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1276. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Il arrive aussi qu’un malheur, la perte d’un ami, la mort d’une maîtresse, coupe le fil qui tenait le ressort tendu ; alors l’être part et va tant que ses pieds le peuvent porter : tout coin de la terre lui est égal. […] Si l’absence nous tient éloignés, j’y viendrai rechercher la même ivresse qui avait si entièrement, si délicieusement disposé de nos sens, mon cœur palpitera de rechef ; je rechercherai, je retrouverai l’égarement voluptueux. […] Il manque encore bien des choses, et de technique et d’idéal à cet artiste pour être excellent ; mais il a de la couleur et de la couleur vraie, mais il a le pinceau hardi, facile et sûr ; il ne tient qu’à lui d’acquérir le reste. […] Si elle tient à la toile, pourquoi cette toile n’est-elle pas éclairée ? […] Un mauvais tableau de famille la tient bouche béante, elle passe devant un chef-d’œuvre, à moins que l’étendue ne l’arrête.

1277. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Il est singulier qu’en Allemagne, où on a tant écrit sur l’histoire poétique du Tannhäuser, on n’ait tenu presque aucun compte de ce parallélisme. […] Seulement la dureté du pape a été atténuée dans ce récit, — soit par Antoine, soit par ceux de qui il la tenait, — avec une visible gaucherie. […] Mais si tu veux me lâcher, je te dirai trois maximes qui te seront fort utiles, la première pendant que tu me tiendras encore, la seconde quand je serai sur l’arbre voisin, et la troisième, quand je serai au sommet. » L’oiseleur voulut entendre la première maxime. […] Gossart, de Bruxelles, tiennent le premier rang. […] « Si vous tenez votre promesse. » 287.

1278. (1900) La culture des idées

Une fois que je tiens mon air, un autre bientôt vient s’ajouter au premier. […] Que l’on tienne pour bon ce théorème : tout ce qui est utile à l’abeille est utile à la ruche ; et qu’on n’essaie pas d’en renverser les termes, si l’on ne veut être tenu pour un simple faiseur de jeux de mots. […] Car tout se tient et l’aisance intellectuelle est certainement liée à la liberté des sensations. […] Comme tout se tient, si la houille venait à manquer, la production littéraire baisserait de moitié. […] Il n’a tenu qu’au génie littéraire allemand de profiter de la situation.

1279. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Il faut se tenir sur ses gardes, car il est probable, a priori, que cette copie contient des fautes. […] Il y a pourtant un motif de vanité universel, c’est le désir de paraître tenir un rang élevé et jouer un rôle important. […] On peut donc s’en tenir aux questions déjà posées pour reconnaître la sincérité. […] Il faut donc rechercher dans les documents écrits les affirmations venues par tradition orale pour les tenir en suspicion. […] Quant aux chiffres donnés par les documents, on devra les tenir en défiance.

1280. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Il n’a pas tenu à Mme de Staël, approuvée par Chateaubriand, qu’un tel désastre s’achevât. […] Qu’Alfred de Vigny soit fêté, admiré, aimé même, honoré surtout, — car il tenait à l’honneur !  […] » Devant Leconte de Lisle, il siérait de tenir un plus grave langage. […] Le génie d’un artiste peut tenir dans la main. […] n’importe, c’est de l’esprit grec qu’il tient le goût de l’ordre, de la mesure, le mépris de l’excès, — l’harmonie.

1281. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Sur tous les ouvrages nouveaux, venus de Paris à cette date, Sismondi est informé autant que personne ; il se tient au courant et il nous y met. […] Les femmes sont toujours gracieuses et prévenantes, cela tient à leur essence ; mais, dans les hommes, on voit diminuer avec les années l’instruction comme la politesse : leur intérêt est tout tourné sur eux-mêmes ; avancer, faire son chemin est tellement le premier mobile de leur vie, qu’on ne peut douter qu’ils n’y sacrifient tout développement de leur âme comme tout sentiment plus libéral. » Voilà ce qu’on écrivait en 1813, il y a juste cinquante ans. […] Toute cette correspondance de Sismondi en 1814 pouvait faire présager déjà le procédé et la conduite qu’il allait tenir en 1815. […] Elle l’accusait de trop de jeunesse dans les impressions, de voir le monde trop en beau, de juger trop indulgemment les hommes ; il lui répondait de Paris, le 2 mars 1815 ; « Notre dissentiment tient à ce que vous vous attachez aux personnes, et moi aux principes. […] Votre esprit est trop philosophique pour que vous ne compreniez pas les deux manières de juger et de sentir, dont l’une tient à la vivacité des impressions présentes, et l’autre à la vivacité des impressions passées ; et dussions-nous pousser, chacun, notre manière propre à l’extrême, vous avez trop de bonté aussi bien que d’étendue dans l’esprit pour ne pas tolérer des opinions qui ne sont pas les vôtres. » La correspondance moins vive, mais toujours affectueuse, se continua jusqu’à la mort de Mme d’Albany.

1282. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Né à Grenoble, d’une honorable famille qui tenait une petite auberge où l’on vendait de la bière aux jeunes gens du pays, sa mère, femme pieuse et intelligente, lui avait fait donner par les ecclésiastiques de Grenoble une éducation lettrée, dont elle espérait un jour tirer parti pour son avancement dans le monde. […] Vous ne tenez pas plus que moi à l’ordre de choses sous lequel nous avons le bonheur de vivre ; mais vous ne voudriez pas, je le sais, jeter le pays dans une révolution mal préparée et dangereuse, qui retomberait sur votre responsabilité. […] —À cela ne tienne », lui répliquai-je ; et j’écrivis à l’instant à Pastoret le désir de Genoude et les circonstances qui le rendaient intéressant. […] il ne reste rien de cette immense existence de parvenu qui faisait envie à tout ce qui tenait une plume ? […] Aubry-Foucault ; il a essayé de tout et tout s’est brisé dans sa main ; il est depuis six mois abandonné de tout le monde, excepté de ma femme qui lui raccommode ses habits, et de moi qui lui fais partager mon pauvre repas, et de temps en temps les misérables économies que je tiens de son respectable père. — Et n’y a-t-il personne qui s’intéresse à lui et qui vous aide ?

1283. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

Catulle Mendès appartient à une école qui prétend renouveler l’art dramatique, qui affiche le mépris des anciennes conventions et ne tient nul compte des critiques. […] Tenir une heure durant quelqu’un sous le charme d’une histoire rare et magnifique dite en paroles rythmées, voilà ce qui ne vous est pas étranger, et à quoi vous avez droit été, cela, avec l’incroyable talent que vous mettez partout, vous fait des aujourd’hui une place à part ; et, Les Poésies de Catulle Mendès, ce titre signifie parfaitement ce qu’il dit. […] Plusieurs scènes en sont vraiment belles : la scène, entre autres, où, à contempler le sabre qu’il a dérobé, par jeu, au Marchand d’habits, Pierrot conçoit l’idée du meurtre, et celle où, tandis qu’il tient enlacée Musidora, lui apparaît le spectre de l’homme assassiné. […] Je me l’imaginais claustré, ainsi qu’un simple Fils du Ciel, au fond d’un farouche lyrisme, où il vivait, muet solitaire, refusé aux regards des profanes ; — car je ne doutais pas qu’il se tînt à l’écart de la conversation des hommes, faite, selon moi, pour écœurer de nausées son absolutisme hautain de chantre éternellement visité par la Muse. […] Ainsi tient dans le creux de la main l’historique de cet Art au théâtre dont notre ami Eugène Fasquelle lance aujourd’hui la première édition, qui sera suivie de tant d’autres : livre extraordinairement nouveau, tout à fait beau, je le répète, débordant de bonne foi, ce qui est bien, et de foi, ce qui est encore mieux, et où alternent avec un égal bonheur les envolées et les culbutes, les coups d’aile et les coups de bâton.

1284. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

Ce doit être une sorte d’inventaire détaillé et fidèle de tout ce qui a vu le jour et a été lu, une liste raisonnée de tous ceux qui ont tenu une plume ; le mérite d’un inventaire de ce genre est de n’omettre personne. […] Ne sommes-nous pas tous intéressés, pour notre conduite, principalement dans la vie publique, à savoir ce que notre nation a constamment tenu pour vrai, même après quelque oubli ou quelque dégoût qui ne faisait que rendre plus décisif son retour à ses habitudes ? […] Ces qualités d’obligation, sans lesquelles on n’écrit rien de durable en France, sont comme autant de privilèges pour le lecteur ; pour l’écrivain, ce sont des charges et des devoirs., Quiconque a tenu une plume sait ce qu’il en coûte pour être goûté, c’est trop dire, seulement pour n’être pas rebuté. […] Que de fois la force d’esprit qui doit tenir toutes ces pièces rangées ne fléchit-elle point ? […] En Allemagne, on n’est pas plus tenu d’écrire comme Goethe que comme Jean-Paul Richter.

1285. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Il y a une sorte de création dans cette sagesse même qui tint en bride Desportes et Bertaut, et qui les fit résister à la tentation d’imiter Dubartas, quoique celui-ci ne se fût pas mal trouvé pendant un temps d’avoir poussé jusqu’à l’extravagance l’imitation de Ronsard. […] Lors à toi (à Ronsard) revenant, et croyant que la peine De t’oser imiter ne seroit pas si vaine Je te pris pour patron mais je pus moins encor Avec mes vers de cuivre égaler les tiens d’or…117 En effet, les œuvres de jeunesse de Bertaut sont imitées de Desportes ; celles de son âge mûr le sont de la partie sérieuse et savante des poésies de Ronsard. […] Il présidait la réunion et tenait si fort à cette prérogative, qu’un jour son valet ayant annoncé je ne sais quel président du parlement : « Il n’y a ici, dit-il, de président que moi. » Là, on discutait tous les perfectionnements que pouvait recevoir l’art d’écrire en vers ; on revisait les jugements de la mode et on préparait ceux de la postérité. […] Parmi les traditions de l’antiquité, il n’employa que les plus populaires, et, dans la mythologie comme dans l’histoire, il s’en tint aux noms connus de la foule. […] En effet, quelque résistance que nous fassions, par la solitude, par la lecture des chefs-d’œuvre, par notre droiture et notre naturel, au tour d’imagination de notre époque, le passager, l’éphémère nous atteignent jusque dans la retraite la plus opiniâtre ; et si nous tenons assez ferme pour n’être pas à la fin dépouillés de notre naturel, il est difficile que nous n’en soyons pas fréquemment distraits.

1286. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Aussi les écrivains secondaires tiennent-ils un meilleur rang au xvie  siècle qu’aux deux siècles qui suivent, parce que la condition de ces derniers est moins bonne. […] L’idée était fort heureuse d’imaginer une réunion des principaux personnages des états, et de leur faire tenir des discours où ils se trahissent eux-mêmes, et dévoilent leurs motifs intéressés et ceux de leurs amis. […] Au xvie  siècle, le passé et l’avenir tiennent plus de place dans les pensées que le présent, et le présent lui-même n’est plus considéré comme le temps tout entier, mais comme le passage de ce qui a été à ce qui sera. […] Elles tiennent cette abondance pour une marque d’invention, cette diversité pour variété ; et, ce qui ne devrait jamais avoir lieu dans les choses de l’intelligence, elles mettent la quantité avant la qualité. […] C’est ce fameux mélange des langues savantes et des patois provinciaux, la plus étrange des nouveautés conseillée par un homme qui tient toute nouveauté pour suspecte.

1287. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

La civilité et la flatterie y tiennent une grande place, et ont coûté bien des tours de force à Balzac. […] A ceux qui reprochaient à Balzac le titre de Lettres donné à ses pièces d’éloquence, disant qu’une inscription si basse ne devait couvrir que des choses ordinaires, ses admirateurs répondaient « qu’il n’avait tenu qu’à la fortune que ce qu’on appelait Lettres n’eussent été harangues ou discours d’Etat ; mais que, dans un pays où la volonté d’un seul avait remplacé le gouvernement populaire, n’y ayant ni peuples opprimés à défendre devant un sénat, ni oppresseurs à accuser, il n’y avait pas lieu à l’éloquence politique ; que quant au barreau, les affaires y étaient tellement étouffées par la chicane, que là non plus il n’y avait pas place pour l’éloquence judiciaire : qu’il restait les chaires des prédicateurs, mais que ce n’étaient pas des hommes tels que M. de Balzac qu’on appelait aux fonctions ecclésiastiques », — allusion à Richelieu, qui l’avait critiqué et ne l’avait pas fait évêque, pas même abbé, à quoi Balzac, dit-on, s’était rabattu ; — « que dès lors il avait fallu que son éloquence s’enfermât dans ce petit espace. » C’est là, en effet, le malheur de cette éloquence. […] Il fit répondre aux attaques du jeune feuillant par une apologie, où lui-même, en beaucoup d’endroits, avait tenu la plume. […] L’un promet plus qu’il ne tient, l’autre tiendra plus qu’il n’aura promis.

1288. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Tenez. […] Fossé d’Arcosse, un long vieillard osseux, tout en feuilletant des paperasses qui tiennent de l’histoire : « Oui, oui, je vais y arriver, fait-il, je sais, il y a deux branches dans cette famille… et même une particularité curieuse : chacune de ces branches avait 100 000 livres de fortune sous Louis XIV. […] — reprend la femme du libraire, — et tous ces petits bouquins-là, n’est-ce pas de l’argent… de l’argent que vous aurez quand vous le voudrez… Tenez, combien cela ? Et hanchant coquettement, elle tient au-dessus de sa tête, entre ses deux mains, toute une rangée de livres. […] Il semble qu’une main du passé ait tenu la pointe du graveur, et que mieux que la pierre du vieux Paris soit venu sur ces feuilles de papier.

1289. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1877 » pp. 308-348

Mardi 16 janvier Une confession de Raoul Rigault père, à Ernest Picard : « Mon fils était arrivé à un tel degré de cynisme, qu’un jour il a dit : « Tiens, il y a longtemps que je n’ai vu papa… J’ai envie de le faire arrêter… comme ça, on me l’amènera. » J’ai lu, je ne sais où, que chez quelques chiens, il y avait en leur gaieté, comme l’apparence d’un rire. […] Mardi, 20 mars Aujourd’hui, je ne puis tenir chez moi, je ne puis travailler, je ne puis attendre le soir, où j’ai l’espoir de voir, chez Charpentier, la physionomie de mon volume. […] Mardi 27 mars Ce jour-ci, un pur du journalisme, avec toutes les perfidies de la citation tronquée, me désigne au procureur général de la République… Je m’étonne presque, qu’il n’ait point affirmé, dans son article, que je tenais la maison du gros numéro de l’avenue Suchet ou que j’y avais des fonds, et que mon livre n’avait été écrit que pour faire marcher la maison. […] Forcé de poursuivre un journal républicain, il se pourrait très bien que le gouvernement, pour paraître tenir la balance égale, eût la faiblesse de faire asseoir en police correctionnelle, un homme que La Marseillaise vient de peindre, ce matin, comme un familier de Compiègne — où il n’a jamais mis les pieds. […] Si bien que Chérubin, à la dernière visite à la tendue, s’était juré de mettre à mal la femme de l’avocat dans le bois, mais sa belle-sœur, qui était un peu ma parente, vit si bien dans nos yeux, lors de notre arrivée à la baraque, l’envie chez moi de tenter l’aventure, et peut-être chez elle le désir de succomber, qu’elle se tint dans nos souliers, toute la journée.

1290. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Le théâtre est l’Église du diable Voilà comment tiennent, l’une à l’autre, ces œuvres fameuses de la comédie ; un lien secret réunit à Molière, au maître absolu de ce grand art, toutes les comédies qui ont été faites après lui, et de même que Longin appelait le théâtre d’Eschyle, d’Euripide et de Sophocle : le Relief des Festins d’Homère , on pourrait appeler les comédies qui ont suivi L’Avare, Les Femmes savantes, Le Misanthrope et L’École des femmes, le relief des soupers de de la petite maison d’Auteuil. […] « Pour moi, disait saint Jérôme, je tiens l’adultère en plus grande estime que ces prétendus moralistes, et je soutiens que, rien qu’à le voir, on apprend à le commettre : Discitur adulterium dum videtur !  […] Tenez, Henri, ce sera plus tôt fait, asseyez-vous là, à ma place, prenez ma plume, et pendant une heure faites-vous écouter de mes lecteurs. […] Notre ami, tout rempli d’admiration pour cette comédie incomparable, disait cependant que les jeunes filles n’avaient rien à y voir, qu’elles étaient cruellement déplacées dans ce drame du plaisir et de la joie où l’amour et l’esprit se tiennent, si étroitement pressés, qu’il n’y a plus de place pour les plus simples sentiments du cœur ; il disait encore que la comédie de Molière, toute remplie de pères crédules, de vieillards amoureux, de jeunes gens éveillés, de soubrettes égrillardes, de valets goguenards, cette comédie où rien ne manque, pas même l’entremetteuse et l’escroc, n’était pas faite pour y faire apparaître des enfants frais et blonds. […] Ces comédiens étaient recherchés par les plus grands seigneurs ; ces comédiennes étaient belles et galantes, on les aimait pour leur beauté, pour leur esprit, pour leurs amours ; il y avait de ces femmes qui tenaient pour leur amant, Racine ou M. de Sévigné ; il y en avait une qui portait le nom de Molière !

1291. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

Capefigue promit un jour, sans le lui tenir, un véritable historien à la France. […] Michelet, qui n’a pas tenu davantage des promesses, bien plus éclatantes encore. […] Tenez ! […] Eut-elle l’importance et l’influence qu’il prétend, et dans cette alcôve de maîtresse qu’il a voulu entrouvrir et qu’il eût été mieux de tenir fermée, pouvait-on réellement trouver cette femme que M. de Maistre voit au fond de toute affaire, et dont il a dit : « On ne l’y voit pas toujours, mais regardez-y. […] la main de toute la coterie d’Aiguillon, qui voulait renverser Choiseul et le tenir renversé sous elle !

1292. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

« Je tiens pour certain, dit M.  […] Montre la tienne. […] Je le tiens pour le Ronsard du symbolisme. […] Il n’y a pas de Tellier qui tienne, Homère est divin. […] Il n’y a pas de Paul Arène qui tienne.

1293. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Quel philosophe connaît la cause à laquelle tient la destinée de nos arts et de nos sciences ? […] Elle se tient à l’écart, et ne cherche point la foule. […] Mais à quoi tient leur effet ? […] Ainsi, les plus petits événements, quand ils tenaient au christianisme, avaient quelque chose de respectable et de sacré. […] L’une a plus de ces effets qui tiennent à la perfection des détails ; l’autre, de ceux qui tiennent à la rapidité de l’ensemble.

1294. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Pensif, il tenait son regard machinalement fixé sur Mme de Noailles, qu’il ne voyait que par derrière. […] La patrie la tient prête pour chacun de ses enfants : sachez la mériter, les occasions ne manquent pas aux grandes âmes. […] L’une de ces assemblées, la plus nombreuse et la plus violente, se tenait rue du Bac, dans l’église dévastée de Saint-Thomas d’Aquin. […] Dubois insista pour les retenir, mais Étienne tint bon et força Alexandre de le suivre. […] Mais j’ai tenu ferme.

1295. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

Et elle tient d’autre part à l’Allemagne. […] Nul n’a le droit de toucher aux nations qui tiennent à vivre. […] Ceux-ci ont tenu, tout de suite, à conquérir les rivages de la Flandre. […] Il se tenait à califourchon sur ce vivant dont il était absolument maître. […] La marchande de la rue est heureuse de tenir la boutique du feu.

1296. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

n’es-tu défendue par aucun des tiens ? […] A côté des satisfactions fort douces qu’il y recueillit, il ressentit bien des ennuis, bien des gênes, sans parler de celles qui tenaient à sa situation personnelle. […] Les idylles, les élégies y tiennent la meilleure place. […] Nous nous tenons en ce genre à sa pièce adressée à Capponi sous le titre de Palinodie, dans laquelle il se moque très-agréablement de notre progrès proclamé par les journaux et de notre âge d’or industriel. […] Mais les Romains avaient sous les yeux les originaux qui, à la rigueur, pouvaient dispenser d’Horace, tandis qu’à nous, Horace nous en tient lieu.

1297. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Toutes ces belles qualités me furent un jour représentées par notre excellent ami monsieur de Balzac avec toute la pompe de son éloquence. » Cette pompe ne déplaisait pas au chevalier ; il en tenait lui-même, et, sous ses airs d’homme du monde, il avait du collet-monté , comme disait de lui Mme de Sévigné. […] Il y a Lucrèce enfin tout à l’opposé de Pétrone ; il y en a quelques autres encore dans l’intervalle, et l’on n’est pas absolument tenu de choisir entre l’historien d’Eucolpe et le vertueux académicien Thomas. […] Encore, pour la divertir, je lui contois souvent quelque aventure à peu près comme la mienne, et je voyois qu’elle étoit souvent attendrie, et que, pour m’en ôter la connoissance, elle se cachoit de son éventail, car je fus longtemps sans m’oser déclarer. » — Mon ami, après m’avoir dit ce qui l’avoit rendu si bon lecteur, se voyant quitte de ce que je lui avois demandé, se tint dans un morne silence. […] Aussi je tiens d’un auteur grec que c’étoit un crime à la cour d’Alexandre de remarquer les moindres fautes dans les œuvres d’Homère. » Voiture et Homère ! […] Ainsi, à travers les fatuités de cette lettre qui nous paraît si étrange de ton, il savait très-bien indiquer le côté faible de Mme de Maintenon, lui dénoncer cet oubli où on l’accusait de laisser tomber insensiblement ses relations du passé : « On s’imagine que vos anciens amis ne tiennent pas en votre bienveillance une place fort assurée. » Il l’avertit qu’on lui reprochait à la cour de n’aimer à favoriser que des gens déjà élevés et par eux-mêmes en faveur.

1298. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

L’obligation fondée sur un choix libre et volontaire, qui unit à l’homme la compagne de sa vie, est d’un ordre plus élevé que le lien nécessaire par lequel un enfant tient à ses parents. […] Sottement révolté contre l’ordre éternel des choses, il est nécessaire qu’il soit vaincu ; mais cela n’est pas encore assez, et si la victoire lui tient à cœur, si la défaite lui est amère, qui ne voit que la morale n’est qu’à moitié contente ? […] Il ne tient pas ses comptes, il ne se mêle pas de politique, il est oisif, indécis et amoureux. […] Si j’étais tenu pour imbécile par les gentilshommes, par les gens magnifiques, généreux, de haute naissance, ah ! j’en ressentirais un irréparable affront ; mais que des pédants me tiennent pour insensé, je m’en ris.

1299. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Il les engagea fort à se tenir en garde contre la cavalerie prussienne, et à la recevoir en carré avec leur fermeté ordinaire. […] Les Cosaques, ordinairement dispersés, tenaient cette fois au corps même de l’armée. […] « Napoléon n’avait cessé, pendant la journée, de se tenir dans l’angle que décrivait notre ligne d’Aspern à Essling, d’Essling au fleuve, et où passaient tant de boulets. […] Il lui transmit son message, et Masséna, se levant, lui répondit avec un accent extraordinaire : “Allez dire à l’Empereur que je tiendrai deux heures, six, vingt-quatre s’il le faut, tant que cela sera nécessaire au salut de l’armée.” […] Là on tint un conseil de guerre.

1300. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Notre plaisir allemand du jeu de quilles paraît, en comparaison, grossier, commun, et il tient beaucoup du Philistin. […] J’ai vu des arcs écossais tout droits, et d’autres au contraire recourbés à leur extrémité ; lesquels tenez-vous pour les meilleurs ? […] » J’étais plein de joie de tenir cette chère arme dans mes mains. […] Je lui donnai l’arc et tins la flèche. […] Quelle folie est la tienne !

1301. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

Quant à l’œuvre même, qui tient quarante pages in-8°, nous ne faisons que l’analyser et en indiquer le plan et l’esprit général. […] Jésus vous exhorte à tenir votre foi ; mais il ne s’inquiète point d’elle, non plus que de votre métier. […] des mains et des pieds je ne saisis ni ne tiens la lèche-marche. […] Alberich tâche à tenir de force Wellgunde ; elle s’élève rapide à un autre rocher. […] Alberich Si je te tenais toujours !

1302. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

Cela suffit pour que nous nous tenions pour avertis de la possibilité de semblables héritages. […] Or, je tiens du professeur Dana que ces affinités existent chez quelques-uns des animaux des cavernes américaines, de même que plusieurs des insectes des cavernes d’Europe sont étroitement alliés à ceux de la contrée environnante. […] Je me tiens en garde contre diverses causes possibles d’erreurs, et j’espère avoir fait leur part. […] On a dit qu’elles sont encore plus apparentes chez l’ânon, et, d’après mes renseignements personnels, je dois tenir cette opinion pour bien fondée. […] Blyth et quelques autres, son pelage en laisserait quelquefois apparaître des traces ; et je tiens du colonel Poole que les petits de cette espèce sont généralement rayés sur les jambes et légèrement sur les épaules.

1303. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Je tiens de M.  […] On a prétendu que le Coucou d’Amérique pondait aussi ses œufs dans le nid d’autres oiseaux ; mais je tiens du docteur Brewer, dont le témoignage fait autorité en pareille matière, que cette opinion est erronée. […] Il ne pouvait cependant être bien loin, car deux ou trois Fourmis noir-cendré couraient çà et là dans la plus grande agitation ; et l’une d’elles se tenait immobile à l’extrémité d’un brin de Bruyère, tenant sa nymphe entre ses mandibules, véritable image du désespoir sur les ruines de la patrie désolée. […] Je tiens de M.  […] À ce point de vue, cette abondante excrétion, qui les tient dans la dépendance d’une autre espèce, est donc un désavantage ; mais il se peut que l’espèce même doive sa conservation et sa multiplication à ce désavantage apparent.

1304. (1898) La cité antique

C’est d’elle que la cité a tenu ses principes, ses règles, ses usages, ses magistratures. […] Carle droit grec et le droit romain ne tiennent aucun compte de ce sentiment. […] Le fils tenait tout du père. […] La religion était un lien matériel, une chaîne qui tenait l’homme esclave. […] La patrie tient l’homme attaché par un lien sacré.

1305. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Enfin, elle a mis en liberté l’esprit qu’on tenait captif sous ce préjugé, et elle seule nous maintient dans nos droits. […] Il tient la jeune intelligence constamment en éveil et en haleine, et mêle aux leçons de la gaieté et de l’intérêt ; il pratique le conseil de Charron et de Montaigne : « Je ne veux pas que le précepteur invente et parle seul, je veux qu’il écoute son disciple parler à son tour. » Il fait commencer le grec dans le même temps et sur le même pied que le latin. […] Cependant Chapelain et M. de Montausier avaient beau s’y mettre, on rencontrait un obstacle qui tenait peut-être à la religion de Le Fèvre, et aussi à quelques inconstances de son caractère. […] Là, pendant plus d’une année, ils suivirent leur méthode studieuse en la transportant et la renfermant cette fois dans les matières de religion, et ils tombèrent tout à fait d’accord sur la conduite qu’ils avaient à tenir ; mais ils voulurent faire plus, ils aimèrent mieux différer de quelques mois leur déclaration publique, et ils s’appliquèrent dans l’intervalle à user de leur influence, de l’estime qu’ils inspiraient et des raisons dont ils étaient remplis, pour ramener la ville entière avec eux.

1306. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

Celui qui me paraît l’avoir jugé à la fois avec indulgence et une mesure équitable, est le marquis d’Argenson, dans le portrait qu’il a tracé de lui : « Le président Hénault, dit-il, ne tiendra peut-être point au temple de Mémoire une place aussi distinguée que les deux autre, (c’est-à-dire que Fontenelle et que Montesquieu, qui n’était point encore, à cette date, l’auteur de L’Esprit des Lois). […] Le moment de la majorité du roi approchait ; le 22 février (1723), un lit de justice devait être tenu au Parlement pour cette déclaration solennelle ; le roi y devait parler, le Régent aussi, le chancelier ou le garde des sceaux également, et enfin le premier président du Parlement y avait son rôle à part. […] Hénault raconte tous ces dessous de cartes en se jouant, et comme un homme qui tient plus à être dans le secret de la coulisse et à manier les ficelles qu’à obtenir le renom public et la gloire. […] En un mot, par une certaine liberté de goût et un dégagement de pensée, le président Hénault tenait à quelques égards de l’école littéraire de Fontenelle plus que de celle de Voltaire et de Despréaux : il y avait des commencements de novateur dans cet amateur.

1307. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

L’éloignement où Voltaire se tint dans ses dernières années, la révérence qu’il inspirait de loin, dans son cadre de Ferney, aux générations nouvelles qui n’avaient rien vu de sa pétulante et longue jeunesse, le concert de louanges que sa vieillesse habile et infatigable avait fini par exciter en France et en Europe, tout prépara l’apothéose dans laquelle il s’éteignit et contre laquelle bien peu de protestations alors s’élevèrent. […] Envoyez cela, je vous prie, au suisse de l’hôtel de Villars, pour me le faire tenir à Villars. […] L’accident au fond venait de lui : il tenait à un défaut et à une qualité. […] Si l’on a égard à son humeur, à ses pétulances et au caractère aussi de la marquise, on trouvera qu’il ne tint pas trop mal sa gageure, puisque cette liaison dura plus de quinze ans et ne fut rompue que par la mort.

1308. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Ne lui demandez pas de se soigner, de se relire : « Mes affaires et mes amis, dit-il, ont besoin de moi, et le peu de temps qu’on me laisse est mieux employé à composer qu’à m’appesantir sur des révisions de style… Si je me contraignais pour me rendre méthodique, je suis certain que je serais moins lu encore que je ne le serai dans toute la pompe de la négligence et des écarts2. » Dans la Théorie de l’impôt, qui est censée une suite à l’entretiens ou discours tenus et prêchés à Louis XIV par Fénelon, cet éloquent prélat parle le plus rébarbatif des langages ; il dira que « l’honneur, ce gage précieux dont le monarque est le principal et presque le seul promoteur, a comme toute autre chose, son acabit ou son aloi nécessaire ». […] Le coup a porté : Vauvenargues a beau dire, il est homme de lettres plus qu’il ne croit ; il est sensible plus qu’il ne le voudrait à cette idée de génie, à cette image d’une gloire sous sa main, et qu’il ne tient qu’à lui de cueillir : « Vous ne sentez pas vos louanges, écrit-il à Mirabeau, vous ne savez pas la force qu’elles ont, vous me perdez ! […] Adieu, aimez-moi ; vous êtes quelques-uns dont l’amitié fera toute la douceur de ma vie, car les femmes, qui font maintenant toute l’occupation de ma folle jeunesse, n’y tiendront pas, j’espère, du moins en tant que sexe, le moindre petit coin à un certain âge. […] pour le coup, Vauvenargues n’y tient pas !

1309. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

Elle affectait l’esprit romain, et moi je l’eus toujours romanesque ; cela se tenait d’assez près. […] Je ne suis ni assez fou ni assez vain pour croire avoir pu lui inspirer du goût à mon âge ; mais, sur certains propos qu’elle tint à Thérèse, j’ai cru lui avoir inspiré de la curiosité. […] » Mais je n’ai à m’occuper ici que de Mme de Boufflers et de la conduite qu’elle tint avec ses deux amis, quand la rupture éclata entre eux et qu’elle les vit brouillés à mort. […] Mme de Boufflers et le prince de Conti, malgré cette incartade, ne restèrent pas moins les protecteurs de Rousseau, et celui-ci trouva, à son retour d’Angleterre, un asile, un abri dont il ne tenait qu’à lui de jouir en paix, dans le château de Trie appartenant au prince.

1310. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

La Description d’une petite métairie excéderait ici les bornes permises ; mais ce que je tenais à faire remarquer, c’est que, dans ce livre, où il y a trace à peine de formes exotiques, Sismondi a eu à son service une langue technique, appropriée, colorée même (relativement à l’époque), une langue voisine des choses qu’il voyait sans cesse et au sein desquelles il habitait. […] Mais il fut très-surpris d’entendre Mme de Staël en personne lui tenir un tout autre langage que l’auteur du roman. […] Sa mère, qui connaissait sa sensibilité extrême, le tenait en garde contre le trop de chaleur et d’entraînement. […] Il faudra donc que ce quelqu’un-là ait la double attention d’ouvrir les yeux sur ses propres défauts pour les réprimer, et de les tenir strictement fermés sur ceux de sa compagne.

1311. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

 » Le paysage de cette contrée mitoyenne, un peu en-deçà du Midi et y confinant sans en être encore, qui tient de la Vendée et de l’Anjou, qui mêle l’air salin de la mer et la fraîcheur du bocage, et que Henri IV avait déjà décrite dans une charmante lettre à Gabrielle, datée de Marans, trouve en M.  […] Fromentin applique, en effet, aux figures le même mode d’expression qu’il a porté dans ses tableaux naturels ; au lieu de s’en tenir à la description pure des traits, du teint, des cheveux et de chaque partie de la personne, à ces signalements minutieux et saillants, qui, à force de tout montrer, nous empêchent parfois de voir et de nous faire une juste idée de l’ensemble, M.  […] Le portrait physique, pourtant, ne manque pas ; de ce qu’il y introduit la teinte morale, il ne s’ensuit pas du tout qu’il supprime, pour cela, la réalité visible ; c’est l’accord des deux tons, et non le sacrifice de l’un à l’autre, que je tiens à signaler : « Elle avait bruni. […] Plus en proie et plus déchiré que jamais, il se résout alors à un grand parti ; il entreprend un lointain voyage, mais d’où il revient vite et sans tenir tout ce qu’il s’était juré en partant.

1312. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

. — Marie-Antoinette continue de nous éclairer sur les manèges et les tortuosité de l’auguste personnage ; elle et Louis XVI savaient à quoi s’en tenir sur ces secrets de famille qu’on nous révèle aujourd’hui : « Je n’ai jamais oublié ce que ma chère maman me dit sur le caractère piémontais ; il va très bien à Monsieur, et, à cet égard, il ne s’est point mésallié. […] On pourra sourire de quelques détails qui sentent la maman. — Ayez plus soin de vos dents, on dit que vous les négligez. — Mettez un corset, crainte, comme on dit en allemand, d’élargir et de paraître déjà la taille d’une femme sans l’être. — Le monter à cheval gâte le teint, et votre taille à la longue s’en ressentira et paraîtra encore plus. — Les premières lettres sont remplies de ces prescriptions qui tiennent au corps, à la santé, et qui ont des conséquences morales aussi pour les personnes en évidence et dont toute la vie se passe en public : « Je vous prie, ne vous laissez pas aller à la négligence ; à votre âge cela ne convient pas, à votre place encore moins ; cela attire après soi la malpropreté, la négligence et l’indifférence même dans tout le reste de vos actions, et cela ferait votre mal ; c’est la raison pourquoi je vous tourmente, et je ne saurais assez prévenir les moindres circonstances qui pourraient vous entraîner dans les défauts où toute la famille royale de France est tombée depuis longues années64 ; ils sont bons, vertueux pour eux-mêmes, mais nullement faits pour paraître, donner le ton, ou pour s’amuser honnêtement, ce qui a été la cause ordinaire des égarements de leurs chefs qui, ne trouvant aucune ressource chez eux, ont cru devoir en chercher au dehors et ailleurs. […] C’est le monde ; cela arrive à nous tous, plus tard ou plus tôt ; mais il faut donc se tenir dans une assiette telle que cela ne puisse arriver par notre faute. (30 novembre 1774.) » Parole sage et vraie pour tous ceux qui sont acteurs, à quelque degré, sur ce vaste théâtre où chacun joue son rôle, grand ou petit, et doit avoir à cœur de le jouer de son mieux ! […] Louis Combes, tient toujours pour son opinion si désavantageuse au pauvre roi, j’aimerais bien qu’on en vînt une bonne fois, et fût-ce dans un journal de médecine, aux preuves et aux arguments qui peuvent en finir avec cette question.

1313. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

Que vous n’ayez pas faim, ce n’est pas une raison ; je ne tiens pas à vous faire manger, mais à causer avec vous sans être dérangée, et à ces heures-là je suis libre. […] Je voudrais pourtant bien me tenir à la place où vous m’avez mise d’abord ; je la trouve fièrement belle.  […] Je ne donnerai ici que ce qui se rapporte principalement à la littérature, à cette Lélia si diversement commentée, et à ce rôle de critique, de conseiller véridique et amical qui m’était si gracieusement déféré, et que je continuais de tenir de mon mieux :  « (21 septembre 1833.) […] Je ne promets pas de me rendre aveuglément à toutes vos critiques (quoique vous en soyez trop avare avec moi) : nous avons tous une partie de nous-même en jeu dans nos œuvres, et nous tenons souvent autant à nos défauts qu’à nos qualités ; mais un lecteur éclairé voit mieux que nous, quand nous rendons bien ou mal nos idées les plus personnelles, et nous empêche de donner une mauvaise forme à nos sentiments.

1314. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

Il développe avec toute sa science et sa pénétration les rapides indications de Bossuet, quand il nous expose le fond de l’âme romaine, cet amour de la liberté, du travail et de la patrie, la force des institutions militaires, et de la discipline ; l’ardeur des luttes intestines, qui tiennent les esprits toujours actifs, toujours en haleine, et qui s’effacent toujours dans les occasions de danger extérieur ; la constance de la nation dans les revers, et cette maxime de ne faire jamais la paix que vainqueurs ; enfin l’habileté du sénat, dont la substance se réduit à trois principes : soutenir les peuples contre les rois, laisser aux vaincus leurs mœurs, et ne prendre qu’un ennemi à la fois. […] Il les commente en juriste, qui n’a pas à les infirmer, à les corriger, à les rectifier ; il les tient pour établis, authentiques, véridiques ; il se borne à en définir le sens et marquer les conséquences. […] De la nature, le jeune magistrat tenait une certaine sensualité que les mœurs contemporaines développèrent en polissonnerie intellectuelle. […] Il ne soufflait mot des Juifs, et le peuple de Dieu avec ses lois révélées tenait moins de place dans son ouvrage que les sauvages de l’Amérique ou de l’Océanie.

1315. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Et je suis tenté de croire que, parmi les causes qui nous ont rendus si différents des hommes d’autrefois, même des hommes d’il y a cent ans, il faut tenir grand compte de celle-là, et que cet amour de la nature a profondément modifié l’âme humaine (je ne parle, bien entendu, que d’une élite). […] Or, il est naturel de se servir de ce qu’on sait, et la science de M. de Glouvet vient d’autant mieux à propos, que la chicane tient une assez grande place dans la vie des paysans. […] Aucune femme n’a mieux tenu parole. » Marie-Anne est bonne, brave, fière et triste. […] Il a su, dès sa première apparition, la fixer dans une attitude qu’on ne peut plus oublier : Une femme tenait la barre du gouvernail.

1316. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

Il n’est que d’acquérir le tour de main qui force sûrement la grimace du rire ou du pleur, pour tenir la recette à tout faire : farces et mélos, le procédé élastique, la formule-caoutchouc des succès imperméables. […] Enfin, si l’on veut percevoir le contact parfait de cette société et de son théâtre, qu’on se rappelle ces solennités à la fois théâtrales et mondaines, dans le parc du château royal, où les intermèdes dramatiques, les danses, les festins et les musiques se fondaient dans une combinaison délicieuse de fête et de comédie, et dont Molière, dans Les Plaisirs de l’Isle enchantée, nous a laissé une relation qui tient (comme la vie de ce siècle) de l’histoire, du théâtre et du ballet. […] Orchestres, gymnastiques, clowneries, pantomimes, Pezon, la Goulue, bars, montagnes russes, les spectacles tiennent tous ces articles, et même un autre. […] Brisson, sera l’héritier tout désigné pour tenir le sceptre rouillé de la critique en enfance sous ces théâtres désagrégés.

1317. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Baron, son élève, formé tout entier par ses leçons, tint parole pour lui. […] On l’accusait de tenir bureau de bel esprit, parce que sa maison était « la seule, à un petit nombre d’exceptions près, dit Fontenelle, qui se fût préservée de la maladie épidémique du jeu, la seule où l’on se trouvât pour s’entretenir raisonnablement les uns les autres, et même avec esprit selon l’occasion ». […] Elle se privait donc, le plus qu’elle pouvait, de l’approbation des sots, et s’en tenait à celle des amis. […] Quoique d’un âge où il ne tient qu’aux femmes de paraître encore jeunes, elle ne craint pas de parler des années qui approchent et de ce qu’elles amènent de moins gracieux avec elles, des soins, des devoirs auxquels, dans dix ans, on sera obligé auprès d’une vieille amie.

1318. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

J’en suis charmé pour votre sexe, et même pour le mien ; car, quoiqu’en dise votre amie, sitôt qu’il y aura des Julie et des Claire, les Saint-Preux ne manqueront pas ; avertissez-la de cela, je vous supplie, afin qu’elle se tienne sur ses gardes… Puis tout à coup il s’enflamme à l’idée de retrouver quelque part une image des deux amies inséparables qu’il a rêvées ; l’apostrophe, cette figure favorite qui est son tic littéraire, lui échappe : « Charmantes amies ! […] Reste un article qui, à mon sens, tient assez à la personne pour qu’on en fasse mention, et que vous-même n’avez pas dédaigné : la façon de se mettre. […] L’amie de Mme de La Tour, Claire, se le tint pour dit : « Je me suis donné trois fiers coups de poing sur la poitrine, écrivait-elle à son amie, du commerce que je me suis avisée de lier entre vous. […] Comme, dans quelque situation que je puisse être, je n’ai jamais autre chose de vous, je me le tiens pour dit, et m’arrange un peu là-dessus.

1319. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Qu’était-il donc cet homme qui, avec des talents rares, s’est tenu exactement sur la limite de la considération et de la célébrité, et comme en défiance de celle-ci ; qui était si goûté et si apprécié du nombre restreint de ceux qui rapprochaient, et si facilement ignoré des autres ? […] Le caractère de la jeune rédaction de La Quotidienne était de ne donner (c’est tout simple) dans aucun des lieux communs libéraux du temps, d’en rire tout haut, et aussi de rire plus bas des déclamations et des lieux communs monarchiques et religieux qu’elle pratiquait de si près, qu’elle semblait partager et redoubler souvent, mais auxquels elle ne tenait en réalité que par le côté politique. […] Lui, si heureux à première vue, si bien doué, ce semble, par la nature, si bien doté de plus par la fortune, il se tenait sur la défensive avec la société, comme s’il eût craint d’être abordé de trop près. […] Il tenait tout charlatanisme en mépris ; il avait un beau dédain de la popularité, et par les côtés élevés.

1320. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Très lié, malgré sa vertu, avec le duc d’Orléans, futur régent, il tint ferme pour lui dans les infâmes accusations qui le poursuivirent, et il eut ensuite une influence très réelle et très active dans les premières mesures de la Régence. […] Il était mal avec Monseigneur et avec ses entours ; aussi cette nouvelle soudaine du danger où se trouvait le malade lui fut tout d’abord des plus agréables ; il le confesse sans hypocrisie : « Je passai, dit-il, la journée dans un mouvement vague de flux et de reflux, tenant l’honnête homme et le chrétien en garde contre l’homme et le courtisan. » Mais il a beau faire et se tenir de son mieux, l’homme naturel l’emporte, et il se laisse aller à des espérances riantes d’avenir ; car il était très bien avec la petite cour du duc de Bourgogne, lequel, par la mort de son père, se trouvait ainsi à la veille de régner. […] M. et Mme la duchesse de Bourgogne y tenaient ouvertement la cour, et cette cour ressemblait à la première pointe de l’aurore. » Pendant cinq jours on reste dans ces fluctuations et ces incertitudes dont il ne nous laisse rien perdre. […] Des changements de posture, comme des gens peu assis ou mal debout ; un certain soin de s’éviter les uns les autres, même de se rencontrer des yeux ; les accidents momentanés qui arrivaient de ces rencontres ; un je ne sais quoi de plus libre en toute la personne, à travers le soin de se tenir et de se composer ; un vif, une sorte d’étincelant autour d’eux les distinguaient, malgré qu’ils en eussent.

1321. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Diderot, né à Langres en 1713, fils d’un père coutelier (comme l’était le père de Rollin), eut dès l’enfance le sentiment de famille à un haut degré, et il le tenait des siens : c’était une race d’honnêtes gens. […] On entrevoit en quoi Diderot tenait d’elle, et en quoi il en différait : elle était la branche restée rude et sauvageonne, lui le rameau greffé, cultivé, adouci, épanoui. […] Ne doit-elle pas la tenir écartée, et interposer sa main pour en amortir la clarté ? […] Mais Diderot y tient et ne manque pas d’y revenir : « Habite les champs avec elle, continue-t-il ; va voir le soleil se lever et se coucher… Quitte ton lit de grand malin, malgré la femme jeune et charmante près de laquelle tu reposes… » La suite de la description du paysage a beau être ravissante de pureté, et comme tout humectée de rosée et de lumière, on sent combien ce coin entrouvert de l’alcôve maritale, qui revient à deux ou trois reprises, est déplacé et presque indécent.

1322. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Il a ces deux caractères : il change peu de place, et en tient peu. » Tel Fontenelle se décelait de son propre aveu, tel nous le montre Mme Geoffrin : « Quand il entrait dans un logement, il laissait les choses comme il les trouvait ; il n’aurait pas ajouté ni ôté un clou. » Rien ne lui faisait de ce qui prend et divertit les autres hommes ; belle musique, beau tableau, il ne se tournait à rien. […] Disciple de Descartes en philosophie, mais disciple libre et qui se permettait de juger son maître, il comprit qu’il y avait un rôle à prendre, un milieu à tenir entre les gens du monde et les savants, et que l’esprit, qui, d’un côté, servait à entendre, pouvait servir, de l’autre, à exprimer. […] Il suppose avec tranquillité des choses extraordinaires et qui pourront bien arriver un jour : Nous serons un jour des anciens nous-mêmes, remarque-t-il, et il faut espérer qu’en vertu de la même superstition que nous avons à l’égard des autres, on nous admirera avec excès dans les siècles à venir : « Dieu sait avec quel mépris on traitera en comparaison de nous les beaux esprits de ce temps-là, qui pourront bien être des Américains. » C’est ainsi que Fontenelle, l’esprit le plus dégagé de soi-même, de toutes ces préventions qui tiennent aux temps et aux lieux, se propose des perspectives, des changements à vue dans l’avenir, et s’amuse à les considérer avec des yeux indifférents. […] Cette indifférence, si nettement marquée et affectée dans l’accent, semblait aux partisans de l’Antiquité le suprême de l’insolence, et Boileau furieux n’y tenait pas : « C’est dommage, disait-il un jour de La Motte, qu’il ait été s’encanailler de ce petit Fontenelle ! 

1323. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Aussi ce publiciste tant injurié, tant calomnié, et qui lui-même n’a pas su toujours tenir sa plume exempte de duretés injustes et d’invectives, laisse-t-il empreint sur la totalité de ses pages un cachet d’élévation, de respect pour soi-même et de dignité, qui tient à la pureté de son intention, à son désintéressement fondamental, et qui pour nous tous aujourd’hui devient une leçon. […] La ligne qui serait la sienne, et qui est de bonne heure enfoncée et détruite, est celle des Constitutionnels comme Mounier, Lally ; mais, plus résolu qu’eux et plus homme de guerre, il reste sur la brèche, il ne quitte point le champ de bataille en présence des vainqueurs ; il tient pied jusqu’à la dernière heure, et tant qu’il y a place pour une table et pour une feuille de papier. […] Je recommande cet article à tous ceux qui tiennent à classer avec précision et sans injustice les écrivains du xviiie  siècle selon leur degré de parenté avec la Révolution.

1324. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Mes blessures étaient encore ouvertes, mon bras sans aucun mouvement, et soutenu par une écharpe ; il me demanda comment je me portais, et quand je lui eus dit que je souffrais encore beaucoup, il répondit : « Il faut vous faire couper le bras1. » Je lui répliquai que je l’avais payé assez cher par mes souffrances, pour tenir aujourd’hui à le conserver ; et cette singulière observation en resta là. […] Avec l’homme d’honneur, avec celui qui tient purement et simplement sa parole et ses engagements, on sait sur quoi compter, tandis qu’avec l’autre, avec l’homme de conscience qui fait ce qu’il croit être le mieux, on dépend de ses lumières et de son jugement. […] Il tint constamment la tête de la défense. […] Le mot, tel qu’il fut prononcé, est exactement celui-ci : « Vous tenez donc bien à cette loque ? 

1325. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

La destinée du cardinal de Richelieu, comme homme qui a tenu la plume ou dicté des ouvrages considérables, est singulière : il a été longtemps, à ce titre, ignoré ou méconnu. […] Ses secrétaires, parmi lesquels un nommé Charpentier tient le premier rang, n’étaient que des copistes et des transcripteurs. […] Cet homme puissant qui tiendra la France à ses pieds et fera trembler l’Europe commence par être bien pauvre et à la gêne ; il écrit à une Mme de Bourges, à Paris, qui lui faisait ordinairement ses commissions de ménage, et qui lui avait acheté les ornements dont son église avait besoin : (Fin d’avril 1669.) […] Richelieu, dans de très belles pages historiques et morales, en nous développant le caractère de ce maréchal qui était vain et présomptueux avant tout, et qui tenait à paraître puissant plutôt qu’à l’être en effet, a bien marqué en quoi ce ministère, qui passait pour être tout au favori, ne lui était point cependant inféodé, et on sent à merveille que, si Luynes ne fût venu à la traverse, et que si le maréchal eût vécu, la lutte se serait engagée dans un temps très court entre Richelieu et lui pour l’entière faveur de la reine mère.

1326. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

Henry est allé plus loin, il voudrait y joindre certaines convictions intimes en fait de religion, et, nous présentant le roi par un aspect allemand et tout nouveau, il dit : Frédéric voulait la loi et la religion avec toute la puissance de son génie ; c’était à la surface de son âme seulement qu’il plaisantait sur des sujets qui ne lui paraissaient pas tenir au fond des choses, et dans la pensée que ces plaisanteries n’arriveraient jamais à la connaissance du public. […] Seulement le roi a pris à son compte la curiosité de l’historien : Je souhaiterais savoir : 1º si, au commencement du règne du tsar Pierre Ier, les Moscovites étaient aussi brutes qu’on le dit ; 2º quels changements principaux et utiles le Tsar a faits dans la religion ; 3º dans le gouvernement qui tient à la police générale ; 4º dans l’art militaire ; 5º dans le commerce ; 6º quels ouvrages publics commencés, quels achevés, quels projetés, comme communications de mers, canaux, vaisseaux, édifices, villes, etc. ; 7º quels progrès dans les sciences, quels établissements ; quel fruit en a-t-on tiré ? […] Ces considérations qu’il présente ont de l’étendue et de la portée ; ne soupçonnant pas que Voltaire est derrière ces questions, il croit répondre à l’arrière-pensée dans laquelle Frédéric l’avait consulté, quand il insiste sur les fortes qualités du soldat russe et sur les circonstances militaires du pays : « Je tiens cet État invincible sur la défensive. » Le moment alors était glorieux pour la Russie ; c’était l’heure des victoires du comte de Münnich, de la prise d’Otchakov ; Frédéric, en sa retraite de Remusberg, en est ému ; il a beau faire l’indifférent et le sage, on s’aperçoit que le sang des Alexandre et des César commence à bouillonner en lui : J’ai reçu, mon cher, voire belliqueuse lettre ; je n’y vois que les triomphes du comte de Münnich et la défaite des Turcs et des Tartares. […] Ce qui peut paraître singulier, c’est que Frédéric ne se tient point pour atteint et convaincu par l’explication pleine d’espérance et de grandeur que lui a donnée M. de Suhm.

1327. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Jeune, il connut le général en chef de l’armée d’Italie ; il fut dans sa confiance et dans sa familiarité ; il le servit dans quelques missions transitoires qu’il n’eût tenu qu’à lui de pousser plus loin. […] Né à Paris, le 22 janvier 1766, d’une famille qui tenait à la riche bourgeoisie, il eut de bonne heure ce que de tout temps on trouve si aisément dans la bourgeoisie de Paris à tous les degrés, son franc-parler, de la malice, de la gaieté et de l’indépendance. […] D’une haute taille élégante, d’une figure régulière, avec des yeux expressifs où riait la malice, avec la riposte prompte sur les lèvres, aimant franchement ceux qu’il aimait et se passant des autres, il payait de sa personne, il avait de l’esprit argent comptant et tenait sans effort son rang dans la société. […] Destitué en février 1815, il rentra pendant les Cent-Jours au ministère de l’Instruction publique, dont il tint même le portefeuille en attendant qu’on eût trouvé un dignitaire pour grand maître.

1328. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

Dans ses huit volumes de romans, où figurent tous les exemplaires de la race humaine, du paysan au prince, de la petite fille aux vieilles moribondes, chaque acteur agit, existe et souffre, avec toute l’intensité d’un être en chair, avec des gestes particuliers, une physionomie minutieusement évoquée, des façons individuelles de se tenir, de s’exprimer, de se comporter, d’aimer ou de mourir, qui suscitent peu à peu chez le lecteur des images nettes et comme familières. […] Dans cette invasion d’idées adventices, il a perdu la condition première de toute vie sociale, l’aptitude à se tenir dans les rangs de ses compatriotes, l’instinct par lequel chaque individu se concerte avec d’autres pour un avantage dont une part lui reviendra. […] Mais justement, je ne suis qu’un cadavre. » Parvenu à ce demi-renoncement, il n’ose s’y tenir. […] Ses recherches sur l’une des plus effrayantes impuissances morales de l’homme moderne, la sympathie même qui l’ai tire vers les misérables et les imparfaits, tout le spectacle attristant de l’humanité vue de près, l’ont irrémédiablement contristé, et de même qu’un aliéniste, à force de voir la fêlure légère ou béante des cerveaux qu’il examine, doute qu’il y ait des âmes normales, Tourguénef tient en suspicion la force de l’homme et la joie de la vie.

1329. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Ainsi Descartes semble vouloir oublier qu’aucun philosophe l’ait précédé ; il ne tient aucun compte de Platon, ni d’Aristote, ni du moyen âge. […] Ce n’est pas seulement l’évolution d’une idée qui se développe, c’est le conflit de plusieurs idées coexistantes qui se balancent et se tiennent perpétuellement en échec. […] C’est là surtout que la faiblesse de la raison humaine se fait sentir : on voudrait pouvoir en quelque sorte faire tenir tous les principes dans un même sac ; mais quand on presse d’un côté, ils ressortent de l’autre, comme lorsqu’on veut faire entrer trop de choses dans une boîte trop étroite. […] Les Allemands qui ont suivi Kant se sont tenus sur les pics aigus de la spéculation la plus abstraite.

1330. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVI » pp. 100-108

Des petites difficultés, de celles qui tiennent au goût et que la bonne grâce suffit à délier, il s’en lire à merveille ; mais, en présence des réelles, il faiblit. […] Si on se le figure livré à lui-même, dans une époque moins remuante et moins excitée, il n’aurait rien inventé, sans doute, rien innové, il se serait tenu à orner et à célébrer.

1331. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIV. De la plaisanterie anglaise » pp. 296-306

Quoique la plaisanterie ne puisse se passer aussi facilement qu’un ouvrage philosophique d’un succès national, elle est soumise comme tout ce qui tient à l’esprit, au jugement du bon goût universel. […] La langue anglaise a créé un mot, humour, pour exprimer cette gaieté qui est une disposition du sang presque autant que de l’esprit ; elle tient à la nature du climat et aux mœurs nationales ; elle serait tout à fait inimitable là où les mêmes causes ne la développeraient pas.

1332. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « George Sand. »

Elle ne pouvait ni se garder de la passion, ni s’y tenir, sa vraie pente étant à la pitié et à la tendresse maternelle. […] Son style même, ample, aisé, frais et plein, ne se recommande ni par une finesse ni par un éclat extraordinaire, mais par des qualités qui semblent encore tenir de la bonté et lui être parentes… George Sand a été une matrice pour recevoir, un peu pêle-mêle, les plus généreuses idées.

1333. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’état de la société parisienne à l’époque du symbolisme » pp. 117-124

Les grandes dames se faisaient gloire de tenir à leur adresse, table d’hôte et y conviaient jusqu’à la bohème des lettres, sans trembler pour leur argenterie. […] Les poètes eussent dû se montrer reconnaissants vis-à-vis de ces deux bienfaitrices et les tenir en particulière estime, mais on se piquait alors de « rosserie » et la « goujaterie » était assez bien portée.

1334. (1898) Inutilité de la calomnie (La Plume) pp. 625-627

Rien de plus froissant que l’admiration en laquelle nous tiennent des gens du commun, car quand ceux-ci forment l’entreprise de composer des tragédies, de pathétiques romans ou des églogues naïves, leur vulgarité dépasse tout. […] J’ai tenu à le signaler.

1335. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean de Meun, et les femmes de la cour de Philippe-le-Bel. » pp. 95-104

Voici comme Sorel la raconte dans sa Bibliothèque Françoise : « Un jour la reine, par le moyen des autres dames, fit tant qu’elle tint Jean de Meun en sa puissance ; & l’ayant tensé, injurié & menacé, pour avoir médit du sexe féminin, commanda aux damoiselles qu’il fut dépouillé nud, & attaché à une colomne, pour être fouetté par elles-mêmes. […] F., il en avoit, dit-on, de périodiques : l’abbé Lan… reçut un pareil salaire, un jour, en plein midi, pour avoir tenu des propos indécens sur la femme d’un riche libraire.

1336. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Latine. » pp. 147-158

Sa naissance passa toujours pour suspecte, & fit tenir à ses ennemis beaucoup de propos ridicules. […] C’est un fait qu’on tient d’un des amis du père Porée.

1337. (1867) Le cerveau et la pensée « Avant-propos »

Quant aux prétendues contradictions que semblent présenter les observations scientifiques, elles tiennent sans doute à ce que l’on considère isolément des conditions qui n’ont de valeur que par leur ensemble. Non, la pensée ne tient pas à une condition unique exclusive : elle ne dépend ni de la masse cérébrale toute seule, ni de la structure toute seule, ni de la composition chimique toute seule, ni de l’électricité, ni du phosphore, etc.

1338. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre III. Parallèle de la Bible et d’Homère. — Termes de comparaison. »

Les descriptions d’Homère sont longues, soit qu’elles tiennent du caractère tendre ou terrible, ou triste, ou gracieux, ou fort, ou sublime. […] Αἰετὸς paraît tenir à l’hébreu HAIT, s’élancer avec fureur, à moins qu’on ne le derive d’ATE, devin ; ATH, prodige : on retrouverait ainsi l’art de la divination dans une étymologie.

1339. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre II. Des Orateurs. — Les Pères de l’Église. »

Il est fleuri, doux, abondant, et à quelques défauts près qui tiennent à son siècle, ses ouvrages offrent une lecture aussi agréable qu’instructive ; pour s’en convaincre, il suffit de parcourir le Traité de la Virginité 184 et l’Éloge des Patriarches. […] Il se tient presque toujours dans le ton mystique, et dans la paraphrase de l’Écriture189.

1340. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Ce bras droit qu’il tient étendu en l’air est vraiment hors de la toile ; l’autre bras ainsi que la main sont bleuâtres, ce qui suppose, contre la vérité, de la durée dans une position contrainte. […] Je vous laisse le soin d’appliquer ces principes à tous les genres, je m’en tiens à la peinture.

1341. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XV »

Je tiens M.  […] Et cela suffit pour nous acheminer vers un certain scepticisme, un scepticisme relatif. »‌ Nous admettons ce scepticisme, à condition qu’on le tienne, en effet, pour tout ce qu’il y a de plus relatif, un peu de doute, si l’on veut, ce que les théologiens appellent une tentation contre la foi.‌

1342. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Léon Bloy »

L’héroïque Veuillot, par exemple, qui n’a jamais tremblé devant rien, excepté devant les talents qui auraient tenu à honneur de combattre à côté de lui pour la cause de l’Église, Veuillot prit peur, un jour, du talent de Léon Bloy, et, après quatre ou cinq articles acceptés à l’Univers, il le congédia formellement. […] Otez, en effet, par la pensée, la personnalité de Christophe Colomb de la synthèse du monde, que, seule, l’Église embrasse, et que seule elle explique, et il ne sera plus qu’un homme à la mesure de la grandeur humaine ; mais avec l’Église et faisant corps avec elle, il devient immédiatement le grand homme providentiel, le bras charnel et visible de Dieu, prévu dès l’origine du monde par les prophètes des premiers temps… Les raisons de cette situation miraculeuse dans l’économie de la création, irréfragables pour tout chrétien qui ne veut pas tomber dans l’abîme de l’inconséquence, ne peuvent pas, je le sais, être acceptées par les esprits qui chassent en ce moment systématiquement Dieu de partout ; mais l’expression de la vérité, qu’ils prennent pour une erreur, est si grande ici, qu’ils seront tenus de l’admirer.

1343. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

Le ressort et la direction venaient d’ailleurs ; la croyance et l’obéissance étaient des héritages ; un homme était chrétien et sujet parce qu’il était né chrétien et sujet  Autour de la philosophie naissante et de la raison qui entreprend son grand examen, il y a des lois observées, un pouvoir reconnu, une religion régnante ; dans cet édifice, toutes les pierres se tiennent, et chaque étage s’appuie sur le précédent. […] Nous croyons aujourd’hui au progrès indéfini à peu près comme on croyait jadis à la chute originelle ; nous recevons encore d’en haut nos opinions toutes faites, et l’Académie des sciences tient à beaucoup d’égards la place des anciens conciles. […] L’organisation est la cause, la vie et la sensation sont les effets ; je n’ai pas besoin d’une monade spirituelle pour expliquer les effets puisque je tiens la cause. « Voyez cet œuf, c’est avec cela qu’on renverse toutes les écoles de théologie et tous les temples de la terre. […] Une masse insensible, un fluide inerte. » Ajoutez-y de la chaleur, tenez le tout dans un four, laissez l’opération se faire : vous aurez un poulet, c’est-à-dire « de la sensibilité, de la vie, de la mémoire, de la conscience, des passions, de la pensée ». […] Que sa pauvre charrette renverse, je le tiens heureux s’il évite en passant les avanies des gens lestes d’un jeune duc.

1344. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Quant au commun des habitants dont le logis est étroit, mais passable, ils craignent les déménagements, ils tiennent à leurs habitudes. […] Vers la fin du siècle513 « on voit de jeunes personnes, qui sont dans le monde depuis six ou sept ans, se piquer ouvertement d’irréligion, croyant que l’impiété tient lieu d’esprit, et qu’être athée, c’est être philosophe ». […] Si on l’esquive, c’est sous un prétexte décent ; mais, si on lui complaît, ce n’est que par bienséance ; « à Surate, quand on meurt, on doit tenir la queue d’une vache dans sa main ». […] En 1765, Walpole constate que les athées, qui tiennent alors le dé de la conversation, se déchaînent autant contre les rois que contre les prêtres. […] Ils ne s’en tiennent pas à des songes, à de purs souhaits, à des espérances passives.

1345. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

Toute différence des idées morales ne suppose donc pas une déviation, à moins de tenir pour une déviation tout ce qui suppose un état imparfait, et, en ce cas, tout n’est que déviation. […] Chaque élément sait comment il doit tenir le sien. […] Il faut y rattacher encore indirectement bien des jugements moraux souvent implicites, peu appréciés des philosophes, mais qui tiennent leur place dans la vie. […] Un industriel a besoin que son caissier tienne exactement ses livres, non qu’il lutte avec énergie et succès contre la tentation de prendre l’argent de la caisse pour satisfaire ses désirs d’art ou de luxe. […] C’est un point que les sociologistes modernes paraissent tenir pour négligeable.

1346. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

Préfère l’estime des connaisseurs et la tienne propre à l’argent des imbéciles. […] — La littérature ressemble aujourd’hui à ce preux imbécile et l’on peut lui tenir le même langage. […] Quand on examine les groupes qui tiennent les auteurs par des chaînes plus ou moins dorées, on voit qu’ils varient beaucoup suivant les époques. […] Plaire à ceux qui tiennent les cordons de la bourse est, sinon une nécessité vitale, du moins une chance de succès et de vie aisée qu’on ne s’interdit pas de gaité de cœur. […] Le même Voltaire, loin d’être pensionné par les grands seigneurs, leur prête de l’argent qu’ils ne daignent pas rendre, et c’est lui alors qui les tient ; il est bien plus que leur favori ou leur ami : il est leur créancier ; il a barres sur eux.

1347. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

Il n'a pas tenu au zele charitable de quelques Personnes, non Philosophes, mais pires, de persuader à l'Aristide du Clergé de France, à un Prélat qui m'honore d'une bienveillance particuliere dont je fais ma gloire, que j'étois l'Auteur d'une nouvelle Traduction, en dix volumes, des Contes de Jean Bocace. […] Il n'a pas tenu à ses sollicitations que je n'aye repris la plume contre vous, non seulement pour attaquer vos nouvelles Productions, mais votre personne. […] Je la tiens d'un des Acteurs de l'aventure. […] Heureux s'il s'en fût tenu à celle-là, sur le chapitre de la Religion ! […] Si je le tenois, disoit derniérement un Marquis Bel-Esprit-Philosophe, qui n’est brave que contre les gens d’Eglise, & qui figure dans la derniere édition ; si je le tenois, comme je…..

1348. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

Il ne pouvait pas ne pas l’être et, précisément, les défauts dont on lui tient rigueur, et que nous signalerons (surtout son manque de mesure), témoignent en faveur de l’intensité lyrique de ses dons. […] Raymond de La Tailhède s’est toujours tenu à l’écart, jalousement. […] Ma chèvre, je tiendrai dans mes mains, si je peux                   Ta tête brusque et familière, Pour regarder changer de tout près dans tes yeux                   Cette pupille de sorcière. J’aurai blessant mes pieds, tes piétinants sabots                   Je te tiendrai par les oreilles ; Dans la lutte, nos deux vigueurs seront pareilles                   Et nos mouvements seront beaux. […] Chaque rose inclinée en mon cœur tient conseil, Et feuille à feuille meurt dans l’ombre qui se lève… La petite pendule a réveillé les heures Et fait en son tic-tac battre l’éternité !

1349. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

Il n’y a que Victor Hugo et son libraire qui puissent avoir l’aplomb de nous dire : « Tenez ! […] Quatre-vingts pages (et même moins) peuvent être un chef-d’œuvre, mais c’est à la condition première de se tenir et de se suivre, et dans l’Homme qui rit rien ne se suit ni ne se tient. […] Le poète Hugo ne tint aucun compte des paroles de ce poète qui s’appelait l’Arioste. […] Mais Victor Hugo, qui doit tenir à son scélérat d’Alexandre VI et à toutes ses petites exploitations dramatiques, Hugo y répondra-t-il ? […] Perspective désagréable pour qui tient à intéresser.

1350. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Il ne tiendrait qu’à nous de l’y reconnaître. […] Il se croit si près de leur accomplissement qu’il ne saurait plus tenir en place. […] Dans la Comédie, il se tient généralement aux doctrines de saint Thomas. […] Il se tenait très droit. […] comme il tient le scalpel d’une main maîtresse !

1351. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

» Il se peut que l’excès de la misère tienne quelquefois lieu d’excuse à celui qui, égaré par la douleur, porte sur lui des mains violentes. […] … Quel est donc ce crime contre nature de tenir une moitié du genre humain dans une éternelle enfance ! […] Mais la logique pure tient-elle contre les vives impressions de l’imagination ? […] Tranchez les racines par où il y tient, l’arbre se dessèche et meurt. […] On pourrait s’en tenir là sans doute ; car jamais condamnation ne fut plus solennelle et plus accablante.

1352. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

On ne hait si fort que ce qui vous tient au cœur. […] Désiré Nisard, de l’Académie française, n’eût pas tenu un autre langage ! […] Jamais il ne sollicita une place ; et il osa, à plusieurs reprises, tenir tête à l’Empereur. […] Il arrive en un bouge infâme, sorte d’hôtel garni tenu par le fugitif. […] Allez-vous m’apprendre ce qui vous tient ?

1353. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Ou tenir le roman pour un art, à qui admet l’art des peintres ? […] Voyez les effets de vos maux : tenez Hermione et Phèdre pour les images de vos propres passions !  […] Beethoven a tenu dans l’art un rôle très net. […] Un lien mystérieux et subtil tient ensemble toutes les parties. […] Il s’en est tenu, parmi les cas avérés, à ceux qui offraient des particularités amusantes.

1354. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

» Le fait que je vais raconter, je le tiens d’un missionnaire de Cayenne, témoin oculaire. […] Si ces objets ne tiennent au stoïcien que comme son vêtement, je ne suis point stoïcien, et je m’en fais gloire ; ils tiennent à ma peau, on ne saurait me séparer d’eux sans me déchirer, sans me faire pousser des cris. […] — Il m’a tenu huit ans en exil. […] Pourquoi non, si tout tient dans la nature ? […] Il a de fort belles pensées, et il en a en grand nombre ; beaucoup qui tiennent aux mœurs, et qu’il faut méditer.

1355. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Nous tenons là une preuve qu’il ne s’est jamais engagé dans un travail par simple entraînement. […] Cette doctrine tenait si fort au cœur de M.  […] Gustave Flaubert tient la plume comme d’autres le scalpel. […] Néanmoins j’y suis tenu. […] C’est si dur, d’être un émigré, que l’on ne saurait lui en tenir rigueur.

1356. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

Il n’est pas possible de se tenir toujours en garde contre les surprises de l’astuce. […] Elles sont quelquefois jolies ; on n’y tient la raison que par un fil, mais du moins elle n’échappe pas. […] Celui qui tient la plume, y doit faire attention, ainsi qu’à la nature des phrases. […] Au lieu de lire un excellent ouvrage, on s’en tient à la simple analyse, & l’on ne voit que par les yeux d’autrui. […] L’abbé de l’Atteignant a pourtant composé des chansons qui tiennent au siecle dernier.

1357. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Variétés littéraires, morales et historiques, par M. S. de Sacy, de l’Académie française. » pp. 179-194

Après avoir assisté pendant des heures à ces débats, souvent aussi éloquents que confus, sans prendre une note, mais aussi sans se dissiper en paroles, il rentrait chez lui tout plein de ce qu’il avait entendu, et il le jetait sur le papier avec feu et avec netteté dans un travail de soirée et de nuit, où sa plume, si hâtée qu’elle fût, ne rencontrait jamais un mot douteux ni une locution louche : il ne pouvait parler ni écrire d’autre langue que celle de sa famille et de sa maison, celle qu’il tenait de son illustre père, et de ses premiers maîtres, de ses premières lectures d’enfance. […] M. de Sacy, père de famille, fils d’un père très religieux, et religieux lui-même, à demi platonicien autant qu’il sied à un admirateur déclaré de Cicéron, ayant en lui, dans sa nature modérée et sensée, de beaux restes et comme des extraits mitigés de toutes ces hautes doctrines, M. de Sacy, homme pratique et de mœurs domestiques vertueuses, a lu les Maximes, et, en les admirant littérairement, il en a souffert dans sa sensibilité : « Ma répugnance est invincible, dit-il ; je tiens les Maximes pour un mauvais livre. […] Aussi, sans viser à l’originalité dans la critique, et par la seule droiture de son goût, par l’incorruptible fidélité de ses affections comme de ses répugnances, il remplit parmi nous une place à part, il tient un coin qu’on ne prendra pas et qui n’est qu’à lui.

1358. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

Moi qui lis cela avec intérêt, qui, bien que de ceux qu’on appelle sceptiques, me tiens pour parfaitement sûr et certain de ce qu’il y a de faux et d’imaginaire dans le point de départ et dans certaines suppositions premières de celui qui écrit ; qui n’en cherche pas moins avec plaisir les preuves de talent, d’élévation, ou les saillies d’esprit, j’en trouve une, de ces saillies, et qui me paraît des plus agréables, dans une lettre à laquelle l’éditeur, qui s’y connaît et qui s’entend à étiqueter les matières, a donné ce titre piquant : Un religieux à cheval. — « Tôt ou tard on ne jouit que des âmes. » Le commencement de la lettre se rapporte à des affaires de l’Ordre, au choix que venait de faire le Chapitre provincial d’un successeur du Père Lacordaire et à d’autres points particuliers ; mais voici le côté aimable, et qui me rappelle, je ne sais trop comment, de jolies lettres de Pline le Jeune : «  Quant à vous, mon bien cher qui montez à cheval dans la forêt de Compiègne avec l’habit religieux et qui le trouvez tout simple, je n’ai rien à vous dire. […] Ce n’est pas précisément qu’un ecclésiastique ne puisse se tenir convenablement sur un cheval ; mais porteriez-vous un habit écarlate avec des franges d’or, supposé que ce fût encore la mode en France ? […] N’ayant jamais eu aucune diversion d’humaine tendresse, tout avait tourné chez lui à l’ambition spirituelle, mais aussi à une certaine tendresse, également spirituelle, qui se manifestait dans la familiarité avec ceux qu’il appelait ses enfants, tant ceux de son Ordre que les élèves venus du dehors et qu’il tenait dans sa main.

1359. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

Elle est toute de convention, et elle n’a assurément pas plus de vérité que celle de l’Allemand naïf, à la tête carrée, aux grands pieds et à la longue pipe, buvant des chopes et dissertant sur l’idéal et l’infini, se gavant de choucroute et volant des pendules, pour être, en fin de compte, roué de coups par un sous-officier imberbe4. » On se tiendra donc en garde contre de pareilles tentations, et avant de faire aucune induction, avant de poser une loi ou une règle, avant de rien généraliser, on s’assurera qu’on travaille bien sur une réalité, et non sur un fantôme, que les faits d’abord existent ; on aura soin ensuite de ne rien négliger dans les faits qu’on aura reconnus, de tenir compte de tous les éléments qui les composent, de n’y rien ajouter ni retrancher arbitrairement. […] Tout tient à tout : il faut savoir couper le fil, plus ou moins long, selon la nécessité du moment. L’esprit se tient satisfait, en général, si l’on appuie les vérités dont on fait usage sur les vérités dont elles dépendent immédiatement, sans exiger qu’on cherche le fondement de celles-ci, qui serait en d’autres vérités, qu’on aurait ensuite à fonder ; et l’on irait ainsi à l’infini, sans fin et sans repos.

1360. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

Une autre preuve qu’il est bien de sa province, c’est sa malveillance à l’endroit de Paris : Que Paris nous fasse la loi Par un côté brillant qui frappe, Par un certain… je ne sais quoi, Par une certaine… (aidez-moi, Le mot m’échappe), Je tiens ce point pour éclairci… Eh bien ! […] Nous apprenons que les plaintes du cuivre « font courir un frisson qui tient l’âme debout »  et « qu’en vain nous déplaçons l’amer levain du souci notre hôte ». […] Et on lui tire ses ailerons, et bientôt « ils mesurent trois cœurs à l’aise » ; puis ils en tiennent douze, puis cent, et enfin toute l’humanité pourrait s’y blottir.

1361. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

Jacquinet oublie de nous dire ce que cette aimable femme tenait de son mari et transmit à son amant, et quel clou chassait l’autre dans le cœur de Mme du Châtelet. […] Vous êtes restée jusqu’au bout la petite fille qui, dans les traînes du Berry, inventait de belles histoires pour amuser les petits pâtres… On assure que vous avez vécu fort librement : c’est que vous ne pouviez ni vous garder de la passion ni vous y tenir, votre pente étant surtout à la pitié et à la charité maternelle, qui est la vraie mission de la femme. […] Et ce n’est ni par une finesse ni par un éclat extraordinaire, ni par la perfection plastique que votre style se recommande, mais par des qualités qui semblent encore tenir de la bonté et lui être parentes ; car il est ample, aisé, généreux, et nul mot ne semble mieux fait pour le caractériser que ce mot des anciens : lactea ubertas, « une abondance de lait », un ruissellement copieux et bienfaisant de mamelle nourricière, ô douce Io du roman contemporain !

1362. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

La femme est, en effet, ce qui tient, pour l’homme, la plus grande place en ce monde. […] Et il les compte, et Leporello en tient la liste. […] Si les hommes savaient encore aimer les femmes, si les femmes connaissaient leur rôle et s’y tenaient pour le remplir tout entier, on aurait une cité idéale, fondée sur la plus délicate interprétation des bonnes lois de nature.

1363. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Presque tous ceux de nos écrivains qui ont « professé » sur l’amour ont tenu principalement à montrer qu’ils n’étaient pas dupes de la femme et qu’ils étaient munis de la plus féroce expérience ; qu’ils étaient capables des plus subtiles et défiantes analyses, et qu’ils n’étaient pas incapables eux-mêmes de perversité. […] Consulté sur le cas à propos duquel Mme de La Fayette montre tant de finesse et Michelet un si bon cœur, Molière n’hésiterait point : Oui, je tiens que jamais de semblables propos On ne doit d’un mari traverser le repos. […] Leurs scrupules, malheureusement, ne les préservaient pas toujours de la débauche : mais ils ne désiraient pas posséder les femmes qu’ils aimaient, et ils ne tenaient pas du tout à aimer celles qu’ils possédaient.

1364. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Si l’on réfléchit qu’à cette merveilleuse faculté Gautier unit une immense intelligence innée de la correspondance et du symbolisme universel, ce répertoire de toute métaphore, on comprendra qu’il puisse sans cesse, sans fatigue comme sans faute, définir l’attitude mystérieuse que les objets de la création tiennent devant le regard de l’homme… Il y a, dans le style de Théophile Gautier, une justesse qui ravit, qui étonne, et qui fait songer à ces miracles produits dans le jeu par une profonde science mathématique… Nos voisins disent : Shakespeare et Goethe ! […] Emmanuel Des Essarts Qu’on proclame l’Aède éternisé parmi Les maîtres du grand Art radieux et prospère, J’adorerai Celui dont il fut dit : « le Père » Et dont nous disions, fils respectueux : « l’Ami », Mâle raison, courage ardemment affermi, Qui, de rares vertus immuable exemplaire, Vint embrasser Paris dans la chance contraire, Et ne sut ni vouloir ni souffrir à demi ; Être indulgent et bon, soulevant les poètes, Tel qu’on voit Apollon sur un socle romain Tenir un petit dieu d’ivoire dans sa main, Et qui, plein de pudeur en ses fiertés muettes, Voilait discrètement, hormis pour notre chœur, Le plus beau, le plus pur des diamants, son cœur ! […] grâce à lui, la raison reprend peu à peu sa place légitime, celle de frein dans les impulsions de l’imagination et de la sensibilité, et c’est là le vrai sens de la boutade : « Mes métaphores se tiennent, tout est là » ; c’est beaucoup du moins ; et comme on l’avait oublié autour de lui, Vigny et Sainte-Beuve exceptés !

1365. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

Une querelle s’éleva, voici quelques années, entre deux critiques notoires l’un tenait pour la méthode dogmatique, l’autre pour l’impressionniste. […] Il tient pour superfétative toute forme de jugement : « À quoi bon, dit-il, étiqueter, classer ?  […] Non, s’ils n’étaient pas tenus pour mérités, on les supprimerait.

1366. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre V. L’antinomie esthétique » pp. 109-129

L’art est complètement dissocié de la beauté et Tolstoï en vient à tenir cette gageure étonnante pour un esthéticien et un artiste, de vouloir définir l’art « abstraction faite de cette conception de la Beauté qui ne fait qu’embrouiller la question49 ». […] Le moraliste, lui, tient la beauté en suspicion ; il l’élimine ou du moins ne lui accorde en art qu’une place subordonnée. […] Pourtant les deux séries d’idées se tiennent de près.

1367. (1842) Essai sur Adolphe

Elle s’était dit : « J’ai fait un serment, je le tiendrai. […] Adolphe choisit Ellénore entre toutes les femmes, non pour la relever et la soutenir, car il ne la connaît pas assez pour sympathiser avec son chagrin, mais parce qu’elle a tenu tête à l’orage, parce qu’elle a lutté contre l’envie et la médisance, parce que les yeux sont fixés sur elle, parce que sa fidélité permanente a déjoué bien des ambitions injurieuses, parce que son dédain a humilié bien des jactances. […] Il ne rougira pas de honte et de colère en écoutant ces propos tenus à demi-voix, qui font du bonheur une nouvelle où les secrets du foyer se discutent comme la marche d’une armée.

1368. (1890) L’avenir de la science « XXI »

Je regrette cette bienheureuse controverse protestante qui, durant plus de deux siècles, a aiguisé et tenu en éveil tous les esprits de l’Europe civilisée ; je regrette le temps où Lesdiguières et Turenne étaient controversistes, où un livre de Claude ou Jurieu était un événement, où Coton et Turretin, en champ clos, tenaient l’Europe attentive. […] Ce sera donc bien vainement que nos pères, devenus sages, nous prieront de ne plus penser et de nous tenir immobiles, de peur de déranger la frêle machine.

1369. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Il répétait sans cesse que ce serait une surprise comme du temps de Noé et de Lot ; qu’il fallait se tenir sur ses gardes, toujours prêt à partir ; que chacun devait veiller et tenir sa lampe allumée comme pour un cortège de noces, qui arrive à l’improviste 793 ; que le Fils de l’homme viendrait de la même façon qu’un voleur, à l’heure où l’on ne s’y attendrait pas 794 ; qu’il apparaîtrait comme un éclair, courant d’un bout à l’autre de l’horizon 795. […] Une sorte de divination grandiose semble l’avoir tenu dans un vague sublime embrassant à la fois divers ordres de vérités.

1370. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XV, l’Orestie. — les Choéphores. »

Au déclin du polythéisme, Cicéron écrivait encore : « Nos ancêtres ont voulu que les hommes qui avaient quitté cette vie fussent comptés au nombre des dieux… Rendez aux dieux Mânes ce qui leur est dû ; ce sont des hommes qui ont quitté la vie, tenez-les pour des êtres divins. » Dans cette vie muette et voilée qu’il continuait sous la tombe, le mort gardait ses passions terrestres : des haines et des amours brûlaient sous sa cendre, une éruption pouvait toujours sortir de ce volcan mal éteint. […] » — « Envoie la justice combattre avec les tiens, rends les coups que tu as reçus ; vaincu, sois victorieux à ton tour !  […] Clytemnestre glorifiait son crime, Oreste justifie le sien ; calme d’abord, sans trouble visible, raillant ces morts « qui avaient juré de périr ensemble, et qui ont pieusement tenu leur serment ».

1371. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Chefs-d’œuvre de la littérature française (Collection Didot). Hamilton. » pp. 92-107

Quelques femmes distinguées, avec ce tact qu’elles tiennent de la nature, n’avaient pas non plus attendu La Bruyère pour montrer leur vive et inimitable justesse dans les genres familiers. […] On le voit recherché à Sceaux, où la duchesse du Maine tenait cour plénière de bel esprit. […] Mais eût-ce été un autre que l’indigne Soulavie, eût-ce été Rulhière en personne qui eût tenu la plume, il n’y aurait apporté que ce qu’on peut prévoir et deviner ; il y aurait mis du mordant et du goût.

1372. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Il devoit en être de leur querelle, née dans le sein de la cour, comme de tant d’intrigues qui s’y passent, qui se bornent à brouiller quelques hommes & quelques femmes, & qui, après avoir fait tenir beaucoup de bons ou de mauvais propos, finissent par être oubliées. […] Elle ne tint point sa parole. […] Est-ce Homère ou Virgile qui a tenu le crayon dans ce roman moral ?

1373. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Elle est tantôt celui des foux ; rarement celui d’un honnête-homme. » Si l’on remonte des particuliers aux princes, on verra que bien des souverains ont pensé de même ; qu’ils n’ont rien eu tant à cœur que de tenir la poësie éloignée de leurs états, comme un de ces maux contagieux qui portent la désolation & la mort partout où ils se glissent. […] Il a un milieu à tenir, pour contenter à la fois les spectateurs ou les lecteurs qui n’aiment point à voir heurter les idées reçues, & les poëtes eux-mêmes, auxquels il faut laisser ces grands traits, ces coups de force & de lumière, cette heureuse hardiesse, par laquelle seule il passe à la postérité. […] Quoi qu’il en soit de la source & de l’établissement des fables, elles tiennent essentiellement au paganisme, & c’est assez pour que leur emploi devienne un crime aux yeux de quelques écrivains.

1374. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

Cette probabilité, d’elle-même, deviendra certitude, et les pauvres gens, tout honteux de leur réputation nouvelle, baisseront le dos, laisseront passer l’orage et se tiendront cois, silencieux dans leur cachette, espérant que, dans cinquante ans peut-être, la doctrine des esprits les plus lucides, les plus méthodiques et les plus français qui aient honoré la France, cessera de passer pour une philosophie de niais ou d’hommes suspects. » Voilà le raisonnement que se fit mon vieux sensualiste. […] La science n’a pas coutume d’avoir tant d’aisance, ni la psychologie tant de grâce ; et ce qui ajoute à leur prix, c’est qu’elles ne font point sortir le public du terrain où il a coutume de se tenir ; elles semblent le complément d’un cours de langue ou de littérature ; l’auteur décompose une fable de La Fontaine pour faire le catalogue des opérations de l’esprit ; une phrase de Buffon, pour prouver que tout raisonnement est un composé de propositions identiques. […] Ils s’en tiennent là, et ne prétendent point aller plus loin.

1375. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

Son obscurité n’était qu’un défaut, sans avoir rien de piquant ; elle tenait seulement à un embarras de style. […] Presque à chaque page on rencontre des traits de la mythologie ancienne, et souvent son style même tient plus du coloris du poète que de l’orateur. […] La philosophie de l’autre semblait moins un sentiment qu’un système ; elle était plus ardente que soutenue ; elle tenait à ses lectures, et avait besoin d’être remontée.

1376. (1887) George Sand

À quoi tiennent les destinées littéraires ! […] Il faut tenir sa raison bien en garde pour l’empêcher d’être entraînée. […] Comment aurais-je d’autres goûts que les tiens ? […] C’est pour eux qu’elle fonde son fameux théâtre des marionnettes, qui tient une si grande place dans sa vie. […]Tiens-tu l’albite ? 

1377. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Et jusqu’à nouvel ordre je m’en tiendrai là. […] Mais je tenais à la ballade, que voulez-vous ! j’y tenais, à cette ballade ! […] Je pourrais m’arrêter ici, si je ne tenais à honneur de justifier complètement le titre de cet article : M.  […] Même il connut le luxe et tint un certain rang.

1378. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

C’est vraiment de la malechance, que moi, dont toute la fortune est en bibelots, je sois tombé sur une maison, où un architecte, pour avoir la ligne décorative d’un toit couronné par une seule cheminée, ait adopté un système de chauffage qui vous tient toujours sous la menace du feu. […] À ce sujet, Daudet conte, qu’il était en sixième à neuf ans, et si petit, si petit, qu’il portait encore un pantalon fendu, et se tenait toujours le derrière contre les murs, afin que les grands ne lui tirassent pas dehors son pan de chemise, mais tout petit qu’il était, il se trouvait toujours dans les trois ou quatre premiers. […] … » C’était ma dernière cartouche à tirer, et je tenais à la tirer… Mais cette malechance qui m’a poursuivi toute ma vie ! […] — Vous savez, lui jetait Raffaëlli, en se dégageant, il y a un moyen très simple de maigrir, c’est de ne pas boire en mangeant. » À déjeuner, le lendemain, la phrase de Raffaëlli lui revenant, il se mettait à dire : « Tiens, si je ne buvais pas !  […] Il y a une petite Jésus de cinq ans, toute dormichonnante dans sa fourrure, et qu’on tient éveillée, et qu’on fait jouer, en lui promettant un biscuit, une bambine qui est toute drôlette.

1379. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

C’était lors du siège de Sébastopol, et à ce moment, où l’on avait organisé des représentations théâtrales, pour tenir un peu en joie les marins de la flotte. […] — Tiens, c’est vrai, fait la femme au téléphone, en riant, il faut que j’interroge mon confesseur ? […] Et je me tenais un peu derrière elle, comme pris d’un sentiment d’adoration religieuse pour cette femme, qui me paraissait d’une essence autre, que celle des femmes de ma famille, et qui, dans l’accueil, le port, la parole, la caresse de la physionomie, quand elle vous souriait, avait sur vous un empire, que je ne trouvais qu’à elle, qu’à elle seule. […] Puis après un silence, il me dit : « Eh bien, je dîne avec ma maîtresse, je n’ose pas vous inviter, et cependant vous me feriez plaisir. » — Qu’à cela ne tienne, je ne suis pas si pudibond que cela !  […] Il ne peut se tenir de crier : « Je me fous d’eux ! 

1380. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Fauriel a très-bien analysé cette invasion confuse, au début de son Histoire de la Gaule méridionale : tenons-nous aux résultats, et en tant qu’ils amenèrent le grand mélange des langues, et la décomposition de la langue latine, ce qui nous importe ici. […] Ampère (dont une première partie seulement a été imprimée) le mérite qui tient à la justesse des vues et des directions, à l’ingénieuse fertilité des aperçus. […] Paulin Paris, qui tient la tête dans cette armée de travailleurs, M.  […] Nodier, par exemple, cet homme de tant de grâce et d’esprit, mais étranger aux vraies méthodes, et qui, « dans tout ce qui tient à l’étude des langues, s’est fait remarquer par de bonnes intentions plutôt que par de bons ouvrages » (la définition est de Génin), s’était écrié dans un accès d’enthousiasme pour le simple, comme en ont les littérateurs des époques blasées : « Les patois ont donc une grammaire aussi régulière, une terminologie aussi homogène, une syntaxe aussi arrêtée que le pur grec d’Isocrate et le pur latin de Cicéron. […] Un homme du plus grand mérite et des plus savants, qui l’est presque trop, tant il sait de choses à la fois, et que j’aurais déjà dû nommer, si je ne l’avais tenu en réserve pour ce moment, M. 

1381. (1929) Dialogues critiques

Paul Ils n’en tiennent que davantage à paraître intéressés dans la question. […] qui réduit les poètes, les penseurs et les artistes à tenir une comptabilité comme des publicains. […] D’ailleurs, il n’est pas tenu à jour, et tel y est encore inscrit qui déclare avoir donné sa démission. […] Et si l’expéditeur tenait tant au secret éternel, il n’avait qu’à ne pas écrire. Je crois d’ailleurs que le plus souvent il n’y tient pas, ni son ou sa partenaire non plus.

1382. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Les politiques n’ont pas de scrupules, mais les prophètes, qui parlent sans cesse au nom de la morale divine, sont tenus d’en avoir. […] Vous avez un bon moyen de me faire taire, puisque vous me tenez. […] Depuis plus d’une année je n’allais plus dans cette maison, et j’ai su qu’on m’en a loué comme d’un trait de politique, parce qu’on a cru que je m’étais retiré pour n’avoir pas l’air d’intriguer et de m’attacher à cette ancre pour me tenir ferme. […] — Donc tout le monde est intéressé à nous tenir bas. […] La baïonnette n’est pas un sceptre ; une confédération libre doit seule tenir dans ses mains collectives le sceptre de l’Italie.

1383. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

J’étais alors moi-même en correspondance quotidienne avec lui sur les affaires d’Italie, qui exigeaient une entente parfaite entre nous : il en tenait le nœud à Rome ; j’en tenais les fils en Toscane, à Lucques, à Modène et à Parme, où j’étais accrédité auprès des quatre cours centrales d’Italie. […] Nous disions dans notre dernier Entretien que ce refroidissement, cause vraisemblable du long éloignement de madame Récamier, avait dû tenir à quelque jalousie secrète, motivée par des distractions de cœur de son ami. […] Je tiendrai dans ma place un temps raisonnable, pour n’avoir pas l’air d’agir avec légèreté, mais certainement, quand je vous verrai au printemps, nous fixerons l’époque de ma retraite. […] La vôtre est bien petite ; en la serrant hier au soir, et voyant combien elle tenait peu de place, j’avais le cœur mal assuré. […] Madame Lenormant, nièce de madame Récamier, tenait par les places de son mari au gouvernement nouveau.

1384. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

« “Écoute-moi, fille invincible du dieu qui tient l’égide, exauce-moi, maintenant du moins, puisque tu ne m’as pas exaucé lorsque, ballotté sur les ondes, j’étais le jouet du furieux Neptune ; et fais que j’inspire aux Phéaciens la bienveillance et la pitié.” […] IX « À tous ces titres, la traduction d’Orphée, consacrée par les annales grecques, doit tenir sa place dans la reconnaissance universelle, puisqu’elle est le plus ancien témoignage de l’admiration des siècles pour la poésie et de son influence sur la civilisation. […] Tenez, me dit-il, en essayant de se lever et en me montrant sa table d’inspiration à l’autre côté de la chambre ; tenez ! […] Ce sont, si vous aimez mieux, des oiseaux de nuit, des rossignols, qui nichent très haut dans les flèches des cathédrales, qui chantent pour eux-mêmes pendant que l’homme dort, ou qui ne se révèlent pas par des notes étranges et sublimes à ceux que l’insomnie tient éveillés, qui, comme des mystères inentendus en bas, traversent l’air d’une plainte ou d’un cri dont l’oreille ne perd jamais la mémoire. […] prie pour les amis que tu as laissés ici-bas, et entre dans ta vraie place, dans le ciel des poètes, des martyrs, pour chanter et combattre avec eux ; et entre aussi dans le ciel des colombes, où tu as retrouvé la tienne qui t’attendait ; symbole de tendresse et d’inspiration, pour t’aider à aimer ton Dieu dans l’éternité, communion de ceux qui s’aimèrent dans la région des larmes !

1385. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Il la rappela près de lui pour tenir sa maison et consoler ses dernières heures. […] Cette possibilité devint si vraisemblable, qu’un beau jour, ne pouvant plus y tenir, je ne confiai qu’à mon ami où je voulais me rendre, et, feignant une excursion à Venise, je me dirigeai du côté de l’Allemagne. […] Je ne voulais pas alors, et les convenances ne le permettaient pas, m’établir à demeure aux lieux qu’elle habitait, mais je cherchai à m’en tenir éloigné le moins possible, et à n’avoir plus du moins les Alpes entre nous. […] Je voulus donc mettre ordre à mes affaires et me tenir prêt à tous événements. […] Il tint parole ; et voilà comment j’échappai à un ennui pour moi plus pénible et plus triste que tout autre supplice que l’on eût voulu me faire subir.

1386. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Les paralogismes que l’on commet sur l’histoire des religions et sur leurs origines tiennent à la même cause. […] Ce n’est pas dans le monde abstrait de la raison pure qu’on devient sympathique à la vie ; tout ce qui touche et émeut tient toujours un peu au corps. […] Admiration toute conventionnelle, qu’on excite en soi pour se conformer à l’usage, et parce qu’on se tiendrait pour un barbare si on n’admirait pas ce que les connaisseurs admirent. […] L’explication des maladies par des démons, qui se montre si naïvement dans l’Évangile, tient au même procédé intellectuel. […] Les Arabes, à s’en tenir aux mots reçus, ont offert un développement philosophique et scientifique ; mais leur science est tout entière empruntée à la Grèce.

1387. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

Mais j’ai tenu à faire remarquer quel soin le maître a pris d’établir le lieu dramatique et de le rappeler sans cesse ; parce que ce souci prouve l’intention exclusivement poétique. […] Les lecteurs de cet article savent à quoi s’en tenir. Et ils sauront à quoi s’en tenir lorsqu’ils liront dans le livre de M.  […] Mais ce que je tiens surtout à faire ressortir ici, c’est la part notable qu’elle prend à l’atténuation du sens logique des phrases. […] L’indissoluble union entre les deux tient presque du miracle.

1388. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

si l’on pouvait tenir registre des rêves d’un fiévreux, quelles grandes et sublimes choses on verrait sortir quelquefois de son délire !  […] Remarquons d’ailleurs que la vengeance est une conséquence logique de la vanité blessée, et la disproportion du désir de vengeance qu’on remarque chez les criminels tient beaucoup à la disproportion de leur vanité. […] Au dix-septième siècle, on tenait le moi pour haïssable ; on reprochait à Montaigne de s’être mis en scène, d’avoir étalé avec complaisance ses qualités et même ses défauts. […] Pourtant, lorsqu’il le voulait, il savait rendre douce l’ironie et demander à la nuit des inspirations moins troublées que la plupart de celles qu’il lui doit : Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici. […] Mais, quand il s’agit de réaliser à son tour les belles qualités qu’on a admirées, il est possible que l’exercice des facultés purement représentatives ait affaibli, amolli l’exercice des facultés actives, et qu’on s’en tienne enfin à l’amour platonique des vertus morales ou sociales.

1389. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

« À la voix de ces âmes blessées, je baissai de pitié la tête et je tins mon visage incliné vers le sol. […] Cette fente ou ce ravin, tenu à l’ombre par ces deux pans de rochers, est tapissé de châtaigniers en taillis. […] Une vieille femme, l’aïeule sans doute, se tient à quelques pas en arrière, accroupie la tête dans son tablier ; ses cheveux blancs découverts remuent, légèrement agités par le vent de la musette, comme des duvets de chardon mort sous l’haleine du chameau qui broute à côté. […] — Et aussi, quand on voit ou qu’on entend quelque chose qui tient puissamment notre âme tendue par l’attention vers un seul objet, la perception du temps nous échappe, et l’homme ne s’aperçoit pas de sa fuite ; — parce que autre est la faculté qui regarde ou qui écoute, et autre est l’ensemble des facultés qui composent l’âme tout entière. […] Ce monument, qu’il faudra compulser sans cesse toutes les fois qu’on voudra étudier, pour s’y modeler soi-même, l’empreinte d’un puissant génie d’expression dans une langue qui tient plus du Titan que de l’homme, n’est point un monument de conception, mais un monument de style.

1390. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

Sans doute, quand vous égalez le nombre 3 à la somme 1 + 1 + 1, rien ne vous empêche de tenir pour indivisibles les unités qui le composent : mais c’est que vous n’utilisez point la multiplicité dont chacune de ces unités est grosse. […] Or, par cela même que l’on admet la possibilité de diviser l’unité en autant de parties que l’on voudra, on la tient pour étendue. […] Remarquons que cette dernière image implique la perception, non plus successive, mais simultanée, de l’avant et de l’après, et qu’il y aurait contradiction à supposer une succession, qui ne fût que succession, et qui tînt néanmoins dans un seul et même instant. […] Mais nous éprouvons une incroyable difficulté à nous représenter la durée dans sa pureté originelle ; et cela tient, sans doute, à ce que nous ne durons pas seuls : les choses extérieures, semble-t-il, durent comme nous, et le temps, envisagé de ce dernier point de vue, a tout l’air d’un milieu homogène. […] Les opinions auxquelles nous tenons le plus sont celles dont nous pourrions le plus malaisément rendre compte, et les raisons mêmes par lesquelles nous les justifions sont rarement celles qui nous ont déterminés à les adopter.

1391. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Tout le monde convient qu’il est, comme la « bataille du Cid », excessif en longueur ; qu’il est hors de situation ; que la rhétorique y tient vraiment trop de place. […] Qu’à cela ne tienne ! […] Tout le mélodrame de la Tour de Nesle ne tient qu’à une série de reconnaissances. […] À quoi cela tient-il ? […] J’étais déjà si proche de ma fin, par l’affaiblissement que le jeûne et la douleur m’avaient causé, que j’eus besoin de quantité d’efforts pour me tenir debout.

1392. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

J’entends : leur signification vraie et profonde, ancienne, et qui tient à leurs origines, et qui tient aussi à leur histoire. […] Devait-il la tenir secrète ? […] Marcel Prévost, qui se tient hors de son roman sans difficulté. […] Certitude, et non vague science qu’on tient du bavardage de l’humanité. […] Je tenais de lui qu’Homère fut le fils d’une nymphe et d’un fleuve.

1393. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Elle l’a repris, et « tant que des deux mains elle pourra tenir son verre ferme, elle boira à la santé de son vieux héros. » J’espère que voilà du style franc, et que le poëte n’est pas petite bouche. […] Il conseillait aux jeunes gens, « s’ils tenaient à la paix de leur âme, d’entretenir un commerce chaleureux et régulier avec la Divinité. » Ce qu’il avait raillé, c’était le culte officiel ; pour la religion, qui est « le langage de l’âme », il s’y tenait étroitement attaché. […] Pendant une saison, on se le disputa, et il se tint debout, dignement, parmi ces gens si riches et si nobles. […] Je suis un si pauvre pigeon que je ne vaux pas la peine qu’on me plume. » Il était horriblement maigre, ne dormait plus et ne pouvait plus se tenir sur ses jambes. « Quant à ma personne, je suis tranquille ; mais la pauvre veuve de Burns, et une demi-douzaine de ses chers petits ! […] Ils formaient une secte, « secte de dissidents en poésie1198 », qui parlaient haut, se tenaient serrés, et révoltaient les cervelles rassises par l’audace et la nouveauté de leurs théories.

1394. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Dès lors il n’eut qu’à tenir le gouvernail, ses amis le poussaient insensiblement à la dictature. […] J’aurai du courage pour souffrir ta répulsion, ton oubli, et jusqu’à ton mépris, que je tiens pour mérité. […] Il est vrai que, s’il les avait lus et s’il tenait à être impartial, M.  […] Fanette s’enfuit et Veranet demeure seul pour tenir tête aux railleurs. […] Tiens !

1395. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Que des époux s’égorgent entre eux, vous vous tenez tranquilles. […] Le lien volontaire du mariage, désiré ou accepté, nous tient beaucoup plus étroitement. […] Voilà un homme qui se tient au-dessus de toutes les lois et de toutes les convenances. […] Tiens, je suis à tes pieds ! […] Toute cette histoire tiendrait en une page.

1396. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

On cherche des yeux l’écervelé qui a tenu ce propos. […] Et cette balance, qui la tient ? […] On aurait bien dû nous éclairer sur ce point et ne pas s’en tenir à une assertion. […] Le discours véhément que le sieur Sigogne tint au roi dans cette circonstance, est très-bon à lire. […] Il faudrait le tenir sans cesse sous les yeux de ceux à qui le genre humain a été confié.

1397. (1923) Au service de la déesse

… » Son génie tient de la magie. […] La position que tient ici M.  […] Cela tient à ce que la réalité se moque de nos doctrines. […] Elle tient à l’époque et tient à eux ; elle est toute à l’honneur de nos contemporains, tels que les signale M.  […] Pierre Hamp tient cependant pour la machine.

1398. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Feugère, je tiens à faire équitablement entre eux la part, telle que je la conçois. […] Tout ce qui y tient leur devient relique. […] Je crois qu’il faut renoncer à serrer de trop près l’explication à cette distance, et qu’on doit s’en tenir à une idée plus générale, qui reste vraie dans toutes les suppositions. […] Quoi qu’on ait dit, elles connaissent entre elles la parfaite amitié ; et, pour m’en tenir aux témoignages que la littérature me prête, qu’on veuille relire à la fin des Mémoires d’une des femmes les plus spirituelles, Mme de Staal-Delaunay, ce qu’elle dit de sa dernière et intime amie Mme de Bussy, et de sa douleur pénétrée, de son accablement après l’avoir perdue.

1399. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

Indépendamment de son caractère propre, les réflexions qu’il fit sur les premiers objets dont il fut frappé contribuèrent beaucoup à la conduite que nous lui verrons tenir. […] J’étais cadet, je tenais tête à mon frère, ils ont eu peur des suites, ils m’ont anéanti ; on ne m’a rien appris qu’à jouer et à chasser, et ils ont réussi à faire de moi un sot et une bête, incapable de tout. […] Ami intime de Bernis et tenu par lui au courant de tout le jeu, Duclos a écrit ce qu’il y a de plus exact sur cette partie délicate de l’histoire politique du xviiie  siècle. […] Qui que nous soyons et dans quelque genre que la vocation ou la destinée nous ait poussés, tâchons d’être de ceux-là ; tâchons, un jour ou l’autre, d’arriver à la perfection de ce qu’il nous est donné de faire, à la réunion de toutes nos forces, à la plus haute puissance de nous-mêmes : et, comme cette heure et cet accident de grâce et de lumière n’est pas en notre pouvoir, tenons-nous prêts et montrons-nous-en dignes en y visant constamment.

1400. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

» Il avait raison en un sens, il choisissait bien ses exemples ; mais il avait tort en ce qu’il confondait tous les âges et qu’il ne se figurait pas qu’il avait pu y avoir une belle jeunesse première, une saison d’efflorescence vigoureuse dans la mieux douée des races, se servant de la plus variée et de la plus euphonique des langues, et que sous des conditions uniques il en était sorti toute une poésie et un art primitif, plus voisin de la nature, et qui ne s’est vu qu’une fois : Homère, disait-il avec une sorte de naïveté contente de soi et de son temps et très commune alors, Homère aurait peut-être atteint à la perfection, s’il fût né dans le siècle d’Auguste ou dans le nôtre ; mais né dans des temps où l’art ne s’était point encore montré, n’étant guidé par aucunes règles, éclairé par aucun exemple, on lui doit tenir grand compte de son poème, tout monstrueux qu’il est. […] On cite de lui ce joli mot à quelqu’un qui l’abordait en croyant le reconnaître, et qui le prenait pour un autre : « Monsieur, je ne suis pas le bossu que vous croyez. » Et toutefois, dans la querelle présente, il ne devait pas tout à fait oublier qu’il lui était échappé, à lui tout le premier, d’appeler les érudits stupides ; et il avait beau dire qu’il ne l’avait fait qu’en général et sans application à personne, le pavé était gros, le compliment peu mince. — Convenons aussi que, sans être Gacon, il fallait se tenir à quatre dans ce débat pour ne pas dire de La Motte (ce qui était vrai au pied de la lettre) qu’il jugeait d’Homère comme un aveugle des couleurs. […] Il est, par principe, un grand admirateur de notre langue, de sa perfection au point de vue de la clarté et de la précision ; il tient pour l’ordre direct et régulier grammatical, qui n’est pas l’ordre sensible et passionné. […] Mais les langues, toujours par l’effet d’un système, n’y tiennent pas assez de place.

1401. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Ainsi en jugeait le duc de Rohan quand il écrivait : « Philippe II poussa ses affaires si avant, que le royaume de France n’est échappé de ses mains que par miracle. » De loin, quand les événements ont tourné d’une certaine façon, on ne se représente pas aisément à combien peu il a tenu qu’ils ne tournassent dans un sens tout autre ; on voit des nécessités et des dénoûments tout simples là où il y a eu des bonheurs et de merveilleux secours. […] Toutefois, en pourvoyant ainsi au plus pressé, il demeurait dans une position fausse et féconde en périls : il ne pouvait abjurer immédiatement sans s’avilir aux yeux de ses nouveaux sujets, sans se perdre aux yeux de son ancien parti ; et retarder cette conversion comme il le devait faire, c’était tenir incertaine et pendante la chance des événements et laisser la carrière ouverte à toutes les ambitions. […] C’était bien le cas à un contemporain, témoin de ces hontes, de s’écrier avec douleur : Malheureux serez-vous, noblesse, Église, peuples, villes, qui vous trouverez parmi ces démembreurs, si leurs desseins succèdent ; vous ne serez plus de la France : qui sera Espagnol, qui tiendra de Lorraine, qui reconnaîtra la Savoie, qui sera du gouvernement du duc de Joyeuse, érigé en comté de Toulouse, qui de la république d’Orléans, qui du duché de Berry, qui des cantons de Picardie. […] Laissons-les se répondre les uns aux autres, et tenons le droit chemin.

1402. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Variez ainsi le chiffre, selon les noms, depuis un jusqu’à cinq ; demandez même au vieux siècle de vous donner les trois ou quatre dernières années de grâce auxquelles il ne tient guère, et vous aurez, en sept ou huit ans, toute la couvée réunie, tout le groupe27. […] Prenez la plus innocente de ces fourberies, celle de la jeune fille au bras de son papa qui la devine. — « Comment saviez-vous, papa, que j’aimais mosieu Léon f » — « Parce que tu me parlais toujours de mosieu Paul. » Allez à la plus calme, à la mieux établie et la mieux réglée de ces fourberies conjugales : un jeune homme dans un salon est assis bien à l’aise, installé dans un fauteuil, lisant comme chez lui, le chapeau sur la tête ; avec lui une jeune femme près de la fenêtre, debout, tient à la main son ouvrage et regarde en même temps dans la rue ; et, pour toute légende, ces mots : « Le v’là ! […] ajoute l’aventurier, une belle fille au sein nu, elle tient les dés du joueur heureux. » — « Oh ! […] Les poëtes s’en sont tenus à compter comme le peuple, d’après le chiffre apparent.

1403. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

En fait de délicatesse aussi, toutes les vérités se tiennent. […] Après cette peinture un peu embellie de sa vie, elle ajoute, revenant à son cher objet, à cette autre existence qui l’occupe : « Mais, sais-tu que tu me parles bien légèrement du sacrifice de la tienne, et que tu sembles l’avoir résolu fort indépendamment de moi ? […] Il relève avec soin des détails qui tiennent au goût. […] Après sa condamnation, elle repassa dans le guichet avec Une vitesse qui tenait de la joie.

1404. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

Les colonels, à la tête de régiments et menant des troupes, regardaient d’un certain œil les adjudants-commandants d’état-major, colonels par assimilation : de leur côté, ces officiers supérieurs d’état-major tenaient à se dire colonels. […] « Le maréchal Ney nous tenait à une grande distance de lui. […] Cette fierté tenait à sa nouvelle situation, au désir de garder son rang. […] La force des choses commençait à tenir le dé, à prendre le dessus décidément sur le génie humain, et, quoique à la guerre les plus belles combinaisons soient toujours à la merci d’un accident, ici l’accident était tout, le calcul n’était presque pour rien.

1405. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

On a remarqué que la Suisse aussi tient une grande place, et un peu disproportionnée peut-être, dans ce vaste tableau historique ; et c’est même par un appel à ses concitoyens suisses qu’il a jugé à propos de le terminer. […] … Surtout préparez dans votre intérieur les moyens de tenir vos engagements… Pénétrez-vous bien de cette vérité, que, pour s’illustrer par une résistance honorable au siècle où nous vivons, un peuple peu nombreux doit opposer aux armées disciplinées et permanentes le courage du Spartiate. […] Ce que je puis dire, c’est que Jomini paraissait tenir beaucoup à ce Précis inédit, qui devait présenter la relation complète et dernière de ses propres années les plus critiques et les plus combattues. […] Mais j’ai songé, en parlant si à fond de lui, à autre chose encore ; j’ai tenu surtout, en découvrant sincèrement sa vie et ses pensées, en y introduisant si avant le lecteur, à détruire un préjugé à son égard, à faire tomber une prévention (s’il en existait) dans l’esprit de notre jeunesse militaire française.

1406. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Par ce simple aperçu, que je ne me flatte pas d’avoir su rendre complet, j’ai tenu à bien montrer du moins l’ensemble du mouvement qui s’est produit, depuis une trentaine d’années, autour de cette famille particulière de vieux poètes. […] Mais, quant à la méthode à apporter dans cette province de l’histoire littéraire, elle ne se dessine que depuis assez peu de temps : et, par méthode, j’entends une étude comparée, coordonnée, qui cherche les classements justes, le degré de mérite appréciable, et qui tient à mesurer positivement les progrès ou changements introduits soit dans la versification, soit dans le vocabulaire poétique et dans la langue. […] Une chose a été dite et bien dite par un Ancien ; on l’a dans la mémoire, on la répète si l’on est un pur écho, on y fait allusion si l’on est un homme d’esprit ; tout homme qui a la tête meublée de ces beaux mots des Anciens, qui s’en souvient en pensant et en parlant, et qui tient à en faire ressouvenir les autres, est un classique. […] Gautier a beau admettre ensuite qu’il y eut pour ces hommes de la Renaissance quelques circonstances atténuantes, il est trop évident qu’il ne leur en tient aucun compte dans les termes formels de la réprobation qu’il vient de lancer.

1407. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

Mais quand la pensée et l’âme y tiennent la place qui convient à ce nom d’amour, quand les souvenirs déjà anciens et en mille façons charmants se sont mêlés et pénétrés, quand les cœurs sont restés fidèles, un accident, une froideur momentanée ne sont pas irréparables. L’amour, comme tout ce qui tient à la pensée, ne saurait être à la merci d’un jeu du dehors, d’un tort sans intention ; il ne se brise pas comme le verre dont le cadre neuf a tout d’un coup joué sous un rayon ardent, ou sous une pluie humide. […] On était au fort des intrigues molinistes, et Mme de Noyon, sa tante, liée avec les Tencin, les Rohan, tenait bannière levée pour ce parti. […] Et puis le monde, ayant voulu d’abord absolument que Mme de Pontivy fût une héroïne conjugale, tint bon dans son dire.

1408. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Celui-ci, en sincère et véritable amant, avait pu se contenir tant qu’il avait vu l’objet de son adoration rester dans une sphère de pureté et d’innocence ; mais lorsqu’en arrivant à Copenhague la jeune femme, a bout de son essai de roman conjugal et comme en désespoir de cause, se fut lancée dans les dissipations du monde et le tourbillon de la vanité, l’humble adorateur n’y tint pas, et, en prenant la résolution de s’éloigner, il fit sa déclaration, non pas à madame, mais à M. […] C’est un parti pris chez elle ; elle était forte pour les partis pris, et son imagination ensuite, sa faculté d’exaltation et de sensibilité tenaient la gageure. […] Je brûle de savoir votre projet et de travailler, comme je l’espère, de toutes mes forces à vous être utile. » Le docteur doit se tenir pour bien averti : le prix de ses services lui est à chaque instant offert comme à bout portant ; qu’il soit utile avec zèle, et on le lui sera en retour. […] Il n’y a plus moyen, après les révélations récentes, de s’en tenir à ce demi-jour douteux entre le boudoir et le sanctuaire.

1409. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Ce sont questions fort disputées ; mais pour nous en tenir aux faits principaux et acquis, il suffira de dire que le roman de Renart est d’origine essentiellement traditionnelle : et les traditions dont il est sorti sont tantôt savantes et tantôt, le plus souvent, populaires. […] Comment Tibert le chat mangea l’andouille à la barbe de Renart, sans lui en faire part, et comment deux prêtres se disputèrent la fourrure de Tibert qui ne se laissa pas prendre : comment Renart prit Chantecler le coq, et comment Chantecler échappa des dents qui le tenaient : comment Renart eut le fromage que Tiecelin le corbeau avait dérobé à une bonne femme, et voulut avoir Tiecelin lui-même, etc. : toutes ces aventures, et d’autres encore, méritent d’être lues. […] Voici les sentiments d’orgueil féodal, la confiance du baron en ses fortes murailles, derrière lesquelles il défie, pourvu qu’il ait des vivres, le roi et le royaume entier, assuré de tenir jusqu’au jour du jugement. […] Ailleurs, dans un conseil que tient le roi Noble, sur la façon de conduire le procès de Renart, Musart le chameau, légat du pape, prend la parole : il faut entendre cette éloquence de canoniste et de lettré, cet incroyable jargon fait d’italien, de latin, de français burlesquement amalgamés, et dont le sens fort impudent est qu’il faudra mettre Renart hors de cour s’il sait donner à temps « universe sa pécune ».

1410. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

Je ne m’en crois que plus tenu d’expliquer pourquoi je ne puis le suivre jusqu’au bout. […] 4° Cela tient à ce que la terre tourne autour du soleil, dit enfin Galilée. […] Voilà donc maintenant notre échelle qui a six échelons, et bien qu’il n’y ait aucune raison pour s’arrêter à ce chiffre, nous nous y tiendrons. […] mais si l’astronome avait voulu qu’elle eût lieu à dix heures, cela ne tenait qu’à lui, il n’avait qu’à avancer son horloge d’une heure.

1411. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Si les Poètes de l’École Décadente en étaient restés à ces premières excentricités du début, ils ne tiendraient guère en littérature qu’une place de curiosité. […] Si l’on s’en tient au sens étroit et étymologique, presque rien si l’on passe outre, cela peut vouloir dire individualisme en littérature, liberté de l’art, abandon des formules enseignées, tendances vers ce qui est nouveau, étrange, bizarre même ; cela peut vouloir dire aussi idéalisme, dédain de l’anecdote sociale, antinaturalisme. […] L’assonance tint lieu de la rime, comme l’écho peut tenir lieu du timbre qu’il répète diminué. […] Mais, sans aller plus loin, je tenais à signalera à votre attention cette réforme prosodique, non seulement pour son importance littéraire, mais parce qu’elle est une marque curieuse de l’état d’esprit contemporain et que c’est bien un trait d’individualisme que d’avoir voulu créer une métrique pour ainsi dire individuelle.

1412. (1890) L’avenir de la science « II »

Ceux qui s’en tiennent aux faits de la nature humaine, sans se permettre de qualification sur la valeur des choses, ne peuvent nier au moins que la science ne soit le premier besoin de l’humanité. […] Cela tient sans doute à ce que, chez nos voisins, la religion positive, mise sous un séquestre conservateur et tenue pour inattaquable, est considérée comme donnant encore le mot des grandes choses 17. […] Les Aristarque d’alors tiendront ceci pour une interpolation et en apporteront des preuves péremptoires, une aussi étroite conception du gouvernement du monde n’ayant jamais pu, diront-ils, venir à la pensée de l’auteur de l’Histoire de la Civilisation. […] Je n’insiste pas sur ce point, et je consens à ce qu’on le tienne pour chimérique ; car, aux yeux de plusieurs bons esprits à qui je veux plaire, ceci ne paraîtrait pas de bon aloi, et, d’ailleurs, je n’en ai pas besoin pour ma thèse.

1413. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

La décadence n’a lieu que selon les esprits étroits qui se tiennent obstinément à un même point de vue en littérature, en art, en philosophie, en science. […] Il n’a tenu qu’à un fil qu’il n’y eût pas de Moyen Âge et que la civilisation romaine se continuât de plain-pied. […] Je tenais seulement à faire comprendre la possibilité d’un état où la plus haute culture intellectuelle et morale, c’est-à-dire la vraie religion, fussent accessibles aux classes maintenant réputées les dernières de la société. […] Mais nous, nous tenons Dieu quitte de son paradis, puisque la vie céleste est transportée ici-bas ! 

1414. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Grâce aux récents événements, grâce à la fortune qu’il tient entre ses mains, M.  […] Tenez, parlons plutôt musique. […] Vous souvenez-vous du tableau à double effet, du pianiste qui s’assied sur son instrument, du monsieur qui éternue « Tiens, le prélude de Parsifal !  […] Errata à distribution de Lohengrin que nous avons publiée : le rôle d’Ortrude devait être tenu en double par Mlle Janvier ; les chœurs comprenaient 72 chanteurs (16 soprani, 16 alti, 20 ténors, 20 basses).

1415. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Pindare était son joueur de lyre, et il a chanté dans ses Olympiques « l’homme » qui tient le sceptre de la justice dans la Sicile aux « grands troupeaux » ; il a célébré « sa table hospitalière, retentissante de douces mélodies » : Hiéron combla Eschyle de dons et d’honneurs, mais le vieux poète n’habita pas son palais, trouvant sans doute aussi dure que Dante « la montée de l’escalier des patrons ». […] Un siècle tient en effet dans cet intervalle, Athènes va vite ; destinée à mourir jeune comme Achille, elle a ses « pieds légers », son rapide élan. […] La main du guerrier perce dans ces duels de paroles, elle manie des glaives et tient des poignées. […] Il tient pour eux, se sentant un peu de leur race, contre les « dieux de fraîche date » ; il relève comme un gant de guerre leur rocher tombé.

1416. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Philiberte aussi aime en secret ce beau ténébreux, mais elle désespère d’être aimée : Tiens, ne ranime pas cette espérance morte. […] Elle a choqué souvent, blessé parfois, inquiété toujours, mais elle n’a jamais ennuyé ; elle est brusquée, décousue, sans vérité sociale et sans vie morale ; mais elle amuse, elle intéresse, elle tient en haleine, elle jette aux yeux la poudre d’or de l’esprit ; elle vivra, je le crois du moins, quoiqu’elle n’ait fait que se donner la peine de naître… tout au plus. […] La toile tombe, et l’acte est charmant malgré toutes nos critiques ; il amuse, il intéresse, il a la beauté du diable et la gaieté de la jeunesse, et, si la suite tenait tout ce qu’il promet, nous aurions là, à coup sur, une très piquante et très agréable comédie. […] Cette scène amuse toujours, quoiqu’elle soit bien vieille et bien surannée ; elle fait partie du fonds de boutique de la Comédie, c’est un de ses meubles meublants pour ainsi dire, qui n’ont rien de précieux ni de rare, mais qui servent toujours et qui tiennent leur place partout où on les fourre.

1417. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

La gêne domestique l’obligea à tenir quelque hôtel ou table d’hôte, circonstance qui fut tant reprochée depuis à Rivarol : C’est dans Bagnols que j’ai vu la lumière, Au cabaret où feu mon pauvre père À juste prix faisait noce et festin, lui faisait dire Marie-Joseph Chénier dans une assez triste satire. […] Son vers se tient debout par la seule force du substantif et du verbe sans le secours d’une seule épithète. » C’est en se prenant à ce style « affamé de poésie », qui est riche et point délicat, plein de mâles fiertés et de rudesses bizarres, qu’il espère faire preuve de ressources et forcer la langue française à s’ingénier en tout sens. […] On a supprimé les dates, les divisions des articles ; on a même supprimé des transitions ; on a supprimé enfin les épigraphes que chaque morceau portait en tête, et qui, empruntées d’Horace, de Virgile, de Lucain, attestaient jusque dans la polémique un esprit éminemment orné : Rivarol, même en donnant des coups d’épée, tenait à ce que la poignée laissât voir quelques diamants. […] Ceux qui tiennent à l’étudier (et il le mérite) feront bien de recourir à l’édition première.

1418. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Né au Havre le 19 janvier 1737, d’une famille originaire de Lorraine, qui aurait aimé à descendre de l’Eustache de Saint-Pierre de Calais, et qui, en tout, avait plus de prétentions que de preuves, Bernardin de Saint-Pierre reçut une éducation très libre et irrégulière, très coupée, mais où la nature, l’Océan et la campagne tinrent du premier jour beaucoup de place. […] Cet idéal, c’était de fonder une espèce de colonie qui aurait tenu de l’idylle, et où il aurait régi, non sans y mêler quelques sons de la flûte antique, des hommes dociles et heureux. […] n’étaient que pour la forme et ne tinrent pas. […] J’ai l’honneur d’être, avec un attachement assez inviolable pour tenir encore à bien des épreuves, etc.

1419. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Mis à sept ans dans un petit collège tenu à Ancenis par un prêtre bas-breton, il y fut maltraité ; il avançait pourtant dans ses études et était à la tête de ses classes. […] Volney, reprenant à sa façon, et quarante ans plus tard, la tâche de Fréret, rencontre également l’autorité des Écritures qu’on lui oppose, et s’en irrite ; il s’en irrite comme un disciple de l’Encyclopédie : de là vient qu’en lisant ces amples et vastes récits d’Hérodote, qui font parfois l’effet d’un beau fleuve de Lydie, et en les comparant à d’autres récits d’un caractère plus primitif encore, il trouve moyen d’y apporter de l’aigreur, d’y mettre de la passion, et d’y insinuer de ce zèle hostile que nourrissait l’école de d’Holbach contre tout ce qui tenait à la tradition religieuse. […] Le Voyage de Volney s’ouvre par la description de l’Égypte et d’Alexandrie, et, dans une suite de chapitres aussi pleins que précis, il va rassembler tout ce qui tient à l’état physique, puis à l’état politique de l’Égypte : ainsi fera-t-il pour la Syrie. […] « Vous étiez, lui disait Rivarol (ou l’auteur quelconque de la lettre satirique dont j’ai parlé), vous étiez l’un des plus éloquents orateurs muets de l’Assemblée nationale. » Un jour, dans la discussion où il s’agissait de savoir si la religion catholique serait déclarée religion de l’État (13 avril 1790), Volney, fidèle à son animosité, se tenait, un discours à la main, près de la tribune.

1420. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

Ceux qui nient cet aspect intérieur s’en tiennent au point de vue statique : ils considèrent des états de conscience tout donnés et achevés ; ils négligent le point de vue dynamique des idées-forces, c’est-à-dire les états de conscience en train de se produire et de changer. […] Penser à un acte de violence, c’est commencer la violence en pensée, c’est esquisser l’acte de violence dans sa tête ; on peut s’en tenir là, on n’en a pas moins déjà commis un premier acte ; on a eu non seulement une « mauvaise pensée », mais encore une mauvaise impulsion, un mauvais vouloir, et, en définitive, on a déjà fait une mauvaise action, dont on se repent aussitôt, et dont on réprime le développement interne, puis externe. […] Grâce à cette volition inconsciente, aidée d’une représentation inconsciente, M. de Hartmann croit tenir la solution du problème. […] « Il doit, répond-il, être partout l’apanage des centres sensoriels et de leurs annexes, concourant à l’exercice de nos processus intellectuels. » Fort bien ; mais, selon nous, cet « apanage » tient à ce que les centres sensoriels sont eux-mêmes indivisiblement appétitifs et moteurs.

1421. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Le réalisme bien entendu en est juste le contraire, car « il consiste à emprunter aux représentations de la vie habituelle toute la force qui tient à la netteté de leurs contours, mais en les dépouillant des associations vulgaires, fatigantes et parfois repoussantes. » Le vrai réalisme consiste donc à dissocier le réel du trivial ; c’est pour cela qu’il constitue un côté de l’art si difficile : « il ne s’agit de rien moins que de trouver la poésie des choses qui nous semblent parfois les moins poétiques, simplement parce que l’émotion esthétique est usée par l’habitude. […] « Nous sentons s’enrichir notre cœur quand y pénètrent les souffrances ou les joies naïves, sérieuses pourtant, d’une humanité jusqu’alors inconnue, mais que nous reconnaissons avoir autant de droit que nous-mêmes, après tout, à tenir sa place dans cette, sorte de conscience impersonnelle des peuples qui est la littérature. » Enfin la sociabilité humaine doit s’étendre à la nature entière ; de là cette part croissante que prend dans l’art moderne la description de la nature. […] Le faux, c’est notre conception abstraite du monde, c’est la vue des surfaces immobiles et la croyance en l’inertie des choses, auxquelles s’en tient le vulgaire. « Le poète, en animant jusqu’aux êtres qui nous paraissent le plus dénués de vie, ne fait que revenir à des idées plus philosophiques sur l’univers. » Toutefois, en animant ainsi la nature, il est essentiel de mesurer les degrés de vie qu’on lui prête. […] Et c’est justement ce que les naturalistes négligent. » Ils s’en tiennent de parti pris aux vicieux, aux grotesques, aux avortés, aux monstrueux ; leur « société » est donc incomplète.

1422. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

Les ennemis de la théorie en toutes choses diront peut-être que tout cela est bien inutile : « Faites-nous de bonnes expériences, nous vous tiendrons quitte du reste. » Je ne veux pas dire que la pratique ne soit pas ici plus importante que la théorie ; cependant il faut aussi savoir un peu ce que l’on fait et se rendre compte des opérations de son esprit. […] La vie, en effet, est en quelque sorte le nœud du problème que nous présente l’univers, car la vie tient d’une part à la matière en général, et de l’autre elle tient à la sensibilité et à la pensée. […] En même temps que l’expérience subjective nous atteste notre liberté avec une évidence éclatante, la conscience morale nous en démontre la nécessité, et Kant n’a pas eu besoin d’autre preuve que celle-là ; car, s’il est un ordre de choses auquel nous devons coopérer par nos actions, il est de toute évidence qu’un tel devoir suppose le pouvoir, nul n’étant tenu à l’impossible.

1423. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

Si l’on croyait que ces vertus, fruits du temps et des lumières, sont de convention, l’on se tromperait ; elles tiennent à la science des mœurs comme la feuille tient à l’arbre qu’elle embellit. […] D’ailleurs point de pratique, et c’est un grand défaut ; combien de choses qui tiennent à l’art de guérir qu’on ne peut apprendre ni dans des livres ni dans des leçons ! […] Peut-on être un grand poëte sans la connaissance des devoirs de l’homme et du citoyen, de tout ce qui tient aux lois des sociétés entre elles, aux religions, aux différents gouvernements, aux mœurs et aux usages des nations, à la société dont on est membre, aux passions, aux vices, aux vertus, aux caractères et à toute la morale ?

1424. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Nos ancêtres croyaient tenir le monde. […] Un grand lys émerge d’une touffe de pivoines… Tiens ! […] C…, n’y put tenir. […] Tenez, voici la carte. […] Tenez, pour vous montrer, par un exemple, ce qu’est M. 

1425. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Note »

Ce procédé, qui n’est point celui du critique impartial et tout à fait naturaliste, tenait à la fois, sans doute, à l’affection tendre que j’avais mise dès l’abord au succès et au triomphe de ce talent, et aussi à ma tournure d’esprit personnelle. […] Le Globe ne s’en tiendrait pas, dit-il, à un seul article sur Cromwell ; c’était lui-même qui ferait les autres.

1426. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

L’éclat soudain de cette vive parole, l’impétuosité et presque la brusquerie du geste et de l’accent, font croire à quelque chose d’excessif, et même de maladif, qui tient à une singularité de nature. […] La théologie de l’auteur des Pensées, à la bien voir et en la dégageant des accessoires qui n’y tiennent pas essentiellement, porte en plein sur la nature morale de l’homme ; c’est là sa force et son honneur.

1427. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — I »

Tous les tons de la prière sont essayés auprès d’elle, depuis la bouderie jusqu’à l’enjouement, témoin ce début de lettre, d’une insinuation charmante : « Il ne tient qu’à vous, madame, de m’apaiser et de m’empêcher de gronder ; que le roi ait la bonté de laisser en Espagne les vingt bataillons que sa majesté espagnole lui demande, nous serons contents. […] « Seulement, pour se tenir toujours à portée d’être utile à la reine et au jeune prince des Asturies, elle ira dans quelque petite ville des Pyrénées.

1428. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

Ils tiennent le fil qu’ils peuvent dérouler chaque jour davantage, sans jamais s’égarer. […] L’importance des devoirs est bien mieux classée chez les modernes ; les relations avec ses semblables y tiennent le premier rang ; ce qui nous concerne nous-mêmes mérite surtout d’être considéré, relativement à l’influence que nous pouvons avoir sur la destinée des autres.

1429. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Contes de Noël »

—    Tiens, dit-elle, c’est drôle, je n’y avais pas pensé. […] Pigassou ; Ferdinand ne se tient pas de joie.

1430. (1897) Manifeste naturiste (Le Figaro) pp. 4-5

Après le grand William Shakespeare, de qui les barbares tragédies bouleversèrent toutes nos conceptions de la Beauté vers le temps où les femmes se nommaient Corinne, Paméla — après Schopenhauer, si noir, si hypocondre, en compagnie duquel nous nous sommes souillés d’une épaisse tristesse, ce furent Wagner, Nietzsche et Ibsen qui nous tinrent dans une servitude spirituelle. […] Puisse-t-elle tenir ses promesses afin que nous assistions au spectacle fortifiant d’une renaissance française !

1431. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Feuilles d’automne » (1831) »

Or la poésie tient de l’oiseau. […] Elles font d’ailleurs partie d’un recueil de poésie politique, que l’auteur tient en réserve.

1432. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Greuze » pp. 234-241

Comme il tient l’oiseau ! […] Cela justifie le bon choix qu’il a fait pour sa fille ; c’est la vraie cause de l’attendrissement de son visage, de son regard et du discours qu’il lui tient.

1433. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 21, du choix des sujets des comedies, où il en faut mettre la scene, des comedies romaines » pp. 157-170

La satire étoit une espece de pastorale que quelques auteurs disent avoir tenu le milieu entre la tragedie et la comedie. […] Je ne parle point des tragedies ni même des comedies à longue robe qui, par la gravité qu’elles gardent, tiennent le milieu entre les comedies plaisantes et la tragedie.

1434. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Première partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées religieuses » pp. 315-325

Il était sorti du sein d’un peuple dédaigné, et celui de qui il tenait sa mission avait été attaché à une croix, supplice alors infâme. […] Dans un temps où les princes de la terre avaient sur les peuples des droits dont les limites étaient inconnues, était-ce donc un si grand malheur que les rois eussent au-dessus d’eux une puissance mystérieuse qui venait les épouvanter et leur annoncer, les oracles de la justice éternelle, une puissance qui venait leur dire : Ce sceptre que vous tenez de Dieu, Dieu peut vous l’enlever ; ce glaive que vous portez à votre côté peut être réduit en poussière par le glaive de la parole ?

1435. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

En amour comme en religion, avec les femmes comme avec Dieu, ce prince était le plus grand donneur de paroles pour ne pas les tenir qui ait jamais existé, alors que la fierté de la parole donnée existait encore, et que l’outrage n’avait pas vieilli de l’ancien mot de foi mentie. […] de telles menées tenaient autant de la comédie que de l’histoire, et Falstaff amoureux, mais qui n’était pas roi, n’eût pas fait autrement !

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