On aura de lui l’idée la plus complète qu’on puisse avoir d’un homme à qui on avait jusqu’ici refusé le génie politique. […] Ils seraient impossibles à recommencer avec les mêmes idées et les mêmes sentiments. Cette histoire de choses mortes qui donne une si grande idée du temps où elles étaient vivantes, n’est à présent qu’un vain document sur un temps qui n’est plus. […] … On n’a sur ce point que des idées incertaines. Mais ce qui est certain, c’est que ce document, inutile, fini, enterré, à mille pieds dans l’ordre des idées de ce que nous croyons maintenant la vérité, — si nous croyons à quelque chose !
Qui ne l’a pas lue, ne peut avoir l’idée de cette incroyable préface ; mais le ridicule a ses droits si sacrés en France que, cette idée, nous voulons vous la donner. […] Tour de force dans la profondeur, il ne renverse pas tous les points de vue comme les sophistes turbulents, mais, à force de regarder les choses, il y aperçoit et il y fait voir ce que personne n’y avait vu encore, — formicaléo d’idées, qui en fait tomber des milliers en creusant. […] III Livre tout en style et tout en idées, qui, par sa nature, répugne au compte rendu de la Critique. […] Par un procédé qui lui est particulier, ce creuseur d’idées fait briller l’idée en la creusant, comme on fait jeter du feu à la pierre qu’on frappe. […] Car tel est le caractère de ce travail, difficile à nommer d’un mot qui en précise l’idée, de ces esquisses en deux coups de pinceau, qui entrent plus vite dans l’esprit que des figures finies longtemps caressées et qui s’y fixent comme des dards.
« Il y a aux yeux de la raison une équation parfaite, absolue, nécessaire, entre l’idée de fin et l’idée de bien, équation qu’elle ne peut pas ne pas concevoir dès que le principe de finalité lui est apparu86. » Puisque la fin est le bien, la fin absolue de la création est le bien absolu ; or, ce bien nous apparaît comme sacré ou obligatoire. […] Il suffit, pour les découvrir et les enchaîner, d’appliquer la méthode qui ramène les idées à leur origine, et les formules générales aux cas particuliers. […] Il se proposa en curieux de constater et de classer les idées, les sentiments et leurs lois, et ne se proposa pas autre chose. […] Plus systématique, plus attentif, plus pénétrant, plus abondant, il détermina l’origine des idées qui restait vague, ajouta au quatrième livre plusieurs recherches sur les signes, étudia longuement les sentiments sympathiques, et devança Adam Smith et Condillac. Élevé, comme tous ses contemporains, dans le style exact et simple, il put noter ses idées avec vérité et avec précision.
Par malheur, dom Rivet avait pris parti dans les querelles ecclésiastiques du temps, comme un jeune religieux ardent, généreux, qui penche du côté des idées qu’il croit les plus chrétiennes et qu’il voit persécutées. […] À mesure qu’on avancera dans le monde moderne, il deviendra pourtant de plus en plus difficile aux rédacteurs qui seront en exercice alors de se contenir à l’exposé des faits à l’analyse des ouvrages, sans y mêler quelque chose des idées et des impressions qui sortent presque inévitablement : mais jusqu’à présent l’esprit essentiel et primitif de l’œuvre, convenablement entendu et dans une juste extension, a été fidèlement observé. […] Fauriel et peut nous aider à apprécier une des productions les plus populaires et les plus célèbres de notre Moyen Âge : c’est donc du Roman de Renart que je voudrais donner ici quelque idée, en supposant que je m’adresse à des lecteurs pressés, qui n’ont pas lu le texte et qui n’auront pas le loisir de le lire de longtemps. […] Le poème de Roland à Roncevaux est un de ceux qui rendent le plus directement l’écho du monde chevaleresque dans notre littérature et notre poésie : les récits en prose de Villehardouin en donnent une haute idée également. […] Ulysse et le Cyclope peuvent donner idée de l’antagonisme ; mais Ulysse, même dans ses fourberies, est un héros, et le Renard ne l’est jamais.
On allait être entretenu des idées et des doctrines du défunt, des qualités du personnage en lui-même : on était loin des passions et des allusions du jour. […] Ici, ne jouons pas sur les mots : au xviie siècle, on appelait philosophie la physique et l’astronomie, tout autant que les spéculations sur les idées ou sur l’âme. […] La plus vaste communication entre les peuples amena le plus merveilleux rapprochement entre les idées. […] Cette génération, en un mot, à peine montée, a tiré l’échelle des idées après elle. […] L’idée de tribune et celle de M.
Arago conçurent l’idée de le poursuivre et de le mener à fin. […] Biot, dans l’introduction au Recueil d’observations géodésiques, astronomiques et physiques, publié en 1821, en a donné quelque idée. […] Tout remplis de la seule idée qui nous occupait, nous ne songions, nous ne pouvions songer qu’à nos travaux et aux invincibles obstacles qui, nous arrêtant au commencement de notre entreprise, nous ôtaient les moyens et jusqu’à l’espoir de la terminer. […] Plein d’idées, capable d’invention, doué d’une promptitude ingénieuse et fine, tira-t-il de sa belle et puissante intelligence et de cette organisation si riche en semences secondes tout le parti qu’il aurait pu ? […] Arago, introduisant une idée française au milieu de la société de nos voisins, s’étonne après cela que Watt n’ait pas été nommé en son temps pair d’Angleterre : « La pairie est en Angleterre, dit-il, la première des récompenses.
Il exprimait ses idées avec clarté parce qu’il les disposait avec ordre. […] Celui qu’une longue expérience a formé, l’emporte sans doute par la précision des idées ; il a rassemblé plus de faits, et la vérité lui est mieux connue : on y parvient plus difficilement avec l’autre, mais on la désire plus vivement, et il sait mieux la faire aimer. […] Il faut qu’à une mémoire sûre ils joignent une élocution facile et un jugement exercé ; il faut que leurs idées s’offrent comme à volonté et dans le plus grand ordre à leur esprit. […] Il y a bien des années que, lisant de suite ce recueil des notices historiques de Vicq d’Azyr, simple étudiant alors et en chemin d’être médecin moi-même, mais hésitant encore entre plusieurs velléités ou vocations, il m’a été donné d’en saisir le doux intérêt et le charme ; en passant de l’un à l’autre de ces personnages, je sentais varier mes propres désirs ; chacun d’eux me disait quelque chose ; l’idée dominante que l’auteur avait en vue et qu’il exprimait dans la vie de chacun de ces savants m’apparaissait tour à tour et venait me tenter, même lorsque cette idée dominante n’était que des plus modestes : car il y a cela de particulier dans la touche de Vicq d’Azyr, qu’une sorte de sympathie y respire et que le coloris léger n’y dérobe jamais le fonds humain. […] Je regrette qu’il ait mis le laurier, mais l’idée est bien juste.
Mettons d’abord le lecteur au fait de tout ceci, car le nom et l’idée que j’y applique lui sont probablement choses nouvelles. […] On ne s’intéresse pas à ce Marius qui n’est nullement un personnage intéressant, et que son biographe est trop exact pour nous montrer tel ; et l’auteur n’a pas su introduire quelque idée supérieure à la fois et juste, qui rattache cette vie à toute son époque, et qui fasse qu’on se rattrape par ce côté. […] Favre s’est attaché à suivre cette métamorphose de l’idée d’Alexandre chez les différents peuples bien avant ce qu’on appelle le Moyen Âge et dès les derniers siècles de l’Antiquité. […] On voudrait que, dans tout résultat d’étude littéraire, l’idée morale dominât ou, du moins, entrât pour quelque chose, que l’intérêt humain y eût sa part, et que l’âme de celui qui cherche s’adressât de temps en temps par quelque reflet à l’âme de celui qui ne demande pas mieux que de le suivre. […] Moi, j’ose penser qu’un tel homme, doué de cette réunion d’avantages, serait tellement heureux que l’on ne peut se faire l’idée d’une situation plus agréable, même en paradis ; il n’y manquerait que la durée pour avoir ainsi le ciel sur la terre.
Ce fils d’un rhéteur grec et d’une fille campanienne sent tout le parti qu’il peut tirer de cet Africain robuste, brutal, superstitieux et brave ; lui, il est lâche à l’action, mais hardi partout ailleurs, fertile en idées, l’homme aux expédients : tous deux ils se doublent et se complètent. […] Mâtho, qui n’a qu’une idée fixe, passe d’abord son temps à rôder comme un fou autour des murs, à monter dans les arbres pour chercher à voir de plus loin, ou encore à nager le long des falaises et à essayer d’y grimper ; car Carthage, bâtie dans un isthme, entre la mer et des lacs salés, était défendue par les eaux autant que par ses murailles. […] La bête furieuse l’enveloppait du battement de ses ailes ; il l’étreignait contre sa poitrine, et à mesure qu’elle agonisait, ses rires redoublaient, éclatants et superbes comme des chocs d’épées. » Est-ce donc que le génie d’Hannibal appelle avec lui l’idée d’une si fabuleuse enfance ? […] Où donc l’auteur a-t-il pris une pareille idée des Conseils de Carthage ? […] L’idée d’une immolation d’enfant, pour apaiser Moloch, circule parmi le peuple.
On ne sait rien de l’auteur qu’on n’a même eu l’idée d’appeler Longus que parce qu’on avait mal lu, à ce qu’il paraît, le titre d’un ancien manuscrit. […] Du reste, nulle idée de bonté morale ne se mêle à ce tableau et ne vient l’épurer et l’embellir. […] « Il y a aussi, reprenait d’Eckermann faisant écho et tout vibrant de la parole du maître, il y a tous les degrés de la vie humaine, de la naissance à la vieillesse ; et les différents tableaux d’intérieur que les saisons différentes amènent avec elles passent tour à tour devant nos yeux. » — « Et le paysage, s’écriait Goethe, revenant sur sa première idée, le paysage ! […] Ne jugeons pas les produits et les fleurs d’une civilisation avec les idées d’une autre. […] Frédéric Jacobs, dans la Préface de sa traduction allemande de Longus, développe peu près les mêmes idées que Gœthe.
Qui donc a pu avoir une pareille idée ? […] Aujourd’hui je comprends bien ce que vous voulez appeler la responsabilité délicate qui vous est échue : il s’agit de choisir, d’élaguer, de remplir le vœu dernier d’un poëte, en n’admettant rien qui soit de nature à nuire à sa mémoire ou à affaiblir l’idée qu’on veut donner de son talent. Boulay-Paty était un vrai poëte, c’est-à-dire qu’il était cela et pas autre chose ; il avait le feu sacré, la religion des maîtres, le culte de la forme ; il a fait de charmants sonnets61, dont je comparais quelques-uns à des salières ciselées, d’un art précieux ; mais les salières n’étaient pas toujours remplies : il avait plus de sentiment que d’idées. […] Il avait l’exaltation poétique, l’ardeur et la chaleur au front, plutôt que le renouvellement intérieur et l’idée. […] Il y aurait à faire de Jasmin un choix exquis ; on aurait soin d’en bannir tous les compliments, exagérations, dédicaces, madrigaux empommadés et fadeurs : ce qui resterait serait bien d’un poëte. — Je recommanderai à ceux qui voudraient se faire une idée assez complète du mouvement actuel et de l’entreprise des Félibres une Étude sur la Littérature et la Poésie provençales, par M.
On pourrait même, si on l’étudiait avec suite, non-seulement dans ses poésies, mais dans ses articles de journaux et dans ses brochures, comme je viens de le faire rapidement, on pourrait le présenter comme un type parfait de cette première jeunesse royaliste et bourbonienne à bonne fin, amie et enthousiaste de la Restauration, de laquelle elle ne séparait pas l’idée de liberté ; datant en politique de la protestation de M. […] On dirait véritablement que l’histoire littéraire, comme la nature, à la veille d’une grande création, au moment où elle va enfanter et produire un grand individu nouveau, s’essaye et prélude par des ébauches moindres, par des moules préparatoires un peu indécis, mais approchants, qui donnent déjà quelque idée du prochain génie, mais qui, à son apparition, se brisent comme inutiles avant de s’achever et de s’accomplir. […] Les poètes en général, si l’on excepte le grand Lucrèce, ont considéré le spiritualisme et les idées religieuses comme la région naturelle où respire et se meut à l’aise la poésie. […] C’est d’ailleurs se méprendre, selon moi, que de penser que Victor Hugo ait voulu être systématiquement malveillant pour la Restauration, et l’idée générale du chapitre me paraît autre. […] Je me figure que c’est cette idée qui a inspiré les pages de M.
Il est très souvent « l’homme qui a des idées à lui » et qui serait fâché qu’elles fussent à d’autres. […] Quand il veut bien démonter une pièce, c’est merveille comme il en dégage l’idée première, comme il en saisit le fort et le faible, comme il met le doigt sur le point où le drame dévie. […] Et il a les deux sortes d’esprit : celui qui est comme la fleur du bon sens et celui qui est comme la fleur de l’imagination ; celui qui consiste à saisir des rapports inattendus entre les idées, et celui qui réside dans l’imprévu abondant des images. […] C’est là une de ses idées les plus personnelles et les plus chères, une de celles qu’il a le plus souvent développées, et dès janvier 1858, dans le plus long chapitre de ses Essais sur l’histoire de la littérature française. Il a d’ailleurs repris maintes fois et résumé ce chapitre célèbre : … Le second Augier (celui desEffrontés, desLionnes pauvres, etc. ) est le produit d’un moment spécial de nos mœurs et de nos idées, et d’un moment triste.
Il y a l’auteur tragique qu’on ne lit plus et qu’on peut difficilement relire, celui qui eut l’idée d’introduire sur notre théâtre des imitations de Shakespeare sans savoir l’anglais, et qui, dans l’avertissement qui précède son Hamlet (1770), disait naïvement : Je n’entends point l’anglais, et j’ai osé faire paraître Hamlet sur la scène française. […] Au milieu de ces imitations de l’anglais, il eut l’idée de combiner une double imitation de Sophocle et d’Euripide, et il fit Œdipe chez Admète. […] Il n’était pas de ceux à qui il faut demander une grande logique ou une suite exacte dans les idées et dans les actions : « son âme était plus forte que sa tête », et, pourvu que sa conscience fût nette, il n’en était pas à une contradiction près. On l’a loué d’avoir refusé, en octobre 1793, la place de conservateur de la Bibliothèque nationale devenue vacante par la démission de Chamfort, et que le ministre Paré lui offrait : mais il est remarquable qu’à cette date, où Chamfort lui-même était dépassé, on ait eu l’idée de la lui offrir. […] Et à Bernardin de Saint-Pierre, il exprime la même idée par une autre image : Je ne sais plus trop quand je reviendrai à Paris.
Du reste, aucun souci n’apparaissait en lui de se faire des idées générales ou de se munir d’observations. […] On étudie l’homme pour en avoir une idée bien incomplète, mais encore une idée ; dans les psychologues, dans les moralistes, dans les philosophes, pour voir quelle idée générale il se fait de l’ensemble des choses et par conséquent quelles sont les tendances générales, très différentes, du reste, de son âme ; dans les historiens, pour voir ce qu’il a été aux différents temps, ce qui élargit et complète et fait plus vraie la notion qu’on peut avoir de lui ; en lui-même enfin, ce qui n’est qu’une façon de parler et ce qui veut dire qu’on regarde avec attention ses amis, ses voisins et les gens que l’on rencontre. […] À cette époque, il eut une idée, la seule qu’il ait eue de sa vie. […] Il avait dans l’idée de peindre des gens de haute classe, des bourgeois, des ouvriers, des artistes, des paysans, comme tout romancier plus ou moins réaliste, et il trouvait ingénieux et de nature à donner un air scientifique à ses ouvrages, du moins aux yeux des commis-voyageurs, d’établir entre ces différents personnages des liens imaginaires et tout arbitraires de parenté et d’alliances.
Comment l’idée de Maine de Biran aurait-elle pu jeter des racines et se développer dans cette dispersion indéfinie ? […] Leibniz était plus près de ce point de vue ; toutefois Biran, dans son écrit admirable sur ce grand philosophe, nous le montre encore plus attaché à l’idée ontologique de la substance qu’à l’idée psychologique du sujet pensant. […] Cependant leurs idées, lorsqu’elles passent dans le vulgaire, prennent en quelque sorte une forme solide et grossière qui fournît par là même de nouveaux prétextes aux réactions sceptiques et matérialistes. […] De là, par exemple, cette représentation tout imaginative de l’âme, qui nous la montre dans le corps « comme un pilote dans son navire », selon l’expression d’Aristote, et en dehors de Dieu comme un homme est en dehors de sa maison, — de là cette idée de substance suivant laquelle l’âme serait une espèce de bloc solide, revêtu de ses attributs comme un homme de son manteau. […] De l’idée de chose extérieure, il résulte manifestement et immédiatement cette conséquence qu’une telle chose (en supposant qu’il y en ait de semblables) ne peut être connue que par le dehors, c’est-à-dire par ses manifestations.
La valeur des idées est la seule chose qui importe. […] C’est l’indignation de voir cet enseignement piétiner dans sa routine qui nous a mis la plume à la main ; ce sont les mauvaises méthodes qui nous ont donné l’idée d’en proposer une qui fût meilleure, ou du moins qui fût profitable. […] Personne ne pense à exposer la méthode et à préciser comment on fait une bonne phrase, par quel travail acharné on parvient à la rendre excellente, définitive, comment on traduit, on pousse, on fait resplendir une idée. […] Ce que je propose, évidemment, ce sont mes jugements, mes idées, mon goût personnel. […] Critiques ou producteurs, nous écrivons tous pour proposer nos idées, nos convictions ou nos images.
… Et cependant, s’il y avait un sujet sur lequel les idées philosophiques de l’auteur pouvaient porter et déteindre, c’était le fond de ces nouvelles, qui n’est pas d’invention chez Babou, et sur lequel il a détaché des combinaisons et des personnages. […] heureusement, l’homme d’idées dans Babou n’a point fait tort à l’artiste, et l’artiste n’est point sorti de la nuance harmonieuse hors de laquelle il n’y a ni vérité ni charme. […] — cette voyoue de toutes les publications contemporaines ; car, faute d’idées dans ce temps vide, tout le monde éreinte la même à force de grimper dessus ! […] Qui donc, excepté la tante Bénigne, aurait eu l’idée de cloîtrer ainsi ses oreilles ? […] Ce n’est pas tout que des aperçus inattendus qui viennent tout à coup casser les glaces dans lesquelles chacun vient bêtement mirer son absence de pensée, comme, par exemple, cette théorie de la volonté spirituelle opposée par Babou à cette idée déjà commune, déjà décrépite, de l’influence fataliste des tempéraments.
Le goût de notre époque, qui s’est reporté sur les vieux papiers et qui a mis l’inédit en honneur, favorisait cette idée, qui, toute de curiosité pour nous, est une idée de piété chez ceux qui l’ont conçue. […] Cette tante indulgente, mais que les idées monastiques rendaient sévère, considérait le mariage comme un état de déchéance ou du moins d’infériorité, et elle ambitionnait quelque chose de mieux et de plus digne pour l’avenir de son neveu. […] Je doute qu’il en ressorte quelque idée plus avantageuse de la spirituelle et très maniaque marquise, qui, sous prétexte de faire son salut, s’était logée tout contre Port-Royal, et ne cessait d’y occuper, d’y harceler et d’y faire enrager les mères. […] Ayant quitté la maison de Paris en 1669, et s’étant retiré dans les dehors de la maison des Champs, lorsque les Sœurs y furent réunies, il eut la charitable idée de leur faire bâtir un cloître (car l’ancien bâtiment incomplet était devenu trop étroit), et il fut assez estimé d’elles pour leur faire accepter son bienfait.
On sent, en lisant ces paroles unies et en s’approchant de près du personnage, combien il y avait peu, dans la religion toute réelle et pratique de ce temps-là, de cette poésie que nous y avons mise après coup pour accommoder l’idée à notre goût d’aujourd’hui et pour nous reprendre à la croyance par l’imagination. […] On serait très-aisément disposé ainsi de nos jours ; on irait faire volontiers un pèlerinage dont on parlerait longtemps ensuite, et dont on raconterait au public les moindres circonstances et les impressions ; mais il y a dans l’idée de durée attachée à une telle vie quelque chose qui effraie, qui glace et qui rebute ; or ce quelque chose, on le ressent inévitablement à chaque page des lettres du réformateur de la Trappe. […] Cela est vrai de l’aveu de Rancé lui-même, et il nous l’exprime à sa manière, quand il dit (lettre du 3 octobre 1675) : « Puisque vous voulez savoir des nouvelles de notre affaire, je vous dirai, quelque juste qu’elle fût, qu’elle a été jugée entièrement contre nous ; et, pour vous parler franchement, ma pensée est que l’Ordre de Cîteaux est rejeté de Dieu ; qu’étant arrivé au comble de l’iniquité, il n’étoit pas digne du bien que nous prétendions y faire, et que nous-mêmes, qui voulions en procurer le rétablissement, ne méritions pas que Dieu protégeât nos desseins ni qu’il les fît réussir. » Il revient en plusieurs endroits sur cette idée désespérée ; son jugement sur son Ordre est décisif : les ruines mêmes , s’écrie-t-il, en sont irréparables . […] Cet abbé Nicaise, que Rancé avait connu durant son voyage de Rome, était, comme on sait, le plus infatigable écriveur de lettres, le nouvelliste par excellence et l’entremetteur officieux entre les savants de tous les pays ; c’était un Brossette avec beaucoup plus d’esprit et de variété ; il ne résistait pas à l’idée de connaître un homme célèbre et d’entretenir commerce avec lui. […] C’est toujours un rôle délicat de donner des conseils sur un ouvrage dans lequel on se trouve loué, soit que, comme M. de La Rochefoucauld, on revoie d’avance l’article que Mme de Sablé écrivait pour le Journal des Savants sur le livre des Maximes, soit qu’ici, comme Rancé, on soit simplement consulté par l’auteur sur la Relation d’un voyage à la Trappe, et qu’on lui suggère quelque idée de ce dont il serait plus à propos de parler : « Comme, par exemple, du nouvel air que vous respirâtes en arrivant dans la terre où habitent des gens qui font précisément et uniquement dans le monde ce qu’ils sont obligés d’y faire, etc., etc. ; faire un petit éloge de la solitude et des solitaires, autant que le peu de moments que vous les avez vus vous ont permis de les connoître, etc., etc. » Hâtons-nous de corriger ce que notre remarque semblerait avoir d’un peu railleur et enjoué, en déclarant qu’à part ce passage, rien dans cette correspondance n’accuse le moindre vestige subsistant d’amour-propre mondain ni de vanité.
Ainsi s’oriente le monde vers la « sensibilité », vers l’idée d’abord et le désir, peu à peu vers la réelle capacité des plaisirs du sentiment. […] Le goût est fixé par des règles traditionnelles, qui sont concertées pour l’expression des idées, pour la facilité de l’analyse, du raisonnement, pour l’acquisition de la connaissance abstraite. […] Enfin la langue des livres et des salons est un système délicat de signes aptes à représenter des idées ; elle est indigente de formes figuratives des choses concrètes, vide de propriétés évocatrices des émotions. […] Dès qu’on veut l’employer à représenter des sensations, des passions, plutôt que des idées, des impressions plutôt que des déductions, elle sonne faux ; elle se tend, et craque ; elle se boursoufle, et bâille. […] Il a mis toutes ces notions en vers réfléchis, exacts, ingénieux, froids, il a su par ses épithètes et ses périphrases prévenir en nous toute velléité de sensation, et nous retenir aux idées sans jamais atteindre la nature.
L’éducation théologique du clergé moderne, quoique très sèche, ne peut donner aucune idée de cela ; car la Renaissance a introduit dans tous nos enseignements, même les plus rebelles, une part de belles-lettres et de bonne méthode, qui fait que la scolastique a pris plus ou moins une teinte d’humanités. […] Le temple, du reste, formait un ensemble merveilleusement imposant, dont le haram actuel 602, malgré sa beauté, peut à peine donner une idée. […] À mesure que les grandes idées d’Israël mûrissaient, le sacerdoce s’abaissait. […] Les hommes célèbres du Talmud ne sont pas des prêtres ; ce sont des savants selon les idées du temps. […] Quelques partisans des idées messianiques avaient déjà admis que le Messie apporterait une loi nouvelle, qui serait commune à toute la terre 629.
La rencontre de ce grand fleuve produisit en lui ce qu’aucun incident de son voyage ne lui avait inspiré jusqu’à ce moment, une volonté de voir et d’observer dans un but déterminé ; fixa la marche errante de ses idées, imprima une signification presque précise à son excursion d’abord capricieuse, donna un centre à ses études, en un mot le fit passer de la rêverie à la pensée. […] Le voyageur a marché toute la journée, ramassant, recevant ou récoltant des idées, des chimères, des incidents, des sensations, des visions, des fables, des raisonnements, des réalités, des souvenirs. […] Une fois que cette idée lui apparut, elle lui apparut non comme une idée, mais comme un devoir. […] Il commence comme un ruisseau ; traverse un ravin près d’un groupe de chaumières, sous un petit pont d’une arche ; côtoie l’auberge dans le village, le troupeau dans le pré, la poule dans le buisson, le paysan dans le sentier ; puis il s’éloigne ; il touche un champ de bataille, une plaine illustre, une grande ville ; il se développe, il s’enfonce dans les brumes de l’horizon, reflète des cathédrales, visite des capitales, franchit des frontières, et, après avoir réfléchi les arbres, les champs, les étoiles, les églises, les ruines, les habitations, les barques et les voiles, les hommes et les idées, les ponts qui joignent deux villages et les ponts qui joignent deux nations, il rencontre enfin, comme le but de sa course et le terme de son élargissement, le double et profond océan du présent et du passé, la politique et l’histoire.
Mais ce que je veux surtout, c’est traiter Buloz comme une idée générale… Je veux lui faire cet honneur… Je ne connais d’ailleurs personne qui soit plus que lui sain à étudier, car le succès est peut-être la plus grande corruption de l’âme humaine, et Buloz le fait dédaigner, II Il est né en 1803, à Vulbens, près de Genève, pays commerçant et puritain. […] En 1831, il reprit l’idée de la Revue des Deux Monde 23 de moitié avec Bonnaire, qui publiait plus tard la Revue de Paris. […] Fils des circonstances, comme Napoléon, ç’a été sa seule manière de lui ressembler, car il n’était guère besoin de génie pour deviner que l’établissement d’une revue était une excellente affaire au moment où il se trouva pour une moitié d’idée dans l’établissement de la sienne. […] Il y en a d’autres qui vous donnent l’idée du goût péremptoire de ce châtreur, qui ne reçoit qu’à mutilation les articles qu’on lui adresse. […] L’humeur célèbre du directeur de la Revue des Deux Mondes est arrivée à ce point que son visage, qui n’a pas précisément la beauté de Saint-Mégrin, quoiqu’il soit borgne comme lui, ne donne point une idée de l’intérieur de son âme.
Ce n’en est pas moins toujours, quel qu’en soit l’instrument, le parricide de l’idée chrétienne dont nous sommes tous les fils et qu’on frappe au cœur ! […] L’idée de cette conclusion n’appartient pas à M. […] Boissier fait à fond cette critique, — qu’il avait connu saint Paul, et que si saint Paul ne l’avait pas converti, il l’avait, du moins, imprégné et saturé d’idées chrétiennes. […] Gaston Boissier fait donc reculer l’idée chrétienne jusqu’à Cicéron. […] C’était affaire d’idée !
Ses idées étaient nettes, précises, et rendues avec ordre et clarté. […] et l’idée qu’on paraît s’en former aujourd’hui est-elle plus juste ? […] Dans son jugement de Rhadamiste, qui parut en brochure, le critique, après avoir reconnu qu’il y a dans la pièce des traits hardis, heureux, et des situations intéressantes, se met à la suivre scène par scène et à démontrer les invraisemblancesk, les incohérences du sujet, l’action peu liée, les caractères peu soutenus ; il n’en laisse à peu près rien subsister : Enfin, dit-il, je n’ai pas d’idée d’avoir jamais lu une tragédie plus embarrassée, plus fausse, et moins intelligible ; j’ai l’avantage de pouvoir dire ici tout ce que je pense, sans crainte de faire tort à l’auteurl ; car, ou je m’égare dans le jugement que j’expose, et en ce cas le public le vengera de moi, ou le public déférera à mes remarques, et en ce cas même il en rejaillira beaucoup de gloire à M. de Crébillon : on estimera à la vérité un peu moins sa pièce, mais il paraîtra d’autant plus grand, qu’il aura mieux trouvé l’art de fasciner les esprits, en leur cachant les défauts de sa tragédie à force de splendeur et de magnificence. […] La plupart des gens croient avoir donné une haute idée de leur goût lorsqu’ils ont reproché durement à un auteur quelques fautes sensibles de son ouvrage.
Cet homme, naguère si grand et si utile, d’un caractère fort, d’un génie profond et spécial, mais à idées fixes, irritable d’orgueil aussi bien qu’étroit d’intelligence, s’était laissé circonvenir et duper par la faction astucieuse qui rôdait autour de Moreau, achetait Pichegru et conspirait contre la république. L’idée de corrompre Carnot eût été par trop absurde ; mais, disposé comme il l’était en ce moment, lassé du régime des coups d’État, troublé peut-être de quelques importuns souvenirs, et, par une sorte d’expiation, voulant désormais l’ordre légal avec autant d’énergie qu’il avait voulu la dictature, il y avait moyen de l’entreprendre et de l’abuser. […] Telle nous semble l’idée de l’historien, idée grande et hautement vraie, sauf les restrictions que doivent toujours recevoir les vues de cet ordre dans leur application aux faits.
Cela tenait à une dissemblance d’humeur, à une incompatibilité d’idées extraordinaire. […] C’est du grand Flaubert, des Goncourt, de Zola et de Barbey d’Aurevilly que relève, dans des proportions qu’il importe peu d’établir, la prose, qui n’évolue pas précisément, ainsi qu’on l’a dit, dans un sens analogue à la poésie. » Après avoir développé ses idées, Alfred Vallette concluait : « On peut dès maintenant affirmer que la littérature de notre fin de siècle ne sera pas symboliste… En d’autres nations, en la mystique Allemagne par exemple, peut-être le Symbolisme — guéri de ses manies solitaires de vieillard vicieux — s’infuserait-il dans la prose. […] La Vogue était convertie aux idées d’évolution. […] Au milieu de l’an 1884, Léo d’Orfer avait eu l’idée de demander à « bon nombre d’écrivains et de poètes » une définition de la poésie.
Les plus grands philosophes n’ont qu’une idée qui tyrannise leur esprit. […] III Et d’abord il n’a pas de vue générale bien distincte ni d’unité de composition ; l’idée qu’il exprime, il la bégaye. […] Qu’ils soient, en effet, des idées générales ou des faits particuliers, des philosophies ou des histoires, les livres sont toujours des opinions et des enseignements. […] Ces trois parties, qui ne sont pas reliées entre elles par le tracé vigoureux de l’idée ou par l’artifice de la composition, semblent, du reste, avoir été faites pour l’usage de quelque journal ou de quelque revue, puis plaquées dans ce livre sans que l’auteur plus se soucie de leur ordonnance.
La maison Jannet s’est surtout distinguée dans ce progrès de la librairie que nous venons de signaler ; elle a eu la première l’heureuse idée de renouveler la forme si connue et si estimée des Elzévirs. […] Quand, au xixe siècle, on réédite et l’on commente les Caractères de La Bruyère, après les gens de goût, cette race de lilliputiens littéraires, après Coste, Suard, Auger, madame de Genlis, il est exigé par la Critique du xixe siècle, cette Critique qui s’élève jusqu’aux idées par l’expression et jusqu’à l’homme par les idées, de creuser plus avant que des remarques grammaticales et des appréciations de Le Batteux. […] En effet, dans ses appréciations littéraires et grammaticales, tracées du bout des doigts et de la plume, dans ces petites notes qui sont de véritables épluchettes, il se montre souvent fort collet-monté, et un fait que nous citerons donnera mieux l’idée de la portée de ce commentateur que tout ce que nous pourrions ajouter : « Parler et offenser — dit quelque part La Bruyère — est pour de certaines gens absolument la même chose.
Ils avaient dû certainement aviser l’objet, dans son coin sommeillant, mais ils n’avaient pas osé réveiller le chat qui dormait ; car c’était pour eux un chat, que ce manuscrit, roulé et tapi dans son carton, qui aurait sauté à la figure de leurs idées, de leurs manières de voir, de leurs portraits, et qui les aurait mis en pièces… Songez donc ! […] À partir de ce Journal, les idées courantes sur Louis XVI seront prises au collet, mais par lui, et ne devront plus courir… Il s’arrêtera lui-même, comme Harpagon. […] Idée profonde ! […] Nicolardot émerveillé a risqué cette grande épithète de Nemrod, et c’est comique, l’effet de ce nom appliqué au Louis XVI des idées communes, à cet homme bonhomme avant le temps, à ce ventru, à ce gros pacifique auquel nous sommes accoutumés.
Parti de lord Byron avec la fougue que lord Byron communique à tous ceux qui l’aiment, il a fini par aboutir, dans son ralentissement d’ardeur, à Gray et à sa mélancolie ; mais, dans ce détiédissement d’un rayon qui n’est plus que doux et qui avait été brûlant, il n’a jamais dépouillé cet air que j’appelle l’air poétique anglais, et qu’il a encore dans les cendres de son Couvre-feu quand il caresse la tête de ses deux enfants et qu’il rabat jusqu’à eux et à leur souvenir cette hautaine idée de la gloire comme nous l’avons dans la jeunesse. […] Un exemple nous suffira pour donner une idée de la manière générale et habituelle du poète. […] Mais n’y a-t-il pas dans cette poésie antithétique, dure, noueuse, qui heurte, dans un rapprochement si imprévu, l’idée de la vallée de Josaphat contenant le monde ressuscité à la fin des temps et l’idée du champ de la mémoire contenant aussi l’univers et son passé dans la tête de chaque homme en particulier, n’y a-t-il pas quelque chose de cherché, d’efforcé, d’insolite, qui sent l’alchimie d’un cerveau plus ou moins puissant, mais qui n’est pas l’originalité franche des grands poètes, — qui n’est pas le sang pur et si facilement jaillissant de la véritable originalité ?
Quand on n’a pas d’idées à soi et qu’on a le cœur vide, des hommes faits pour rester d’honnêtes lettrés toute leur vie ramassent dans la poussière de toutes les civilisations des détritus d’idées sur lesquelles le monde entier a passé, et ils se bâtissent avec cela, qui des poésies, qui des systèmes d’histoire, en se croyant très candidement des inventeurs. […] Je ne croirai jamais, pour mon compte, qu’on ait la vocation d’être Indien quand on est Français ; je ne croirai jamais qu’à l’état sain, sans opium et sans hatschich, un homme proprement organisé puisse être fasciné par les sentiments et les idées de l’Asie, cette rêveuse à vide, cette grande bête de l’Apocalypse ruminante ! […] V M. le Conte de L’Isle ne montera pas, étouffé deux fois par le vide d’idées et par le trop-plein de cette description éternelle qui n’est plus chez lui une manière, mais une manie.
Radical d’un radicalisme absolu, mais à l’antipode de toutes les idées de celui qui écrit ces lignes et qui est peut-être un radical aussi à sa façon, Ranc a commencé, comme la plupart d’entre nous, par le journalisme, cette improvisation au jour le jour qui est en train de tuer et de remplacer la littérature. […] Chez Ranc, au contraire, excepté un mufle assez drôle d’espion, qui voudrait avoir aussi sa petite conspiration pour faire croc-en-jambe à la police, — fantoche d’espion, qui est aux terribles et impérissables figures de Contenson et de Corentin (dans Une ténébreuse affaire) ce que le Brididi du vaudeville serait aux plus glaçantes figures de Shakespeare ; — excepté ce marmouset d’une originalité comique, dont l’idée était heureuse, mais qu’il fallait creuser davantage, il n’y a pas un personnage vraiment individuel dans ce Roman d’une conspiration. […] Cette idée — militaire — d’une conspiration, a fasciné le polémiste, qui allait continuer de faire la guerre à tout ce qu’il hait, en la racontant… C’était si bien cela, et si peu la vocation du romancier qui le décidait, que le livre lui-même — ce Roman d’une conspiration — ne semble qu’un prétexte pour lancer toutes les bordées d’un esprit de parti accumulé, exaspéré depuis des années au fond d’un homme, et d’un homme qui a les sentiments très profonds. […] Je reconnais toutes les idées de la minute présente.
Elle anime ses images, elle préside à son harmonie, elle répand la vie et une grâce sublime sur les fonds qui représentent ses idées ; souvent elle donne à son style ce caractère céleste que les artistes grecs donnaient à leurs divinités ; comme l’Apollon du Vatican, comme le Jupiter olympien de Phidias, son expression est grande et calme ; son élévation paraît tranquille comme celle des cieux : on dirait qu’il en a le langage ; son style ne s’élance point, ne s’arrête point ; les idées s’enchaînent aux idées, les mots qui composent les phrases, les phrases qui composent les discours, tout s’attire et se déploie ensemble ; tout se développe avec rapidité et avec mesure, comme une armée bien ordonnée qui n’est ni tumultueuse, ni lente, et dont tous les soldats se meuvent d’un pas égal et harmonieux pour s’avancer au même but. […] C’est celui que Caton, prêt à mourir, relut deux fois pour s’affermir dans l’idée de l’immortalité.
Par quel prodige les mêmes hommes, comme autant de maîtres Jacques, pourraient-ils avoir non seulement d’autres dehors, mais d’autres idées, d’autres sentiments, une autre âme, en passant d’un domaine à un autre domaine de l’activité humaine ? […] Les faits de toute nature, qu’il rencontre chemin faisant, n’ont pas pour lui d’intérêt en eux-mêmes, ils ne méritent de l’arrêter que par leurs rapports avec les idées, les sentiments ou les formes qui se manifestent dans les œuvres littéraires de l’époque. […] L’idée se trouve aussi dans Spencer ; et elle a été même fort exagérée par certains sociologues.
La seule idée qu’on pourra être enterrés ensemble ne crée-t-elle pas une sorte de parenté ? Un monde d’idées nouvelles, ou plutôt de sentiments s’agitaient. […] Arrivés à la strophe sublime, « Liberté, Liberté chérie », beaucoup, en chantant, regardaient leur voisin chanter et croyaient recevoir de lui une promesse fraternelle, un consentement à toutes les idées.
. — C’est le propre des barbares d’agrandir et d’étendre toujours les idées particulières. Les esprits bornés, dit Aristote dans sa Morale, font une maxime, une règle générale, de chaque idée particulière. La raison doit en être que l’esprit humain, infini de sa nature, étant resserré dans la grossièreté de ses sens, ne peut exercer ses facultés presque divines qu’en étendant les idées particulières par l’imagination.
Delacroix a sans doute, comme Michel-Ange, supprimé l’accessoire pour ne pas nuire à la clarté de son idée. […] Que Lavater se soit trompé dans le détail, c’est possible ; mais il avait l’idée du principe. […] Une fois vous avez voulu faire l’Amour de soi-même, — une grande et belle idée, une idée souverainement féminine, — vous n’avez pas su rendre cette âpreté gourmande et ce magnifique égoïsme. […] J’ai toujours eu l’idée que M. […] Est-il raisonnable de permettre à quelques citoyens de s’abrutir et de contracter des idées fausses ?
Rodenbach a pour raison l’empêchement qu’il apporte à l’intelligence de ses idées. […] Guesde, Lafargue, de ceux qu’elle aime et de ceux qu’elle n’aimé pas, pour avoir idée de sa verve inspirée. […] On y découvrit aussi un petit cochon, et l’idée vint à un des spectateurs de lui donner une sépulture dans son estomac. […] Mais il est temps de lui laisser la parole, et je copie cette page de ses remarques sur la genèse et la diffusion des idées nouvelles. […] Toute idée doit passer en acte.
Il faut retrouver l’idée sous le symbole. […] L’idée est encore tout à fait intéressante. […] Ce ne sont pas les seules idées mais les intérêts qui mènent les hommes. […] Quelle étrange idée d’aller s’en prendre à M. […] On regrette que l’idée de la pureté en tout n’ait pas fait effacer à M.
Elle eut la passion des idées. […] Savez-vous quelle idée me poursuivait ? […] Son syncrétisme est d’autant plus large qu’il embrasse des idées pures. […] Il faut avoir l’esprit largement ouvert sur la vie et sur les idées. […] Il a des idées sur toutes choses.
Vainement il essaya de secouer cette idée, et de continuer quelque temps sa marche : le charme avait disparu ; il revint à la hâte sur ses pas, et se renferma tout le jour. […] Il avait compté être protégé, mais non exploité par eux ; son caractère noble se révolta à cette dernière idée. […] Il entre aisément dans les idées de tout le monde, et pourtant il a des idées à lui, auxquelles il tient, et avec raison. […] Les encouragements superficiels du dehors le replongent dans l’idée de sa fausse situation, et le navrent. […] L’idée de s’associer aux êtres élus qui chantent ici-bas leurs peines, et de gémir harmonieusement à leur exemple, lui sourit au fond de sa misère et le releva un peu.
Ils ont créé des idées. […] Une autre idée fixe de M. […] Est-ce qu’un Léonard de Vinci ou un Beethoven n’avaient point d’idées générales ? […] Les plus rayonnants spectacles lui suggèrent des idées de désolation. […] Ce long labeur sur un même sujet indique un esprit scrupuleux et très attaché à ses idées.
C., faut croire que ça le flatte dur, puisque l’idée lui revient au premier coup qu’il boit. […] Mais de philosophie ou d’idées, l’école n’en a pas ou n’en a que d’emprunt. […] Et ce qu’ils disent ainsi n’est pas toujours d’accord avec l’idée que nous prenions d’eux. […] Jules Lemaître a tiré mille et mille idées, et comme une philosophie éparse dans des feuilles détachées. […] L’Idée, à son tour, ne doit point se laisser voir privée des somptueuses simarres des analogies extérieures ; car le caractère essentiel de l’art symbolique consiste à lie jamais aller jusqu’à la conception de l’Idée en soi… ».
L’émigration du clergé français a beaucoup servi à répandre ces idées. […] L’idée primitive du Minstrel est charmante, et la plupart des détails en sont très agréables. […] Il faut des passions brûlantes ou un grand génie pour enfanter de grandes idées. […] Pour se faire une idée nette du point de départ et des voyages de M. […] Chardin, Pococke et Tournefort, sont peut-être les premiers qui aient eu cette heureuse idée.
L’idée de domicile vient naturellement. […] L’idée de paternité ne s’attachait donc pas à ce mot. […] Il est naturel que l’idée morale ait eu son commencement et ses progrès comme l’idée religieuse. […] Tous ces mots portent en eux l’idée de filiation. […] Car il n’avait pas encore l’idée de l’univers.
Si je pouvais vous faire lire dans mon âme, et vous donner du monde l’idée que j’en ai, tous vos désirs et vos regrets s’évanouiraient à l’instant. […] J’avoue que je ne me serais jamais fait l’idée d’une situation semblable à la vôtre. […] Nous ne vivions cependant pas dans cette intimité délicieuse dont je me fais une idée, et qui devrait unir des amis malheureux. […] Un seul trait pourra vous donner une idée de sa tendresse pour moi. […] À mesure que mes idées s’éclaircissaient, j’éprouvais un sentiment de paix indéfinissable.
La forme extérieure d’un roman commence au style, et aimer un certain style, c’est pour un lecteur éprouver que les conditions de sonorité, de couleur, de précision, de grandeur et d’éloquence, suivant lesquelles les mots ont été choisis et assemblés, sont celles qui réalisent ou du moins qui ne choquent pas son idée vague de la propriété et de la beauté du langage, idée qui lui est personnelle, qui le caractérise puisque son voisin peut ne pas la partager, qui fait donc partie du cours de ses pensées et aide à le définir. […] Avec cette idée de l’homogénéité primitive, Hennequin renoue avec le vocabulaire de Spencer, dont la « loi d’évolution », héritée des travaux de l’embryologiste van Baer, et de ceux du neurologue Jackson, transposée et élargie au phénomène sociaux-historiques, va du plus homogène au plus hétérogène. […] L’idée de « loi des dépendances mutuelles » est un emprunt à la méthode analytique de Taine, elle-même héritière sur ce plan des sciences de la nature. […] C’est l’idée même de littérature nationale, hautement controversée à cette date, que la psycho-sociologie de la réception remet en cause ici. […] Hennequin apporte sa contribution personnelle aux multiples discussions suscitées au xixe siècle dans la critique par l’idée que la littérature puisse être, selon le mot fameux de Bonald, « l’expression de la société ».
L’analyse rapide de quelques romans qui eurent de la vogue, sera la meilleure manière de donner une idée des goûts du public. […] On ne peut s’expliquer l’exagération du style figuré de Chateaubriand, qui choquait les puristes, si l’on ne possède une idée de la langue courante des journaux et de la tribune13. […] Les sentiments patriotiques si intenses pendant la grande période révolutionnaire, s’éteignaient ; l’idée de patrie, dont les conventionnels s’étaient servi, comme d’un levier, pour soulever la nation et la jeter aux frontières, était tenue en suspicion. […] Ce sont les contemporains qui fournissent à l’écrivain ses idées, ses personnages, sa langue et sa forme littéraire, et c’est parce qu’il tournoie dans le tourbillon des humains, subissant, ainsi qu’eux, les mêmes influences du milieu cosmique et du milieu social, que le poète peut comprendre et reproduire les passions de l’humanité, s’emparer des idées et de la langue courante et pétrir à son usage personnel la forme littéraire donnée par le frottement quotidien des hommes et des choses. […] Le Bourgeois a pris sa revanche : maintenant c’est son tour de mépriser les artistes, qui adoptent ses mœurs et ses idées, et qui singent son faste grossier et son inartistique manie de bibelots et de bric-à-brac.
— Comment il combat le cant britannique. — Comment il combat l’hypocrisie humaine. — Idée de l’homme. — Idée de la femme. — Dona Julia. […] On a maudit ses idées pendant sa vie ; on a tâché de dénigrer son génie après sa mort. […] Ses volontés sont des velléités, ses idées des aspirations et des rêves. […] L’idée unique, le besoin présent, absorbe le reste : c’est en cela qu’une femme est femme. […] La réforme des idées finit par réformer le reste, et la lumière de l’esprit produit la sérénité du cœur.
Je disais cela des lèvres, mais mon idée était bien autre chose ; je priais mon bon ange tout bas d’inspirer une meilleure pensée au bargello et à sa femme. […] La femme semblait dire oui, et le mari dire : Fais ce que tu voudras, peut-être bien que ton idée sera la bonne. […] Ce cri me fendit le cœur, mais il m’inspira aussitôt une idée qui ne me serait jamais venue, à moi toute seule, sans elle. […] que non, m’écriai-je, en entrant tout de suite mieux qu’elle dans son idée, je ne crains rien de malhonnête au service d’honnêtes gens, comme vous et le seigneur bargello vous paraissez être tous les deux. […] me dit-elle, toute contente en me voyant consentir à son idée, combien veux-tu d’écus de Lucques par année, outre ton logement, ta nourriture et ton habillement, que nous sommes chargés de te fournir ?
» Elle restait des après-midi entiers immobile, assise en sa chaise, attachée à cette idée fixe. […] L’idée de le forcer à accepter un service, à être son obligé en quelque chose, s’empara d’elle absolument. […] Quant à l’idée que la clef confiée à Kermelle eût pu servir à l’exécution du vol, une pareille idée eût semblé extravagante ; elle ne vint à personne. […] Cela donnait une haute idée de la sagacité extraordinaire de la justice, de la promptitude de son coup d’œil, de la sûreté avec laquelle elle saisissait la piste d’un crime. […] Ce devoir professionnel, auquel il avait tout sacrifié, devenait sans objet, il ne regretta pas de s’être attaché à une idée trop haute du devoir ; il ne songea pas qu’il aurait pu s’enrichir comme les autres ; mais il douta de tout, excepté de Dieu.
Les Allemands n’existaient pas encore ; les Alémans étaient une partie de la tribu suève, qui s’étaient fixés sur le Rhin lorsque leurs frères étaient allés en Gaule et en Espagne, L’empire des Francs s’est fondé en Gaule longtemps avant que n’existât l’idée d’une Allemagne ; cette idée fut ensuite par les Francs désignée par le nom des Alémans, cette grande tribu étant sur le Rhin la plus voisine des Francs. […] Tout amour est un modèle, une Idée de la grande humanité idéale ; et le Dieu de cette harmonie, le Christ, c’est encore l’espérance. […] Il ébaucha Tristan (1855) ; en même temps l’idée de Parsifal lui vint. […] Cet article est impossible à lire aujourd’hui si ce n’est pour l’histoire des idées et pour étudier la diffusion de ce type de théories en France. […] On y retrouve l’idée du sang pur (celui du Christ), du sang régénéré (par la puissance du Graal), celle de l’homme qui devient dieu (c’est l’histoire de Parsifal).
Au fond, pour lui, le poète n’est pas seulement un solitaire créateur de beauté, c’est aussi un missionnaire d’idées, non seulement d’idées esthétiques, mais encore d’idées morales, religieuses et philosophiques. […] Je crois bien qu’il préféra les faits aux idées. […] Hamlet est solitaire dans son idée. […] Chaque idée a le sien ou plus exactement les siens. […] Un mythe est la conque sonore d’une idée.
On peut dire de lui qu’il est le Don Juan des idées. […] Où sont les idées générales, les visées, l’inquiétude de l’avenir ? […] Et pas même le mirage d’une idée ! […] Indigence absolue de style et d’idées. […] Duruy, a été l’idée — réalisée aujourd’hui — de confier à M.
Elle n’a idée de rien cette pauvre enfant. […] Pour ma part, les idées, les généralités seules m’intéressent. […] Ils sont classés sans contrôle, selon les préjugés, les idées reçues. […] Alors naît dans sa cervelle l’idée d’un hardi coup de main. […] L’idée en était ingénieuse et gracieuse, la forme agréable.
Vacherot Mon cher Professeur, C’est à vous que je dois mes meilleures idées sur la critique. […] Vous m’avez communiqué le goût des questions de critique générale, et, ce qui est plus, beaucoup d’idées : je vous devais ce livre.
En un mot, j’aime à filer lentement l’idée comme le sentiment ; c’est là la parfaite philosophie, comme c’est le parfait amour. […] Il y a des généraux qui ne peuvent assembler et manœuvrer plus de dix mille hommes, et des écrivains qui ne peuvent manier qu’une ou tout au plus deux idées à la fois. […] Je connais ainsi des écrivains qui, avant d’écrire, congédient la moitié de leurs idées, et qui ne savent les exprimer qu’une à une : c’est pauvre. […] Le goût s’applique volontiers aux deux ordres ; l’abbé Gédoyn l’a très-bien remarqué : « Le goût, à proprement parler, emporte l’idée de je ne sais quelle matérialité. » Il y entre une part de sens.
Lamotte, fabuliste très-inférieur à La Fontaine, a rapproché ces deux idées dans un vers fort heureux. […] J’aurais voulu que La Fontaine exprimât l’idée suivante : Quand on est ignorant, il faut suppléer au défaut d’expérience par une sage réserve et par une défiance attentive. […] Mais La Fontaine a tort de revenir sur cette idée, et de dire huit vers après : V. 49. […] En effet, une idée fausse qui nous empêche de porter sur une chose un jugement sain, est comme un voile interposé entre nous et l’objet que nous voulons juger.
Le titre du livre en effet promet une idée que le livre ne tient pas. C’est que Mme Gay est incapable de cette idée. […] » Et enchantée de cette idée, bonne tout au plus pour une comédie de société, elle ajoute plus bas : « Il n’est pas de grand talent, de grand personnage plus choyé que l’homme ridicule dont la manie doit occuper et divertir une société entière, toute une réunion de moqueurs… » Mais s’il y a d’autres ridicules que des ridicules gais, s’il y en a de tristes, par exemple, sa thèse à l’instant même s’ébrèche sur le bonheur des gens ridicules qui rappelle, du reste, un peu trop un autre livre, le livre de M. […] Et encore si ces physionomies étaient enlevées avec la verve d’un esprit caustique et comique, puisqu’elle tient plus à la comédie du ridicule qu’à son histoire, si le talent du peintre était mordant comme son idée !
Et d’autant qu’il n’avait rien de ce qui séduit, de ce qui charme, de ce qui entraîne, de ce qui fait la voie à l’homme d’État et à ses idées. […] Pour le premier de ces parallèles, l’idée n’en appartient pas à Hefele. […] La traduction des abbés Sisson et Crampon que nous avons sous les yeux n’est pas de nature à donner une idée très haute du style du docteur, si cette traduction est fidèle. […] … Sisson et Crampon avaient, en publiant le Ximénès d’Hefele, des intentions excellentes, nous n’en doutons pas, mais quoi qu’ils aient eu la grosse exactitude des faits qui suffit au contentement d’un auteur heureux de se voir reproduit, tant bien que mal, dans un idiome étranger, cela n’est point assez, pourtant, pour donner une idée des mérites littéraires de cet homme, s’il en a dans sa propre langue.
Parfois même il n’est pas besoin d’une filiation directe ; il suffit du même nom, pour que la mystérieuse et redoutable loi s’accomplisse… Habitué, par l’histoire religieuse qu’il a souvent écrite, aux idées générales et aux conclusions providentielles, Crétineau-Joly devait être nécessairement plus frappé que personne du rôle invariablement funeste qu’a joué dans nos annales tout ce qui porta jadis le nom d’Orléans, et il n’a pas voulu qu’on l’oublie. […] Idée plus haute qu’une ironie ! […] Le plus souvent, un seul sentiment, une seule idée moule leur vie, et ce qu’un homme est au fond de son âme, il se retrouve l’être identiquement dans toutes les circonstances de sa destinée. […] Et c’est tout cela, probablement, qui fait venir à l’esprit, à propos de ce livre véhément, il est vrai, mais loyal, cette idée de pamphlet contre laquelle nous l’avons d’abord défendu.
Cet homme-ci se soulageait de sa pensée… Son livre, c’est toutes les idées portées cinquante ans dans sa tête et bloquées dans ces trois gros volumes, probablement pour y rester. […] Mais il n’en est pas moins vrai que l’auteur des Ruines a l’honneur d’avoir avec eux la fraternité des idées et une parenté d’intelligence… Ce Revelière inconnu, et qui, dans l’égarement universel de la raison, a grande chance de rester inconnu, est un esprit d’une force rare, toujours, dans la pensée, et souvent dans l’expression, mais il est moins près de ces hommes profonds et sans égaux que d’un autre homme de leur temps, un autre observateur politique trop oublié et qu’il rappelle, ce Mallet-Dupan qui, lui aussi, préjugea la Révolution française dès son origine, et dont le préjugé eut parfois toute la justesse d’un jugement… L’auteur des Ruines est une espèce de Mallet-Dupan après la lettre, la terrible lettre de la Révolution ! […] Les idées qu’il exprime, ces verba novissima du dernier peut-être des royalistes purs, — si vraies qu’elles soient et en raison même de leur vérité, — ne sont pas capables d’arrêter le torrent des idées contraires qui emportent le monde vers d’autres ruines, lesquelles, certainement, nous vengeront de celles-ci !
Les philosophes ont bien parfois des velléités de transformation, mais ils ne réussissent guères à s’enlever de la glu d’idées dans laquelle ils ont été pris une fois, et leur pensée y reste prise. […] Cousin à son image, il a toujours eu un petit bagage d’idées fort léger. Comme les éclectiques, ces emprunteurs à tout le monde, il les doit, ces idées, à Descartes, à Leibnitz ou à Reid, et cela s’appelle : la progression des êtres, le grand optimisme, la liberté humaine, la Providence et l’étude des faits de conscience ; et voilà la valise faite de M. […] Y a-t-il mis le poids d’une idée de plus, et n’est-ce pas sans cesse le même ballonnage de spiritualiste et de providentiel, qui ne leste rien, n’assure rien et titube toujours ?
C’est un observateur, c’est un moraliste, c’est un inventeur à tout autre titre qu’au titre de poète, c’est un historien, c’est un romancier, c’est enfin un de ces esprits marqués du caractère essentiellement moderne, qui ont fait vibrer sous leur main un grand nombre de faits, de sentiments et d’idées, et chez qui l’imagination est devenue encyclopédique comme la mémoire. […] Nous n’aurions qu’un chapitre à écrire sur les œuvres de M. de Vigny, et nous serions forcé de choisir un de ses ouvrages pour donner une idée des autres et de son génie, que ce sont ses Poèmes que nous choisirions. […] Le magnifique poème de Moïse, à coup sûr, après Eloa, le plus beau du recueil, et qui paraît plus mâle et plus majestueux peut-être à ceux qui oublient ce Satan d’Eloa dont Milton aurait été jaloux, — le poème de Moïse n’apparaît pour la grandeur du sentiment et de l’idée, l’ineffable pureté des images, la solennité de l’inspiration, la transparence d’une langue qui a la chasteté de l’opale, qu’un fragment détaché de cette Eloa qui n’est pas seulement l’œuvre de ce nom, mais chez M. de Vigny, l’angélique substance de la pensée. […] Et de fait, avant l’avènement des nouvelles idées et des formes nouvelles d’alors, il avait, lui — et depuis dix ans !
Je vais tâcher d’en donner une idée ; mais il faut se souvenir que ce n’est ici qu’un extrait, c’est-à-dire, une copie faible et par lambeaux, dans une langue qui n’a ni la richesse et l’harmonie de la langue grecque, ni la mélodie des accents, ni l’heureuse composition des mots, ni cette foule de liaisons qui enchaînent les idées, ni cette liberté des inversions qui met tant de variété dans la marche, et qui permet à la langue de suivre avec souplesse, et de dessiner, pour ainsi dire, tous les mouvements de l’âme et des passions. […] Son nom rappelle encore aujourd’hui de grandes idées, les idées de patrie, de courage et d’éloquence.
Ce qui fit défaut dans sa Conférence, ce furent les idées. […] Puis vient l’idée constructive, l’emplissage des espaces avec une œuvre qui plaît. […] Elle avait les idées les plus élevées sur la valeur réelle et le motif de la poésie. […] Elle a de vilaines idées du peuple ; elle adore la Chambre des Lords et Lord Salisbury. […] « C’était un homme à idées nombreuses.
Jean Appleton affectionne les idées générales. » C’est d’abord l’indice d’une âme poète, puis « le vague de l’expression communique à ses vers un flou délicieux, une grâce vaporeuse dont on se sent enveloppé comme d’une caresse ». […] Troccon, au lieu d’insister si longuement sur les plus saillantes idées contenues dans les vers de M.
Est-il bien vrai que la langue française ne suffise pas à rendre parfaitement les grandes idées, les hauts sentiments, les passions héroïques, les vivacités galantes, les saillies satiriques, les naïvetés fines ? […] Il opposait l’impression fâcheuse qu’il avait reçue de la traduction de L’Iliade à celle que lui avait faite en sens contraire une traduction en prose de la tragédie de Caton, d’Addison : Cette traduction, disait-il, quoique inélégante, m’a donné une très haute idée de l’original, Je vois dans le poète anglais la grande partie qui caractérise notre Corneille. […] Je résumerai rapidement ses idées, qu’il développera encore dans ses Réflexions sur l’éloquence ; car dans la tête de l’abbé de Pons tout s’enchaîne, et s’il est exclusif, il reste du moins parfaitement conséquent. […] Son verbe ne manque pas de marcher derrière, suivi d’un adverbe, etc. » L’abbé de Pons rend la pareille de cette moquerie au latin et aux phrases à la Cicéron, « à ces périodes immenses dont le sens vaste, mais confus, ne commence à se développer que lorsqu’il plaît au verbe dominant de se montrer, verbe que l’orateur romain s’obstine à faire marcher à la suite de toutes les idées qu’il aurait dû précéder selon l’ordre de nos conceptions ». […] Si incomplètes que j’aie montré en bien des points les vues de l’abbé de Pons, du moins ce sont des vues, ce sont des idées ; on sent toujours avec lui l’homme, qui pense et qui fait penser.
Ç’a été enfin, pour lui, une manière ingénieuse d’encadrer ce qu’il possédait plus à coup sûr, ses pièces de vers, même les plus étrangères à cette idée de testament. […] Il dut cependant quitter Paris, et pendant quatre ans entiers il mena une vie errante et en France et aux frontières de France : l’idée de suicide lui traversa un instant l’esprit. […] Quoi qu’il en soit, cela suffirait pour me confirmer dans l’idée qu’il n’a pas été élevé à la campagne. […] Il était préoccupé de l’idée de la mort : il avait de bonnes raisons pour cela, des raisons très particulières, sans compter que le Moyen Âge tout entier en avait l’imagination frappée. […] Campaux a pris le soin de nous les citer : Il semble, d’ailleurs, dit-il, que cette idée mélancolique fût dans l’air, du temps de Villon.
Il écrivit dans un journal (les 6, 7 et 8 messidor, an III, si je ne me trompe) trois articles ou lettres un peu réactionnaires contre l’idée qu’avait la Convention de se continuer et de garder un pied dans le gouvernement qui succédait. […] Je sais que le nom de Benjamin Constant s’est présenté à votre idée ; j’ai pensé que vous trouveriez bien que je vous fisse connaître l’opinion des hommes faits pour en avoir une ; la voici : c’est aussi la mienne. […] Aucun, parmi les hommes célèbres de l’Opposition d’alors, ne donnait plus l’idée d’un personnage usé. […] Les mots de ce genre, frappants en eux-mêmes, ont l’inconvénient de tuer la conversation ; ce sont, pour ainsi dire, des coups de fusil qu’on tire sur les idées des autres, et qui les abattent. » Benjamin Constant avait de ces comparaisons spirituelles, qui jouent l’imagination : d’imagination proprement dite, il ne faut pas songer à lui en demander. […] Une idée me poursuit depuis quelque temps.
Cet héritier chargé en idée de tant de couronnes, don Carlos se minait, consumé par une fièvre intermittente. […] Don Carlos étant retourné à Alcala, et se sentant miné de plus en plus par le mal, eut alors l’idée de faire son testament (mai 1564). […] Tel était, vu de près et selon des témoins venus d’Allemagne, d’Italie et de France, le héros de roman et de drame poétisé et platonisé à distance par Schiller, celui dont il a voulu faire, en plein XVIe siècle, le Cid et le Rodrigue des idées libérales du XVIIIe. […] Il avait toujours l’idée de se tuer, ou de se laisser mourir ; il essaya d’abord du jeune et s’abstint d’aliments pendant cinquante heures (fin de février) ; mais il n’eut pas la force de persévérer. […] Cela dura peu ; il revint à l’idée de se détruire, et, n’ayant pu y parvenir par excès de jeûne, il songea à le faire par excès de manger, ce qui était plus dans sa nature et dans ses goûts.
Et qu’on ne s’étonne pas si j’allie ainsi l’idée de la simplicité du goût avec celle du centre le plus raffiné. […] Arrivé dans le Nord, sa première idée fut qu’il n’avait pour ressource que son pinceau, et, comme tant d’honorables émigrés, il se préparait à en vivre ; mais la fortune changea : il put garder l’épée, et, au service de la Russie, il parvint graduellement au rang de général. […] Le bonhomme lépreux avait, comme on peut croire, un cercle assez peu étendu d’idées ; en lui donnant toutes celles qui dérivaient de sa situation même, l’historien n’a pas voulu lui en prêter un trop grand nombre. […] Quelque délicats, quelque élevés que puissent sembler certains traits ajoutés, l’idée seule de rien ajouter est malheureuse. […] Aussi y est-on très-hospitalier aux lépreux ; on les accueille, on sent qu’on peut être demain comme eux ; l’idée de l’antique malédiction a disparu, et M.
Ce rôle de pur vaudevilliste à saillie franche et gaie va aboutir à la très-spirituelle bouffonnerie l’Ours et le Pacha (1820), dans l’idée de laquelle il faut compter pourtant M. […] Et ici je ne ferai qu’exprimer une idée, un regret qu’on me suggère, mais que je sais partagé par les personnes les mieux entendues de la Comédie-Française elle-même67. […] Parfois il a besoin qu’on le mette sur la piste d’une idée ; il lit alors tel mauvais ouvrage manuscrit qui n’aurait nulle valeur en d’autres mains ; mais cela lui tire l’étincelle, l’idée qu’il exécute, et que souvent le collaborateur adoptif ne reconnaîtrait pas. […] A la scène, Picard a déjà tiré parti d’une idée approchante dans les Marionnettes et dans les Ricochets. Est-il sérieusement besoin de discuter cette idée et de la réduire à ce qu’elle a de vrai ?
Quelles furent les idées des auteurs et leurs théories d’art ? […] Un aveu qu’il laisse échapper donne l’idée de son respect pour les maîtres de jadis. […] Dans le même ordre d’idées, voici un autre caractère qui n’est que général. […] La Rochefoucauld tourne et retourne de mille façons cette idée que l’égoïsme est le mobile presque unique des actions humaines ; et c’est ainsi que cette psychologie, quoique partie de l’observation directe de la réalité, aboutit, elle aussi, à l’abstraction. […] § 2. ― Je ne pousse pas plus loin cet aperçu, destiné simplement à donner une idée de ce que peut et doit contenir la formule générale d’une époque.
Je ne sais si ce n’est point la grande réputation de science où vous êtes qui me donne cette idée, ou si c’est qu’en effet ces hommes illustres étaient faits comme vous. […] Il ne lui manque, pour faire le lien des deux époques, de la Renaissance et des temps modernes, pour donner la main, d’une part à Politien, et de l’autre à Voltaire, que d’avoir en son humeur tempérée cette ouverture, cette disposition accueillante aux idées nouvelles qu’eut, pour sa part, le sage et discret Fontenelle. […] En ce qui était de ses propres idées et convictions, il a subi sensiblement les influences des milieux et des âges. […] Huet, en goûtant la poésie, avait fait de bonne heure une réflexion sur ce que bien peu de gens sont nés, en effet, pour la sentir : « Il y a encore plus de poètes que de vrais juges des poètes et de la poésie. » Il revient souvent sur cette idée, qu’on retrouverait, je crois, également chez Montaigne. […] Il faudrait, pour donner idée de ces gaietés de Huet, citer plus de latin que je n’en puis mettre ici, car Huet achève souvent en latin une phrase commencée en français14, et il assaisonne le tout de mots grecs.
Tout cela donna prétexte de dire autour d’elle et lui donna l’idée à elle-même qu’elle n’était pas seulement une muse élégiaque, mais aussi la muse de la patrie. Quelques pièces de vers publiées par elle dans ces dernières années nous montrent qu’elle n’est pas encore complètement guérie de cette idée là, et qu’il y a des moments où elle parle comme si elle avait réellement manié dès le berceau l’épée de Charlemagne. […] Je ne suivrai pas plus loin l’idée. Dans un dernier chapitre qui termine le poème, Mme de Girardin dégage cette idée à nu et donne elle-même la clef à qui ne l’aurait pas saisie. […] Il y a de très grandes dames qui sont nées actrices, et qui cependant n’ont jamais joué la comédie. » Et elle développe cette idée dans toutes ses variétés et ses bizarreries de contrastes que vous voyez d’ici.
Cette idée, qui fut pour elle une religion, lui dicte en toute occasion des paroles d’une vanité bien franche, bien naïve, et lui impose des sentiments qui visent à la grandeur et qui du moins ne dérogent pas à la dignité. […] Nullement galante d’humeur, nullement coquette, d’une froideur qu’on a pu comparer longtemps à celle de la vierge Pallas, elle ne voyait dans le mariage que matière à un beau rôle et à des destinées glorieuses, et, romanesque comme elle était, elle aimait presque autant s’en bercer en idée que de l’accomplir. […] Après avoir été quelque temps à rêver, elle ne tarda pas à se fixer résolument, et, comme elle était très honnête et très imprévue, que l’idée qu’on put aimer sans se marier ne lui entrait pas dans l’esprit, elle pensa qu’il n’y avait rien de plus court que de faire la grandeur de ce gentilhomme et de l’épouser. […] Si Mademoiselle n’avait pas eu l’idée de mariage, il l’y aurait amenée et contrainte par sa conduite, tant il était soigneux à ne se prêter à aucune ouverture simplement tendre ou galante. […] Cette idée lui est, à elle seule, toute sa lune de miel.
… On n’a point d’idée du genre de vie que l’on mène ici, d’où il ne peut sortir que des fous, si l’on y laisse longtemps les malheureux que l’on y renferme, et où l’on meurt enragé. […] « Avec un esprit très vaste, il n’a eu que des idées mesquines pour sa maison. […] Mais les idées philosophiques du siècle l’avaient peu à peu refroidi de cette ardeur de la guerre ; voyant son père d’ailleurs ne songer qu’à lui fermer toutes les carrières régulièrement tracées, il s’était replié sur lui-même, et son esprit « affamé de toutes sortes de connaissances » s’était jeté sur d’autres études qu’il avait approfondies. […] Ceux qui ne le jugeaient que par le dehors ont souvent comparé le Mirabeau de cette époque intermédiaire à une grosse éponge qui se gonflait des idées d’autrui et de tout ce qui circulait dans l’atmosphère d’alentour ; et son père, juge sévère, même lorsqu’il était radouci, est revenu souvent sur cette image d’une grosse éponge, à laquelle il compare l’organisation avide de son fils. […] Un petit Mémoire de l’abbé Valart, habile grammairien, m’en a donné l’idée et m’a servi.
J’avais depuis longtemps l’idée de réunir ces deux femmes d’esprit qui eurent un salon si littéraire, l’une au commencement, l’autre à la fin du xviiie siècle, et de rapprocher leurs deux profils dans un même médaillon. […] Parmi les mots et les idées qui reviennent le plus souvent sous sa plume quand elle se mit à écrire, je distingue surtout les mots mœurs, innocence et gloire. […] Ici l’idée de religion s’agrandit ; elle n’est plus un simple sentiment décent, mais la plus haute des convenances humaines, la fin et le terme des devoirs. […] Les idées qu’elle a exprimées sur le rôle et la condition des femmes sont faites par moments pour surprendre, tout en inspirant une grande estime pour l’auteur. […] À la vue de la duchesse de Berry, fille du Régent, et de ses débauches grossières, elle se rejetait en idée jusqu’à Julie, duchesse de Montausier.
L’idée désarme le fait. […] Seule, elle fera entrer dans l’esprit et dans toute l’audace de l’idée. […] Elle dira les idées portées par un monde, et d’où sont sorties les lois qui ont renouvelé ce monde. […] Elle associera à cette vie, qui dominera le siècle ou le subira, la vie complexe de ce siècle ; et elle fera mouvoir, derrière le personnage qui portera l’action et l’intérêt du récit, le chœur des idées et des passions contemporaines. […] Ses traditions circulent, ses idées vivent, ses aspirations s’agitent, son génie lutte dans le monde contemporain.
. — Recherche des idées, affectation du style. — Abus du contraste et de la métaphore. — Subtilité. — Immoralité. — Écrire pour le peuple. — Sacrifier à la canaille. — Se plaire dans l’horrible. — N’avoir point de grâce. — N’avoir point de charme. — Dépasser le but. — Avoir trop d’esprit. — N’avoir pas d’esprit. — Faire « trop grand ». — « Faire grand ». […] Le poëte ne se limite que par son but ; il ne considère que la pensée à accomplir ; il ne reconnaît pas d’autre souveraineté et pas d’autre nécessité que l’idée ; car, l’art émanant de l’absolu, dans l’art comme dans l’absolu, la fin justifie les moyens. […] Exprimer volontiers l’idée par l’image. […] Ici la prose, là le vers ; toutes les formes, n’étant que des vases quelconques pour l’idée, lui conviennent. […] Shakespeare, le condor seul donne quelque idée de ces larges allures, part, arrive, repart, monte, descend, plane, s’enfonce, plonge, se précipite, s’engloutit en bas, s’engloutit en haut.
Il fallait qu’on fût arrivé à un endroit assez distant et d’où l’on eût toute liberté de voir et, de plus, qu’on eût l’idée de se retourner. Quelques curieux pourtant, dans la seconde moitié ou vers la fin du xvi e siècle, eurent cette idée. […] Ils amassent, ils rassemblent, ils inventorient les matériaux ; ils n’ont aucune idée d’une règle, d’une philologie exacte, d’une philosophie de langue. […] Quand une fois une idée l’a saisi, il n’en démord plus. […] J’ai voulu, messieurs, dans ce long exposé, vous donner une juste et pleine idée de l’importance du problème qui se présente d’abord à quiconque veut étudier la littérature française à son origine.
J’ai traduit bien des idées et bien des styles, je n’essayerai pas de traduire un seul de ces portraits-là. […] Les idées viennent de naître ; l’homme est heureux et encore enfant. […] Toute idée l’intéresse ; il la développe curieusement ; il l’explique. […] Il a arraché avec désespoir de ses entrailles l’idée qu’il avait conçue, et l’a montrée aux yeux de tous sanglante, mais vivante. Cela est plus difficile et plus beau que d’aller caresser et contempler les idées des autres.
Platon s’arrête peu à ces deux idées. […] L’homme, malgré son infimité, peut se faire quelque idée de Dieu, d’après la personnalité dont il a été doué lui-même par son créateur. […] Voilà les grandes idées sur lesquelles s’arrête Newton en achevant son livre, et auxquelles il se fie plus encore qu’à ses mathématiques. […] Nul autre après lui n’a repris l’étude de ces idées ni avec plus d’originalité, ni avec plus de profondeur, ni avec plus de délicatesse. […] C’est qu’Aristote s’attache un peu trop aux faits, et qu’il ne s’attache point assez aux idées.
Dans le roman où se dessine cette héroïne d’une si chaude vie, on peut suivre le même travail minutieux de représentation par un grand nombre d’incidents sur tous les personnages de premier plan ; toute une période de leur vie nous est donnée en d’innombrables instants pour Wronsky l’homme moderne du bel air, élégant, un peu lourd d’esprit ; mais noble, constant, délicat, digne d’être aimé, et se haussant parfois à de grandes idées humaines étrangères à sa caste, comme pour Lévine plus fruste, plus simple et plus profond et dépeint de ses occupations de gentilhomme campagnard à ses angoissantes préoccupations sur le but et le sens de la vie. […] Et si l’on passe de cet arrangement purement formel des mots au détaillement même de la description, au développement des situations ou des idées, au narré des événements, on est en présence d’une série de longueurs et d’écourtements, d’omissions et d’insistances sans cause visible, semblable à l’application d’une main faiblissante, puis fiévreuse, puis fléchissant de nouveau sous l’immense tâche et l’abandonnant. […] Que l’on écarte toute idée de mièvrerie, de sensiblerie vertueuse, d’embellissement factice de la vérité ; il n’y a là aucune de ces effusions doucereuses, de ces feints attendrissements qui rendent odieux dans la littérature française les tableaux de la vie en famille ; mais la simple vérité virile et saine, comprenant les froissements, les conflits, les ridicules, le prosaïque de l’existence à plusieurs ; mais donnant aussi sa sûreté, sa dignité, sa douceur, sa gaîté, son aspect archaïque et patriarcal. […] Il fallut que, se soustrayant en réfractaire à tout ce qu’enseignent de seconde main sur notre entourage les livres et les on-dit, il reçut par des sens naturellement aigus des impressions vraiment personnelles et propres à lui, de l’immense spectacle ambiant, que, coordonnées par une mémoire étonnamment continue, les diverses images des objets et des hommes, non pas agglomérées en idées générales, mais mises bout à bout en séries, lui apparussent en leur évolution aussi bien qu’en leur nature. […] Il fallait donc que Tolstoï admît qu’il n’en est point ainsi et recourût à la réponse traditionnelle des religions ; mais cet espoir n’eût en rien atténué ses souffrances d’observateur essentiellement réaliste : ou que, par une haute opération intellectuelle, il accolât à l’idée générale de l’existence du mal, l’idée de sa nécessité, de son utilité, de sa diminution graduelle par l’effet de lentes causes auxquelles lui-même coopère, et qu’il se sentît participant à celle futurition d’un bien universel, par la notion de sa permanence dans le tout ; mais le cerveau de Tolstoï était incapable de ces spéculations, et ni ses observations en se fondant en types, ni sa faculté verbale en substituant à chaque chose individuelle sa désignation générique, ne l’ont conduit aux généralisations et aux idées.
Il y discute des changements que la Révolution devra apporter dans les mœurs publiques et dans le goût : « Après tout ce qui est arrivé depuis quelque temps, toutes les idées doivent décidément se renouveler. » Et d’abord il croit que l’universalité de la langue française en souffrira ; que Paris ne sera plus comme auparavant la capitale intellectuelle et littéraire reconnue de l’Europe, les autres nations voulant se venger d’avoir si longtemps obéi à l’esprit venu de Paris. […] Ne séparant point l’idée de goût d’avec celle des sociétés charmantes où il a vécu, il conclut en disant : On peut remettre le trône en France, mais le goût jamais. […] Parlant de ce même M. de Meilhan, qui avait eu l’idée d’écrire l’histoire de l’impératrice Catherine, le prince de Ligne disait en l’y encourageant : « Il faut être homme de bonne compagnie pour écrire l’histoire. » Cependant de grandes choses se faisaient à la guerre, et le prince de Ligne n’en était pas. […] J’avais bonne idée des hommes. […] Chaque instant apporte avec lui l’idée du décroissement.
On n’a pas eu la même susceptibilité pour ce qui touche Dieu et les idées religieuses : sur ces points l’opinion de Chateaubriand à cette date subsiste tout entière, inscrite de sa main en marge, dans des notes aggravantes et corroboratives du texte. […] C’est alors que, par un concours de circonstances qu’il ne nous a expliqué qu’à demi, éclata tout d’un coup en lui une explosion de sentiments dont on a peine à se faire idée. […] Quoi qu’il en soit, la sincérité de l’émotion dans laquelle Chateaubriand conçut la première idée du Génie du christianisme est démontrée par la lettre suivante écrite à Fontanes, lettre que j’ai trouvée autrefois dans les papiers de celui-ci ; dont Mme la comtesse Christine de Fontanes, fille du poète, possède l’original ; et qui, n’étant destinée qu’à la seule amitié, en dit plus que toutes les phrases écrites ensuite en présence et en vue du public. […] Votre souvenir est un de ceux qui m’attendrit davantage, parce que vous êtes selon les choses de mon cœur et selon l’idée que je m’étais faite de l’homme à grandes espérances. […] Je ne saurais guère vous en donner une idée à cause de l’extrême variété des tons qui le composent ; mais je puis vous assurer que j’y ai mis tout ce que je puis, car j’ai senti vivement l’intérêt du sujet.
Il ne faudrait pas trop presser les idées de Bailly sur son peuple primitif qui savait tant de choses. […] Interrogé par Voltaire en 1776 sur la valeur de l’opinion énoncée au tome Ier de l’Histoire de l’astronomie, il répondait : « Le rêve de Bailly sur ce peuple ancien qui nous a tout appris, excepté son nom et son existence, me paraît un des plus creux qu’on ait jamais eus ; mais cela est bon à faire des phrases, comme d’autres idées creuses que nous connaissons et qui font dire qu’on est sublime. » D’Alembert aigre, exact et sec, détestait Buffon et n’épargnait point Bailly qu’il considérait alors comme un satellite du grand naturaliste pour les systèmes. On conçoit d’ailleurs ces dissidences naturelles et cette sorte d’antipathie instinctive entre une école scientifique tout analytique et précise, et une autre qui ne se refusait ni l’éclat ni les couleurs ; mais d’Alembert se laissait emporter à ses préventions personnelles lorsqu’il disait à propos des systèmes de Bailly et de Buffon qu’il associait dans sa pensée : « Supplément de génie que toutes ces pauvretés ; vains et ridicules efforts de quelques charlatans qui, ne pouvant ajouter à la masse des connaissances une seule idée lumineuse et vraie, croient l’enrichir de leurs idées creuses… » Dans la familiarité de la correspondance et lorsqu’il n’est point retenu par le public, d’Alembert s’abandonne souvent ainsi à des injustices presque injurieuses, dites d’un style assez commun. […] Mais ce n’est point cette dernière partie de la vie de Bailly qui nous appelle et que nous étudions : je me suis borné à donner quelque idée de son caractère, et à y faire saillir une veine littéraire et d’imagination jusqu’ici moins en vue qu’il ne convenait. […] Tel fut Bailly ; savant ingénieux, écrivain élégant et pur, l’un des plus louables produits et des meilleurs sujets que l’Ancien Régime ait légués au nouveau ; qui n’eut rien en lui du mouvement d’initiative ni du levain révolutionnaire des Mirabeau, des Condorcet, des Chamfort, de ces novateurs plus ou moins aigris, irrités ou inspirés ; qui n’accepta dans sa droiture que ce qui lui parut juste, qui s’y tint, et qui, malgré des faiblesses de vue et des illusions de bon naturel, laisse à jamais l’idée d’un homme aussi éclairé que modéré et vertueux.
Quiconque ne connaît point les monts du premier ordre, ne saurait se former une idée de cette couleur dorée et transparente, qui teint les plus hautes sommités de la terre. […] Pendant cet orage, tout donne idée d’un hiver dans une contrée polaire, et ici Ramond choisit en effet ce moment pour faire son rêve. […] Que de sensations et que d’idées nouvelles ! […] Ramond en appelait volontiers de Buffon jugeant des glaciers à Montbard, à Buffon s’il avait lui-même vu les montagnes ; mais là où il s’écartait de ses idées, il le définissait encore avec respect « ce grand homme par qui, tous tant que nous sommes, nous raisonnons bien ou mal d’histoire naturelle et de géologie ». […] Les voyageurs, forcés par l’heure de s’éloigner, n’emportèrent de cette première vision qu’une idée accablante et bizarre.
Félix Clément est quelquefois exclusif, et il abonde dans son propre sens : mais si l’on peut contester quelques-unes de ses assertions, il faut rendre hommage à l’idée essentielle de son livre, et le louer de la manière exacte dont il l’a mise en œuvre. […] Il y eut cependant une première époque de ferveur durant laquelle Santeul se tourna vers les idées de retraite, et il prit l’habit de chanoine régulier de l’abbaye de Saint-Victor en 1650, à l’âge de vingt ans. […] Il y a des hommes qui ne savent être qu’une chose, que de bonne heure une seule idée et une seule fumée remplit, et en qui une faculté irrésistible agit dès la jeunesse avec la force, la sagacité et aussi l’aveuglement d’un instinct. […] Tel autre ne sera que le philologue, bon à posséder le sanscrit, le chinois, toutes les langues d’Asie, toutes les formes indépendamment des idées, tous les vocabulaires. […] Le portrait extérieur que l’on donne de l’homme, et qui va si aisément à faire grimacer ce gai visage, n’offre pourtant pas une juste idée de l’élégance et de l’esprit qu’il y avait souvent dans ces vers de Santeul, dignes d’une dernière anthologie latine.
Cela ne change pas notablement l’idée qu’on doit se faire de La Bruyère, et ne fait que la compléter. […] De la sagacité et de l’humeur dont il était, l’idée de son livre dut lui venir du premier jour et en observant. […] Non, ce ne saurait être dans un tel recueil de société qui n’est bon qu’à donner la nausée aux gens de goût, que La Bruyère aurait été prendre l’idée d’un genre littéraire qu’il voulait rendre surtout jeune et neuf. […] Mais, quoi qu’on pense du fond des idées, on ne se trompera point en observant que cette pointe finale vers le Ciel était, après l’éloge du roi, un second paratonnerre. […] Lui-même était porté à s’accorder intérieurement une capacité plus étendue encore et plus diverse qu’il n’en a donné l’idée dans son livre.
Le mot Dieu est toujours pour lui le signe représentatif de toutes les belles et suprêmes idées que l’humanité conçoit, pour lesquelles elle s’exalte et qu’elle adore ; mais il semble que ce soit quelque chose de plus encore à ses yeux qu’une expression ; il semble prêter décidément à l’intelligence, à la justice indéfectible et sans bornes, une existence indéfinissable, inconnue, mais réelle. […] Du moment qu’on déclare que l’humanité, dans ses diverses manifestations historiques, a tout fait, mais en même temps a tout bien fait, et qu’on se révolte, comme si c’était un sacrilège, à l’idée qu’elle a pu commettre en masse quelque grosse sottise, il est difficile de ne pas admettre un plan auquel, même à son insu, elle obéit : il y a un Dieu là-dessous. […] Renan ne se satisfait point à si peu de frais ; il comprend trop d’idées et de manières de voir différentes pour s’en tenir à une seule exclusivement ; le négatif surtout lui répugne, et il se résigne difficilement à nier une chose dans un sens, sans la reconnaître presque en même temps et l’admettre dans un autre sens, par un autre aspect. […] L’impression parfois l’emporte en lui sur l’idée même. […] On y voit tout ce qui a dû manquer à Channing pour qu’il ait été amené à avoir l’idée de son rôle populaire, tel qu’il le conçut, et pour y joindre, comme il l’a fait, la force et le moyen d’y réussir.
Qu’on mette en regard de cette lettre de Racine le moindre billet de ce brillant et libertin célibataire, si vif, si sensé, si occupé du genre humain, si dévoué aux intérêts de tous dans l’avenir, si guerroyant contre les préjugés, si infatigable jusqu’au dernier soupir, — Voltaire, — on aura une idée des deux natures d’hommes, des deux genres de vie, et aussi de deux siècles et de deux mondes. […] Il changea d’idée par économie, par équité, par considération de bon père de famille : « Nous ne sommes pas à beaucoup près assez riches, disait-il, pour faire tant d’avantages à notre aîné. » Mais il ne faudrait pas voir dans cette sage détermination un commencement de philosophie. […] On s’explique difficilement que l’Académie française, qui devait être, ce semble, « l’asile naturel d’un Racine », l’ait repoussé vers le même temps, ou du moins lui ait fait un petit signe de tête négatif et très-significatif, et cela pour la seconde fois : il dut renoncer à l’idée de s’y voir admis. […] Il y a un autre système, un autre parti à prendre, celui des chercheurs de vérité et de nouveauté, des remueurs d’idées, des Staël, des Lessing, des Diderot, des Hegel comme des Voltaire : ici le mot d’ordre, c’est que le mouvement, quel qu’il soit et tant qu’on peut se le donner, est le plus grand bien de l’esprit comme du corps. […] Certaines idées sont belles, mais, si vous les répétez trop, elles deviennent des lieux communs : « Le premier qui les emploie avec succès est un maître, et un grand maître ; mais, quand elles sont usées, celui qui les emploie encore court risque de passer pour un écolier déclamateur. » C’est Voltaire, l’excellent critique littéraire, qui a dit cela, et à propos de Racine fils.
Il faut, dis-je, avoir vécu alors pour se faire idée de ce que c’était que cette réaction dans sa violence. […] Berryer et Dupin, et contre le système de défense qu’ils avaient adopté dans l’affaire du maréchal Ney, à des invectives tellement violentes, qu’il faut les citer textuellement, parce qu’aucune analyse n’en donnerait une juste idée : « A Dieu ne plaise, disait-il, que nous suivions jamais l’exemple qui nous a été donné dans une affaire récente dont les détails ont longtemps lasse notre patience… Nous avons une plus juste idée des devoirs que nous impose notre ministère, et si jamais ils se trouvaient, en opposition avec nos devoirs et nos sentiments de citoyens, notre choix ne serait pas douteux. […] Fiévée, il était à craindre qu’ils n’en sortissent avec des idées préconçues et des systèmes, et que le rêve n’y eût sa bonne part. […] quels étaient les auteurs de ces propositions ultra-royalistes et vraiment révolutionnaires, qui allaient pleuvoir coup sur coup, qui tendaient à tout remettre en question, les idées et les intérêts modernes, à constituer la société entière en état de suspicion, à aggraver toutes les peines, à proposer la peine de mort de préférence à toute autre, à substituer le gibet à la guillotine, les anciens supplices aux nouveaux40, à maintenir la magistrature dans un état prolongé et précaire d’amovibilité, à excepter de l’amnistie des catégories entières de prétendus coupables, à rendre la tenue des registres civils au Clergé, à revenir sur les dettes publiques reconnues, etc., etc. ? […] J’ai connu des fils de ces hommes excessifs et violents, qui étaient, eux, adoucis, modérés, tolérants, réconciliés avec les idées et les lumières de leur époque.
L’idée pleine d’Évandre, de Pallas et de Dina, je travaille dans une sorte d’extase et de joie depuis le matin jusqu’à l’autre matin, sans relâche et presque sans sommeil. Mes idées étaient auparavant laborieuses et pénibles ; quand j’avais fait quinze ou vingt vers, je n’avais pas perdu ma journée : aujourd’hui, j’en fais cent, deux cents, et plus encore. […] Lebrun ne passa pas moins de neuf belles saisons, jouissant du bonheur présent, anticipant en idée l’avenir, prenant volontiers sa paresse pour de l’étude, préparant de longues œuvres, se jouant à de moindres essais, se laissant aller à l’inspiration du moment, s’oubliant peut-être parfois en d’autres doux songes et en des erreurs qui valent mieux que la gloire. […] Il a de la jeunesse je ne sais quelle idée qui la lui fait paraître plus longue et plus inépuisable qu’elle ne l’est. […] Certes Victor Hugo les eût autrement décrites, ces Catacombes, et dans cette ode qu’il n’a pas faite, je vois d’ici en idée des merveilles de corridors, des profondeurs et des lacis de labyrinthes, et je crois sentir une impression glaciale de terreur ; mais, en dehors de toute comparaison pittoresque, l’idée philosophique et humaine, chez M.
Guizot48, un travail datant de 1813, réimprimé en 1852 avec corrections et additions, et dans lequel l’éminent auteur, sans tant creuser, sans tant raffiner et renchérir qu’on l’a fait depuis, a su rassembler dans un juste cadre et dans une proportion raisonnable les idées vraies, les considérations importantes et les documents intéressants qui font connaître une grande nature de poète. […] J’aurais aimé à discuter de près avec le docte interprète qui pousse un peu loin son idée, et dont il convient pourtant de ne pas forcer la pensée pour le plaisir de le combattre et de se donner plus aisément raison. […] Lorsqu’on aura rabattu, çà et là, de quelques assertions hasardées et de quelques interprétations trop subtiles du critique, il restera en définitive, dans le souvenir du lecteur qui l’aura suivi dans son excursion, une plus haute idée de la faculté historique instinctive du grand Corneille. […] Fournier pousse l’explication plus loin, et comme il serait singulier en effet qu’une simple femme d’esprit âgée, voulant remettre à sa place une jeunesse impertinente qui l’offense, lui parlât de charmes qui ne craignent pas les ravages du temps, et la menaçât de tenir en main l’idée qu’on pourra se faire un jour de sa beauté, de ses attraits si insolents à l’heure qu’il est et si superbes, l’interprète habile, qui n’est jamais en reste, a raconté, sur la foi de je ne sais quelle tradition, toute une historiette dont il n’indique pas la source. […] La première idée (il est juste de la lui rapporter) en était venue à M.
Ce que nous connaissons de plus d’un de ces élèves, depuis lors célèbres, peut donner idée du piquant et de l’animation qu’offraient ces joutes véritables. […] Ce résumé, on peut le croire, ne terminait rien : la cohue d’opinions subsistait ; il y avait en ces jeunes têtes si doctes, si enivrées de leurs idées et si armées de la parole, excès d’intolérance, d’outrecuidance, c’était inévitable ; on s’injuriait, mais on ne se détestait pas ; les récréations, avec leur besoin de mouvement et d’exubérance physique, raccommodaient tout, et quelquefois le soir on dansait tous ensemble tandis que l’un d’eux jouait du violoncelle et un autre de la flûte. […] Tout y relève d’une idée première et s’y rattache ; rien n’est donné au hasard, à la fantaisie, ni, comme chez nous autres frivoles, à l’aménité pure. […] Si vous nous transportez en idée dans des régimes entièrement différents, je ne sais plus que dire, bien que je croie toujours à la permanence d’une certaine délicatesse, une fois acquise, dans l’âme humaine, dans l’esprit des hommes ou des femmes. […] Taine m’écrit à ce sujet que je l’ai fait trop savant en ce qui est des mathématiques : « J’ai à peine touché les mathématiques ; je n’ai fait qu’effleurer l’analyse : j’en entends l’idée et la marche, voilà tout. » Ses études se sont presque toutes concentrées autour de la psychologie, et c’est pourquoi il dut s’appliquer principalement à la physiologie humaine et comparée.
Cet esprit ferme, qui n’a jamais connu la défaillance et que l’âge a respecté dans l’intégrité de sa nature, ne peut supporter l’idée que sa ligne morale, politique, historique, religieuse, reste entamée et rompue sans qu’il y ait de sa part réponse et riposte, réparation à la brèche ou même une dernière sortie vigoureuse. En même temps qu’il vaque à l’achèvement de ses Mémoires, à son apologie politique et à la défense de la cause moyenne et restreinte qu’il a si éloquemment soutenue, il revient sur les points essentiels de son dogme en religion, en morale, et les voyant ébranlés par des attaques nouvelles, multipliées, audacieuses ou masquées, ouvertes ou sourdes, il y remet la main pour en raffermir l’idée et la certitude dans les esprits. […] Le portrait ne sera ni flatté ni noirci : je tâcherai seulement qu’il soit fidèle, et qu’il exprime la parfaite idée de l’esprit critique en ces matières, tel que je le conçois. […] Le mot simule l’idée, et, s’il est brillant, il lui prête la vie. […] Il est impossible de mieux parler d’idées qu’on ne partage pas, et d’un homme avec lequel on ne vit pas.
Quand ils ont digéré quelques-unes de ces pierres, ils disent que c’est bien, et vous laissent passer, même avec vos idées, avec votre trésor. […] L’Essai sur la Guerre sociale, dont nous avons à donner idée ici, n’est qu’une espèce d’introduction par laquelle il a cru nécessaire de préluder. […] En se servant de ces termes abstraits sous lesquels se glissent si aisément des idées toutes modernes, on n’arrive à rien de véritablement satisfaisant pour les esprits investigateurs ; on ne fait qu’irriter leur curiosité, comme en leur posant le problème. […] Lisez, et avec la fatigue de moins, avec les coups de fusil en idée, vous êtes revenu. […] En général, il s’entend mieux dans un caractère à faire la part des intérêts et des passions que celle des idées proprement dites.
Bussy semble juger l’Épître sur le Passage du Rhin avec les idées de Desmarets : il y condamne l’emploi de la Fable. […] L’idée que les étrangers ont eue de Boileau, et qu’ils ont traduite chacun à sa manière, selon son génie et selon les besoins intellectuels de son pays, ils l’ont prise d’abord dans l’opinion que les compatriotes du poète avaient de lui. […] Voltaire, ici comme à tant d’autres égards, représente la moyenne des idées de son temps. […] Le respect des opinions reçues, et la confiance en l’infaillibilité de la raison du siècle, font qu’on ne croit plus utile d’aller au-delà de l’idée que tout le monde se forme de la nature, jusqu’à la nature elle-même. […] Au lieu de les employer comme moyens d’où résulte la forme expressive et belle, l’idée d’agrément et de beauté s’attache à leur observance même ; un sec formalisme s’impose à la littérature, par une méprise analogue à celle de certains dévots qui croient gagner le ciel par des formules verbales et des actes physiques, sans l’élan du cœur et sans l’amour.
Nous n’avons qu’à jeter un regard sur la société, pour constater le progrès des idées nouvelles. […] La plupart des esprits mêlent confusément, sans distinguer, Diderot, Voltaire, Rousseau, et se font un amalgame d’idées hétérogènes, dont l’unité réside dans la commune propriété de dissoudre l’état présent de la société. […] Là-haut les idées sont le divertissement des esprits : ici, elles en sont la nourriture, l’espérance ; elles donnent une raison de vivre ; ici, Voltaire perd, et Rousseau gagne. […] Beaumarchais n’a pas inventé, une idée : il n’est qu’un écho : il ne fait que recueillir la quintessence des doctrines encyclopédiques, ramasser les aspirations du public, aiguiser en mots coupants ce que tout le monde pense. […] Les deux pièces donnent l’idée d’un dialogue rapide et nerveux, collé sur l’action et agissant lui-même, d’un style apte à passer la rampe, pas très naturel, mais condensé, saisissant, réveillant.
Par les longues traversées, dans la solitude infinie des mers, l’idée persistante et le sentiment de l’immensité de l’univers et de la fatalité des forces naturelles doit vous remplir lentement d’une indéfinissable tristesse. […] Et les bons missionnaires, préoccupés d’une seule idée, hantés de leur rêve d’évangélisation, ne voient guère mieux les « pays étranges ». […] L’influence de la terre, la douceur des choses, les parfums, la beauté de la nature et la beauté des corps, les brises attiédies du soir y conseillent si clairement et si invinciblement l’amour qu’elles l’absolvent par là même et qu’on ne songe point à y attacher une idée de souillure. […] Et cette idée de la grandeur de la terre s’agrandit encore de celle de sa durée. […] A chaque instant l’idée de la mort les assombrit.
N’est-ce pas grâce à la forme prestigieuse que les poètes ont su leur donner, que la plupart des idées se sont imposées à notre conscience ? […] Les écrivains se laissent prendre à toutes les idées qui flottent dans l’air, sans, hélas ! […] L’évolution de la critique moderne est intimement liée à l’idée générale qu’on s’est faite de la littérature et de son idéal. […] L’un est précisément celui dont la critique classique défend la supériorité, l’élément antique, le fonds des idées que les grandes civilisations de la Grèce et de Rome nous ont léguées. […] Entre les contemporains de Dante, de Giotto, d’Abélard, de saint Bernard, de Wolfram d’Eschembach et ceux de Michel-Ange, du Tasse, de Cervantès, de Shakespeare, de Montaigne, la différence des mœurs et des idées est presque incalculable.
Aujourd’hui nous prendrons idée de son procédé dans l’histoire du faux Démétrius. […] » Plus d’un vieux Moscovite, en songeant à la vieille race de ses tsars, à ce lugubre massacre d’Ouglitch, à ce dernier prince enfant enlevé par une mort soudaine et restée mystérieuse, devait se redire en idée, comme Abner dans Athalie, mais un peu moins harmonieusement, on peut le croire : Ce roi fils de David, où le chercherons-nous ? […] Chez les modernes, lorsque le vaillant roi de Portugal don Sébastien eut péri en Afrique à la bataille d’Alcazar-Kebir, il y eut aussi des faux Sébastien en quantité, et qui furent accueillis avec faveur : la nationalité portugaise ne pouvait se faire à l’idée d’avoir perdu sans retour son dernier représentant et son défenseur. […] De nos jours, on a fort abusé des idées et des considérations générales, des influences diverses qu’on a fait jouer à volonté à travers les siècles ; M. […] Ce talent, à l’origine, et dans les directions diverses où il s’est si heureusement porté, a été en inaction contre le faux goût établi, contre le convenu en tout genre, contre la phrase, contre l’idée vague et abstraite, contre les séductions pittoresques ou déclamatoires.
Indécent : La lecture seule du livre entier peut donner une idée juste de l’ouvrage. […] le poisson étant, comme je l’ai dit, la plus grande préoccupation du naturaliste, qui tient bon encore dans Michelet au milieu de toutes les idées modernes de l’homme d’application qui l’envahissent et le ravissent ; car Michelet est ravi. […] Or, si les idées de Maury ont une valeur quelconque, elles ne l’ont qu’en vertu de certains faits et de certains raisonnements que je voudrais connaître, et je lirai bien Maury sans Michelet, qui n’y ajoute point et qui ne le juge pas ; qui s’en tient aux résultats et aux nouvelles. […] Il n’ose pas risquer la négation brutale et directe, mais il a des détours charmants pour ne pas s’accrocher à l’inévitable idée qui l’attend au tournant de chaque chose pour l’enfiler. […] Le désastre a été complet, et c’est tout Michelet que cette conduite, c’est tout Michelet, qui n’est jamais satisfait que quand il a faussé son talent, abusé outrageusement de son idée, tout tué sous lui de ce qui l’aurait fait vivre et durer, et gâté jusqu’au mal qu’il veut faire.
La mobilité irrégulière, naturellement inhérente à toute idée de volonté, ne peut aucunement s’accorder avec la constance des relations réelles. […] Tout sérieux effort de réorganisation s’arrête bientôt devant les craintes de rétrogradation qu’il doit naturellement inspirer, en un temps où les idées d’ordre émanent encore essentiellement du type ancien, devenu justement antipathique aux populations actuelles : de même, les tentatives d’accélération directe de la progression politique ne tardent pas à être radicalement entravées par les inquiétudes très légitimes qu’elles doivent susciter sur l’imminence de l’anarchie, tant que les idées de progrès restent surtout négatives. […] En un sujet quelconque, l’esprit positif conduit toujours à établir une exacte harmonie élémentaire entre les idées d’existence et les idées de mouvement, d’où résulte, plus spécialement, envers les corps vivants la corrélation permanente des idées d’organisation aux idées de vie, et ensuite, par une dernière spécialisation propre à l’organisme social, la solidarité continue des idées d’ordre avec les idées de progrès. […] Si l’idée de société semble encore une abstraction de notre intelligence, c’est surtout en vertu de l’ancien régime philosophique ; car, à vrai dire, c’est à l’idée d’individu qu’appartient un tel caractère, du moins chez notre espèce. […] De plus en plus livrés à cette inévitable tendance, les savants proprement dits sont ordinairement conduits, dans notre siècle, à une insurmontable aversion contre toute idée générale, et à l’entière impossibilité d’apprécier réellement aucune conception philosophique.
Stendhal est revenu avec insistance sur ces idées. […] Musset attribuait le fléau à l’influence des idées anglaises et allemandes, représentées par Byron et Gœthe. […] C’est quelque chose dont je n’avais pas l’idée, que je ne croyais rencontrer nulle part, et surtout là. […] Le mouvement suit avec souplesse l’allure de l’idée, tantôt paisible, tantôt pressé et passionné. […] L’influence d’une humble religieuse avait contribué au développement des idées graves.
L’idée a semblé étrange et paradoxale à plusieurs ; elle n’était que judicieuse. […] L’architecture n’inspire à l’esprit que des idées de grandeur, de noblesse, d’austérité majestueuse. […] Nous sommes tous forcément des utopistes rétrogrades ou des utopistes chimériques, nous sommes tous les chevaliers d’une idée qui n’existe plus ou les chevaliers d’une idée qui n’existe pas encore. […] Est-ce l’idée de destinée en elle-même ou la forme qu’elle revêt ? […] D’autre part, l’idée de gravité, de tenue austère et de noble maintien exclut, dans l’esprit de la plupart des hommes, l’idée du genre d’expériences que Goethe avait traversées.
D’après les idées de Bichat, au contraire, la vie est partout, et nulle part en particulier. […] Mais qu’est-ce qu’une succession, si l’on n’a déjà l’idée de temps ? […] Bichat nous propose une idée plus physiologique et plus saisissable. […] Une expérience que j’ai exécutée autrefois met bien ces idées en pleine évidence. […] Cela exclut toute idée de génération spontanée.
Les personnes qui voudront bien jeter un coup d’œil sur ce livre ne s’en feraient pas une idée précise, si elles y voyaient autre chose qu’un commencement. […] Ils n’en peuvent donner l’idée exacte et complète, mais ils contiennent une lueur de l’œuvre entière. […] Quant au mode de formation de plusieurs des autres poëmes dans la pensée de l’auteur, on pourra s’en faire une idée en lisant les quelques lignes placées en note à la page 126 du tome II, lignes d’où est sortie la pièce intitulée : les Raisons du Momotombo.
Légèrement, hardiment, il marche sur les pas de ses philosophes ; détaché des choses, il peut se livrer aux idées, à peu près comme un jeune homme de famille qui, sortant du collège, saisit un principe, tire les conséquences, et se fait un système, sans s’embarrasser des applications494. […] Elle est une sorte d’opéra supérieur où défilent et s’entrechoquent, tantôt en costume grave, tantôt sous un déguisement comique, toutes les grandes idées qui peuvent intéresser une tête pensante. […] Quand on prend la vie de la sorte, un philosophe avec toutes ses idées est aussi nécessaire dans un salon qu’un lustre avec toutes ses lumières. […] — Rappelez-vous qu’en ce siècle les femmes étaient reines, faisaient la mode, donnaient le ton, menaient la conversation, par suite les idées, par suite l’opinion534. […] « La plupart des étrangers ont peine à se faire une idée de l’autorité qu’exerce en France aujourd’hui l’opinion publique, ils comprennent difficilement ce que c’est que cette puissance invisible qui commande jusque dans le palais du roi.
Ce sont deux conquérants pacifiques qui ont planté le drapeau de leur langue et de leurs idées bien au-delà des limites de leur nation et de leur langue. […] Il fut le premier après Saint-Évremond, le Voltaire du dix-septième siècle, qui colonisa les idées anglaises sur le continent ; le détroit de la Manche alors séparait deux mondes. […] Il y nourrit sa poésie de l’histoire, de la philosophie, de la science ; ses vers ne furent que la forme de ses connaissances et de ses idées. […] Il était aristocrate d’idées comme il l’était de mœurs. […] Enfin, le plus puissant critique d’idées qui soit jamais né depuis Aristote parmi les hommes.
Il n’est pas besoin de lire Sophocle et Euripide dans le grec ; Garnier et Hardi en donnent une idée très satisfaisante. […] Une idée trop étroite de l’unité du caractère, dans les personnages épiques, semble avoir caché à Boileau et à Perrault le véritable Achille. […] Je vois au sein de la nature L’idée invariable et sûre De l’utile beau, du parfait. […] Qui sait si la première idée ne lui en était pas venue de Cydias ? […] Faire siéger dans la même Académie, à côté des savants français, les savants étrangers, c’est une des plus grandes idées inspirées à Louis XIV par Colbert.
pour qui voit à travers les mots leur lumière, jamais il ne fut livre où l’idée catholique ait été plus réellement visée et atteinte. […] Les dîners contre Dieu, cette idée qui a pris naissance dans le catimini de quelques libres-penseurs discrets, a gagné les proportions d’une Institution publique, et est entrée triomphalement dans nos mœurs. […] Dans leur Renée Mauperin, sont-ils entièrement dégrisés de cette idée ? […] Edmond de Goncourt a eu la pensée d’écrire le roman de la comédienne, et cela pouvait être un beau livre, pourvu qu’il fût profond ; car c’était une idée, et une idée neuve. Seulement, demandez-vous ce que devait devenir pareille idée sous une plume tombée à ne plus vivre que d’aumônes et à s’éparpiller dans des renseignements ramassés de toutes parts pour elle, et non par elle !
J’ai eu quelquefois l’idée de traiter, dans une série particulière, des principaux de mes confrères en critique, de dire mon avis vrai sur chacun d’eux ; puis, au moment de prendre la plume, j’ai toujours été retenu par cette idée qu’étant obligé de refuser à chacun quelque chose, quelque qualité essentielle, d’en arriver, après une part d’éloges et une justice largement rendue, à un mais inévitable (car enfin nous-mêmes les critiques, redresseurs de tous, nous ne sommes point parfaits), je paraîtrais dénigrer des écrivains qui me valent au moins et que j’honore, et me mettre, contre mon intention, au-dessus de la plupart. […] Ne lui demandez pas de retourner les idées reçues sur un personnage et sur un auteur, ou de dire des choses connues d’un air de paradoxe et de gentillesse. […] Je lui sais gré toutefois d’avoir remué ainsi des idées dans un sujet si connu, et d’avoir parlé avec tant de jeunesse sur un livre d’enfance. […] N’est-il pas touchant de voir un homme qui a usé sa vie dans le spectacle et l’examen des débats, et, s’il l’avait voulu, des intrigues politiques, avoir conservé une telle fraîcheur, une telle innocence d’impressions, une telle fleur d’âme ; se complaire à de pareilles questions et avoir l’idée de se les poser, en même temps que le zèle et l’espoir d’y ramener les autres : « Croyez-moi, s’écrie-t-il à propos de Bossuet et dans sa religion pour ce grand homme, ne vous figurez jamais en avoir fini avec ces œuvres parfaites.
On prendra idée de la masse de notions précises ainsi amassées par lui et passées ensuite au creuset, pour ainsi dire, de son rigoureux esprit, en sachant que depuis 1829 jusqu’en 1853, c’est-à-dire pendant vingt-quatre ans, il fit un voyage de six mois chaque année, et un voyage d’étude, non une tournée de plaisir. […] Doué d’un esprit de suite, de teneur et de patience incroyable, obstiné et même acharné à mener son idée à fin et à la pousser aussi loin que possible, M. […] Ces idées qu’il jetait à l’état de questions, à la fin de son premier ouvrage, montraient que le second était déjà en germe dans son esprit. […] Le Play ou ses collaborateurs ont si bien décrits, l’ouvrier émigrant ou le maçon, l’ouvrier sédentaire ou le tailleur, le charpentier de Paris, compagnon du devoir ou de la liberté, etc., il en est un qu’ils ont négligé et que je signale à leur attention ; celui-là, je l’ai observé de près depuis bien des années, et j’ai vécu avec lui, je pourrais dire, comme lui ; aussi suis-je en état de le décrire, et je l’essayerai même, puisque l’idée m’en est venue- : c’est l’ouvrier littéraire. […] que de saillies, de traits charmants et sensés, que de précieux ou de piquants souvenirs, que d’idées, que de trésors jetés aux quatre vents de l’horizon et qu’il ne recueillera jamais !
L’auteur semble préoccupé d’une idée qui revient souvent dans ses vers : c’est qu’il est plus poëte en dedans qu’en dehors ; il se méfie de sa force et de son art, il craint de ne point donner à son rêve tout l’éclat et la solidité d’une création. […] Comme autour des fleurs obsédées Palpitent les papillons blancs, Autour de mes chères idées Se pressent de beaux vers tremblants ; Aussitôt que ma main les touche, Je les vois fuir et voltiger, N’y laissant que le fard léger De leur aile frêle et farouche. […] Habile à la forme, il ne dédaigne pas l’idée, et, parmi les idées, il n’en adopte point d’exclusive. […] Gaston Paris, contre les désespoirs ou les fantaisies de la génération précédente ou présente, et à ce propos il nous donne une idée de l’art poétique rajeuni qui est le sien, et dont il voudrait faire la loi de ses jeunes contemporains : A défaut des vieillards, les jeunes le diront, Ils chercheront du moins ; leur fierté répudie Du doute irréfléchi le désespoir aisé.
Aussi bien, l’idée de contrat, base du droit, gêne-t-elle l’individu dans sa spontanéité et son instantanéité. […] Il y a enfin un autre individualisme moins simpliste et moins élémentaire que le précédent, un individualisme qui n’est plus purement négatif et destructif, purement antisocial comme le précédent, mais qui semble compatible, au moins dans une certaine mesure avec l’idée d’un lien social et d’une culture humaine. […] Pour la conscience moderne, antichristianisme et immoralisme se confondent ou à peu près, Les deux idées de christianisme et de morale ne sont pas dissociées. […] Dans l’individualisme uniciste, cette idée est évidente. […] C’est cette idée que, sujets à changer, nous agissons d’une façon déraisonnable quand nous nous lions pour l’avenir.
Mais, en prenant l’esprit humain dans son ensemble, en évaluant le progrès par le mouvement accompli dans les idées, on est amené à dire : « Que la volonté de Dieu soit faite ! […] Ce fatal besoin de repos nous est venu de la longue paix que nous avons traversée et qui a si puissamment influé sur le tour de nos idées. […] Sans l’idée du progrès, on ne saurait rien comprendre aux mouvements de l’humanité. […] Peut-on dire cependant que, pendant cette période, l’humanité se soit enrichie de beaucoup d’idées nouvelles, que la moralité, l’intelligence, la vraie religion aient fait de sensibles progrès ? […] Comparez l’homme moderne emmailloté de milliers d’articles de loi, ne pouvant faire un pas sans rencontrer un sergent ou une consigne, à Antar, dans son désert, sans autre loi que le feu de sa race, ne dépendant que de lui-même, dans un monde où n’existe aucune idée de pénalité ni de coercition exercée au nom de la société.
L’homme qui a sacrifié à une grande idée son repos et les récompenses légitimes de la vie éprouve toujours un moment de retour triste, quand l’image de la mort se présente à lui pour la première fois et cherche à lui persuader que tout est vain. […] Comme on crut de bonne heure que le repas en question eut lieu le jour de Pâque et fut le festin pascal, l’idée vint naturellement que l’institution eucharistique se fit à ce moment suprême. […] Comme, d’ailleurs, une des idées fondamentales des premiers chrétiens était que la mort de Jésus avait été un sacrifice, remplaçant tous ceux de l’ancienne Loi, la « Cène », qu’on supposait s’être passée une fois pour toutes la veille de la Passion, devint le sacrifice par excellence, l’acte constitutif de la nouvelle alliance, le signe du sang répandu pour le salut de tous 1078. […] Jean, si préoccupé des idées eucharistiques 1081, qui raconte le dernier repas avec tant de prolixité, qui y rattache tant de circonstances et tant de discours 1082 ; Jean qui, seul parmi les narrateurs évangéliques, a ici la valeur d’un témoin oculaire, ne connaît pas ce récit. […] Il ne donna aucune suite à cette idée ; il vit bien que de timides provinciaux ne tiendraient pas devant la force armée des grands pouvoirs de Jérusalem.
Sans doute ce n’est pas a nous de décider si c’est là une idée dramatique, mais à coup sûr c’est la une idée morale. […] C’est un de ces instants de fatigue générale où tous les actes despotiques sont possibles dans la société même la plus infiltrée d’idées d’émancipation et de liberté. […] Ce sont toutes les existences qui ont peur de toutes les idées. […] S’il croit qu’il y a maintenant indifférence dans les esprits pour les idées de liberté, il se trompe, il n’y a que lassitude.
Ainsi que tous les Tartuffes qui possèdent l’esprit de leur vice et la majorité des hommes doublés d’une idée qu’ils ne disent pas, mais qui chatoie dans leur silence comme le jais brille malgré sa noirceur, Stendhal inspire un intérêt dont on ne saurait se défendre. […] La tyrannie des habitudes de l’esprit crée une sincérité de seconde main pour remplacer la sincérité vierge qu’elle tue. — Shakespeare, qui a pensé à tout, nous a donné l’idée de cette tyrannie dans Hamlet, quand, avec une intention profonde que des critiques superficiels taxeraient peut-être de mauvais goût, il mêle aux cris les plus vrais, les plus naturellement déchirants de son Oreste du Nord, des souvenirs mythologiques et pédantesques qui rappellent l’Université de Wittemberg, où le prince danois a été élevé. […] C’est, enfin, toujours le produit du xviiie siècle, l’athée à tout, excepté à la force humaine, qui voulait être à lui-même son Machiavel et son Borgia, qui n’écrivit pas, mais qui caressa pendant des années l’idée d’un Traité de la Logique (son traité du Prince, à lui), lequel devait faire, pour toutes les conduites de la vie, ce que le livre de Machiavel a fait pour toutes les conduites des souverains. […] Il n’a jamais frappé qu’un petit nombre d’hommes, mais il les a frappés, de sorte qu’ils sont restés timbrés à l’effigie de ses sensations et de ses idées, tandis que la masse lui a toujours échappé. […] Si un homme de la hauteur de Goethe, en se faisant païen comme il le devint sur ses derniers jours, a, pour tous ceux qui ne mesurent pas la grandeur du génie à son ombre, diminué la portée comme la chaleur de ses rayons, on peut s’interroger sur ce que peut produire un système d’idées comme le matérialisme de Stendhal sur des facultés moins nombreuses, moins enflammées et moins opulentes !
Ainsi que tous les tartuffes qui possèdent l’esprit de leur vice, et la majorité des hommes doublés d’une idée qu’ils ne disent pas, mais qui chatoie dans leur silence, comme le jais brille malgré sa noirceur, Stendhal inspire un intérêt dont on ne saurait se défendre. […] La tyrannie des habitudes de l’esprit crée une sincérité de seconde main pour remplacer la sincérité vierge qu’elle tue… Shakespeare, qui a pensé à tout, nous a donné l’idée de cette tyrannie dans Hamlet, quand, avec une intention profonde, que des critiques superficiels taxeraient peut-être de mauvais goût, il mêle aux cris les plus vrais, les plus naturellement déchirants de son Oreste du Nord, des souvenirs mythologiques et pédantesques qui rappellent l’université de Wittemberg, où le prince danois a été élevé. […] C’est, enfin, toujours le produit du xviiie siècle, l’athée à tout, excepté à la force humaine, qui voulait être à lui-même son Machiavel et son Borgia ; qui n’écrivit pas, mais qui caressa pendant des années l’idée d’un Traité de logique (son traité du Prince, à lui), lequel devait faire, pour toutes les conduites de la vie, ce que le livre de Machiavel a fait pour toutes les conduites des souverains ; voilà ce que nous retrouvons sans adjonction, sans accroissement, sans modification d’aucune sorte en ces deux volumes de Correspondance, où Stendhal se montre complètement, mais ne s’augmente pas ! […] Il n’a jamais frappé qu’un petit nombre d’hommes, mais il les a frappés, de sorte qu’ils sont restés timbrés à l’effigie de ses sensations ou de ses idées, tandis que la masse lui a toujours échappé. […] Si un homme de la hauteur de Gœthe, en se faisant païen, comme il le devint sur ses derniers jours, a, pour tous ceux qui ne mesurent pas la grandeur du génie à son ombre, diminué la portée comme la chaleur de ses rayons, on peut s’interroger sur ce que doit produire un système d’idées, comme le matérialisme de Stendhal, sur des facultés moins nombreuses, moins enflammées et moins opulentes !
Cependant le discours, semblable à de l’harmonie sans caractère, s’arrête à la surface des sens ; l’âme n’a aucun des plaisirs qui l’intéressent ; elle n’est ni remuée par des passions, ni attachée par des idées. […] Voici quelques traits de cet éloge ; on y trouvera cette teinte de poésie qui convient au genre, et encore plus à un peuple à peine civilisé, où le génie même doit avoir plus de sensations que d’idées : « Supposez, dit l’orateur, un Moscovite sorti de sa patrie avant les entreprises de Pierre-le-Grand ; supposez qu’il ait habité au-delà des mers, dans des climats où le nom et les projets du czar n’aient pas pénétré. […] Cette idée digne des anciens Grecs, qui croyaient que le génie des grands hommes veillait toujours au milieu d’eux, et que leur âme était présente parmi leurs concitoyens pour animer et soutenir leurs travaux, est peut-être le plus bel hommage qui ait été rendu au législateur de la Russie. […] Les Russes ont un esprit facile et souple ; leur langue est, après l’italien, la langue la plus douce de l’Europe ; et si une législation nouvelle élevant les esprits, fait disparaître enfin les longues traces du despotisme et de la servitude ; si elle donne au corps même de la nation une sorte d’activité qui n’a été jusqu’à présent que dans les souverains et la noblesse ; si de grands succès continuent à frapper, à réveiller les imaginations, et que l’idée de la gloire nationale fasse naître pour les particuliers l’idée d’une gloire personnelle, alors le génie qu’on y a vu plus d’une fois sur le trône, descendra peu à peu sur l’empire ; et les arts même d’imagination, transplantés dans ces climats, pourront peut-être y prendre racine, et être un jour cultivés avec succès, 82.
Avec sa douceur, elle me paraît encore plus enragée qu’Émilie ; elle a des idées encore plus fausses de l’honneur et du devoir. […] C’est ainsi que le théâtre ne donne que des idées fausses, et corrompt la saine morale, en nous faisant admirer des crimes. […] Les Français, plus que tout autre peuple, sont attachés à leur ton et à leurs manières ; ils regardent comme ridicule tout ce qui choque leurs idées et leurs usages. […] Le génie de Corneille a créé en France ces deux genres, et c’est chez les Espagnols qu’il en a puisé l’idée. […] Il faut compter que le spectateur aime le héros avec délicatesse, et que la moindre chose qui blesse l’idée qu’il en a conçue, lui est infiniment désagréable.
Son Traité des Sens, surtout, est plein d’idées neuves, profondes, & propres à faire sentir qu’il eût pu s’illustrer dans les Lettres, s’il s’y fût uniquement dévoué. […] Ils le regardent comme un des plus habiles Physiologistes qu’ait produits notre Nation, malgré son penchant aux idées paradoxales, malgré ses satires & ses injustices contre le célebre Frere Côme, qui ne lui a répondu qu’avec honnêteté & par de nouveaux succès.
Cet Ouvrage, qui n’a fait aucune impression dans le Public, méritoit d’être mieux accueilli ; l’idée en est neuve, le plan bien suivi ; les pensées & les vûes sont pleines de philosophie. […] Malgré le défaut de précision dans les matieres, on peut conseiller la lecture de ce Livre à ceux qui veulent avoir une idée nette des vices, des défauts, des vertus qui sont le partage de l’humanité.
« Plans simples, & presque toujours pris dans le cœur du sujet ; style facile, uni, coulant, assez concis, mais sans sécheresse, plus délicat que recherché, ne s’élevant qu’avec les choses qu’il traite, en n’ empruntant jamais sa force que de l’énergie même des objets ; & coloris, en général, aussi doux qu’égal : voilà, dit M. de Querlon, l’idée que nous donnerions de son genre. » Nous adoptons cette idée avec d’autant plus de confiance, qu’elle est conforme à la vérité, & que le Journaliste a prononcé ce jugement après la mort de l’Auteur.
C’étaient sans doute de jeunes filles comme celle-ci qui ont donné l’idée des Muses. […] Je souhaite surtout que son idée ne me quitte plus et me préserve de rechute. […] Ce roman de M. de Constant est philosophique et très-agréable : en voici l’idée. […] N’importe que cette idée soit confuse ou débrouillée, qu’elle naisse d’une source ou d’une autre, qu’elle se porte sur tel ou tel objet, qu’on s’y soumette plus ou moins imparfaitement : j’oserai vivre avec tout homme ou toute femme qui aura une idée quelconque du devoir. » Là-dessus, grand débat ! […] dit Joséphine, je ne me tuerai pas, je ne voudrais pas contrarier vos idées ; rendez-moi un peu de bonheur, et je ne me tuerai pas.
Le beau, sous toutes ses formes, est une des idées qu’elle approfondit et qu’elle cultive légitimement, et elle a le droit de suivre cette idée jusqu’à un certain point dans ses applications. […] Aristote a beaucoup combattu la théorie des Idées ; et je ne veux pas dire qu’elle soit inattaquable de tous points. […] L’âme y est seule avec les Idées qu’elle comprend et qu’elle contemple, mais qu’elle ne fait pas, comme Aristote l’a pensé. […] Que ce soit pour lui un titre de gloire aussi incontestable, s’il est moins grand, que la théorie des Idées. […] Herder, Idées sur la philosophie de l’histoire de l’humanité, livre XIII, chapitre 5, page 490, de la traduction de M.
Pour fixer les idées, appelons encore S et S′ les deux systèmes qui se déplacent l’un par rapport à l’autre. […] Concluons de toute manière, en ce qui concerne l’universalité du Temps réel, que la théorie de la Relativité n’ébranle pas l’idée admise et tendrait plutôt à la consolider. […] Mais cette idée, en tant que complète, est philosophique et non plus physique. […] Langevin au Congrès de Bologne qui attira jadis notre attention sur les idées d’Einstein. […] Telle fut l’idée dominante de la métaphysique des Grecs, idée reprise par la philosophie moderne et d’ailleurs naturelle à notre entendement.
S’ils vivaient assez vieux malgré tant de traverses, ils étaient récompensés par la plus belle joie, celle de voir leurs idées s’imposer à la vie. […] On retrouve à peu près la même idée, continue Émile Legouis, chez Carlyle, chez Wordsworth, chez Southey, chez Hazlitt, et surtout chez De Quincey. […] Demeure l’idée, confuse et vague, mais invincible, qu’on ne peut pas réduire la poésie à la prose : et c’est l’essentiel. […] L’idée de la grande chaîne des êtres, volontiers présente à la pensée des hommes du dix-huitième siècle, est renforcée par Leibniz. […] On est saisi de vertige, à l’idée de ce perpétuel changement dans cette continuité qui défie les commencements et les fins.
« Un autre phénomène, dit-il, me confirma dans cette haute idée. […] » « Lamartine a repassé sur cette grande idée dans le Crucifix. […] C’était une grande idée toute simple ; les peuples la comprirent. Ils comprirent peu les idées mixtes qui se refusent aux imprudences héroïques : le salut des circonstances douteuses où les Bourbons délibéraient. […] Il eut l’idée juste et la conduite fausse.
Guillain, président du Comité des forges de France, lequel s’est fait l’interprète des chefs de notre industrie et déclare qu’aujourd’hui les jeunes ingénieurs sont, pour la plupart, incapables « de présenter leurs idées dans des rapports clairs, bien composés et rédigés ». […] Comme c’est un ministre et qu’il doit être mieux renseigné que les pauvres taquineurs d’idées, gratteurs et barbouilleurs de paperasses, nous devons le croire sur parole. […] C’est en latin qu’on a traduit le Discours de la méthode, lorsqu’il s’est agi de vulgariser, de répandre dans le monde entier les idées cartésiennes. […] Je soumets l’idée, qui me paraît digne d’être creusée, à l’intelligente Direction des Marges. […] 2º Il ne m’était pas venu à l’idée qu’un vœu pour le rétablissement du latin pût cacher une arrière-pensée politique.
Que les idées de Wagner aient changé, soit ; mais elles ont changé à des dates fixes, auxquelles correspondent différentes œuvres. Les idées qu’il avait, lors de Lohengrin, sont toutes différentes de celles qu’il avait lors de la représentation de la Tétralogie ; mais deux dates correspondent à ces deux idées. […] Il est certain que nul n’est obligé d’être wagnérien, mais il n’est pas moins vrai que tous ceux qui prétendent à ce titre sont tenus de connaître Wagner et son œuvre, et de partager ses idées. […] Pour notre part, par exemple, nous ne pouvons partager ses théories trop sentimentales sur la vivisectionm mais il ne faut pas pour cela négliger de connaître ses idées à ce sujet, parce qu’elles expliquent un des côtés de son caractère et de son œuvre. […] Si l’on admet donc que Wagner est un penseur en même temps qu’un artiste, il faut, avant d’étudier une de ses œuvres, rechercher la genèse des idées qui l’ont amené à la produire.
Il faut bien l’avouer cependant, le réalisme, comme le romantisme, est né d’un travail d’idées étranger à notre pays, et que nous avons plutôt dénaturé qu’élargi ou continué. […] Schiller s’appelait idéaliste parce que son point de départ était une idée abstraite et qu’il chargeait cette idée de créer les personnages de ses drames ; Goethe se disait réaliste parce que son point de départ était la réalité, la nature, la vie, observées dans leurs phénomènes innombrables. […] La promiscuité des idées ne saurait aller plus loin. […] Ce qui est certain, c’est qu’il a des idées exactes de certaines divinités carthaginoises. […] Cette belle idée, que l’auteur aurait pu rendre plus sensible que jamais, il n’y en a point trace dans son œuvre.
* * * — Gavarni, l’homme qui avait le moins de netteté dans l’écriture d’une idée, a donné les formules les plus concrètes, mais à la condition d’être enfermées dans la matrice d’une légende. […] Pour la première fois, j’eus l’idée que je n’avais jamais eue jusqu’alors, j’eus l’idée qu’il pouvait mourir. […] bien, je lirai ce soir du Chateaubriand. » Lire tout haut les Mémoires d’outre-tombe, c’est son idée fixe, sa manie ; il m’en persécute, du matin au soir, — et il faut que ma figure ait l’air d’écouter. […] Il semble que son esprit, dans lequel s’est brisée la chaîne des idées, ait pris la logique en haine. […] * * * En dépit de tout ce que mes yeux voient, de tout ce que mes sens touchent de l’affreuse réalité, l’idée de la séparation éternelle ne peut s’asseoir dans ma cervelle.
Les personnes qui ont lu son Essai physique sur l’économie animale, conçoivent encore une meilleure idée de ses talens. […] Ceux qui veulent connoître l’origine des passions animales, leurs progrès, leurs développemens, leurs excès, & leur contrepoison, y trouveront une sagacité singuliere, qui satisfait l’esprit, quoique les idées peut-être n’en soient pas toujours de la derniere évidence.
Il faut se rappeler que toute l’antiquité, à l’exception des grandes écoles scientifiques de la Grèce et de leurs adeptes romains, admettait le miracle ; que Jésus, non-seulement y croyait, mais n’avait pas la moindre idée d’un ordre naturel réglé par des lois. […] Il faut se rappeler, d’ailleurs, que toute idée perd quelque chose de sa pureté dès qu’elle aspire à se réaliser. […] Jésus, pas plus que ses compatriotes, n’avait l’idée d’une science médicale rationnelle ; il croyait avec tout le monde que la guérison devait s’opérer par des pratiques religieuses, et une telle croyance était parfaitement conséquente. […] De nos jours, en Syrie, on regarde comme fous ou possédés d’un démon (ces deux idées n’en font qu’une, medjnoun 755 des gens qui ont seulement quelque bizarrerie.
— un spectacle de corruption dans les mœurs et d’athéisme dans les idées fort peu remarqué par les historiens d’alors, et qui rappelait presque l’Italie du siècle précédent. […] Toujours rêveuse et toujours imitatrice, l’Allemagne se rêvait France quand elle imitait les vices de la cour du grand roi, et elle en exagérait le scandale, comme, plus tard, elle prit les idées de la philosophie française, et en exagéra les conséquences pour s’en faire une originalité. […] Blaze de Bury, qui se souvient trop des types officiels et classiques quand il faudrait analyser, creuser ou peindre, appelle tour à tour madame de Platen Phèdre, Médée ou Messaline, pour nous donner une juste idée des fureurs d’amour, de jalousie et de vengeance, qui luttèrent en elle. […] Quel magnifique soufflet à donner aux idées matérialistes qui règnent encore en histoire que cet épisode exceptionnel dans l’histoire du xviie siècle !
Cela n’a point cette note insupportable de l’originalité qui déchire l’oreille de l’amour-propre, — cette oreille, délicate et longue, qu’il faut ménager, — et cela ne tire pas non plus brusquement les gens qui les aiment de la béatitude des idées communes… Prévost-Paradol ne sonne point du cor de Roland, en littérature ; de ce cor qu’on n’entend pas toujours, malgré sa puissance, qui meurt sans écho et qui brise les cœurs épuisés… Il joue, lui, d’un instrument plus commode. […] La seule foi bien établie en quelque chose, la seule conviction que j’aie trouvée sous les phrases légères comme le vide de Prévost-Paradol, c’est l’idée, qui brille partout dans ses livres, que par les temps actuels, — ces temps durs, ingrats, injustes, malhonnêtes, comme la fièvre de la princesse Uranie dans le sonnet de Trissotin, — Prévost-Paradol avait manqué fatalement sa gloire ! […] Jeunes comme lui, Taine et Renan, qui sont certainement des esprits de plus de talent que lui, de plus d’impulsion et de mouvement d’idées, n’ont pas, comme lui, cette ductilité de rhétorique, et, ce qui est l’avantage suprême au Journal des Débats, la faculté de faire également dans la politique et dans la littérature, qui fut si longtemps la faculté de MM. […] Prévost-Paradol y était le critique de l’idée politique ; et, comme la femme dont Dieu a béni le ventre fécond, il y portait le grand ministre et le grand orateur dont il se croyait triplé.
c’est le xixe siècle, malgré ses lumières et ses prétentions, son mouvement d’idées, sa science des détails, son éclectisme et cette impartialité dont il parle tant et qu’il ne peut pas avoir encore. […] Mais à la distance où nous en sommes, nous, les fils du xviiie siècle et de la Révolution française, nous ne pouvons embrasser d’un regard pur de tout préjugé une politique qui avait son unité comme elle avait son principe, et parce qu’elle choque la personnalité de notre siècle, inconséquente et raccourcie d’intelligence, nous la condamnons sans réserve, en vertu de nos idées d’hier. […] Quand, de ce côté-ci de la Révolution française, avec des idées de liberté religieuse que cette révolution a créées, nous ne voyons qu’une passion indigne du grand roi dans la révocation de l’Édit de Nantes, une passion odieuse et payée d’un immense désastre industriel, nous ne discernons réellement que la moitié des choses, et nous mettons entre nous et les mobiles de Louis XIV l’épaisseur de nos propres conceptions. […] Il se serait demandé encore si, dans la prévision des événements qui allaient suivre, il ne valait pas mieux se séparer de tout ce qui pouvait entretenir dans le pays les antiques et effroyables divisions intestines, que de l’y garder en affrontant les éventualités les plus funestes ; car, à cette époque de l’histoire, la religion pesait plus dans les décisions des hommes que cette idée de la patrie qui, deux siècles plus tard, l’a remplacée.
Après le galbe de ses idées pris pour les penseurs, on nous fait l’histoire de ses sentiments et de sa vie de cœur, pour les petits jeunes gens et pour les femmes. […] Il n’y a que la Philosophie, la victime habituelle des idées fausses, qui puisse être victime à ce point des sentiments faux et qui soit destinée à confondre l’affection et la mauvaise rhétorique avec l’expression des cœurs vrais ! […] Femme de lettres, ayant cette considération de la pensée qui donne aux femmes moins d’aptitude à vivre de la vie des sentiments que des idées, elle doit avoir naturellement, et elle les a, quelques entrailles pour Abailard (un professeur éloquent !) […] … » Franchement, l’homme qui a écrit de ce style-là, sans le changer ou le modifier jamais dans tout son livre, est trop fort dans la déclamation pour trouver qu’Héloïse puisse être jamais déclamatoire et pour juger de la sincérité de quoi que ce soit dans l’expression des idées ou des sentiments.
Après le galbe de ses idées pris, pour les penseurs, on nous fait l’histoire de ses sentiments et de sa vie de cœur, pour les petits jeunes gens et pour les femmes. […] Il n’y a que la Philosophie, la victime habituelle des idées fausses, qui puisse être victime à ce point des sentiments faux et qui soit destinée à confondre l’affection et la mauvaise rhétorique avec l’expression des cœurs vrais ! […] Femme de lettres, ayant cette considération de la pensée qui donne aux femmes moins d’aptitude à vivre de la vie des sentiments que des idées, elle doit avoir naturellement, et elle les a, quelques entrailles pour Abailard (un professeur éloquent !) […] … Franchement, l’homme qui a écrit de ce style-là, sans le changer ou le modifier jamais dans tout son livre, est trop fort dans la déclamation pour trouver qu’Héloïse puisse être jamais déclamatoire, et pour juger de la sincérité de quoi que ce soit dans l’expression des idées ou des sentiments.
Seulement, s’il l’était vis-à-vis des autres, ce qui est toujours une question quand il s’agit de paganisme, l’auteur d’Impressions et Visions 27, nous n’hésitons pas à le dire, reste très coupable vis-à-vis de lui-même, parce qu’il a diminué un talent qu’on n’a point reçu pour qu’on le diminue en lui imposant des formes vieilles qu’il faut laisser là à tout jamais ; car le génie serait impuissant à les raviver, s’il pouvait en avoir l’idée. […] Conduit par le paganisme de l’image au sensualisme de l’idée, — comme il arrive toujours : c’est une loi ! […] C’est ainsi que, dans quelques pièces, si l’idée de Dieu se lève tout à coup au milieu de tous ces vers de voluptueux, comme, par exemple, dans ses Victimes, ce n’est pas notre Dieu à nous, c’est celui des lâches rêveurs qui demandent un paradis sur la terre, et auquel le poète crie : Et suspends le travail du mal et du malheur ; Fais qu’à la loi d’amour l’humanité réponde ! […] » A un poète chrétien : « Voyons ce que vous avez tiré des idées chrétiennes !
Théophile Gautier a imités dans ce roman sans vie et sans passion réelle, — monument d’archaïsme, dont l’idée ne pouvait venir qu’à un littérateur de décadence, très-habile, si l’on veut, et très-rompu aux choses du langage, mais dépourvu entièrement d’invention puissante et de toute originalité ! […] Quel est le sens esthétique ou moral, mais quelconque, de ce livre sans caractère tranché, fait de miettes et de petits souvenirs rapprochés, qui ne sait être nettement ni un roman d’idée, comme Don Quichotte, ni un roman de cœur, comme La Princesse de Clèves, ni un roman de nature humaine ou de mœurs, comme Gil Blas, ni même un roman d’aventure, comme le Roman comique de Scarron, car avec les comédiens qui emplissent le roman du Capitaine Fracasse, M. […] Gautier, pour avoir une juste idée de sa magie, les prodigieux événements de son roman d’aventure. […] Théophile Gautier s’en va rejoindre le roman d’idée, le roman de cœur, le roman de nature humaine et de mœurs, dont M.
Toutes ces sortes d’idées que nous avons vues, tout cet ensemble de sentiments, toutes ces expressions rares prennent leurs racines dans des choses anciennes que la foule n’exprime pas, mais qu’elle sent aussi bien que nous. […] L’idée que cette guerre doit être la dernière des guerres, c’est une vieille idée populaire, « A nous de souffrir, nos enfants seront plus heureux ! […] Ce sont maintenant nos anciennes petites idées qui paraissent en surface, et si nous les défendons encore parfois, souvent nous n’y croyons plus.
Le monde est agité par l’inquiétude de chaque homme, et ces armées innombrables qui couvrent la surface de la terre, sont l’invention cruelle des soldats, des officiers, des rois, pour chercher dans la destinée quelque chose que la nature n’y a point mis, ou tout au moins, pour obtenir cette interruption momentanée de la durée successive des idées habituelles, cette émotion qui soulage du poids de la vie. […] Comment avoir l’idée de cette fureur de personnalité ? […] Les passions qui dégradent l’homme, en resserrant son égoïsme dans ses sensations, ne produisent pas, sans doute, ces bouleversements de l’âme où l’homme éprouve toutes les douleurs que ses facultés lui permettent de ressentir ; mais il ne reste aux peines, causées par des penchants méprisables, aucun genre de consolation ; le dégoût qu’elles inspirent aux autres, passe jusqu’à celui qui les éprouve ; il n’y a rien de plus amer dans l’adversité que de ne pas pouvoir s’intéresser à soi : l’on est malheureux sans trouver même de l’attendrissement dans son âme ; il y a quelque chose de desséché dans tout votre être, un sentiment d’isolement si profond, qu’aucune idée ne peut se joindre à l’impression de la douleur ; il n’y a rien dans le passé, il n’y a rien dans l’avenir, il n’y a rien autour de soi, on souffre à sa place, mais sans pouvoir s’aider de sa pensée, sans oser méditer sur les différentes causes de son infortune, sans se relever par de grands souvenirs où la douleur puisse s’attacher.
En fait d’idées, le cœur est stérile ou fécond, selon que l’esprit est riche ou pauvre. […] « C’est drôle, dit un ami à son ami dans une des plus joyeuses comédie de Labiche, c’est drôle, quand on ne s’est pas vu pendant vingt-sept ans et demi, comme on n’a presque rien à se dire. » Les cœurs sont restés unis ; mais la vie a séparé les esprits : ils n’ont plus d’idées communes, partant plus de conversation. […] Si une passion est contrariée, mille idées, regrets du passé, espérances et craintes de l’avenir, délibérations et projets, viennent le soutenir et comme donner un corps au sentiment vague et flottant de sa nature.
À propos de Delaroche, sa peinture est la meilleure idée approximative qu’on puisse donner de la poésie de M. […] Le poète a du velours et de la soie pour toutes les idées qu’il met en œuvre. […] Casimir Delavigne n’était qu’un versificateur élégant, minutieux et habile jusque dans le choix de ses sujets, qu’il prenait toujours dans l’ordre d’idées dont la vogue lui promettait un succès facile.
C’est ainsi que, de nos jours, quand le retour de l’ancienne maison de France imposa l’obligation de renier, de détester tout le passé, quand ce n’était pas assez de le mettre en oubli, qu’il fallait en avoir horreur, les romans de Walter Scott, où étaient peintes des mœurs inconnues, acquirent en France une vogue inouïe et contribuèrent au grand changement qui s’opéra alors dans les idées et dans la littérature. […] Ce roman est une pastorale allégorique dans laquelle l’auteur a décrit ses propres amours dégagés de toute idée grossière, et où, « par plusieurs histoires et sous personnes de bergers et d’autres, sont déduits les divers effets de l’honnête amitié ». […] Quand une nation se repose après une révolution ou après de grandes dissensions, le parti victorieux s’applique encore quelque temps après la victoire à exercer une espèce de vengeance morale sur les opinions qui régnaient avant le combat ; il réprouve tout le système des anciennes idées, des anciens principes en morale, en littérature, en philosophie, même dans les arts.
L’auteur, en les composant, a essayé de donner quelque idée de ce que pouvaient être les poëmes des premiers troubadours du moyen-âge, de ces rapsodes chrétiens qui n’avaient au monde que leur épée et leur guitare, et s’en allaient de château en château, payant l’hospitalité avec des chants. S’il n’y avait beaucoup trop de pompe dans ces expressions, l’auteur dirait, pour compléter son idée, qu’il a mis plus de son âme dans les Odes, plus de son imagination dans les Ballades. […] Développons notre idée.
C’est en Angleterre et en France qu’il a vu la germination des idées et des sentiments dans les classes travailleuses, et qu’il s’est rendu compte des forces nouvelles qui émergeaient. […] Chez nous, cette idée d’un bon Dieu réservé aux Allemands n’a pas plus de pendant que le pangermanisme. […] L’idée d’une organisation du travail dans le monde, qui favoriserait les ouvriers français, qui donnerait aux ouvriers des autres nations des contremaîtres et des ingénieurs français, est aussi contraire à la pensée de nos socialistes que le régime capitaliste.
Jadis, dans le tumulte des cités noires et batailleuses, haute en le ciel se tenait l’église cathédrale, lieu mystique et d’asile : là ce sera ce site, cathédral entre les nations, où l’idée aura son culte et son hospitalité. […] Et la littérature s’est développée par le fait que se développaient les idées générales, comme la peinture par la croissante précision des visions. […] Et de là est sortie la musique : en même temps que les lignes et les couleurs répondaient à la forme des choses, les mots aux idées abstraites d’elles issues, l’harmonie des sons née de l’imitation des bruits de la nature atteignait ce où échouaient lignes et mots, l’impression sentimentale découlée de la nature. […] Ainsi, de son origine, la musique exprima les émotions issues des choses par la représentation des bruits naturels ; combien donc rapidement le conventionnel dut, par la force de l’association des idées, étendre les moyens de la musique ! […] Mais si ç’a été la profonde pensée de Wagner, faire des œuvres de pure musique avec le commentaire de paroles et de gestes, tardivement est-il arrivé à la conscience de cette idée ; de là les erreurs éparses, parmi tant de géniales réalisations, dans l’œuvre qu’il institua et qui commence à l’ère glorieuse du printemps de 1849.
Le tout est de résumer ça par une idée très simple ; au fond qu’est-ce ? […] Rien ne donnera mieux l’idée de cette création étrange qui possédait véritablement les amis de Flaubert, les affolait même, que la charge consacrée, chaque fois qu’on passait devant la cathédrale de Rouen. […] Les cigares et les pipes y font des nuages visibles et qui se tordent comme une idée bête qu’on poursuit. […] Il semble mâcher des restes d’idées, de souvenirs, de mots. […] Il dit de Grandville et de ses caricatures philosophiques : « Il me fait l’idée d’un homme qui s’embarquerait pour la lune… sur un âne de Montmorency. » Il dit de Doré : « C’est Michel-Ange dans la peau de Victor Adam !
. — Le public se fait-il bien une idée de la difficulté qu’il y a à modeler avec de la couleur ? […] Il est malheureux que l’idée baroque d’assigner à chaque peuple sa place géographique ait nui à l’ensemble de la composition, au charme des groupes, et ait éparpillé les figures comme un tableau de Claude Lorrain, dont les bonshommes s’en vont à la débandade. […] Il nous suffit, pour compléter l’idée qu’on doit se faire du talent de M. […] Debay n’ait pu mettre au service d’une idée aussi originale qu’une exécution qui ne l’est pas assez. […] Du reste, constatons que tout le monde peint de mieux en mieux, ce qui nous paraît désolant ; — mais d’invention, d’idées, de tempérament, pas davantage qu’avant
Si Catherine refuse, ce n’est pas du tout parce qu’elle est une fille raisonnable, je veux dire une fille à qui l’idée ne serait jamais venue d’aimer un duc (car, outre que, dans la réalité, l’occasion en est si rare que ce n’est pas la peine d’en parler, ces idées-là ne viennent que quand on le veut bien). […] Ainsi, — et là est, à mon sens, l’idée vraiment originale de M. […] Le cœur libre désormais, Lia accepte sans répugnance l’idée de ce mariage de raison : « Évidemment, dit-elle, il doit y avoir des émotions et des joies dont il faut bien que je fasse mon deuil… Mais elles sont très mêlées, ces joies-là, je le sais… J’aimerai M. […] » Et il ajoute : « Une idée me vient, qui n’a contre elle que d’être simple à l’excès et de me venir un peu tard. […] Je n’ai rien à répondre, sinon que je n’y ai pas songé et que, ayant voulu très expressément montrer une fille chaste et croyante, il m’était vraiment bien difficile d’accueillir l’idée soit de cette chute, soit de ce suicide.
Émile Besnus Rythmes, les formes, les sous et les nuances ; rythmes, les mots et les idées. […] [L’Idée libre (1893).]
Il avoit un esprit pénétrant & fécond, une facilité étonnante pour tout apprendre & tout retenir, l’art de développer & de communiquer ses idées ; ce qui l’a rendu, à juste titre, un des plus célebres Professeurs en Droit que la France ait eus. On remarque dans ses Ouvrages le même caractere d’esprit qui présidoit à ses leçons ; même profondeur dans les idées, même clarté dans les expressions, même ordre dans les matieres, même érudition dans les discussions.
Si son style est quelquefois prosaïque & dépourvu de ces images qui ennoblissent les idées en même temps qu’elles les rendent plus sensibles, il a du moins le mérite rare d’être facile, harmonieux, simple, & correct. Pour donner au Lecteur une idée du talent de ce jeune Poëte, nous croyons devoir transcrire ici une des petites Pieces de son Recueil.