Il fut jeté, pour ainsi dire, hors des bornes de la nature. […] Ainsi, de quelque côté qu’on jette les yeux on voit des succès et des malheurs ; on voit de grandes vues et de grandes fautes ; on voit le génie, mais tel qu’il est chez les hommes, et surtout dans les objets de gouvernement, toujours limité ou par les passions, ou par les erreurs, ou par les bornes inévitables que la nature a assignées à toutes les choses humaines.
Mais il faut auparavant jeter quelques regards en dehors de sa terre natale et de ses grandes colonies, par-delà cet horizon couronné d’une si éclatante lumière, qui commençait à Syracuse et que fermaient les Cyclades, la côte d’Asie et la terre d’Égypte. […] Cela même y jeta parfois cette variété de mélodie, ces nombres impétueux et divers qu’avait connus l’ode grecque, et qui seuls pouvaient suivre par la musique, comme par l’expression, toutes les secousses de l’âme.
Peut-être, dès la première jeunesse, les avait-il murmurés sous les platanes de l’Académie d’Athènes, quand le hasard le jeta dans une cause qu’il ne devait pas suivre longtemps. […] Cette fois il imite le délire des orgies de la Thrace, comme ailleurs il imitera les écarts du poëte thébain et les épisodes jetés dans ses hymnes.
Pourtant le débat se poursuivit avec une ardeur furieuse, et, pendant vingt ans, on ne cessa, entre littérateurs, de se jeter le classique et le romantique à la tête. […] Ce rapprochement de vues successives jette des lumières sur le développement du romantisme lui-même à travers le XIXe siècle. […] Ce qu’on jette à la face de Sainte-Beuve tourne par un côté à son honneur, et l’on montre, en s’en servant à cet usage, qu’on ne l’a point senti. […] Jamais la draperie divinement négligée de la prose lamartinienne n’ondula avec une grâce plus majestueuse et ne jeta de plus doux rayons. […] Wagner nous jeta dans les bras l’un de l’autre.
« Tange Chloen semel arrogantem… » Mais encore une fois, il ne s’agit pas de cela ni de compliments ; j’ai plutôt envie de gronder, et si je me promenais avec vous au bord de la mer, le long d’une falaise, sans prétendre à faire le Mentor, je tâcherais de vous donner un croc-en-jambe, mon cher ami, et de vous jeter brusquement à l’eau, pour que vous, qui savez nager, vous alliez désormais sous le soleil et en plein courant.
Il s’est jeté dans le moyen âge aujourd’hui à la mode ; il s’est appliqué à deux points : 1° à prouver que l’Imitation de Jésus-Christ est bien de Gerson, ce qui restera toujours très-douteux ; 2° à réhabiliter les vieux mystères ou pièces dramatiques de nos pères.
Campenon, sujet fort mince et fort maigre en vérité ; il a fallu, de part et d’autre, se jeter sur les lieux communs, et les prétextes mêmes n’abondaient pas, tant M.
des fleurs pourtant qui jetaient leurs senteurs aux vents, aux brises du désert, ou quelquefois aux groupes joyeux qui passaient.
A force toutefois de savoir le chemin, Elle s’apprivoisa : — comme un oiseau volage Que le premier automne a privé du feuillage, Et qui, timidement laissant les vastes bois, Se hasarde au rebord des fenêtres des toits ; Si quelque jeune fille, âme compatissante, Lui jette de son pain la miette finissante, Il vient chaque matin, d’abord humble et tremblant, Fuyant dès qu’on fait signe, et bientôt revolant ; Puis l’hiver l’enhardit, et l’heure accoutumée : Il va jusqu’à frapper à la vitre fermée ; Ce que le cœur lui garde, il le sait, il y croit ; Son aile s’enfle d’aise, il est là sur son toit ; Et si, quand février d’un rayon se colore, La fenêtre entr’ouverte et sans lilas encore Essaye un pot de fleurs au soleil exposé.
Toujours l’auteur se prépare à la composition par la solitude ; il s’y exalte longuement de ses souvenirs, de ses espérances, et de tout ce qui a prise sur son âme ; il se crée un monde selon son cœur, et le peuple d’êtres chéris ; le nombre en est petit ; il leur prête toutes les perfections qu’il admire, tous les défauts qu’il aime ; il les fait charmants pour lui : mais trop souvent, si son imagination insatiable ne s’arrête à temps, s’élevant à force de passion à des calculs subtils, et raisonnant sans nn sur les plus minces sentiments, il n’enfantera aux yeux des autres que des êtres fantastiques dans lesquels on ne reconnaîtra rien de réel que cet état de folle rêverie où il s’est jeté pour les produire.
Si elle reproduit tout à fait la mythologie et le fantastique des moralités et des peintures du moyen âge, elle n’en est pas un simple pastiche ; le manque absolu de foi et l’idée de néant qu’y jette l’auteur, en deviennent l’inspiration originale ; après tout, cette image physique de la mort, horrible, détaillée, continuelle, obsédante, ce n’est que celle qu’avaient les chrétiens de ces âges pieusement effrayés ; mais le poète, en prenant les images sans la foi, les éclaire d’une lueur plus livide, et qui les renouvelle suffisamment.
Sur mon front de cinq ans, j’avais toujours des fleurs ; Le temps, comme une plume, emportait les douleurs Et de mon corps et de mon âme ; Une rose en avril me jetait en transports ; De la vie en mes sens abondaient les trésors ; Je voltigeais comme une flamme.
Stéphane Mallarmé particulièrement l’a discerné, qui écrivait à l’auteur : « … Peu d’œuvres jeunes sont le fait d’un esprit qui ait été, autant que le vôtre, de l’avant », et il lui prodigua les conseils, attirant son attention sur L’Harmonie contenue en ces vers de la Légende d’âme et de sang, « et ainsi, disait dernièrement Ghil, me jeta dans la voie, ma voie, selon un sens harmonique très développé en moi, qui me fait écrire en compositeur plus qu’en littérateur ».
À peine avait-il jeté, dans l’exaltation étrange de ses vingt ans, quelques ébauches de génie sur le papier.
Sur qui jettera-t-il les yeux ?
À l’instant, le crapaud tombe du visage de ce jeune homme, qui, suivant l’ordre du pape, vient se jeter aux pieds de son père et de sa mère pour leur demander pardon : et il l’obtient.
Si au contraire vous chantez l’âge moderne, vous serez obligé de bannir la vérité de votre ouvrage et de vous jeter à la fois dans le beau idéal moral et dans le beau idéal physique.
Apollon, enveloppé d’une nuée, se jette entre le héros grec et Enée qu’on voit renversé.
Il coupe la composition en deux parties dont on ferait deux tableaux distincts, l’une à conserver précieusement, l’autre à jeter au feu ; car elle est détestable.
Il est dommage que le Bosphore ne se jette pas dans la Seine : je filerais tout de suite… Enfin, c’est pour demain !
Ils se jetèrent sur lui, le ligottèrent et l’entraînèrent au village où ils le livrèrent au roi.
L’être de rébellion est précipité dans le néant, l’être de ruse est jeté dans le vide, l’être d’impression et de repentir est rappelé dans le bien… La loi de Dieu éclate et triomphe… » ? […] Et surtout ne sommes-nous pas jetés et comme suspendus entre deux univers, celui des sens qui nous étouffe le cœur, et celui de l’âme dans lequel nous respirerons peut-être un jour ? […] Ce regard historique qu’ils prétendent jeter sur les choses n’est sincère chez eux qu’à la condition d’être en même temps scientifique. […] Ces derniers, jetés à la manie de la collection par leur goût passionné de l’objet d’art, furent préoccupés d’abord par l’histoire. […] « Les heures sonnaient voilées de dentelle… » dit M. de Goncourt en racontant que la Faustin a jeté sa fanchon sur la pendule de la chambre où elle reçoit lord Annandale.
L’étoile du berceau de madame de Maintenon semble avoir jeté quelque influence de goût, d’esprit et de destinée sur le sien. […] Le xviiie siècle y a jeté de ses couleurs de convention. […] Fontanes se sauvait dans le verger pour faire de là opposition, pour jeter en quelque sorte son caillou de derrière les saules. […] On s’est jeté aujourd’hui dans un excès tout contraire, et l’image tient le dé du style poétique, comme c’était la raison précédemment. […] Le dos tourné à Berlier et au côté de la Révolution, il jetait ceci à l’adresse de Fontanes et des monarchiens.
C’est dans cette inondation de clarté qu’il faut imaginer les côtes de la Grèce, comme des aiguières et des vasques de marbre jetées ça et là au milieu de l’azur. […] L’habillement n’est chez eux qu’un accessoire lâche qui laisse au corps sa liberté, et qu’à volonté, en un instant, on peut jeter bas. — même simplicité pour la seconde enveloppe de l’homme, je veux dire la maison. […] Il est clair que ces Grecs, si sobres et si lucides dans leur prose, sont enivrés, jetés hors de toute mesure par l’inspiration et la folie lyriques. […] Les jeunes filles ont des gymnases et s’exercent comme les garçons, nues ou en courte tunique, à courir, à sauter, à jeter le disque et la lance ; elles ont leurs chœurs ; elles figurent dans les gymnopédies avec les hommes. […] Un peu plus loin, à Phaselis, ayant vu sur la place publique la statue du philosophe Théodecte, il vint, après le souper, danser autour de la statue et lui jeter des couronnes.
— Allons, me voilà ôtant ma bonne pelisse chaude ; il la met, jette la queue sur son bras, et s’élance sur la glace comme un fils des dieux. […] si je pouvais me jeter à ton cou, écrit-il à Kestner (21 novembre), me jeter aux pieds de Lotte pendant une minute, une seule minute, et tout ce que je ne pourrais expliquer dans des volumes serait effacé et expliqué !
Puisque, lui et moi, nous sommes deux convulsionnaires, nous n’avons plus qu’à jeter nos bonnets par-dessus les moulins. » Tout cela, on en conviendra, est ardent, enflammé, piquant même et spirituel, et tous ces mots qu’il jette chemin faisant dans ses lettres, à propos de ses tragédies, sont aujourd’hui plus beaux pour nous que les tragédies mêmes, quoiqu’il y ait dans celles-ci et de belles scènes et d’admirables mouvements. […] J’ai jeté mon anneau dans les forêts. » « Je ne puis vous dire combien je me trouve heureux depuis que j’ai secoué le monde.
On y sent mieux que nulle part ailleurs combien l’importance d’un point d’arrêt précis, d’une marche mesurée à l’avance, a échappé à l’imprévoyante ardeur de ces âmes girondines jetées éperdument entre M. […] L’article, qui commence en ces mots : « Jette ta plume au feu, généreux Brutus, et va cultiver des laitues ! […] Quant au reste, vérité, évidence, limpidité parfaite ; pas une tache, pas un voile à jeter ; regardez aussi avant que vous voudrez dans sa maison de verre, transparente comme avait souhaité ce Romain : la lumière de l’innocence et de la raison éclaire un intérieur bien ordonné, purifiant.
Nous quittons alors notre lecture ou notre conversation, nous écartons toutes les préoccupations intérieures et toutes les sensations extérieures que le dedans et le dehors pourraient jeter à la traverse ; nous fermons les yeux, nous faisons le silence en nous et autour de nous, et, si l’air recommence, nous écoutons. […] Il y a des jours où, sans le vouloir, nous repassons en esprit un morceau de notre vie, telle journée de voyage, telle soirée d’opéra, telle conversation intéressante ; nous nous sentons ramenés d’une manière fixe à l’ancien état ; les idées qui essayent de se jeter à la traverse sont mal venues ; elles sont chassées, ou s’arrêtent sur le seuil ; si au premier moment quelque lacune se rencontre dans notre souvenir, elle finit le plus souvent par se combler d’elle-même ; un détail oublié surgit à l’improviste. — Je me rappelle en ce moment une soirée passée à Laveno, sur le lac Majeur, et, à mesure que j’insiste, je revois mon dîner d’auberge, la grosse nappe toute blanche, la jolie servante effarée ; puis, un peu après, le sentier tortueux parmi les thyms et les lavandes, le lac d’un gris bleuâtre sous une enveloppe moite de vapeur, les plaques de lumière, les traînées scintillantes, les broderies d’argent qu’un rayon égaré semait çà et là sur la nappe unie, le bruissement imperceptible des petits flots qui venaient mourir sur la grève, et les clochettes des vaches qui tintaient çà et là dans le silence. […] Mais nous sommes occupés ailleurs, nous pensons, nous rêvons, nous causons, nous lisons, et pendant tout ce temps nous négligeons le reste ; à l’égard des autres sensations, nous sommes comme endormis et en rêve ; l’ascendant de quelque image ou sensation dominatrice les retient à l’état naissant ; si, au bout d’une minute, nous essayons de les rappeler par le souvenir, elles ne renaissent pas ; elles sont comme des graines jetées à poignées, mais qui n’ont pas germé ; une seule, plus heureuse, a accaparé pour soi la place et les sucs de la terre. — Il n’est pas même nécessaire que ces sensations destinées à l’effacement soient faibles ; elles peuvent être fortes ; il suffit qu’elles soient moins fortes que la privilégiée ; un coup de fusil, l’éclair d’un canon, une douloureuse blessure échappent maintes fois à l’attention dans l’emportement de la bataille, et, n’ayant point été remarqués, ne peuvent renaître ; tel soldat s’aperçoit tout d’un coup qu’il saigne, sans pouvoir rappeler le coup qu’il a reçu. — Neuf fois sur dix, et peut-être quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, la sensation perd ainsi son aptitude à renaître, parce qu’il n’y a pas d’attention sans distraction, et que la prédominance portée sur une impression est la prédominance retirée à toutes les autres.
L’archevêque se troubla à son aspect ; il rougit, pâlit, et, cherchant à gagner du temps, il balbutia je ne sais quelle excuse de sa démarche, disant à Petrucci que le pape lui envoyait par lui la permission d’un emploi pour son fils ; mais il était si embarrassé dans sa prétendue explication, que Petrucci observa qu’il changeait de couleur et qu’il jetait fréquemment des regards obliques vers les portes, comme s’il eût attendu le secours de quelqu’un. […] Les cadavres des Pazzi, déterrés par le peuple, furent jetés hors des murs et livrés aux oiseaux de proie. […] Trois assassins conjurés pénétrèrent dans la salle où il soupait : le premier le blessa au visage ; il se jeta sous la table ; le second l’y perça de son épée ; il se releva encore pour s’enfuir par la porte ; le troisième l’en empêcha par un dernier coup mortel.
Mais on ne lui jettera pas violemment la vérité toute crue : où est le mérite de révolter le public ? […] Mais jeter dans le discours « toute la netteté, la délicatesse, la majesté, et, ce qui est encore plus considérable, toute la simplicité nécessaire à une bonne narration » ! […] N’en rions pas trop : Chénier et Musset, qui sont des poètes, et que la suave mélodie des noms antiques a jetés plus d’une fois dans des rêves peuplés de visions charmantes, comprendraient ce que dit Boileau des « noms heureux » qui semblent nés pour les vers.
De Racine date l’empire de la femme dans la littérature : et cela correspond au moment où tous les instincts violents, ambitieux, qui jetaient les hommes dans l’action politique et militaire, s’apaisent dans la vie de société, où la femme y devient souveraine sans partage, où d’elle va partir tout honneur, tout mérite et toute joie. […] Dans quels égarements l’amour jeta ma mère ! […] Et, pour doubler l’audace de la peinture, imaginez que ce prophète découvre les crimes futurs de Joas, et risque de rendre odieux le personnage sympathique : faute insigne pour un dramaturge adroit, trait admirable de vérité profonde et de large poésie, qui jette soudainement une vive lumière sur la sinistre histoire de Juda, et sur le triste, le pauvre fond de notre humanité.
Il n’est pas moins piquant de faire dénoncer les arrière-pensées de la Ligue par un homme qu’y avaient jeté l’or de l’Espagne et l’espoir du chapeau. […] Ce que dit Montaigne des causes qui déterminent sa volonté, de ces incertitudes où il faut si peu de chose pour le décider à jeter, comme il dit, sa plume au vent, peint naïvement les misères de cette liberté de l’intelligence qui résiste à un principe de morale universelle, et qui abdique devant une pointe ! […] Quel regard à la fois pénétrant et chaste il jette sur ces misères et ces désordres auxquels l’avait dérobé sa précoce sainteté !
A regarder ce genre trop en savant, on se jette, comme Lessing, dans des subtilités. […] Dans le dialogue, dans le récit pressé, ou quand le poète y jette quelque réflexion, ce sont tous les mètres alternativement, mais sans confusion : l’alexandrin, en général, pour les choses importantes ; le petit vers, pour les indifférentes ; les vers de deux syllabes, si vers il y a, pour finir le sens. […] Il y fallait être dur pour les gens ; il s’agissait de peindre l’espèce de méchants auxquels ressemblent ces chiens de village qui se jettent sur les chiens étrangers, et qui, … n’ayant en tête Qu’un intérêt de gueule, à cris, à coups de dents, Tous accompagnent ces passants Jusqu’aux confins du territoire68 .
Il est facile de jeter le ridicule sur ces tentatives de restauration de littératures obscures et souvent médiocres. […] L’imperfection de la lexicographie, l’état d’enfance de la linguistique jetaient aussi beaucoup d’incertitude sur l’exégèse des textes archaïques. […] Je le répète, tout cela n’est pas le fruit d’une démonstration isolée ; tout cela est le résultat du regard net et franc jeté sur le monde, des habitudes intellectuelles créées par les méthodes modernes.
Malheureusement, au lieu de vous emparer de mon imagination et de mon cœur, romancier inhabile, vous me jetez malgré moi dans les investigations érudites, vous me forcez de consulter les maîtres, et ceux-ci, quand je viens de m’instruire auprès d’eux, que me disent-ils ? […] C’est en vain que le vieux Gescon, témoin de ses transports impudiques, lui jette l’injure à la face ; elle demeure impassible et comme protégée par son innocence. […] Or à propos de Notre-Dame de Paris, Goethe jeta un cri qu’il faut citer, bien que le grand poète fût certainement injuste pour l’œuvre si pleine de passion et d’énergie juvénile qu’il venait de lire.
Au milieu du bouquet, l’auteur a jeté de jolies fleurs bleues : l’ensemble de cette composition est du plus riant effet. […] M. de Latouche avait des sentiments nationaux et patriotiques sincères ; mais sur cet esprit de démocratie extrême où le jetèrent à la fin sa misanthropie littéraire et ses mécomptes d’auteur, je ne ferai plus qu’une seule question : Comment peut-on en venir à professer que le peuple est un sage, quand on croit être si sûr que le public est un sot ? […] Il levait les épaules et la jetait dans le feu, c’est vrai… La patience minutieuse au travail était portée chez lui à un excès fatal à sa santé comme à ses succès.
Nous avons déjeuné avec Paul Mantz, un petit brun, au clignement d’œil intelligent, à la parole monosyllabique ; avec Dussieux, professeur à Saint-Cyr, qui a quelque chose d’universitaire dans la tournure et de militaire dans la voix, et un coup d’œil scrutateur de commissaire de police dans le regard qu’il vous jette par-dessus ses lunettes bleues ; avec Eudore Soulié, aux traits sans âge, à la figure en chair d’un gibbon, à la chevelure pyramidale, ébouriffée et jouant la perruque, à la gaieté et à l’espièglerie gamines riant dans une voix de fausset. […] Je jette des cailloux dans la fenêtre de mon adorée. […] Asselineau, contemplant l’azur du ciel, jette au hasard un prix.
Que si l’on doutait d’un tel fait, on prenne la peine de jeter un coup d’œil sur l’Europe et sur le monde ! […] À part quelques martyrs, quelques nobles têtes comme Morus et Fisher, que le Tibère théologique jeta au bourreau, les hautes classes qui alors menaient la nation reçurent, dans le silence de la conscience anéantie, une religion toute faite des mains de ce cuistre sanglant qui osait inventer contre Dieu… Jamais, dans les annales du genre humain, si magnifiques en lâchetés, on n’avait eu le spectacle d’une chose si lâche… Et cependant, disons-le pour être juste, de toutes les hérésies dont le Protestantisme de Luther fut la semence, celle de Henri VIII, de ce révolté de la débauche, est la moins funeste dans ses conséquences définitives. […] Si nous ne nous trompons, il a exprimé éloquemment de mélancoliques regrets sur la perte immense qu’a faite le parti anglo-catholique lorsque Newman, laissant là ses anciens amis, trop lents au gré de l’intelligente impatience de sa foi, dans leur progrès vers l’unité, remonta seul vers cette unité que l’Église romaine représente dans son inflexibilité, et se jeta aux pieds du Père des Fidèles.
L’auteur de Dominique a erré des jours et des jours dans les campagnes plates de la Rochelle, en vue de l’Océan, dans le pays pâle « où l’absinthe amère croît jusqu’au bord des champs d’avoine » ; il a eu le temps d’écouter le silence qui n’est qu’un bruit trop menu pour les distraits ; il est monté sur le dos branlant des charrettes de foin qu’on ramène à la ferme ; il a veillé avec les vendangeurs dans les pressoirs ruisselants de vin nouveau ; il s’est habitué à reconnaître les oiseaux à leur vol, à leur chant, à leur cri d’émigrants qu’ils jettent dans leurs voyages de nuit pour se maintenir en ligne ; enfin il eut en soi, pénétrant son âme et s’éveillant avec elle, l’âme d’un coin de la France. […] Silence tragique et poignant, habileté du romancier qui jette dans l’imagination, comme l’a observé Scherer, « je ne sais quelle douloureuse incertitude, quelle image d’abandon infini ». […] Les semeurs de pensées ne jettent pas que des graines qui germent en une année.
Comme David se disposait à sortir, il s’approcha d’Étienne, jeta les yeux sur ce qu’il dessinait et lui donna des encouragements avec bienveillance. […] Cet ouvrage offre quelques particularités qui jettent du jour sur la réforme que David cherchait toujours à introduire dans les habitudes de l’école française. […] En deux occasions différentes, cependant, il a prononcé des discours qui pourront jeter quelque lumière sur cette question. […] Échappé à ce danger, et croyant les prévenir tous, j’allai me jeter dans un autre. […] Je me jette dans une maison italienne à deux pas de là, j’y reste jusqu’à la nuit.
L’esprit puritain attiédi couve encore sous terre et se jette du seul côté où se rencontrent l’aliment, l’air, la flamme et l’action. […] Les inquiétudes de conscience qui l’ont jeté dans cette voie poussent les autres sur sa trace. […] La chaire avait le sans-façon et la rudesse du théâtre, et, dans cette peinture des braves gens énergiques que le monde taxe de mauvais caractères, on retrouvait la familiarité âcre du Plain-Dealer. « Certainement il y a des gens qui ont une mauvaise roideur naturelle de langue, en sorte qu’ils ne peuvent point se mettre au pas et applaudir ce vaniteux ou ce hâbleur qui fait la roue, se loue lui-même et conte d’insipides histoires à son propre éloge pendant trois ou quatre heures d’horloge, pendant qu’en même temps il vilipende le reste du genre humain et lui jette de la boue. — Il y a aussi certains hommes singuliers et d’un mauvais caractère qu’on ne peut engager, par crainte ni espérance, par froncement de sourcils ni sourires, à se laisser mettre sur les bras quelque parente de rebut, quelque nièce délaissée, mendiante, d’un lord ou d’un grand spirituel ou temporel. — Enfin il y a des gens d’un si mauvais caractère, qu’ils jugent très-légitime et très-permis d’être sensibles quand on leur fait tort et qu’on les opprime, quand on diffame leur bonne renommée et quand on nuit à leurs justes intérêts, et qui par surcroît osent déclarer ce qu’ils pensent et sentent, et ne sont point des bêtes de somme pour porter humblement ce qu’on leur jette sur le dos, ni des épagneuls pour lécher le pied qui les frappe et pour remercier le bon seigneur qui leur confère toutes ces faveurs d’arrière-train835. » Dans ce style saugrenu, tous les coups portent : on dirait un assaut de boxe où les ricanements accueillent les meurtrissures. […] Je quitterai mes affaires, je perdrai mon temps, je jetterai mon argent, j’entreprendrai des ligues, je payerai des amendes, j’irai en prison, je mourrai à la peine : il n’importe ; je n’aurai pas fait de lâcheté, je n’aurai pas plié sous l’injustice, je n’aurai pas cédé une seule parcelle de mon droit. […] Dubois, qu’on fait tomber dans le ruisseau. — Ces jeunes filles si correctes vont voir jouer Love for Love de Congreve ; les parents ne craignent pas de leur donner miss Prue en spectacle. — Voyez aussi par contraste le personnage du capitaine anglais, si rustre ; il est l’hôte de Mme Duval, et la jette deux fois dans la boue ; il dit à sa fille : « Molly, je vous conseille, si vous faites quelque cas de mes bonnes grâces, de ne plus avoir un goût à vous, en ma présence. » — Le changement est surprenant, depuis soixante ans.
Ensuite il jeta sa guitare sur le divan, sortit précipitamment, mit sa tête entre ses mains et éclata en sanglots. […] S’il leur arrivait de se livrer à une telle incartade, en un clin d’œil, il les prenait par les pattes, les faisait tournoyer en l’air et les jetait de côté. […] Elle se retourna et jeta un cri. […] » Gabriel jeta un regard sur lui, et se mit à tambouriner sur la fenêtre avec ses doigts. […] Étienne reprit Moumou et la jeta aux pieds de Guérassime.
Les deux groupes ennemis, d’ailleurs, comprenaient également mal les textes qu’ils se jetaient à la tête. […] Qui donc lui jetterait la première pierre ?.. […] En sorte que les lois et les usages se trouvent d’accord pour favoriser le règne de la bête et jettent dans sa gueule ouverte les corps et les âmes qu’elle broie. […] Sans doute, chacun de nous cède quelquefois à la tentation d’écrire pour se divertir : que celui qui est sans péché jette la première pierre ! […] Et combien d’autres flottent derrière eux, combien se sont jetés à l’eau pour les imiter, qui, plus faibles, seront engloutis au premier tournant !
Je me figurais bien la jeune femme artiste, non moins chose légère que l’abbé Delille, d’une joyeuse abondance de talent, active à tout peindre, les personnes, les cascades, l’arc-en-ciel de Tivoli, ses grâces au pinceau, au pastel, la draperie mythologique qu’elle savait jeter sur chaque objet ; j’assistais à l’inspiration mondaine et riante de l’art d’alors, et les Souvenirs me commenaient quelques-uns de ces portraits durables qu’on aime à revoir.
Les trois chevaliers furieux se tournent vers le sire de Joux en l’accusant ; mais lui-même, que ce spectacle renverse, tombe et meurt suffoqué de colère au moment où il leur jette son démenti : Cependant sur leurs haquenées Galopaient les dames de Joux, Fuyant, ainsi que trois damnées, L’ombre d’un père et leurs époux.
Puis il se jeta dans les Idylles montagnardes et dans des Poèmes évangéliques.
Pierre Quillard M. de Bouhélier a le droit d’écrire, sans nous suggérer d’ironie, « Dieu et le brin de paille », parce que rien ne s’offre à lui que sous les espèces du pathétique ; il sait fort bien reconnaître dans le paysan qui jette le blé au sillon une manière de héros, et telles pages, Le Départ après les moissons, indiquent simplement et sûrement la très ancienne tragédie des adieux sans retour.
M. l’Abbé de Voisenon, qui, quelques années avant sa mort, avoit jeté sur le papier des jugemens sur la plupart de nos Auteurs, s’exprime ainsi sur le compte de Moliere.
Nous trouvons, jeté sur un morceau de papier, avec le désordre d’une note : Il me manque le premier volume de ma vie d’enfant… J’ai presque tout le reste en portefeuille… J’aimerais qu’on écrivît sans esprit.
La beauté d’un mot est tout entière dans sa pureté, dans son originalité, dans sa race ; je veux le dire encore en achevant ce tableau des mauvaises mœurs de la langue française et des dangers où la jettent le servilisme, la crédulité et la défiance de soi-même.
Les gens du monde jettent un regard dédaigneux et distrait sur les grandes compositions, et ne sont arrêtés que par les portraits dont ils ont les originaux présents.
Section 36, de la rime La necessité de rimer est la regle de la poësie dont l’observation coûte le plus et jette le moins de beautez dans les vers.
L’erreur dans laquelle ils jettent ainsi le public sur un nouvel ouvrage, est long-temps à se dissiper.
Oui, c’est un sujet à tenter le pinceau d’un grand artiste : Prendre huit verres, remplis chacun d’un vin différent, et les peindre avec une telle vérité qu’on puisse dire, au premier coup d’œil jeté sur la toile, le cru de chaque vin et l’année !
Avec son suffrage universel non organisé, livré au hasard, la France ne peut avoir qu’une tête sociale sans intelligence ni savoir, sans prestige ni autorité. la France voulait la paix, et elle a si sottement choisi ses mandataires qu’elle a été jetée dans la guerre. […] L’acte inconcevable du mois de juillet 1870 nous jeta dans un gouffre. […] Ceux même qui sont philosophes avant d’être patriotes ne pourront être insensibles au cri de deux millions d’hommes, que nous avons été obligés de jeter à la mer pour sauver le reste des naufragés, mais qui étaient liés avec nous pour la vie et pour la mort. […] Pour faire pénitence de ses excès démagogiques, la France se jette dans le catholicisme étroit ; pour réagir contre le catholicisme étroit, elle se jette dans la fausse démocratie. […] Jeté sans patron dans la bataille de la vie, il s’en tire comme il peut, et s’enrichit, s’appauvrit, sans qu’il songe une seule fois à se plaindre du gouvernement, à le renverser, à lui demander quelque chose, à déclamer contre la liberté et la propriété.
Vendredi 30 mars Une nuit telle, que je crois n’en n’avoir jamais passé de pareille dans ma vie, et où l’on comprend les gens qui se jettent par la fenêtre. […] Une chance extraordinaire, dans ce bout de ville, sans passants et sans réverbères, passe un monsieur, que je reconnais pour un voisin de table d’hôte, et qui à ma demande, me jette : « Hôtel du Conservatoire. » Mais il se dérobe aussitôt, à l’instar d’une apparition, sans me donner aucune indication, pour regagner l’hôtel. […] Mais la demande a été faite d’un air si extraordinaire, que la maîtresse a dit à une amie : « Je ne sais pas, mais il me semble qu’elle ne reviendra pas. » En effet elle ne revenait pas, et le lendemain elle envoyait de Mantes, une lettre où elle disait, qu’ayant perdu ses économies, elle allait se jeter à l’eau, et qu’elle ne s’était pas noyée à Paris, parce qu’elle ne voulait pas être exposée à la Morgue. […] Enfin la couleur locale fut poussée à ce point, qu’un fou armé de sa marotte, sortit, à un moment, d’un pâté, et qu’à la fin, on jeta les assiettes du repas à d’authentiques mendiants de la Charente-Inférieure, que Loti avait fait costumer, en mendiants du xve siècle. […] À Daudet qui lui soutenait, un jour, qu’il y avait de bonnes choses dans la vie, il lui jetait avec un sourire méphistophélique : « Oui, l’amitié… Goncourt n’est-ce pas ?
Nous n’aurions plus qu’à nous jeter dans la Seine. […] Il verse la vie dans tout ce qu’il aime C’est par le sentiment que les semences du bien sont jetées sur le monde. […] Il traite d’imbécile le cardinal Fesch qui avait conseillé à Joséphine de lui jeter son assiette à la figure s’il voulait faire gras le vendredi. […] À Provins on jeta un enfant dans les flammes pour faire parler sa mère. […] » dit le général Stroukof à ses officiers, et le matin du 2 janvier, avec un faible détachement de cavalerie, en tout neuf escadrons, il se jette, à la grâce de Dieu, tête baissée, au cœur de la Turquie.
Je ne veux point ignorer qu’Écouchard-Lebrun a jeté des vers éclatants à travers des pages souvent illisibles et même fixé des strophes dignes de mémoire. […] De même l’Enthousiasme, la pièce intitulée Ode, sont jetées toujours dans le moule classique. […] Antérieurement, sous la Restauration, le poète avait donné à la Comédie-Française un More de Venise, imitation d’Othello jetée comme un défi puissant aux préjugés pseudo-classiques. […] Comment se fait-il que tant de manuscrits achevés aient été jetés au feu ? […] Au sortir d’une telle lecture jetez les yeux sur les pages tourmentées, surchargées d’empâtements des disciples de M.
Un regard jeté sur la salle aurait dû m’avertir. […] Fatiguée, elle change de main à plusieurs reprises et, comme alors son sabre l’embarrasse, elle le tient entre les dents… Enfin, elle ordonne qu’on jette le cadavre à la rivière ; on y jette aussi le bras coupé. […] Soliman, excité, finit par jeter son mouchoir à Roxelane. […] Mais des montreurs se sont jetés sur lui comme sur une proie. […] Il a jeté dans la rivière sa fausse barbe, son manteau et son bonnet de loutre.
« Vous avez vu des animaux auxquels tout l’encéphale avait été enlevé, à l’exception du bulbe rachidien ; ces animaux criaient encore quand on les pinçait ; mais quelle différence entre les cris qu’ils jetaient et ceux qu’ils poussent lorsque l’expérience a laissé la protubérance en place ! […] Lorsque j’excite un point sensible, ce n’est plus ce cri bref, c’est un cri prolongé, indubitablement plaintif, et, pour une seule excitation l’animal pousse plusieurs cris successifs, exactement semblables aux cris de douleur que jette le lapin encore intact lorsqu’il est soumis à une vive irritation. » C’est donc une action de la protubérance qui est la condition nécessaire et suffisante des sensations tactiles. — Elle est aussi la condition nécessaire et suffisante des sensations de l’ouïe120. […] Et pourtant l’animal ne voit plus… » Un pigeon ainsi opéré « se tenait très bien debout ; il volait quand on le jetait en l’air ; il marchait quand on le poussait ; l’iris de ses yeux était très mobile ; cependant il ne voyait pas, il n’entendait pas, il ne se mouvait jamais spontanément, il affectait presque toujours les allures d’un animal dormant ou assoupi, et, quand on l’irritait dans cette espèce de léthargie, il affectait encore les allures d’un animal qui se réveille… Lorsque je l’abandonnais à lui seul, il restait calme et comme absorbé ; dans aucun cas, il ne donnait signe de volonté. […] Mais les vivisections et l’histoire des plaies de la tête apportent ici un nouveau document qui, joint aux précédents, nous permet de jeter sur les fonctions du cerveau une vue d’ensemble. […] Ramifiée comme le chevelu d’une plante, chacune des trente et une paire de nerfs spinaux vient se jeter dans la moelle, et, par la moelle, communiquer avec l’encéphale ; ajoutez-y les douze paires de nerfs crâniens, qui se jettent directement dans l’encéphale : cela fait un tissu continu et compliqué d’innombrables fils blancs et d’innombrables mailles grises, une corde aux myriades de nœuds qui remplit le tuyau vertébral, un peloton aux millions de nœuds qui remplit la boite crânienne.
Il s’impatiente des lenteurs qu’on met à sortir du triste fossé où la France s’est jetée ; il n’aime pas la république, il la souffre ; il en souffre aussi. […] Il ne voit de l’émeute que ce que la déportation lui en a jeté de débris, « mélange d’artisans et d’instruments de désordre : journalistes, poètes, maçons, instituteurs, peintres, puis des échappés de prison ». […] On croit qu’il n’y a qu’à marcher sur Silistrie pour le débloquer et jeter les Russes dans le Danube. — Pas du tout. — Il y a quatorze redoutes bien armées à enlever et 30000 Russes dans la Dobrutscha, sur mon flanc droit. […] Ils m’ont volé l’occasion presque sûre de les battre et de les jeter dans le Danube71. » Les Russes jouaient leur jeu, et il n’y avait rien dans ce mouvement rétrograde qui ne fût d’une bonne politique et d’une bonne tactique ; Saint-Arnaud au fond le savait bien : « La Russie peut être bloquée impunément.
L’honneur de Nodier dans l’avenir consistera, quoi qu’il en soit, à représenter à merveille cette époque convulsive où il fut jeté, cette génération littéraire, adolescente au Consulat, coupée par l’Empire, assez jeune encore au début de la Restauration, mais qui eut toujours pour devise une sorte de contre-temps historique : ou trop tôt ou trop tard ! […] Mais, dans l’un ou dans l’autre cas, elle n’aurait plus été elle-même, c’est-à-dire une génération poétique jetée de côté et interceptée par un char de guerre, une génération vouée à des instincts qu’exaltèrent et réprimèrent à l’instant les choses, et dont les rares individus parurent d’abord marqués au front d’un pâle éclair égaré. […] Je ne sais quelle fatalité de destinée ou quel tourbillon romanesque, du Peintre de Saltzbourg à Jean Sbogar, le jeta toujours par les précipices ou sur les lisières, à droite ou à gauche de ces grandes lignes où convergent en définitive les seules et vraies figures du poëme humain comme de l’histoire. […] Ce ne sont que personnages qui croient, se détrompent, s’exaltent encore, ne vérifient rien, et se jettent par une fenêtre ou se cassent d’autre façon la tête, un peu comme dans les romans de l’abbé Prévost, mais d’un abbé Prévost piqué de Werther.
Que sortira-t-il de cette mêlée où la maison de Savoie a jeté le monde ? […] Partout il jette des regards si perçants qu’il découvre toujours une retraite assurée où il puisse, quelque injure que lui fasse la fortune, se tranquilliser. » « Toutes ses productions sont parfaites en leur genre, non seulement celles qui sont animées, mais même celles qui sont faites pour tenir à la terre par leurs racines. […] « Dans cinq autres livres de dissertations, les Tusculanes, j’ai recherché quelles étaient, pour l’homme, les principales conditions du bonheur : le premier traite du mépris de la mort ; le second, du courage à supporter la douleur ; le troisième, des moyens d’adoucir les peines ; le quatrième, des autres passions de l’âme ; et le cinquième enfin développe cette maxime, qui jette un si vif éclat sur l’ensemble de la philosophie, que la vertu seule suffit au bonheur. […] C’est du ciel que descendent ceux qui conduisent et qui conservent les nations, c’est au ciel qu’ils retournent…… « Ce discours de l’Africain avait jeté la terreur en mon âme.
XVI Vous savez que les Égyptiens, évidemment colonie intellectuelle du haut Orient, divinisèrent symboliquement la nature entière sous le nom d’Isis ; ils lui jetèrent dans ses figures un voile sur le visage, comme pour signifier le mystère sous lequel elle cache mais laisse entrevoir ses vérités. […] Cependant un livre unique, échappé aux incendies, aux débordements, aux sépulcres de l’Égypte, soulève un coin de ce voile jeté sur le front de l’Isis égyptienne, et révèle une partie des mystères de la philosophie primitive. […] Les sanglots des disciples éclatent à ce moment ; Phédon s’enveloppe la tête de son manteau pour cacher ses larmes ; Criton, ne pouvant les retenir, sort ; Apollodore jette des gémissements et des cris. […] Rousseau meurt ou se tue dans une retraite où il a fui les hommes qu’il accuse et qu’il redoute, livré aux reproches mérités d’une femme qu’il a flétrie en lui dérobant ses fruits à sa mamelle pour aller les jeter à la voirie humaine des enfants perdus !
La terre à la fin se fit plus étroite qu’une sandale et après avoir jeté vers le soleil des gouttes de l’océan, nous tournâmes à droite pour revenir. » Et ailleurs : « Il y avait des jets d’eau dans les salles, des mosaïques dans les cours, des cloisons festonnées, mille délicatesses d’architecture et partout un tel silence que l’on entendait le frôlement d’une écharpe ou l’écho d’un soupir. » Par un contraste que l’on perçoit déjà dans ce passage, Flaubert, précis et magnifique sait user parfois d’une langue vague et chantante qui enveloppe de voiles un paysage lunaire, les inconsciences profondes d’une âme, le sens caché d’un rite, tout mystère entrevu et échappant : Certaines des scènes d’amour où figure Mme Arnoux, l’énumération des fabuleuses peuplades accourues à la prise de Carthage, le symbole des Abaddirs et les mythes de Tanit, les louches apparitions qui, au début de la nuit magique, susurrent à saint Antoine des phrases incitantes, la chasse brumeuse où des bêtes invulnérables poursuivent Julien de leurs mufles froids, tout cet au-delà est décrit en termes grandioses et lointains, en indéfinis pluriels abstraits et approchés qui unissent à l’insidieux des choses, la trouble incertitude de la vision. […] Puis ces caractères jetés dans l’existence, soumis à ses heurts et consommant leurs récréations, évoluent au gré des événements et de leur nature, avec toute l’unité et les inconséquences de la vie véritable, tantôt nobles, déçus et victimes comme Mme Bovary, tantôt perpétuant à travers des fortunes diverses leur permanente impuissance comme Frédéric Moreau, tantôt sages et victorieux comme Mme Arnoux. […] Dans Madame Bovary, le séjour, au château de la Vaubyessard, avec ses minuties d’élégance, la forêt où l’héroïne consomme son premier adultère, le tableau de l’agonie et de l’Extrême-Onction, jettent des éclats entre le restant d’ombre. […] « Il avait envie de se jeter à ses genoux.
Les sens usés au service d’une intelligence immortelle, qui tombent comme l’écorce vermoulue de l’arbre, pour laisser cette intelligence, dégagée de la matière, prendre plus librement les larges proportions de son immatérialité ; les cheveux blancs, ce symbole d’hiver après tant d’étés traversés sans regret sous les cheveux bruns ; les rides, sillons des années, pleines de mystères, de souvenirs, d’expérience, sentiers creusés sur le front par les innombrables impressions qui ont labouré le visage humain ; le front élargi qui contient en science tout ce que les fronts plus jeunes contiennent en illusions ; les tempes creusées par la tension forte de l’organe de la pensée sous les doigts du temps ; les yeux caves, les paupières lourdes qui se referment sur un monde de souvenirs ; les lèvres plissées par la longue habitude de dédaigner ce qui passionne le monde, ou de plaindre avec indulgence ce qui le trompe ; le rire à jamais envolé avec les légèretés et les malignités de la vie qui l’excitent sur les bouches neuves ; les sourires de mélancolie, de bonté ou de tendre pitié qui le remplacent ; le fond de tristesse sereine, mais inconsolée, que les hommes qui ont perdu beaucoup de compagnons sur la longue route rapportent de tant de sépultures et de tant de deuils ; la résignation, cette prière désintéressée qui ne porte au ciel ni espérance, ni désirs, ni vœux, mais qui glorifie dans la douleur une volonté supérieure à notre volonté subalterne, sang de la victime qui monte en fumée et qui plaît au ciel ; la mort prochaine qui jette déjà la gravité et la sainteté de son ombre sur l’espérance immortelle, cette seconde espérance qui se lève déjà derrière les sommets ténébreux de la vie sur tant de jours éteints, comme une pleine lune sur la montagne au commencement d’une claire nuit ; enfin, la seconde vie dont cette première existence accomplie est le gage et qu’on croit voir déjà transpercer à travers la pâleur morbide d’un visage qui n’est plus éclairé que par en haut : voilà la beauté de vieillir, voilà les beautés des trois âges de l’homme ! […] Jeunesse dorée de Musset, toi qui le pleures, mais qui ne t’es pas même donné la fatigue d’aller jeter une feuille de rose sur son cercueil ou de l’accompagner jusqu’au seuil creux de l’éternité, de peur de déranger une de tes paresses ou d’attrister une de tes joies ! […] Tu pourrais le lire dans Cicéron, si tu n’aimais mieux lire la ballade à la Lune ou les facéties de tes pamphlétaires que le Songe de Scipion ; toute la jeunesse romaine, après les longues guerres civiles, séduite par l’éclat des armes et par les robes flottantes de César, d’Antoine, de Dolabella, fut prise d’un épicuréisme insolent, d’une insouciance pour les lettres, et d’un mépris pour les choses cultivées et honorées jusque-là, qui devaient précipiter vite la ruine morale de l’Italie ; il ne resta du parti des patriciens de la vieille liberté et de la vieille austérité romaines, que des têtes chauves abandonnées par les idolâtres de la gloire militaire et raillées par les poètes lascifs du plaisir et de la jeunesse, tels que le lâche Horace qui avait jeté son bouclier. […] Prends garde que les têtes mûres, sur lesquelles tu jettes la poussière de tes mépris, ne dominent encore de toute la hauteur d’un autre temps les cheveux couronnés de roses ; ce serait là le symptôme fatal de l’abaissement du niveau de l’intelligence nationale et de la diminution des proportions de l’âme parmi nous ; car ce qu’il y a de plus déplorable et de plus irrémédiable dans un peuple, c’est quand la jeunesse du cœur se réfugie sous les cheveux blancs !
Dans les villes où une partie des hommes sont sacrifiés à pourvoir aux besoins des autres, l’énergie qui reste à ceux-ci se jette sur différents objets ; je cours après une idée, parce qu’un misérable court après un lièvre pour moi. […] De quelque part que je jette les yeux, les objets qui m’entourent m’annoncent une fin et me résignent à celle qui m’attend. […] J’aimerais bien mieux y voir la joie infernale d’une troupe de bohémiens, le repaire de quelques voleurs ; le spectacle de la misère d’une famille paysane ; les attributs et la personne d’une prétendue sorcière ; quelque aventure de Cléveland ou de l’ancien testament ; l’asyle de quelque illustre malheureux persécuté ; l’homme qui jette à sa femme et à ses enfans affamés le pain qu’il s’est procuré par un forfait ; l’histoire de la bergère des alpes ; des enfans qui viennent pleurer sur la cendre de leurs pères ; un hermite en oraison ; quelque scène de tendresse ; que sais-je ? […] C’est alors que les critiques, les petits esprits, les admirateurs du temps passé jettent les hauts cris et prétendent que tout est perdu.
Et tout d’abord, à propos de cette impertinente appellation, le bourgeois, nous déclarons que nous ne partageons nullement les préjugés de nos grands confrères artistiques qui se sont évertués depuis plusieurs années à jeter l’anathème sur cet être inoffensif qui ne demanderait pas mieux que d’aimer la bonne peinture, si ces messieurs savaient la lui faire comprendre, et si les artistes la lui montraient plus souvent. […] Nous avons vu plus d’un critique, important dans la presse, lui jeter en passant son petit mot pour rire — que l’auteur n’y prenne pas garde. — Il est beau d’avoir un succès à la Saint-Symphorien. […] Mais d’où vient que nul ne songe à jeter quelques fleurs sincères et à tresser quelques loyaux articles en faveur de M. […] La sainte Thérèse, telle que le peintre l’a représentée, s’affaissant, tombant, palpitant, à l’attente du dard dont l’amour divin va la percer, est une des plus heureuses trouvailles de la peinture moderne. — Les mains sont charmantes. — L’attitude, naturelle pourtant, est aussi poétique que possible. — Ce tableau respire une volupté excessive, et montre dans l’auteur un homme capable de très-bien comprendre un sujet — car sainte Thérèse était brûlante d’un si grand amour de Dieu, que la violence de ce feu lui faisait jeter des cris… Et cette douleur n’était pas corporelle, mais spirituelle, quoique le corps ne laissât pas d’y avoir beaucoup de part.
Et la voici jetée dans le hasard. […] Et la voici jetée dans le hasard, elle aussi. […] Il ne désira que de se jeter dans l’armée, comme dans le torrent qui emportait les âmes les plus frémissantes de l’époque. […] C’est au mois de septembre ; les nuits sont tièdes : l’on boira, l’on jettera des fleurs et l’on sera même un peu fou. […] Ceux que des « sentiments vrais » conduisent à l’erreur, qui leur jettera la première pierre ?
Il commence avec grandeur et par une large similitude : Comme on voit que de braves soldats, en quelques lieux écartés où les puissent avoir jetés les divers hasards de la guerre, ne laissent pas de marcher dans le temps préfix au rendez-vous de leurs troupes assigné par le général ; de même, le Sauveur Jésus, quand il vit son heure venue, se résolut de quitter toutes les autres contrées de la Palestine par lesquelles il allait prêchant la parole de vie ; et sachant très bien que telle était la volonté de son Père qu’il se vînt rendre dans Jérusalem, pour y subir peu de jours après la rigueur du dernier supplice, il tourna ses pas du côté de cette ville perfide, afin d’y célébrer cette Pâque éternellement mémorable et par l’institution de ses saints mystères et par l’effusion de son sang. […] Ôtez de ce visage les rides, répandez-y la fleur de la vie, jetez-y le voile de la jeunesse, rêvez un Bossuet jeune et adolescent, mais ne vous le décrivez pas trop à vous-même, de peur de manquer à la sévérité du sujet et au respect qui lui est dû.
L’un des conducteurs est descendu, il s’appuie sur le joug, commande le repos à son attelage, et jette sur la scène un regard intelligent et fier. […] Le sort en est jeté ; mon ébauche va être faite, et si je ne me décourage pas, mon tableau viendra à sa fin. » Dans les premiers temps de son essai, il est tout occupé de surmonter cette difficulté, selon lui non insoluble : Je suis impatient de savoir ce que vous penserez de mon sujet, écrivait-il à M.
En 1672, le jeune Villars accompagna le roi dans sa conquête de la Hollande, fut des premiers dans une pointe qui se fit jusque dans les barrières de Maastricht, des premiers à la tranchée devant Doesbourg, se trouva au passage du Rhin, et se jeta, toujours des premiers, dans le fleuve. […] Villars, qui avait la charge de cornette des chevau-légers de Bourgogne, et qui n’avait rien à faire là comme cavalier, se jeta dans la tranchée sans en rien dire, une nuit où il prévoyait qu’il y ferait chaud ; avec quelques gendarmes de son corps mêlés aux grenadiers, il marcha des premiers à l’attaque d’une demi-lune, s’y logea, et y tint aussi longtemps qu’il put jusqu’au jour.
Seul, sans mission réelle, jeté avec ce titre de ministre à l’extrême Nord par une royauté qui s’est réfugiée à Cagliari et qui se soucie très peu de lui, n’en recevant ni instructions ni directions, et à peine quelque traitement, n’ayant pas toujours de quoi prendre une voiture, n’ayant pas même de quoi payer un secrétaire, il a su par la noblesse de son attitude, par sa dignité naturelle, par sa probité parfaite, par l’éclat et les lumières de sa parole sitôt qu’il se montre, se faire estimer, considérer au plus haut point, pénétrer dans l’intimité des premiers personnages de l’empire, y compris l’empereur lui-même qui le goûte, qui l’écoute, qui lui demande des mémoires et des notes, et qui certainement a dû penser un moment à se l’acquérir. […] s’écrie-t-il quelque part : une grande maison de plaisance, pas plus et même moins russe que parisienne, où tous les vices dansent sur les genoux de la frivolité. » — Il dira comme un boyard de vieille roche : « J’en veux toujours à Pierre Ier qui a jeté cette nation dans une fausse route. » La convenance, le sentiment patriotique interdisent de détacher, dans les pages toutes palpitantes où il les faut chercher et où il les sème à poignées, les mots perçants qui, sous une autre plume que la sienne, seraient outrageux et cruels.
À force de jeter le dé, elle rencontre le point favorable, gagne la multitude, et s’empare de la créance publique ; témoin la statue de Simon le Magicien19. […] C’est encore ce qui lui a donné lieu à se jeter sur des matières générales plutôt que sur les défauts de sa nation, et par cet endroit aussi bien que par son caractère d’esprit, il ne fait pas aux Français tout le bien qu’un poète satirique pouvait leur faire.
Malheureusement elle crut devoir le jeter au feu avec d’autres papiers qui pouvaient la compromettre. […] La première année de son mariage, elle n’avait lu que des romans, en effet, et de ceux qu’on ne lisait plus à cette date en France que dans les provinces, Tirant-le-Blanc en tête : Mme de Sévigné commença à l’en guérir ; Catherine dévora ses Lettres ; puis les œuvres de Voltaire lui tombèrent entre les mains, et dès lors elle mit plus de choix dans ses lectures, trop avide toutefois pour ne pas se jeter aux heures d’ennui sur tout ce qui était à sa portée, Brantôme et Péréfixe indifféremment, l’Histoire d’Allemagne du Père Barre et Platon, le Dictionnaire de Bayle quelle mit deux ans à lire (« Tous les six mois, dit-elle, je coulais à fond un tome »), que sais-je encore ?
Car entendant chanter les oiseaux, ils chantaient ; voyant bondir les agneaux, ils sautaient à l’envi ; et, comme les abeilles, allaient, cueillant des fleurs, dont ils jetaient les unes dans leur sein, et des autres arrangeaient, des chapelets pour les Nymphes ; et toujours se tenaient ensemble, toute besogne faisaient en commun, paissant leurs troupeaux l’un près de l’autre… » Voilà le thème. […] Daphnis est, à un moment, enlevé par des pirates et délivré par l’effet presque miraculeux d’un air de flûte que Chloé joue du rivage : toutes les vaches du berger prises et embarquées avec lui, reconnaissant l’air du rappel, se jettent d’un bond à la mer, comme les moutons de Panurge, et font chavirer le bateau : les pirates chargés de leurs armes, se noient ; Daphnis, qui est court vêtu, se sauve à la nage.
Le pittoresque épique, le descriptif pompeux sied mal au style du drame ; mais sans se mettre exprès à décrire, sans étaler sa toile pour peindre, il est tel mot de pure causerie qui, jeté comme au hasard, va nous donner la couleur des lieux et préciser d’avance le théâtre où se déploiera la passion. […] Chez Euripide, le vieillard a vu Agamemnon dans tout le désordre d’une nuit de douleur ; il l’a vu allumer un flambeau, écrire une lettre et l’effacer, y imprimer le cachet et le rompre, jeter à terre ses tablettes et verser un torrent de larmes.
Je le prends dans mes bras, je le soulève, je l’embrasse, alors ses lèvres jettent avec effort des sons qui ne sont plus des paroles, des murmures, des bruissements douloureux qui ne disent rien. […] Je souffre, je souffre, je crois, comme il n’a été donné à aucun être aimant de souffrir… » Puis, le 24 avril : « Dans la lecture d’un volume qu’il lit et qu’il interrompt, il cherche où il en est, et après avoir longtemps fatigué le volume de la promenade de ses mains dessus, il me jette d’une voix timide : Où en suis-je ?
Rien ne devait plaire davantage aux Italiens, que ce ridicule piquant jeté sur toutes les idées sérieuses et exaltées de la chevalerie. […] Dans le temps même où Pétrarque mettait dans ses poésies une exagération trop romanesque, Boccace se jeta dans un genre tout à fait contraire.
Le duc, pour ne pas perdre l’habitude féodale de ses ancêtres, s’y fit apporter un sac de monnaie par le concierge, et jeta une poignée de pièces d’argent à quelques mendiants qui nous avaient suivis, et qui étaient entrés avec la voiture dans la cour ; puis nous passâmes dans les appartements : c’était une suite de pièces décousues, composées de salle des gardes, de salle à manger, de salons, de chambres de lit ouvrant sur le penchant de la montagne récemment plantée en jardins pittoresques. […] Ses cheveux, d’un blond tendre, ont gardé les inflexions du premier âge autour d’un front de vingt-cinq ans ; ils jettent une ombre légère et mobile sur sa figure.
Il ne pouvait que jeter quelques charmantes œuvres dans le cours de la poésie française, non pas le détourner ou le rectifier. […] Cependant Ronsard pouvait encore faire quelque chose de son sujet, s’il y avait versé les sentiments généraux de cette nation qui depuis un siècle et demi commençait à prendre conscience d’elle-même, s’il avait su imiter la « curieuse diligence » de Virgile, et jeté toute la France, ses souvenirs, son âme et son génie dans ce mythe érudit.
II Le poète des Amoureuses, jeté en arrivant à Paris dans un milieu de bohèmes pittoresques, bientôt aiguisé par la vie parisienne, s’aperçoit un jour que ce qu’on voit (quand on sait regarder) est presque toujours plus intéressant, plus inattendu, même plus amusant et plus fou que ce qu’on imagine. […] La tristesse qui s’y rencontre n’implique point le dégoût théorique du monde comme il est, un parti pris féroce, une malédiction jetée sur notre race.
Les derniers temps de la comédie italienne en France La comédie italienne, pendant son premier séjour à l’Hôtel de Bourgogne, jeta un vif éclat. […] Il faut parler toujours sans rien dire pour sembler spirituelle ; rire sans sujet pour paraître enjouée ; se redresser à tout moment pour étaler sa gorge ; ouvrir les yeux pour les agrandir, se mordre les lèvres pour les rougir ; parler de la tête à l’un, de l’éventail à l’autre ; donner une louange à celle-ci, un lardon à celle-là ; enfin, badiner, gesticuler, minauder60. » L’arrivée du printemps, qui amène le départ des officiers, jette le désarroi dans le monde des promeneuses, et les force à se rabattre sur les robins et les petits collets fort peu demandés en hiver : Heureux les bourgeois de Paris, Quand le plumet court à la gloire !
Il en sortit, essaya un autre ordre moins méprisable, de celui des Bénédictins, mais ne put s’en accommoder davantage ; c’est alors qu’il quitta l’habit régulier, c’est à dire monacal, pour prendre l’habit de prêtre séculier ; il jeta, comme on dit, le froc aux orties, et alla à Montpellier pour y étudier la médecine. […] Mais Rabelais ne voulait que jeter à l’avance quelques idées de grand sens et d’à-propos dans un rire immense : ne lui en demandez pas davantage.
Il avait eu vent du départ, et s’était glissé à bord d’un des avisos qui devaient faire partie de l’escadre ; mais cet aviso, sur lequel il était monté, ayant reçu ordre précisément de rentrer au port, Blanc se jeta dans une barque et gagna la frégate La Muiron, sur laquelle était le général en chef. […] Blanc eut beau se jeter à ses pieds, exprimer son désespoir, son besoin d’embrasser sa femme et ses enfants, le général parut impitoyable et donna ordre de le rembarquer et de le remmener à terre.
Il ne le fait paraître que dans les moments où sa présence peut jeter de l’intérêt ou de l’effroi : c’est pour se plaindre à Messala, complice de Titus, des emportements de son fils ; c’est pour faire partir Tullie, dans le moment que son fils allait promettre de lui tout sacrifier ; c’est pour le charger du soin de défendre Rome, quand ce fils malheureux vient de la trahir. […] C’est le nom que l’on donne au tissu d’une pièce de théâtre, dont le plan est jeté sur le papier, distribué en actes divisés par scènes, et dont l’objet est clairement indiqué par l’auteur.
On le sait maintenant, Edgar Poe lampait en enfilée douze verres d’eau-de-vie avant d’écrire ; Baudelaire se jetait à l’opium et à la morphine. […] Rollinat qui jette à l’ombre les poètes actuels, je veux bien convenir de l’énorme trou que fait dans son livre et dans sa tête l’absence d’idéal religieux, de tous les idéals le plus élevé et le plus beau !
Il s’est jeté d’abord dans les bras d’Aguado le Mécènes, qui voulait en faire quelque chose, mais qui est mort emportant son secret et ses écus ; — puis il vient de se remettre entre les mains de M. de Castellane, le même qui a un si grand goût pour les théâtres de société, pour les académies de femmes, pour le bel esprit à tout prix. — Avec M. de Castellane sont arrivés des légitimistes comme M.
— L'esclandre de Londres est fini ; cette petite expédition jacobite a jeté son feu ; dans quelques jours il n’en sera plus du tout question et on l’aura oubliée, sinon qu’il y aura un jour à la Chambre des députés quelque interpellation à MM.
On reproche à notre jeune siècle d’être irrespectueux envers le passé, de ne rendre hommage qu’aux gloires modernes, et de jeter à peine quelques regards en arrière sur les hommes honorables et utiles qui ont fait sa destinée.
Il faut jeter le livre ou se résoudre à le relire souvent ; ses vers ne veulent pas être jugés, mais sentis.
À la fois théocratique et démocratique, l’idée jetée par Jésus dans le monde fut, avec l’invasion des Germains, la cause de dissolution la plus active pour l’œuvre des Césars.
Les Députés se retirerent, & le laisserent dans cet état, en prenant la précaution d’avertir qu’on allât lui jeter de l’eau sur la tête, & lui faire prendre de l’ellébore pour purger son cerveau.
Maigre, « écorné et taciturne faute de danare », ses appétits faméliques, maintenant qu’un coup du sort l’a jeté dans la domesticité d’un grand seigneur, réclament des satisfactions prodigieuses.
Ces globes habités par des êtres différents de l’homme, cette profusion d’anges, d’esprits de ténèbres, d’âmes à naître, ou d’âmes qui ont déjà passé sur la terre, jettent l’esprit dans l’immensité.
Pons les jeta dans le grand public.
Couvert de l’eau qu’elle lui a jetée, lymphatus, devenu cerf, c’est-à-dire le plus timide des animaux, il est déchiré par ses propres chiens, autrement dit, par ses remords.
Beau principe qui jette un jour bizarre sur les familles des hobereaux anglais. […] Trois ans plus tard, mère d’une petite fille, Fanny, revenue à Londres, abandonnée par Imlay, elle s’était jetée dans la Tamise. […] D’ailleurs les relations de Byron et de Claire et tout ce qui s’ensuivit jettent une ombre fâcheuse sur leur intimité. […] Quand il entendit les crépitations funèbres, il se jeta à la nage et regagna son bateau. […] Tolstoï nous a jetés dans un délire comparable à celui où Richardson nous avait jetés au xviiie siècle, mais beaucoup plus dangereux.
» Qui se serait douté que Richepin allait jeter si tôt une réponse au pessimisme ? […] Le rajah revient du combat ; il est blessé ; il est écumant de fureur ; il jette, en quelques cris de haine et d’orgueil invaincu, le bulletin de sa défaite. […] Le travail est le lot des femmes « parfois accortes et rieuses, petits chevaux vaillants, qui secouent leurs sonnailles, et sur qui tous jettent indolemment leur fardeau ». […] La pâleur du ciel au-dessus de l’allée qui n’en finit plus a le charme apaisant de ce qui est vraiment « divin » et « vers les prés clairs », sur le toit du château « rouge de brique et bleu d’ardoise », pour distraire ces jeunes gueux, lèvent, soufflant sans âpreté, « cherche noise » et jette, en passant, son sec coup d’aile « aux girouettes ». […] Il se jeta, en sanglotant comme autrefois la pécheresse, aux pieds du Rédempteur.
Jamais les délégués et les instruments de la puissance romaine n’avaient pu être aussi nombreux, aussi actifs, que l’étaient ces apôtres de croyance et ces maîtres de conscience, jetés par la foi nouvelle sur tous les points du monde. […] Enfin, ils étaient plus occupés encore de la domination des Sarrasins en Sicile, et de cet effrayant voisinage, qui pouvait les jeter sur l’Italie et les conduire jusqu’à Rome, où ils avaient déjà paru dans le huitième siècle. […] En passant par la Styrie, il fut arrêté par Léopold, et jeté dans une tour ; puis Léopold le vendit prisonnier a l’empereur Henri VI, qui le retint dix-huit mois captif. […] Les seigneurs grossiers et indigents de nos provinces du Nord brûlent de se jeter sur cette riche proie du Midi, que leur désigne du doigt le pontife. […] Boccace a jeté son style et son génie sur ce vieux conte de nos poëtes.
Le jour qu’il a quinze ans, le jour qu’il en a dix-sept, il chante, il jette au vent son gai refrain à travers les grilles du lycée, dans les courts intervalles du tambour. […] On rendrait mal cet oubli de toutes choses et de soi-même où elle jette un instant celui qui s’y livre, cette rêverie, ce trouble, cet abandon où l’âme, uniquement préoccupée d’une image, d’un sentiment, d’une sensation même, perd un moment le souvenir et la prévoyance, et se berce elle-même du chant qui lui échappe. […] Le jeune homme fut aussitôt saisi d’un attrait invincible ; il était venu par curiosité, il revint par amour, et se jeta à corps perdu dans cette source nouvelle de connaissances. […] Il put désormais se jeter sans balancer dans l’opposition militante. […] Sa politesse, son goût d’homme du monde, lui ont de tout temps interdit les jugements trop directs et qui entrent dans le vif ; mais, sous forme abstraite, il jette bien des choses.
Des témoins avaient vu les assassins soutenir le corps vacillant sur un cheval, puis le jeter dans le fleuve. […] Le vin est remplacé par l’eau d’une fontaine où l’on a jeté le corps d’un enfant mort sans baptême. […] Cela fait, il se jeta, tout vêtu, sur le lit et s’endormit. […] Tout le peuple se jeta sur lui, qu’ils croyaient avoir fait un sacrilège en outrageant ainsi leur saint. […] Il y jette une poignée de farine blanche.
Mes guides cependant, d’une commune voix, Regrettaient le bouquet des ormes d’autrefois, Hautes cimes longtemps à l’entour respectées, Qu’un dernier possesseur à terre avait jetées.
On le sent bien à l’entraînement qui y règne, ses pièces étaient jetées sans effort dans les intervalles de la passion, entre le souvenir et le désir.
Ces pièces, traduites par madame Belloc, ne sont guère remarquables, qu’en ce qu’elles jettent du jour sur les intentions précédentes du général.
Dupin, orateur brusque, caustique, original, jeté là sous l’habit vert-pomme au milieu des compliments obligés, tenu de s’astreindre à certaines formules de discours et à certaines idées héréditaires de fauteuil en fauteuil, comment s’en tirerait-il sans manquer à lui-même ni à son éloquence ?
Interdit du théâtre, il s’était jeté dans les sciences et avait composé l’Atlantide ; pauvre, il monta dans la chaire de l’Athénée ; il dota les lettres françaises de ce Cours de littérature qui est un des plus beaux monuments que la science de l’antiquité ait élevés parmi nous.
S’il n’a pas l’intelligence assez ouverte et le cœur assez calme pour rendre justice aux œuvres les plus contraires à son propre tempérament, qu’il se fasse polémiste, qu’il se jette bravement dans la mêlée, mais qu’il renonce à l’histoire !
Il s’en trouvera un autre, n’en doutez pas, pour jeter bas Saint-Germain-l’Auxerrois.
Nous nous permettrons de relever ici une erreur de Colardeau, parce qu’elle tient de l’esprit de son siècle et qu’elle peut jeter quelque lumière sur le sujet que nous traitons.
Virgile a placé les amants au milieu des bois de myrtes et dans des allées solitaires ; le Dante a jeté les siens dans un air vague et parmi des tempêtes qui les entraînent éternellement ; l’un a donné pour punition à l’amour ses propres rêveries, l’autre en a cherché le supplice dans l’image des désordres que cette passion fait naître.
Une grosse draperie jetée sur le haut de sa tête retombe sur ses épaules ; toute la partie supérieure de son corps est nue par devant.
Comme je le dirai tantôt, le jour qui éclairoit la scéne antique n’y pouvoit pas jetter autant de lumiere que nos illuminations théatrales en jettent sur la scéne des théatres modernes.
Chacun de ces hommes, au moins à certaines heures, se sent subordonné, misérable, minime, pauvre fétu jeté dans la fournaise, mais avec un tel frémissement !
Il semblerait qu’avant ce moment d’explosion publique et de danger où il se jeta si généreusement à la lutte, il vécût un peu en dehors des idées, des prédications favorites de son temps, et que, tout en les partageant peut-être pour les résultats et les habitudes, il ne s’en occupât point avec ardeur et préméditation. […] Ici l’on a peu à regretter qu’André n’ait pas mené plus loin ses projets ; il n’aurait en rien échappé, malgré toute sa nouveauté de style, au lieu commun d’alentour, et il aurait reproduit, sans trop de variante, le fond de d’Holbach ou de l’Essai sur les Préjugés : « Tout accident naturel dont la cause était inconnue, un ouragan, une inondation, une éruption de volcan, étaient regardés comme une vengeance céleste… « L’homme égaré de la voie, effrayé de quelques phénomènes terribles, se jeta dans toutes les superstitions, le feu, les démons… Ainsi le voyageur, dans les terreurs de la nuit, regarde et voit dans les nuages des centaures, des lions, des dragons, et mille autres formes fantastiques. […] Les secrets pensers de mon âme Sortent en paroles de flamme, A ton nom doucement émus : Ainsi la nacre industrieuse Jette sa perle précieuse, Honneur des sultanes d’Ormuz.
Combien de fois la barque errante Berça sur l’onde transparente Deux couples par l’amour conduits, Tandis qu’une déesse amie Jetait sur la vague endormie Le voile parfumé des nuits ! […] — Ghérard jeta les yeux sur elle ; à l’instant toute sa colère se changea en confusion. […] » « Ghérard s’en revint tristement à la cheminée, cachant son front dans ses mains, puis tout à coup se retourna, les yeux humides de larmes ; il se jeta à ses pieds, et ses mains s’avançaient vers elle, de sorte qu’il la serrait presque dans ses bras.
Le retour de l’île d’Elbe jeta M. […] Jouffroy, en y apportant des branches pour les ranimer, se rappelait les irruptions des Barbares, lesquels, comme des brassées de bois vert, la Providence avait jetés de temps à autre dans le foyer expirant des civilisations. […] … Nous ne concevons pas que tant de gens de conscience se jettent dans les affaires politiques, et poussent le char de notre fortune dans un sens ou dans un autre, avant d’avoir songé à se poser ces grandes questions….
XIII Hugo, qu’il faut toujours nommer le premier dans ces nomenclatures des belles imaginations, nous dit qu’il est par la moitié de son sang Franc-Comtois ; Rouget de Lisle, qui eut le rare bonheur d’être un jour le chant héroïque de la patrie menacée, le tocsin des cœurs, le sursum corda des baïonnettes, était Franc-Comtois ; Charles Nodier, le plus aimable des hommes, le plus fantaisiste des poètes, le plus Romain et le plus Français à la fois des ennemis de la terreur démagogique et de la tyrannie soldatesque, était Franc-Comtois ; Fourier, Considérant, Proudhon, tous ces esprits spéculatifs qui écrivent leur poésie en chiffres et qui jettent leur imagination par-dessus l’ordre social, aimant mieux inventer l’impossible que de ne rien inventer du tout, sont Francs-Comtois. […] comptés), je ne jette jamais mes regards sur la chaîne lointaine du Jura, nivelé à l’horizon comme une falaise de l’éther au-dessous de la pyramide de granit rose du mont Blanc, sans me reporter en esprit dans la vallée de Saint-Claude, dans la forêt du Fresnoy vendue pour un morceau de pain par mon père, et qui fait aujourd’hui l’opulence de cinq ou six familles à millions de capital ; dans les décombres des châteaux de Pradt, de Villars, des Amorandes, et dans les nombreuses fermes de ces montagnes, où le lait des vaches coule comme des rigoles d’écume dans les fromageries des Sapins, sans me dire avec amertume : Pourquoi ma famille est-elle descendue dans la plaine ? […] Il jeta un voile sur sa vie : il se consacra exclusivement au beau métaphysique, à cette divinité de la beauté morale, artistique et virginale, qui n’apparaît que dans la spéculation de ses adorateurs, et dont la réalité toujours incomplète, agitée, décevante, ne dérange jamais ni un trait de visage, ni un pli de la robe sur la statue idéale de l’idéale beauté.
Je ne vis pas où poser mon châle sans le salir, et, comme il m’embarrassait sur les épaules, je le jetai sur les branches d’un saule qui se trouve devant la porte. » IV Le 14 mars. […] La fenêtre fut clouée, car je l’ouvrais et m’y suspendais, au risque de me jeter dans la rue. […] « Un peu de malaise m’a fait jeter sur ton lit, ce lit où tu as couché six mois dans la fièvre, où je t’ai vu si pâle, défait, mourant, d’où le bon Dieu t’a tiré par prodige.
Avec de telles maximes, on peut lui pardonner de l’avoir pas jeté l’argent : ses bonnes rentes, c’était l’indépendance. […] On s’attendrait au contraire : mais ces préférences littéraires jettent une vive lueur sur les dessous des caractères. […] Pradon ne nous en dit pas plus, avec plus d’aigreur, quand dans de mauvais vers oubliés, il représente « les Messieurs du Sublime », une longue rapière au côté, importunant les généraux, moqués des soldats, notant sur leur carnet des termes de l’argot militaire, ici jetés par leur cheval dans un noir bourbier, là tirant de longues lunettes pour regarder l’ennemi de très loin.
Taine a fait son plan, jeté ses propositions ; il faut maintenant qu’il soutienne sa thèse. […] Les femmes amoureuses qui cherchent toujours un livre pour y retrouver leur passion se jetèrent sur Madame Bovary, comme elles s’étaient jetées sur Paul et Virginie.
Cela interrompait nos conversations, et jetait un nuage sur notre gaieté. […] Son père était le dernier de sa race, et elle semblait jetée à plaisir sur la terre pour n’y pas trouver un coin où se caser. […] jetée dans le faux, elle était condamnée à y périr.
Cette tâche nous plaît ; nous nous y consacrons volontiers, avec le ferme espoir de jeter au vent la poussière des derniers malentendus. […] C’est pourquoi il n’avait garde de se tourmenter d’aucun développement ; il effleurait tout, jetait çà et là un trait de caractère, passait outre aux éclaircissements, s’égayait de mille boutades. […] La reine n’osait s’avancer, craignant pour sa fraîche parure ; elle descendit de cheval et, tirant sa monture par la bride, elle se dirigea vers une petite planche qu’on avait jetée comme un pont au-dessus du ruisseau ; mais elle était sale et si glissante qu’Yseult n’osa pas y poser le pied.
Les matelots d’un navire qui vient de jeter l’ancre carguent les voiles, lancent des câbles, et rythment leur travail d’un chant bref. […] Alors retentit dans l’orchestre l’appel désespéré qui a traversé toute l’ouverture, et, au milieu de la tempête renouvelés, apparaît un navire, aux voiles couleur de sang, qui jette l’ancre avec un bruit formidable. […] (probablement en contraste au « chatouillement des yeux », qui nous est causé par la lecture de mainte partition de nouveaux opéras allemands) ; mais que même l’amateur de musique allemand enlève les lunettes de ses yeux fatigués et pour une fois se donne sans réserve à la joie d’un beau chant, cela nous montre plus profondément son cœur et nous fait connaître un profond et ardent désir de respirer de nouveau pleinement et fortement pour se faire le cœur libre tout à coup, jeter loin de lui tout le bagage de préjugés et de méchantes pédanteries qui le força si longtemps à être un amateur de musique allemande, et, au lieu de cela, devenir enfin un homme heureux, libre et doué pleinement de cette admirable conception de tout ce qui est beau, sous quelle forme que cela se montre.
Les violoncelles, d’une lente voix, jettent les premiers accents du prélude. […] Tristan se dérobe tout à coup pour jeter un ordre à ses marins. […] Les épées sortent des fourreaux, un double éclair jaillit de l’acier ; Tristan succombe et la reine Iseult s’est jetée sur le mourant.
Çà et là, une lame flottant à plat, offrait des fêlures et des étoiles, comme une vitre où l’on a jeté des pierres. […] Par le Regard jeté dans une mansarde, M. […] Il y a joui de l’énorme bonheur de ne différer de ses contemporains et de ses compatriotes que par la forme où il a jeté des idées traditionnellement nationales.
Les institutions, pour renaître, ont besoin de bonne renommée ; elle perdit de renommée la démocratie en la souillant du sang de ses milliers de victimes ; elle jeta des têtes sans compter à la Terreur, comme on jette des lambeaux de ses vêtements à la bête féroce par qui on est poursuivi pour lui échapper ; elle appela le peuple au spectacle quotidien de la mort sur la place publique ; elle commença par un massacre de trois mille prisonniers sans jugement aux journées de septembre, cette Saint-Barthélemy de la panique ; elle finit par un massacre le 9 thermidor : sa seule institution fut l’échafaud en permanence. […] J’avoue que ma raison s’est toujours soulevée en moi contre cette amnistie en masse, jetée comme un manteau, non sur les proscrits, mais sur les proscripteurs. « De deux choses l’une, me suis-je toujours dit à moi-même : ou ces membres en masse de la Convention qui signaient de complaisance les arrêts de mort de tant de milliers d’innocents étaient dans leur cœur complices des proscriptions, et alors ils étaient aussi criminels que leur comité de proscription ; ou ces hommes n’étaient pas complices dans leur cœur de ces immolations en masse, et alors ils étaient donc les plus lâches des juges, des législateurs et des hommes, puisqu’ils concédaient ces milliers de têtes aux proscripteurs, de peur d’exposer leur propre tête, en disant oui par leur signature ou par leur silence, quand leur conscience disait non ?
Personne, parmi les plus heureux d’une époque où les réputations étaient faciles, parce que l’amour des lettres, maintenant éteint, jetait sa dernière flamme, ne fut moins discuté et plus aisément accepté que Villemain. […] Le père de Fox adora les vices de son fils autant que le marquis de Mirabeau, qui, ne pouvant jeter sa monstrueuse progéniture à la rivière, comme il en fut tenté, exécrait les vices du sien, qu’il embastilla avec une prévoyance féroce. […] Il le fit lui-même joueur, débauché, buveur et prodigue, dépensier à jeter des milliers de guinées par les fenêtres avant ses vingt ans, et il lui paya trente chevaux de race à la fois que montait sur le turf le jeune effréné pour gagner des paris ruineux, et qui par deux fois le ruinèrent… Fox fut par ses mœurs, dans un temps qui avait cessé d’être puritain, le plus retentissant scandale de l’Angleterre.
Elle lui répondait de ce ton d’exigence aimable qui est la flatterie du cœur, et avec cet attrait naissant de bienveillance qui jette comme des rayons dans les perspectives de l’amitié. […] Ayant confié à Fauriel le manuscrit de son traité d’économie politique ou de la Volonté, M. de Tracy lui écrivait ces lignes bien honorables pour tous deux : « …..Avant de me remettre à travailler, j’ai besoin de savoir positivement si je dois tout jeter au feu et m’y reprendre d’une autre manière, moins méthodique peut-être, mais plus pratique. […] Il passait volontiers de l’exaltation au découragement ; tantôt les calamités de son pays, tantôt ses gênes domestiques, ou même des riens et ce qu’on appelle les mille petites misères de la vie humaine, le jetaient dans des abattements extrêmes, d’où il se relevait tout d’un coup avec vivacité. […] Guizot en l’année 1820, lorsque cette énergique intelligence se jetait avec passion aux sérieux travaux qui feront sa gloire : il en causait à fond avec Fauriel, il lui en écrivait en plein sujet85 La verve de ces esprits décisifs et prompts à l’exécution tranche singulièrement avec l’habitude si différente et le procédé temporisateur de leur ami. […] Il n’y établit pas de courant factice et n’y jette pas de ces ponts commodes, mais artificiels, comme font d’autres historiens ; son récit est adéquat aux choses, comme dirait un philosophe.
Nos plus grands malheurs sont venus de l’ambition des gens de lettres, qui, pour faire les hommes d’importance, se sont jetés dans la morale et dans la politique, et se sont fait un jeu de ruiner la société et l’état, pour se donner un relief de philosophie. […] Voltaire avait essayé sans aucun succès le genre de Corneille dans la Mort de César : son impuissance le jeta dans les aventures romanesques. […] À quels dangers n’est pas exposé un jeune homme sans expérience, jeté dans le tourbillon de Paris, lorsqu’il n’a pour mentor qu’un domestique intéressé à flatter ses passions ! […] Tout étrange qu’elle est, cette proposition n’est donc point invraisemblable, et de plus elle est extraordinairement tragique, par l’embarras où elle jette les deux princes. […] Le caractère même de Calderon répugne à toute idée d’imitation ; ses conceptions portent l’empreinte d’une originalité grossière et sauvage ; on n’y reconnaît aucune espèce d’art, de règle ni de frein : quelques traits sublimes y jettent une vive lumière au milieu des plus épaisses ténèbres de l’ignorance et de la folie.
Mais auparavant je demanderai à jeter quelques idées qui me sont venues sur ces amitiés passionnées, ou mieux sur ces amitiés dévouées et tendres qu’excitent aisément chez les femmes, depuis deux siècles environ, la plupart des auteurs célèbres, grands poètes ou éloquents philosophes. […] Je ne doute point pourtant que dans cette Rome émancipée et où les patriciennes avaient jeté le voile, au temps d’Ovide, le poète n’ait dû bien des succès et des bonnes fortunes à ses vers ; mais ce n’est point les bonnes fortunes que nous demandons pour l’auteur et le poète, c’est un sentiment pur, vif, dévoué, durable, indépendant de la jeunesse et du temps. […] — Depuis lors, soit que l’élément féminin ou femmelin (comme l’a nommé un censeur austère) ait augmenté et redoublé chez les auteurs, soit que les femmes, de plus en plus appelées à l’initiation littéraire, aient répondu de plus en plus vivement, chaque écrivain célèbre a eu son cortège nombreux de femmes ; et si l’on retranche même ce qui est de la mode, de l’engouement, ce qui ne signifie rien en soi, puisque telle femme qui se jetait à la tête de lord Byron, de Chateaubriand ou de Lamartine, à leur moment, se serait jetée en d’autres temps à la tête d’un autre, il reste bien des physionomies particulières, distinctes, bien des figures non méconnaissables, dont l’entourage et l’accompagnement aideraient à définir le génie propre de l’écrivain et du poète ; car on aime si bien un auteur et on ne le préfère si décidément à tous, que parce qu’on s’apparente par quelque côté avec lui.
Toutes les fois que je jetais les yeux sur la chaise, je voyais l’homme. » Il est clair que, pendant plusieurs minutes de suite, il prenait la figure imaginaire pour une figure réelle. […] Là-dessus, les exemples abondent ; j’en choisis un rapporté par le Dr Lhomme, qui montre avec détail tous les stades de cette transformation spontanée et jette de grandes lumières sur le mécanisme de l’esprit. […] La tête tombée, il voit l’exécuteur la prendre pour la mettre dans le panier… Il déclare qu’il a eu alors une émotion très profonde ; au moment où il a vu arriver le condamné, le cou nu et dépouillé de ses vêtements, il a été pris d’un tremblement nerveux qu’il n’a pu maîtriser, et, longtemps après l’exécution, l’image de cette tête sanglante qu’il a vu jeter dans le panier le poursuivait sans cesse. […] Ce n’est que dans la journée du 7 que, m’étant jeté sur mon lit, j’ai pu dormir quelques instants.
Le sonnet funéraire de Pétrarque, jeté par lui dans son cercueil et retrouvé quand ce cercueil fut ouvert, atteste ce droit d’Avignon à s’appeler la patrie natale de Laure. […] En la quittant, je cherchai dans mon âme une force contre les catastrophes que j’aurais à éprouver ; ses regards avaient une expression indéfinissable que je ne leur avais jamais vue avant, j’eus de la peine à ne pas pleurer ; quand l’heure fut venue où il fallait absolument qu’elle se retirât du cercle, elle jeta sur moi un coup d’œil si doux, si honnête et si tendre, que je me sentis rempli d’émotion, d’espoir et de terreur. » Qui peut dire, après avoir lu ces lignes, que Pétrarque n’était à l’égard de Laure qu’un poète ? […] XXVI Cependant Rienzi, flottant entre le bon sens, la démence et la fureur, avait fait jeter les Colonne et les princes romains dans les cachots du Capitole ; puis, après avoir préparé l’échafaud pour eux, il était monté à la tribune des harangues, et il avait demandé dans un discours d’apparat leur grâce au peuple romain ; le peuple avait applaudi à la grâce comme au supplice. […] Rienzi, en effet, jetait cette capitale dans sa propre démence ; quelques jours après l’assaut où les Colonne avaient péri, il conduisit son fils vers le bourbier rempli d’eau et de sang où le corps du plus jeune de ces princes gisait encore.
Des pendules de bois, des boîtes de montre en argent et en or, des ressorts d’acier, des rouages dentelés par la lime étaient suspendus aux vitres ou jetés pêle-mêle sur l’établi. […] On rentrait à pas lents au clair de lune d’Italie, qui jetait les grandes ombres du Colysée ou du Panthéon sur les cendres de Rome. […] Regardez, dans le tableau des Moissonneurs, la jeune fille qui se relève de la glèbe, sa faucille à la main, qui tourne aux trois quarts son visage souriant d’un sourire sévère vers le char, et qui jette un regard de reproche amoureux au jeune homme, fils du riche laboureur, dansant devant la tête des buffles ? […] L’impatience saisit à la fin le peintre ; il efface d’une main résolue toutes ces ébauches, il renonce au mensonge pour la vérité, et il peint l’improvisateur napolitain, l’Homère populaire et maritime, sa guitare à la main, assis sur un écueil de la plage au pied des montagnes, et psalmodiant, pour quelques sous jetés dans son bonnet de laine, en dialecte des Abruzzes ou des Calabres, l’épopée des brigands et des jeunes Sonniniennes à un auditoire rustique comme lui.
Quelquefois, dans mes moments de solitude, que je multiplie autant qu’il est possible, je jette ma tête sur le dossier de mon fauteuil, et là, seul au milieu de mes quatre murs, loin de tout ce qui m’est cher, en face d’un avenir sombre et impénétrable, je me rappelle ces temps où, dans une petite ville de ta connaissance (Chambéry), la tête appuyée sur un autre dossier, et ne voyant autour de notre cercle étroit (quelle impertinence, juste ciel !) […] M. de Maistre n’aurait pas jeté un chien de sa chienne à cette voirie vivante où Jean-Jacques Rousseau jetait ses enfants. […] Un seul ami présent mourait de peur que l’un des deux interlocuteurs ne jetât l’autre hors des gonds ; mais je m’étais promis à moi-même de ne pas gâter l’affaire, et, pourvu que l’un des deux ait fait ce vœu, c’est assez.
Le début promettait ; mais à l’âge de plus de quarante ans, une actrice charmante, Mlle Quinault, le jeta lui-même dans des nouveautés qui n’eurent guère moins d’éclat ni une fin plus heureuse que celles dont il avait ri. […] La condition étant « la base » de la comédie sérieuse, toute l’intrigue doit consister à jeter le personnage dans les situations les plus incompatibles avec sa condition. […] Dans la théorie de Diderot, jeter un personnage dans les situations les plus opposées à son caractère, voilà le maître-œuvre. […] Prendre des noms à Molière, oser lire à son tour dans des cœurs où le regard de Molière avait pénétré, retoucher ses portraits et n’y pas échouer, c’est d’un homme qui aurait pu laisser un grand nom dans l’art, si le temps l’eût permis, et si, ardent et nécessiteux, il n’eût pas été jeté dans les hasards de la révolution par cette passion du bien-être par le pouvoir, qui se pare du nom de passion politique.
Rousseau lui-même se plaignait qu’on outrât son système : « Il s’en faut bien, disait-il à Bernardin de Saint-Pierre, qu’on ait fait ce que je demandais ; on se jette toujours dans les extrémités. […] Rousseau n’avait jamais vu un enfant se réconciliant avec ses parents après une faute avouée et pardonnée, ni ses bras jetés autour du cou de sa mère, ni ces douces larmes que lui fait verser sa conscience soulagée ! […] C’est après avoir violé le principe qui maintient et perpétue les sociétés humaines, qu’il jetait sur le papier les fondements d’une société chimérique, avec la jouissance pour but et la vertu pour moyen. […] Son ignorance des hommes le jette sans cesse hors de la vérité morale.
Nous le voyons, par exemple, jeter sur le papier — quand on le lui demande — des thèmes musicaux qui n’acquièrent leur plein développement qu’un quart de siècle plus tard, lorsque les circonstances lui permettent de faire la partition. — Je crois que pour Wagner le poème était — pour ainsi dire — une chose bien plus fortuite que la musique ; celle-ci, au contraire, était nécessaire, elle ne pouvait être autrement, elle répondait à un ordre de vérité plus vague dans un certain sens et pour lequel la fable dramatique pouvait en conséquence varier, mais de vérité plus profonde dans sa généralité, plus certaine, plus absolue. […] Cela jette un jour très clair sur l’Allemagne. […] Mais il faut aborder des considérations plus générales, et jeter un coup d’œil sur l’état du Wagnérisme en France. […] Je pense aussi qu’il y eut des erreurs et quelques fautes, conscientes où non : je ne jetterai pas la première pierre, ne m’en sentant point le droit.
» — « Oui », répondis-je, « dans les sociétés d’hommes un exécuteur est nécessaire à la justice ; il faut un bourreau, peut-être, quoique je n’en sois pas parfaitement convaincu, mais il ne faut pas être le bourreau. » Le satiriste sanglant est le bourreau des renommées ; il jette au charnier les noms dépecés de ses ennemis littéraires ou de ses ennemis politiques. […] Le christianisme avait jeté un voile sur ces nudités. […] Quinzième enfant d’un père greffier du parlement, privé de bonne heure des soins et de l’affection de sa mère, opéré de la pierre à douze ans, nourri dans les collèges, ce dur et froid noviciat des enfants sevrés de leurs familles, jeté ensuite contre son gré dans des études de théologie et de jurisprudence dont les arguties lui répugnèrent, possesseur d’une petite fortune suffisant à la modestie de ses désirs après la mort d’un père laborieux ; sans ambition, sans intrigue, sans chaleur dans l’âme, mais non sans amitié ; amateur de tout ce qu’on appelle vertu par probité naturelle d’esprit et par ce penchant honnête qui est le bon goût de l’âme, il prit contre son siècle la plume de Caton le Censeur, et il écrivit des satires pour réformer le mauvais goût, comme, dans une autre fortune, il aurait pris la hache des licteurs pour réformer les mauvaises mœurs de sa patrie. […] XXVIII La France était jeune dans les lettres quand il parut ; elle pouvait se jeter dans les excès de jeunesse et de sève, écarts antipathiques à son génie national, génie vrai, sensé, modéré, logique, délicat, génie qui avait besoin, comme la jeunesse, d’un instituteur sévère et un peu froid.
La Révolution, qui avait jeté tout le monde en France sur le pavé, le contraignit à la nécessité d’un état… Audin, qui aimait les livres, se fit libraire comme Richardson… La librairie, qui a donné dans tous les pays beaucoup d’hommes distingués à la littérature, en a donné deux à la littérature du xixe siècle qu’on n’oubliera plus, — tous deux Lyonnais : — Ballanche et Audin. […] C’était, en effet, un de ces livres qui épuisent les questions qu’ils traitent, — qui jettent aux choses et aux hommes la pelletée de terre sur la tête dont parle Pascal, et font dire : « En voilà, pour jamais ! […] Des deux géants qu’il jeta au monde, assurément le moins colossal, le plus cruel, le plus odieux, le plus anti-homme, est Calvin ; mais, malgré les dons surnaturels que Dieu avait versés comme à plaisir sur la tête de Luther et dans sa poitrine, le plus abject, c’est Luther ! […] Ces premiers traits, jetés sur un papier que le vent du désert a tourné, et qui furent écrits sur le pommeau de la selle ou sur la pierre de quelque chemin écarté, ressemblent à ces quadri d’André Chénier, base de prose d’où sa poésie s’envolait, trépieds préparés afin que le feu du ciel pût y descendre.
Les navigateurs qui ne se lancèrent point sur l’Océan ne furent plus que des marins timides… Les réflexions morales et politiques, les bonnes maximes d’expérience qui naissent du spectacle des événements, et que d’autres historiens affectent, ne sont point jetées par M. […] Malgré l’immense supériorité du général en chef, tout ce qui se croyait quelque influence ou seulement quelque capacité, se jetait, même sans son aveu, dans les plus importantes affaires.
De jeunes esprits impatients, plus légers ou plus hardis, trouvaient que ce régime se prolongeait beaucoup et qu’il y avait lieu d’y jeter de la variété et de l’imprévu. […] Un savant jésuite, le père Hardouin, s’était jeté aussi à la traverse dans le combat et avait publié une Apologie d’Homère (1716) : mais quelle apologie !
Ce qui est vrai, c’est que les grandes hypothèses de Buffon, ses tableaux des diverses époques de la nature, quelques phrases jetées çà et là sur l’unité primitive de dessein, phrases qui n’ont pas la portée qu’on leur donne, ont paru suffisantes au savant illustre, mais enthousiaste, pour voir en Buffon un précurseur de lui-même, un prophète de l’ordre de vues qu’il affectionne : il a donc salué en Buffon une sorte de dieu humain à peu près comme Lucrèce salue Épicure. […] Quelques erreurs ne doivent pas nous empêcher de lui payer un juste tribut d’admiration, de respect et surtout de reconnaissance ; car les hommes lui devront longtemps les doux plaisirs que procurent à une âme jeune encore les premiers regards jetés sur la nature, et les consolations qu’éprouve une âme fatiguée des orages de la vie en reposant sa vue sur l’immensité des êtres paisiblement soumis à des lois éternelles et nécessaires.
Ma mère, après avoir été jetée à soixante-douze ans dans des cachots, où elle vit périr une partie de ses enfants, expira dans un lieu obscur, sur un grabat où ses malheurs l’avaient reléguée. […] — Qui ne se sentirait ému en lisant cette phrase jetée en passant : Je payerais ma pension après la guerre !
La mort de l’homme de bien sortirait de notre cadre et nous jetterait dans des tableaux lugubres qui demanderaient de l’étendue et d’énergiques pinceaux. […] On ne cessa de l’insulter, on lui cracha au visage ; des furieux s’approchèrent pour le frapper malgré les bourreaux ; on lui jetait à la face des questions cyniques.
Pascal n’a rien de ces arrière-fonds de pensée ; il sait bien qu’il se noie, s’il n’embrasse cette voie unique de salut ; et c’est pourquoi il se jette à corps perdu dans la recherche, y associant tous les hommes ses frères. […] Le premier mouvement de Charron, frappé d’apoplexie foudroyante dans une rue de Paris où il tomba et où il mourut, fut de se jeter à genoux pour prier Dieu.
Ce jour-là Santeul fut près de se fâcher, et sa belle humeur hésita un peu ; mais Mme la Duchesse ayant pris un verre d’eau le lui jeta incontinent au visage en disant : « C’est la pluie après le tonnerre. » Le second outrage raccommoda le premier, et le tout finit par des rires et des chansons. — Il fut convenu que ce soufflet de Santeul, faisait pendant au baiser autrefois donné par une grande princesse à maître Alain endormi. […] Pour nous, et au seul point de vue littéraire, qui est le nôtre, sans accorder à Santeul plus qu’il ne mérite, en reconnaissant à ses vers les qualités qui y paraissent, la pompe, le feu, la largeur, le naturel et la clarté, mais aussi en y voyant le vide trop souvent et la bagatelle du fond, en nous disant combien sa personne avait besoin d’intervenir à tout instant pour y jeter un peu de cette originalité qui n’était qu’en elle, nous voudrions que tout ce démêlé où il est encore engagé finît par une transaction, qu’il ne fût pas tout entier sacrifié, qu’on ne lui fût point plus sévère que ne l’a été l’abbé de la Trappe, et que les honorables censeurs qui de nos jours l’ont remis en question ne le renvoyassent point hors du temple sans lui laisser au moins un fragment de couronne ; car il est bien de ceux, malgré tout, qui, à travers l’anachronisme de la forme, sont véritablement poètes de race et par nature, il est de ceux qui, comme le disait Juvénal, ont mordu le laurier.
Il nous a jetés dans cette cruelle guerre ; la valeur des généraux et des soldats peut seule nous en tirer. […] Par ceci, vous aurez seul la gloire d’avoir porté le dernier coup à l’obstination autrichienne, et d’avoir jeté les premiers fondements de la félicité publique qui sera une suite de la paix.
La seule nature distinguée et rêveuse qui s’y trouvera jetée, et qui aspire à un monde d’au-delà, y sera comme dépaysée, étouffée ; à force d’y souffrir, de ne pas trouver qui lui réponde, elle s’altérera, elle se dépravera, et, poursuivant le faux rêve et le charme absent, elle arrivera de degré en degré à la perdition et à la ruine. […] Elle aime follement Rodolphe, elle se jette à sa tête et ne craint pas de se compromettre pour lui.
Chaque jour même je jetterais du rez-de-chaussée des pierres à ceux qui occupent les étages supérieurs de la maison ; et, comme ils tiennent à leurs vitres, sans faire cas de la lumière, il est à croire qu’ils videraient sur moi leurs cassolettes, pour se débarrasser d’un voisin incommode. » L’image est des plus gaies ; elle est bien de l’esprit espiègle et taquin que nous connaissons. […] il les jette au feu ou les met au fond du tiroir.
Après ce premier nom vaguement jeté, on en était à se demander qui encore ? […] Ce n’est pas que cette oraison funèbre n’ait son importance ; elle est désormais inséparable d’un Traité sur cette matière, et elle jette un jour rétrospectif sur la fausseté du genre.
Ces preuves, ce sont sans doute les écrits durables et permanents ; mais le plus sûr est de ne pas s’en tenir uniquement aux écrits déjà anciens et qui ont jeté leur feu ; le meilleur coup de fortune pour une mémoire immortelle est d’avoir, du sein du tombeau, deux ou trois de ces retours et de ces réveils magnifiques qui étonnent les générations nouvelles, qui les convainquent qu’un mort puissant est là, redoutable encore jusque dans son ombre et son silence. […] Dans la poésie la plus vantée, elle ne retrouvait pas d’idée, et dans la conversation point de sentiment. » Car elle voulait du sentiment aussi et avant tout, mêlé aux idées, avec des éclairs de gaieté fugitive, quantité de rapports fins, subtils, déliés, des anecdotes d’une application spirituelle et imprévue, de soudains essors et comme des flammes vers les plus hauts sommets ; mieux que des aperçus, des considérations politiques et historiques, fortement exprimées, mais sans s’y appesantir ; des images même, qui peut-être n’auraient point paru des images en plein soleil, mais qui en faisaient l’effet dans un salon ; puis tout à coup (car c’était une femme toujours) un soupir romanesque jeté en passant, et quelque perspective lointaine vaguement ouverte sur la destinée, les peines du cœur, les mystères de la vie ; un coin mélancolique à l’horizon.
À toutes ces invraisemblances de détail qu’on fait valoir, j’opposerai un petit signe qui fait plus, à mon sens, que les compenser, et qui est bien propre à Mme de Staël ; je crois qu’aucun de ceux qui ont vu beaucoup de ses lettres ne me démentira ; ce sont ces quelques mots anglais, my dear sir, jetés dans une lettre écrite en français : Mme de Staël, avec les gens avec qui elle n’était pas entièrement familière, aimait à faire cela, et à mettre sur le compte d’une autre langue cette sorte d’anticipation de tendresse. […] De ce qu’il a jeté comme un rayon d’espérance et de consolation à travers une époque morne et sombre, ce n’est pas une raison pour faire de lui un esprit entraîné et dupe de ses propres illusions, comme le voudraient bien d’autres historiens de rencontre, qui, pareils à l’orateur Drancès dans Virgile, se plaisent à exagérer les torts de Turnus et à retourner le fer dans les blessures de la patrie.
Pastoureaux jetteront œillades. […] J’ai tenu à rétablir les vrais termes et à fixer nos mesures, pour en finir, une bonne fois, avec ces rapprochements et avec ces défis que nous jettent de temps en temps à la tête les moins prudents parmi les estimables érudits qui se sont occupés de ces rapsodies curieuses.
que d’idées, que d’aperçus, que de bon sens sous air de boutade, que d’inspirations heureuses ainsi dispersées en germe et jetées au vent ! […] Aux vents capricieux qui soufflent de Bohême, Sans les compter je jette et mes nuits et mes jours, Et, parmi les flacons, souvent l’aube au teint blême M’a surpris dénouant un masque de velours.
Jean-Bon n’avait pas été de ceux que les électeurs envoyèrent tout d’abord à l’Assemblée constituante ; il est possible que s’il avait été membre de cette première Assemblée comme le fut son collègue dans le ministère pastoral, l’estimable Rabaut Saint-Étienne, et s’il avait vu les choses de plus près, il se fût mûri, assagi, et que, son premier feu jeté, il eût bientôt jugé les événements d’un autre œil. […] Homme obscur, ignoré dans la république des lettres ; jeté, par cette force invisible qui maîtrise nos destinées, dans les agitations d’une vie errante et toujours malheureuse ; appelé, par un concours de circonstances extraordinaires, à des emplois redoutables, où le moment de la réflexion était sans cesse absorbé par la nécessité d’agir ; remplissant encore aujourd’hui des fonctions administratives, bien plus par l’amour de la justice et l’instinct du devoir que par la connaissance approfondie des principes sur lesquels nos grands maîtres ont établi l’art si difficile de l’administration publique ; demeuré, par une captivité longue et douloureuse, presque entièrement étranger aux nouveaux progrès que des savants recommandables ont fait faire à la science, mon premier devoir, Citoyens, est de faire ici l’aveu public de mon insuffisance, et de vous déclarer que tout ce que je puis offrir à cette Société respectable est l’hommage sincère, mais sans doute impuissant, de ma bonne volonté… » Et se voyant amené, par l’ordre des idées qu’il développait dans ce discours, à parler de la Révolution française, explosion et couronnement du xviiie siècle, de « cette Révolution à jamais étonnante qui, déplaçant tout, renversant tout, après des essais pénibles, souvent infructueux, quelquefois opposés, avait fini par tout remettre à sa véritable place », il s’écriait, cette fois avec le plein sentiment de son sujet et avec une véritable éloquence : « La Révolution !
A l’âge d’or de fantaisie et d’opéra rêvé par La Curne de Sainte-Palaye et Tressan20, ont succédé des études plus sévères, qui ont jeté quelque trouble dans le premier arrangement romanesque ; puis ces études, de plus en plus fortes et intelligentes, ont rencontré au fond un âge non plus d’or, mais de fer, et pourtant merveilleux encore : de simples prêtres et des moines plus hauts et plus puissants que les rois, des barons gigantesques dont les grands ossements et les armures énormes nous effraient ; un art de granit et de pierre, savant, délicat, aérien, majestueux et mystique. […] Jeté jeune et sans éducation régulière au milieu d’une littérature compassée et d’une poésie sans âme, il a dû hésiter longtemps, s’essayer en secret, se décourager maintes fois et se reprendre, tenter du nouveau dans bien des voies, et, en un mot, brûler bien des vers avant d’entrer en plein dans le genre unique que les circonstances ouvrirent à son cœur de citoyen.
Placé à l’entrée de nos deux principaux siècles littéraires, il leur tourne le dos et regarde le seizième ; il y tend la main aux aïeux gaulois, à Montaigne, à Ronsard, à Rabelais, de même qu’André Chénier, jeté à l’issue de ces deux mêmes siècles classiques, tend déjà les bras au nôtre, et semble le frère aîné des poètes nouveaux. […] Ou, s’il lui déplaisait de remanier en vers ce qui était jeté en prose, il avait en son souvenir dix autres journées plus ou moins pareilles à celle-là, dix autres scènes du même genre qu’il pouvait choisir et retracer48.
Nous n’avons qu’à jeter un regard sur la société, pour constater le progrès des idées nouvelles. […] Sur tout cela, l’auteur, se souvenant de sa course romanesque au-delà des Pyrénées, avait jeté le piquant des costumes espagnols, dont le contraste relevait le ragoût parisien du dialogue.
Il accomplit ainsi son rêve : jouir de tout son corps et jouir de toute l’étendue de la planète où ce corps a été jeté. […] Enfin cette habitude des vastes spectacles naturels et des mélancolies où ils nous jettent traîne forcément après soi un certain dédain de ce qui tente et occupe les écrivains sédentaires, des civilisations étroites et de la vie des cités d’Europe, si déprimée et si factice.
Telles sont certaines vérités de l’astronomie physique, qui, pareilles aux étoiles fixes que le télescope a découvertes, jettent incessamment une lumière sans variation et sans chaleur. […] C’est encore un trait commun à Buffon et à Descartes, qu’au milieu de spéculations qui semblent si étrangères à la science de la vie, il leur arrive par moment de jeter sur le monde moral un rapide et sûr regard.
Il est devenu banal de rappeler que dans la seconde moitié du xviie siècle, si l’on excepte La Fontaine, Fénelon et un peu Racine, nos écrivains jetèrent sur la campagne des regards distraits et indifférents. […] Ainsi Mérimée, pour n’en pas citer d’autre, plus enclin à regarder au dedans qu’au dehors, se plaisait à décrire en style assorti des états d’âme violents, des caractères âpres, des éclats de passion sauvages pareils aux paysages que les descriptifs et les peintres d’alors jetaient sur le papier ou sur la toile.