milieu d’un site froid et âpre, avait remplacé cette belle vie d’Italie par une existence plus sévère, pleine de vertus pieuses et charitables, et répandu on ne sait quel deuil anticipé sur ce seuil couvert maintenant d’un deuil éternel ! […] Les Mémoires de M. de Chateaubriand sont pleins de railleries inconvenantes ; M. de Marcellus s’en préserva.
XVI Il touchait à sa soixantième année ; sa santé toujours souffrante, quoique pleine de cette éternelle séve d’esprit qui est la vie sous la forme de l’activité morale, lui faisait un besoin de la solitude. […] Les poésies philosophiques sont pleines de cette profession de foi du théiste, depuis ce vers le plus beau de vérité de tous les vers : Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer, jusqu’à ces vers si nombreux et si proverbiaux de son poëme sur la loi naturelle : Quoi ! […] …………… …………… Ses dix-huit volumes de correspondance sont pleins des témoignages de sa foi dans l’Être créateur, providentiel et rémunérateur, et de mépris contre les athées qui nient la cause suprême faute de pouvoir l’expliquer.
On ne peut même pas dire que la passion est riche et que la raison et que la sagesse est pauvre, car il y a des passions qui sont plates comme des billards et il y a des sagesses et il y a des raisons qui sont pleines et mûres et lourdes comme des grappes. […] Comme si les vers de Racine les plus pleins de lumière n’étaient pas aussi les plus mystérieux. […] C’est celle qui a des pleins.
Sa mysticité est d’un genre qui lui appartient ; son Catéchisme chrétien pour la Vie intérieure, qu’on ne lit plus guère hors de Saint-Sulpice, est un livre des plus extraordinaires, plein de poésie et de philosophie sombre, flottant sans cesse de Louis de Léon à Spinoza. […] Son traité du Pouvoir du Pape sur les Souverains au moyen âge 14 est plein de recherches. […] Il avait peu de culture littéraire, mais sa parole était pleine de saillies inattendues.
Mais ces vers, rares d’abord — rari nantes in gurgite vasto, — matériels, d’ailleurs, comme des camées, des soucoupes, des vases ébréchés ; rompus souvent d’un hémistiche à l’autre, tous ces débris, où un reste d’art brille et s’exhale, ne peuvent arrêter le jugement définitif que la Critique est tenue, en honneur, de porter sur un talent qui n’a plus ni ensemble, ni articulations, ni vie régulière, ni chaleur vraie, ni lumière tranquille, ni rien enfin de ce qui constitue une créature, supérieure aux facultés sensibles et raisonnables de l’humanité, comme doit l’être un poète, et qui, au contraire, peut écrire des choses comme celles-ci : Tout est plein d’âmes ! […] … L’auteur des Pauvres gens, cette poésie à la Crabbe, mais d’une touche bien autrement large et émue que celle du réaliste Anglais, le peintre de La Rose de l’infante, ce Vélasquez terminé et couronné par un poète, préfère peut-être à ces chefs-d’œuvre et à tant de pièces que nous avons indiquées déjà les deux morceaux qui terminent le recueil, intitulés Pleine terre et Plein ciel, ces deux morceaux dont je me tairai par respect pour cette Légende des siècles dans laquelle j’ai retrouvé vivant M.
Sa vie est pleine d’agréments : il a façonné selon ses désirs la jolie résidence où il a pris racine, et dont il est plus souverain que l’excellent prince qui s’honore d’être son ami. […] Car ici nous touchons du doigt un des sens les plus vrais de ce titre plein de mystère : Vérité et Poésie, un de ceux que l’auteur ne nous dévoile pas. […] Ses yeux étaient creux et pleins d’amour ! […] Qu’aucun de vous ne bouge d’ici jusqu’au plein jour ! […] L’aîné, Charles-Auguste, était intelligent, ardent, plein de vie.
Hésiode la résume dans un vers d’une simplicité saisissante : « La terre est pleine de maux et la mer en est pleine. » Ni l’Ecclésiaste ni Schopenhauer n’ont été plus loin. […] Cette pleine droiture où vous vous renfermez… […] L’admiration, qui était comme la haute et pleine respiration de son âme, n’entraînait pas forcément sa tendresse ; mais sa tendresse n’allait jamais sans admiration. […] Tout le poème Pleine mer, Plein ciel repose sur une ridicule antithèse. […] Mais elle aurait représenté l’amour durable, comme Madeleine représente la passion. » Ces suggestions partent d’une romancière pleine d’expérience, d’un vieux routier du roman, qui connaît supérieurement son affaire.
Il est arbitraire, inattendu, bizarre, plein de surprises. […] Il sentait que la vie est fourbe, pleine de surprises et d’imprévu. […] Ce petit livre est charmant et triste, plein d’amour et d’humour. […] L’orgueil britannique y chante à pleine gorge. […] Il est plein.
Les scènes. — Moins animées par la rapidité de l’action, que par le charme d’une conversation fine, délicate, pleine de sel et d’épigrammes mordantes, mais sans âcreté. […] , ces vers, si pleins de sentiment, ne deviennent-ils pas niais et ridicules ? […] Une femme y chante : Ma bouteille, si la saveur, De ce vin répond à l’odeur, Je prie Dieu et Sainte Hélène, Qu’ils te maintiennent toujours pleine. […] L’Avare, la tête pleine du larcin qu’on lui a fait, croit que Lyconide est le voleur de son trésor, et qu’il le prie de lui en faire un dom ; d’un autre côté, Lyconide pense que l’affront fait à Phédrie est la cause du désespoir de son père. […] La diction. — Vive, pure, agréable, pleine d’images.
Nous vivons dans un relatif dont la circonférence n’est pas très grande ; le changement n’est qu’un retour au passé et le futur, plein d’inconnu, ne contient, en somme, que des vieilles lunes. […] Dolon, effleuré par la lancede Diomède, « s’arrêta, plein de crainte, épouvanté, tremblant, pâle et ses dents claquaient ». […] A défaut de métaphores, l’Astrée est pleine de fines observations notées avec délicatesse. […] Mais la commune mesure étant le nombre réel, il faut qu’à des intervalles presque réguliers un vers plein surgisse, qui rassure l’oreille et guide le rythme. […] Le latin, sur la fin de l’empire, en était plein, si bien que, les grammairiens faisant défaut, elles sont tombées, tout doucement.
Ce ne sont point des génies créateurs & pleins de vie qui ont présidé, en France, à l’origine de l’Art ; ce sont des traducteurs timides qui ont pris çà & là des matériaux étrangers pour en construire un édifice, qui, de ce mélange, en a conservé jusqu’à nos jours une physionomie vraiment équivoque. […] La rime rend souvent Corneille diffus, embarrassé, inintelligible ; elle gâte plusieurs morceaux pleins de verve & d’élévation. […] Le style serré, plein, nerveux, sentencieux, fort de choses, est le style des penseurs ; mais ce style-là n’est point agréable, il aura peu de lecteurs. […] On enleva des Bibliothèques du Prince tous les moralistes anciens & modernes, tous les Dissertateurs, les Jurisconsultes, les Métaphysiciens ; & on tapissa les murailles de Peintures pleines de feu & de gaité. […] Que l’Ecrivain adorateur de vieux simulacres, qu’il croit pleins & qui ne sont que creux, se prosterne & s’environne d’un respect superstitieux, à force d’attention, il copiera quelques beautés.
A certains moments joyeux, comme quand Sganarelle touche le sein de la nourrice, il se rapproche du rond Gorgibus, lequel ramène au bonhomme Chrysale, cet autre comique cordial et à plein ventre. […] L’École des Maris, dédiée au duc d’Orléans, son protecteur, est le premier ouvrage qu’il ait publié de son plein gré ; à partir de ce moment (1661), il entra en communication suivie avec les lecteurs. […] La façon de Molière en ses imitations est bien plus familière, plus à pleine main et à la merci de la mémoire. […] Molière, en son Épître à Mignard, a dit du dessin des physionomies et des visages : Et c’est là qu’un grand peintre, avec pleine largesse, D’une féconde idée étale la richesse, Faisant briller partout de la diversité Et ne tombant jamais dans un air répété ; Mais un peintre commun trouve une peine extrême A sortir dans ses airs de l’amour de soi-même. De redites sans nombre il fatigue les yeux, Et, plein de son image, il se peint en tous lieux.
. — Déjeuner chez Magny, en ce restaurant encore tout plein de mon frère et de moi. […] Toute pleine de vivacité et d’entrain, la voici farfouillant dans les vieux journaux, y cherchant les éléments d’un historique de la pièce, qu’on distribuera dans la salle, quand tout à coup, je viens à parler du Tonkin, d’une batterie d’artillerie qu’on dit perdue, et la voilà lâchant tout, qui se met à fondre en larmes. […] Vous vous rendez bien compte, ajoute-t-il en me jetant un regard, que je ne parle en ce moment que de ce que j’ai vu. » Un dîner tout plein de quasi-ministres. […] Aujourd’hui, en donnant à manger aux poissons rouges de mon bassin, dans le moment où il est éclairé par le plein soleil, j’étais frappé combien les ombres portées des poissons sur le fond, étaient les poissons des albums japonais. […] Elle est nonchalamment assise sur un canapé, avec ses grands yeux cernés, tout pleins de la langueur des brunes, avec son teint pâlement rosé de vieux saxe, son noir grain de beauté sur une pommette, sa bouche aux retroussis moqueurs, son décolletage à la blancheur d’une gorge lymphatique, ses gestes paresseux, brisés, et dans lesquels monte, par moments, comme une fièvre.
Une première impression un peu cauchemaresque : l’impression d’entrer dans une chambre pleine de portraits fantomatiques aux grandes mains pâles, aux chairs morbides, aux couleurs évanouies sous un rayon de lune. […] Mardi 30 juin C’est curieux ces moments d’enragement, tout pleins en leurs ardeurs batailleuses d’une heure, de plans, de projets, de combinaisons agressives, puis l’heure passée, ces fièvres cérébrales sont mortes, éteintes, et c’est en vous une aspiration à la bonasserie d’une vie littéraire, n’apportant aucun embêtement. […] Un logis tout plein d’un méli-mélo d’objets disparates, de vieux portraits de famille, de meubles Empire, de kakemonos japonais, d’eaux-fortes de Whistler. […] Quant à sa conversation, sauf un peu de maniérisme dans l’expression, elle est pleine d’observations aiguës, de remarques délicates, d’aperçus originaux, de trouvailles de jolies phrases, et que souvent il termine, il achève par des sourires de l’œil, par des gestes nerveux du bout des doigts. […] Et copiant ce papyrus, j’avais comme le sentiment de m’être endormi dans l’escalier, de m’être assoupi dans un endroit public, et de faire un rêve, où la galopade de deux gamins en gros souliers, descendant les marches à cloche-pied, ou la bruyance simiesque d’une jeune négresse en joie, ou la dissertation, pleine de consonnes, d’archéologues tudesques, ou le regard par-dessus mon épaule d’un Égyptien d’aujourd’hui, coiffé du fez classique, ou l’opoponax odorant d’une cocotte, me frôlant de l’envolée du voile de son chapeau, ou enfin les bruits, les parfums, le contact des gens : toutes les émanations modernes de la vie vivante traversaient légèrement mon rêve dans le vieux passé, sans interrompre mon ensommeillement.
La saison de Mallarmé était l’automne, ou mieux la douceur chaude qui l’annonce, cette coupe pleine de miel et d’or que lui tend à regret l’été. […] La Gloire, ici, reprend, sous l’incantation de l’automne, son sens intact, pur et plein, celui d’un or circulaire sur un visage sacré. […] Les doutes, les nuances changeantes dont est pleine, je le reconnais, cette poésie, et qui en font la joie et la difficulté, ne détruisent pas ce sens, mais prennent place dans l’ampleur du cercle qu’il élargit. […] On se rendra encore mieux compte de la différence entre les deux inspirations en comparant, avec le Satyre et Plein Ciel, le Zenith de Sully Prudhomme. […] Je dois citer cette page intense et pleine, de la Musique et les Lettres.
Dans l’épopée, l’humanité prend pleine possession de la poésie, qui n’appartenait qu’aux dieux. […] C’est que la musique est un art relativement nouveau ; elle n’a conquis son indépendance que depuis trois siècles à peine, et son plein développement est un symptôme tout actuel. […] Lorsque après Boileau la vieille législation du Parnasse eut acquis sa pleine autorité, l’esprit, le talent, la facilité, foisonnèrent dans les lettres ; mais de cent ans, il ne parut pas un grand poète. […] Les vallons pleins d’ombres et les collines empourprées se déroulent en ondoyant devant vous comme les vagues du gigantesque océan. […] L’artiste s’est préparé dès la veille à une matinée laborieuse ; il est plein de son sujet, tous ses rêves de la nuit l’en ont entretenu.
L’histoire anglaise est pleine de traits de franchise qui dépassent ceux qu’on peut trouver dans les annales des autres peuples. […] La verve de Mercutio est pleine de hasards malencontreux et de fâcheuses rencontres de mots et d’images. […] Son cœur est trop plein pour que l’amour puisse y trouver une grande place. […] Tous deux sont également pharisaïques, pleins de cant sincère, de sécheresse morale, d’honnête hypocrisie, de dureté légale. […] Richard Sterne semble avoir porté vaillamment le poids d’une vie pleine de troubles.
Mais n’est-ce pas là, précisément, ce qui doit nous inspirer pleine confiance dans la science positive et aussi dans l’intelligence, son instrument ? […] La réalité, telle que nous la percevons directement, est du plein qui ne cesse de se gonfler, et qui ignore le vide. […] Nous ne percevons et même ne concevons que du plein. […] En d’autres termes, cette prétendue représentation du vide absolu est, en réalité, celle du plein universel dans un esprit qui saute indéfiniment de partie à partie, avec la résolution prise de ne jamais considérer que le vide de sa dissatisfaction au lieu du plein des choses. […] Elles consistent à croire qu’il y a moins dans l’idée du vide que dans celle du plein, moins dans le concept de désordre que dans celui d’ordre.
Quand l’âme est pleine et neuve, ce n’est point par des raisonnements qu’elle exprime ses idées ; elle les joue et les figure ; elle les mime ; c’est là le vrai et le premier langage, celui des enfants, celui des artistes, celui de la joie et de l’invention. […] Ils sont en verve, leur tête est pleine et comblée, et ils s’amusent, comme font aujourd’hui des artistes nerveux et ardents à leur aise dans un atelier. […] Au retour du printemps, quand Mai étale sur les champs sa robe bigarrée de fleurs nouvelles, Astrophel et Stella vont s’asseoir sous l’ombre d’un bois écarté, dans l’air chaud, plein de bruissements d’oiseaux et d’émanations suaves. […] Tout le jour elle est debout, pleine de rosée ; ce sont les larmes qui coulèrent de ses yeux328. » Ses sentiments les plus vrais se changent ainsi en féeries. […] Mais la cuve est pleine, et de ce mélange naissent des composés puissants que nul âge n’avait encore connus.
Le libre et plein développement de la pure nature qui, en Grèce et en Italie, aboutit à la peinture de la beauté et de la force heureuse, aboutit ici à la peinture de l’énergie farouche, de l’agonie et de la mort. […] Sans son hôtesse qui le recueillit, « il serait mort dans la rue. » Il dura encore un peu, puis s’éteignit ; quelquefois il lui demandait en pleurant un sou de vin de Malvoisie ; il était plein de poux, n’avait qu’une chemise, et quand la sienne était au blanchissage, il était obligé d’emprunter celle du mari. […] Elle s’abat sous le coup, et reste morne, sans crier, comme « un misérable brisé sur la route. » Aux encouragements, aux consolations, elle ne répond que par un étrange sourire de statue. « Allons, courage, je sauverai votre vie72. — En vérité, je n’ai pas le loisir de songer à une si petite chose. — Sur ma parole, j’ai pitié de vous. — Alors, tu es fou de dépenser ta pitié ainsi ; moi je ne peux pas avoir pitié de moi-même… Mon cœur est plein de poignards. » Paroles lentes, prononcées à mi-voix, comme en un rêve ou comme si elle parlait d’un autre. […] — Il n’en est que plus noble. — Il est plein d’ombres effrayantes ! […] Aspasia délaissée, « marche sombre, les yeux humides et attachés sur la terre94. — Elle ne se plaît qu’aux bois solitaires, et, quand elle voit une rive, — toute pleine de fleurs, avec un soupir, elle dit à ses femmes, — quelle jolie place ce serait pour y ensevelir des amants ; elle leur dit — de cueillir les fleurs et de l’en joncher comme une morte. — Partout avec elle, elle porte sa peine, qui, comme une contagion, — gagne tous les assistants.
Chacun de nous, en jetant un coup d’œil rétrospectif sur son histoire, constatera que sa personnalité d’enfant, quoique indivisible, réunissait en elle des personnes diverses qui pouvaient rester fondues ensemble parce qu’elles étaient à l’état naissant : cette indécision pleine de promesses est même un des plus grands charmes de l’enfance. […] Sous sa forme la plus rudimentaire, l’animal se présente comme une petite masse de protoplasme enveloppée tout au plus d’une mince pellicule albuminoïde qui lui laisse pleine liberté de se déformer et de se mouvoir. […] Si pleine, si débordante que puisse en effet paraître l’activité d’une espèce animale, la torpeur et l’inconscience la guettent. […] Du moins en a-t-elle la connaissance intérieure et pleine, non pas explicite, mais impliquée dans l’action accomplie. […] Dans le premier cas, la connaissance pourra être étoffée et pleine, mais elle se restreindra alors à un objet déterminé ; dans le second, elle ne limite plus son objet, mais c’est parce qu’elle ne contient plus rien, n’étant qu’une forme sans matière.
Un jour Voltaire lui envoie le Jules César de Shakespeare et l’Héraclius de Calderon, à titre de farces ou de folies, pour le divertir et le mettre en belle humeur ; et Bernis répond par une lettre pleine de grâce et de sens : Notre secrétaire (celui de l’Académie) m’a envoyé l’Héraclius de Calderon, mon cher confrère, et je viens de lire le Jules César de Shakespeare : ces deux pièces m’ont fait grand plaisir comme servant à l’histoire de l’esprit humain et du goût particulier des nations. […] Bernis qui, plein d’autorité, cette fois, et d’influence au sein du conclave, contribua pour sa bonne part à ménager l’élection du nouveau pape Pie VI (février 1775), obtint également son amitié et avec un degré de plus de confiance.
Il démêle l’espèce de jeu de mots et d’escamotage à l’aide duquel l’école de Condillac se flattait d’expliquer tout l’homme : Vous êtes tellement plein de votre système des sensations, que ce ne sera pas votre faute si tous les mots de nos langues, si tout notre dictionnaire enfin ne se réduit, pas un jour au mot sentir. […] Quand on la contemple dans ses détails, on voit que, quoiqu’elle frappe à la fois sur tous les ordres de la France, il est bien clair qu’elle frappe encore plus fortement sur le clergé… Plein de respect pour l’idée de sacerdoce, qui est à ses yeux peut-être la plus haute de toutes, Saint-Martin trouve tout simple que les individus de cet ordre aient été les premiers atteints et châtiés, de même que cette « révolution du genre humain » a commencé par les « lys » de France : « Comme aînés, dit-il, ils devaient être les premiers corrigés. » Je ne fais qu’indiquer ces manières de voir qui nous sont devenues depuis lors familières par le langage si net et si éclatant de M. de Maistre ; mais Saint-Martin y mêle des idées et des sentiments qui lui sont propres et qui ont beaucoup moins de netteté.
du seul archevêque de Bordeaux, mon oncle, lequel était un petit esprit, taquin et triste, grand économe, homme à vues bourgeoises, aimant sa maison avec orgueil, mais sans générosité, plein de lui et vide des autres, dur et sec, haïssable, et échappant seulement à la haine publique par son économie ; mais mon père et mes aïeux ont toujours passé dans leur temps pour gens francs, nobles, courageux et dignes de l’ancienne Rome, surtout de nulle intrigue à la Cour ; aimant la vie de province, ce qui est la vraie vie de la province ; riches ou pauvres, et cependant s’y faisant d’abord distinguer par les lumières de leur esprit et la bonté de leur cœur. […] Son premier étonnement passé, il redevint aisément, le lendemain de sa sortie du ministère, ce qu’il était la veille, un homme studieux, un grand lecteur, l’étant avec délices, faisant de son cabinet son royaume et son monde, et plein de pensées et d’observations sur les livres et sur les choses· En lisant ce qu’il a ainsi écrit pour lui seul et dont on a le recueil depuis 1742 jusqu’en 1756, au milieu des mille variétés de chaque jour, je suis frappé d’une remarque fréquente et suivie, d’une plainte qui revient sans cesse sous sa plume jusqu’en 1750 : elle tient de près à ce que nous l’avons déjà vu dire à propos de son frère sur le genre frivole et léger, sur l’esprit de moquerie et de malice qui détruit tout, et sur l’absence de cœur et d’amour du bien.
La correspondance de Voltaire avec lui est pleine de chaleur et d’intérêt, et d’une intimité respectueuse. […] Dix-huit mois avant sa mort, d’Argenson, qui mourut à soixante-deux ans et qui était encore plein de santé et de verdeur, se promettait une longue vieillesse : il se la prédisait sous une forme indirecte dans un portrait intitulé Goûts d’un vieux philosophe, et qui est de juin ou juillet 1755 : Le vieux Damon m’a dit avoir conservé ses goûts sans passions en plus grand nombre et le plus longtemps qu’il avait pu.
La Dissertation de l’abbé de Pons amena l’aimable jésuite du Cerceau à le réfuter dans le Mercure du mois suivant, et à venir plaider la cause de la poésie et de la versification dans un article fort poli, assez juste, et où il s’applique à disculper les vers de ce reproche d’air gêné et d’affectation : Pour moi, observait-il assez finement, si j’ose dire ce que je pense, je m’en aperçois bien davantage (de cet air contraint) dans des ouvrages de prose, pleins d’esprit d’ailleurs, mais dont le style me paraît bien plus gêné et plus affecté que celui de la poésie. […] Il y a des mots pleins de lumière et de splendeur ; il y en a qui ont la suavité du miel.
Benjamin Constant est un homme à peu près de votre âge, passionné pour la liberté, d’un esprit et d’un talent en première ligne ; il a marqué par un petit nombre d’ouvrages écrits d’un style énergique et brillant, pleins d’observations fines et profondes ; son caractère est ferme et modéré ; républicain inébranlable et libéral. […] Tous deux sont blasés, et expriment ce fond d’ennui dont ils sont pleins, sous la forme d’un petit livre qui reste leur chef-d’œuvre : mais l’un, grand artiste, ajoute à son ennui la flamme, et l’on a René ; l’autre y met de son ennui et de sa tristesse partout, et l’on a Adolphe, qui, pour les connaisseurs psychologues, ne le cède pourtant point à l’autre, mais qui n’a ni l’action sur le public ni le prestige.
Mais il est arrivé à Bone ; il est logé, installé chez Yusuf, lequel, en légère disgrâce, est pendant ce temps-là à Paris ; il voit les amis d’Yusuf, la première Mlle Yusuf, une musulmane aux longs yeux pleins de douceur et de mélancolie, et qui lui a cédé la maison ; il s’inquiète d’abord de l’avenir de son ami, et donne de bons avis sur les hommes, sur les gouverneurs présents et passés, des jugements qui ne seraient pas tous à reproduire ici. […] Il se met en marche pour Constantine ; il n’a plus le temps d’écrire, occupé qu’il est à voir et à peindre ; mais à bord du bâtiment qui le ramenait, et encore plein des sensations du voyage, il les a racontées à Mme Vernet dans une lettre courante et animée, où il fait voir que, sous une impression vive, il savait tenir autre chose encore que le pinceau.
Voici ce petit tableau et ce colloque, plein de mouvement, de coquetterie et de grâce : « Les dames mirent beaucoup de temps à faire leur toilette. […] pourquoi pense-t-il de la plupart des architectes modernes les mieux établis et les plus favorisés que ce sont gens qui, pleins des formes du passé, — d’un passé lointain, — et obéissant à une idée préconçue, procèdent dans leur œuvre du dehors au dedans, font d’abord une boîte pour les yeux, un couvercle de grande apparence selon les règles dites du beau, et qui ne songent qu’ensuite et secondairement à ce qui sera à l’intérieur, à ce qui doit s’y loger, y agir, s’y mouvoir et s’en accommoder ?
Louis Blanc qui, vivant à Londres, se trouvait à la source pour contrôler les rapports français par ceux de la marine anglaise, et qui a pour habitude d’user de tous ses moyens d’information en historien consciencieux, a raconté ce grand combat naval et l’a discuté dans le tome XI de son Histoire de la Révolution française : il a fait justice du récit qui se lit dans le recueil de Victoires et Conquêtes et qui, plein d’emphase sur tout le reste, est empreint d’une malveillance outrageuse à l’égard du délégué de la Convention. […] Ces sortes d’anecdotes sont pleines de variantes.
C’était, du reste, si l’on excepte cette gendarmerie d’élite arrivée de l’avant-veille, une armée toute formée par lui, toute dans sa main ; elle avait pleine et entière confiance dans son guide, le père La Pensée, comme on l’appelait familièrement. […] Un rayon brille sur ce point de la vie de Catinat, un beau rayon d’automne ; c’est l’endroit le plus lumineux de sa carrière, son moment de plein éclat.
Poniatowski et Fritsch étaient les vraies gens pour M. le Cardinal, et il avait confiance en eux. » La Saxe avait donc en lui, chez nous, un très bon observateur, un attaché du premier ordre, qui de tout temps l’aima, la servit, et qui certainement l’aurait servie encore davantage, à plein collier et de son épée, si elle l’avait voulu et si elle avait osé prendre un grand parti à l’heure décisive où, Charles VI mort, s’ouvrit la succession de l’Empire. […] Je vous le garantis plein de vie et de santé.
Les églises que nous avons parcourues étaient pleines de femmes à longues failles sur la tête, et qui tombent jusqu’à leurs pieds. […] Il est bon et obligeant, mais, comme tous les hommes d’un grand talent littéraire, impossible à cultiver : il appartient à trop de monde, à tous les mondes. » Avec le seul Musset, il n’y avait jamais eu d’occasion, de rencontre, et partant de sympathie établie, pas le moindre petit fil tendu à travers l’air, et elle le supposait de loin plus avantageux certainement, plus plein de lui-même qu’il ne l’était, lui, l’indifférent passionné, éperdument livré au torrent de la vie ; elle avait à son sujet de la prévention, faute de l’avoir connu à une heure propice.
Et quand on songe qu’une telle histoire est ainsi continuée d’un cours égal et plein à travers la Convention et le Directoire jusques et y compris l’époque du Consulat et les victoires de Marengo et de Hohenlinden, on appréciera tout ce que Jomini a préparé de matière toute digérée et de besogne, relativement facile, aux historiens de la Révolution qui ont succédé. […] L’avis fut adopté, et la sommation rédigée presque dans les mêmes termes : elle eut un plein succès.
Prenez Pétrarque, par exemple, le père de la Renaissance et le prince aussi de la poésie moderne (on ne rendait pas alors pleine justice à Dante) ; Pétrarque lui-même, en tant que poète toscan, est intraduisible. […] À défaut du Roland devenu impossible, il y aurait eu moyen, j’imagine, d’aller choisir quelque grand fait, quelque épisode de nos chroniques nationales, de nos dernières guerres séculaires, comme les récits chevaleresques de Froissart en sont pleins ; quelque combat des Trente ; et, sans tant chercher, que n’est-on allé donner la main à la dernière chanson de geste de la seconde moitié du xive siècle, à la chronique de Du Guesclin !
Chez tous les trois, ce développement plein de grandeur auquel, dans l’espace de vingt-cinq années, on dut les Études et les Harmonies de la Nature, Delphine et Corinne, le Génie du Christianisme et les Martyrs, s’accomplissait au moyen d’une prose riche, épanouie, cadencée, souvent métaphysique chez madame de Staël, purement poétique dans les deux autres, et d’autant plus désespérante, en somme, qu’elle n’avait pour pendant et vis-à-vis que les jolis miracles de la versification delillienne. […] Mais en y songeant mieux, revoyant sans fumée, D’une vue au matin plus fraîche et ranimée, Ce tableau d’un poëte harmonieux, assis Au sommet de ses ans, sous des cieux éclaircis, Calme, abondant toujours, le cœur plein, sans orage, Chantant Dieu, l’univers, les tristesses du sage, L’humanité lancée aux Océans nouveaux…, — Alors je me suis dit : Non, ton oracle est faux ; Non, tu n’as rien perdu ; non, jamais la louange, Un grand nom, — l’avenir qui s’entr’ouvre et se range, — Les générations qui murmurent : C’est lui !
Mais ce n’était là qu’un premier essai bien incomplet, bien arriéré et nullement méthodique ; dans sa modestie laborieuse et à la fois dans sa pleine confiance en Celui qui est la force des faibles, le pieux bénédictin osa embrasser un plan immense qu’un autre bénédictin, dom Roussel, avait déjà également conçu : rassembler dès les origines toutes les parties éparses de notre histoire littéraire, en composer un corps méthodique et régulier. […] Ces volumes sont comme des sacs pleins de toute marchandise, bien rangés et étiquetés par ordre de débarquement ; il ne reste qu’à les ouvrir et à y tailler, s’il se peut, l’étoffe aux justes endroits.
L’un voulait commander l’avenir, l’autre se borne à connaître les hommes. » Pronostic si plein de sagacité et de sens ! […] Arrivé d’hier de Versailles, tout plein des habitudes du bel air, il mettait au service de la cause, les jours de combat, la plus brillante valeur, après quoi il ne se souciait guère de rien de sage ; et, pour ne citer qu’un trait qui le peint, un jour, après ce fatal passage de la Loire, qu’il avait surtout conseillé pour se rapprocher de ses vassaux, ayant trouvé au château de Laval une ancienne bannière de famille, une bannière des La Trémouille, bleu et or, il imagina de la faire porter devant lui.
Je partirai, j’irai en de lointains voyages, je reviendrai dans cette vieille terre pleine de vous, où je vous ai reçue ; je ne vous reverrai jamais ! […] Cette nature sensible, à côté de l’autre nature plus passionnée mais lassée, lui rendait en ce moment tous les rayons pleins de chaleur qu’il en avait longtemps reçus, et elle le regardait avec larmes : « Eh bien !
Eynard, qui raconte très-bien cette petite scène, ajoute que ces mots pleins de raison plongeaient un poignard dans le cœur de Mme de Krüdner : « Hélas ! […] Eynard cite le passage d’une lettre d’Ymbert Galloix, jeune homme de Genève, mort à Paris en 1828, et il le proclame un jeune poète plein de génie.
Je ne parle pas de Baudelaire, si aimé pour son étrange génie plein de prévisions mystérieuses, mais Léon Dierx, mais José Maria de Heredia. […] Style ingénieux, compliqué, savant, plein de nuances et de recherches, reculant toujours les bornes de la langue, empruntant à tous les vocabulaires, prenant des couleurs à toutes les palettes, des notes à tous les claviers, s’efforçant de rendre la pensée dans ce qu’elle a de plus ineffable et la forme en ses contours les plus vagues et les plus fuyants.
Mais, s’ils avaient la tête pleine de littérature, d’histoire, de philosophie, d’humanisme, en un mot, s’ils pouvaient, en travaillant, causer entre eux des choses supérieures, quelle différence ! […] Si nous étions délivrés du souci des besoins matériels, comme les ordres religieux ou comme le brahmane qui s’enfonce tout nu dans la forêt, nous voguerions à pleines voiles, nous conquerrions l’infini… La vie patriarcale réalisait cette haute indépendance de l’homme, mais c’était en sacrifiant des éléments non moins essentiels : la civilisation, en effet, n’existe qu’à la condition du développement parallèle de l’intelligence, de la morale et du bien-être.
Et le philosophe de s’écrier : « Messieurs, parlons de l’éléphant ; c’est la seule bête un peu considérable dont il soit permis de parler. » L’histoire du xviiie siècle est pleine d’écrivains arrêtés ou exilés, d’ouvrages mis au pilon, lacérés, brûlés par la main du bourreau : l’Eglise et l’Etat, la Sorbonne et les Parlements collaboraient il cet étouffement. […] On n’attend pas de moi, je pense, que je conte ici le long duel qui s’est engagé entre nos gouvernements successifs et la presse jalouse de sa pleine liberté.
Lamoureux qui avait même bien voulu s’intéresser spécialement à la Revue Wagnérienne, et, comme tous les wagnéristes, j’étais plein d’espérances dans les « projets de M. […] Lorsque nous en parlâmes, la sévère et réfléchie Monique elle-même se mit de mon côté, plaisantant la jeune conseillère par cette phrase de Gœthe : « Ô toi, ange plein de défiance….
Quoiqu’il n’entre pas dans mon sujet de faire connaître les causes qui opérèrent la révocation de l’édit de Nantes, ni de faire connaître la vie politique de madame de Maintenon, je veux indiquer au moins les autorités et les faits d’où il résulte que madame de Maintenon a été non seulement étrangère, mais aussi opposée qu’elle pouvait l’être à la persécution des protestants, et je crois pouvoir conclure, avec une pleine assurance, de tout ce qui précède, que la fortune de madame de Maintenon fut exclusivement le triomphe de ses charmes. […] Victorieux depuis qu’il régnait, n’ayant assiégé aucune place qu’il n’eut prise, supérieur en tout genre à ses ennemis réunis, la terreur « de l’Europe pendant six années de suite, enfin son arbitre et son pacificateur, ajoutant à ses états la Franche-Comté, Dunkerque et la moitié de la Flandre ; et ce qu’il devait compter pour le plus grand de ses avantages, roi d’une nation alors heureuse et alors le modèle des autres nations. » Les armées qui avaient conquis les pays dont sa longanimité rendait la plus grande partie par la paix de Nimègue, étaient florissantes, pleines de gloire et de confiance.
On sait que lorsque Huet fut nommé à l’évêché d’Avranches, et pendant les huit ou neuf années qu’il remplit les fonctions épiscopales si peu d’accord avec son amour opiniâtre pour l’étude, il passait bien des heures dans son cabinet, et quand on venait le demander pour affaire, on répondait : Monseigneur étudie, ce qui faisait dire aux gens d’Avranches, pleins d’ailleurs de respect pour lui : « Nous prierons le roi de nous donner un évêque qui ait fini ses études. » C’est cette idée de savant toujours absorbé et rêveur, tel qu’on se le figure communément, qui se sera répandue dans le peuple et qui aura donné lieu à ce dicton : T’es tout évêque d’Avranches. […] Une vie si calme et si pleine ressemble bien peu à celles d’aujourd’hui, et elle a droit d’être enviée.
On pourrait diviser les chansons de Béranger en quatre ou cinq branches : 1º L’ancienne chanson, telle qu’on la trouve avant lui chez les Collé, les Panard, les Désaugiers, la chanson gaie, bachique, épicurienne, le genre grivois, gaillard, égrillard, Le Roi d’Yvetot, La Gaudriole, Frétillon, Madame Grégoire : ce fut par où il débuta. 2º La chanson sentimentale, la romance, Le Bon Vieillard, Le Voyageur, surtout Les Hirondelles ; il a cette veine très fine et très pure par moments. 3º La chanson libérale et patriotique, qui fut et restera sa grande innovation, cette espèce de petite ode dans laquelle il eut l’art de combiner un filet de sa veine sensible avec les sentiments publics dont il se faisait l’organe ; ce genre, qui constitue la pleine originalité de Béranger et comme le milieu de son talent, renferme Le Dieu des bonnes gens, Mon âme, La Bonne Vieille, où l’inspiration sensible donne le ton ; Le Vieux Sergent, Le Vieux Drapeau, La Sainte-Alliance des peuples, etc., où c’est l’accent libéral qui domine. 4º Il y faudrait joindre une branche purement satirique, dans laquelle la veine de sensibilité n’a plus de part, et où il attaque sans réserve, avec malice, avec âcreté et amertume, ses adversaires d’alors, les ministériels, les ventrus, la race de Loyola, le pape en personne et le Vatican ; cette branche comprendrait depuis Le Ventru jusqu’aux Clefs du paradis. 5º Enfin une branche supérieure que Béranger n’a produite que dans les dernières années, et qui a été un dernier effort et comme une dernière greffe de ce talent savant, délicat et laborieux, c’est la chanson-ballade, purement poétique et philosophique, comme Les Bohémiens, ou ayant déjà une légère teinte de socialisme, comme Les Contrebandiers, Le Vieux Vagabond. […] Au moment de sa transformation démocratique, après les Paroles d’un croyant, il est allé à Béranger comme un auxiliaire, comme un enfant plein de ferveur, pour le voir et pour causer, et Béranger, par son charme, l’a séduit.
Il travailla pour la Foire, et sema son sel à pleines mains sur les tréteaux ; il eut cent succès réputés peu honorables. […] Sur la fin de sa vie il n’avait le plein usage de ses facultés que vers le milieu de la journée, et on remarquait que son esprit montait et baissait chaque jour avec le soleil.
Mme de Caylus, y faisant allusion, dira ailleurs, dans une image pleine de pensée : Je suis fort bien ici, je ne perds pas un rayon du soleil, ni un mot des vêpres d’un séminaire (Saint-Sulpice) où les femmes n’entrent point ; c’est ainsi que toute la vie est mêlée : d’un côté, ce palais (le Luxembourg), et de l’autre, les louanges de Dieu ! […] Ces lettres de Mme de Maintenonet de Mme des Ursins sont pleines de Mme de Caylus.
On s’explique déjà quel est ce genre d’esprit vif, badin, curieux, étourdi, plein de grâce, et se faisant beaucoup pardonner quand on rapproche une fois et qu’on le connaît. […] Mais quelle agréable langue, familière, fine, légère, pleine de ces tours inachevés et de ces négligences qui sont dans le génie même de la conversation et qui entrent mieux, si l’on peut dire, dans les plis de la pensée !
Après Friedland et après Tilsitt, quand le général Savary vint à Saint-Pétersbourg, ce soldat homme d’esprit, et plein d’intelligence, y rencontra M. de Maistre, et il eut le mérite de se prendre d’intérêt et de goût pour lui. […] Ce sont ces sentiments si vrais, si naturels et si pleins d’émotion, qu’on n’était pas accoutumé à rattacher au nom de M. de Maistre, et qui vont désormais donner à sa physionomie un caractère plus aimable et plus humain.
Sa figure longue et un peu droite s’animait d’une fraîcheur éclatante, et s’adoucissait de ses yeux bleus pleins de candeur. […] Mme Necker s’était formé une idée des auteurs et des gens d’esprit de Paris uniquement par les livres, et elle vit que le monde où elle avait à se gouverner était bien autrement divers, varié et plein de nuances : « En arrivant dans ce pays-ci, dit-elle, je croyais que les lettres étaient la clef de tout, qu’un homme ne cultivait son esprit que par les livres, et n’était grand que par le savoir. » Mais le genre de conversation qui s’accommodait avec cette idée n’était guère de mise que dans le tête-à-tête, et elle ne tarda pas à s’apercevoir de sa méprise : Je n’avais pas un mot à dire dans le monde, ajoute-t-elle ; j’en ignorais même la langue.
Plein de ces désolantes idées, mon cœur était abattu et s’adressait tout bas à Dieu que je venais de retrouver, et qu’à peine connaissais-je encore. […] On trouva en effet, dans les papiers saisis chez Robespierre, une lettre, pleine de flagorneries, que lui avait adressée La Harpe à l’occasion du discours prononcé, le 20 prairial an II, en l’honneur de l’Être suprême.
Toujours il débutera vivement, brillamment, mêlant l’esprit à l’audace, la repartie à la bravoure ; il se montrera capable, des plus prompts à l’occasion, plein de promesses qu’il ne tient qu’à lui, ce semble, de réaliser : puis tout à coup, à un certain moment, une affaire d’honneur, de vrai ou de faux point d’honneur, l’arrêtera court, le fera sortir de la route tracée et le lancera dans une sphère d’action différente : il a en lui comme une force excentrique secrète qui le déjoue. […] Grand, beau, l’air ouvert et martial, l’œil plein de feu, la tête haute, avec une coiffure à lui, la chevelure assez rase et en rond, à la Charles XII, ou à la Titus comme nous dirions, Bonneval attirait les regards.
Quoi donc, un battement plus plein et plus juste du pouls de l’intelligence ? […] Nous étions alors passionnés pour l’inédit et nous avions, un peu à tort, l’ambition de faire de l’histoire absolument neuve, tout pleins d’un dédain exagéré pour les notions et les livres vulgarisés.
C’est plein de souvenirs de nous, ce livre. […] Mercredi 2 novembre État particulier, où l’on ne sait pas ce qu’on mange, où l’on se surprend à parler tout haut, où l’on se sent dans la cervelle un vide et un plein absurdes, et avec cela une espèce de bonheur vague dans la poitrine et de la faiblesse dans les jambes.
Schopenhauer, Taine et Nietzsche ont fait de la métaphysique ou de la psychologie en un style plein d’images expressément créées par eux pour expliquer leurs visions ; tous les trois furent de grands visionnaires devant lesquels l’Abstraction elle-même, comme au regard d’un démiurge, se mettait à vivre et à remuer sous ses longs voiles gelés par les hivers philosophiques. […] (Correspondance, 28 sept. 1892) » ; 3° étudier son style, qui est souvent admirable, plein d’images neuves et évocatrices, qui n’est très mauvais que si, emporté par sa fougue, il le modèle, instinctivement, sur la vulgarité d’un épisode ; 4° noter que Balzac a été l’écrivain le plus imité depuis soixante ans.
Mercure, c’est tout le vice possible, plein d’esprit ; Mercure, le dieu vice, sert Jupiter, le dieu crime. […] Il est grand, il est auguste, il est majestueux, il est au-dessus de toutes les têtes, il a pour cortège la bravoure, la bataille, la fanfare, la bannière, la renommée, la gloire, il a le rayonnement de vingt victoires, il est plein d’astres, cet Othello, mais il est noir.
Eux aussi ont voulu être « des travailleurs de la République de beauté sociale… » Avec une ténacité pleine de conviction, éclairée sinon impartiale « ils ont étudié la Société française sous la troisième République. […] Mais il y a « la manière » et la sienne pleine de rouerie n’est point la plus indulgente bien qu’on en ait dit.
III, chap. 6] Voici quelques fragments que nous avons retenus de mémoire, et qui semblent être échappés à un poète grec, tant ils sont pleins du goût de l’antiquité. […] Une autre idylle, intitulée le Malade, trop longue pour être citée, est pleine des beautés les plus touchantes.
Près de ce vaisseau, une paysane assise, un bras appuyé sur les bords du vaisseau, tenant de cette main un instrument de laiterie, l’autre bras pendant et dans la main un pot plein de lait qui se répand, tandis que la paysane s’amuse à considérer les caresses de deux pigeons qu’un pâtre debout à côté d’elle lui montre sur une troisième fabrique de gros bois arrondis et formant une espèce de réservoir d’eau, une auge où un petit courant est dirigé par un canal qu’on voit par derrière. à gauche, du même côté sur le fond, c’est une espèce singulière de colombier imitant une grande cage en pain de sucre, avec des rebords et des ouvertures tout autour, et soutenue sur cinq ou six longues perches inclinées les unes vers les autres. […] Quand il faut peindre à pleines couleurs, colorier, arondir, faire des chairs, Le Prince n’y est plus.
Il sera resté longtemps chargé jusqu’à la gueule de ce secret plein d’horreur, de ce dévorant secret, et il n’aura pas éclaté ! […] Cet enfant gâté par sa mère et d’une race pleine de bizarrerie, c’est Ajax.
Vus par cette lorgnette renversée, Attila, par exemple, n’est plus qu’un bonhomme narquois et plein de prudence qui entend son ménage de Barbare ; la Sainte inspirée qui fut Jeanne d’Arc n’est plus qu’une bonne patriote et une somnambule… à peu près ! […] Amédée Thierry et son érudition d’historien ne sont ni moins beaux, ni moins pleins, ni moins vastes que ceux qui tentèrent l’imagination fraternelle.
Fourrageur, batteur de buisson, — du buisson d’autrui, — chasseur de toute espèce de gibier, braconnier à la carnassière pleine, c’était une espèce de Bas-de-Cuir critique et littéraire ; seulement, le cuir du bas était… du maroquin bleu : car, ne vous y trompez pas ! […] Il n’a trouvé, enfin, en Galilée, qu’un pauvre caractère, qui n’avait rien de ce qui fait le grand homme quoiqu’il fût un formidable mathématicien, un de ces êtres infirmes qu’on punit maternellement, comme un vieil enfant plein de génie, mais aussi d’obstination et de désobéissance, en lui donnant pour noir cachot un palais Italien, au centre d’une belle terre italienne de douze arpents sur laquelle il pouvait promener ses soixante-quinze ans et ses gouttes, en y ajoutant pour geôliers son ami, l’archevêque de Sienne, et ses propres filles, à lui, Galilée, ses filles qu’il adorait, deux religieuses qui lui parlaient de Dieu, ce dont il avait très probablement grand besoin.
En effet, ces dessins sont souvent pleins de sang et de fureur. […] Un homme s’avance vers elle avec précaution, plein d’un mauvais dessein.
Ainsi parut épuisée cette littérature si forte dans sa surabondance, tour à tour enthousiaste et moqueuse, prodiguant à pleines mains la poésie et concentrant avec précision la pensée, capable de tout, même d’un correct et ingénieux bon sens, si aventureuse dans son théâtre, et classique avec tant de grâce dans les vers de don Luis de Léon, si admirable enfin, pour la peinture des mœurs et la vie de l’histoire, dans Cervantès, dans Quevedo, dans Hurtado de Mendoza. […] Un nuage de vapeurs qui remontent couvre l’abîme, s’arrondit en coupole, s’élève aux cieux en pyramide, et, planant sur les forêts d’alentour, épouvante le solitaire chasseur. » Dans l’original, cette peinture est pleine d’éclat ; mais elle n’a pas la beauté sévère que le grand lyrique de l’antiquité portait dans la description des phénomènes de la Sicile.
Cela est plein, et dru, et coloré à souhait. […] Molière est tout plein de ces germes. […] Nous avons pour la pudeur un amour plein d’impureté. […] Il est plein d’une rude et savoureuse bonhomie, cet excellent maréchal. […] Et son charme est toujours le même, avec quelque chose de plus sûr, de plus plein, de plus consommé.
Au moment où Alceste dispute et se querelle avec Célimène ; bien plus, au moment où, plein d’indignation contre Célimène, il comprime sa colère avec un immense effort. […] L’on n’a de droits que sur celui qui s’est engagé à vous de son plein gré et le captif de guerre a toujours droit à l’évasion. […] Or le public, et avec pleine raison, comprend ainsi. […] Cet amour est inné dans l’homme… » La preuve, c’est que Nanine, pleine de sentiments vertueux, a été quasi sifflée. […] Enfin Rousseau est tout plein de sentiment religieux et ne saurait s’en passer.
L’action s’est engagée : elle est émouvante, pathétique, pleine de terreur, d’angoisses et de larmes. […] Incapable de voir les choses, sauf à travers les conceptions de son cerveau, il s’efforce ensuite de les arranger de façon à composer un beau symbole tout plein de sens. […] Tout ce morceau est plein d’éclat et plein de charme. […] Il va sans dire que Weiss admire comme il convient nos grands siècles littéraires ; il a une pleine intelligence de nos classiques. […] Sévères à l’excès, injustes presque toujours, elles signalent du moins et mettent en sa pleine lumière un fait nouveau.
Le poëte, en des vers pleins de tendresse, conjure cette belle contrée, alors qu’elle pourra renaître, de ne s’adresser jamais qu’à ses enfants : Dans tes fils réunis cherche ton Roméo, et il repousse d’elle avec effroi toute intervention de l’étranger, du barbare, comme il dit, dans cette délivrance sacrée : Car ce qui n’est pas toi ni la Grèce ta mère, Ce qui ne parle pas ton langage sur terre, Et tout ce qui vit loin de ton ciel enchanteur, Tout le teste est barbare et marqué de laideur.
Ici sa correspondance change de ton ; les ironies se cachent sous les compliments ; mordantes en même temps que polies, pleines à la fois de verve et de convenance, elles exercent la résignation chrétienne de cette qui les reçoit et qui pardonne par Charité.
Et nous nous disions : Si, au lieu d’une Vie de Napoléon Bonaparte, Walter Scott avait eu l’idée d’écrire un roman historique où ce personnage eût joué un rôle, s’il avait saisi cette occasion pour peindre des scènes de la Révolution française et pour montrer en action quelques-uns des caractères principaux qui s’y rencontrent, il eût fait un ouvrage plus intéressant à coup sûr que son histoire, mais également plein de vues fausses, de descriptions superficielles, et de portraits de fantaisie : et pourtant Walter Scott a eu sur cette période contemporaine autant et plus de renseignements que sur les époques d’Ivanhoë, de Quentin Dthrward, d’Élisabeth, de Cromwell et des Puritains.
Reynaud est assurément ingénieuse, pleine de justesse et de portée ; mais c’est dans les conséquences auxquelles il arrive qu’il nous paraît sortir des faits réels et des améliorations praticables.
Mais là, comme dans la poésie, le progrès n’est pas sans compensation : littérairement, je préfère le premier style de Calvin, si laborieux, mais si plein et si nerveux, à la facilité pâteuse qu’il a plus tard acquise.
Mais elle laisse son verre à moitié plein et finit par lui avouer qu’elle n’aime pas la bière.
Considérez la vie qui vous est réservée comme une chose grave et pleine de responsabilités.
La question, il l’avoue, est pleine de difficultés ; mais on doit reconnaître qu’il a eu le mérite de la bien poser.
C’est l’écho de ces pensées, souvent inexprimables, qu’éveillent confusément dans notre esprit les mille objets de la création qui souffrent ou qui languissent autour de nous, une fleur qui s’en va, une étoile qui tombe, un soleil qui se couche, une église sans toit, une rue pleine d’herbe ; ou l’arrivée imprévue d’un ami de collège presque oublié, quoique toujours aimé dans un repli obscur du cœur ; ou la contemplation de ces hommes à volonté forte qui brisent le destin ou se font briser par lui ; ou le passage d’un de ces êtres faibles qui ignorent l’avenir, tantôt un enfant, tantôt un roi.
On le sent attentif, sympathique, plein de bon vouloir, soit qu’on lui fasse, dans une scène d’histoire, la leçon du passé, soit qu’on lui fasse, dans un drame de passion, la leçon de tous les temps.
L’une étoit écrite dans un stile extravagant, & l’autre étoit pleine de raison, d’esprit & de sel.
Cette objection n’est pas très-démonstrative, car, outre que beaucoup de savants physiologistes soutiennent aujourd’hui que les nerfs sont creux, cela importe assez médiocrement ; si l’on considère, en effet, les esprits, animaux comme un fluide analogue aux fluides impondérables, ils n’auraient guère besoin, pour traverser les nerfs, d’un tube visible à nos sens, la lumière et la chaleur traversant des corps qui nous paraissent parfaitement pleins.
Il est en même temps plein d’admiration et de doute vis-à-vis de lui-même.
Plusieurs passages d’Horace supposent les ruës de Rome pleines de neiges et de glaces.
Cependant j’espere qu’en m’aidant des faits racontez par les écrivains anciens qui par occasion ont parlé de leurs arts musicaux, je pourrai venir à bout de donner une notion ; si non pleine et entiere, du moins claire et distincte de ces arts, et d’expliquer comment les pieces dramatiques étoient representées sur le théatre des anciens.
Mais voici une traduction des poésies complètes de Leopardi, et nous allons voir ce que va devenir son commencement de renommée, dans le plein jour d’un texte facilement accessible à tous.
On y rencontre une foule d’écrivains qui, sans l’être dans l’acception pleine et absolue de ce grand mot, ont du style pourtant, — comme on y voit des artistes qui ont ce qu’on nomme, en terme du métier, « de la palette », — mais cela suffit-il pour l’Art d’un pays ou pour sa Littérature ?
Il est plein d’agrément, c’est incontestable.
Ce poète d’une race finie et d’une cause perdue, ce Redgauntlet poétique des Stuarts de la France, qui fait vivre sa muse au poste où il eût été digne de mourir, mais où le combat n’est même plus, à côté de beaucoup de sonnets tels que le suivant, — qui ressemble à ces écussons de marbre noir que soutiennent parfois des anges tumulaires aux coins silencieux des mausolées : Ce fut un vaillant cœur, simple, correct, austère ; Un homme des vieux jours, taillé dans le plein bloc, Sincère comme l’or et droit comme un estoc, Dont rien ne détrempa le mâle caractère.