On ne se souvient de son nom, que parce qu’il tient aux événemens de sa Secte, dans laquelle il eut beaucoup de crédit.
À force d’éloquence, il est vrai, l’auteur y parvient, quand il parvient à faire oublier cette horrible révélation d’une infernale nature ; mais il ne peut y parvenir dans ceux qui se souviennent en lisant de ces antécédents de tigre ; il veut vainement faire détester la société en la calomniant, il ne réussit véritablement en ceci qu’à calomnier le crime ! […] On croit voir des portraits de famille dans certaines figures du tableau, telles, par exemple, que la transparente sœur madame Baptistine et la vieille madame Magloire, sœur volontaire aussi plutôt que servante de la maison épiscopale ; on croit deviner que le poète, comme le peintre Rubens, mettant partout sa femme ou sa sœur dans ses tableaux, s’est souvenu de son heureuse enfance de la rue du Colombier, et a retracé le profil de sa mère ou la face réjouie de quelque bonne tante auxiliaire de sa mère, dans les figures de ces deux saintes femmes de l’Évangile, domestiques du saint évêque de Digne. […] N’en parlons plus, et souvenons-nous tour à tour tantôt d’adoucir, tantôt de réprouver les étranges disparates de cette philosophie à tiroir. […] C’est un cadre dans lequel l’écrivain, tour à tour philosophe, penseur, sophiste, poète, prend, comme l’aigle, son lecteur à terre, l’emporte avec lui çà et là dans l’irrésistible élan de son style, lui fait parcourir un pan de l’espace, lui donne le vertige, l’enthousiasme, le délire de son talent, puis ne se souvient plus ni de lui, ni de sa composition, ni de son sujet parcouru à grand vol, le dépose à terre sûr de le reprendre à son gré et lui dit de nouveau : « Allons ! […] » Et il y a longtemps, bien longtemps avant la révolution de 1848, que cette idée lui est venue : car je me souviens parfaitement qu’avant 1848 il y pensait, il s’en occupait, il avait peut-être commencé à l’écrire.
N’oublions pas cependant que sur un point si délicat des opinions bien diverses se sont produites, et peut-être suffira-t-il de mettre ces opinions en présence pour concilier les devoirs de l’historien avec les justes égards dus à une femme célèbre, dont les dernières années ont laissé un souvenir honorable. […] Les souvenirs que consigne ici le célèbre écrivain se rapportent à l’année 1812 ; il est probable cependant que dès l’année 1803 la veuve du dernier Stuart, la vieille amie de l’ardent poète piémontais, avait déjà cette physionomie sans jeunesse, ces allures sans légèreté, que Chateaubriand nous signale. […] Il est vrai qu’il ajoute ce correctif précieux, oublié ou dédaigné par Chateaubriand : “Mais ses yeux avaient une lumière, ses cheveux cendrés une teinte, sa bouche un accueil, toute sa physionomie une intelligence et une grâce d’expression qui faisaient souvenir, si elles ne faisaient plus admirer. […] Voici une de ses lettres, du 7 juin 1807, de Pescia : « Madame, « Permettez-moi de me rappeler à votre souvenir en vous envoyant les deux premiers volumes de mon histoire. […] J’avais plus qu’un autre cette curiosité ; vous devez l’avoir : voici son portrait à cinquante-cinq ans : Était-elle encore belle de cette beauté que les Laure de Pétrarque, les Léonora du Tasse, les Vittoria-Colonna de Michel-Ange, les Béatrice de Dante, les Fornarina de Raphaël, les Récamier de Chateaubriand, ont laissée dans l’éternel souvenir de la postérité ?
quel souvenir. […] « Si notre âme n’est qu’une matière subtile, mise en mouvement par d’autres éléments plus ou moins grossiers, auprès desquels même elle a le désavantage d’être passive ; si nos impressions et nos souvenirs ne sont que les vibrations prolongées d’un instrument dont le hasard a joué, il n’y a que des fibres dans notre cerveau, que des forces physiques dans le monde, et tout peut s’expliquer d’après les lois qui les régissent. […] Suffit-il d’une seule sensation pour réveiller en eux une foule de souvenirs ? […] Villemain, dans ses souvenirs de cette époque, pour que nous laissions peindre à un autre qu’à ce grand peintre les angoisses d’une femme qui furent en ce moment les angoisses de toute une nation. […] Villemain, j’avais vu madame de Staël dans cette maison et ailleurs éclairer d’une vive lumière quelques entretiens accidentels sur la politique, les lettres, les arts, parcourir le passé et le présent comme deux régions ouvertes partout à ses yeux, deviner ce qu’elle ne savait pas, aviser par le mouvement de l’âme ou l’éclair de la pensée ce qui n’était qu’un souvenir enseveli dans l’histoire, peindre les hommes en les rappelant, juger, par exemple, le cardinal de Richelieu avec une sagacité profonde, et il faut ajouter une noble colère de femme, puis l’empereur Napoléon qui résumait pour elle tous les despotismes, et que sa parole éloquente retrouvait à tous les points de l’horizon comme une ombre gigantesque qui les obscurcissait.
Déjà s’éloignent les dernières lumières ; ce que nous avons pensé, ce que nous avons cru voir, les souvenirs et les images des choses, les restes de l’illusion, l’auguste pressentiment des saintes ténèbres éteint tout cela en nous affranchissant du monde. […] Au début de la quatrième partie de la Damnation des fragments de la retraite et du chœur latin des étudiants de la partie précédente, chantés derrière la scène, comme venant de loin, ainsi que des bouffées de souvenirs, viennent rappeler à Marguerite abandonnée la nuit fatalement, délicieuse où Faust pénétrait chez elle … Encore une fois Francesca ! […] Voir le chapitre intitulé : Mes Souvenirs sur Louis Schnorr de Carolsfeld, dans les Souvenirs de Wagner, page 187. […] Il publia en particulier : Mes Études et mes Souvenirs.
La légende chrétienne du Gral a dû naturellement avoir une forme primitive orientale, encore très vague bien entendu ; transportée en Bretagne20 par la marche de la prédication, elle a coïncidé avec les traditions nationales de la Celtique, l’initiation aux mystères du « Gradal », les souvenirs de résistance à la conquête et les espoirs d’affranchissement. […] Son nom prononcé l’a frappé d’une surprise, comme si un souvenir vague remontait dans son esprit. […] Une vie nouvelle semble violemment prendre possession de lui, et il se lève comme transfiguré par ce bain de prière et de souvenir. […] C’est un succès qui dépasse tous ceux dont on enregistre le souvenir au théâtre de la Monnaie. […] l’accord est fait depuis la Valkyrie : rappelez vos souvenirs ; la vierge guerrière endormie sur la cime entourée de flammes en attendant son héros, a laissé dans les âmes les plus récalcitrantes une sorte de sentiment vague, tenant à la fois de l’admiration, de l’inquiétude et de la stupeur.
. — Portraits et souvenirs (1859). — Les Toqués (1860). — Christophe Colomb (1864).
De tout ce qu’il a écrit contre les Catholiques, on ne conserve que le souvenir odieux de ses emportemens.
Je me souviens que dans l’un il y avait deux filles qu’on menait à St-Martin (maison de correction) dont l’une se désolait, et l’autre faisait les cornes au commissaire.
Une conversation du soir, au coin du feu en automne ; le ton est un peu triste et semble participer seulement de la mélancolie d’un souvenir. […] il n’en reste encore que trop pour mon souvenir ! […] Souviens-toi de ce que dit quelquefois maman: Le pain du méchant remplit la bouche de gravier. — Comment ferons-nous donc ? […] Virginie soupira au souvenir de la pauvre esclave, et des inquiétudes de leurs mères. […] Souviens-toi du jour où nous passâmes à travers les cailloux roulants de la rivière des Trois-Mamelles.
Toutefois, en quelques poèmes écrits sous la dictée du Souvenir, cette sensualité se tempère d’un sentiment exquis : ainsi dans ces Yeux de velours dont la tristesse mystérieuse enveloppe et fascine comme l’Antonia d’Hoffmann ou la Ligeia d’Edgar Poe.
[Souvenirs poétiques de l’école romantique (1880).]
En souvenir et en reconnaissance de cette constante harmonie qui m’a rendu facile et douce la carrière de professeur en pays étranger, j’ai voulu laisser à ceux et à celles dont je fus le maître un instrument de travail que j’eusse éprouvé par un long usage et qui leur permit de se passer de moi.
De vingt-deux Pieces de Théatre qu’il a composées, on ne se souvient plus que de Judith & de Jephté, deux Tragédies qui eurent du succès, mais qu’on ne joua plus dès que celles de Corneille & de Racine eurent paru.
Fléchier à la femme d’un Président de Rennes : « A l’égard de Mlle Descartes, son nom, son esprit, sa vertu, la mettent à couvert de tout oubli, & toutes les fois que je me souviens d’avoir été en Bretagne, je songe que je l’ai vue, & que vous y êtes ».
[Souvenirs poétiques de l’école romantique (1880).]
Tel est le sort de cette sorte de Prophetes ; on conserve le souvenir de quelques faits qui se sont trouvés d’accord avec leurs prédictions, & on en oublie mille où ils se sont trompés.
Cette absence de souvenirs amoureux dans une existence si passionnée est bien surprenante. […] Ô souvenir de mes beaux jours, ne pouvez-vous maintenant éclairer un peu mes tristes heures ? […] Toutes ont piétiné de chers souvenirs pour suivre René. […] Toutes ont recherché celui qui les a trahies et n’ont voulu se souvenir que de celui qui les a oubliées. […] Flaubert s’en est trop peu souvenu lorsqu’il déclarait que le manque de style l’avait détourné de Balzac.
Le futur député se souvint plus tard de l’outrage, et dès lors se jura « de relever la caste à laquelle il appartenait de l’humiliation à laquelle elle semblait condamnée ». — Pareillement Lacroix, le futur conventionnel590, poussé, à la sortie du théâtre, par un gentilhomme qui donne le bras à une jolie femme, se plaint tout haut. — « Qui êtes-vous ? […] Dans les collèges de l’Université, on n’enseigne point l’histoire604. « Le nom de Henri IV, dit Lavalette, ne nous avait pas été prononcé une seule fois pendant mes huit années d’études, et, à dix-sept ans, j’ignorais encore à quelle époque et comment la maison de Bourbon s’est établie sur le trône. » Pour tout bagage, ils emportent, comme Camille Desmoulins, des bribes de latin, et ils entrent dans le monde, la tête farcie « de maximes républicaines », échauffés par les souvenirs de Rome et de Sparte, « pénétrés d’un profond mépris pour les gouvernements monarchiques ». […] Souvenirs manuscrits, par le chancelier Pasquier. […] Lavalette, I, 7. — Souvenirs manuscrits par le chancelier Pasquier. — Cf.
Ledru-Rollin, chef des journalistes radicaux, et ayant, malgré ses amis, reconnu en lui des facultés de parole et des puissances de conception très-grandes avec des intentions non déguisées contre le socialisme subversif, notre ennemi commun, j’avais conçu pour lui une secrète estime, et je n’étais pas loin d’espérer que le concours d’un homme aussi bien doué ne pût être, sous une forme ou sous une autre, très-utile à la république ; depuis, il suivit légèrement une émeute sans portée qu’il devait répudier courageusement ou conduire ; il se réfugia en Angleterre par une fausse porte, mais il parut de ce jour-là se retirer de la politique, et il vécut en mort de ses souvenirs, de ses regrets et peut-être de son mépris pour les vivants. […] Quand vous voudrez, enfants, retrouver dans votre âme Ces souvenirs scellés sous le marbre étouffant. […] On se souvient que, pour presser le dénoûment de la catastrophe, un certain nombre de membres de la gauche demandèrent que les ministres du roi fussent décrétés d’accusation. […] Mais il resta au pauvre et généreux Aubry-Foucault le souvenir de sa fidélité jusqu’après la mort et d’une reconnaissance qui mesure ses bienfaits non à ses actes, mais aux bons sentiments de son âme.
Je me rappelle Mlle Céleste ; dans le souvenir reconnaissant que beaucoup d’ecclésiastiques conservaient d’elle, il n’y avait rien qui, au point de vue des canons les plus sévères, ne se pût avouer. […] Quelques mois suffirent pour reléguer ces vestiges de foi dans la partie de nos âmes consacrée aux souvenirs. […] La civilité extrême de mes vieux maîtres m’avait laissé un si vif souvenir, que je n’ai jamais pu m’en détacher. […] V Je termine ici ces souvenirs, en demandant pardon au lecteur de la faute insupportable qu’un tel genre fait commettre à chaque ligne.
A l’époque dont j’ai évoqué le souvenir (novembre 1850), Seghers, qui approchait de la cinquantaine, était pour les vétérans des grands orchestres parisiens, un très ancien camarade, un compagnon de jeunesse : à côté de plusieurs d’entre ceux-là, il avait fait, presque adolescent, sa partie de violon ou d’alto, et nul n’avait jamais eu à se demander si Seghers était étranger. […] Souvenirs sur Lohengrin (1849) C’est, croyons-nous, le premier article qui ait été écrit en français sur Lohengrin. Il fait partie d’une description des fêtes de Weimar en 1849 et a été réuni, sous la rubrique de Souvenirs de Thuringe, à quelques autres articles dans un volume aujourd’hui très rare, Lorely Souvenirs d’Allemagne. […] Jullien, des illustrations à un ouvrage documentaire ; mais d’originaux poëmes, où les harmonieuses joueries des pâles ombres et de lascives blancheurs évoquent, sans même le secours de souvenirs musicaux, une tristesse languide, quelque mystérieuse horreur, ou bien la calme gaîté d’une âme rajeunie.
Les noms de Wallstein, de Tilly, de Bernard de Weymar, d’Oxenstiern, de Mansfeld, réveillent dans la mémoire de tous les spectateurs des souvenirs qui n’existent point pour nous. […] Il se retrace toute l’histoire de sa jeunesse ; des souvenirs mêlés de remords l’assiègent ; il éprouve une crainte vague ; son bonheur lui avait paru longtemps attaché à la conservation de ce premier don d’une amitié maintenant abjurée. […] Andromaque est l’une des pièces les plus parfaites qui existent chez aucun peuple ; et Racine, ayant adopté le système français, a dû écarter, autant qu’il le pouvait, de l’esprit du spectateur, le souvenir du meurtre de Clytemnestre. Ce souvenir était inconciliable avec un amour pareil à celui d’Oreste pour Hermione.
Aux yeux de qui sait reconnaître le fond et la forme d’un livre qui n’est que les variations d’un autre, exécutées avec plus ou moins de talent, l’ouvrage en dernier publié de Michelet a été bien plus inspiré par le souvenir d’un succès que par une idée nouvelle ou une vigoureuse fécondation d’une idée ancienne. […] Déjà, si on daigne s’en souvenir, lorsque nous fûmes obligé de rendre compte alors, dans un journal, du trop fameux livre de l’Amour, il fallut nous soumettre à l’affreux supplice des citations impossibles, et, certes ! […] L’Histoire cependant ne se souvient pas qu’il est infidèle, et, dans ce livre même, où il la dédaigne pour une physiologie inconséquente, l’Histoire, aux fermes habitudes, lui communique une justesse virile et une précision dans l’estime des faits qui font de l’Introduction du livre en question un chef-d’œuvre d’appréciation et de vérité. […] Imagination forte, sensibilité exaltée, mais raison débile, Michelet, ce pauvre moraliste-législateur, était aussi goulu de spectacles pour le compte du peuple français que le peuple romain tout entier, dont ce fut la dépravation… Et cependant, chrétien encore, Michelet, l’homme du Cours de 1847, s’est souvenu — n’en doutez pas !
j’ai gardé de lui un si tendre et si éblouissant souvenir ! […] Weiss avait gardé le plus vif souvenir du succès qu’elle obtint. […] Serait-ce dans quelques souvenirs épars çà et là d’Homère et de la Bible ? […] Pourtant le souvenir de Charlotte occupe à peine deux pages de ses Mémoires. […] On se souvient encore de son Traité sur les plus importantes vérités de la religion.
[Souvenirs poétiques de l’école romantique (1880).]
[Souvenirs littéraires (1882-1883).]
On a oublié les Ouvrages qu’il fit pour soutenir cette mauvaise cause, mais on se souvient encore de l’Epigramme de Boileau.
Le poème d’Olivier épris douloureusement d’un amour virginal et qui voit son rêve flétri par le souvenir des débauches passées, aurait charmé le Sainte-Beuve analyste des Pensées d’août. […] Coppée, lui, l’a réalisée ; il y est d’abord passé maître ; et c’est le souvenir qu’éveille d’abord son nom.
À la fin du mois de décembre, il célébra à Jérusalem la fête établie par Judas Macchabée en souvenir de la purification du temple après les sacrilèges d’Antiochus Épiphane 1004. […] Ajoutons que Jean est le seul évangéliste qui ait une connaissance précise des relations de Jésus avec la famille de Béthanie, et qu’on ne comprendrait pas qu’une création populaire fût venue prendre sa place dans un cadre de souvenirs aussi personnels.
« On était hier, dit-elle, sur votre chapitre chez madame de Coulanges, et madame Scarron se souvint avec combien d’esprit vous avez soutenu autrefois une mauvaise cause, à la même place et sur le même tapis où nous étions. […] Souvenirs de Caylus.
Mais la conscience n’est pas une région de l’espace ni du temps ; le seul fait d’avoir conscience d’une sensation présente, joint au souvenir d’avoir eu conscience d’une sensation passée et contraire, nous permet déjà de concevoir, au-delà de la sensation présente, d’autres sensations possibles, et, derrière cette possibilité de sensations, une activité réelle autre que notre sensation même. […] Selon Riehl, on s’en souvient, toute sensation étant le discernement d’une différence entre l’état actuel senti et un autre état non senti ou inconscient, la sensation se trouve toujours en rapport avec du non-senti, et c’est ce non-senti qui devient « le réel » au-delà de la sensation. — Nous avons déjà répondu qu’on ne peut pas établir un rapport entre un terme donné à la conscience et un autre qui ne l’est pas.
Alors il lui restait une sorte d’influence analogue, et comme un souvenir de ce qu’elle fut avant de s’être à demi matérialisée par l’écriture. […] On se souvient de l’avis de Fénelon.
— était si maladroit dans l’exercice des armes, qu’il fut obligé de s’interdire la chasse pour ne blesser personne, et qu’on a gardé dans sa famille, comme souvenir unique de son genre parmi ses traditions de gloire, le souvenir de la seule perdrix qu’il eut une si grande peine à tuer !
— était si maladroit dans l’exercice des armes qu’il fut obligé de s’interdire la chasse pour ne blesser personne, et qu’on a gardé dans sa famille, comme souvenir unique de son genre parmi ses traditions de gloire, le souvenir de la seule perdrix qu’il eut une si grande peine à tuer !
Elle se souvenait, sans doute, des magnifiques paroles de sa cousine, Clotilde de France, Reine de Sardaigne, qui disait : « que la plus belle place pour une chrétienne dans le Paradis, serait celle où l’on verrait à côté de soi un ennemi pour lequel on aurait prié ». […] Il n’y a ni coquetteries, ni vanité, ni troubles, ni désirs, ni regrets, ni jalousies, ni souvenirs de caresses, ni spectres de baisers coupables.
Aucun livre ne pèse, de souvenir, sur ce livre-là. […] Lamartine n’a pas dit à quelle époque de son génie et de sa gloire il a écrit ces souvenirs de sa jeunesse où il n’y a que sa jeunesse, et le livre est tellement et si exclusivement sa jeunesse qu’il est impossible de le deviner.
— et il a eu un style qui, en définitive, n’a pas été plus à lui que ses personnages, décalqués, tous, de quelque souvenir. […] Quel est le sens esthétique ou moral, mais quelconque, de ce livre sans caractère tranché, fait de miettes et de petits souvenirs rapprochés, qui ne sait être nettement ni un roman d’idée, comme Don Quichotte, ni un roman de cœur, comme La Princesse de Clèves, ni un roman de nature humaine ou de mœurs, comme Gil Blas, ni même un roman d’aventure, comme le Roman comique de Scarron, car avec les comédiens qui emplissent le roman du Capitaine Fracasse, M.
J’unis donc ici, en même gratitude, les souvenirs aimés de mon grand-père et de ma grand’mère Lalance, de mes oncles, les docteurs Charles Cras et Émile Lossouarn, médecins de la marine.
[Souvenirs poétiques de l’école romantique (1880).]
Jonas, sorti en cachette de sa chambre, a tué en trahison son ennemi, et croit dorénavant respirer en paix ; mais le souvenir du meurtre, comme un poison, désorganise insensiblement son esprit. […] Il devient philosophe et artiste, et ne se souvient plus qu’il est honnête homme. Souvenez-vous toujours que vous l’êtes, et renoncez aux beautés qui peuvent fleurir sur ce sol corrompu. […] Ce beefsteak a passé, le monde passera aussi ; souvenons-nous de notre fragilité et du compte qu’un jour nous aurons à rendre. […] Celui-là seul a vécu et est un homme, qui a pleuré au souvenir d’un bienfait qu’il a rendu ou qu’il a reçu.
Ces souvenirs lui revinrent, et il fut bientôt persuadé que les phénomènes d’hérédité fournissaient une liaison suffisante à une série de romans dont chaque volume serait un tout, et qui pourtant ne pourrait être comprise et jugée que dans son ensemble. […] En souvenir sans doute de ses pénibles débuts, il a plus d’une fois sacrifié des heures à de jeunes auteurs qui venaient le consulter. […] C’est là qu’il faut le voir, si l’on veut connaître ses goûts : ce sont ceux d’un collectionneur, ou plutôt d’un amateur de tout ce qui est ancien, de tout ce qui porte un souvenir et raconte une histoire. […] … Il se souvient, à la fin, de mon accueil confraternel quand il ne m’assomme qu’à moitié, et de mes critiques quand il me jette en dehors de la critique actuelle. […] Sa plume court sur le papier, et ce n’est pas sa personnalité propre qui la conduit, ce sont les personnalités des autres, les souvenirs que malgré lui, par sa propre nature d’imitation, il emprunte à droite et à gauche.
Je dois reconnaître toutefois qu’au contact de Musset j’ai frissonné avec une émotion plus pénétrante, plus intime, plus douce à mon souvenir. […] Sachons-lui gré d’avoir fui les soi-disant écoles littéraires, de n’avoir point enfermé son génie dans des formules prétentieuses, mais d’avoir simplement écouté son cœur, et de nous avoir dit sans prétention, sans calcul, ses joies et ses tristesses, ses espérances et ses amertumes, le charme d’un souvenir heureux, le mélancolique regret des tendresses envolées. […] Nous nous souvenons tous des salles d’exécution de jeunes organisées à l’Odéon sous la présidence de M. […] La mère du poète, dans le style des romans à la mode et des élégies du temps disait retrouver en ces pages « la flamme du foyer bien ardent qu’elle avait dans son cœur » ; le charme suranné de cet hommage est le plus pieux souvenir que je sache de l’aube romantique. […] elle n’est qu’un souvenir atavique, déformé aujourd’hui, du temps où le poète était, avec l’astrologue, le fou et le majordome, de la domesticité des princes.
Je respire l’odeur d’une rose, et aussitôt des souvenirs confus d’enfance me reviennent à la mémoire. A vrai dire, ces souvenirs n’ont point été évoqués par le parfum de la rose : je les respire dans l’odeur même ; elle est tout cela pour moi. […] Et vous dites maintenant que nos diverses impressions, nos impressions personnelles, résultent de ce que nous associons à l’odeur de rose des souvenirs différents. […] Les adversaires du déterminisme n’hésitent pas à le suivre sur ce nouveau terrain, et à introduire dans leur définition de l’acte libre — non sans quelque danger peut-être — la prévision de ce qu’on pourrait faire et le souvenir de quelque autre parti pour lequel on aurait pu opter. […] C’est bien, en effet, au souvenir d’un fait de conscience passé, non à la connaissance anticipée d’un fait de conscience à venir, qu’on doit assimiler la prévision astronomique.
. — Souvenirs d’un sexagénaire, 4 volumes (1833). — Fables nouvelles (1834).
Il seroit à souhaiter qu’on n’eût pas été si exact à exécuter ses intentions : on auroit dû se souvenir que M. de Caylus étoit Chrétien, & rendre ce monument plus conforme à la dignité du lieu & de la Religion.
Parmi les choses senties avec esprit & exprimées avec élégance, qu’on rencontre dans son Oraison funebre Henriette d’Angleterre, on peut citer ce morceau, où, parlant des Princes, il dit : « Qu’ils s’imaginent avoir un ascendant de raison, comme de puissance ; qu’ils mettent leurs opinions au même rang que leurs personnes, & qu’ils sont bien aises, quand on a l’honneur de disputer avec eux, qu’on se souvienne qu’ils commandent à des Légions ».
Il demande pardon à ses lecteurs de les entretenir de détails si peu importants ; mais il a cru que le petit nombre de personnes qui aiment à classer par rang de taille et par ordre de naissance les œuvres d’un poëte, si obscur qu’il soit, ne lui sauraient pas mauvais gré de leur donner l’âge de Bug-Jargal ; et, quant à lui, comme ces voyageurs qui se retournent au milieu de leur chemin et cherchent à découvrir encore dans les plis brumeux de l’horizon le lieu d’où ils sont partis, il a voulu donner ici un souvenir à cette époque de sérénité, d’audace et de confiance, où il abordait de front un si immense sujet, la révolte des noirs de Saint-Domingue en 1791, lutte de géants, trois mondes intéressés dans la question, l’Europe et l’Afrique pour combattants, l’Amérique pour champ de bataille.
Si quelques-uns de mes auditeurs se souviennent de mes développements des deux genres dramatiques, ils sont convaincus de cette vérité. […] À quoi bon attiser le feu de sa propre imagination au souvenir des licencieux épisodes de Voltaire ? […] plus d’une fois Anchise, « (J’en avais jusqu’ici perdu le souvenir) « M’annonça comme un bien ce malheur à venir. […] Les souvenirs du parent, de l’ami, de l’épouse, que nous aurons perdus, nous tourmenteront d’autant plus cruellement que nous aurons négligé de leur rendre des tributs funéraires. […] On ne saurait mieux personnifier le souvenir qui excite la vengeance d’un fanatique.
Car il est né artiste, et, s’il a lu et se souvient, il écrit comme il sent ; ce qui ne veut pas dire comme tout le monde. […] Il se clôt sur le procès du comte de Kergorlay et nous laisse en souvenir l’imposante vision du protestataire accusant ses juges. […] Inexorable, disait-il, elle recouvre, déborde, engloutit les êtres particuliers, efface notre existence et annule notre souvenir. […] Charles Buet, dans son intéressant volume d’« Impressions et Souvenirs », qui a pour titre J. […] — Souvenirs de la société d’autrefois, par François Descotes.
Ces signes cabalistiques ne seraient pour nous qu’un grimoire : pour l’artiste qui en a la clef, ce sont des souvenirs. […] Ce souvenir peut être rafraîchi, aussi souvent que l’on voudra, par des coups d’œil jetés sur le modèle. […] Et puis qu’elle essaie de le reproduire de souvenir. […] Dans tout souvenir il y a de l’art. […] Et certes vous ne songez pas à consulter ces souvenirs.
C’est une concentration de sacrilèges, de mystérieuses horreurs dont je ne puis donner idée, et dont la puissante forme descriptive vous imprime violemment le souvenir. […] Un ami lui demandé ce qu’était le Nazaréen Jésus, mis en croix : « Pontius, lui dit-il, te souvient-il de cet homme ? […] Qu’on ne lui en veuille pas de cette bonne fortune, il nous rapporte les plus beaux reliefs de tous ces festins en souvenirs qui les valent bien. […] Souvenez-vous bien que Paris est le cœur de la France, et faites ce que nous n’aurons pas eu le temps de faire, fortifiez bien Paris ! […] Une très curieuse page est celle qui est consacrée aux souvenirs du passage de M.
[Souvenirs personnels (1883).]
Il semblerait d’abord qu’à défaut de douloureux souvenirs on rencontrera dans son livre quelque pressentiment vague et sinistre.
[Souvenirs poétiques de l’école romantique (1880).]
On sent, à mesure que s’achève la lecture du volume, que la conscience s’en va, s’en va, et quand elle lui est revenue, quelques mois avant de mourir, il rédige les Poésies, où, parmi de très curieux passages, se révèle l’état d’esprit d’un moribond, qui répète, en les défigurant dans la fièvre, ses plus lointains souvenirs, c’est-à-dire, pour cet enfant, les enseignements de ses professeurs !
[Souvenirs poétiques de l’école romantique (1880).]
[Mes souvenirs (1889).]
[Souvenirs d’enfance et de jeunesse (1883).]
Raynaud n’a noté le charme triste du souvenir.
Molinier lui-même à ce que nous éternisions le souvenir de ce lapsus ? […] On avait mieux, puisque sans doute on avait encore présents au souvenir le geste, le regard, et l’accent inspiré de Pascal. […] Visiblement, il se complaît au souvenir de cette « constitution extraordinaire ». […] C’est ici qu’il faut se souvenir de la leçon de Molière et ne pas discuter son plaisir ou chicaner son émotion. […] Il lui importait qu’ils ne perdissent pas le souvenir de l’absent.
J’en juge par celui que me font les Souvenirs de Mme de Caylus, les Mémoires de la mère du Régent, ceux de Saint-Simon (on ne les connaissait alors que par fragments), et cinquante auteurs d’anecdotes de la cour de France de ce temps-là. […] Je me souviens que je lui dis : Monsieur de Voltaire, ajoutez-y comme son soutien l’Océan, sans lequel elle ne durerait pas un an. » L’homme qui semblait des deux le plus léger ne se trouvait pas être ici le moins sage. […] Il apporte, dans sa composition des jardins, un grand souvenir de la société et un goût de l’y réunir et de la retrouver.
L’un se souvenait de David, comme l’autre se souvient de César et d’Alexandre. […] Froissart, l’historien littéraire de la chevalerie, s’amusera un jour à décrire ce choc des combats, ce luxe des couleurs, cet éclat éblouissant des casques et des hauberts au front des batailles : chez Joinville, ce n’est pas encore un jeu ni un art, ce n’est que l’éclair naturel et rapide du souvenir, le reflet retrouvé de cette heure d’allégresse et de soleil où l’on était jeune, brillant et victorieux.
Dans des matières si diverses et où les particularités en apparence les plus minutieuses ne sauraient être négligées, le ministre a dû s’autoriser et s’aider (et il se plaît à le reconnaître) des rapports et des souvenirs de MM. les inspecteurs généraux ; il a joint les fruits de leur pratique à la sienne propre et à sa riche expérience universitaire. […] Ceux qui sont venus un peu plus tard ont encore hérité de ce mouvement et de cette impulsion antérieure, et ils en aiment le souvenir. […] Après quelques idées et souvenirs personnels relatifs aux études mathématiques de l’empereur Napoléon : « Permettez-moi de terminer par un dernier aperçu philosophique, dit le prince.
Un des amis de ce dernier et qui paraît avoir été un homme des plus distingués, bien qu’il n’ait guère laissé de souvenir, le marquis de Saint-Georges, un sage, un homme de goût, un philosophe pratique comme il y en avait alors à Paris, comme il y en a peut-être encore, qui lisait ces lettres de Vauvenargues et les prisait infiniment, y trouvait, disait-il, de l’esprit partout, mais des endroits faux, trop de métaphysique, et ajoutait : « Il parle par théorie, on le voit. » C’est possible ; mais les lettres sont vraies pour nous en ce qu’elles nous peignent celui même qui les écrit, et c’est ce caractère surtout qui nous est intéressant aujourd’hui à connaître. […] Vous souvenez-vous que, César voulant faire passer une loi trop à l’avantage du peuple, le même Caton voulut l’empêcher de la proposer, et lui mit la main sur la bouche, pour l’empêcher de parler ? […] De toute cette effusion éloquente, Vauvenargues ne prétend pas conclure qu’il faille que le chevalier de Mirabeau devienne un stoïcien, car c’est plutôt le contraire qu’il lui conseille ; il n’a fait qu’obéir à un impérieux souvenir, et sa plume, qui ne cherchait qu’une occasion, l’a emporté.
Je suis quelquefois animée, mais c’est pour un moment : ce moment passé, tout ce qui m’avait animée est effacé au point d’en perdre le souvenir. […] Je me souviens à son occasion que j’entendais dire souvent à feu Mme de Staal : « Je suis charmée de faire de nouvelles connaissances ; j’espère toujours qu’elles vaudront mieux que les anciennes : je suis du moins certaine qu’elles ne pourront être pires. » — À quoi Mme de Choiseul répondait, comme si on lui eût présenté du poison : « Votre citation de Mme de Staal me fait horreur. […] Je dis qu’on le fasse entrer : je vois un homme grand, assez bien mis, qui me demande si je ne le reconnais pas : — Est-ce que vous ne vous souvenez pas.
Notre conversation alla, pour ainsi dire, tout d’un trait de La Chênaie à Saint-Malo, et, nos six lieues faites, j’aurais voulu voir encore devant nous une longue ligne de chemin ; car vraiment la causerie est une de ces douces choses qu’on voudrait allonger toujours. » Il nous donne une idée de ces entretiens qui embrassaient le monde du cœur et celui de la nature, et qui couraient à travers la poésie, les tendres souvenirs, les espérances et toutes les aimables curiosités de la jeunesse. […] Un grand silence s’est établi, et j’entends comme les voix de mille souvenirs doux et touchants, qui s’élèvent dans le lointain du passé et viennent bruire à mon oreille. […] Ce sentiment se réveillait à la vue de certains hêtres qu’il voyait de sa fenêtre, du côté de l’étang, et qui lui rappelaient de chers et troublants souvenirs.
Vionnois, n’est pas plus voué à la mémoire, aux mille souvenirs, aux dessins si variés et si amusants du spirituel Denon ; — Passavant, le peintre historien, n’était pas plus voué à Raphaël ; — le savant physicien M. […] Elle n’est pas la même, ajoute-t-il, mais elle part du même principe. » Poussin, dans le touchant ou le grave de ses scènes champêtres ou autres, introduisait un principe supérieur dont les Le Nain ne se doutèrent jamais, je veux dire l’idéal antique, le groupe composé avec harmonie et contraste, un type habituel de beauté romaine, un souvenir des jours d’Évandre et de l’Arcardie : la réalité chez lui était commandée par une vue supérieure et une pensée. […] Ce joli chant, toutes les fois que je l’entends, air et paroles, me remet en souvenir quelqu’une des belles stances de Racan, ou je ne sais quel sonnet pastoral de Vauquelin de La Fresnaye, un écho de notre âge d’or gaulois.
Ce prélat de qualité et qu’on vient de voir si en beau, quoique réellement le portrait ne soit que ressemblant et nullement flatté, avait fait d’excellentes études au collège de Navarre, où il avait laissé de brillants souvenirs. […] Il donna une autre preuve de sa merveilleuse dextérité de parole lorsque, chargé par le roi de prononcer, aux obsèques solennelles d’Anne d’Autriche, à Notre-Dame, l’oraison funèbre de cette reine à laquelle il devait tant, il le fit avec toute l’effusion convenable, mais en touchant les années de la Fronde et de la guerre civile de telle sorte et si délicatement que le Parlement de Paris présent, et si fort intéressé dans ces souvenirs, put l’entendre sans se sentir offensé. […] Sa parole avait des charmes, des facilités qui rappelaient, par de singuliers contrastes, à qui était tenté de s’en souvenir, l’éloquence de Retz, mais d’un Retz soumis, adouci, métamorphosé et tout à la Cour.
Pardonnez-moi le souvenir, ma souveraine ; j’ai l’espoir plus coupable encore. » Et, à un autre moment, il poétise sa pensée jusqu’à dire : « La femme qui donne le bonheur n’est qu’une femme, la femme qui donne le désir est une reine. » Tout cela est très garant. […] ne vous souvenez-vous pas avec quelque joie au cœur de ce doux moment qui a commencé nos rapports, de cette soudaine et délicieuse intelligence… Mais les femmes ne veulent croire qu’à l’amour parlé ; il faut leur chanter les désirs, il faut prêcher quand le cœur bat. […] L’artiste, quoi qu’il fasse, s’en souviendra toujours.
Les Vieux de la Vieille, par exemple, souvenir de la rentrée des Cendres de Napoléon, sont une des pièces où le calme du dilettante s’est le plus démenti et où le sourire est le plus près des pleurs. […] Je crois me souvenir d’en avoir relevé quelques-unes autrefois. […] Ici, ces cavaliers qui attendent à l’embranchement du chemin pour l’enlèvement de la soubrette avec des mules à grelots et empanachées, c’est un Wouwermans tournant un peu à l’espagnol ; — cette représentation dans une grange chez Bellombre, c’est un Knaus, transporté d’Alsace en Poitou ; — cet effet de neige, c’est un souvenir russe, un paysage, si vous le voulez, de Swertchkow.
Remarquez que Mme Roland, quand elle écrivait ainsi ses confidences et qu’elle notait ses souvenirs, ne pouvait prévoir le moment exact où on les publierait ; elle pouvait juger ce moment beaucoup plus éloigné qu’il ne devait l’être en effet. […] Vous voulez défendre contre lui-même, dites-vous, le souvenir d’un mort illustre ? […] Nous y avons tous cédé plus ou moins dans nos propres confessions aussi, en vers ou en prose ; mais elle, elle était femme et devait s’en souvenir ; elle pouvait, si elle le voulait absolument, indiquer le fait en glissant un peu ; il y a manière de tout faire comprendre et de tout dire ; mais cette confidence de sang-froid, sous la plume d’une belle personne restée honnête et qui s’appesantit sur une sale image, est tout à fait déplaisante.
Chaque fait du xviiie siècle est pour eux un fait contemporain qui vit, qui fourmille de mille incidents, qui chatoie de mille reflets, qui s’anime de mille circonstances ; ils le voient comme s’ils y étaient ; ils s’en souviennent comme d’un souvenir à eux ; ils en veulent tout rendre à la fois. — Présentez-leur un tableau quelconque de cette époque, signé ou non signé, et ils vous diront aussi sûrement que personne de qui il ne peut pas être, de qui probablement il est. […] Aussi voudrais-je que l’artiste ne s’en souvînt que de loin, pour lui-même et pour sa gouverne, sans le laisser paraître.
Le souvenir d’une sœur de ce nom d’Élisabeth, morte à quinze ans, s’y mêla par une religion touchante. […] L’auteur d’ordinaire termine ses chapitres par quelque vocation élevée, quelque réflexion affectuese, ni sur le don des larmes qu’on avait en ces temps, et qui semble de jour en jour tarir ; sur les mariages chrétiens à la fois si passionnés et si chastes, et dont celui d’Élisabeth et du landgrave est comme un type accompli ; sur ce que le souvenir de Luther, au château même de la Wartbourg a détrôné celui de l’humble Élisabeth, dont le nom toutefois est resté à une fleur des champs. […] Mais souvenons-nous que Volney, qui place si haut la propreté dans l’échelle des vertus, était aisément le plus sec et le plus égoïste des hommes.
La qualification de précieuse a passé de mode ; on se souvient encore, en souriant, de l’avoir été, mais on ne l’est plus. On ne disserte point comme autrefois, à perte de vue, sur le sonnet de Job ou d’Uranie, sur la carte de Tendre ou sur le caractère du Romain ; mais on cause ; on cause nouvelles de cour, souvenirs du siège de Paris ou de la guerre de Guyenne ; M. le cardinal de Retz raconte ses voyages, M. de La Rochefoucauld moralise, Mme de La Fayette fait des réflexions de cœur, et Mme de Sévigné les interrompt tous pour citer un mot de sa fille, une espièglerie de son fils, une distraction du bon d’Hacqueville ou de M. de Brancas. […] Après cette épreuve fort peu terrible, qu’on s’en prenne à notre admiration, si on en a le courage et si toutefois l’on s’en souvient encore.
Souvenons-nous toujours de ce qu’ils ont été pour comprendre ce qu’ils sont encore. […] Des traités, des précédents, une coutume immémoriale, le souvenir du droit antique retiennent encore la main du fisc. […] Duc de Lévis, Souvenirs et portraits, 156.
Il était du petit nombre de ces oisifs parisiens qui retiennent des spectacles multiples auxquels les convie la mode, de ce long et ininterrompu défilé de tableaux, de statues, de morceaux de musique, de pièces de théâtre, de cérémonies et de fêtes, des couleurs, des sons, voire des idées, qu’ils cataloguent, au fur et à mesure, dans leur mémoire et dont l’ensemble constitue pour eux une mine féconde, inépuisable d’impressions et de souvenirs, lesquels, habilement mis en œuvre et adaptés aux exigences du moment, leur fournissent toujours à propos le thème inutilement cherché par tant d’autres… III Il y a apparence, après tout cela, que vous ne rencontrerez ici ni les grandes passions, ni les héroïsmes, ni les crimes, ni le romanesque tour à tour délicieux et tragique des romans de M. […] Il est vrai aussi qu’il est son ancien petit camarade d’enfance : les souvenirs de cette sorte agissent puissamment sur le bon cœur des femmes. […] Puis les souvenirs des expériences morales consignées dans les livres lui reviennent sans cesse ; il y compare, malgré lui, ou cherche à y conformer sa propre aventure.
Elle est arriérée si elle invoque d’anciens souvenirs ; elle est chimérique si elle prétend à l’actualité. […] Heureusement le marquis s’est souvenu de Giboyer, et il l’a fait venir de Lyon, où il cumulait le double emploi de régisseur et de croque-mort. […] Vous vous souvenez de la charmante scène où madame de Blossac apprend au vieux Maréchal qu’il n’y a jamais eu de M. de Blossac. — « Jamais ?
Pourtant ce personnage de Jeanne, la bergère d’Ep-Nell, est bien poétique, bien romanesque encore ; les souvenirs druidiques interviennent dès les premières pages pour agrandir et idéaliser la réalité. […] La scène un peu idéale de labour, que l’auteur oppose à l’allégorie d’Holbein, est d’une magnificence à faire envie à Jean-Jacques et à Buffon ; c’est là que le souvenir de Virgile et du labourage romain revient manifestement : l’artiste qui peint ici l’attelage d’une charrue du Berry se souvient encore des bœufs du Clitumne.
» Ce trait m’en rappelle un autre d’un homme qui a laissé un vif souvenir chez ceux qui l’ont connu, l’abbé Mablini, le plus exquis et le plus attique des maîtres que notre École normale ait jamais eus. […] Évidemment, il s’est quelquefois souvenu en l’écrivant de la Vie d’Agricola par Tacite, mais il se souvient encore plus et avant tout qu’il est fils et chrétien, et c’est ce qui l’inspire.
Je ne dirai pas que son image s’est gravée en moi, mais il m’est du moins resté de sa personne une idée qui n’est en rien le contraire du vrai, et que le souvenir et la réflexion peuvent achever très fidèlement. […] Un de ses camarades de ce temps, qui a donné depuis un récit, quelque peu arrangé, de ses souvenirs, nous le montre alors, grand, mince et maigre ; avec une bouche largement fendue, de grosses lèvres, un visage marqué de petite vérole, fort laid en un mot, mais d’une laideur animée et réparée par la gaieté et l’esprit de la physionomie ; se piquant de bonnes fortunes, amoureux d’une danseuse, Mlle Simonnette, et écrivant en grec ses dépenses secrètes sur son calepin. […] Athènes par-delà l’appelle ; il y aspire comme le dévot musulman au pèlerinage de La Mecque ; mais, en attendant, Rome et Naples, avec leurs monuments, leur ciel et leur petite société d’élite, lui suffisent, le possèdent et lui tiennent lieu de tout ; grands souvenirs, beautés naturelles, c’est pour lui tout ensemble « ce qu’il y a de mieux dans le rêve et dans la réalité ».
j’en ai perdu deux (Jordan et Keyserlingk) que je regretterai toute ma vie et dont le souvenir ne finira qu’avec ma durée… Selon ma façon de penser, l’amitié est indispensable à notre bonheur. […] À peine revenu à Potsdam, Frédéric écrit à Jordan : « Tu me trouveras bien bavard à mon retour ; mais souviens-toi que j’ai vu deux choses qui m’ont toujours beaucoup tenu à cœur, savoir : Voltaire et des troupes françaises. » Voilà, en effet, les deux passions de Frédéric, et qui se disputeront toute la première moitié de sa carrière de roi : la guerre et l’esprit ; être un grand poète, devenir un grand capitaine ! […] Si ma destinée est finie, souviens-toi d’un ami qui t’aime toujours tendrement ; si le ciel prolonge mes jours, je t’écrirai dès demain et tu apprendras notre victoire. — Adieu, cher ami, je t’aimerai jusqu’à la mort.
» Et lorsque l’on construisit l’église de Croissy, qui coûta deux cent mille francs, Augier tint à apporter son obole et m’envoya cinq cents francs… Il n’allait pas à la messe, il est vrai ; mais que de fois, il a donné le pain bénit… Un jour même, je m’en souviens, il blâma Victor Hugo de n’avoir pas voulu recevoir de prêtre à son lit de mort… » Aussi je suis persuadé que, s’il eût gardé sa connaissance, il eût été heureux de recevoir mes encouragements et mes exhortations au moment où il était rappelé vers un monde meilleur… » Les funérailles aux frais de l’État Les paroles si conciliantes et si prudentes du vénérable curé de Croissy, le souci que montra naguère l’illustre mort de s’opposer à la reprise du Fils de Giboyer, pour ne pas paraître s’allier au gouvernement républicain dans sa lutte contre le sentiment chrétien, cette vie de travail, de gloire et de probité, doivent, dans un journal catholique, épargner un blâme, si discret soit-il, à l’homme de génie qui meurt sans que les siens lui aient permis, dans un but que nous n’avons pas à juger, de mettre son âme en règle vis-à-vis de Celui dont émane tout génie. […] [Lytton] J’apprends avec la plus grande douleur la mort de cet illustre écrivain et vrai poète, qui a doté le théâtre français de tant de chefs-d’œuvre, et dont le souvenir sera conservé en Angleterre aussi fidèlement qu’en France. […] Il faut se souvenir des attaques dont le poursuivaient les romantiques ; ils le nommaient le « poète du bon sens » ; ils plaisantaient ses vers, n’osant plaisanter ceux de Molière.
En vain dans une brochure dont on se souvient peut-être, essayai-je de fixer quelques points de la doctrine, et par la réapparition de notre périodique transformé en revue, de rappeler sur la brèche ceux de mes anciens collaborateurs qu’effrayait le progrès du Symbolisme ; tout fut inutile. […] On se souvient qu’il fut d’abord un décadent farouche, intransigeant, et comme qui dirait la colonne vertébrale du groupe. […] Néo-Décadents et Symbolistes Aujourd’hui que l’École décadente n’existe plus à Paris qu’à l’état de souvenir, elle semble trouver en province et à l’étranger des adeptes et des continuateurs qui sont comme un écho lointain du bruit qu’elle fit en 1886.
Et pourquoi n’y a-t-il que le tour dont elle se souvienne ? […] Nous ne la confondons pas avec ces sorcières de Macbeth socialistes, ramassis infect de ribaudes expulsées du vice qui n’ont de la femme que les souvenirs et la jupe, débauchées, fourbues, libres puanteurs, qui cuisinent un affreux ragoût de doctrines mêlées sous les auspices du diable Légion, dans les carrefours de la publicité, et disent « mon roi » au prolétaire. […] Si je m’en souviens bien, elle a publié une histoire, à considérations philosophiques, sur la République de 1848, car elle est républicaine, Mme Stern.
La vie a déposé en lui des images qui ressuscitent par un travail instinctif et spontané du souvenir. […] Je me souviens d’avoir entendu mon illustre confrère M. […] Le souvenir des malheurs du pays leur donnait ce sérieux dans la préparation qui avait trop manqué à leurs aînés. […] Je n’ai pas souvenir de l’avoir rencontrée, dans aucun des auteurs d’avant 1789. […] Ce souvenir ennoblissait pour lui l’aridité de ses études.
[Souvenirs d’un homme de lettres (1888).]
Ce que Jean Moréas (de l’école romane) aura cru trouver en peinant terriblement sur les vieux bouquins de Ronsard et quelques dictionnaires ignorés, Marie Krysinska ne peut-elle l’avoir découvert aussi en jouant avec les frous-frous de sa jupe, les perles d’un collier, le souvenir d’un rêve ?
[Souvenirs poétiques de l’école romantique (1880).]
On ne lit plus ses Tragédies, ni ses Comédies, ni ses Tragi-Comédies, ni ses Romans : on se souvient seulement que l’agrément de son esprit l’introduisit fort avant dans la familiarité du Cardinal de Richelieu.
On se souvient du Couplet qu’il adressa à Madame Scarron, depuis Madame de Maintenon.
souviens-toi que la Fortune est femmes, Et que, de quelque ardeur que Siphas la réclame, Elle est pour Messanisse, & qu’elle aimera mieux Suivre un jeune Empereur, qu’un autre déjà vieux.
Ainsi, hormis le fragile souvenir que lui consacre ici l’auteur de ce livre, il ne reste plus rien aujourd’hui du mot mystérieux gravé dans la sombre tour de Notre-Dame, rien de la destinée inconnue qu’il résumait si mélancoliquement.
Avoir désiré beaucoup, n’avoir rien eu, avoir eu tout, cela se rejoint un jour, aux heures crépusculaires ; cela fait des bouquets en l’air et sur les murs ; cela s’appelle le jardin des souvenirs. […] Et toujours il y aura des villages qu’on se souviendra d’avoir vu mourir un soir, et qu’on n’oubliera pas, et où l’on voudrait revenir, ―oh ! […] Bataille, encore épars, ne semblent pas contrarier cette impression : il y demeure le rêveur nerveusement triste, passionnément doux et tendre, ingénieux à se souvenir, à sentir, à souffrir. […] Qu’on lise encore la déclaration d’amour du vieux Godeau, les tendres paroles dont se soulage le malheureux pendant que la bien-aimée se livre, cyniquement, à d’autres soulagements : c’est d’un genre de comique qui n’a de vulgaire que la forme, et qui laisse dans le souvenir une impression de rabelaisianisme ingénu. […] Ses actes sont parfois terribles, mais ceux-là seuls en souffrent parmi les hommes qui habitent l’hémisphère des ténèbres ; ceux qui se sont rangés du côté de la lumière peuvent être passagèrement éblouis et navrés : un jour viendra où le souvenir même des agonies ne sera plus que la joie de comprendre la nécessité fugitive de la douleur humaine.
On se souvient que la dédicace à Mademoiselle (fille de Monsieur) est signée P. […] Je me souviens qu’au sortir d’une réception académique, Richepin me dit : « Je vais voir Ponchon. » Et il se dirigea vers le quartier latin. […] Henri de Régnier consacre une curieuse pièce de souvenirs qu’il faut nommer hypothétiques. […] Il se trouve un peu plus loin dans Souvenir des vieilles guerres. […] Ils s’y trouvent désœuvrés, inquiets, et font invinciblement souvenir de Froufrou à Venise.
Le lecteur m’excusera si je n’ai su résister au sortilège de très chers souvenirs. […] De fait, si nous en appelons à nos souvenirs, que trouvons-nous ? […] Votre prénom l’est bien un peu, et je me souvenais d’une photographie où l’on ne distingue que votre profil. […] En tête du volume, dans les quelques pages de souvenirs de M. […] Bornons-nous donc à glaner parmi nos souvenirs.
Je me souviens qu’à l’époque de ma jeunesse les professeurs de volonté abondaient. […] néanmoins, il est évident que Wolf écrit sous la dictée d’un souvenir assez proche. […] Je viens de relire ces romans, dont j’avais un bon souvenir : la lecture nouvelle a effacé le bon souvenir ; j’en suis fâché. […] Il en garde un fâcheux souvenir, le souvenir d’un cauchemar. […] Prenez les mots avec tous leurs souvenirs, avec leur passé.
. — Comment se réveille un souvenir lointain qui n’a point reparu pendant un long intervalle. — Travail ordinaire de l’écorce cérébrale. — Son œuvre est une combinaison incessante des impressions actuelles et des clichés anciens. […] L’oubli complet de quelque langue étrangère est un des effets les plus ordinaires de la commotion… Les malades ne se souviennent jamais de la manière dont leur accident leur est survenu ; s’ils sont tombés de cheval, ils se souviennent bien qu’ils sont montés et descendus, mais ils ne se rappellent pas les circonstances de leur chute. Les effets qui résultent de la lésion du cerveau ont quelque analogie avec ceux qu’amène le progrès de l’âge ; le malade ne conserve que le souvenir des impressions récentes, et oublie celles qui sont d’une date plus ancienne… Parmi les malades, les uns ont toujours par la suite la mémoire imparfaite… Dans certains cas particuliers, les malades ne peuvent plus se servir du mot propre pour exprimer leurs idées ; souvent le jugement est affaibli ». — D’autres atteintes portées au cerveau par un intermédiaire produisent des effets semblables ; on connaît l’évanouissement qui suit les grandes pertes de sang, le désordre d’idées qu’entraîne l’ivresse, la stupeur qu’engendrent les narcotiques, les hallucinations qu’amène le haschich, l’excitation d’esprit que développe le café, l’insensibilité que provoquent le chloroforme et l’éther130. — En résumé, l’altération des lobes cérébraux a pour contrecoup l’altération proportionnée de nos images. […] La preuve de sa persistance secrète est dans l’émotion, dans le malaise, dans les sollicitations sourdes que vous avez ressenties pendant tout l’intervalle et que sa présence obscure excitait en vous. — De même, vous recevez une bonne ou une mauvaise nouvelle, et, au bout d’une heure, vous cessez d’y penser ; et néanmoins, au bout de cette heure et souvent pendant toute la journée, vous éprouvez encore un bien-être ou une inquiétude mal définis, que vous ne savez d’abord comment expliquer, et que vous ne comprenez qu’après réflexion, lorsque vous revient le souvenir de la nouvelle. — Parmi les images ou idées latentes, il faut aussi compter toutes celles des actions que l’on exécute, l’esprit occupé par une autre image ou idée prépondérante. […] Cela admis, on comprend en quoi consiste le souvenir, surtout le souvenir d’un événement ancien, notamment le souvenir qui semble avoir péri et qui ressuscite tout d’un coup, précis et complet, après dix ou vingt ans d’intervalle.
… Nos souvenirs ont conservé des pièces charmantes écrites sous la vive et première impressions de Joseph Delorme.
Et pour donner à ces souvenirs une forme attrayante et qui ne fût pas seulement le récit d’une aventure archéologique, il en a fait des romans, comme le Mime Bathylle et comme la Danseuse de Pompéi, deux livres d’imagination et d’érudition légère, et d’une tenue littéraire exempte de tout reproche.
Ces colonnes, de styles variés, soutiennent les différentes parties de l’édifice ; elles s’ornent d’images, de souvenirs, d’ex-voto, qui racontent l’histoire d’une âme et son voyage du Rêve à la Vie ; car les premiers vers du recueil sont destinés au Piédestal d’une statue du Rêve, les derniers au Piédestal d’une statue de la Vie, et les vers intermédiaires iront décorer les autres colonnes du sanctuaire.
Richepin, je voudrais réveiller le souvenir d’un roman de lui, très ferme, très curieux en son originalité réussie, le Cadet, un roman de la terre et de la propriété, qui n’est peut-être pas considéré par tous à sa vraie valeur. […] Laissons le poète des Gueux croire et les foules avec lui à ces chemineaux vertueux qui proclament leurs devoirs paternels et se souviennent vingt ans après des filles qu’ils engrossèrent.
Ici l’ordre des faits amène sur la scène une personne dont le nom rappelle les plus agréables souvenirs, c’est madame de Sévigné. […] « Le cardinal d’Estrées, monsieur de Guilleragues, aussi amoureux de madame Scarron, faisaient partie des cercles de Richelieu. » On voit tous ces détails dans les Souvenirs de madame de Caylus, p. 140 et 141.
Les héros de sa taille qu’il embrasse ou combat dans la boue politique ne vivent plus en nous que grâce à des souvenirs anciens et tenaces. […] [Paul et Victor Margueritte] Paul Margueritte dessina jadis des grisailles aimables et Jours d’épreuve par exemple ne m’a pas laissé un trop mauvais souvenir.
Or, l’homme se souvient d’abord, dit Platon. […] Du reste, fait presque tout entier avec des mots improvisés sur place et des anecdotes, ce livre, qu’on appelle des Pensées comme on appelle son auteur un moraliste, — par antiphrase, — traduit assez mal le genre d’esprit qu’il eut, car de la conversation dont on se souvient est de la conversation morte, et l’encre avec laquelle on la rapporte est le deuil de cet esprit-là.
Il n’aurait pas été fâché d’être traité de chevaleresque, malgré son mépris pour les figures et les souvenirs de la féodalité ; mais c’était trop. […] Les Œuvres complètes de Carrel diminuent son nom et son souvenir — coup de cymbale retentissant et passager — dans la mémoire des hommes.
Au lieu d’écrire, eux qui l’avaient connu, sous l’empire des souvenirs personnels et émus qu’il leur avait laissés, ils ont mieux aimé s’adresser à un écrivain qui ne l’avait jamais vu, pour dire au monde ce qu’il était et lui attacher le second grelot de sa gloire, puisque le premier n’avait pas assez retenti ! […] Les Souvenirs (une rêverie digne de la jeunesse du Dante), L’Anse des Dames, et cette Promenade dans la Lande qui commence à donner, distincte et profonde, cette note si particulière que le génie de Maurice de Guérin ne perdra plus.
— ne laissent dans nos souvenirs que l’impression de leurs chefs-d’œuvre et le nom qu’ils ont immortalisé, mais La Fontaine y a laissé son œuvre même. […] Et enfin, puisqu’il est descriptif, La Fontaine, l’originalité du paysagiste, quand, en France, de son temps, il n’y en avait pas encore un seul dans la littérature, et que Fénelon nous donnait (dans son Télémaque) une nature souvenue et tirée des Anciens… Eh bien, disons-le, à travers toutes ces originalités différentes, qu’on retrouve quand on les y cherche dans le génie décomposé de La Fontaine, la meilleure à mes yeux et la plus étonnante, celle qui le fait le mieux ce phénix de La Fontaine, celle qui complète le mieux toutes ses puissances par un charme vainqueur de tout, c’est la bonhomie, c’est cet accent de bonhomie qui se mêle à tous les détails de son œuvre, — et je n’entends pas ici que les Fables, mais les Contes !
Rien n’est facile comme de produire des effets, très-grands, je le veux bien, d’admiration ou de terreur, en cassant toutes les cordes de l’organisation humaine, cette lyre divinement accordée… Byron les produisit un jour dans son Vampire ; mais, on doit en convenir, même à part les vers, Conrad et Lara ont coûté plus de génie à lord Byron que lord Ruthwen, et l’émotion qu’ils produisent est d’un tout autre pouvoir sur l’imagination et sur le souvenir… Et c’est cette facilité d’invention dans l’anormal à outrance, dans le phénomène physiologique, devenu pathologique, et devant lequel la Science elle-même se tait comme devant une question insoluble, c’est cette grossièreté dans l’étonnement ou dans la terreur que produit toute monstruosité, ardemment ou puissamment décrite, qui a perdu aujourd’hui M. […] L’intérêt humain du roman a expiré, perdu dans la curiosité pathologique d’un descripteur de phénomènes inouïs, qui, s’ils contractaient un jour l’éternelle clarté de la certitude, en nous donnant (comme c’est la prétention des esprits qui les interprètent), l’abolition de toute distance, la transparence des corps et la vue immédiate des âmes, changeraient toutes les conditions des œuvres humaines, d’un seul coup, et chasseraient jusque du souvenir les littératures.
Il cherche à édifier plutôt qu’à plaire ; il vient annoncer que tout est fini, afin de ramener à Dieu qui ne finit point ; il nous fait souvenir de la fatale nécessité de mourir, pour nous inspirer la sainte résolution de bien vivre71. […] Et quand on pense que l’homme qu’il avait à peindre donnant ces leçons, était le duc de Montausier, quel parti l’orateur pouvait encore tirer d’un gouverneur qui respectait bien plus la vérité qu’un prince, qui, pour être utile, aurait eu le courage de braver la haine, et se serait indigné même de se souvenir que celui qui était aujourd’hui son élève, pouvait être le lendemain son maître.
« Souviens-toi de conserver une âme toujours impassible dans les circonstances pénibles de ta vie, de même que de la conserver inaccessible à l’enflure et à l’orgueil de la prospérité, ô Délius qui dois mourir ! […] » Ce souvenir l’exalte et lui fait récapituler, avec une pieuse reconnaissance, toutes les protections miraculeuses des dieux sur sa vie. […] Souvenez-vous de Voltaire saluant le lac Léman du haut de la terrasse de Ferney : vous retrouverez dans ce salut poétique la belle description d’Horace à Quinctius. […] Là il se souvint de son heureuse enfance, et il versa des larmes de tendresse sur tous ces souvenirs vivants, qu’il voulait revoir une dernière fois.
Lui qui, lors des premières éditions de cette biographie, les accueillit d’une façon si amicale, si chaleureuse, et fit l’éloge répété du soin, de la fidélité, de la discrétion de formes de l’ouvrage, exprime encore à l’auteur la plus grande satisfaction, lorsqu’il apprit, au commencement de 1859, qu’une nouvelle édition, la troisième, était sous presse ; il nous fournit de nouvelles notices sur Bonpland, nous exprima le vœu sincère que cette nouvelle édition fût adoptée dans les États Argentins comme un souvenir de Bonpland, et s’adressa, pour nous recommander à cet effet, à ses amis qui résidaient et gouvernaient dans le pays. […] Tout ce qui tient au détail des observations des faits particuliers, et aux souvenirs de l’antiquité classique, source éternelle d’instruction et de vie, est concentré dans des notes placées à la fin de chaque volume. […] Cette tradition est si répandue, qu’on l’a quelquefois regardée comme un antique souvenir des hommes. […] S’il m’était permis d’interroger ici mes plus anciens souvenirs de jeunesse, de signaler l’attrait qui m’inspira de bonne heure l’invincible désir de visiter les régions tropicales, je citerais : les descriptions pittoresques des îles de la mer du Sud, par George Forster ; les tableaux de Hodges représentant les rives du Gange, dans la maison de Warren Hastings, à Londres ; un dragonnier colossal dans une vieille tour du jardin botanique à Berlin. […] Le lieu où fut relégué Ovide était une lande marécageuse ; accablé par une disgrâce au-dessus de ses forces, il était plus disposé à se reporter en souvenir aux jouissances du monde et aux événements politiques de Rome, qu’à contempler les vastes déserts qui l’entouraient.
Tous les souvenirs de sa jeunesse, veuve de son compagnon préféré, s’éveillent en un instant et lui montent au cerveau en fumées de colère. […] Ils n’ont pas de passé qui les gêne et les modère, pas de souvenirs qui les importunent, pas de regrets et de remords qui se lèvent pour leur dire : Souviens-toi. […] Longtemps après, devenu archevêque, il se souvint de sa vieille université et la gratifia d’une rente annuelle de 40 livres pour l’éducation de quatre étudiants. […] Les meilleures pages de son roman, ses plus ingénieux épisodes, ses plus sympathiques personnages sont dus à ces souvenirs et à ces émotions de l’enfance. […] Les souvenirs évoquent les souvenirs, et ton nom prononcé rappelle à la mémoire celui d’un de tes frères en rêverie, ton contemporain et ton compatriote, le poète Collins, auteur comme toi d’un chef-d’œuvre, une Ode au soir, où toute la musique du crépuscule a été exprimée.
Je me souviens d’une œuvre compacte et honnête, où M. […] Les lecteurs de la Nouvelle Revue française se souviennent de l’article publié sous ce titre par Jacques Rivière, et ils se souviennent du Grand Meaulnes. […] Il était même effrayé parfois de se sentir dénué de passé, de souvenirs. […] Ses romans, ses héros, ses enfants, elle ne les inventa pas, elle les tira de son souvenir. […] Il lui consacre, si mes souvenirs sont exacts, une cinquantaine de pages.
On ne sait si son œuvre nous intéresse plus par elle-même ou par les souvenirs qu’elle suscite ; mais le charme est réel.
En effet, si vous vous en souvenez, la tête de l’Adam est du plus antique et du plus grand caractère ; la figure de la fille est large et belle ; cette femme échevelée sur le fond, jointe à l’horreur du paysage qui l’entoure, fait frissonner.
[Souvenirs littéraires (1882-1883).]
En nos jours de vocalises musicales et de poésie toute de sensations, le vieil alexandrin classique, fruste et fort de sens, étonne presque comme une audace et charme comme un souvenir.
[Souvenirs poétiques de l’école romantique (1880).]
On se souvient de cette Anecdote, qui prouve si fort combien l'Abbé de Vertot étoit peu scrupuleux sur la vérité des circonstances, quand la fiction pouvoit contribuer à l'agrément de son style.
On se souvient qu'il eut des démêlés avec Barbier d'Aucourt, au sujet des sentimens de Cléante sur les entretiens d'Ariste & d'Eugene, & qu'il publia contre lui un Ouvrage intitulé de la Délicatesse, où il le traite d'une maniere très-opposée à ce titre.
Si par hasard quelqu’un se souvenait d’un roman en écoutant un opéra, l’auteur croit devoir prévenir le public que, pour faire entrer dans la perspective particulière d’une scène lyrique quelque chose du drame qui sert de base au livre intitulé Notre-Dame de Paris, il a fallu en modifier diversement tantôt l’action, tantôt les caractères.
Et surtout, souvenez-vous que c’est pour mon ami, et non pour le public que j’écris.
» en réveillant en eux le souvenir de mille modèles qu’ils ont eus sous les yeux exactement comme le peintre lui-même. […] Jules Simon a gardé un bon et un grand souvenir de Guillaume II. […] Elles sont faites sur des mémoires, des souvenirs, des lettres. […] Et ici, en homme qui a commencé par être un étudiant en droit admiré, je m’en souviens, de ses professeurs, M. […] En souvenir de ces études artistiques, vous mettrez un peu d’art dans votre vie.
Et elle se souvient aussi de sa propre cruauté, de ses dédains envers tous ceux qui n’avaient point su se garder d’une flèche partie de ses beaux yeux. […] Il mourut à peine âgé de trente ans et il était fort jeune lorsqu’il se rendit coupable de cette invective contre le mari de Louise Labé, Souvenons-nous que les plaies de l’amour sont insondables. […] Mais pourtant ma douleur n’est par là divertie, Car j’emporte de vous cette seule partie, Qui rafraîchit ma perte et l’en fait souvenir. […] Tous les souvenirs antiques, toute la pompe romaine ne parvinrent point à les séduire. […] On sait que Molière se souvint de Rotrou, en le surpassant dans l’Amphitryon.
Non pas qu’elle se souvînt de l’Ulysse de ses jeunes ans, désormais irrémédiablement démantibulé, hélas ! […] Pour savourer toute la basse horreur de cela, il faut se souvenir de quelle sorte d’éphèbe c’est le propos. […] À propos des Souvenirs d’enfance et de jeunesse de M. […] Je me souvins alors que c’était le jour des Rois, l’antique fête chrétienne de l’Épiphanie, et, comme le bruit des cloches s’éteignait, je me souvins aussi qu’il me fallait écrire un article sur M. […] Je crois me souvenir que c’est le Jeu qu’il désigne ainsi et vraiment ce n’est pas trop mal.
[Souvenirs poétiques de l’école romantique (1880).]
. — Les Souvenirs d’Anvers (1881). — Poèmes d’amour (1884). — Rimes de combat (1886). — À pleines voiles (1888). — Le Christ (1892). — Les Heures divines (1894)
Il ne restera qu’un odieux souvenir des Perturbateurs de la raison humaine.
Enfin, le sacrifice antique n’est pas même banni du sujet chrétien ; car il n’y a rien de plus facile, au moyen d’un épisode, d’une comparaison ou d’un souvenir, de rappeler un sacrifice de l’ancienne loi.
» Cependant le souvenir de la perte de Léonora d’Este occupait si peu son cœur que, pendant le carnaval de 1587, à Mantoue, la beauté d’une des jeunes femmes de cette cour parut faire une impression puissante sur son esprit. […] Mais, au lieu de partir pour Florence, il partit pour Bergame où le souvenir de ses aïeux l’attirait. […] On est fâché que le Tasse n’ait pas donné quelque souvenir aux patriarches : le berceau du monde, dans un petit coin de la Jérusalem, ferait un assez bel effet. » Ce jugement est d’un chrétien plus que d’un poète. […] Arrivé au mois d’avril à Florence, il alla, par souvenir des religieux de Monte Oliveto à Naples, loger aux portes de la ville, dans un monastère d’Olivetani, situé, comme celui de Naples, sur un monticule boisé de cyprès qui domine, du sein de l’ombre et du silence, les murs de la ville, et le cours pittoresque et opulent de l’Arno. […] J’ai réuni tous ces fragments parce que je me suis souvenu de la satisfaction que vous a causée une lettre que je vous ai écrite l’année dernière au sujet de ce grand poète.
Je me souviens de l’avoir lu et relu dans ma première jeunesse pendant l’hiver, dans les âpres montagnes de mon pays, et les impressions que ces lectures ont faites sur moi ne se sont jamais ni effacées ni refroidies. […] Le professeur Abeken d’Osnabrück4, quelques jours avant le 28 août, m’avait adressé avec une lettre un paquet qu’il me priait de donner à Goethe à son anniversaire de naissance : c’était un souvenir qui se rapportait à Schiller, et qui certainement ferait plaisir. — Aujourd’hui, quand Goethe, à table, nous parla des divers présents qui lui avaient été envoyés à Dornbourg pour son anniversaire, je lui demandai ce que renfermait le paquet d’Abeken. […] En un mot, nous étions tous très contents les uns des autres, et je passai avec cette famille de si heureux jours, que leur souvenir est toujours resté pour moi extrêmement agréable. […] Il pleure sa mort prématurée, comme celle d’un disciple ; il l’honore toute sa vie d’un culte de gloire et de souvenir. […] … « Trop d’émotions et de souvenirs se pressaient dans son âme ; il ne put se maîtriser, et des larmes abondantes s’échappèrent de ses yeux. »
Dans un avant-propos, M. de Wolzogen déclare que c’est en souvenir des dix années écoulées depuis les premières Fêtes de Bayreuth et en honneur des fêtes nouvelles qui vont avoir lieu cet été, qu’il a publié ces documents relatifs aux travaux préparatoires de l’œuvre de Bayreuth. […] Comme si le faible lien de cette promesse jetée au départ, suffisait pour l’entraîner à sa perte ; lorsque le souvenir en reparaît, le spectateur est pris d’une terreur instinctive, qui augmente de minute en minute, telle que les frissons précurseurs d’une catastrophe. […] On dirait que Wagner a voulu n’omettre aucune des prostrations de cette agonie de l’espérance, en recueillant le cri plaintif échappé à chaque souvenir flottant à son entour, en faisant revivre dans l’orchestre comme ils devaient revivre dans la mémoire de la mourante, pendant qu’elle quittait ces lieux pour ne plus les revoir, quelques fragments épars du passé, quelques réminiscences de son entrevue avec Tannhaeuser, de son duo avec lui au second acte, de la supplication qui préservât ses jours, du chant de Wolfram lorsqu’il essayait de rétablir l’accord entre les poètes et de sauver Tannhaeuser de sa propre démence. […] Pourtant lorsque ce grand drame est joué, qu’il a passé devant nos yeux, qu’il n’est plus qu’un tableau dans notre souvenir et un tressaillement dans notre cœur, notre âme est consolée, rassérénée ; les plaies qu’il avait ouvertes sont fermées ; les endolorissements qu’il avait causés sont calmés. […] Dans l’Avant-propos est développée la thèse … « ne pas tendre à Wagner les mains qui l’applaudissent … » Ensuite, des Souvenirs personnels : Souvenirs de Triebchen, très aimables aperçus sur la vie du Maître à Triebchen ; — Épître au roi de Thuringe, amusant récit des représentations du Rheingold, à Munich, en 1869.
Dimanche 19 janvier Aujourd’hui, après de longs mois de complète disparition, apparaît Villedeuil tenant amoureusement par la main, sa petite fille, et dont la barbe devenue blanche lui donne un air patriarcal… Le voyant ainsi, mon souvenir n’a pu s’empêcher d’évoquer le Villedeuil à la barbe noire des soupers de la Maison d’Or. […] À quelque temps de là, rencontrant Belot, et le souvenir du dîner Dentu se réveillant chez lui, Belot à sa demande s’il en était, lui répondait : « Tu as été retoqué, on t’a trouvé un talent trop personnel ! […] Incontestablement cette vie de Jésus en plus de cent tableaux, cette représentation où se mêle à une habile retrouvaille de la réalité des milieux, des localités, des races, des costumes, le mysticisme du peintre, produit à la longue, par le nombre et la lente succession de ces études, un grand apitoiement, et même fait monter en vous une tristesse, au souvenir de ce juste, une tristesse attendrie qu’aucun livre ne vous apporte. […] » Vendredi 25 juillet Ce soir Daudet parle avec une exaltation un peu fiévreuse, et comme d’un souvenir passionnant, d’un voyage de trois semaines en mer, qu’il avait fait autour de la Corse, dans une goëlette de la douane. […] Je disais hier à Daudet : « Je ferais appel aux souvenirs de tous les dîneurs de Magny, que j’ai la conviction que tous, en se disant entre eux à voix basse : ce que Goncourt rapporte des propos de Renan, est de la pure sténographie, — déclareraient tout haut que Renan n’a pas dit un mot de ce que j’ai imprimé !
De la vérité sainte il déteste l’approche ; Il craint que son regard ne lui fasse un reproche, Que ses traits, sa candeur, sa voix, son souvenir, Tout mensonge qu’il est, ne le fasse pâlir. […] , il se souvient d’Ennius, de Phèdre, qui ont imité ce morceau ; il se souvient des vers de Virgile (églogue VIII), qu’il a, dit-il, autrefois traduits étant au collège. […] A mesure qu’il en augmente son trésor, il n’est pas toujours sûr de ne pas les avoir employés déjà : « Je crois, dit-il en un endroit, avoir déjà mis ce vers quelque part, mais je ne puis me souvenir où. » 62.
« Il faisait fournir des barques et des canots à ceux qui voulaient fuir ; il anéantissait les lettres et les notes qui auraient pu servir de témoignage du zèle qu’on avait montré pour lui, des injures qu’on avait proférées contre Vitellius ; il distribuait des gratifications avec mesure, et nullement comme un homme qui n’a rien à ménager après lui ; ensuite il s’appliqua à consoler le fils de son frère, Salvius Coccéianus, enfant en bas âge, qui tremblait et qui pleurait, louant sa tendresse, gourmandant son effroi, l’assurant que le vainqueur ne serait pas assez barbare pour refuser la grâce de ce neveu, à lui, qui avait conservé à Rome toute la famille de Vitellius, et qui allait, par la promptitude de sa propre mort, mériter la clémence de ce rival : car ce n’était point, ajoutait-il, dans une extrémité désespérée, mais à la tête d’une armée demandant à combattre, qu’il épargnait volontairement à la république une calamité nouvelle ; qu’il avait assez de renommée pour lui-même, assez d’illustration pour ses descendants ; que le premier, après les Jules, les Claude, les Servius, il avait porté l’empire dans une nouvelle famille ; que son neveu devait donc accepter la vie avec une noble assurance, sans oublier jamais qu’Othon fut son oncle, et cependant sans trop s’en souvenir. » VIII « Après ces soins donnés aux autres, il prit quelques moments de repos. […] Il demanda qu’on lui conservât un souvenir, qu’on prît en pitié son père, sa femme et l’âge innocent de ses enfants. […] Souvenez-vous qu’après la chute d’un méchant prince, le jour le plus heureux, c’est le premier. » XXXI Ici Tacite peint la tribune comme il peint le champ de bataille. […] « Il inclina d’abord vers le poison ; mais, si on le donnait à la table de l’empereur, on ne pouvait éviter de réveiller le souvenir du genre de mort de Britannicus, et il paraissait difficile de corrompre les esclaves d’une femme à qui l’habitude de commettre le crime avait appris à se préserver de telles embûches.
Le premier chalet et la première usine de cette colonie y portent encore le nom de ma famille qui les a fondés ; les habitants d’aujourd’hui gardent dans leurs souvenirs la reconnaissance qu’ils m’ont plusieurs fois témoignée pour les pères de leur cité qui furent mes pères. […] Christin, fils de l’ancien et spirituel correspondant de Voltaire, ami aussi de mon grand-père et de mes oncles, m’avait écrit pour se réclamer de ces souvenirs de famille et pour me prodiguer de bons offices. […] Tout Mâcon, tout Saint-Claude, tout Besançon s’en souviennent encore. […] XLIV C’est sur ces souvenirs d’un double voyage à Athènes et sur l’impression toujours présente du Parthénon, entrevu dans le ciel du pont d’un vaisseau et contemplé ensuite à loisir du pied de ses colonnades, que j’écrivais, il n’y a pas longtemps, un Entretien sur la sculpture, quand je reçus, un matin du mois d’août 1861, le volume de M. de Ronchaud, intitulé Phidias.
« Rome, 30 septembre 1821. » VI Le duc d’Orléans, plus tard Louis-Philippe, lui écrit peu de temps après : « Éminence, « Le prince de Talleyrand, qui garde de vous le plus tendre souvenir, me disait dernièrement que votre seul plaisir était la culture des fleurs, et votre noble amie la duchesse de Devonshire a bien voulu me confirmer le fait. […] « Voulant me rappeler à votre bon souvenir, j’ai pris la liberté de faire adresser à Votre Éminence quelques échantillons de nos serres françaises. […] Il s’occupe du payement de ses dettes ; puis, par un touchant souvenir, le cardinal pense aux âmes des personnes qui lui furent chères et qui le précédèrent dans la tombe, et il écrit : « Dans ce feuillet, qui fait partie de mon testament, je laisse à prendre sur mon héritage la somme nécessaire à la célébration de : « Cinquante messes chaque année, pour le repos de l’âme de ma mère, la marquise Claudia Consalvi, née Carandini, à célébrer dans l’église de Saint-Marcel au Corso, le 29 avril, jour anniversaire de sa mort, avec l’aumône de trois paoli ; « Cinquante messes chaque année, pour le repos de l’âme de la princesse Isabelle Ruspoli, née Justiniani, à célébrer dans l’église de Saint-Laurent in Lucina, le 25 août, jour anniversaire de sa mort, avec l’aumône de trois paoli ; « Cinquante messes chaque année, pour le repos de l’âme de la duchesse de Ceri, Catherine Odescalchi, née Justiniani, à célébrer dans l’église des Saints-Apôtres, le 24 novembre, jour anniversaire de sa mort, avec l’aumône de trois paoli ; « Cinquante messes chaque année, pour le repos de l’âme de la marquise Porzia Patrizi, à célébrer dans l’église de Sainte-Marie-Majeure, le…… jour anniversaire de sa mort (puisse Dieu prolonger longtemps ses jours !) […] Consalvi, jeune encore, avait le délire de la musique, cette langue sans parole qui vient du ciel et qui exprime sans mots ce que l’âme rêve et ce qui est le plus inexprimable aux langues humaines ; la musique, langue des anges, quand elle avait touché son âme, y restait à jamais comme le souvenir d’un autre monde, comme une apparition à l’âme d’un sens supérieur aux sens d’ici-bas.
Au reste, je ne vois pas qu’il ait jamais évoqué avec plaisir les souvenirs de son enfance, moins peut-être pour la déplaisante idée qui lui en était restée, que parce qu’il datait sa vie du jour où il avait pu exercer librement sa raison. […] Mais souvenons-nous que le bonhomme est poète, même quand il écrit en prose. […] Boileau n’était pas le dernier à couper de saillies imprévues les discussions qui tournaient au grave, et évoquait du fond de ses souvenirs d’étranges figures de plaideurs, entrevues jadis au Palais ou dans l’étude de son beau-frère, pour fournir quelques plaisantes scènes aux Plaideurs de Racine. […] Despréaux arrive, récite de ses vers ; on dîne, on médit d’une tragédie de La Serre ; et en prenant le café sous un berceau, dans le jardin, la conversation tombe sur la déclamation dramatique : Boileau, évoquant les souvenirs d’un temps qui lui est cher, montre comment la Champmeslé disait un vers du rôle de Monime, ou Molière une tirade du Misanthrope.
Il s’est donné une spécialité, l’histoire, et surtout l’archéologie ; volontiers il présente ses nouvelles comme des propos d’archéologue qui évoque quelque souvenir de ses voyages. […] Mémoires, souvenirs, impressions, voyages (Histoire de ma vie, 1855, etc.), 8 vol. in-18. […] Amie, Mes souvenirs, pet. in-8, 1893. […] Souvenirs d’Egotisme et Lettres inédites, Charpentier, 1893, in-12.
Alors Kaïn se dresse dans son tombeau, impose silence au cavalier et aux bêtes ; il se souvient, et raconte sa sombre histoire. […] Aux Morts, le Dernier souvenir, les Damnés, Fiat nox, In Excelsis, la Mort du soleil, les Spectres, le Vent froid de la nuit, la Dernière vision, l’Anathème, Solvet saeclum, Dies Irae, tous ces poèmes, prodigieux par la magnificence et la dureté des lamentations, ne sont que prières à la Mort, effusions noires vers le néant. […] Maitreya se souvient d’une jeune fille, Narada pleure sa mère morte, Angira cherche et doute. […] chez cette merveilleuse race, l’homme aime l’action, même quand il la sait inutile et décevante. « Laissons ces discours sur l’existence humaine, quoiqu’elle soit ce que tu la décris12 » Les durs commencements dans une terre toute neuve et qui n’était pas toujours clémente, les longues luttes entre Pélasges, Hellènes, Doriens, Ioniens, et aussi les grands cataclysmes naturels dont plusieurs de leurs mythes ont conservé le souvenir, avaient fait aux Grecs une âme à la fois active et résignée, où le plaisir de vivre et d’agir se tempérait par instants de mélancolie fataliste.
C’est ce que fit Amyot, en traduisant les écrits d’un homme supérieur qui avait recueilli tous les souvenirs de l’antiquité grecque et romaine. […] Les moines se souvinrent qu’ils avaient eu le grec pour ennemi, quand la royauté leur eut donné raison contre la Réforme. […] Dans ce court passage aux affaires, où il avoue s’être « porté trop laschement et d’une affection languissante », il se serait corrigé, s’il eût été nécessaire, des illusions du travail spéculatif ; il y amassa des expériences pour autoriser ses pensées, et des souvenirs pour les provoquer. […] Il se promène dans le monde des pensées comme un voyageur dans une contrée historique, avec la seule curiosité pour guide, laissant à chaque endroit qu’il a quitté une réflexion triste ou ironique, une rêverie, un souvenir.
Je me souviendrai toujours du bon fou Brian qui s’imaginait être prêtre, passait une partie du jour à l’église, imitant les cérémonies de la messe. […] Ma, mère était tout à fait de ce vieux monde par ses sentiments et ses souvenirs. […] Sa vive imagination s’éveillait alors, et, comme il arrive d’ordinaire aux vieillards, c’étaient les souvenirs d’enfance qui lui revenaient le plus souvent à l’esprit. […] Ils n’admettent que leur Paris ; je les trouve bornés au fond… Non, on ne peut plus comprendre combien ces vieux nobles de campagne étaient respectés, quoiqu’ils fussent pauvres. » Elle s’arrêta quelque temps, puis reprit III « Te souviens-tu de la petite commune de Trédarzec, dont on voyait le clocher de la tourelle de notre maison ?
Mais bientôt les souvenirs affluent ; ils se mêlent et affluent : c’est des tronçons de faits anciens, des visions ténues et innombrables ; comme la secousse joyeuse d’un large flot qui s’élève, et qui l’envahit. […] Il souffre, et voici que sont dissipés et fuient les derniers tourbillons des souvenirs. […] Mais Tristan se souvient du passé. […] Il sembla que toutes les œuvres qui ont précédé Tristan l’annonçaient et le faisaient pressentir ; et je crois que, pour qui connaît bien l’œuvre du maître, il n’y a pas de plus vif bonheur que de retrouver à chaque page ces drames musicaux qui suivirent, et jusque dans Parsifal, le souvenir presque obsédant des harmonies de Tristan.
la voici : quand nous l’avons écrit, nous n’avions pas encore la vision directe de l’humanité, la vision sans souvenirs et réminiscences aucunes d’une humanité apprise dans les livres. […] Puis, un long moment, elle regarde les choses avec ces yeux de mourant qui paraissent vouloir emporter le souvenir des lieux qu’ils quittent, et la porte de l’appartement, en se fermant sur elle, fait un bruit d’adieu. […] — et j’ai fait cette fois de l’imagination dans du rêve mêlé à du souvenir. […] Pourquoi, à l’heure actuelle, un romancier (qui n’est au fond qu’un historien des gens qui n’ont pas d’histoire), pourquoi ne se servirait-il pas de cette méthode, en ne recourant plus à d’incomplets fragments de lettres et de journaux, mais en s’adressant à des souvenirs vivants, peut-être tout prêts à venir à lui ?
Voilà les vers qui sont parmi les plus beaux de ceux de La Fontaine, qui ont un souffle épique, de la largeur, de l’ampleur, et qu’il faut connaître au moins de souvenir. […] « Sur le point de jouir, tout s’enfuit de nos mains. » Ceci est un souvenir mythologique, c’est Tantale ; et en même temps cela nous fait songer aux beaux vers de Musset sur le bonheur : Et le peu de bonheur qu’on rencontre en chemin. […] Vous savez très bien que, dans l’lliade, il y a un chant qu’on intitule le Chant de l’ambassade, et où Phénix, Ulysse et Ajax vont supplier Achille, qui s’est retiré sous sa tente, d’en sortir et de revenir combattre avec les Grecs ; et là le discours qui touche le plus Achille est le discours de son bon vieux père nourricier, Phénix, qui le supplie, en invoquant le souvenir de son enfance qu’il a tant soignée, d’une façon si diligente et si paternelle, qui le supplie de revenir auprès des Grecs. […] Mon très lettré ami M. de Couynart me fait remarquer : 1° qu’en 1680-1685 des essais assez nombreux d’acclimatation de Shakespeare en France avaient été faits et que La Fontaine avait pu jeter les yeux sur quelque oeuvre du dramatiste anglais 2° que la tragi-comédie de Statira, tirée par Pradon de la Cassandre de La Calprenède, jouée à la fin de 1679, avait été incriminée de mélange de trivialité et de tragique, et que, du reste, Pradon en 1684 ayant, par un factum, exercé des représailles contre Boileau, La Fontaine a pu, réveillé par ce factum contre son ami, se souvenir de Statira et y faire cette allusion prolongée que nous venons de voir ; M. de Couynart penche pour la seconde de ces hypothèses J’y pencherais aussi, sans doute ; mais d’abord en 1684 Boileau et La Fontaine, compétiteurs à l’Académie, ne devaient pas être si bien ensemble que La Fontaine voulût venger Boileau de Pradon avec un tel éclat ; ensuite Statira présente-t-elle en effet un tel mélange de haut style et de bassesses ?
Nous nous souvenons que nous avons, pas bien longtemps auparavant, assisté à ces évocations grandioses, à ces fantasmagories formidables, affaiblies maintenant, pâlies, devenues fantômes dans le jour lumineux de l’énergique souvenir que nous en avions gardé. […] Car l’Énormité, voilà l’écueil de Victor Hugo… L’écueil, pour les poètes comme pour les rois, vient de trop de puissance… Dans cette double pièce de vers intitulée Le Cheval qui commence et finit ce volume, d’une composition si peu surveillée qu’on y trouve une pièce qu’on dirait oubliée de La Légende des Siècles, — un Souvenirs des vieilles guerres ; dans cette pièce de vers où le poète, pour faire du neuf à bon marché, a démarqué le linge de Boileau (procédé peu fier pour le chef de l’école romantique) et appelé Pégase un cheval au lieu de l’appeler bravement cheval, Hugo, enchaîné à ce mot d’énorme comme le coupable à l’idée de son crime, adresse à Pégase ce vers singulier : Ta fonction, c’est d’être énorme ! […] La vie privée doit être murée, mais quand elle se fait voir par-dessus les murs ou qu’elle les abat autour d’elle, on ne peut pas s’arracher les yeux ou le souvenir.
Sur l’horizon lointain apparaissait Notre-Dame de Sion, les bras ouverts… » (Souvenir de Louis Colin). […] Je ne froisserai personne en rappelant auprès d’un enfant mort pour la France ses titres antérieurs, fussent-ils des souvenirs de discorde. […] » Et ce que je te conte, je te jure que je ne me laisse pas aller à le revêtir de la tristesse qui depuis s’est jetée sur le souvenir. […] Pierre de Rozières est tombé le même jour et au même endroit qu’Hugues de Castelnau qui faisait partie, lui aussi, de cette 70e division de Lorraine où son père le général de Castelnau a laissé tant de souvenirs parmi les anciens du 37me de Nancy, versés au 237e et au 360e.
Quelqu’un disait en sortant : « Nodier avait mêlé la fée à tous ses récits, à tous ses souvenirs ; Mérimée a supprimé exactement cette fée, et il a su plaire. » — On peut remarquer aussi ce qu’il y a eu de piquant, de hardi et d’habile, de la part de M.
J’ai vu quelques incendies, et je me souviens très bien d’y avoir vu cette lueur rougeâtre, forte et réverbérée au loin.
Les amis de son père n’eurent rien de plus pressé que de la servir ; elle vint habiter à Paris l’année qui suivit sa mort, et le docte Huet, sous-précepteur du Dauphin, lui donna une part et une tâche à remplir dans les éditions d’anciens auteurs qui se faisaient ad usum Delphini : Si je m’en souviens bien, dit Bayle, Mlle Le Fèvre surpassa tous les autres en diligence et gagna le pas à je ne sais combien d’hommes qui tendaient au même but. […] Tout cela s’est évanoui comme un songe : à ce commerce si plein de charmes succèdent la solitude et l’horreur ; tout se convertit pour nous en amertume ; les lettres mêmes, accoutumées à calmer les plus grandes afflictions, ne font qu’augmenter la nôtre par les cruels souvenirs qu’elles réveillent en nous. […] Cette personne honnête et probe croit à son lecteur, à son public, à l’affection qu’elle leur inspire, à l’intérêt que le monde témoigne pour la continuation et l’achèvement de son travail, à la compassion qu’il aura d’une interruption venue d’une cause si douloureuse ; elle se souvient de Cicéron pleurant sa fille Tullia, de Quintilien déplorant la perte d’un fils plein de promesses, et, tout en les imitant, elle verse de vraies larmes ; puis, en finissant, la mère chrétienne se retrouve et se soumet115.
Sa mère Anne Donne, de noble naissance, mourut jeune en 1737, laissant deux fils ; William n’avait alors que six ans, mais il garda des premiers temps de son enfance et des tendresses de sa mère un souvenir vif et profond, gravé plus avant en son cœur par le régime tout différent auquel il fut soumis le lendemain de cette mort ; il a consacré ce souvenir, à plus de cinquante ans de distance, dans des vers composés par lui en recevant d’une cousine le portrait de sa mère (1790). […] Les visites de nuit que tu faisais dans ma chambre pour savoir si j’étais sain et sauf et chaudement couché ; tes largesses du matin avant le départ pour l’école, le biscuit ou la prune confite ; l’eau odorante que ta main prodiguait à mes joues jusqu’à ce qu’elles fussent brillantes de fraîcheur et luisantes, tout cela, et ce qui fait plus chérir que tout encore, ce courant continu d’amour que rien en toi n’interrompait, que ne troublèrent jamais ces débordements et ces sécheresses que crée une humeur inégale ; tous ces souvenirs, toujours lisibles dans les pages de ma mémoire et qui le seront jusqu’à mon dernier âge, ajoutent le plaisir au devoir, me font une joie de te rendre de tels honneurs que le peuvent mes vers ; un bien fragile témoignage peut-être, mais sincère, et qui ne sera point méprisé au ciel, quand il passerait inaperçu ici-bas… Si le Temps pouvait, retournant son vol, ramener les heures où jouant avec les fleurs brodées sur ta robe, — violette, œillet et jasmin, — je les dessinais sur le papier avec des piqûres d’épingle (et toi, pendant ce temps-là, tu étais encore plus heureuse que moi, tu me parlais d’une voix douce et tu me passais la main dans les cheveux, et tu me souriais) ; si ces jours rares et fortunés pouvaient renaître, s’il suffisait d’un souhait pour les ramener, en souhaiterais-je le retour ?
Ces jolis tableaux achevés, et qui trouveraient chez Delille plus d’un pendant bien spirituel aussi, quoique d’une exécution moins sûre, ne sont pas ce que j’aime le mieux chez Cowper, et je le préfère lorsque ayant achevé l’énumération de tout ce qui s’agite de nouvelles publiques et privées entassées pêle-mêle dans le sac du facteur, il ajoute : « Maintenant attisez le feu et fermez bien les volets ; laissez tomber les rideaux, roulez et approchez le sopha ; et tandis que l’urne bouillonnante et sifflante fait monter sa colonne de vapeur, et que les coupes qui réjouissent, mais n’enivrent pas, sont là préparées pour chacun, donnons ainsi la bienvenue et l’accueil au soir paisible qui descend. » Dans l’emploi de la soirée qu’il va suivre en ses plus menus détails et dont il fait luire chaque instant à nos yeux, il se souvient d’Horace : « Ô soirées et soupers dignes des dieux ! […] Un jour qu’on demandait en présence de Wordsworth s’il en était nécessairement ainsi, le grave poète des lacs répondit : « Ce n’est point parce qu’ils ont du génie qu’ils font leur intérieur malheureux, mais parce qu’ils ne possèdent point assez de génie : un ordre plus élevé d’esprit et de sentiments les rendrait capables de voir et de sentir toute la beauté des liens domestiques23. » J’ai le regret de rappeler que Montaigne n’était pas de cet avis et qu’il penchait du côté du déréglement : citant les sonnets de son ami Étienne de La Boétie, il estime que ceux qui ont été faits pour la maîtresse valent mieux que ceux qui furent faits pour la femme légitime, et qui sentent déjà je ne sais quelle froideur maritale : « Et moi, je suis de ceux, dit-il, qui tiennent que la poésie ne rit point ailleurs comme elle fait en un sujet folâtre et déréglé. » Nous nous sommes trop souvenus en France de cette parole de Montaigne, et nous nous sommes laissés aller à cette idée de folâtrerie. […] Cowper d’ailleurs, qui a encore de commun avec lui de s’être développé si tard, a parlé de Rousseau plus d’une fois, et en connaissance de cause ; il l’avait lu, au moins dans ses premiers grands ouvrages, et, dès le temps où il était établi à Huntingdon auprès des Unwin, il écrivait à son ami Joseph Hill ; « Vous vous souvenez de la peinture que fait Rousseau d’une matinée anglaise ; telles sont celles que je passe ici avec ces braves gens. » Je ne sais de quelle matinée anglaise il s’agit, à moins que ce ne soit dans L’Émile le joli rêve de « la maison blanche avec des contrevents verts », et de la vie qu’on y mène ; Cowper et Hill, en le lisant d’abord ensemble, l’avaient peut-être qualifié ainsi26.
Notez que, la première douleur épanchée, Frédéric n’aimait pas à y revenir en paroles : il remuait le moins qu’il pouvait les tristes souvenirs, et ne rentrait pas volontiers dans les pertes sensibles qu’il avait faites : « Pour moi, j’évite avec soin, disait-il, tous les endroits où j’ai vu des personnes que j’ai aimées : leur souvenir me rend mélancolique, et quoique je sois tout préparé à les suivre dans peu, je souffre cependant de ne plus jouir de leur présence. » C’est que son deuil était un deuil qu’un rayon consolateur n’éclairait pas. — « Le système merveilleux répugne à la sincérité de mon espritag », disait-il encore. […] [NdA] On lit, au tome ier des Souvenirs de Mme Vigée-Lebrun, un portrait du prince Henri, qui, venant d’une main si habile à faire des portraits au pinceau, d’un artiste si habitué à bien voir, a du prix et porte avec soi sa garantie de ressemblance : Lorsque la comtesse de Sabran me présenta chez elle au frère du grand Frédéric, je voyais ce prince pour la première fois, et je ne saurais dire combien je le trouvai laid.
La Beaumelle se souvient qu’Auguste a fait une tragédie d’Ajax, et vite il fait dire à Frédéric : « J’ai lu qu’Auguste (p. 397) avait fait quelques poèmes dramatiques, entre autres un Ajax. […] Je crains que cette lettre ne vous trouve dans le grand accablement de la douleur ; je vous prie de vous souvenir de ce que je vous ai dit à Potsdam, et songez que votre père, qui est mort à l’âge de quatre-vingt-quatre ans, n’a jamais cru être immortel. […] Consolons-nous ensemble, mon cher président, et souvenez-vous de ce mot de Marc Aurèle, qui devrait être gravé en lettres d’or sur la porte de tous les philosophes : « C’est contre ceux qui t’offensent et contre les méchants que tu dois exercer ta clémence, et non pas contre les honnêtes gens qui ne t’outragent pas.
Il faudrait relire ici le chapitre tout entier de ses Essais (le Xe du livre III) qui lui a été inspiré par les souvenirs de sa mairie ; c’est encore lui qui nous en dit plus que personne sur sa gestion publique et sur l’esprit qu’il y apporta. […] Dès son arrivée, il se déchiffra donc fidèlement et se détailla tel qu’il était ou croyait être à MM. de Bordeaux, « sans mémoire, sans vigilance, sans expérience et sans vigueur, sans haine aussi, sans ambition, sans avarice et sans violence. » C’était en grande partie en souvenir de son respectable père et en reconnaissance des services autrefois rendus par lui à la ville, qu’ils l’avaient élu. […] En somme, il conclut juste : il n’a pas fait monts et merveilles dans sa charge, il ne s’est pas entièrement satisfait lui-même ; il a fait pourtant mieux et plus qu’il n’avait promis à son entrée : il n’aura laissé après lui que de bons souvenirs et des regrets.
De plus en plus donc, chaque jour, on perd sensiblement de vue le port, le rivage, l’amphithéâtre du golfe bien-aimé, ces contours dont chaque point pour chacun sont marqués d’un regret, d’un souvenir. […] Il y a eu, en 1800, une réaction sociale complète, et elle était, si l’on s’en souvient, assez motivée. […] Quand on ne connaît les gens, surtout ceux de sensibilité et d’imagination, qu’à partir d’un certain âge, et durant la seconde moitié de leur vie, on est loin de les connaître du tout comme les avait faits la nature : les doux tournent à l’aigre, les tendres deviennent bourrus ; on n’y comprendrait plus rien si l’on n’avait pas le premier souvenir.
Un homme au collège s’est laissé dire qu’un vers est une ligne de douze syllabes sans élisions, laquelle finit par un son pareil à celui de la ligne voisine ; tout le monde peut fabriquer des lignes semblables, c’est affaire de menuiserie ; d’ailleurs il se souvient qu’il en a fait en latin, presque aussi bien que Claudien, bien plus joliment que Virgile ; maintenant que le voilà inspecteur des douanes, officier en retraite, il rabote et aligne des vers, compose des fables, traduit Horace, exactement comme d’autres, ses confrères, confectionnent des boîtes et des bilboquets avec un tour. […] Le critique, comme le philosophe, doit se souvenir qu’il a un corps, et le poëte n’est si puissant que parce qu’il s’en souvient toujours.
Duruy, avec une incorruptible fidélité de mémoire, se souvint d’avoir entendue. […] La théorie des deux morales, c’est-à-dire, pour parler net, le privilège accordé aux souverains et aux hommes d’État de manquer à la morale dans un intérêt public ou qu’ils estiment tel, peut être également l’erreur volontaire et calculée d’un prince selon Machiavel — ou l’illusion d’un mystique, comme paraît avoir été ce mélancolique empereur au souvenir de qui trop de douleur s’attache pour que nous puissions, nous, le juger en toute liberté d’esprit, mais qui, au surplus, se trouverait sans doute suffisamment jugé, si l’on regarde sa fin, par le mot de Jocaste à Œdipe : « Malheureux ! […] Tels ces citoyens de foi opiniâtre qui après Cannes, refusèrent de désespérer de Rome (car cette vie d’un bon Français éveille aisément des souvenirs romains), ou tel Condorcet, traqué, écrivant son Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain, — ainsi, une nuit du tragique hiver, dans sa casemate, Victor Duruy crayonna pour lui-même, sur un carnet, cette profession de foi, admirable en cet excès de détresse : « À cette heure funèbre, quelle est ma foi et mon espérance ?
Mme Geoffrin n’a rien écrit que quatre ou cinq lettres qu’on a publiées ; on cite d’elle quantité de mots justes et piquants ; mais ce ne serait pas assez pour la faire vivre : ce qui la caractérise en propre et lui mérite le souvenir de la postérité, c’est d’avoir eu le salon le plus complet, le mieux organisé et, si je puis dire, le mieux administré de son temps, le salon le mieux établi qu’il y ait eu en France depuis la fondation des salons, c’est-à-dire depuis l’hôtel Rambouillet. […] Il y a des personnes peut-être qui s’imaginent qu’il suffit d’être riche, d’avoir un bon cuisinier, une maison confortable et située dans un bon quartier, une grande envie de voir du monde, et de l’affabilité à le recevoir, pour se former un salon : on ne parvient de la sorte qu’à ramasser du monde pêle-mêle, à remplir son salon, non à le créer ; et si l’on est très riche, très actif, très animé de ce genre d’ambition qui veut briller, et à la fois bien renseigné sur la liste des invitations à faire, déterminé à tout prix à amener à soi les rois ou reines de la saison, on peut arriver à la gloire qu’obtiennent quelques Américains chaque hiver à Paris : ils ont des raouts brillants, on y passe, on s’y précipite, et, l’hiver d’après, on ne s’en souvient plus. […] Mme Geoffrin le faisait pour elle-même, pour ne pas se gâter le souvenir d’une action charmante.
Saint-Évremond, alors en Hollande (1669), paraît s’ennuyer du retard : Sa bonne foi est grande (écrit-il à un M. d’Hervart qu’il avait vu à La Haye et qui était de retour à Paris), mais mon absence est longue, et, après huit années, il n’y a rien de si aisé que de ne point se souvenir des gens, quand un souvenir coûte cent pistoles. […] Elle plaisante pourtant sur ce qu’il est plus beau et plus méritoire de se souvenir ainsi des absents après tant d’années : « Et c’est peut-être pour embellir mon épitaphe, que cette séparation du corps s’est faite. » Saint-Évremond avait adressé à Ninon un M.