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1031. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

Après Rabelais, après Callot, après Voltaire, après le xviiie  siècle, nul n’aurait osé, puisqu’il faut dire le mot, croire au diable, et Chateaubriand, on s’en souvient, eut besoin de toutes les magies de sa païenne rhétorique pour faire accepter le démon à l’imagination retiédie d’une époque cadavéreuse d’athéïsme, qui croyait que c’était bien assez de revenir vers Dieu ! […] Mais pour ceux qui sentent en eux-mêmes cet impérieux besoin de conclusion, qui est, après tout, la passion la plus spontanée et la plus profonde de l’intelligence humaine, le livre des Esprits doit avoir une bien autre portée que celle d’un livre d’histoire.

1032. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice de Guérin »

je crains fort, pour mon compte, que les amis de Guérin, qui avaient pris pour lui faire trompette un hautbois tortueux aussi peu sûr de ses sons, ne se repentent maintenant d’un choix déterminé par le nom seul de l’instrumentiste ; mais ce que je sais de science certaine, c’est que Guérin n’avait nul besoin que l’auteur des Consolations, qui n’est nullement celui des affirmations et des certitudes, affirmât, sous réserve de s’abuser, un genre de génie que Guérin était bien de force à affirmer tout seul, et que l’auteur des Portraits contemporains ajoutât au mou de ses affirmations le mou de sa manière, en donnant, pour éclairer son œuvre, ce médaillon, vaporeux et gris, d’une biographie, qui, cependant, n’est pas sans charme (le charme du sujet), mais dans lequel je ne trouve que le profil fuyant et énervé de cette individualité poétique, — plus poétique que son talent même ! […] Celle que l’on a arrangée ici pour les besoins du moment n’appuie sur rien, — et, d’ailleurs, même en n’appuyant pas, ne nous donne qu’une époque de la vie de Guérin, et l’époque la moins intéressante de la vie de ce poète qui n’était encore que la larve de lui-même quand il s’en revint de la Chesnaye vers nous qui le revîmes à Paris !

1033. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gustave Rousselot  »

magnifiquement beaux… Car, il faut bien en convenir, pour être beaux les vers n’ont pas toujours et nécessairement besoin d’être vrais. — Et c’est ce qui fait le danger des poètes, ces fascinateurs ! […] « Je trouve le moment venu — dit ce jeune Spartacus de la prosodie — de se séparer de la routine, et c’est pourquoi j’ai modifié le nombre ordinaire de syllabes… Mon idée — ajoute-t-il — est même que le poète a le droit de compter les mots en variant, au besoin, selon le hasard du vers… » Au hasard du vers !

1034. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Jean Richepin »

C’est un enfant qui a toujours besoin de sa bonne, qui pleure et toujours demande pardon à sa bonne, et sa bonne, c’est madame André. […] Quand Lucien a quelque valeur, c’est elle qui la lui a soufflée, comme elle lui souffle la santé par la bouche quand il est malade ou mourant, — comme elle lui souffle de l’esprit quand il faut qu’il ait de l’esprit, — comme elle lui souffle du courage quand il a besoin de courage.

1035. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

La rigueur du niveau démocratique ajoute encore à cette froide activité du bon sens aiguisée par l’intérêt personnel et le besoin d’un bien-être égal. […] Mais la liberté, qui permet bien des erreurs et bien des abus, a du moins ce salutaire effet de ne point les laisser en repos, de les inquiéter sans cesse par la contradiction et le blâme, de soulever au besoin contre eux la conscience humaine, et, tôt ou tard, de corriger la loi par l’instinct moral.

1036. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

XIV Ai-je besoin de noter le sophisme au milieu de ce pêle-mêle éblouissant de vérités et d’erreurs, où l’homme coupable se croit le droit de conclure à la condamnation de cette pauvre société, et le droit de haïr l’homme social parce qu’il ne se sent pas capable d’être assez libre si la société ne lui fait pas place pour le droit qu’il rêve et pour l’indépendance qu’il convoite ? […] Mais ai-je besoin de noter surtout cette admirable page qui résume tout dans ce chapitre : Un homme à la mer ? […] « L’avocat général prit la parole : « Messieurs les jurés, l’incident si étrange et si inattendu qui trouble l’audience ne nous inspire, ainsi qu’à vous, qu’un sentiment que nous n’avons pas besoin d’exprimer. […] Sans qu’il fût besoin d’aucune explication désormais, toute cette foule, comme par une sorte de révélation électrique, comprit tout de suite et d’un seul coup d’œil cette simple et magnifique histoire d’un homme qui se livrait pour qu’un autre homme ne fût pas condamné à sa place. […] XXII Ici vous fermez le troisième tiroir, et l’auteur en ouvre un autre à propos d’une certaine famille Thénardier dont il a besoin pour changer les décorations de son drame.

1037. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Mais qu’ai-je besoin de rechercher dans ma mémoire ? […] On dira que j’étais disposé à les trouver telles, et l’on peut avoir raison ; mais je n’avais pas besoin d’y mettre du mien pour cela. […] Elle était un peu maigre, comme sont la plupart des filles à son âge ; mais ses yeux brillants, sa taille fine, son air attirant, n’avaient pas besoin d’embonpoint pour plaire. […] C’était une bonne pâte d’homme, le vrai père de sa fille, et que sa femme ne trompait pas, parce qu’il n’en était pas besoin. […] Sa tendresse lui avait fait craindre de me troubler ; mais elle venait pour être à portée de me secourir au besoin.

1038. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Grâce aux beaux travaux dont cette question a été l’objet depuis trente ans, un problème qu’on eût jugé autrefois inabordable est arrivé à une solution qui assurément laisse place encore à bien des incertitudes, mais qui suffit pleinement aux besoins de l’histoire. […] À peine est-il besoin de dire qu’avec de tels documents, pour ne donner que de l’incontestable, il faudrait se borner aux lignes générales. […] Mais qui ne voit que jamais miracle ne s’est passé dans ces conditions-là ; que toujours jusqu’ici le thaumaturge a choisi le sujet de l’expérience, choisi le milieu, choisi le public ; que d’ailleurs le plus souvent c’est le peuple lui-même qui, par suite de l’invincible besoin qu’il a de voir dans les grands événements et les grands hommes quelque chose de divin, crée après coup les légendes merveilleuses ? […] Une seule chose : c’est que les textes ont besoin de l’interprétation du goût, qu’il faut les solliciter doucement jusqu’à ce qu’ils arrivent à se rapprocher et à fournir un ensemble où toutes les données soient heureusement fondues. […] Il est à peine besoin de rappeler que pas un mot, dans le livre de M. 

1039. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Il fallait vivre, et la vie exige que nous appréhendions les choses dans le rapport qu’elles ont à nos besoins. […] Cette tendance, issue du besoin, s’est encore accentuée sous l’influence du langage. […] Le mot, qui ne note de la chose que sa fonction la plus commune et son aspect banal, s’insinue entre elle et nous, et en masquerait la forme à nos yeux si cette forme ne se dissimulait déjà derrière les besoins qui ont créé le mot lui-même. […] C’est dans une direction seulement qu’elle a oublié d’attacher la perception au besoin. […] Elle créera même, au besoin, des types nouveaux.

1040. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

Il nous faut aujourd’hui l’échafaud de celui-ci, demain nous aurons besoin de cet autre, et dans cette voie, sans chercher l’excuse de la passion, notre fatalisme historique nous pousse à une cruauté qui serait risible, si elle n’offensait à ce point la nature humaine. […] Elle n’est pas nouvelle ; de tout temps, il y a eu des esprits qui, par besoin de mettre l’ordre simple, l’ordre mécanique en toutes choses, se sont évertués à éliminer du problème scientifique tout ce qui n’était pas susceptible d’une détermination précise, tout ce qui n’était pas réductible à une loi, à une formule : mais de nos jours seulement une pareille conception est descendue des hautes régions de la métaphysique dans les théories et les applications de la science positive. […] Pour aimer l’action, pour s’y mettre tout entier, l’homme a besoin de croire à un résultat de cette action ; il entend faire une œuvre efficace dans la mesure de ses facultés et de ses forces ; il lui répugne d’imiter ces moines du désert qui, travaillant pour obéir à la règle, arrosaient tout le jour un bâton planté dans le sable. […] La science, en montrant l’empire de la fatalité dans le développement historique de l’humanité, fait voir aussi le progrès qui tend à substituer de plus en plus l’action des forces vraiment morales, des sentiments et des idées, à l’action de ces forces aveugles qu’on nomme les instincts de la race, les appétits et les besoins de la classe. […] Pour le rôle d’un Alexandre, d’un César, d’un Charlemagne, d’un Cromwell, d’un Pierre le Grand, d’un Napoléon, il faut des peuples chez lesquels l’imagination domine l’intelligence, et qui aient plus d’instincts, de besoins, de préjugés que de sentiments et de principes.

1041. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Monselet, ayant besoin de travailler, alla demander de l’ouvrage à M.  […] Est-ce que nous avons besoin de nous plonger dans l’antiquité ? […] Il a réellement besoin d’en trouver le commentaire et l’explication dans son journal. […] Sinon quel besoin aurais-je de soutenir une lutte fatigante et pénible ? […] … A-t-on besoin de s’inquiéter de ces imbéciles et d’adopter ce qu’ils adoptent ?

1042. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

à l’heure même Où j’avais tant besoin d’être béni moi-même ? […] Ai-je besoin de vous dire qu’elle a été fort amusante ? […] Kean, je n’ai pas besoin de vous le dire, a la plus noble attitude. […] quel besoin j’avais de te voir ! […] C’est que, là du moins, ce que nous avons besoin de savoir pour bien comprendre l’action est strictement contenu dans ce qu’on nous dit.

1043. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Léon Bloy ; il a comme un besoin physique de revenir bientôt à l’anathème, pour se soulager. […] Une religion florissante et dogmatique veut être prise à la lettre, et cet art a besoin de la liberté du mythe. […] Il s’adresse moins à l’entendement qu’à la sensibilité, qui a besoin d’être circonvenue et investie. […] Dieu n’a pas besoin de faire preuve de son pouvoir. […] Besoins de haine ou de sympathie, d’orgueil ou de détente du moi, de surprise ou de sérénité ; telle était la triple opposition qu’il réduisait finalement à l’opposition unique du besoin de pathétique et du besoin de facilité.

1044. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Au besoin, il les complète par d’autres. […] Un acrotère, un fronton du temple d’Olympie, en peuvent au besoin faire foi. […] L’épithète de nature suffit ordinairement à ses besoins. […] Le réalisme qui sort du lieu et du temps présents en a plus besoin encore que l’autre qui s’y confine. […] Ghérassime est noté par ce trait caractéristique qu’ayant servi toute sa vie, il a besoin d’avoir quelqu’un sous la main : Pour le commander ?

1045. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 256-257

La tristesse sombre, compagne inséparable du besoin, étouffa ou rétrécit les heureuses dispositions que l’aisance l’auroit mis à portée de cultiver & de développer.

1046. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 18-19

On ne peut trop s’étonner qu’un homme dont les Poésies annoncent un caractere porté à l’indulgence, & qui en avoit lui-même besoin, se soit livré, avec si peu de réserve, au fiel qui domine dans ses Mémoires & Réflexions sur les principaux événemens du Regne de Louis XIV.

1047. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 523-524

Son Traité des libertés de l’Eglise Gallicane est un de ces Ouvrages qui supposent les connoissances les plus profondes, mais qui ont quelquefois besoin de commentaire.

1048. (1818) Essai sur les institutions sociales « Avertissement de la première édition imprimée en 1818 » pp. 15-16

Qu’est-il besoin, en effet, de faire remarquer ce que tous les hommes qui pensent aperçoivent si bien, sans qu’il soit nécessaire de le leur montrer, la rapidité avec laquelle la société se précipite vers l’accomplissement de ses destinées, quelles qu’elles soient ?

1049. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

Le besoin plus ou moins aperçu, plus ou moins vif, plus ou moins ancien, plus ou moins organisé déjà préexiste, en un sens, à toute invention. Le besoin de produire une œuvre n’est pas moins réel chez un artiste que celui de manger chez n’importe quel homme. […] Zola éprouve le besoin de tirer quelque chose de ses lectures, de ses observations et de ses réflexions. […] Mais ce n’est pas là ce dont nous avons besoin dans ce troisième acte. […] Comme Sancho dans l’île de Barataria, j’aurais besoin d’un médecin qui me toucherait de sa baguette quand je vais me donner une indigestion.”

1050. (1913) Poètes et critiques

», n’ont pas besoin de s’appuyer sur des années d’admiration publique, tressaillirent de surprise et d’aise. […] dit-il, je n’ai pas besoin d’autre massue !  […] Est-il besoin d’en dire plus pour indiquer et l’intérêt durable et la haute valeur de ces Notes sur la Russie ? […] Est-il besoin d’en dire le motif ? […] » — « Pas d’épilogue, je vous prie : votre pièce n’a pas besoin de s’excuser.

1051. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

» La poésie a besoin d’un peu de neuf ; trop maniérée, trop virtuose, il lui faut revenir aux primitifs. […] Je reconnais toutefois que la poésie provençale n’a peut-être pas un énorme besoin de la rime. […] Ai-je besoin de vous la dire ? […] Les Écoles contemporaines expriment toutes des besoins sincères de cette heure confuse. […] De vos mots nos esprits ont-ils de tels besoins ?

1052. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

On peut ajouter que, entre les pensées les plus particulières et les pensées les plus générales, il y a continuité ; les degrés inférieurs de la généralité admettent encore l’image-signe, et le besoin d’un signe arbitraire croît avec la généralité des idées. […] Mais, dès la première apparition du besoin d’un signe extérieur, la prééminence ordinaire de l’image visuelle a dû inviter l’esprit à porter son choix sur cette image. […] Presque toujours, pour comprendre et pour comprendre parfaitement les phrases que nous entendons, il n’est aucun besoin d’une semblable analyse. […] Il arrive assez souvent, dans certaines poésies modernes, qu’un des mots de la phrase n’a pas de sens connu du lecteur ou de l’auditeur ; celui-ci n’est pas arrêté par cette lacune ; il s’en aperçoit à peine ; il ne réclame pas le lexique indoustani ou malais dont l’ouvrage aurait besoin pour être entièrement compris. […] Puisque la loi confirme, en tout cas, la nature, ne peut-elle pas, au besoin, la suppléer ?

1053. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Le Braz, Anatole (1859-1926) »

L’auteur doit être, comme son livre et son éditeur, un brave homme de provincial ; ses manières doivent être simples et ses mœurs pures… Est-il besoin d’ajouter qu’il n’appartient à aucune école, à aucune coterie de gens de lettres ?

1054. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 362-361

Gacon, [François] Prieur de Baillon, né à Lyon en 1666, mort en 1755, Versificateur satirique, qu’on surnomma le Poëte Sans fard, & qui auroit eu besoin d’en employer pour relever la platitude de ses Satires.

1055. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 401-402

Né de parens pauvres & obscurs, doué d’une ame fiere, incapable des bassesses qui procurent des protecteurs, il fut presque toujours aux prises avec le besoin & le désespoir, & auroit peut-être succombé à ce dernier, si des gens de Lettres que son courage & les talens qu’il annonçoit avoient intéressés à son sort, n’eussent attiré sur lui les bienfaits de quelques Grands.

1056. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 520-522

Personne n’avoit moins besoin des ressources du vice, pour plaire & se faire un nom.

1057. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « La Esmeralda » (1836) »

Lui qui n’est rien, il rappellerait au besoin à ceux qui sont le plus haut placés que nul n’a droit de dédaigner, fût-ce au point de vue littéraire, une scène comme celle-ci.

1058. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Ces sortes de locutions ont pour fondement la raison irrésistible du besoin. […] La premiere est de suivre l’analogie d’une langue, pour se mettre en état d’y introduire des mots nouveaux, selon l’occurrence des besoins : c’est ce qu’on appelle la formation ; & elle se fait ou par dérivation ou par composition. […] Les parties grammaticales de la proposition sont les mots que les besoins de l’énonciation & de la langue que l’on parle y font entrer, pour constituer la totalité des parties logiques. […] Ils commencerent par employer des symboles représentatifs des choses, & ne songerent à peindre la parole même, qu’après avoir reconnu par une longue expérience l’insuffisance de leur premiere pratique, & l’inutilité de leurs efforts pour la perfectionner autant qu’il convenoit à leurs besoins. […] Les idiotismes réguliers n’ont besoin d’aucune autre attention, que d’être expliqués littéralement pour être ramenés ensuite au tour de la langue naturelle que l’on parle.

1059. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Plus d’un qui était heureux s’en est retourné le cœur gros d’angoisses ; ceux qui avaient besoin d’oublier se sont souvenus et ont senti se rouvrir leurs blessures ; ceux qui avaient besoin de se souvenir au contraire ont bu l’eau du Léthé et se sont endormis dans un coupable oubli. […] Nous n’avons pas besoin de stimulants, mais de cordiaux et de toniques. […] Quel besoin nos nerveux contemporains, qui vibrent comme des lyres au moindre souffle, ont-ils d’être émus, attendris et raffinés ? […] Par-dessus tout, si vous saviez quelle tranquillité il oppose à la mauvaise fortune, et quelle résignation il oppose au besoin ! […] J’ai à peine besoin de faire remarquer que cet essai a été écrit avant le précédent.

1060. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Celui qui est impuissant à former société, ou qui n’en a aucunement besoin, parce qu’il se suffit à lui-même, n’est pas partie de la cité : c’est un animal ou un dieu (ARISTOTE, Politique, liv. 1, ch.  […] Une bassesse et le sublime moral satisfont également au besoin d’alibi de Rousseau. […] A mesure que la sensibilité romantique ira gagnant plus de glorieux poètes, s’enveloppant de plus de prestiges lyriques et oratoires, elle aura moins besoin d’un terrain préparé chez les individus. […] Il n’est pas besoin de démontrer la part d’une élite de femmes dans la civilisation de l’ancienne France. […] Les plus riches facultés naturelles ont besoin, pour produire œuvre viable, d’une culture.

1061. (1925) Proses datées

Ne nous plaignons pas surtout, car nous devons à besoin de confidences plus d’un livre charmant et précieux. […] Ne lui eût-il pas paru plus littéraire qu’il n’était besoin, par là, le mêler à des gens qu’il ne prisait guère ? […] Est-il besoin de dire que vous vous y plaisiez ? […] Je me sens un doux besoin de solitude pour mieux goûter l’intime délice de Venise retrouvée. […] Elle aurait besoin des conseils de ce sage homme.

1062. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Ajalbert, Jean (1863-1947) »

Dans les Paysages, il n’éprouve plus autant le besoin réaliste de préciser, il range ses courtes pièces de vers comme des pensées qu’il extrairait de mémoires intellectuels secrets.

1063. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Je n’ai pas souci, je n’ai pas besoin de ses émotions. […] L’abeille qui butine a besoin du pépiniériste. […] Et son penchant naturel ou les besoins de son industrie littéraire l’orientaient vers les hommes de lettres. […] Il avait besoin d’action, de mouvement, de bruit, de luttes et de trophées. […] Les jeunes ont besoin de jeter leur gourme.

1064. (1923) Au service de la déesse

Lefranc lui refuse, ils trouvent dans cette œuvre ce dont ils ont besoin. […] Pour plier l’histoire à la philosophie, l’on a besoin d’aller fort, avec entrain. […] puisque le néo-darwinisme a besoin de la spontanéité, le néo-darwinisme qui est la vérité ! […] Le commentaire dont vous avez jugé qu’elle a besoin signale son infirmité. […] À présent, notre langue n’a aucunement besoin qu’on l’enrichisse.

1065. (1930) Le roman français pp. 1-197

Nul jamais n’eut plus besoin de s’appuyer sur la réalité qu’il transmue, ou sur ce qu’il croit la réalité. […] Il n’en avait pas besoin : seulement, en vertu de son tempérament, tous ses actes prenaient un air de réclame. […] Type éternel, universel de la femme amoureuse et romanesque, mêlant la banalité à un besoin d’amour attendrissant. […] Enfin, son instinct de malice, son besoin de liberté, lui inspiraient le désir de rester dans l’opposition. […] Elle a besoin d’une direction, d’une règle : elle entre donc au couvent.

1066. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Ils ne pensent pas du tout « que l’esprit français ait besoin d’être régénéré par une sève plus généreuse », les Daunou, les Chénier [Marie-Joseph], les Hoffmann, ni toute cette génération d’hellénistes qui a si bien su le grec, les Clavier, les Villoison, les Boissonnade, Courier lui-même, l’auteur de la Lettre à M.  […] Quelle comparaison du haut relief et de la vigueur de coloris du Buonaparte d’Hugo, ou de la mélancolie voluptueuse du Lac, au prosaïsme déclamatoire d’une « Messénienne » : sur le besoin de s’unir après le départ des étrangers ? […] Et là toujours, dans ce besoin de parler d’eux-mêmes, se trouve enfin la première origine de toutes les innovations qu’il n’est que juste de leur rapporter. […] Voulant traduire des émotions plus intimes, — dont ce nom même d’intimes rappelle qu’on les avait gardées jusqu’à eux pour soi-même, — les romantiques ont eu besoin d’une plus grande liberté de mouvement, et ils n’ont pas demandé autre chose à l’alexandrin réformé. […] Et George Sand, à son tour, discutant sur son art avec Flaubert : « Il faut écrire pour tout le monde, pour tout ce qui a besoin d’être initié… Là est tout le secret de nos travaux persévérants et de notre amour de l’art.

1067. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Boris Andréitch avait des besoins très modérés. […] — L’homme non plus n’en a pas besoin. — Pas besoin ? […] Et moi, s’il me manque deux dents au côté droit, je n’ai pas besoin de le dire : on le voit assez. […] Il n’avait pas besoin de prendre tant de précautions : Guérassime n’était pas dans la cour.

1068. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Pour que l’état poétique s’ébauche en nous, nul besoin n’est-ce pas, d’avoir pris d’abord connaissance du poème tout entier, même s’il est court. […] On est tout comblé ; on n’éprouve pas le besoin d’aller plus avant. […] Pour faire le tour de son domaine, un propriétaire n’a pas besoin de consulter le plan cadastral. […] Pas n’est besoin d’être poète pour en savoir quelque chose. […] La poésie ne se dispense communément ni de définir, ni de peindre, mais elle ne s’en tient pas là : sans cela qu’aurions-nous besoin d’elle ?

1069. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Thiers sont d’un heureux augure ; elles attestent déjà un auteur qui pense par lui-même et qui n’a nullement besoin de déclamation ; elles n’ont pas d’efforts, et elles ont de la portée. […] Et si, dans les intervalles de ces bruits qui se succèdent comme des ondes, un chant de berger résonne quelques instants, il semble que la pensée de l’homme s’élève avec ce chant pour raconter ses besoins, ses fatigues au ciel, et lui en demander le soulagement. […] Il avait acquis une assez grande réputation à ce quart d’heure de 1823, et son nom faisait, au besoin, une manière d’autorité et quasi de patronage. […] Il croit volontiers qu’en histoire les modernes ne doivent viser qu’au fait même, à l’expression simple de leur idée : moindres que les anciens à tant d’égards, ils sont plus savants, plus avancés dans les diverses branches sociales, obligés dès lors de satisfaire à des conditions plus compliquées, et leur principal besoin, en s’exprimant, est d’autant plus d’être clair, net, et de tout faire comprendre. […] Thiers, excité encore et accéléré par un exercice continuel, avait besoin d’un champ nouveau et d’une vaste entreprise.

1070. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

Richard Wagner est, plus que tout, un allemand, et il éprouve, excellemment, le besoin qui est aux âmes allemandes de réfléchir, de raisonner sur tout, et, dans une pleine indépendance de l’esprit, d’aller jusqu’au bout, en toutes choses. […] Puis il réalise cette œuvre rêvée : et, forcé ainsi aux détails pratiques, il songe de plus en plus que l’œuvre d’art idéale a besoin d’une représentation idéale ; le plan gigantesque d’un théâtre national de fête se présente à lui, toujours plus précis. […] Le drame seul est l’expression complète de tous nos besoins artistiques. […] 1° La Religion se compose de mythes ou symboles, nécessaires parce que, toute religion étant la constatation de la fragilité de ce monde et avant pour fin d’en délivrer l’homme, elle a besoin du symbole mystique, du symbole miraculeux pour déterminer le peuple, inintelligent de cette fragilité, à poursuivre la tâche de sa libération. […] Le drame a besoin de montrer des faits ; et il doit les montrer par tous les moyens.

1071. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Quand je le manque, je retourne en grondant à mon antre. » Paul Féval n’aura pas besoin de retourner au sien. […] Cela, joint au talent de l’homme, de l’espèce de Charles Martel du catholicisme qu’était Crétineau, fit un livre incomparable, qu’on ne recommencera pas et qu’on n’a pas besoin de recommencer. […] L’Histoire des Jésuites ne fut guères lue que par ceux qui n’avaient pas besoin de la lire et d’être édifiés sur le compte de ceux qu’elle défend ou qu’elle innocente. […] Nous avions besoin de cette preuve, nous autres chrétiens… Nous avions parmi nous de très hautes intelligences, — des génies même, comme de Maistre et Bonald, — des savants, des docteurs, des éloquents ; mais un homme d’esprit qui sût rire, tout en restant chrétien, il faut bien le dire, il n’y en avait pas. […] Je le serais pour mon plaisir… Son sujet seul m’entre dans le cœur sans avoir besoin de la main puissante de l’écrivain qui l’y pousse… C’est, en effet, pour moi, le normand jusqu’aux ongles, une des plus belles histoires dont puisse être fier mon pays !

1072. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Magnin, qui d’habitude avait besoin d’écrire à tête reposée, était au fond de l’imprimerie du Globe, voisine du Théâtre-Français ; nous étions venus là, plusieurs, au sortir du spectacle : on discutait, on admirait, on faisait des réserves ; il y avait, dans la joie même du triomphe, bien du mélange et quelque étonnement. […] Pour apprécier la finesse et l’utilité de ses travaux en ce genre, il faut avoir lu, il faut avoir eu besoin de lire (quand on a été professeur et obligé soi-même de traiter les mêmes sujets) la série de ses articles sur l’ancien théâtre français dans le Journal des Savants de 1846 et de 1858, les analyses détaillées et spirituelles qu’il donne des anciens jeux, des anciennes farces, sa discussion raffinée sur la principale et la reine de toutes, la farce de Patelin (1855-1856). […] Il en eut besoin, car, dans les derniers temps, il était affligé de toutes les infirmités de la vieillesse, et littéralement cloué sur son lit ou à son fauteuil. […] Magnin, tel que je l’ai connu avant que la maladie fût venue l’affaiblir et attrister ses dernières années ; j’ai besoin de rassembler en quelques mots les impressions que m’a laissées sa personne en des saisons meilleures, et de fixer aux yeux de tous comme aux miens l’idée de sa vie, de ses mœurs, de son habitude studieuse, réfléchie, une sensible et parlante image qui ne puisse se confondre avec nulle autre.

1073. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

« Cependant toutes ces qualités, quelque rares qu’elles soient, pourraient n’être pas suffisantes, si la bonne foi ne leur donnait une garantie dont elles ont presque toujours besoin. […] Il expliquait aussi par là son peu de besoin de sommeil, comme si la nature avait pris ce sommeil en détail et par avance à petites doses. […] Ce Talleyrand a eu bien de la peine à passer au gosier de certaines gens du monde ; il y a eu des arêtes : nous sommes un peuple si réellement léger, si engoué de ses hommes, si à la merci des jugements de société, que l’histoire, pour commencer à se constituer, a souvent besoin de nous arriver par l’étranger… » Et dans une note détachée et inédite, que je retrouve dans le dossier, il disait : « J’ai écrit de bien longs articles, et pourtant ils sont des plus abrégés et des plus incomplets, je le sens, sur un tel sujet. […] Sainte-Beuve, avait défini ainsi lui-même ce qu’il avait voulu faire en écrivant un volume d’Essai sur Talleyrand : « L’idée que j’avais, dit sir Henry Bulwer, c’était de montrer le côté sérieux et sensé du caractère de cet homme du xviiie  siècle, sans faire du tort à son esprit ou trop louer son honnêteté. » Je passe sans transition, et pour finir et ne pas prolonger trop le poids d’une responsabilité qui pèse en ce moment sur l’éditeur seul dans le choix de ces citations authentiques, mais délicates, à un incident qui survint au Temps pendant la publication et dans l’intervalle d’un article à l’autre, et qui avait tout l’air d’une menace J’ai besoin de citer encore la lettre suivante de M. 

1074. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Victorin Fabre se trompa ; les convictions enracinées, le besoin d’approfondir, toutes ces choses honorables lui devinrent funestes. […] non, répondait-il ; nous aurons la liberté anglaise. » Il aimait dès lors et pressentait le genre d’éloquence anglaise, parlementaire, par instinct d’orateur et par besoin d’une honnête liberté dans la parole. […] Villemain, critique et professeur, pût se procurer à tout instant, de quoi qu’il s’agît, le secours de maintes comparaisons, de maints rapports piquants ou lumineux : sa célérité volait d’un camp à l’autre ; il s’y repliait sans peine au besoin, et, pour dire un mot qui n’est guère de sa langue choisie, il s’y ravitaillait toujours. […] Il n’y a pas besoin de prêtres. » — Les journées de Dresde, Culm et Leipzig, dérangèrent la cérémonie qui s’annonçait, on le voit, comme très-prochaine.

1075. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

Peut-être ce goût pour les portraits tient-il en moi à mon imagination plastique et pittoresque, qui a besoin de se représenter fortement la physionomie des choses et des hommes pendant qu’elle lit le récit des événements où ces hommes sont en scène dans le livre. […] Il ne veut plus d’elles le jour où sa cause n’en a plus besoin ; il ne parle plus aux hommes qu’au nom de son génie. […] Ce parti avait besoin pour cela d’agitation ; le calme ne convenait pas à ses desseins. […] Une certaine nonchalance annonçait qu’il s’oubliait aisément lui-même, sûr de se retrouver avec toute sa force au moment où il aurait besoin de se recueillir.

1076. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

« Besoin d’écrire, besoin de penser, besoin d’être seule, non pas seule, avec Dieu et toi. […] J’en ai besoin : nous avons un côté du cœur qui s’appuie sur ce qu’on aime ; l’amitié, c’est quelque chose qui se tient bras à bras.

1077. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

« Au nom de la très sainte Trinité, ce 1er jour du mois d’août de l’année 1822 ; « Moi, Hercule Consalvi, cardinal de la sainte Église romaine, diacre de Sainte-Marie ad Martyres, après avoir fait mon testament plus d’une fois, à diverses époques de ma vie, tant pour désigner mon héritier, qu’afin de pourvoir aux besoins de mes serviteurs et légataires, ainsi qu’à plusieurs affaires d’importance, considérant que, vu la mort de mon bien-aimé frère André et celle d’autres personnes qui m’étaient chères, vu encore le changement des circonstances, mes dispositions précédentes ne peuvent plus subsister dans la manière et la forme qu’elles ont, je me suis décidé à les révoquer, à les annuler et à faire un nouveau testament avec les changements opportuns. […] Jean Giorgi, mon trésorier, et Jean Luelli, mon majordome, personnes qui me sont très attachées, de consulter les curés et de vérifier quels sont ceux qui ont vraiment besoin de secours. […] Me souvenant de la promesse que j’ai faite à mon bien-aimé frère André au lit de mort, lorsque, dans les derniers moments de sa vie, il me demanda qu’en signe du très tendre amour qui nous avait unis dans la vie, nos corps fussent unis dans la mort et renfermés dans le même sépulcre, je veux que si, à ma mort, ce sépulcre ne se trouve pas déjà préparé par moi, mon héritier en fasse faire un très modeste, et qui contiendra le cercueil de mon frère et le mien. » Après avoir pourvu aux besoins de son âme, réglé sa sépulture et spécifié avec une attention toute particulière les prières qu’il exige pour son salut, le cardinal Consalvi détermine les legs qu’il accorde à ses serviteurs. […] Les laïques sont ceux qu’elle emploie soit dans le civil, dans la diplomatie, dans les finances ou dans le militaire, pour les besoins de son administration ou de sa défense ; Les ecclésiastiques sont les moines ou les prêtres de tout ordre, dont elle dispose pour tous les services dans le monde chrétien.

1078. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

« De même que l’homme a besoin d’exprimer ce qu’il sent pour le bien comprendre et pour se rendre compte de ses impressions, en les communiquant à ses semblables, de même mon âme, recueillie en soi-même, sent un foyer croissant de contemplation intérieure qui l’échauffe, l’embrase, l’incendie, et cherche à se répandre au dehors. […] Mille autres besoins de mes sens et de mon âme se partagent mon existence ; puis je meurs, c’est-à-dire que cette existence cesse ici-bas, que mon âme, mon souffle, mon principe d’être, s’évanouit dans la douleur, la douleur mortelle, preuve que l’immortalité est mon premier besoin, et que je vais chercher ma vie nouvelle et supérieure, avec des conditions parfaites ou meilleures, avec ceux ou celles que je quitte en pleurant et regrette dans ce monde. XIII Mais, avant de mourir, le besoin de penser et de conclure me travaille incessamment.

1079. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

Sans doute aussi, dans les deux autres périodes, son optimisme féminin, son besoin d’aimer les gens dont elle disait l’histoire, lui ont fait peupler ses romans d’êtres plus généreux, de passions plus nobles, de plus belles douleurs qu’on n’en rencontre selon la loi commune de l’humanité ; elle forme des idées de pures ou hautes créatures sur qui sa large sympathie puisse se reposer sans regret. Cependant elle sait que les modèles dont son art a besoin sont dans la vie ; elle professe que, pour trouver des sujets de roman, il n’y a qu’à regarder autour de soi ; elle prend son point de départ dans la réalité. […] Il a un besoin fiévreux d’activité. […] Tous les défauts disparaissent dans la grandeur de l’ensemble, et lorsqu’on feuillette le Répertoire de la comédie humaine, on a besoin de faire effort pour distinguer les personnages fictifs des individus historiques qui sont mêlés parmi eux.

1080. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

Parmi les personnes qui m’écoutent, il en est peut-être qui viennent chercher ici des notions sur l’art d’écrire, avec l’intention de s’y exercer elles-mêmes ; il en est d’autres qui ne veulent qu’éclairer leur jugement, orner leur esprit et former leur goût ; mais le plus grand nombre, dont le jugement, l’esprit et le goût pourraient donner des leçons au lieu d’en recevoir, n’ont besoin que de se souvenir. […] Le terrain le plus fertile a besoin d’être cultivé. […] L’art de combiner ces sons, au moyen d’articulations distinctes, est né pour nous du besoin de vivre en société : le langage est une convention des hommes. […] « Nous vivons de prestige, et nous avons besoin « De nous farder de rouge et d’être vus de loin.

1081. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

« Un caractère particulier de la France, et surtout de Paris, écrivait, en 1817, Joseph de Maistre, c’est le besoin et l’art de célébrer. » Depuis 1817, grâce à la politique, le besoin est devenu plus grand, et l’art moins délicat. […] Ce que le poète, dans ces prouesses d’art pur, laisse échapper de sentiments délicats et d’aperçus fins sur la vie morale, fait regretter qu’il n’ait pas eu plus souvent besoin de tourner du dehors au dedans un œil qui voit si bien, et qu’il ait semblé parfois se servir de l’art, comme les Orientaux de l’opium, pour se dérober aux souffrances de la pensée. […] L’Histoire du Consulat et de l’Empire a contenté ce besoin de notre temps, avec un assentiment extraordinaire des bons juges et de la foule.

1082. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Il sert son génie au lieu d’abaisser son esprit à servir ses besoins matériels et les fantaisies de sa sensibilité ou de sa vanité. […] Voici devant lui un rêve mélancolique, vaguement médiéval, non par amour d’une époque déterminée, mais par nostalgie, par besoin de fuite, et d’imprécision, et de lointain. […] Souvent, par besoin inconscient de renouveler leur musique, ils chantent des théories jeunes encore ; mais ils n’ont pas la puissance de les créer eux-mêmes. […] Étrange et admirable conception où s’expriment à la fois les besoins latins de clarté et les inquiétudes orientales ou hercyniennes d’infini : ici, c’est d’en bas que vient la lumière.

1083. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Il a besoin de cent mille francs pour une nouvelle expérience : cette fois il se croit sûr du succès. […] Elle le trompe, de son consentement, pour les besoins de la caisse, avec un certain Cantenac, habitué de hautes maisons de banque, qui lui prédit les cours de la Bourse. […] Les changements à vue de la politique, la hausse des besoins, la baisse de l’argent, le crescendo du luxe, le train à la fois positif et effréné, moitié américain et moitié Régence, qu’ont pris les mœurs et la vie sociale, tout cela, en vingt-cinq ans, a fait l’œuvre d’un siècle entre les pères et les fils, entre les hommes de 1840 et les jeunes gens de 1866. […] Ainsi brutalement tâté, au point sensible de l’honneur, Lucien se révolte et s’indigne ; mais sa protestation verbale aurait besoin de la confirmation d’un soufflet.

1084. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Les besoins qu’elle est appelée à soulager sont toujours pressés et, par suite, la pressent d’aboutir ; ils réclament, non des explications, mais des remèdes. […] Il faut donc que le sociologue, soit au moment où il détermine l’objet de ses recherches, soit dans le cours de ses démonstrations, s’interdise résolument l’emploi de ces concepts qui se sont formés en dehors de la science et pour des besoins qui n’ont rien de scientifique. […] Ce qu’il faut, c’est constituer de toutes pièces des concepts nouveaux, appropriés aux besoins de la science et exprimés à l’aide d’une terminologie spéciale. […] Elle a besoin de concepts qui expriment adéquatement les choses, telles qu’elles sont, non telles qu’il est utile à la pratique de les concevoir.

1085. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

Mais l’auteur du Ventre de Paris n’avait inventé son héros que pour les besoins de sa Halle, et pour en faire tourner à vous en donner des bluettes, dans une valse de description éternelle, toutes les nombreuses faces autour de lui ! […] Je n’ai pas besoin de la nommer. […] Je n’ai pas besoin même de morale pour condamner absolument un livre inouï, qui semble une gageure dans ce qu’il a, il faut bien le dire, de trivial et de crapuleux. […] … Le grand homme de La Comédie humaine a créé et fait souvent parler, pour le besoin de ses romans, des Auvergnats, des Allemands, des portiers ; mais sans, pour cela, devenir Auvergnat, Allemand ou portier.

1086. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Homme moderne, quoiqu’il ait besoin d’échapper à la préoccupation moderne, — l’individualisme du Contrat social, de Rousseau, — il a trouvé une situation et il l’a exploitée, mais il s’est circonscrit, il s’est calfeutré dans cette situation. […] Fanny devait retourner à son mari, parce qu’il était son mari, voilà tout, par l’inévitable nature des choses, et nous n’avions pas besoin de cette goutte d’un sang corrompu pour l’expliquer. […] Feydeau n’avait pas besoin de présentation pour être agréé du public. […] Riche, noble, — on n’a plus besoin de noblesse, — et on ne dit pas qu’il le soit, misanthrope marié et trompé indignement par sa femme, qui mériterait bien, par parenthèse, de s’appeler Fanny, car elle lui ressemble horriblement, si ce n’est pas elle.

1087. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Borel, Petrus (1809-1859) »

… Et le besoin qui me hurle aux oreilles Étouffant tout penser qui se dresse en mon sein, Aux accords de mon luth que répondre ?

1088. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — Q — Quinet, Edgar (1803-1875) »

Elle a le double aspect, ce qu’on pourrait appeler le double versant, politique et littéraire, et par conséquent la double utilité dont notre siècle a besoin ; d’un côté le droit, de l’autre l’art ; d’un côté l’absolu, de l’autre l’idéal… Le style d’Edgar Quinet est robuste et grave, ce qui ne l’empêche pas d’être pénétrant.

1089. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 430-432

Il n’a donc besoin que d’acquérir un peu plus de vivacité & de précision, quand même il se borneroit à des discussions érudites.

1090. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XIV. Le procès funèbre de la bouche »

C’était elle qui parlait pour moi quand j’éprouvais le besoin de me donner un peu de mouvement.

1091. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Elle représenta au roi, après une visite qu’il avait faite à Noisy et dont il avait été fort content, que « la plupart des familles nobles de son royaume étaient réduites à un pitoyable état par les dépenses que leurs chefs avaient été obligés de faire à son service ; que leurs enfants avaient besoin d’être soutenus pour ne pas tomber tout à fait dans l’abaissement ; que ce serait une œuvre digne de sa piété et de sa grandeur, de faire un établissement solide qui fût l’asile des pauvres demoiselles de son royaume, et où elles fussent élevées dans la piété et dans tous les devoirs de leur condition. » Le père de La Chaise appuyait le projet ; Louvois se récriait sur la dépense. […] Élever les demoiselles « chrétiennement, raisonnablement et noblement », était le but, mais il y avait à craindre que ce noblement ne menât au mépris de l’humilité, que ce raisonnablement ne menât au besoin de raisonner. […] Et ce n’était pas seulement Bayle qui écrivait ces choses, c’était Mme de Maintenon qui le disait aussi et qui reconnaissait cela pour vrai dans les conseils qu’elle donnait à une demoiselle sortie de Saint-Cyr : Ne soyez jamais sans corps (sans corset, c’est-à-dire en déshabillé), et fuyez tous les autres excès qui sont à présent ordinaires, même aux filles, comme le trop manger, le tabac, les liqueurs chaudes, le trop de vin, etc. ; nous avons assez de vrais besoins sans en imaginer encore de nouveaux si inutiles et si dangereux.

1092. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

» et je crois vraiment que ses prières nous firent bien profit au besoin. […] Joinville blessé et démonté se défendait comme il pouvait dans un coin de la plaine, et se souvenant en cette détresse de monseigneur saint Jacques : « Beau sire saint Jacques que j’ai tant requis, s’écriait-il, aidez-moi et me secourez en ce besoin !  […] Saint Louis assemble son conseil un dimanche (19 juin 1250) : ce conseil se compose de ses frères, du comte de Flandre et autres seigneurs et barons ; il leur expose que sa mère le rappelle en France, où les affaires du royaume le réclament ; que, d’un autre côté, les chrétiens d’Orient ont encore besoin de lui, et que, s’il part, tous ceux qui sont à Acre voudront partir également ; et, les priant d’y réfléchir, il les remet à huitaine pour entendre leur avis.

1093. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Le plus souvent il n’avait qu’à se montrer pour donner courage à ses alliés du dedans, aux bons habitants qui entraînaient les autres : les consuls et échevins, plus circonspects d’ordinaire et gens déjà de juste milieu, ont besoin pour se rendre que la rue s’en mêle et qu’on leur force la main. […] En conseillant au roi de faire impérieusement, et même avec menaces (s’il en était besoin), ces demandes assez singulières à ses alliés protestants pour battre ses sujets protestants, le cardinal, à qui son tact présageait qu’on obtiendrait tout, savait bien pourtant qu’il se mettait en grand hasard auprès du maître si l’on essuyait un refus : Qui se fût considéré lui-même, dit-il dans un sentiment de généreux orgueil, n’eût peut-être pas pris ce chemin qui, étant le meilleur pour les affaires, n’était pas le plus sûr pour ceux qui les traitaient ; mais sachant que la première condition de celui qui a part au gouvernement des États est de se donner du tout au public et ne penser pas à soi-même, on passa par-dessus toutes considérations qui pouvaient arrêter, aimant mieux se perdre que manquer à aucune chose nécessaire pour sauver l’État, duquel on peut dire que les procédures basses et lâches des ministres passés avaient changé et terni toute la face. […] Cependant un tel état de choses où une partie de la nation était occupée à brider l’autre, qui la tenait en échec à son tour, ne pouvait subsister sans le plus grand détriment pour la monarchie et pour la France, qui, en face de l’Europe et dans cette reconstitution alors générale des forces politiques modernes, avait besoin d’être une et de se rassembler.

1094. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Au moment du départ, et lorsque le prince était encore en Suède, Frédéric lui écrivait (12 août 1770) : « Vous apprendrez à connaître là bien des gens dont nous avons besoin. […] Le fait est que la liaison entre l’impératrice Catherine et Frédéric n’était pas ce qu’on la supposerait quant à l’intimité, et le roi avait eu grand besoin de son frère pour prendre peu à peu toutes ses liaisons utiles avec cette grande puissance du Nord, qui lui avait fait jusque là l’effet d’un monde inconnu. […] Vous voyez un peu noir dans nos affaires ; j’avoue que nous n’avons pas toutes les assistances que nous pourrions désirer ; mais nous ne nous manquerons pas à nous-mêmes, si le besoin le demande. (18 mars 1778.) 

1095. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

Frédéric fit dire à La Beaumelle qu’il n’avait pas besoin de ses services, et celui-ci dut quitter Berlin. […] Monsieur de Maupertuis, vous ne sauriez me prévenir, et il est juste que le besoin aille au-devant de ce qui peut le satisfaire. […] je crois étudier Frédéric, je me livre à le critiquer ou à l’approuver, je m’appuie au besoin de son autorité et de sa parole, et je suis dupe, je suis mystifié, je n’ai en main que du La Beaumelle, de la fausse monnaie à effigie de roi !

1096. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

Son amour-propre avait grand besoin d’être consolé. […] Marolles, appliquant à toute espèce de sujets le nouveau talent qu’il s’était découvert, lâcha donc les rimes par milliers, et de plus il en savait exactement le chiffre : il calculait que, d’une part, l’ensemble de ses traductions en vers des poètes profanes (sans parler d’une géographie sacrée, d’une description de Paris, etc., etc.) formait un total de 133124 vers, et que, d’autre part, ses traductions poétiques des livres sacrés, des grands et des petits prophètes, etc., etc., allaient à plus de 40000 vers : « Si quelqu’un sans besoin (c’est-à-dire apparemment, sans y être forcé) en peut mettre autant en ligne de compte, je serais bien trompé », ajoutait-il ; et il nous assure qu’il s’y est agréablement diverti. […] » M. de Tende ne fut pas en reste, et lui rivant son clou : « Monsieur, ne faites pas tant le difficile ; quand on a besoin d’un pardon général, on peut bien en accorder un particulier. » On a relevé une plaisante bévue de Marolles, qui a cité quelque part Politien dans sa traduction du Moschus de Théocrite, pour dire que Politien avait traduit L’Amour fugitif de Moschus.

1097. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Mais pour l’exécution d’une telle pensée, il avait besoin d’auxiliaires de choix : un hasard heureux les lui faisait rencontrer, déjà réunis en groupe. […] En peu de temps, à la vérité, elle fit d’étonnants progrès, ainsi que nous le voyons par les écrits d’Amyot, pour la prose, et de Marot pour les vers ; mais, attentifs à leurs plus pressants besoins, les écrivains de ce temps n’allaient pas tant à polir notre langue qu’à l’enrichir » ; à propos de ce passage, M.  […] D’Olivet n’a pas tant besoin d’excuse.

1098. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Tout au plus, de temps en temps, un souvenir, un regret vague, le besoin qu’on pouvait avoir l’un de l’autre, s’était fait sentir confusément et sans qu’on s’en rendît bien compte ; le résultat seul nous en avertit. […] Blanche, elle avait des froideurs de teint qui sentaient la vie à l’ombre et l’absence totale d’émotions, des yeux qui s’ouvraient mal comme au sortir du sommeil ; ni grande, ni petite, ni maigre, ni grasse, avec une taille indécise qui avait besoin de se définir et de se former : on la disait déjà fort jolie, et je le répétais volontiers, sans y prendre garde et sans y croire. » Patience ! […] Je sentis, à la vive et fraternelle étreinte de ses deux petites mains cordialement posées dans les miennes, que la réalité de mon rêve était revenue ; puis, s’emparant avec une familiarité de sœur aînée du bras d’Olivier et du mien, s’appuyant également sur l’un et sur l’autre, et versant sur tous les deux, comme, un rayon de vrai soleil, la limpide lumière de son regard direct et franc, comme une personne un peu lasse, elle monta les escaliers du salon. » Est-il besoin de remarquer que Dominique, le narrateur qui est ici le peintre, n’a fait entrer dans son tableau que ce qu’il a eu réellement motif de voir, d’entendre, de retenir, ce qui est en rapport avec son sentiment, — le son des grelots qui lui annonçait l’approche désirée, — le voile bleu qui tout d’abord a frappé son regard ?

1099. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

Après cette retraite précipitée de la Galice, Ney, qui vient d’être placé sous le commandement de Soult, en est blessé ; il sent aussi le besoin de s’expliquer, de s’excuser auprès de l’Empereur, et il lui envoie Jomini, qui arrive à Vienne au lendemain de Wagram (juillet 1809). […] Une ouverture avait déjà été faite de ce côté auprès de Jomini en 1807, pour qu’il entrât au service de la Russie, qui croyait avoir besoin à ce moment d’officiers de mérite, et qui a toujours été accueillante pour les étrangers. […] Le parti qui me reste à prendre n’est pas difficile à préjuger : je dois soutenir mon rôle et savoir mourir au besoin.

1100. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

On peut trouver à redire au pêle-mêle, désirer plus de discernement dans cette pêche miraculeuse de chaque matin, demander trêve pour les plus jeunes, qui ont besoin d’attendre et de grandir, pour les plus mûrs, dont cette impatience puérile interrompt souvent la lenteur fécondante ; mais enfin il semble qu’au prix de quelques inconvénients on obtient au moins cet avantage de ne rien laisser échapper qui mérite le regard. […] L’athéisme et le fatalisme dogmatique des Rêveries ont fait place à un doute universel non moins accablant, à une initiative de liberté qui met en nous-même la cause principale du bonheur ou du malheur, mais de telle sorte que nous ayons besoin encore d’être appuyés de tous les points par les choses existantes. […] Ces signalements de notre façon suffiraient pour les faire reconnaître : mais tout lecteur digne d’Oberman n’aura besoin de guide autre que lui-même, dès qu’il s’y sera plongé. 

1101. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

On a retrouvé alors, ou, au besoin, on a réinventé tout cela : il y a eu, dans la grande reconstruction, du vrai, du solide et de l’authentique ; il y est aussi entré bien du mensonger, de l’apocryphe et du postiche. […] La fatuité combinée à la cupidité, à l’industrialisme, au besoin d’exploiter fructueusement les mauvais penchants du public, a produit, dans les œuvres d’imagination et dans le roman, un raffinement d’immoralité et de dépravation qui devient un fait de plus en plus quotidien et caractéristique, une plaie ignoble et livide qui chaque matin s’étend. […] Ce hasard et cette fougue dans les impulsions, cette absence de direction et de conviction dans les idées, jointe au besoin de produire sans cesse, amènent de singulières alternatives de disette et de concurrence, des revirements bizarres dans les entreprises, un mélange d’indifférence pour les sujets à choisir et d’acharnement inouï à les épuiser.

1102. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

Je suis, grâce à mon bavardage sur moi-même, tellement décrié que je n’ai pas besoin de l’être plus ; et si mes lettres, qui nagent dans vos appartements, échouaient en quelques mains étrangères, cela donnerait le coup de grâce à ma mourante réputation… » Je n’avais pas jugé utile dans le premier travail de faire entrer ce fragment, qui en dit plus que nous ne voulons, qui en dit trop, car certainement Benjamin Constant valait infiniment mieux que la réputation qu’il s’était faite alors ; mais enfin il se l’était faite, comme lui-même il en convient : étais-je donc si en erreur et si loin du compte quand j’insistais sur certains traits avec précaution, avec discrétion ? […] A un certain degré, cette mêlée, cette lutte de diverses natures en une seule, aurait pu paraître intéressante, et elle a certainement paru telle à quelques personnes qui l’ont connu ; je sais une femme distinguée qui a écrit : « On sent dans Benjamin Constant un besoin d’être aimé, dirigé, soigné, qui charme à côté de si grandes facultés… » Pourtant, à moins d’être femme peut-être, et avec la meilleure volonté du monde, il n’y a pas moyen de n’être point ici frappé de ce choc d’éléments inconciliables et d’un désaccord qui crie. […] Je me le suis souvent reproché, mais j’ai tant couru le monde, surtout depuis le printemps, que je ne savais où je pourrais recevoir votre réponse, et c’est bien dans l’espoir d’obtenir de vos nouvelles, et par le besoin de cœur que j’en ai, que je vous écris.

1103. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

« Une toux haletante secoue les porcs malades, enfle leur gorge et les étouffe. » Ainsi nous n’avons pas besoin, pour excuser Homère, de dire avec Boileau que le terme d’âne était noble chez les Grecs. […] Elle languit et s’altère avec lui ; elle a besoin de sa perfection et de sa santé et nous, qui la contemplons, nous avons beau nous attacher aux choses spirituelles, nous ne pouvons nous détacher des choses corporelles. […] Il atteint, quand il en a besoin, l’ampleur des périodes, et la régularité des strophes.

1104. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

L’homme, par un instinct occulte, mais fatal, semble avoir senti, dès le commencement des temps, le besoin d’exprimer dans un langage différent ces choses différentes. […] L’homme n’a pas besoin de le discerner, il le sent. […] Il passa quelques semaines dans ce prieuré ; il distribua aux indigents de la contrée tout ce qu’il put retrancher de ce modique revenu à ses besoins les plus restreints.

1105. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Et, d’autre part, historien averti par l’étude des réalités, il comprit que l’enseignement doit être quelque chose de souple et de varié dans ses formes et qui s’applique aux catégories les plus diverses d’aptitudes, de besoins ou de conditions. […] Par là, et par l’ampleur, l’harmonie, la beauté rationnelle et la souplesse du plan conçu ; par l’activité ardente et méthodique déployée dans l’exécution ; par l’importance des résultats acquis et des fondations demeurées ; enfin par le bonheur qu’il eut d’imprimer à tout l’enseignement national une direction si juste, si bien prise dans le droit fil des plus légitimes besoins et des meilleurs désirs de notre temps, que ses successeurs, depuis vingt-cinq ans, n’ont eu qu’à la maintenir, j’ose dire que le ministère de M.  […] Puis il s’agit d’une de ces entreprises qui ont besoin du temps pour être consommées et pour porter leurs vrais fruits.

1106. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Certaines conditions de vie, certaines coutumes, certains besoins n’ont-ils pas une coexistence internationale ? […] Ces procédés d’enquête (ai-je besoin de le dire ?) […] Cette notion a besoin d’être complétée.

1107. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

Dans des temps où régnait la force, où tout étranger était un ennemi, tout être faible une proie, l’homme avait senti le besoin de se prémunir contre sa propre violence ; il avait bridé ses fureurs par des freins sacrés. […] La ville dont il avait embrassé l’autel l’adoptait comme son citoyen ; au besoin elle prenait les armes contre ses ennemis ou ses proscripteurs […] » dirait volontiers Pélasgos aux Danaïdes. — « Argos n’a pas besoin de fléaux… N’est-ce pas un malheur déplorable que pour des femmes les hommes ensanglantent la terre ?

1108. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

La vie s’est faite onéreuse, ses conditions se sont compliquées, ses voies se resserrent et s’encombrent, les intérêts, les besoins, les tentations, les désirs se sont multipliés à outrance. […] Peut-être est-il trop vieux pour les besoins de la cause. […] Pas n’est besoin d’être grand clerc pour calculer de l’œil l’écart qui existe entre la fortune de la maison et son mobilier.

1109. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Après le premier sentiment d’intérêt et d’admiration pour cette jeune, simple et généreuse victime, on sent le besoin, afin même de mieux l’admirer, de se l’expliquer tout entière, de se rendre parfaitement compte et de sa sincérité et des mobiles qui la faisaient agir, du genre de foi qu’elle y attachait ; et la pensée va encore au-delà, elle va jusqu’à s’enquérir de ce qu’il pouvait y avoir de réel dans le fond de son inspiration même. […] Encore une fois, je crois entrevoir là une Jeanne d’Arc primitive, possédée de son démon ou génie (nommez-le comme vous voudrez), mais de son génie accoutré à la mode du temps, la vraie Pucelle en personne, sans rien de fade ni de doucereux, gaie, fière, un peu rude, jurant par son bâton et en usant au besoin, un peu exaltée et enivrée de son rôle, ne doutant de rien, disant : Moi, c’est la voix de Dieu, parlant et écrivant de par le Dieu du ciel aux princes, aux seigneurs, aux bourgeois des villes, aux hérétiques des pays lointains, disposée à trancher dans les questions d’orthodoxie et de chrétienté pour peu qu’on lui laissât le temps d’écouter ses voix. […] Elle était parfaitement chaste, est-il besoin de le dire ?

1110. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Ce qui ressort des premiers travaux de ce jeune homme, déjà arrivé à l’âge de trente ans, c’est l’indépendance du jugement, l’habitude d’avoir son avis en toute matière sans en demander la permission à son voisin ; et le besoin d’exprimer cet avis hautement et devant le public. […] Elle développe cet amour de la domination qui forme le second instinct de l’homme ; rendez-lui aujourd’hui l’indépendance, demain il l’aimera comme moyen d’autorité, et, une fois soustrait à la puissance des lois, son premier besoin sera de l’usurper. […] Ce mot de déiste appliqué à Mallet du Pan a paru hasardé à quelques personnes : est-il besoin de dire que, dans mon esprit, il n’emporte aucune idée défavorable, et que je le prends dans un sens qui n’est pas exclusif d’un certain christianisme ?

1111. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Le besoin de conservation éprouvé dès l’enfance développe dans l’homme un génie particulier. […] Il n’est pas besoin d’être spécial pour distinguer la nature du talent de Marmont dans les parties savantes de la guerre ou de l’administration militaire. […] Il indique comme première condition de salut le besoin d’établir l’unité de commandement, et de réunir sous une même autorité toutes les troupes et tout le pays depuis Bayonne jusques et y compris Madrid et la Manche.

1112. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

L’esprit humain, pour sortir de la routine où il est sujet à s’endormir et à se rouiller, a de temps en temps besoin d’un précepteur philosophique nouveau : ce précepteur excitateur, qui doit quelque peu se mettre à la portée des gens du monde, varie beaucoup selon les pays et selon les temps : tantôt ce sera La Sagesse de Charron, tantôt La Logique de Port-Royal ou même Malebranche en ses Entretiens, tantôt Locke qui, pour la France, fut toujours trop long. […] Il a pour M. de Suhm une haute estime mêlée de sympathie et de tendresse, et, pour l’exprimer, il semble emprunter quelque chose aux dialogues des anciens : Vous savez, sans que j’aie besoin de vous le répéter, que la connaissance des perfections est le premier mobile de notre plaisir dans l’amour et dans l’amitié qui est fondée sur l’estime. […] Il aura l’avantage des génies supérieurs qui est de se rendre, pour ainsi dire, maître des conjonctures, de les faire naître et de les gouverner à son gré par sa sagesse ou par sa constance, par sa modération ou par sa bravoure, selon le cas et le besoin.

1113. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Le poëte n’a pas besoin que son œuvre ait un objet en dehors de lui : c’est un monde qu’il ajoute au monde, c’est une création dans la création. […] De cette manière, on pourrait concilier le respect du passé avec les besoins de l’avenir, tenir compte de ce qui a précédé sans s’y asservir, ne pas sacrifier la philosophie à son histoire, et tout en absorbant les systèmes passés créer cependant des systèmes nouveaux. […] Qui sait même si l’idée ne découvrira pas un jour qu’elle n’avait pas besoin de Hegel, ni même d’aucun esprit humain, pour prendre conscience d’elle-même, et que cette conscience lui est coéternelle, coessentielle, consubstantielle ?

1114. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Pour cela besoin serait d’une tête de premier ordre ; car où la vérité n’est pas les ressources de l’esprit doivent être immenses ; et il n’y a point de ces têtes-là dans le parti ultramontain, parmi ces hommes passionnés qui sont comme la mauvaise monnaie de l’esprit et des opinions de Joseph de Maistre. […] Cet intelligent pays est trop mûr d’idées et trop jeune d’actes pour n’avoir pas les besoins, les passions et les volontés des peuples qui croient à un avenir prochain. […] Or, comment se conduisit le héros de Hurter dans la question d’où devait sortir la gloire de son règne et sur laquelle, à ce qu’il semble, l’intérêt de l’Église était si éclatant qu’il n’était pas besoin d’être un aigle pour voir des choses d’une telle lumière ?

1115. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

car l’humanité aura toujours besoin de symbolisme. […] Si la pleine liberté de la Critique était consentie, si la Science avait le droit d’agir en vue seulement des résultats scientifiques, on n’aurait plus besoin de rien, on aurait tout, et les vêpres siciliennes de la philosophie sonneraient, à pleines volées, sur nos têtes ! […] On en avait besoin, du reste.

1116. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

Un point est en tout cas incontestable, c’est que, si la télépathie est réelle, elle est naturelle, et que, le jour où nous en connaîtrions les conditions, il ne nous serait pas plus nécessaire, pour avoir un effet télépathique, d’attendre un « fantôme de vivant », que nous n’avons besoin aujourd’hui, pour voir l’étincelle électrique, d’attendre comme autrefois le bon vouloir du ciel et le spectacle d’une scène d’orage. […] Plus précisément, le rôle du cerveau est de faire que l’esprit, quand il a besoin d’un souvenir, puisse obtenir du corps l’attitude ou le mouvement naissant qui présente au souvenir cherché un cadre approprié. […] je ne sais ; mais incontestablement c’est par les mathématiques que le besoin de la preuve s’est propagé d’intelligence à intelligence, prenant d’autant plus de place dans l’esprit humain que la science mathématique, par l’intermédiaire de la mécanique, embrassait un plus grand nombre de phénomènes de la matière.

1117. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « À M. le directeur gérant du Moniteur » pp. 345-355

Je vous remercie de m’encourager ainsi et de m’enhardir, et bien réellement j’avais si fort besoin d’être rassuré que je ne vous écris ceci que pour vous dire comme quoi je n’ose, même après votre mot aimable, venir parler de Catherine. […] Mais il fallait bien faire payer à l’auteur son premier succès, qui avait été d’entraînement et de surprise : au reste, je ne l’en plains pas ; il est de force à soutenir la lutte, il en a besoin peut-être, et il n’est pas de ces jolis talents qui ne vivent qu’à condition d’être dorlotés.

1118. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers »

Ney, à peine arrivé et immédiatement mis à la tête de son corps d’armée, crut avoir, besoin de quelques heures pour se reconnaître, pour prendre idée des troupes qu’il commandait : la lenteur à attaquer dans la soirée du 15 pouvait se réparer aisément le lendemain. […] Napoléon prêt à monter à cheval pour aller reconnaître la plaine de Fleurus, destinée à la bataille du jour, recommandait expressément à Ney par une lettre détaillée d’occuper fortement les Quatre-Bras, de se porter même un peu en avant, et cependant de n’engager pas trop la cavalerie légère de la garde ni même les cuirassiers de Valmy, de tenir une de ses divisions à droite, afin d’être en état de se rabattre au besoin sur Fleurus et d’aider au succès définitif de la journée.

1119. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

Ce n’était plus une aveugle exaspération suivie de lassitude et de repentir, comme sous la Ligue ; ce n’était plus l’étourderie émoustillée de la Fronde : de graves événements avaient illustré, mûri, moralisé ce peuple sur lequel Gargantua s’était permis autrefois de si inconcevables licences ; 89 et Napoléon avaient enseigné, inculqué à tout jamais au tiers état la dignité de l’homme, l’énergie civilisatrice, et lui avaient fait un besoin des plus mâles et inviolables sentiments. […] Il n’a guère fait dans sa vie, je crois, de plus long voyage que celui de la rue Montorgueil à Péronne ou peut-être à Dieppe, et en vérité il n’a pas eu besoin d’en voir davantage.

1120. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

Certes il n’était pas besoin d’entrer dans de telles particularités enfantines pour établir, ce qui est très-vrai, que Victorin Fabre, imbu des principes de 89, y resta constamment fidèle, et fut jusqu’à son dernier jour un patriote de ce temps-là ; pas plus qu’il n’était besoin, je pense, pour établir l’excellence de ses premières études, d’enregistrer ce propos mémorable d’un de ses maîtres : Enfin je ne lui connais d’autre défaut que celui de ronger ses ongles !

1121. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Des soirées littéraires ou les poètes entre eux »

De plus faibles, de plus jeunes, de plus expansifs, après lui, ont senti le besoin de se rallier ; de s’entendre à l’avance, et de préluder quelque temps à l’abri de cette société orageuse qui grondait alentour. […] L’ami du poëte, le confident de ses jeunes mystères, comme a dit encore Chénier, a besoin d’entrer dans les ménagements d’une sensibilité qui ne se découvre à lui qu’avec pudeur et parce qu’elle espère au fond un complice.

1122. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Appendice sur La Fontaine »

Il est fort facile et fort vrai de dire que La Fontaine se pénétra du style de Marot, de Rabelais, et le reproduisit avec originalité ; mais de Marot et de Rabelais à La Fontaine il n’y a pas moins de cent ans d’intervalle ; et, quelque vive sympathie de talent et de goût qu’on suppose entre eux et lui, une si parfaite et si naturelle analogie de manière, à cette longue distance, a besoin d’explication, bien loin d’en pouvoir servir. […] Sa dissertation sur Joconde, et vingt passages formels où il rend à son confrère un éclatant hommage, l’attesteraient au besoin.

1123. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

L’entrée en matière de ses Annales fait espérer d’utiles révélations ; en quelques mots profonds et rapides, il montre le monde fatigué des guerres civiles, un besoin général de repos et de sécurité ; Auguste, maître de l’armée par ses largesses, du peuple par ses distributions, des nobles par ses faveurs, de tous par la douce tranquillité de son gouvernement ; les provinces acceptant avec joie cette domination d’un seul homme par aversion pour l’empire du sénat et du peuple, pour les combats des grands, pour l’avarice des magistrats, pour la violence, la corruption et la brigue qui avaient pris la place des lois ; enfin, la République s’effaçant peu à peu du souvenir d’une société qui, sous un sceptre protecteur, goûtait un repos dont elle avait été si longtemps privée. […] Est-il besoin d’en dire davantage ?

1124. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Préface de la seconde édition » pp. 3-24

L’on a besoin d’un gouvernement plus éclairé, qui respecte davantage l’opinion publique au milieu des nations où les lumières s’étendent chaque jour ; et quoiqu’on puisse toujours opposer les désastres de quelques années à des raisonnements qui ont pour base les siècles, il n’en est pas moins vrai que jamais aucune contrée de l’Europe ne supporterait maintenant la longue succession de tyrannies basses et féroces qui ont accablé les Romains. […] que les Romains ont étudié la philosophie, ont possédé des historiens connus, des orateurs célèbres et de grands jurisconsultes, avant d’avoir eu des poètes ; 2º. que leurs auteurs tragiques n’ont fait qu’imiter les Grecs et les sujets grecs ; 3º. je développe un fait que je croyais trop authentique pour avoir besoin d’être expliqué ; c’est que les chants de l’Ossian étaient connus en Écosse et en Angleterre par ceux des hommes de lettres qui savaient la langue gallique, longtemps avant que Macpherson eût fait de ces chants un poëme, et que les fables islandaises et les poésies scandinaves, qui ont été le type de la littérature du Nord en général, ont le plus grand rapport avec le caractère de la poésie d’Ossian.

1125. (1895) Histoire de la littérature française « Avant-propos »

J’ai donc indiqué sur chaque écrivain de quelque importance les principaux ouvrages à consulter, m’attachant de préférence à signaler les recherches qui fournissent des renseignements positifs auxquels nulle finesse d’intelligence ne peut suppléer, et parmi les études des critiques, indiquant surtout les contemporains dont le jugement littéraire se trouve en relation avec toutes les idées et les besoins du temps présent. […] On saura aussi aller trouver Nisard au besoin.

1126. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

Avec les bergères, au moins, point n’était besoin, comme avec les dames, d’allégorie ni de métaphysique. […] Il n’est pas besoin d’avoir lu La Calprenède pour dire de quelqu’un qu’il est fier comme Artaban.

1127. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « José-Maria de Heredia.. »

Mais le souci de perfection et le besoin de beauté qui hantaient les Parnassiens devaient, au moins dans les commencements (car toute école nouvelle est intransigeante), les conduire à préférer la poésie impersonnelle, presque uniquement descriptive et plastique, celle qui demande ses tableaux à l’histoire et à la légende ou qui reproduit les symboles par lesquels l’humanité passée s’est représenté l’univers. […] Ce tour d’imagination héroïque et ce besoin d’exactitude et de clarté s’expliquent l’un et l’autre par les origines et par l’éducation de M. de Heredia.

1128. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Baudelaire, Œuvres posthumes et Correspondances inédites, précédées d’une étude biographique, par Eugène Crépet. »

Le jeune marquis Wolfgang de Cadolles, fils d’émigré, s’enrôle dans l’armée de l’empereur par besoin d’action, patriotisme, amour de la gloire. […] Malgré mes grands cheveux blancs qui me donnent l’air d’un académicien (à l’étranger), j’ai grand besoin de quelqu’un qui m’aime assez pour m’appeler son enfant… » Il lui demande, un jour, un article sur les Histoires extraordinaires de Poë ; Sainte-Beuve promet l’article, ne l’écrit point, et Baudelaire ne lui en veut pas L’affection de Baudelaire pour le grand critique datait de loin ; les Poésies de Joseph Delorme étaient déjà, au collège, un de ses livres de prédilection ; et à vingt ans, il envoyait des vers (dont quelques-uns assez beaux) à son poète favori… Et, en effet, les poésies de Sainte-Beuve, — si curieuses mais qui ne sont aujourd’hui connues et aimées que d’un petit nombre de lettrés, ressemblent déjà par endroits, sinon à des « fleurs du mal », du moins à des fleurs assez malades.

1129. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre V. L’Analyse et la Physique. »

Ai-je besoin d’ailleurs de rappeler que M.  […] Ai-je besoin de rappeler que c’est ainsi que se sont faites toutes les découvertes importantes ?

1130. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XI. Le royaume de Dieu conçu comme l’événement des pauvres. »

L’humanité, pour porter son fardeau, a besoin de croire qu’elle n’est pas complètement payée par son salaire. […] » Jésus avait alors de fines réponses, qui exaspéraient les hypocrites : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin de médecin 521 » ; ou bien : « Le berger qui a perdu une brebis sur cent laisse les quatre-vingt-dix-neuf autres pour courir après la perdue, et, quand il l’a trouvée, il la rapporte avec joie sur ses épaules 522 » ; ou bien : « Le fils de l’homme est venu sauver ce qui était perdu 523 » ; ou encore : « Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs 524 » ; enfin cette délicieuse parabole du fils prodigue, où celui qui a failli est présenté comme ayant une sorte de privilège d’amour sur celui qui a toujours été juste.

1131. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

Ai-je besoin de dire qu’il n’y a pas de tableau et que, pour découvrir ici ou là une ligne significative, nous sommes obligés à beaucoup d’indulgence et à beaucoup d’imagination ? […] La nouvelle la blesse et l’irrite ; par dépit et par vengeance, par besoin aussi de se précipiter douloureuse en un refuge, Suzanne épouse un homme qu’elle n’aime point et qui est beaucoup plus âgé qu’elle.

1132. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Œuvres littéraires de M. Villemain (« Collection Didier », 10 vol.), Œuvres littéraires de M. Cousin (3 vol.) » pp. 108-120

Le propre des critiques en général, comme l’indique assez leur nom, est de juger, et au besoin de trancher, de décider. […] Cousin dans la critique littéraire consiste précisément à traiter la période du xve  siècle comme si elle était déjà une antiquité, à en étudier et, au besoin, à en restaurer les monuments, comme on ferait en matière d’archéologie.

1133. (1902) L’humanisme. Figaro

Ils déclarent n’en avoir pas besoin, ils se flattent d’assurer, sans ce reste de mythologie, le bonheur de l’homme par l’homme. […] Vous y ferez l’impossible, vous les catéchiserez et elles se croiront convaincues ; seulement, lorsqu’elles se seront jetées, se mentant à elles-mêmes, dans votre réalisme, dans votre humanisme, comme un désespéré se jette du haut d’un pont dans le flot noir qui tourbillonne à ses pieds, l’instinct de la conservation, le besoin de survie reprendra le dessus et vous verrez vos néophytes nager vigoureusement vers ces rives inconnues que vous prétendiez leur interdire.

1134. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

L’admiration comme l’amour a besoin d’une sorte de tête-à-tête, de solitude à deux, et elle ne va pas plus que l’amour sans quelque abstraction volontaire des détails trop mesquins, un oubli des petits défauts ; car tout don de soi est aussi une sorte de pardon partiel. […] Celui qui traite un livre comme un passant, avec l’indifférence distraite et malveillante du premier coup d’œil, ne le comprendra vraiment point ; car la pensée humaine, comme l’individualité même d’un être, a besoin d’être aimée pour être comprise.

1135. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre premier. Astronomie et Mathématiques. »

Platon, ce génie si amoureux des hautes sciences, dit formellement, dans un de ses plus beaux ouvrages, que les hautes études ne sont pas utiles à tous, mais seulement à un petit nombre ; et il ajoute cette réflexion, confirmée par l’expérience, « qu’une ignorance absolue n’est ni le mal le plus grand, ni le plus à craindre, et qu’un amas de connaissances mal digérées est bien pis encore149. » Ainsi, si la religion avait besoin d’être justifiée à ce sujet, nous ne manquerions pas d’autorités chez les anciens, ni même chez les modernes. […] Lorsque, dans un siècle impie, l’homme vient à méconnaître l’existence de Dieu, comme c’est néanmoins la seule vérité qu’il possède à fond, et qu’il a un besoin impérieux des vérités positives, il cherche à s’en créer de nouvelles, et croit les trouver dans les abstractions des sciences.

1136. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Pour faire son éloge, il suffit de raconter sa vie : la vérité n’a pas besoin cette fois ni de voiles, ni d’ornements ; et le panégyriste le plus éloquent sera le narrateur le plus fidèle. […] On voit que l’auteur n’a pas besoin d’attendre l’inspiration : il fait des chansons comme la Fontaine fait des fables, sans recherche, sans effort, presque sans y penser.

1137. (1760) Réflexions sur la poésie

Les sentiments tendres, simples et naturels, faits pour nous intéresser partout où ils se trouvent, n’ont pas besoin, pour augmenter cet intérêt, d’être attachés au nom d’Idylle ; pour remplir et pénétrer l’âme, il leur suffit d’être exprimés tels qu’ils sont ; les prairies et les moutons n’y ajoutent rien. […] Les Anglais et les Italiens ont des vers sans rime, des inversions fréquentes et de toute espèce, des ellipses multipliées, la liberté d’accourcir et d’allonger les mots selon le besoin qu’ils en ont, enfin une grammaire beaucoup plus relâchée pour la poésie que pour la prose.

1138. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XX. Mme Gustave Haller »

Quand il parut, c’est ainsi que je le traitai, en n’en parlant pas, je le traitai comme une chose légère et manquée… manquée par une femme, jolie peut-être, et qui, si elle est jolie, n’a pas besoin d’être bas-bleu… Je laissai les galantins de la Critique se ruer aux compliments, selon leur usage, dès que la moindre femme écrit la moindre chose ; et elle, je la laissai aussi faire sa compote de tous leurs compliments, entassés à la fin de son volume. […] Elle a dans l’esprit, je le veux bien, des besoins dramatiques, mais elle n’en a point la puissance.

1139. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

Nous n’avons voulu que les signaler à ceux-là qui, par l’exagération de leur langage, augmentent le danger d’un double fléau, Lorsque la société, en trop grande partie, se rue dans un cabotinage immense, lorsque le cerveau humain a besoin d’un Dieu et qu’on l’a ouvert à tout un Olympe de farceurs et de baladines, ceux qui tiennent pour les mœurs doivent s’inscrire en faux contre l’idolâtrie des comédiens et des comédiennes. […] Les observateurs d’épiderme ne voient dans cet amour envahissant des spectacles que le besoin d’amusement nécessaire à l’homme et à la misère de sa destinée et de son cœur.

1140. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Odysse Barot »

La littérature et les arts n’ont à se préoccuper que d’une chose, tout aussi importante d’ailleurs que l’émancipation de l’humanité : c’est de la beauté à exprimer, — à inventer ou à reproduire, — mais à exprimer dans des œuvres fortes et parfaites, si l’homme de lettres ou l’artiste peuvent atteindre jusque-là… La littérature et les arts sont désintéressés de tout, excepté de la beauté qu’ils expriment pour obéir à cette loi mystérieuse et absolue de l’humanité, qui veut de la beauté, pour le bonheur de son être, tout aussi énergiquement qu’elle veut des vêtements et du pain… Je parle, bien entendu, de l’humanité à son sommet, élevée à sa plus haute puissance ; je ne parle pas d’elle à l’époque de ses besoins inférieurs… Mais c’est le vice justement des libres penseurs, strangulés par la logique que leur a faite l’épouvantable matérialisme de ce temps, de ne voir jamais que les besoins les plus bas de l’humanité.

1141. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rigault » pp. 169-183

On l’a fait passer moelleusement de la main à la main, sans qu’on ait jamais eu besoin d’écrire là-dessus le mot : fragile. […] Que la vulgarité de l’âme et de l’inspiration d’Horace passât à travers la pureté de sa forme littéraire, Rigault ne pouvait l’empêcher pour ceux qui savent la voir ; mais qu’avait-il besoin d’appeler distinction cette vulgarité ?

1142. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Joubert » pp. 185-199

» Il l’est pour Bonald, non pas flatteusement comme pour Corneille, mais cruellement et pour les mêmes raisons : « Bonald — dit-il avec dédain — a besoin de la terre. […] Les pensées achevées n’ont pas besoin d’être belles pour plaire.

1143. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

Ce besoin, du reste, qui n’est — si l’on veut y réfléchir — que de l’individualisme encore ; ce besoin qui a produit tant de métaphysique vaporeuse, de synthèses, de formules, et qui, surexcité jusqu’à la rage par la vanité de chacun, ne nous a saisis tous que parce qu’il ne sied qu’à quelques-uns, c’est-à-dire aux maîtres, aux grands esprits, à ceux-là enfin qui se donnent seulement la peine de naître, pourrait faire croire à nos descendants que nous avons perdu le bon sens proverbial de nos pères, n’étaient quelques livres d’histoire fermes, nets, circonscrits, et dans lesquels il sera possible de le retrouver.

1144. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes d’Amérique » pp. 95-110

La gloire et la force du peuple américain, c’est la bâtardise : « La transplantation des races européennes — dit-il, l’anti-Européen, — a eu pour premier effet sinon de dissoudre entièrement, au moins d’affaiblir le principe de la famille. » Et plus bas, devenant plus explicite, il ajoute : « Le passage de l’Européen outre-mer a toujours eu pour cause une protestation contre l’autorité paternelle, une déclaration d’indépendance individuelle, une sorte d’assimilation à l’état de bâtardise. » Et le singulier penseur, qui lit l’histoire les yeux retournés, non seulement ne voit pas les conséquences éloignées du vice originel de l’Amérique, mais, lui qui parle tant de réalité, il ne voit pas même les réalités présentes ; car, à l’heure qu’il est, tout le monde sait, sans avoir eu besoin d’aller en Amérique, que le peuple américain est un peu gêné en ce moment par son heureuse bâtardise ; que la question de l’indigénat est une des plus grosses questions qui aient jamais été agitées dans les États de l’Union, et que cette question n’est pas autre chose que la nécessité — sous peine de dissolution complète — de se faire une espèce de légitimité contre l’envahissement croissant de toutes les bâtardises de l’Europe, contre le flot montant des immondices qu’elle rejette ! […] affirme l’excellence de la nature humaine, qui pense que toute direction morale comme tout gouvernement politique est un abus, et que l’adoration de l’homme par l’homme, ou de la femme par la femme, et la satisfaction de tous les besoins, n’importe à quel prix !

1145. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IV. M. Henri Martin. Histoire de France » pp. 97-110

Elle n’existait pas pour le commun des esprits, qui a pourtant besoin de savoir quelque peu d’histoire. […] Probablement métempsychosiste comme le sont ses maîtres, mais avec discrétion et n’ayant pas besoin de l’être expressément dans une Histoire de France, de manière à troubler le Jean Jeannot de lecteur qui ne demande qu’à grignoter sa petite touffe de thym historique ; ne lâchant le mot « transformation » qu’avec prudence, mais le risquant parfois, comme une petite lumière pour les yeux prévenus et fidèles, qui savent bien ce que veut dire cette petite lueur, M. 

1146. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

En effet, de toutes les histoires qui, sans exception, ont plus ou moins besoin d’être refaites en quelques-unes de leurs parties, et dont la science, qui cherche toujours, doit tenir les fouilles éternellement ouvertes dans l’intérêt de la vérité, l’histoire de l’Espagne est peut-être la moins connue, parce qu’elle est la moins pénétrée. […] Un historien a dit de Charles-Quint : « Les regrets de Worms furent tardifs. » Pour notre compte, nous croyons fort peu à ces regrets ; mais regrets ou remords dans la conscience du prince qui avait compromis également sa puissance et sa foi avec les ennemis de l’une et de l’autre, les faiblesses de Worms, les fausses habiletés du grand Habile qui ne vit pas à l’origine tout ce que le Protestantisme cachait, n’en furent pas moins un crime dans la pure conscience de l’Espagne, et un crime qui avait besoin d’expiation.

1147. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

C’était le commencement de cette ère nouvelle, — qui allait faire son temps, comme la Féodalité, vieillie et affaiblie, avait fait le sien, — l’aurore de cette longue journée d’Histoire dont le midi, éclatant et meurtrier, fut Louis XI et Richelieu, et le soleil couchant, Louis XIV… Saint Louis, le précurseur de ces trois grands hommes, qui ne furent que sa petite monnaie, tombée quelquefois dans du sang ; Saint Louis, qui ne fut pas seulement un Roi, mais le Roi, trouva la Royauté toute faite dans les idées et les besoins de son siècle, et il l’incarna dans sa personne. […] Ils sont même allés, pour prouver qu’en Saint Louis le Roi foulait aux pieds quelquefois le Saint, jusqu’à inventer cette fameuse Pragmatique si longtemps invoquée, qui fit, jusque de Bossuet, une dupe si coupable, et dont une Critique plus avisée et plus savante a démontré récemment la fausseté, comme si on avait eu besoin de cette démonstration, maintenant irréfragable, pour être sûr de la fausseté de cet acte, évidemment stupide avant d’être faux ; car je ne sache pas que l’Église, qui a canonisé Saint Louis, ait eu jamais l’habitude de canoniser ceux qui la canonnent — c’est-à-dire ses ennemis !

1148. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

… Pour résister comme il aurait fallu, et dans la mesure qu’il aurait fallu, à l’Hérésie nouvelle, besoin était d’une tête catholique et politique et de premier ordre, d’une espèce de Charlemagne proportionné aux circonstances, et il n’y en avait pas. […] Et s’il eût osé, d’ailleurs, qui peut dire qu’il aurait réussi à fonder cette quatrième dynastie qui aurait supprimé ces Bourbons, tous funestes à la France, même Louis XIV, et s’il n’eût pas trouvé son écueil dans ce Royalisme, qui n’avait pas même besoin du Catholicisme pour exister ?

1149. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Michelet » pp. 259-274

» Et, cependant : « Michelet sentait avec énergie ce besoin, qui est l’homme même, de poser dans le ciel sa conversation et sa vie… Les cathédrales gothiques lui parlaient leur langage. […] Il sait que la plus belle des vertus, parmi les hommes, est la plus obscure, et puisqu’il n’est pas (de philosophie) absolument un athée, il sait que ceux qui vont à la mort pour la Patrie comme les Saints y vont pour Dieu, et qui montent le long des colonnes couronnées par un nom qui n’est pas le leur, Dieu les a vus monter le long de leur bronze et sait leurs noms à tous, et n’a pas besoin de l’Histoire, même écrite par Michelet, pour leur faire justice.

1150. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Crétineau-Joly » pp. 247-262

Pour écrire la vie de cet homme de brusque décision, qui aimait la vérité d’un amour hardi et sans scrupule, qui n’y alla jamais de main morte avec rien ni avec personne, et qui empoignait, quand il ne s’agissait que de toucher, besoin était d’un homme de sa sorte. […] Est-ce que, dans la vie des hommes faits, on a besoin de parler de leurs petites maladies d’enfants ?

1151. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Lamennais »

II Et, en effet, est-il besoin de le rappeler et de le peindre une fois de plus comme on ne l’a que trop peint déjà ? […] Ce roseau pensant de Pascal, qui n’avait pas besoin que la nature s’armât pour l’écraser quand il remuait, lui, l’univers, et qui, comme tous les roseaux, aimait le bord de l’eau, même la plus humble, ce fortuné de renommée qui s’appelait Félicité, le nom le plus mélancoliquement moqueur qui puisse être donné à un homme, ne fut jamais heureux et n’était rien de plus qu’une âme triste dans un corps malade.

1152. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Sabran et le chevalier de Boufflers »

Toutes deux purent suffire au besoin de Lettres de ce siècle aux grandeurs publiques, qui avait autre chose à faire que de se regarder dans l’âme, pour raconter ce qu’il y voyait, à la première personne, dans des épanchements ou des chuchotements particuliers. […] Il lui parlait machine à dessaler l’eau pour les besoins de la colonie, et cela ne la dessala pas, cela ne la dégrisa pas de son amour !

1153. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIX. M. Eugène Pelletan »

Pelletan justifiait l’ambition naïvement montrée de son titre (et il n’y a rien dans cette naïveté fière qui nous déplaise, qu’on le croie bien), nous aurions le symbole du dix-neuvième siècle, et nous saurions à présent quoi mettre à la place de ce vieux symbole de Nicée, tué par l’Analyse et par la Science, et qui ne peut plus satisfaire, — disent les philosophes, — les besoins de foi des peuples actuels. […] — Ève eut besoin de sortir du Paradis pour conquérir sa première vertu.

1154. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

Il a besoin, pour être légitimement admiré, d’une date au-dessus de sa tête. […] Avoir besoin de ce pauvre rayon d’une date au-dessus de sa tête, n’est-ce pas tout ce qu’on peut dire de pis du génie, qui ne relève pas du temps et qui est absolu comme Dieu ?

1155. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Madame Ackermann »

Je n’ai pas besoin de me gêner beaucoup avec cette femme. […] Les airs n’ont pas besoin, ni les vagues stupides,            Pour frissonner, d’avoir compris.

1156. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Hector de Saint-Maur »

Au fond, Saint-Maur est, de tempérament, assez poète pour se passer de littérature, pour ne pas avoir besoin de cette impalpable et brillante poussière de la fleur des autres qui colore quelquefois ses ailes et que j’aurais voulu n’y pas retrouver· III Et, en effet, c’est un poète, Saint-Maur, et un poète involontaire. […] Qu’ont-ils besoin de marbre et d’épitaphe altière ?

1157. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Xavier Aubryet et Albéric Second » pp. 255-270

Maubrel, un savant pour les besoins de la situation, Aubryet en fait un portrait qui a l’idéalité d’un être impossible et pourtant la réalité d’une copie. […] J’ai cru pourtant qu’il la tiendrait, quand j’ai vu sa madame Maubrel, après la mort de son mari, tué, comme il avait vécu, pour les besoins de la situation, chercher partout, avec l’acharnement d’une âme profonde qui n’oublie pas, et pour lui faire expier son crime, l’insolent farfadet qui l’a outragée ; — car il s’en est allé, il a disparu comme un farfadet !

1158. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Honoré de Balzac » pp. 1-15

C’est en effet le caractère particulier de l’esprit de cet homme plus étonnant que son œuvre, quoique son œuvre soit un monument, de toujours s’élever, de toujours s’accroître, et par cela même d’avoir plus besoin du temps que personne. […] Ajoutez à cela les mille angoisses que connut Balzac, le plomb des exigences de librairie, les tyrannies des marchands érigés en Mécènes, les Fourches Caudines sous lesquelles sont obligés de passer les plus fiers écrivains, l’inspiration que l’on chasse et la commande que l’on fait, les instincts bas dont les colporteurs de littérature risquent le plaidoyer, l’argent à la main, pour tenter la faim qui doit prêter l’oreille, malgré le proverbe, enfin la levée de boucliers des esprits sans lumière et sans vie contre les réfractaires qui s’obstinent à vouloir être ce qu’ils sont, et dites-vous si le massacre n’est pas organisé, — de haute lice et de nécessité, — et s’il n’est pas besoin d’une force intellectuelle redoutable pour ne pas périr au moins dans quelques parties de son âme et de son talent ?

1159. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Edmond About » pp. 91-105

On le mit, comme l’espoir de ce siècle qui a besoin de croire à l’avenir, avec M.  […] Que fera la Chermidy quand elle apprendra à Paris que Germaine va mieux à Corfou, car pour sa poitrine et pour les besoins de description de M. 

1160. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

Car, après tout, le style, c’est-à-dire la pensée, qui a besoin d’éclater et de se répandre, fait d’autant plus de phrases qu’elle a plus besoin de se répandre et d’éclater !

1161. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

Il les a aimées comme nous tous qui avons besoin d’elles, et qui, n’ayant pas le bonheur, croyons qu’un peu de bruit — et encore quand nous le faisons ! […] pas besoin d’un pareil aveu pour être bien certain que la main qui a tracé ces pages, où l’observation finit en satire, n’était pas cette main blanche du temps, calme et savante, de La Bruyère, — cette main doctorale dans son art comme celle du Poussin dans le sien.

1162. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

Nerva avait pour lui la plus grande estime, et le combla d’honneurs ; mais ce qui le touchait encore plus, c’était la tendre amitié de ce prince ; car les honneurs ne sont que le besoin des âmes vaines, mais l’amitié est le besoin des âmes sensibles.

1163. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVI. Des éloges académiques ; des éloges des savants, par M. de Fontenelle, et de quelques autres. »

Vous y voyez l’homme dans les cieux, sur les mers, dans les profondeurs des mines ; l’homme bâtissant des palais, perçant des montagnes, creusant des canaux, et faisant servir tous les êtres à ses besoins, à sa défense, à ses plaisirs, à ses lumières. […] Si vous examinez leur âme, ils s’offrent presque tous désintéressés et nobles, ou ne daignant pas appeler la fortune, ou la dédaignant même quand elle va à eux ; les uns ayant une pauvreté ferme et courageuse, les autres retranchant aux besoins pour donner aux bienfaits, et dans leur médiocrité, assez riches pour être généreux.

1164. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Je n’ai pas besoin de dire que M.  […] Je n’ai pas besoin de vous dire de songer à Mérimée et à Stendhal. […] Je n’ai pas besoin, du reste, de faire remarquer que c’est symbolique et à quel point c’est symbolique. […] » — Je n’ai pas besoin de vous dire que le mot a eu du succès. […] Maurice Donnay n’avait pas besoin que M. 

1165. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXIX » pp. 164-165

« Rien n’est doux après le succès comme le besoin de rendre justice aux artistes qui l’ont préparé avec patience, conquis avec courage, obtenu généreusement pour l’auteur.

1166. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXIV » pp. 337-339

Ce qui reste fondamental et essentiel chez Béranger à travers toutes ses petites combinaisons que nous, nous n’avons fait qu’entrevoir autrefois, c’est la haute probité, la hauteur de l’âme, le caractère plébéien indélébile ; voilà ce qui rachèterait au besoin bien des petitesses et des raffinements.

1167. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 208-210

La Postérité mettra donc une grande différence entre des hommes qui, dans tout autre Siecle, eussent excité l’admiration universelle, & des hommes qui ont besoin de toute la folie & de toute la perversité du nôtre pour trouver quelques approbateurs.

1168. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 42-44

Si l’on avoit besoin d’exemple pour prouver qu’un esprit juste & un cœur droit ne peuvent long-temps persister dans l’erreur & l’impiété, celui de M. de Ramsay viendroit à l’appui de cette vérité.

1169. (1897) Aspects pp. -215

Quand vous aurez réalisé la justice totale, vous n’aurez plus besoin de nous. […] Ce diable épris de sadisme et de saletés ne séduit que les avachis qui ont besoin pour sentir de se griffer au sang. […] Et tout individu, qui agit selon ses besoins et ses facultés, comme son frère, différent de lui, agit selon d’autres besoins et d’autres facultés, est l’égal de celui-ci : nullement son supérieur. […] Il répond qu’il n’a besoin de rien. […] Il semble que M. de Goncourt ait besoin d’un tas de bibelots autour de lui pour penser.

1170. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Alors les heures qui n’en finissent pas d’une journée, au bout de laquelle il y a une chose émotionnante, et l’impossibilité de rester chez soi, et le besoin de se promener au dehors, avec des yeux qui ne voient pas, et sur des jambes, qui ne savent où aller. […] Et comme je lui demande, un moment après, s’il a toujours aussi peu besoin de sommeil qu’autrefois, il laisse échapper qu’il dort moins que jamais, parce que, lorsqu’il se réveille, il pense à l’opération qui l’attend, et est dans l’impossibilité de se rendormir. […] Puis il cause assez curieusement de la restriction de la dépense chez les gens riches, de la disparition des beaux équipages au bois de Boulogne, qui n’a plus que la voiture de la reine d’Espagne, des loyers de 6 000 francs payés par des millionnaires, etc. etc., — et cela, dit-il, non par avarice, mais par absence de goût de dépense, et il affirme qu’il est besoin d’une cour, dans un pays, pour être le stimulant des grandes dépenses et des folies de luxe. […] Nadar nous parle du besoin qu’il a de vendre l’Ermitage, de la vente qu’il a manqué d’en faire aux hôpitaux de Paris, nous dit qu’il est décidé à fonder une maison de photographie à Marseille. […] Puis Finot saute à Tolstoï, et affirme qu’il est seulement le vulgarisateur et le développeur de beaucoup d’idées, appartenant à des sectes : ainsi l’idée de la résistance au militariat, prêchée par un ancien maçon, passé apôtre, et habillé de blanc, sur le besoin, que les théories ont de parler, pour ainsi dire, physiquement à l’imagination des peuples.

1171. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Ce volume n’avait pas besoin d’être enflé, il n’est déjà que trop gros. […] Ses dieux ont besoin d’un nuage pour se dérober aux yeux. […] Le sublime sur le sublime produit malaisément un contraste, et l’on a besoin de se reposer de tout, même du beau. […] D’ailleurs nous avons déjà fait voir que la prodigieuse étendue de la scène antique lui permettait d’embrasser une localité tout entière, de sorte que le poëte pouvait, selon les besoins de l’action, la transporter à son gré d’un point du théâtre à un autre, ce qui équivaut bien à peu près aux changements de décorations. […] Ne voit-on pas que, vous reposant ainsi d’une impression par une autre, aiguisant tour à tour le tragique sur le comique, le gai sur le terrible, s’associant même au besoin les fascinations de l’opéra, ces représentations, tout en n’offrant qu’une pièce, en vaudraient bien d’autres ?

1172. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Edmond et Jules de Goncourt ont éprouvé le besoin de se reposer de ce grave labeur de l’histoire, dans la besogne plus aisée et plus familière du petit conte, de la nouvelle et de l’anecdote. […] Et, d’ailleurs, ce petit livre ne répond qu’à un des besoins, ne représente qu’une des aspirations du moment. […] Du Camp, dans sa théorie, réduisait la poésie à la portée d’un enseignement didactique, celui-ci pourrait répondre, au besoin, par des arguments empruntés à M.  […] Louis Enault, si un travail fait avec talent pouvait en avoir besoin, — elle est dans la notice biographique qu’il a consacrée à Goethe ; notice qui nous explique les origines de son roman célèbre et éclaire d’un jour tout nouveau la jeunesse du grand Wolfgang. […] Je n’ai pas besoin de célébrer les mérites de ce dernier comme journaliste.

1173. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXI » pp. 220-221

Boileau surtout avait besoin que Montausier joignît son suffrage à ceux qu’il obtenait de la cour.

1174. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 354-356

A ce défaut de jeunesse près, dont il sera facile à cet Auteur de se corriger, on peut dire que son Discours annonce un talent qui n’a besoin que d’être cultivé pour égaler celui des grands modeles.

1175. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 416-419

Ses vrais Zélateurs ont-ils besoin d’être décidés par les clameurs d’une fausse Philosophie, pour en écarter des fables dont l’ignorance a voulu l’étayer, sans penser qu’un tel secours lui étoit injurieux ?

1176. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XIV. Des Livres sur le Commerce & sur ce qui y a rapport. » pp. 329-332

Les Banquiers ont besoin pour se diriger de quelques livres particuliers ; ils doivent donner la préférence aux plus nouveaux, à moins qu’ils ne fussent mal exécutés.

1177. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Parocel » pp. 255-256

On a quelquefois besoin d’un exemple de platitude, de platitude de composition, d’ordonnance, de couleur, de caractère, d’expression.

1178. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

Agir avant tout, agir et se produire, c’est le premier besoin. […] J’aurai besoin d’eux devant l’ennemi, car on ne fait rien tout seul : je vais m’attacher à les bien connaître. » Le 15 janvier 1837, il touche pour la première fois la terre d’Afrique. […] » Puis, à d’autres jours, la patience manque ; un mauvais vent du désert se remet à souffler ; à force de guerroyer et de courir, de mener de razzia en razzia sa colonne infernale, de s’ingénier (périlleux problème) à soumettre les Arabes par les Arabes, de vouloir créer et fonder par tout le pays de petits forts de sûreté où les chefs amis, les agas et les caïds puissent se maintenir et se défendre au besoin, et brider les tribus rebelles ; à force d’être sur pied nuit et jour, et de se ronger au gîte quand on y est retenu, à force de se passionner pour tout, on se consume, on s’use avec une rapidité effrayante : « Je veux trop bien faire et trop de choses, et je prends tout trop à cœur ; c’est le propre des âmes généreuses, mais ces âmes-là ne vivent pas longtemps ; elles s’usent trop vite, et je le sens, mais il n’est plus temps de se changer. » Quelques visites de France apportent des diversions dans cette vie locale si dévorante. […] Nous n’avions pas besoin de cela… Rien ne nous aura manqué : le choléra dans l’armée, et aujourd’hui dans les flottes ; — l’incendie. — Il nous faut une tempête atroce pour être complets : — je l’attends… Cependant il n’y avait plus que le choléra qui s’opposât au départ ; on attendait avec anxiété qu’il se ralentît ou cessât de sévir. […] Je souffre déjà bien assez, et j’ai besoin de tout mon courage, de toute mon énergie.

1179. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Toutes les fois que l’homme se prépare à parler dignement de Dieu, il éprouve le besoin de se mettre en face de la nature. […] ) Un pareil prologue n’a pas besoin de commentaire. […] Ce besoin, cette faim de la science, qui agite l’homme, n’est que la tendance naturelle de son être qui le porte vers son état primitif et l’avertit de ce qu’il est. […] Roi superbe et terrible, il a besoin de tout, et rien ne lui résiste. […] C’est au milieu de cette solitude et de cette espèce de vide formé autour de lui qu’il vit seul avec sa femelle et ses petits, qui lui font connaître la voix de l’homme ; sans eux il n’en connaîtrait que les gémissements… Un signal lugubre est donné ; un ministre abject de la justice vient frapper à sa porte et l’avertir qu’on a besoin de lui.

1180. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

Le milieu et le besoin de s’y adapter ont transformé et comme créé l’organe. […] Ce besoin d’unité propre à l’intelligence s’explique bien plutôt par cet appareil nerveux perfectionné et centralisé qu’est le cerveau humain que par les actions des harmoniques des différents milieux sociaux qui enchevêtrent leurs influences autour de l’individu. — Dira-t-on que l’école physiologique n’invoque que des correspondances psychobiologiques et que des correspondances ne sont pas des explications ? […] Celles-ci vont se consolidant en nous, à mesure que le besoin de sentir et de penser par soi-même s’affaiblit, faute de s’exercer. […] C’est une altitude de l’intelligence individuelle en tant qu’elle se différencie de la pensée générale, en tant qu’elle s’oppose au besoin à elle ; en tant qu’elle dissocie les idées sociales ; en tant qu’elle innove dans la recherche philosophique, scientifique ou sociale. […] Si en un sens elle peut être antisociale ou avoir des effets antisociaux en tant qu’elle dissocie les idées et les croyances sociales, en un autre sens elle peut aussi, par cette dissociation même, servir le progrès social en détruisant les idées vieillies et périmées et en faisant place à des idées plus en rapport avec l’état social ; car la sociabilité évoluant a besoin qu’on remplace une source de foi épuisée par des sources nouvelles.

1181. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Il ne s’échauffe guère que vers cinq heures, quand il s’est mis au travail à midi… Il ne peut écrire sur du papier blanc, ayant besoin de le couvrir d’idées, à l’instar d’un peintre qui place sur sa toile ses premiers tons… Soudain, comptant le petit nombre de gens qui s’intéressent aux choix d’une épithète, au rythme d’une phrase, au bien fait d’une chose, il s’écrie : « Comprenez-vous l’imbécillité de travailler à ôter les assonances d’une ligne ou les répétitions d’une page ? […] » Alors on lui apporte trois gros volumes in-4, imprimés à l’Imprimerie Impériale, sur les mines de l’Algérie où il espère trouver un mot dont il a besoin pour son livre sur Carthage. […] Il fabriquait des poésies, etc., etc., et finissait par tenir un Hôtel de la Farce, où il y avait la Fête de la Vidange… Homais me semble la figure réduite, pour les besoins du roman, du Garçon. […] C’est étonnant, c’est particulier comme cette génération de 1830, comme cette société de Gavarni, qui n’était pas une exception, s’amusait de peu, et quelle ingénuité de la première jeunesse restait à ces hommes qui avaient très peu besoin du fouet et du charme irritant de l’orgie, et qui semblent avoir passé beaucoup de leur vie avec des bourgeoises très adultes ou mariées, nourrissant des tendresses secrètes pour eux. […] Elle promet des consolations à ceux qui en ont besoin, l’espérance à ceux qui désespèrent.

1182. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

À chaque âge son genre de poésie, mais le plus parfait, sinon le plus émouvant de ces genres, est certainement celui qui n’a pas besoin de tous ces auxiliaires et de tous ces accessoires étrangers à la poésie elle-même et qui ne demande, comme le poète épique ou le poète lyrique, qu’une goutte d’encre au bout d’une plume de roseau. […] Il avait compris que la nation, intimidée et abattue, n’avait plus besoin que d’être relevée, caressée et séduite par les manèges et par les bienfaits d’une politique de négociation. […] Cette profonde habileté de conduite leur avait valu, à la fin, la confiance absolue d’un roi qui avait besoin de foi pour son esprit et de tolérance pour ses faiblesses. […] C’était un fruit de la culture plus encore que de la nature, un de ces esprits bien constitués, mais nullement prodigues, qui ont besoin d’exemples pour imiter et qui empruntent leur sève à toute l’antiquité pour grandir à la proportion des chefs-d’œuvre antiques. […] Et quel besoin son bras a-t-il de nos secours ?

1183. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Et c’est ici que l’Américain étrangle le poète, et que les besoins de réalité, ancrés si profondément dans l’esprit des hommes de sa race, détruisent l’effet fantastique qu’il avait d’abord obtenu. […] S’il avait plus d’imagination, il ne chausserait pas l’appareil de la technologie ; mais il s’en sert pour produire un effet dont il n’est pas dupe, et dans lequel au besoin d’art se mêle la mystification féroce de la race anglo-saxonne dont il descend. […] Quand Edgar Poe construisait péniblement ses logogriphes, il écrivait visiblement sous le coup de fouet du besoin. […] Les Souvenirs d’Auguste Bedloe sont l’expression la plus effrayante de ce besoin de se voir autre, qui est une partie de l’idiosyncrasie d’Edgar Poe, et c’est ce sentiment persécuteur de l’inexterminabilité de l’homme et de l’être qui engendre en lui ce désespoir de l’immortel et cette épouvantable notion d’un dieu bourreau, prédestinant à la damnation ses créatures !! […] Cette âme résista et elle resta, avec un souvenir immortellement saignant, mais aussi avec les besoins non moins immortels de tendresse, d’expansion, de confiance et d’intimité qui furent toujours en Edgar Poe, le platoniste passionné, d’une pureté si profonde, et pour qui la conception de la femme dans ses œuvres est presque aérienne !

1184. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Il lui ouvrait sa bourse au besoin. […] Rotrou a besoin de beaucoup de faits et d’événements. […] Il se reconnaît tous les droits dans l’instant où il a besoin de les exercer. […] Et toute la cour, qui juge ordinairement mieux que la ville, n’eut pas besoin de complaisance pour l’imiter. […] J’ai besoin d’un vengeur, et non d’une maîtresse.

1185. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

La Révolution, dans ce cas, serait vaincue…” Les mots que j’ai soulignés ont-ils besoin d’être commentés ? […] Elle va le cherchant partout, le créant au besoin où il n’est pas. […] L’écrivain n’a pas eu besoin de mots techniques ou nouveaux. […] Ce dont la France actuelle a le plus besoin, c’est d’éducateurs de sa pensée, je n’ai pas dit de sermonneurs. […] Un immense besoin de dévouer nos dernières forces, de servir, nous tourmente, qui nous vient de là-bas.

1186. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Mais qu’ai-je besoin de vous analyser sa conversation quand lui-même est là pour la définir ? […] Il ne pensait à l’argent que dans la mesure de ses besoins et surtout des besoins de ceux qui l’entouraient. […] Feuillet est coutumier de ces pénétrantes études qui attestent chez lui un sens profond de l’âme humaine et de ses besoins. […] Or c’est l’extraordinaire que l’historien rencontre sans cesse et qu’il n’a pas besoin de justifier, puisque, le fait est là. […] Leurs désirs, leurs besoins passaient dans mon âme, ou mon âme passait dans la leur.

1187. (1922) Gustave Flaubert

L’œuvre de la journée finie, ce grand corps sédentaire a besoin de réaction physique. […] Il a besoin de parler pour lui, d’apporter des réflexions d’auteur. […] Son besoin profond est d’avoir quelqu’un, ami ou maîtresse, avec qui courir et parler. […] Il est révolutionnaire par besoin de domination et par passion de la justice. […] Il est révolutionnaire par enthousiasme, par besoin de protéger les faibles et les battus.

1188. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Goriot aime ses filles par une sorte de besoin ou d’instinct animal, où vous chercheriez en vain une lueur de sens moral ou seulement d’intelligence et de raison. […] Ici nous avons eu besoin de relire le texte pour nous assurer que nos souvenirs ne nous trompaient pas. […] Victor Hugo nous assure être des damnés ; ce qui expliquerait au besoin le vieux mot, jusqu’ici peu compréhensible, de malheureux comme les pierres. […] L’idée mère, l’inspiration originale, l’opportunité de ce morceau, avons-nous besoin d’y insister encore ? […] Cousin est un grand artiste ; ce qui n’a plus besoin d’être redit.

1189. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Il n’est pas besoin de dire que nous ne déterrâmes pas le trésor de Toussaint-Louverture. […] Il n’est pas besoin de dire que chacun opina du bonnet, et que les statuts furent votés d’enthousiasme. […] L’oiseau peut marcher au besoin, mais le lion ne vole pas. […] Balzac ne doit rien à l’antiquité  pour lui il n’y a ni Grecs ni Romains, et il n’a pas besoin de crier qu’on l’en délivre. […] En France, le théâtre accapare toute l’attention, et la poésie, pour être visible, a besoin que les feux de la rampe l’illuminent.

1190. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

On n’a pas toujours le besoin absolu de respecter ceux qu’on aime, ou, si vous voulez, on n’aime pas ceux-là seulement qu’on respecte. […] … Je cherchais ce qui me fuit ; je pressais le tronc des chênes ; mes bras avaient besoin de serrer quelque chose. […] Il n’est certes pas besoin de croire à un dogme révélé pour être profondément sincère en appelant un Sauveur. […] Je ne sais pas s’il avait besoin de les lire pour composer ces tableaux et ces chants : mais enfin il les avait lus. […] Loin de rien conserver, il fit au besoin des dégâts, afin de se donner de plus sûrs motifs de regrets.

1191. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

On voit en ceci, comme en nos leçons antécédentes, que nous prenons toujours le besoin naturel pour base de toutes nos règles littéraires. […] et quel besoin aurait eu l’auteur d’étendre ce sujet et de le conduire plus loin ? […] On ne saurait user avec trop de sobriété de cette sorte de recours qui ne convient que dans les suspensions nécessaires du récit, et dans ces circonstances difficiles où le poète a besoin de prendre un élan plus vigoureux. […] il a besoin de trois vers pour en peindre la lame et le fourreau qu’il nomme. […] Enfin je me rappelle qu’en se formant aux doctes entretiens de tous deux, on éprouvait le besoin d’être le disciple de la poétique lumineuse de Lebrun, mais la douceur entraînante d’être le confident de l’esprit et du cœur de Delille.

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