/ 2901
1091. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 163

Baudot de Juilly, l’Histoire de Louis IX, celle de Charles VI, & celle de la Révolution de Naples ; il ne resteroit à Mademoiselle de Lussan que la Vie du brave Crillon, Ouvrage prolixe & assez mal écrit, ainsi que toutes les autres Histoires qu’elle a adoptées, si on en excepte les Anecdotes de la Cour de Philippe Auguste.

1092. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Boucher » p. 103

Toutes les fois que vous viendriez chez moi, vous en diriez du mal, mais vous le regarderiez.

1093. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Quelqu’un qui a des brodequins trop serrés où ses pieds ne peuvent entrer que par des héroïsmes de torture, marche mal. […] Sait-on de quoi serait capables des poètes affamés, gens mal raisonnants de nature ? […] — ON supplie les journaux qui louent les Contemplations, de ne plus se donner tant de mal pour faire croire le bon public au miracle. […] Cette peinture était incomplète, vague et mal conçue, on le voit, les passants s’y arrêtaient à peine, hésitaient, cherchaient et n’y formaient pas foule comme autour de l’autre, dont ils avaient peine à se rassasier. […] … Y a-t-il un bien et un mal absolu ?

1094. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Plus haut, c’est la fièvre ; au-dessous, ce sont des maux encore pires. […] — La lumière ne fait jamais de mal », répondit-il. […] Mais, à la réflexion, on est plutôt porté à conclure que, si l’institution fonctionne mal, elle n’est cependant pas mauvaise ; elle est mal réglée, voilà tout. […] Le bagne pour avoir voulu légitimer mal à propos la conquête de quelques médiocres virginités ? […] Ces fugues irrésistibles se terminent quelquefois bien et quelquefois mal.

1095. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Les meilleures qualités ont leur point faible par où le mal peut s’introduire. […] Pas un trait de la race n’y manque, en bien ou en mal. […] Qui a jamais nié que l’éducation donnât à l’âme sa forme et sa direction, en bien et en mal ? […] Il se rendit à Turin, où régnait un prince selon son goût, ce Charles-Emmanuel, si célèbre pendant nos guerres du temps de Henri III et d’Henri IV, et par le mal qu’il nous fit et par le mal qu’il avait l’intention de nous faire. […] La pièce est amusante, mais il y a là une légèreté qui fait mal.

1096. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 308

Blondel, [David] Ministre Protestant, né à Châlons en 1581, mort à Amsterdam en 1655, Auteur de plusieurs Ouvrages pleins de recherches, mais mal écrits.

1097. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 506

On lui attribue une Production infame, connue sous le nom d’Aloïsia Toletana ; mais s’il est assez vraisemblable qu’il ait pu ramasser les ordures qui font la base de cet horrible Ouvrage [le plus dangereux pour les mœurs qui ait paru en aucune langue], il n’est guere croyable qu’un homme qui écrivoit si mal en François, ait été capable d’orner de toutes les graces de la belle Latinité ces Dialogues orduriers.

1098. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Doyen » p. 102

Sa Fête au dieu des jardins est coloriée vigoureusement ; mais elle dégoûte ; de grosses femmes endormies et enivrées ; des culs monstrueux ; des masses de chair mal arrangées.

1099. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Ceux qui ont commencé par l’enthousiasme confiant et innocent ont appris, à force de mécomptes, à connaître le mal, et souvent, en cet âge de l’expérience chagrine, ils deviennent enclins à lui faire une bien grande part. […] Avant d’être mère, elle travaillait, elle écrivait pour soutenir sa mère, mais c’était tout ; elle pouvait douter de l’action de la vérité et de la raison parmi le monde ; elle voyait le mal, le ridicule, la sottise, et n’espérait guére : une fois mère, elle conçut le besoin de croire à l’avenir meilleur, à l’homme perfectible, aux vertus des générations contemporaines de son enfant. […] faut-il les dénombrer Ces maux, ces vautours de délire Que chaque cœur sait engendrer ? […] Le bonheur s’enfuit assez vite, Le mal assez tôt est venu ; S’il est vrai que nul ne l’évite, Assez tôt vous l’aurez connu. […] Cette sensibilité de qui elle avait dit si délibérément dans sa jeunesse : « La sensibilité épargne plus de maux qu’elle n’en donne, car elle détruit d’un coup les chagrins de l’égoïsme, de la vanité, de l’ennui, de l’oisiveté, etc., » cette sensibilité à qui elle dut tant de pures délices, fut-elle toujours pour elle une source inaltérable ; et, en avançant vers la fin, ne devint-elle pas, elle, raison si forte et si sûre, une âme douloureuse aussi ?

1100. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

J’ai si bonne opinion de votre sagesse, que je crois que vous eussiez été bien aisément consolée si votre mal y eût laissé des marques. […] Il aura peut-être agréable l’humiliation de mon cœur et l’enchaînement de mes misères profondes… Adieu, ma chère Mère, mes larmes m’aveuglent ; et s’il étoit de la volonté de Dieu qu’elles causassent la fin de ma vie, elles me paroîtroient plutôt les instruments de mon bien que les effets de mon mal. » M. de Grasse ne cessait aussi de lui écrire, et il l’avait fait avec une sorte d’éloquence, sur cette mort. […] Et c’est ce qui me fait croire violente et emportée aux uns, parce qu’ils m’ont vue dans mes passions ou même dans mes plus petites inclinations et pentes ; et à d’autres, lente et paresseuse, morte même, s’il faut user de ce mot, parce qu’ils ne m’ont pas vue touchée de ce dont je l’ai été, soit en mal, soit en bien. […] Elle dit en finissant : « Il m’est venu encore une pensée sur moi-même, c’est que je suis fort aise, par amour-propre, qu’on m’ait ordonné d’écrire tout ceci, parce que sur toute chose j’aime à m’occuper de moi-même et à en occuper les autres, et que l’amour-propre fait qu’on aime mieux parler de soi en mal que de n’en rien dire du tout. […] Pour moi, je lui souhaite la mort, ne comprenant pas qu’elle puisse vivre après une pareille perte. » Et sept jours après cette lettre (27 juin) : « J’ai vu enfin Mme de Longueville ; le hasard me plaça près de son lit : elle m’en fit approcher encore davantage, et me parla la première, car pour moi, je ne sais point de paroles dans une telle occasion ; elle me dit qu’elle ne doutoit pas qu’elle ne m’eût fait pitié ; que rien ne manquoit à son malheur ; elle me parla de Mme de La Fayette, de M. d’Hacqueville, comme de ceux qui la plaindroient le plus ; elle me parla de mon fils, et de l’amitié que son fils avoit pour lui : je ne vous dis point mes réponses ; elles furent comme elles devoient être, et, de bonne foi, j’étois si touchée que je ne pouvois pas mal dire : la foule me chassa.

1101. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Le monde italien, accoutumé à ces habitudes, ne le trouva pas mal séant ; il fallait un homme, au gouvernail de cette demeure, soit un peintre, ami ou amant, peu importait aux mœurs du pays et du temps ? […] Parmi ces hommes qui comprennent si mal les hautes pensées et les sentiments généreux, il reste cependant encore une secrète admiration pour des vertus et un dévouement dont ils sont incapables. […] J’en ai une pitié profonde ; c’est un si beau talent mal employé ! […] Certainement, si la liberté est une chose négative, il ne s’y fait aucun mal quelconque ; mais où est l’émulation, où est le mobile de la distinction dans les hommes ? […] On sait que cette noble personne, dont l’influence fut si vive et si douce dans le monde des Joubert, des Ballanche, des Chateaubriand, se sentant frappée d’un mal sans remède, était allée demander au ciel de l’Italie l’apaisement de ses souffrances.

1102. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

En vérité, il n’y a aucune sorte de maux et de malheurs qui ne doivent tomber sur lui à cause de sa chair. […] L’ultramontanisme ne parut d’abord à ces maîtres austères qu’une façon commode d’en appeler à une autorité éloignée, souvent mal informée, d’une autorité rapprochée et plus difficile à tromper. […] Il devient alors quelque chose de touchant : on se défend de penser, de peur de penser mal. […] Les interrogations, les examens sont presque nuls : l’émulation n’existe à aucun degré et serait tenue pour un mal. […] Sa jolie petite figure, maigre et fine, son corps fluet, remplissant mal les plis de sa soutane, sa propreté raffinée, fruit d’une éducation datant de l’enfance, le creux de ses tempes se dessinant agréablement sous la petite calotte de soie flottante qu’il portait toujours, formaient un ensemble très distingué.

1103. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

» Nous ne croyons point que jamais thèse philosophique fût plus médiocre, et voilà pourtant ce que le Caliban du socialisme éructe, ou plutôt vomit, avec des cris de montagne en mal d’enfant ; voilà pourtant la souris de cette montagne accouchée : Ridiculus mus ! […] De cette Correspondance dont nous venons de parler, il n’est, en fait d’idées, sorti quoi que ce soit que nous n’eussions vu dans les Œuvres complètes de cet homme, un des premiers cerveaux du siècle en puissance, mais en puissance mal employée et funeste… Seulement, si cette Correspondance n’ajoute pas aux idées du penseur, elle les éclaire du moins de la personnalité de l’homme. […] Et le mal n’alla seulement pas qu’au bon sens de l’homme. […] Mais, dans ce siècle-là, je sais pourtant ce qu’il aurait été… Avec le bon sens armé dont Dieu l’avait doué, et dont, pour l’avoir faussé et employé à mal, il doit répondre devant Dieu un peu plus terriblement que devant la Critique ; avec son amour de l’idée et la placidité du cours de son sang dans les veines, il serait monté sans effort vers les idées chrétiennes autour desquelles gravitaient alors tous les esprits et tous les cœurs justes. […] Mais le mal n’en est pas mortel quand, des mœurs, elle ne passe pas dans les idées.

1104. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — W. — article » p. 523

. ; connu par une Grammaire Françoise, où, parmi quelques observations assez justes, & des regles assez bien développées, on trouve des choses minces, des définitions obscures, des principes mal conçus, & quelquefois ce qu'on appelle du galimatias.

1105. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Un autre pamphlet, mal compris encore, le mène en prison, le force à payer une caution de huit cents livres, et c’est juste à temps qu’il reçoit le pardon de la reine. […] Quand il veut se retirer du désespoir, il dresse impartialement, « comme un comptable », le tableau de ses biens et de ses maux, et le divise en deux colonnes, actif et passif, article contre article, en sorte que la balance est à son profit. […] Le mal comme le bien dans le caractère anglais, c’est la volonté trop forte1047. […] » On le trouve gai, brillant, causeur ; mais cette pétulance de la verve animale n’est qu’un dehors ; il est barbare, il plaisante atrocement, froidement, en bourreau, du mal qu’il a fait ou qu’il veut faire. […] Un jour l’oncle Toby, le pauvre capitaine invalide, attrape, après de longs essais inutiles, une grosse mouche bourdonnante qui l’a cruellement tourmenté pendant tout le dîner ; il se lève, traverse la chambre sur sa jambe souffrante, et, ouvrant la fenêtre : « Va-t’en, pauvre diablesse, va-t’en ; pourquoi est-ce que je te ferais du mal ?

1106. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

ce n’est pas la faute de monsieur votre père, dit-elle ; il voulait que je restasse à la maison, mais je ne pouvais m’y résoudre à cause de sa nouvelle femme: ça me faisait trop mal de la voir à toutes les places où j’avais vu ma pauvre maîtresse. […] En effet, les livres des philosophes nous apprennent à braver nos maux, mais non à vivre avec eux ; comme si le destin des êtres les plus heureux de la terre n’était pas toujours de vivre avec la douleur !  […] Si Virginie souffrait, on en était averti par les cris de Paul ; mais cette aimable fille dissimulait aussitôt son mal, pour qu’il ne souffrît pas de sa douleur. […] Je demande si instamment à Dieu qu’il ne t’arrive aucun mal ! […] C’est du fond de cette retraite que l’auteur assista, pour ainsi dire, aux premiers mouvements de cette révolution qui devait faire tant de mal à sa patrie et au genre humain.

1107. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Béjot, Alfred »

Anonyme C’est un livre de poésie pure, c’est aussi un livre de réalité poignante, un salut en même temps qu’un adieu à la vie, puisqu’il s’agit d’un poète, atteint du mal inguérissable de la phtisie, dont il meurt, dont il se sent mourir, agonisant amoureux de la nature, des cieux de Provence, des joies des choses, des tendres caresses de la femme, de tout ce qui ravit les autres et qu’il faut quitter.

1108. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 449

Il a su faire un meilleur usage de ses talens, en les consacrant à donner des vûes pour le soulagement des maux qui affligent l’humanité.

1109. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 218-219

Mais nous avons tant de Romans corrupteurs, plus mal écrits encore, qu’on ne sauroit trop applaudir cet estimable Religieux d’avoir consacré sa plume à des sujets qui ne peuvent qu’édifier le plus grand nombre des Lecteurs.

1110. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Restout » p. 91

Je ne me la remets pas ; c’est peut-être vous en dire du mal.

1111. (1761) Salon de 1761 « Sculpture —  Challe  » pp. 161-162

Seulement il est mal que l’enfant soit aussi long que le canon.

1112. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 138

Cet Auteur ne mériteroit pas cette remarque, s’il n’eût fait un Ouvrage mal digéré, à la vérité, mais qui, entre les mains d’un homme habile, eût pu être d’une grande utilité.

1113. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 396

Nos vies sont pesle-mesle assorties De bien & mal : encor, de toutes parts, Croissent toujours, dans ce jardin espars, Là, peu d’œillets ; ici, beaucoup d’orties.

1114. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 2-3

Quoiqu’il paroisse tomber quelquefois dans les travers des Ecrivains voyageurs, qui observent mal & exagerent toujours, on trouve néanmoins des détails vrais & intéressans dans son Nouveau Voyage aux Isles de l’Amérique.

1115. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 63

Ces discours, au nombre de seize, sont écrits comme le reste de l’Ouvrage, c’est-à-dire que le style en est lourd & dissus, que les réflexions en sont triviales, les détails ennuyeux, les faits mal exposés.

1116. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 87-88

Le style en est simple, naturel, correct ; les images en sont piquantes & variées ; mais l'invention n'en est point heureuse, la narration en est souvent froide, la morale peu intéressante & mal amenée.

1117. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Il n’a pas même été effleuré par ce que l’on a appelé le mal du siècle, par cette maladie du découragement. […] C’est un mal sacré. […] On doit l’aimer, parce qu’il fait mal, parce qu’il est plus à plaindre, à la fin, qu’un autre. […] Ce mal, ce malheur, cette souffrance, c’est Dieu même qui l’y a condamné. […] Je vous ai indiqué le bien et le mal.

1118. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Je remarque, au milieu de ces récits animés, deux passages qui expriment l’opinion d’Horace Vernet sur la critique qui, pendant ce temps-là, était à l’œuvre et le traitait assez mal en France. […] « Son imagination travaille tellement, disait Horace, qu’il lui vient là des oignons comme on en a aux pieds à force de marcher : le changement de temps lui fait mal. » Nul plus qu’Horace cependant ne jouissait des succès de ce gendre distingué et de l’espèce de triomphe qui couronna sa seconde manière, dans ce bel Hémicycle des Beaux-Arts. […] En ce qui est de lui, revenant à juger ses dernières productions, il excède bien plutôt en sévérité qu’en indulgence : « Grâce à l’aspect boueux et plombé du Salon, mon tableau (le Siège de Rome) qui remplit lui-même pas mal de ces conditions, est sans doute celui qui attire le plus les regards ; en le considérant, il n’éborgne pas, et on le quitte sans émotion fâcheuse. […] Un jeune peintre qu’il ne connaissait pas entre un jour dans son atelier : « Monsieur Vernet, je n’ai pas l’honneur de vous connaître… Je viens vous demander votre avis ; j’ai un cheval à faire dans un tableau qui est presque achevé ; je n’ai pas de cheval sous les yeux, je ne sais comment faire. » Horace le suit et va voir le tableau. — « Ce n’est pas mal, dit-il de l’ensemble ; mais en effet ce n’est pas là un cheval, ça ressemble à tout autre animal… Un avis !

1119. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

« Ils sont trop grossiers et mal polis, disait-il, pour estre sortis de sa belle boutique. » Depuis lors on a paré à ce genre d’objection, et c’est plutôt le trop de poli qui rend aujourd’hui suspecte la prétendue relique d’autrefois. […] Vous ouvrez Baïf, le plus infatigable translateur en vers et qui ne laisse rien passer des anciens sans le reproduire bien ou mal ; mais quelquefois il vous semble se reposer, il parle en son nom ; il a ses gaietés gauloises, on le jurerait, et ses propres gaillardises. […] Écrivant au roi pendant une grossesse, Marguerite débutera en ces mots : Le groz ventre trop pesant et massif Ne veult souffrir au vray le cueur naïf Vous obeyr, complaire et satisfaire… Dans les désastres et les rudes épreuves qu’eut à supporter son frère, elle le comparera tantôt à Énéas et tantôt à Jésus-Christ, de même qu’elle s’écriera, cri parlant de Madame d’Angoulême, leur mère, qui est restée courageusement au timon de l’État : À-t-elle eu peur de mal, de mort, de guerre, Comme Anchises qui délaissa sa terre ? […] C’est rendre bien pour mal, voire et aymer Son ennemy : qui est le plus amer Et dur morceau qui soit en l’Escripture, D’autant qu’il est contre nostre nature.

1120. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Je me bornerai donc à dire que j’ai éprouvé des angoisses cruelles, car j’avais pour ennemis des hommes dont l’habileté égalait la puissance, et bien décidés à consommer ma ruine par tous les moyens dont ils pourraient disposer ; tandis que, d’un autre côté, n’ayant à opposer à de si formidables ennemis que ma jeunesse et mon inexpérience (et, je dois le dire aussi, l’assistance que je tirais de la bonté divine), je me vis réduit à un tel degré d’infortune, que j’eus en même temps à supporter la terreur religieuse d’une excommunication et le pillage de mes propriétés, à résister aux efforts qu’on faisait pour me dépouiller de mon crédit dans l’État, mettre le désordre dans ma famille, et me priver de la vie par des attentats sans cesse renouvelés, en sorte que la mort même me paraissait le moindre des maux que j’avais à éviter. […] Plaisir léger, volage, fugitif, qu’accompagnent mille tourments, à travers l’éclat trompeur dont tu nous éblouis, tu caches des maux cruels, et ta riche et brillante parure couvre des monstres hideux. […] À dire le vrai, c’est l’état où je suis dans tous les moments, et rien de ce que je puis voir, entendre, ou faire, n’a le pouvoir de dissiper la sombre tristesse que m’inspire la pensée des maux qui nous affligent ; que je dorme ou que je veille, elle est incessamment présente à mon esprit. […] Si nous étions à Florence, nous éprouverions quelque consolation, ne fût-ce qu’à revoir Laurent, lorsqu’il rentre chez lui ; mais ici nous sommes dans une anxiété continuelle, et quant à moi, la solitude et l’ennui me tuent ; la guerre et la peste sont sans cesse présentes à mes yeux : je déplore nos maux passés, j’anticipe sur ceux de l’avenir, et je n’ai plus à mes côtés ma chère madame Lucretia, dans le sein de laquelle je puisse épancher mes inquiétudes. » À sept ans, Jean, depuis Léon X, dont la vocation était de devenir un grand pape, recevait des bénéfices ecclésiastiques de Louis XI.

1121. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

C’était une souffrance de voir un si fin esprit si mal servi par son talent, et il était le premier à en souffrir. […] Il avait l’amour des lettres, de la poésie ; lui qui a dit tant de mal des succès intimes et dont on jouit entre amis, il s’y était livré d’abord avec complaisance, avec prédilection : Mais des succès d’amitié (il nous l’avoue quelque part en se confessant lui-même) vous font rêver la gloire, c’est-à-dire le suffrage des indifférents. C’est de toute ambition que naît le mal. […] Il nous apprend à ne point accueillir, à ne point entretenir dans notre cœur ces passions amères qui, une fois qu’elles s’y sont logées, y deviennent maîtresses, y sévissent en furieuses et y corrompent ce qu’il y a de plus doux et de plus consolant au monde, et ce qui est recommandé par les sages comme le remède souverain des maux, je veux dire le sincère amour des lettres et le charme innocent des muses.

1122. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1877 » pp. 308-348

— Moâ, bien content — reprend l’Anglais qui parle très mal le français — je ne suis pas un astronome, je ne suis pas un géologue… les choses que je ne sais pas, ne me regardent pas… je suis un naturaliste… Donc, puisque la Bible dit que c’est un ruminant, et que c’est une erreur… la Bible n’est pas un livre révélé… Moâ bien content… » Et il repasse la porte là-dessus, débarrassé tout à coup de sa religiosité. […] Il vit, pour ainsi dire, tout ce temps, dans une vie mal éveillée. […] Si bien que Chérubin, à la dernière visite à la tendue, s’était juré de mettre à mal la femme de l’avocat dans le bois, mais sa belle-sœur, qui était un peu ma parente, vit si bien dans nos yeux, lors de notre arrivée à la baraque, l’envie chez moi de tenter l’aventure, et peut-être chez elle le désir de succomber, qu’elle se tint dans nos souliers, toute la journée. […] * * * — Saint-Simon jugé par Mme du Deffand : « Le style est abominable, les portraits mal faits, l’auteur n’était point un homme d’esprit. » Jeudi 11 octobre Il y a chez moi une aversion telle de la politique, qu’aujourd’hui, où c’est vraiment un devoir de voter, je m’abstiens… J’aurais passé toute ma vie, sans voter une seule fois !

1123. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Le loup, avocat général, venant prouver par sa harangue Qu’il fallait dévouer ce maudit animal, Ce pelé, ce galeux d’où venait tout le mal. […] Ce n’est pas qu’il n’y ait en eux une émulation à la course, mais c’est sans conséquence ; car, étant à l’étable, le plus pesant et le plus mal taillé ne cède pas son avoine à l’autre, comme les hommes veulent qu’on leur fasse. […] Il a fait plus, et ici je crois en être sûr : je ne crois pas que Vigny malgré ses souvenirs de chasseur, qui certainement l’ont aidé, je ne crois pas que Vigny aurait écrit la Mort du Loup si La Fontaine n’avait pas existé, et aurait compris aussi bien le sublime stoïcisme du loup qui souffre et meurt sans parler, sous les six couteaux qui lui sont entrés dans le corps ; — et il n’aurait pas dit : Comment on doit quitter la vie et tous les maux, C’est vous qui le savez, sublimes animaux. […] Il a crié à son siècle : Vous me direz ce que vous voudrez, les animaux ne sont peut-être ni aussi bons, ni aussi ridicules que je les ai peints — je le regrette peut-être — et en bien et en mal ; mais pour ce qui est d’être extrêmement intelligents, voilà ce que je soutiens absolument contre Descartes et contre les cartésiens.

1124. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

. — Et moi, — dit l’autre, — bien faible, s’il n’était pas si fou. » Eh bien, franchement, ce n’est pas mal pour l’Institut ! […] Ils n’osent pas aller, pour le payer du mal qu’il a fait, jusqu’au terme de grand, quand il s’agit de caractériser, sous sa double face d’écrivain et de philosophe, cet esprit sans force, sans décision, sans héroïsme, même dans le mal. En effet, le Mal a ses héros, comme le Bien.

1125. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 386

Aussi ceux de Gayot de Pitaval ne sont-ils que des compilations indigestes & mal écrites.

1126. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite et fin.) »

 » On ne pouvait jamais (c’est le prince de Ligne qui nous l’apprend) dire du mal de Pierre le Grand ni de Louis XIV en sa présence, et il eut bien de la peine, un jour, à se faire pardonner une remarque qu’il avait faite aux dépens de Louis XIV : « Au moins, lui dit-il, Votre Majesté conviendra qu’il fallait toujours à ce grand roi une allée bien droite de cent vingt pieds de large, à côté d’un canal qui en avait autant, pour s’y promener ; il ne savait pas, comme vous, ce que c’est qu’un sentier, un ruisseau et une prairie. » Ils étaient à se promener en ce moment dans quelque allée de jardin. […] Mais il a beau lui dire du mal des Français et de Paris, c’est bien le Français le plus Français de tous qu’elle cultive et qu’elle courtise en lui.

1127. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IV. Des femmes qui cultivent les lettres » pp. 463-479

Il est arrivé ce qui s’applique à tout dans la disposition actuelle des esprits : on croit toujours que ce sont les lumières qui font le mal, et l’on veut le réparer en faisant rétrograder la raison. Le mal des lumières ne peut se corriger qu’en acquérant plus de lumières encore.

1128. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVIII. Gentils conteurs » pp. 218-231

Ceux-ci soigneraient mal leur incurable ennui. […] Henri Lavedan, que je goûte d’ordinaire, n’a pas pris aujourd’hui grand mal à édifier ce volume, articles du quotidien Le Journal, ni hier à écrire lesdits articles.

1129. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre III. Éducation de Jésus. »

Ce sont les hommes d’école au contraire qui passent pour pédants et mal élevés. […] Il croyait au diable, qu’il envisageait comme une sorte de génie du mal 141, et il s’imaginait, avec tout le monde, que les maladies nerveuses étaient l’effet de démons, qui s’emparaient du patient et l’agitaient.

1130. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Que l’on conduise ainsi Poe de la table où tout enfant son père adoptif l’exhibait récitant des vers, à cette taverne de Baltimore où il goûta l’ivresse qui le couchait le lendemain dans le ruisseau ; que l’on connaisse de Flaubert la famille de grands médecins dont il était issu, le pays calme et bas dans lequel il passa sa jeunesse, la fougue de son arrivée à Paris, ses voyages, son mal, le rétrécissement progressif de son esprit, le milieu de réalistes dans lequel s’étriquait ce romantique tardif : que de même on décrive la physionomie satanique et scurrile (sic) de Hoffmann, le pli de sa lèvre, l’agilité simiesque de tout son petit corps, ses grimaces et ses mines extatiques, son horreur pour tout le formalisme de la société, ses longues séances de nuit dans les restaurants, à boire du vin, et ce mal qui le mît comme Henri Heine tout recroquevillé dans un cercueil d’enfant ; que l’on compare les débuts militaires de Stendhal et de Tolstoï à leur fin, à l’existence de vieux beau de l’un, à l’abaissement volontaire de l’autre, aux travaux manuels et à la pauvreté grossière ; que l’on complète chacune de ces physionomies, qu’on en forme des séries rationnelles, on aura dressé en pied pour une période, pour un coin du monde littéraire, pour ce domaine tout entier, les figures intégrales du groupe d’hommes qui sont les types parfaits de l’humanité pensante et sentante.

1131. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — II. La versification, et la rime. » pp. 257-274

Cependant, conclut notre écrivain, quelque imperfection qui se trouve dans nos vers, il faut les laisser tels qu’ils sont, parce que le mal est sans remède. […] Un poëte, réduit aux talens ordinaires, Est mal reçu des dieux, du public, des libraires.

1132. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre neuvième. »

Le mal moral du mensonge réside dans le dessein de flatter, d’affliger, de tromper ou de nuire. […] Nos galans y voyaient double profit à faire, Leur bien premièrement, et puis le mal d’autrui.

1133. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VIII. Suite du chapitre précédent. De la parole traditionnelle. De la parole écrite. De la lettre. Magistrature de la pensée dans ces trois âges de l’esprit humain » pp. 179-193

Enfin, dans ces derniers temps, nous avions la censure discrétionnaire : sans doute on avait cru avoir trouvé un remède à ce qu’on croyait un mal, et qui était la force même des choses. […] Lorsque l’opinion s’est égarée dans une fausse route il faut l’éclairer ; mais si vous avez fléchi devant cette erreur passagère, comment réparerez-vous le mal que vous aurez fait ?

1134. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VIII. Mme Edgar Quinet »

Je ne le trouvais pas assez froidi, — ni moi non plus — pour y toucher ; — pour juger impartialement cette époque de malheur et de honte que nous avons là traversée… Ce n’est pas quand nous sommes à moitié pris encore, sans être des Titans, sous la montagne qui nous a écrasés, qu’on peut porter un jugement historique sur des événements et des hommes contre lesquels on doit avoir des ressentiments implacables : les ressentiments du mal qu’ils nous ont fait et des humiliations que nous leur devons ! […] La bronchite s’est abattue sur lui comme les autres fléaux sur Paris, et voilà la femme qui a mal à la gorge de son mari comme Mme de Sévigné à la poitrine de sa fille ; et nous restons là, Dieu du ciel, situation terrible !

1135. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

Mais c’est là peut-être une manière de se frotter une conscience qui fait mal encore. […] l’homme de la rage sainte, concluant comme saint François de Sales qu’il ne faut pas dire trop de mal même du diable, et ajoutant à son talent à force de vertus, voilà pour nous la grande affaire.

1136. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Quitard »

Il a la bonne humeur d’un esprit qui se porte bien, lorsque les Job se portent mal. […] … « Mon intention, — dit-il, — non plus que celle d’Érasme, n’a pas été de n’admettre que des proverbes d’un tour piquant… Mais pourtant je n’ai point cherché à grossir mon recueil de ces locations traînées dans les ruisseaux des halles, de mots disgracieux et de dictons qui se trouvent souvent dans la bouche des gens mal élevés.

1137. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « César Daly »

Inévitable conséquence de l’esprit moderne et de notre état de société, admis par l’opinion en principe et en fait, les concours ont cependant besoin, pour mériter ce nom d’institution, qui implique l’ordre et la durée traditionnelle, d’un peu plus que d’un principe, même généralement consenti, et d’un fait irrégulier ou mal assis. […] Moi aussi, je pense comme Daly que l’art est un symbole, — l’expression symbolique des hautes convenances d’ordre et de vérité souveraine, la prescience universelle des choses qu’il faut nommer et connaître, l’inventaire innocent du bien et du mal, de ce qu’il faut imiter et de ce qu’il faut écarter.

1138. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

Eh bien, c’est dans ce ton qu’il va, qu’il va droit devant lui, comme s’il revenait de… Stockholm ou de Pontoise, ne faisant jaillir sur sa route ni aperçu nouveau, ni opinion nette dont l’esprit du lecteur puisse être reconnaissant au sien, sur ce règne brillant et délabré qui commença si bien et finit si mal, plus semblable à un carrousel ou à une représentation théâtrale qu’au règne d’un roi sérieux qui sent sa fonction jusque dans le plus profond de sa conscience ! […] J’ai dit qu’il avait bien commencé et mal fini, et ce n’est pas le mot ; bien avant la fin, la grandeur de vingt-quatre heures qu’avait eue Gustave, quand il fit son célèbre coup d’État qui émerveilla l’Europe, fut vite fanée.

1139. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

Après avoir traversé le bonheur incomparable d’un mariage d’amour, après avoir aimé sa femme comme on aime sa femme en Angleterre, le pays conjugal, le pays de l’amour at home, il devint adultère, et, une fois qu’il le fut, il le fut toujours, car le mal et le bien se partageaient son âme, et l’homme autrefois si fidèle et si tendre, qu’il avait été, transporta dans l’adultère la fidélité et la tendresse. […] V Tel il fut Nelson et tel fut sa vie, mélange inouï des deux infinis, dont parle Pascal, — le bien et le mal,  — dont est fait cet autre infini qu’on appelle la nature humaine.

1140. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Nelson »

Après avoir traversé le bonheur incomparable d’un mariage d’amour, après avoir aimé sa femme comme on aime sa femme en Angleterre, le pays conjugal, le pays de l’amour at home, il devint adultère, et, une fois qu’il le fut, il le fut toujours ; car le mal et le bien se partageaient son âme, et l’homme autrefois si fidèle et si tendre qu’il avait été, transporta dans l’adultère la fidélité et la tendresse. […] V Tel il fut, Nelson, et tel fut sa vie, mélange inouï des deux infinis, dont parle Pascal, — le bien et le mal, — dont est fait cet autre infini qu’on appelle la nature humaine.

1141. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Collé »

D’ailleurs, selon moi, la gloire est là, comme partout, mal répartie. […] Honoré Bonhomme s’est donné le mal d’un homme d’esprit qui voudrait que la bosse du chameau n’empêchât pas le chameau de passer par le trou de l’aiguille.

1142. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XI. Gorini »

Les hommes sont si petits ; ils tiennent si peu à la vérité et tant à leur personne, que, pour peu que vous leur disiez qu’ils ont du talent, ils vous pardonneront d’avoir dit qu’ils en ont mal usé, et pourtant, si on comprenait, c’est la chose mortelle ! […] L’idée que M. l’abbé Gorini était si apte à établir dans la majorité des têtes par un livre autrement tricoté que le sien, l’idée que l’Histoire a été faussée tant de fois et sur tant de questions, par les mains révérées de ceux qui l’ont maniée avec le plus de puissance, parerait au mal actuel de son enseignement… Et je dis actuel, car plus tard, il n’y a point à en douter, la critique de M. l’abbé Gorini portera ses fruits contre ceux qui l’ont suscitée.

1143. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVI. Médecine Tessier »

Le plan n’était pas mal combiné. […] Donc la question des maladies pose la question de leur origine et par suite de l’origine du mal ».

1144. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

Elle est commune à tous les esprits sans exception qui n’ont pas scruté, à la lumière de la Foi, le mystère intime de la puissance de l’Église romaine, de ce phénomène historique sans analogue dans les annales du genre humain, et que l’on n’entend pas ou que l’on entend mal en l’expliquant par le génie des hommes ou la virtualité des constitutions. […] Eh bien, où madame Beecher-Stowe a vu le mal et l’a peint en forçant le trait d’une main convulsive, Mgr Salvado a donné tranquillement le remède, et nous ne croyons pas que, depuis les Prisons de Silvio Pellico, appelées si heureusement : « la Marseillaise de la miséricorde », le catholicisme, qui ne dilate pas l’orgueil, qui ne crée pas la haine et la colère, même la généreuse colère !

1145. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gustave D’Alaux »

Rappelons-lui donc, à propos de nègres, le mot sublime de saint Vincent de Paul en parlant des pauvres : «  Les pauvres — disait cet homme céleste — sont grossiers, sales, obscènes et répugnants, mais il faut s’efforcer de voir Jésus-Christ à travers cette affreuse enveloppe. » Or, même à travers le nègre le moins ou le plus mal développé, à travers Soulouque, on peut voir encore Jésus-Christ. […] Devenu président parce qu’entre deux candidats significatifs à chance égale il était, lui, insignifiant, et par là ne divisait personne, Soulouque était alors (en 1847), nous dit d’Alaux, avec sa poignante familiarité de récit, « un bon gros et pacifique nègre qui, depuis 1804, époque à laquelle il était domestique du général Lamarre, avait traversé tous les événements de son pays sans y laisser de trace en bien ou en mal.

1146. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Charles De Rémusat »

Exagéré par tous les partis, Burke n’est pas mal jugé. […] Supposez Burke sans cette haine, Rémusat l’aurait mal jugé, et il n’en serait pas moins cependant, avec les talents qui firent illusion à son siècle, Burke le déclamatoire, le pédant de justice et de vérité, le pharisien, le philanthrope, tout ce qui nous le diminue, à nous, malgré sa haine anglaise contre la Révolution française, laquelle ne prenait pas sa source plus haut que dans les sentiments du whig.

1147. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gérard Du Boulan »

C’étaient les postillons qui menaient mal qu’on mettait à pied autrefois. […] Le xviie  siècle — je le disais à propos du Cardinal de Retz de Chantelauze — a mal commencé, et ce n’est que tard qu’il est devenu, sous l’influence et l’ascendant de Louis XIV, plus grand que lui, le grand siècle, qu’on a trop vite nommé.

1148. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Henri Cantel »

C’est ainsi que, dans quelques pièces, si l’idée de Dieu se lève tout à coup au milieu de tous ces vers de voluptueux, comme, par exemple, dans ses Victimes, ce n’est pas notre Dieu à nous, c’est celui des lâches rêveurs qui demandent un paradis sur la terre, et auquel le poète crie : Et suspends le travail du mal et du malheur ; Fais qu’à la loi d’amour l’humanité réponde ! […] Il applique la nature sur tous les maux comme un dictame, j’allais presque dire un emplâtre.

1149. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. J. Autran. Laboureurs et Soldats, — Milianah. »

À ce compte-là, la poésie s’enterre comme les hommes dans quatre planches de sapin mal rabotées et mal jointes… Mais vraiment, quoique nous ne soyons pas enthousiaste fou de notre siècle, nous ne croyons point à cette prophétie, et nous avons voulu nous inscrire en fait et en faux contre elle par un doux haro… sans clameur !

1150. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Eugène Sue » pp. 16-26

Au bout seulement de quelques années, les livres mal écrits ne se lisent plus et sont oubliés. […] Sue, c’est le mal qu’il a fait, sans que la conviction l’excuse.

1151. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Janin » pp. 159-171

Ce n’est pas mal, n’est-ce pas ? […] Ce n’est pas mal pour un homme que l’on croyait perdu et qui s’était figé à traduire Horace, qui s’y était endormi, qui somnolait et ne se réveillait que le temps d’un feuilleton ; d’ailleurs trop heureux pour avoir du talent encore, de ce talent qui suppose des entrailles, du cerveau, de l’inspiration, de la chaleur et de la longueur dans l’haleine, et qui se réveille aujourd’hui très-dispos, pour faire un livre et un chef-d’œuvre.

1152. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Les Mémoires d’une femme de chambre » pp. 309-321

Commencé par des livres où le talent rayonnait encore, le mal de ces misérables romans, qu’on pourrait encore appeler la Photographie de la fille au dix-neuvième siècle, se continue par les livres mal faits et s’achève (comme ici) par les livres ineptes.

1153. (1773) Essai sur les éloges « Morceaux retranchés à la censure dans l’Essai sur les éloges. »

Les finances sous son règne furent très mal administrées. […] Il ne sera pas mis au rang sacré des Antonins : trop de maux se sont mêlés à sa grandeur.

1154. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

La douleur, la mort, le mal, l’injustice ne sont que les dissonances illusoires d’un concert dont l’harmonie nous échappe, les détails mal compris d’un ensemble à la majestueuse unité duquel ils concourent. […] Les hommes de l’espèce dont il est le type ne font pas plus le mal pour le mal, que les animaux carnassiers n’attaquent une proie quand ils n’ont plus faim. […] Étranges créatures organisées pour le mal et pour le génie, pour les violences du crime et pour les œuvres de l’inspiration. […] Dès que la reine se trouva mal, on sut ce qu’elle avoit pris, et de quelle main. […] Le mal est là, et non pas ailleurs : l’Espagne meurt de la maladie de ses rois.

1155. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 147

Ce qui nous rappelle ces vers d’un Poëte Espagnol, assez mal traduits par M. de Voltaire.

1156. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 369-370

L’Anglomanie a passé de nos Livres dans nos mœurs, & y a causé les mêmes ravages ; en sorte qu’on peut dire que ceux qui ont cru nous enrichir par des productions étrangeres, ne nous ont procuré que des maux étrangers.

1157. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Hallé » p. 199

L’Abraham est très mal drapé.

1158. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Au bout je cherche à réserver cinq ou six leçons pour conclure, c’est-à-dire pour faire la part exacte du génie de Shakespeare et celle du bien et du mal dans ses exemples. […] C’est dire que je commence à parler véritablement : bien ou mal, c’est selon les jours ; une ou deux fois, c’était bien. […] Avec cela et mes souvenirs, et des lambeaux recueillis çà et là, je vais comme je puis, selon mes forces, moins mal que je ne devais le craindre. […] Il se serait, sans parti pris, élevé progressivement à des considérations générales pleines de saines instructions. » En tout il était ainsi, cherchant la moralité de la conclusion et à faire la part du bien et du mal. […] Mercredi soir une étrange peur m’a pris, j’avais dépassé la limite où il faut rester quand on ne veut pas balbutier en récitant une leçon mal apprise.

1159. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

bien, s’écria le libraire, vous nous nourrissiez bien mal… Je me rappelle une pauvre vache, que nous avons tuée dans la campagne ! […] La première ébauchée, lignée dans le carré d’un contour embryonnaire, mal équarrie dans la maigreur gothique, est la femme du moyen âge. […] Le mal a marché bien vite. […] Elle est petite, mal venue, avec une figure laide et tendre, une pauvre figure à la grâce de Dieu. […] est-ce mal écrit !

1160. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bois, Jules (1868-1943) »

Dans les Noces de Sathan palpite la dernière rédemption du Mal promise par le Paraclet. » [Revue blanche (novembre 1899).]

1161. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guttinguer, Ulric (1787-1866) »

Mais laisse-moi du moins regarder dans ton âme, Comme un enfant plaintif se penche vers les eaux ; Toi, si plein, front pâli sous des baisers de femme, Moi, si jeune, enviant ta blessure et tes maux.

1162. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Montégut, Maurice (1855-1911) »

. — L’Œuvre du Mal (1888). — Romantique folie (1889). — Les Dix Monsieur Dubois (1890). — Déjeuners de soleil (1891). — Don Juan à Lesbos (1892). — Le Mur (1892). — Le Bouchon de paille (1893). — Madame Tout le Monde (1893). — Feuilles à l’envers (1894). — Mademoiselle Personne (1894). — Dernier cri (1895). — Les Contes de la chandelle (1896). — Le Geste (1896). — Les Détraqués (1897). — La Fraude (1900).

1163. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 145-146

La compilation mal digérée de son Histoire civile & politique de la ville de Reims, avoit peu contribué à le faire connoître ; il avoit besoin d’un Ouvrage plus intéressant par lui-même, & mieux écrit, pour se faire une réputation.

1164. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 218

En vérité je lui pardonne ; S'il n'eût mal parlé de personne, On n'eût jamais parlé de lui.

1165. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 402-403

Nous avons tous le droit d'éclairer vos foiblesses : Vos vices sont nos maux, vos vertus nos richesses ; Vous en devez un compte à la Patrie, au Roi, Au moindre Citoyen qui le demande, à moi, &c.

1166. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Des livres classiques. » p. 533

Les livres classiques sont presque tous à faire ; faute de ce secours, partout on étudie beaucoup et avec peine, l’on sait peu et l’on sait mal.

1167. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Challe » p. 219

Son Esther aux pieds d’Assuérus est un tableau plus froid, plus mal peint et plus insipide que celui de Restout qui l’est pourtant assez.

1168. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Imaginez les situations les plus pathétiques : si elles sont mal amenées, vous n’attacherez point. […] On croirait d’abord que le courage serait d’autant plus digne d’admiration, qu’il se résout à un plus grand mal pour un plus petit avantage ; mais il n’en est pas ainsi. […] S’il choisit le premier parti, l’intérêt qu’on prend à ces épisodes, ne sert qu’à mieux faire sentir la froideur de l’action principale, et il a mal rempli son titre. […] Le mal de mes rivaux n’égale point ma peine. […] Or voici, à cet égard, deux principes incontestables : le premier est de ne donner au personnage intéressant, que des crimes et des passions qui peuvent se concilier avec la bonté naturelle ; le second, de lui donner pour victime des maux qu’il cause, ou pour cause des maux qu’il éprouve, une personne qui lui soit chère, afin que son crime lui soit plus odieux, ou son malheur plus sensible.

1169. (1930) Le roman français pp. 1-197

Il écrit mal, négligemment. […] Vogüé regrettait que cette énergie fut employée « pour le mal ». […] Ne le prenez pas en mal. […] Mais c’est du Baudelaire mal compris. […] Sa première erreur qui est d’ordre général, est de vouloir rendre la « bourgeoisie » cause de tout le mal — si mal il y a.

1170. (1911) Études pp. 9-261

D’abord un regret immense, un souvenir informe et violent, le mal de l’exil. […] Mais comme elle nous paraît timide et mal résolue ! […] J’étais si bien donné au monde que je n’y trouvais plus aucun mal. […] Les Fleurs du Mal, p. 164. […] Elle devient une sorte de culte du mal, une attitude appliquée, le satanisme.

1171. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Mais cette division ne fait que distinguer les intrigues bien tissues, de celles qui le sont mal. […] Arnaud, attribue tous les maux de l’humanité à la honte du bien. […] Esope auroit mal entendu l’oracle, si au lieu d’être risible il s’étoit piqué d’être plaisant. […] Faut-il s’étonner qu’il se fasse tant de grands maux & si peu de grands biens ? […] Si les nobles sont des tyrans, le mal est sans remede : un sénat ne meurt point.

1172. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Auriac, Victor d’ (1858-1925) »

Ces vers-ci, ce sont ceux que riment d’abord tous les amoureux, mal, quand ils ne sont que des amoureux, fort bien, lorsqu’ils sont, de plus, artistes délicats comme M. 

1173. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 408

Les traits en sont ingénieux, & d’autant plus piquans, qu’ils sont tous fondés sur la vérité : ainsi nous ne dirons pas que le Diable ait mal choisi son Secrétaire.

1174. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 266-267

Voici celui par lequel il débute : Estime qui voudra la mort épouvantable, Et la fasse l’horreur de tous les animaux ; Quant à moi, je la tiens pour le point désirable Où commencent nos biens & finissent nos maux.

1175. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

L’exemple [mot grec] donc mal choisi. […] « Quand c’est à l’œil que j’ai mal ou à l’oreille, ce n’est pas de la vue ou par la vue, ce n’est pas de l’ouïe ou par l’ouïe que je souffre. […] Il est produit par des conditions physiologiques assez mal déterminées. […] Mais cette théorie vient échouer devant ces objections : elle explique fort mal la tendance de l’acte à se reproduire. […] Si naturellement les hommes raisonnent bien, il ne leur est pas impossible de se tromper, de mal raisonner.

1176. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

Ne quittez jamais le plus beau des métiers… Il se présente souvent des occasions où la Cour se rappelle d’avoir oublié, négligé ou mal jugé le mérite, et où un bon bras, dirigé par une bonne tête, est recherché pour rendre encore service à son maître. […] Il fait ses premiers prisonniers ; c’étaient quinze ou seize hommes et un capitaine qui, se trouvant coupés, se rendirent : « Et je les fis passer derrière les rangs avec un plaisir qui tenait de l’enfance. » L’affaire faite, il a perdu plus de la moitié de son bataillon, et ces débris victorieux continuent de rester encore exposés au canon fort mal à propos : « Il n’était venu en tête à personne de nous mettre à l’abri ; cependant tout était fini, et notre artillerie répondait fort mal à celle des Prussiens.

1177. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Peu de jours avant de mourir, il prêchait encore à une solennité de vêture d’une religieuse ; ce fut là qu’il prit le mal qui l’emporta. […] Je sentais s’évanouir également ces idées naturelles ou plutôt de naturaliste et de médecin, qui ne s’y sont pas moins glissées ; ce qui faisait dire à Pline l’Ancien que de toutes les morts la mort subite était la plus enviable « et le comble du bonheur de la vie » ; ce qui a fait dire également à Buffon « que la plupart des hommes meurent sans le savoir ; que la mort n’est pas une chose aussi terrible que nous nous l’imaginons ; que nous la jugeons mal de loin ; que c’est un spectre qui nous épouvante à une certaine distance, et qui disparaît lorsqu’on vient à en approcher de près… ». […] Car dans ce rappel mainte fois répété : Memento, homo…, l’orateur tout à coup se retourne plus particulièrement vers quelques-uns de ceux qui l’écoutent, l’ambitieux, l’avare et l’homme de fortune, le grand seigneur, la femme mondaine, et il leur dit, à chacun, après une description particulière de leur mal et en leur étalant une poussière de mort, semblable à la leur, à ce qu’elle sera un jour : Venez et voyez !

1178. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

Bien imprudent et insensé celui qui, en quelque ordre que ce soit, appelle de ses vœux l’excès du mal sous prétexte d’un total et prochain redressement, et qui se plaint lorsqu’à la tête des pouvoirs humains (pour ne parler ici qu’humainement) se rencontrent la modération et la sagesse ! […] Il n’a point assez d’injures dans son vocabulaire pour le flétrir : c’est « un misérable dont le cœur est aussi mal fait que l’esprit » ; c’est « le chien de Diogène qui est attaqué de la rage. » Dans une lettre à M.  […] Si j’avais quelques bouteilles de l’ancien temps, je voudrais les boire avec vous. » Enfin il était nettement d’avis qu’on n’avait jamais autant écrit qu’alors et que jamais on n’avait écrit plus mal.

1179. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

Et les gouvernements sont également fondés sur les mœurs et sur les lois ; détruisez les uns ou les autres, et vous renverserez l’édifice… L’emploi de l’esprit aux dépens de l’ordre public est une des plus grandes scélératesses, parce que de sa nature elle est ou la plus impunissable ou la plus impunie ; et de toutes la plus dangereuse, parce que le mal qu’elle produit s’étend et se promulgue par la peine même infligée au coupable, et des siècles après lui. […] mais en même temps, si on voulait nous faire plus de mal, ce serait lui qui retiendrait ; on n’oserait pas : il y aurait révolte générale. […] Ce n’est que du mal dont il faut rechercher les causes et les moyens, pour arracher l’épine qui nous blesse. » Rien n’y fait.

1180. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

il viendra, quelques années après, un sage appelé Montaigne qui remettra tout à sa place et à son rang dans l’estime, et qui ayant à développer cette idée, qu’un père sur l’âge, « atterré d’années et de maux, privé par sa faiblesse et faute de santé de la commune société des hommes, se fait tort et aux siens de couver inutilement un grand tas de richesses, et que c’est raison qu’il leur en laisse l’usage puisque la nature l’en prive », ajoutera pour illustrer sa pensée : « La plus belle des actions de l’empereur Charles cinquième fut celle-là, à l’imitation d’aucuns Anciens de son calibre, d’avoir su reconnoître que la raison nous commande assez de nous dépouiller, quand nos robes nous chargent et empêchent, et de nous coucher quand les jambes nous faillent : il résigna ses moyens, grandeur et puissance à son fils, lorsqu’il sentit défaillir en soi la fermeté et la force pour conduire les affaires avec la gloire qu’il y avoit acquise : Solve senescentem… » Mais entrons un peu plus avant dans les raisons qui persuadèrent à une de ces âmes d’ambitieux, si aisément immodérées, d’en agir si sensément et prudemment. […] Ce prince, dans sa jeunesse et malgré quelques attaques d’épilepsie qu’il avait essuyées, était plutôt bien que mal constitué, et l’ensemble de sa personne marquait de la vigueur plutôt que de la faiblesse. Mais, dès l’âge de trente ans, il ressentit les premières atteintes de la goutte, et ce mal ne cessa de le travailler de plus en plus avec les années.

1181. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Pie VII, de douce et bénigne figure, ne compromettait point la cause romaine en paraissant au milieu de nous ; Rome eût gagné à n’être que lui seul, et ce mot du Pontife à un jeune homme qui, dans une rue de Paris, se dérobait par la fuite à sa bénédiction, est le mot de la situation même : « Jeune homme, la bénédiction d’un vieillard ne fait jamais de mal. » C’était l’impression la plus générale de la France à ce moment ; on était dans une période de sentiment, de pitié et de justice, en même temps qu’à une ère recommençante de grande politique, et la politique véritable consistait précisément à respecter et à reconnaître toutes ces dispositions publiques, à se donner faveur et force en y satisfaisant. […] On se souvient encore des acclamations qui accompagnèrent la promulgation de cet acte éminent en sociabilité autant que hardi de la part de celui qui osa le tenter : acclamations qui, interprètes sincères de l’opinion publique, étouffèrent les cris des mécontents et les fureurs concenirées que le rétablissement de la religion fit naître dans quelques cœurs. » La suite, on le sait trop, répondit mal à de si heureux débuts, et sans même que les événements politiques survenus peu après en Italie eussent besoin d’y mêler leur complication, il y avait dans la seule situation intérieure bien des germes de difficultés futures. […] Aussi il a fallu, en ce qui est du célèbre dominicain, qu’on le tirât de son cadre, qu’on l’amenât, bon gré, mal gré, dans l’arène académique (c’est trop souvent une arène aujourd’hui), pour que je me permisse de mêler quelques restrictions de forme et de fond aux hommages que je me suis plu toujours à rendre à ses talents92.

1182. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

Mais cette bataille perdue avait cela de particulier, à la différence des précédentes, qu’on y avait combattu avec une valeur acharnée, qu’on y avait fait plus de mal encore aux ennemis qu’ils n’étaient parvenus à nous en faire, et que le moral des troupes était relevé. […] L’année qui suivit Malplaquet, dans la campagne de 1710, Villars, assez mal remis, de sa blessure, eut d’abord pour adjoint le maréchal de Berwick, comme il avait eu l’année précédente le maréchal de Boufflers. […] Mais il est beau que sa fortune fasse la fortune publique. » Et songeant moi-même à Villars, à Masséna, à ces grands hommes de guerre qui ont eu des vices, mais qui peuvent aussi montrer dans leur vie ces nobles pages, Rivoli, Essling et Zurich, ou bien Friedlingen, Hochstett et Denain, je dirai qu’il convient de leur appliquer les paroles de Périclès dans l’Éloge funèbre des guerriers morts pour Athènes : « A ceux qui ont de moins bonnes parties il est juste que la valeur déployée contre les ennemis de la patrie soit comptée en première ligne ; car le mal disparaît dans le bien, et ils ont été plus utiles en un seul jour par ce service public, qu’ils n’ont pu nuire dans toute leur vie parleurs inconvénients particuliers. » C’est la conclusion qui me paraît la plus digne pour ce chapitre d’histoire.

1183. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

Un jour, il arriva qu’un noble Piémontais, le marquis Dronero, ambassadeur extraordinaire de Savoie en Portugal, où il avait célébré la cérémonie des fiançailles, étant de retour à Turin, fut apostrophé en plein palais, en pleine Cour, par l’ambassadeur de Louis XIV, comme accusé d’avoir mal parlé de la France et d’être entré en liaison avec ses ennemis. […] Le marquis de La Trousse, envoyé militaire de Louvois à Turin, écrivait : « Il (le duc) a dit hier à M. de Cadaval (l’ambassadeur de Portugal) que ce qui lui donnait le plus de chagrin de son mal, était le retardement qu’il apportait à l’envie de s’aller jeter aux pieds de l’infante. […] Il me témoigne souvent, par des termes assez choisis, les sentiments respectueux et la reconnaissance qu’il a des bontés que Sa Majesté a pour lui. » Tant que l’ambassadeur Cadaval fut à Turin, le jeune duc semblait aller de mal en pis.

1184. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Il est des moments où l’opinion publique est avide de mal et comme altérée d’infamie ; on était à l’un de ces moments de dépravation. […] Hors M. de Mirepoix, tous sont acccablés des dons et des grâces du roi, et personne ne les rend… Heureusement que tous les moyens sont encore dans les mains du roi et qu’il arrêtera tout le mal que les imprudents veulent faire. » On se croyait maître de la situation, on ne l’était déjà plus, et il y avait des hommes qu’on allait être obligé de subir. On le voit pourtant, la reine commence à causer assez bien politique ; bon gré, mal gré, elle s’y fait.

1185. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite et fin.) »

L’Assemblée est le foyer du mal ; elle tend à s’emparer de tous les pouvoirs et à annihiler complètement le roi : il m’avait semblé qu’on aurait dû essayer de composer avec les meneurs et de les gagner. […] Il est bien temps quand le mal est fait ! […] Je ne puis paraître à une fenêtre, même avec mes enfants, sans être insultée par une populace ivre, à qui je n’ai jamais fait le moindre mal, bien au contraire, et il se trouve assurément là des malheureux que j’aurai secourus de ma main.

1186. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Fournier en ceci a remarqué avec plus de justesse que La Bruyère attendit, pour mal parler des gens de finance et d’argent, jusqu’au moment où, ayant vendu sa charge, il était redevenu libre. […] Valincour lisait les Anciens : le grand mal à cela ? […] Cet effort de La Bruyère ne l’a pas si mal servi : il est trois fois couronné du succès.

1187. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

L’indifférence pour le bien ou le mal qui se débite à notre sujet n’est pas chose en elle-même si rare qu’on le croit. […] Tout au plus, un jour, à l’issue d’une de ces avanies qu’il venait d’essuyer, se prit-il, en descendant l’escalier, à dire à son voisin : « Quel dommage qu’un aussi grand homme ait été si mal élevé !  […] C’est lui qui m’a fait connaître l’endroit où il était, et, après m’avoir conseillé sa mort, il en a gémi avec toutes ses connaissances (l’empereur se remet à marcher, et, d’un ton calme, après un moment de silence)… Je ne lui ferai aucun mal ; je lui conserve ses places ; j’ai même pour lui les sentiments que j’ai eus autrefois ; mais je lui ai retiré le droit d’entrer à toute heure dans mon cabinet.

1188. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Pourtant, en avançant dans la vie, même dans une vie qui doit se clore à vingt-quatre ans, la lutte devient plus sombre, les grâces du début se décolorent, le mal qu’il faut combattre apparaît et fait tache sur les devants du tableau. […] Mais ce que Raphaël en sa noble manière Ne dit pas, c’est qu’au cœur elle a souvent son mal Elle aussi, — quelque plaie à l’aiguillon fatal ; Pourtant, comme à l’insu de la douleur qui creuse, Chaque orphelin qui vient enlève l’âme heureuse ! […] Hier encore (mai 1868), il m’insultait sans nécessité, sans motif suffisant129 ; il ne se disait pas que j’étais son confrère, que je l’avais toujours salué et respecté en public ; que j’avais allumé le premier un cierge à sa chapelle de sainte Élisabeth ; que je l’avais célébré orateur dans le Constitutionnel, journal habituel des voltairiens ; que, si hautain et aristocratique de nature qu’on soit, un peu de sympathie envers les bonnes gens d’une autre étoffe que nous n’est jamais un tort ; que si, depuis quelques années, il est éprouvé, je le suis aussi, et que cela peut-être devait faire un lien ; que là où la Providence a jugé à propos de le frapper douloureusement, la nature aussi m’a affligé presque de la même manière ; que nous sommes à quelque degré compagnons de maux… Mais M. de Montalembert répondra qu’il sévit au nom des principes. — Les principes, soit ; mais à la condition qu’ils ne se séparent jamais de l’humanité !

1189. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

. — Il est absurde et scandaleux qu’une compagnie proprement littéraire et qui, par définition, doit compter « dans son sein » les meilleurs écrivains du temps, soit à ce point encombrée de médiocrités, et il y a pas mal de ces bonshommes à qui on aurait envie de fourrer dans les narines les branches de persil qu’ils portent sur leur collet ? […] Et ce goût moyen, ce goût bourgeois et lâche, qui n’est peut-être pas celui de tous les académiciens, mais qui est celui de l’Académie, s’impose plus ou moins à qui veut lui plaire, et peut faire par là, beaucoup de mal… S’ils avaient été préoccupés de la coupole, ni MM.  […] Cela est mal ; cela n’est point charitable.

1190. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Le plus grave reproche qu’il fasse de tout temps à la cour d’Autriche, c’est « de suivre les impressions brutes de la nature : enflée dans la bonne fortune et rampante dans l’adversité, elle n’a jamais pu parvenir à cette sage modération qui rend les hommes impassibles aux biens et aux maux que le hasard dispense ». […] Frédéric est d’ailleurs dans le vrai du cœur humain, dans la réalité de l’observation morale et de la prophétie pratique, quand il ajoute : Le temps, qui guérit et qui efface tous les maux, rendra dans peu sans doute aux États prussiens leur abondance, leur prospérité et leur première splendeur ; les autres puissances se rétabliront de même ; ensuite d’autres ambitieux exciteront de nouvelles guerres et causeront de nouveaux désastres ; car c’est là le propre de l’esprit humain, que les exemples ne corrigent personne ; les sottises des pères sont perdues pour leurs enfants ; il faut que chaque génération fasse les siennes. […] [NdA] Ce trait rappelle le portrait que Xénophon, en sa Retraite des Dix Mille, a tracé de Ménon, qui en était venu, dans la voie du mensonge, jusqu’à regarder les gens vrais comme des gens mal élevés et sans éducation.

1191. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

C’est de sa prison qu’il adressait une certaine Épître à Zélis, qu’on nous donne pour la première en date de ses compositions poétiques ; il finissait en invoquant la nuit pour remède à ses maux et en appelant quelque songe consolateur ; Ô Zélis, tu ne m’entends pas, Mais j’oublierai mon infortune En la pleurant entre tes bras ! […] Je le lui ai dit avec tout le courage et peut-être toute la brutalité de l’amitié : on le bafouera, on lui crachera au visage, on le chassera de l’Académie et de Paris, s’il ne renonce pas absolument au pugilat qui lui a si mal réussi. […] Cette guerre qu’il déclarait aux oppresseurs politiques de la veille, il ne la poursuivit pas moins dans l’ordre littéraire contre les propagateurs des idées philosophiques, qu’il en était venu à considérer comme les premiers auteurs du mal.

1192. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

Juger les vers des gens, c’est presque comme si l’on disputait avec un amoureux sur sa maîtresse, avec cette différence toutefois que, s’il ne vous est pas permis d’en dire le moindre mal, on vous accordera très bien d’en devenir amoureux vous-même. […] Les grands chefs d’école, les guides poétiques, se sont mal conduits ou se sont conduits au hasard, en dissipateurs ; sur ce point comme sur tant d’autres, les jeunes talents les ont trop imités. […] Fortoul, qui avait été son condisciple, me dit : « Non, il me ferait trop mal Horace. » — Il y a un vers de M. de Laprade qui exprime bien l’excès de son système, de son naturalisme métaphysique ; c’est quand il dit à un chêne : Pour ta sérénité je t’aime entre nos frères !

1193. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Énonçant les motifs, réels ou non, qu’il avait eus pour entrer dans la discussion, il alla droit, avant tout, à l’adversaire, et le frappant de l’épée au visage, selon le conseil de César, il le raillait sur cette prétention au patriotisme, au désintéressement et au bien public, de laquelle Beaumarchais aimait (et assez sincèrement, je le crois) à recouvrir ses propres affaires et ses spéculations d’intérêt : Tels furent mes motifs, s’écriait-il déjà en orateur, en maître puissant dans la réplique et dans l’invective ; et peut-être ne sont-ils pas dignes du siècle où tout se fait pour l’honneur, pour la gloire, et rien pour l’argent ; où les chevaliers d’industrie, les charlatans, les baladins, les proxénètes n’eurent jamais d’autre ambition que la gloire sans la moindre considération de profit ; où le trafic à la ville, l’agiotage à la Cour, l’intrigue qui vit d’exactions et de prodigalités, n’ont d’autre but que l’honneur sans aucune vue d’intérêt ; où l’on arme pour l’Amérique trente vaisseaux chargés de fournitures avariées, de munitions éventées, de vieux fusils que l’on revend pour neufs, le tout pour la gloire de contribuer à rendre libre un des mondes, et nullement pour les retours de cette expédition désintéressée… ; où l’on profane les chefs-d’œuvre d’un grand homme (allusion à l’édition de Voltaire par Beaumarchais), en leur associant tous les juvenilia, tous les senilia, toutes les rêveries qui, dans sa longue carrière, lui sont échappées ; le tout pour la gloire et nullement pour le profit d’être l’éditeur de cette collection monstrueuse ; où pour faire un peu de bruit, et, par conséquent, par amour de la gloire et haine du profit, on change le Théâtre-Français en tréteaux, et la scène comique en école de mauvaises mœurs ; on déchire, on insulte, on outrage tous les ordres de l’État, toutes les classes de citoyens, toutes les lois, toutes les règles, toutes les bienséances… Voilà donc Mirabeau devenu le vengeur des bienséances et des bonnes mœurs contre Beaumarchais, et Figaro passant mal son temps entre les mains du puissant athlète, qui le retourne et l’enlève de terre au premier choc. […] Danton était assis de l’autre côté de la table ; il commence la discussion ; mais, comme je suis presque sourd, je me lève et demande pardon si je passe auprès du ministre (parce que j’entends mal de loin), en faisant, selon mon usage, un petit cornet de ma main. […] Heureux celui chez qui le bien peut compenser le mal !

1194. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Quand l’arbre est tombé, tous accourent aux branches pour achever de le défaire ; la bonne ou mauvaise réputation dépend de la dernière période de la vie ; le bien et le mal passent à la postérité, et la malice des hommes fait plutôt croire l’un que l’autre. […] La rébellion est manifeste : le roi en personne s’y porte, plein de courage ; mais Luynes sait mal lui préparer le terrain et lui ménager les occasions. […] Après la mort de Luynes, Richelieu n’entre pas encore au ministère ; les ministres qui sont en cour le redoutent, lui sachant tant de lumières et de force de jugement ; ils retardent le plus qu’ils peuvent le moment où le roi prendra de lui quelque connaissance particulière, de peur de le voir aussitôt à la tête des affaires : « J’ai eu ce malheur, dit-il, que ceux qui ont pu beaucoup dans l’État m’en ont toujours voulu, non pour aucun mal que je leur eusse fait, mais pour le bien qu’on croyait être en moi. » Ils ont beau faire, ils ont beau s’opposer à la destinée et s’enfoncer chaque jour dans leurs dilapidations et dans leurs fautes, le moment approche, il est venu, Richelieu désormais est inévitable.

1195. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

C’est, en honneur, tout ce que la nature a droit de demander d’un bon citoyen… Jordan, tout en convenant que ce serait plus sage d’en agir ainsi, continue de s’affliger des maux qui frappent l’espèce en général, par la raison, dit-il, que « la société ne fait qu’un corps », et que tous les membres sont solidaires. […] Jordan écrivit au roi une lettre dernière, dans laquelle, au milieu de l’expression d’une tendre reconnaissance, il touchait un mot de religion ; c’était comme une demi-rétractation de certaines plaisanteries qui avaient eu cours entre eux à ce sujet : Sire, mon mal augmente d’une façon à me faire croire que je n’ai plus lieu d’espérer ma guérison. […] Mais on s’accoutume à tout ; Louis XIV devait être à la fin aussi dégoûté et rassasié des flatteries dont il avait sans cesse les oreilles pleines, que je le suis de tout le mal qu’on dit de moi.

1196. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Elle commence à s’éteindre ici, où elle n’a que trop duré et fait trop de mal. […] Dussiez-vous, mon ami, me comparer à ces chiens de chasse, mal disciplinés, qui courent indistinctement tout le gibier qui se lève devant eux ; puisque le propos en est jetté, il faut que je le suive et que je me mette aux prises avec un de nos artistes les plus éclairés. […] Vous y avez ajouté, vous en avez supprimé ; sans quoi vous n’eussiez pas fait une image première, une copie de la vérité, mais un portrait ou une copie de copie, (…) le fantôme et non la chose ; et vous n’auriez été qu’au troisième rang, puisqu’entre la vérité et votre ouvrage, il y aurait eu la vérité ou le prototype, son fantôme subsistant qui vous sert de modèle, et la copie que vous faites de cette ombre mal terminée, de ce fantôme.

1197. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Quelle belle et dramatique scène il a oublié de nous écrire, lui qui nous en a écrit de si belles, et cela parce qu’il avait un mal caché, un mal qui l’humiliait, son infirmité secrète ! […] Mais est-ce un bien ou un mal, cela ?

1198. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

Nous extraire de l’âme la divinité de Jésus-Christ sans nous faire le moindre mal, toute la question est là pour Renan. […] Pour cela, des voies moins pures sont nécessaires, etc. », ce qui veut dire, en termes qu’on surveille, mais qu’il est impossible de ne pas comprendre, que le bien, pour être, a besoin du mal, et que la vertu ne peut rien de grand et de fort dans le monde sans l’aide des gredins et l’appoint de la coquinerie. […] … Et quelle garantie, qu’une pareille théorie, de la vérité de la Vie de Jésus par Renan, qui veut certainement que les idées de son livre s’établissent dans le monde et qui ne peuvent s’y établir que par le mensonge et le mal.

1199. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Car nous, durant les maux de la patrie, nous ne pouvons achever notre œuvre avec un esprit assez libre ; et l’illustre descendant de Memmius ne pourrait non plus, pour être attentif à pareille chose, manquer au salut public. » Mais ce magnifique essor du poëte, à l’ouverture de ses chants, est à la fois son premier salut et son adieu à l’enthousiasme lyrique. […] À la tradition poétique, à l’imitation des écoles d’Athènes et d’Alexandrie, succède la douleur d’un citoyen sur les maux et les vices de Rome. […] Dès lors, le bien, le mal, confondus par un malfaisant délire, ont repoussé loin de nous l’attention tutélaire des dieux.

1200. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « X » pp. 37-38

Janin n’a pas été mal.

1201. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Paté, Lucien (1845-1939) »

J’ai dit au bois toute ma peine, Et le bois en a soupiré ; J’ai dit mon mal à la fontaine, Et la fontaine en a pleuré.

1202. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 248-249

Ce n'est pas que Saumaise n'eût des talens, mais il a trop écrit, & par cette raison trop mal écrit, pour que les défauts de ses Ouvrages méritent quelque indulgence, en faveur des bonnes choses qu'on peut y rencontrer.

1203. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — VI. Le canari merveilleux. »

(Gourounsi) Baffo était une petite fille mal élevée.

1204. (1886) Le naturalisme

N’importe qui songerait à sa blessure pour si peu de mal qu’elle fît. […] Bientôt une horrible maladie le frappa, mal mystérieux que Paracelse appelle le tremblement de terre de l’homme, et sa fraîche intelligence, tout comme son corps d’athlète, furent atteints dans leur source de vie, affaissés et jusqu’à un certain point paralysés. […] Le romancier, après avoir lui-même tracé l’arbre généalogique de la race des Rougon, avec ses mélanges, ses fusions et ses sauts en arrière, retrace les métamorphoses de la terrible maladie héréditaire, en étudiant dans chacun de ses romans un cas d’un mal si mystérieux. […] Les critiques français qui ne l’ignorent pas et lui veulent du mal, à côté des accusations de grossièreté, de brutalité et d’indécence, lui lancent une accusation bien plus fondée, en l’appelant auteur quintessencié et léché. […] Là-bas, on parle de maux qui, ici, grâce à Dieu, ne nous affligent pas encore, et le cens des habitants y fournit des chiffres et y indique une décroissance de population qui doit suggérer de profondes réflexions aux hommes d’État de la nation voisine.

1205. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

Tout à coup il s’est arrêté, et s’est écrié, comme s’il se réveillait : « Ça va bien mal, nom de Dieu !  […] Aujourd’hui, parmi les spectateurs, ce sont Jules Ferry, Rochefort qui parle et rit fébrilement, Pelletan, dont la tête de philosophe antique s’accommode mal du képi. […] » « Pas mal tragique toute cette ferblanterie !  […] Cela fait mal. […] On n’a pas de nouvelles positives, mais je ne sais quoi dit à la foule, que les choses ne vont pas trop mal.

1206. (1940) Quatre études pp. -154

Il voulait cerner, analyser, rendre visible à tous les regards le mal qui est dans notre conscience, dans notre nature, dans les profondeurs secrètes de notre âme, indissolublement mêlé avec le bien. […] La facilité verbeuse d’Aurora Leigh, qui paraît la même année que les Fleurs du mal, en 1857 ; l’obscurité où se complaisait Robert Browning, demi-dieu fulgurant parmi les nuages, lui auraient paru des crimes contre l’art et contre l’esprit. […] Quel mal, pour faire adopter des formes non usitées, des sentiments non communs, pour obliger tout un peuple à passer du connu, qui lui plaît, à l’inconnu, dont il a peur ! […] Il aime pourtant ces aspirations qu’il sait vaines : autrement, il retomberait dans le pire de tous les maux, qui est l’ennui. […] Mais bientôt, les matérialistes devaient aller plus loin encore, en supprimant la notion même du mal ; car ils allaient dire que ni le bien, ni le mal n’existent, devant la grande loi de la fatalité ; que c’étaient là des catégories qui devaient disparaître, pour faire place à la conscience de lois nécessaires, auxquelles les faits obéissaient, sans plus ; et que la nature n’était en somme qu’un vaste élan vital : ce même élan vital auquel l’homme de sentiment se livre en entier, pour multiplier son être par la puissance de l’univers.

1207. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Et ils ne s’en trouvent pas plus mal. […] Nous vous montrons ici le principe de nos maux et leur remède. […] Mais une fois qu’ils ont abordé, leur regard reste vague, leur pas lourd et mal assuré. […] Le mal est ton spectacle, et l’homme est ta victime. […] Je sens encor le mien jeune et vivace, Et bien des maux pourront y trouver place     Sur le mal que vous m’avez fait.

1208. (1898) Essai sur Goethe

Ce fut d’abord celui des Affinités électives, que la critique accueillit assez mal. […] Une seule question existe pour lui : a-t-il bien ou mal fait ce qu’il a fait ? […] Aussi, son unique souci est-il de se juger : « J’ai dit le bien et le mal avec la même franchise. […] J’éprouvais le même sentiment désagréable qu’à rencontrer un monstre mal venu et broussailleux. […] c’est Ottilie surtout qui est atteinte de ce mal, et comme l’œuvre en pâtit !

1209. (1902) La poésie nouvelle

Ils se donnent beaucoup de mal pour créer des strophes nouvelles, très difficiles, aussi difficiles que possible, et se consument à ce vain exercice.‌ […] Le père du poète, capitaine d’infanterie, était d’humeur indépendante et s’accommodait mal de l’esprit impérieux de sa femme. […] Il y trouvait « trop de jeunesse décidément, d’inexpérience mal savoureuse, point assez d’heureuses naïvetés11 ». […] Sa vie d’alors nous est mal connue, trop connue peut-être, par des récits contradictoires et confus. […] L’arbre de la Scien — ce du Bien et du Mal.

1210. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXX » pp. 279-280

Il y a des considérations très-fines sans doute sur l’esprit du temps, mais on est surpris de cette excessive indulgence, et il semble que le moment est mal choisi pour venir absoudre ce qui se dispense très-bien d’autorisation.

1211. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Arvers, Félix (1806-1850) »

Écoutez, par exemple, ce sonnet (d’Arvers), et dites-moi s’il n’est pas dommage que ces choses-là se perdent et disparaissent comme des articles de journaux : Ma vie a son secret, mon âme a son mystère : Un amour éternel en un moment conçu ; Le mal est sans espoir, aussi j’ai dû le taire, Et celle qui l’a fait n’en a jamais rien su.

1212. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 48-49

Une vanité mal éclairée a donc pu seule le porter à changer son nom en celui de Delisle, & Moliere a eu raison de tourner en ridicule cette foiblesse.

1213. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 105-106

Le succès de cette Compilation impie, mal conçue, indigeste, n'a pas été heureux.

1214. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Sculpture, Vassié, Pajou, Mignot » p. 104

Orphée ne fut pas plus mal entre les mains des Bacchantes, que je le serais entre les mains de nos peintres.

1215. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « quelque temps après avoir parlé de casanova, et en abordant le livre des « pèlerins polonais » de mickiewicz. » pp. 512-524

En ce qui concerne la littérature de ce temps, est-ce donc un si grand mal, dira-t-on, que de s’arranger d’avance pour en négliger et en ignorer une bonne partie ? […] On s’y met tout entier ; on s’en exagère la valeur dans le moment même, on en mesure l’importance au bruit, et si cela mène à mieux faire, il n’y a pas grand mal après tout.

1216. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

 » Arie dit à Petus en lui remettant le poignard : « Tiens, cela ne fait point de mal. » Bossuet, en faisant l’éloge de Charles Ier dans l’Oraison funèbre de sa femme, s’arrête, et dit en montrant son cercueil : « Ce cœur, qui n’a jamais vécu que pour lui, se réveille, tout poudre qu’il est, et devient sensible, même sous ce drap mortuaire, au nom d’un époux si cher. » Émile, prêt à se venger de sa maîtresse, s’écrie : « Malheureux ! fais-lui donc un mal que tu ne sentes pas. » Comment distinguer dans de tels mots ce qu’il faut attribuer à l’invention ou à l’histoire, à l’imagination ou à la réalité ?

1217. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXIV. Conférence sur la conférence » pp. 291-305

J’ai entendu beaucoup de conférences dans des salles singulièrement mal remplies. […] Les horizons mal fermés de ces scènes lointaines incitent au rêve mieux qu’une pièce bien close d’Émile Augier ; et les esprits les plus incurablement classiques se souviendront que les régents qui gardent devant les lycéens les chefs-d’œuvre nationaux situent le charme décisif et supérieur du Misanthrope dans l’incertitude, presque l’inexistence du dénouement.

1218. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les traductions. » pp. 125-144

Traduction pour traduction, ils on aimoient encore mieux une mal rendue en prose, qu’une autre mal rendue en vers.

1219. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre III : Le problème religieux »

Le déiste ne ressemble pas mal à un philosophe qui se contenterait de démontrer l’existence du beau, mais qui ne serait jamais sorti de son cabinet pour contempler les beautés de la nature et de l’art. […] Elle compense à la vérité ce mal par la hauteur de son enseignement moral ; mais cette compensation est insuffisante : c’est du moins notre profonde conviction.

1220. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Renou » pp. 301-307

J’aurai mal choisi mon exemple, mais les principes de ma poétique n’en seront pas moins vrais ; ce ne sera pas sur la Discorde d’Homère, mais sur la mienne que j’aurai donné la préférence à l’Amphitrite d’Ovide. […] Et là-dessus je vous souhaite le bonsoir, et à nos peintres et à nos poëtes, car il a fallu que j’achevasse mal ce soir ce que j’aurais exécuté de verve ce matin, sans la cohue des importuns.

1221. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIV. L’auteur de Robert Emmet »

Il n’est pas mal pensé ; il n’est pas mal écrit ; il n’est point déclamatoire ; il n’est point ridicule ; il n’a ni la fausse poésie, ni le faux enthousiasme, ni la fausse profondeur.

1222. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

Par respect ou par pitié pour lui on s’obstine à croire que tout le mal ne vient pas de ses fautes, et, de fait, il n’en vient pas uniquement non plus. […] Pauvre roi, qui mettait son énergie dans ses mains à l’heure où la puissance appartenait aux idées, et qui savait si mal le prix du temps qu’il dérobait à sa fonction !

1223. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme au XVIIIe siècle » pp. 309-323

La Femme au xviiie  siècle ne nous parut, quand on la publia, qu’un livre très neuf d’inspiration, ayant des qualités parfois exquises, d’autres fois des défauts, et même, à certaines places, des vices ; mais nul des plus sagaces d’entre nous n’y put voir, sous la flamme morale qui y circulait et y flambait encore, ce qui allait, sous la plume des imitateurs, se développer comme l’incurable mal de la littérature actuelle. […] Elles créent en effet, elles révèlent, elles incarnent en elles-mêmes une corruption supérieure à toutes les autres et que l’on serait tenté d’appeler une corruption idéale : le libertinage des passions méchantes, la Luxure du Mal ! 

1224. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

, est à présent le Tacite que la France n’avait pas ; le Tacite aristocratique de la monarchie qui a tué l’aristocratie en l’étranglant doucement, sans lui faire le moindre mal, entre deux portes de l’Œil-de-bœuf, avec un cordon du Saint-Esprit, car il n’y a pas que le Grand-Turc qui ait jamais envoyé aux gens le cordon ! […] Selon moi, il est évident qu’il n’y a place que pour des atomes dans cet œil, mal conformé pour recevoir l’image des choses grandes, et qu’il lui serait impossible de voir autrement qu’il n’a commencé.

1225. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Benjamin Constant »

Elle avait cette insondable pureté du cœur qui est un glaçon de cristal auquel on se coupe et qui fait saigner les âmes tendres, et elle avait aussi, a-t-on dit, la grâce de la bonté, la plus divine de toutes les grâces, qui faisait pardonner le mal involontaire que faisait sa beauté autour d’elle ; car sa beauté avait un rayonnement meurtrier, et l’amour qu’elle inspirait était une contagion dont on pouvait ne pas guérir. […] … Croyez-vous qu’il n’y ait pas quelque mal à froisser une affection si vraie et si soumise et à laquelle vous rendez justice ?

1226. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VII. Vera »

Il a mal à sa poitrine, c’est-à-dire… à son cerveau. […] Cet homme fameux, mais mal expliqué dans l’arcane de son texte, dont jusqu’ici on ne nous a donné que des déchirures, ce Vieux de la Montagne philosophique, compromis par les Cousins et les Proudhons et toute sa bande d’assassins littéraires ou politiques, M. 

1227. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XX. M. de Montalembert »

Et ce n’est pas tout le mal encore. Le mal n’est pas d’avoir écrit une Histoire des moines d’Occident pour les besoins du microscope, ce qui est la faute de M. de Montalembert.

1228. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Jules Soury. Jésus et les Évangiles » pp. 251-264

Soury ne voit, lui, qu’un fou parfaitement caractérisé, délirant pendant tout le temps de sa mission sur la terre, et qui serait mort dans l’idiotisme absolu et la vie végétative, « si les juifs, MAL INSPIRÉS, avaient préféré voir mettre Barrabas en croix ». […] Sous une forme ou sous une autre, il eût transmis à ses enfants le mal qui l’a perdu, et ce Roi des Juifs, ainsi qu’il arrive d’ordinaire aux princes, aurait pu engendrer des idiots. » C’est complet, n’est-ce pas ?

1229. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « MM. Delondre et Caro. Feuchtersleben et ses critiques. — L’Hygiène de l’âme » pp. 329-343

Il avait vu que Kant, d’abord d’une santé détestable, s’était radicalement guéri de tous ses maux : pleurésies, toux et gravelle, « par la grandeur de ses pensées », et il avait poussé les siennes aussi loin qu’elles pouvaient aller. […] Il fallait laisser aux petits garçons d’Allemagne ce bâton de sucre d’orge intellectuel, puisqu’ils le trouvent bon, ou ces pilules de mie de pain morales, qui, du moins, ne leur feront pas de mal, comme on dit, si elles ne leur font pas de bien !

1230. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Soulary. Sonnets humouristiques. »

Est-elle bien ou mal en ces simples dehors ? […] Comme aussi dans L’Accord parfait, Sacra famés, L’État, L’Expiation, Le Mal suprême et d’autres encore qu’il est impossible d’énumérer dans cette gerbe pressée de poésies qui n’ont qu’un tort à nos yeux, c’est d’être des brins de poésie.

1231. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Amédée Pommier »

L’envie, ce mal de presque tous les hommes, qui est deux fois le mal des poètes, n’approchait point de sa candeur.

1232. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Armand Pommier » pp. 267-279

ce n’est, certes, pas cela qui est un mal. […] Qu’on soit tenté par ce qui est la grande tentation des romanciers de ce temps, la nécessité de faire entrer l’élément physiologique dans le roman, et qu’on succombe parce qu’on l’y a mis à doses trop larges et mal gouvernées, c’est un malheur, sans doute, quant au résultat ; une autre fois, on trouvera peut-être le point juste qui fera le succès.

1233. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Ch. Bataille et M. E. Rasetti » pp. 281-294

… Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout le mal ! […] Cette Clémentine, qu’il dit si belle, il la peint fort mal.

1234. (1932) Les idées politiques de la France

En d’autres termes, on discernerait six idéologies politiques françaises, lesquelles s’arrangent tant bien que mal, souvent plus mal que bien, avec des systèmes d’intérêts, et ne coïncident parfois que d’assez loin avec des groupes parlementaires, avec une représentation politique. […] Et, nous l’avons dit, ce n’est pas un mal, puisque le contrôle en bénéficie, et qu’il est bon que la littérature, fortifiée ou non par des clercs, soit dans l’opposition. […] Ce conservatoire de la laïcité qu’est la Gauche démocratique du Sénat paraît sujet à l’illusion des amputés, il a parfois mal dans sa jambe de bois, et ne l’envoie pas dire. […] Il avait même un Marieton (qui tourna plus mal que le chancelier du Félibrige) : Gérault-Richard. […] Comme idée de culture elle a mal tenu devant le traditionalisme.

1235. (1914) Boulevard et coulisses

Sans être profonde, cette influence est réelle ; et on doit y avoir d’autant plus garde qu’elle s’exerce avec autrement de force dans le mal que dans le bien. […] On la reçoit mal, mais elle a flairé les coulisses et elle y retourne. […] Elle le balbutie tant bien que mal ; il y a toujours dans la salle quelqu’un qui la trouve charmante et des applaudissements qu’elle prend pour elle : c’est fini, la voilà artiste. […] On vient de lui présenter un petit employé de commerce, mal habillé, sans esprit et sans jeunesse. […] Ils nous surprenaient pour ainsi dire à l’improviste, nous qui étions si mal préparés à les résoudre.

1236. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XII : Distribution géographique (suite) »

J’ai constaté que plusieurs espèces peuvent en cet état résister à une immersion de sept jours dans de l’eau de mer sans en ressentir aucun mal. […] Tous ces types, aujourd’hui complétement inconnus, devaient être d’une simplicité extrême ; mais la concurrence universelle agissant avec une puissance croissante sur ces organismes encore si mal fixés, si mal spécialisés et si variables, en peu de temps les formes les mieux déterminées durent supplanter les plus indéterminées. […] On conçoit que ces divers types ne purent sortir les uns des autres, mais se développèrent parallèlement en divergeant de plus en plus d’un type primordial commun, mal fixé, mal déterminé et très variable, étant sans lois héréditaires ; toutes les parties de cet être primitif, d’abord fonctionnellement identique, comme aujourd’hui encore chez les hydres, ayant pu successivement se localiser pour les mêmes fonctions dans un ordre différent et souvent inverse.

1237. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

Tous ont compris, tous ont plus ou moins fortement exprimé cette vérité que les acteurs d’un pareil drame n’ont jamais eu leur pleine liberté d’action, soit pour le mal, soit pour le bien, dans le fort de la crise ; que l’âme de la France révolutionnaire est en eux avec ses idées, ses sentiments généreux et enthousiastes, ses passions mobiles et violentes, surexcitées par le danger, aigries par la défiance, exaspérées par la peur. […] Taine explique par un exemple, la musique religieuse protestante, sa formule, fort mal interprétée d’ailleurs par une critique prévenue. […] “Cette tuerie fut un grand mal”, disent les montagnards instruits plus tard par leurs propres calamités. […] Mais qui osera dire que cette transition de la liberté républicaine au despotisme monarchique fût autre chose qu’un mal inévitable ? […] Cependant, quand on pourrait prouver que cette fatale journée a été un mal inévitable, en est-elle moins un des plus affreux attentats qui aient jamais été commis contre l’humanité ?

1238. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

les choses n’en iront pas beaucoup plus mal. […] Les choses n’en allaient pas plus mal pour cela… M.  […] Mais son éducation l’avait mal préparé à ce genre de vie. […] Il revint à la charge, risqua une pointe, et mal lui en prit. […] L’origine de nos maux, après tout, est noble.

1239. (1876) Romanciers contemporains

Le mal qu’il peut produire dépend uniquement de celui qui existait déjà dans l’âme du lecteur. […] Il était chaussé de souliers forts, mal cirés, garnis de clous. […] Il ne croit pas que la vérité soit seulement du côté du mal, du côté du vice, du côté de la sottise humaine. […] La poussière s’obstinait là, chaque jour, entre les planches mal jointes de l’estrade. […] Il excitait les convoitises des malheureux bien plus qu’il ne s’efforçait de réparer leurs maux.

1240. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 437-439

Un jour qu’il doubloit Ponteuil dans les rôles de Rois, il fut si mal reçu du Parterre, que, s’avançant sur le bord du Théatre, il lui parla ainsi : « Messieurs, si M.

1241. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — Q. — article » pp. 570-571

Quillet eut la bassesse d’accepter ce bienfait de la part d’un homme qu’il n’aimoit ni n’estimoit, & dont il avoit dit du mal ; & le Cardinal, la foiblesse d’accepter la dédicace de la seconde édition d’un Ouvrage si peu analogue à la gravité de son état & de celui de l’Auteur.

1242. (1763) Salon de 1763 « Peintures — La Tour » p. 223

Il dit un jour à monseigneur le Dauphin qui lui paraissait mal instruit d’une affaire qu’il lui avait recommandée : Voilà comme vous vous laissez toujours tromper par des fripons, vous autres.

1243. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXII » pp. 131-132

Allusion à un article de Revue, la Ruche populaire (octobre 1843), dans lequel il était raconté qu’un père de famille, ouvrier, après avoir entendu lire tout haut le soir, à la veillée, par un de ses fils, le chapitre du Lapidaire, dans les Mystères de Paris, s’était écrié, en déguisant mal son émotion (il ne voulait pas laisser voir qu’il pleurait) : « Eh bien !

1244. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 362-361

Ce genre de composition est inexcusable, quand la bile & la grossiéreté y regnent ; & l’on se rend justement odieux, quand, en disant du mal des autres, on fournit, par la maniere, des armes légitimes contre soi.

1245. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 214-215

Ses foudres s'étendent jusque sur nos meilleurs Auteurs ; la réputation de Lafontaine lui a toujours paru mal fondée, &c.

1246. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Amédée Vanloo » p. 218

Rien n’est mal, ni le saint, ni les livres, ni les chaises, ni le pupitre, mais tout est discordant.

1247. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Mais cependant qu’ils prennent garde que le mal qu’ils ont déjà fait est plus grand qu’ils ne l’imaginent. […] Molinier ne songe point à mal. […] Au surplus, cette dernière année de pérégrinations semble nous être assez mal connue. […] Le mal est visible dès la fin du xviie  siècle. […] Il l’a dit : mais il faut qu’alors je me sois mal exprimé.

1248. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Un témoin peut se tromper, avoir mal vu, conclure à faux. […] Que signifient les termes même de Bien et de Mal ? […] Il s’appliquait mal au thème traité par le philosophe qui annonçait, voici près d’un siècle, l’agonie de l’Église. […] La distinction entre le Bien et le Mal suppose que le Bien représente un ordre et le Mal un désordre, librement voulus par l’homme ; qu’il doit se soumettre à l’un, éviter l’autre. […] Elle fait mal.

1249. (1903) Le problème de l’avenir latin

La volonté — peut-être mal conduite et insuffisamment clairvoyante — n’a pu vaincre le destin. […] Survint ensuite l’Eglise pour aggraver et perpétuer le mal. […] Nous avons mal usé de l’existence.‌ […] Comprenons par là que notre mal est héréditaire. […] L’énergie du remède doit être proportionnée à l’intensité du mal.

1250. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gide, André (1869-1951) »

. — Le Prométhée mal enchaîné (1899). — Le Roi Candaule (1900). — Saül (1900)

1251. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 374-376

Quoiqu’il ait fait plusieurs Ouvrages estimables, on ne connoît à présent que sa Pharsale, dont on a dit, dans tous les temps, beaucoup de bien & beaucoup de mal, & qui fournit également matiere à la louange & à la critique.

/ 2901