/ 3846
1702. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

Jeune et déjà émancipé, on l’avait vu patient, ne se hâtant pas de régner par lui-même, très appliqué aux affaires, mais écoutant les conseils de son ancien gouverneur, le seigneur de Chièvres, il avait fait écrire sur son bouclier cette devise : Nondum (pas encore) ! […] Un ambassadeur vénitien écrivait peu après, en terminant une dépêche où il résumait tout le règne et le caractère de Charles-Quint : « Mais la fuite d’Inspruck, le mauvais succès de l’entreprise de Metz ont traversé le cours de cette gloire et sont venus remettre en mémoire les autres mauvais succès, comme ceux de Provence, d’Alger et de Castelnuovo ; la trêve désavantageuse conclue avec Sa Majesté très chrétienne, la renonciation aux États, le départ pour l’Espagne et l’entrée dans un monastère, tout cela lui a fait perdre presque toute sa réputation, je dis presque toute, parce qu’il lui en reste autant qu’il reste d’impulsion à une galère qui a été fortement poussée par les rames et le vent, et qui, l’un et l’autre cessant, fait pourtant encore un peu de chemin ; chacun concluant de là que c’est par le souffle favorable de la fortune qu’a été guidé l’immense navire des États, royaumes et pires de Sa Majesté. » Mais, patience ! […] Conçut-il, dans les heures de loisir qui lui étaient laissées, l’idée d’écrire ou plutôt de continuer ses Commentaires ? […] Il ne s’agit pas d’un livre sec ; nous voudrions, les conversations, les confidences de Charles-Quint sur lui-même : si elles existaient par écrit, elles ont disparu. […] « Ainsi finit, écrivait son fidèle majordome après l’avoir vu expirer, le plus grand homme qui ait été et qui sera. » En tout sa fin, on le voit, a sa marque bien à elle ; elle est toute particulière, monacale, strictement catholique, conforme par les circonstances et l’appareil au génie espagnol dans lequel, sans y appartenir de naissance, il était entré si profondément.

1703. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat. »

Il reste beaucoup à faire pour établir avec sûreté et précision les premières années de Catinat : une Vie critique de ce guerrier de tant de mérite n’est pas écrite encore. […] Une lettre de Louvois nous montre le genre et le degré de confiance qu’on avait en Catinat ; on lui avait donné pour collègue à Saint-Ghislain M. de Quincy, chargé du commandement de la cavalerie, un caractère épineux, un homme difficile à vivre : « M. de Quincy, lui écrivait Louvois (îfi décembre 1677), est chargé du commandement de la cavalerie et des dragons de Saint-Ghislain, et des autres villes des environs. […] « Vous jugez bien, lui écrivait Louvois, que pour que le projet de Sa Majesté réussisse, il faut que les déserteurs de Mons soient effectivement payés des quinze livres qu’on leur promettra, qu’ils aient la liberté de se retirer chez eux, s’ils ne voulaient pas prendre parti. […] Louvois lui écrivait à Tournai, ou il commandait alors, le 22 juillet 1681 : « Monsieur, le service du roi désirant que vous fassiez incessamment un voyage pareil à celui du commencement de l’année passée79, je vous en donne avis, afin que, prétextant quelque affaire de famille, vous mandiez à vos amis en Flandre que M. votre père vous a obtenu votre congé pour deux mois, et qu’en effet vous partiez pour vous rendre entre ci et douze ou quinze jours, sous mystère, à Fontainebleau, où je vous entretiendrai et vous remettrai les ordres du roi de ce que vous aurez à faire. […] » écrivait Boufflers.

1704. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

MM. de Goncourt qui, à huit ans de distance l’un de l’autre, sont jumeaux ; qui pensent et sentent à l’unisson ; qui non-seulement écrivent, mais causent comme un seul homme, l’un seulement avec plus de réflexion et de suite, l’autre avec plus de pétillement et de saillies, sont entrés dans la littérature par la peinture, par les arts : ne l’oublions pas, et eux-mêmes, dans ce qu’ils écrivent, ne permettent jamais de l’oublier. […] La religion de l’histoire, le numen historiæ de Pline le Jeune et de Tacite, ils n’en ont pas une bien haute idée, ils ne l’admettent pas : « L’histoire, disent-ils, est un roman qui a été ; le roman est de l’histoire qui aurait pu être. » — La tragédie, ils n’en pensent pas mieux que de l’histoire, mais ils la redoutent davantage, et ils lui en veulent comme au fantôme ennemi qu’on évoque de temps en temps et qu’on fait semblant de ressusciter contre les genres vivants et modernes ; ils disent : « Il est permis en France de scandaliser en histoire : on peut écrire que Néron était un philanthrope, ou que Dubois était un saint homme ; mais en art et en littérature les opinions consacrées sont sacrées : et peut-être, au xixe  siècle, est-il moins dangereux, pour un homme de marcher sur un crucifix que sur les beautés de la tragédie. » Artistes jusqu’à la moelle, ils voient le monde par ce côté unique de l’art ; c’est par là qu’ils sont offensés, c’est par là qu’ils jouissent ; c’est à être un artiste indépendant, sincère, absolu et sans concession, qu’ils mettent le courage civil : « Il faut plus que du goût, il faut un caractère pour apprécier une chose d’art. […] Hommes d’observation, de sincérité et de hardiesse, ils se sont fait une doctrine à leur usage : ils se sont dit de ne pas répéter ce qui a été dit et fait par d’autres ; ils vont au vif dans leurs tableaux, ils pénètrent jusqu’au fond et aux bas-fonds ; ils veulent noter la réalité jusqu’à un degré où on ne l’avait pas fait encore ; ils tiennent, par exemple, à copier et à reproduire la conversation du jour et du moment, les manières de dire et de parler si différentes de la façon d’écrire, et que les auteurs, d’ordinaire, ne traduisent jamais qu’incomplètement, artificiellement ; ils ne reculent pas au besoin devant la bassesse des mots, fussent-ils dans une jolie bouche et du jargon tout pur, confinant à l’argot ; ils imitent, sans rien effacer, sans faire grâce de rien ; ils haïssent la convention avant tout ; pas d’école : « Aussitôt qu’il y a l’école de quelque chose, ce quelque chose n’est plus vivant. » Ils haïssent la fausse image et le ponsif du beau : « Il y a un beau, disent-ils, un beau ennuyeux, qui ressemble à un pensum du beau. » Très-bien : Je les comprends, je les approuve, je les suis volontiers, ou à très-peu près, jusque-là. […] Voici une page que je trouve parfaite en son genre : lisez haut, lisez bien, accentuez et scandez chaque mot, chaque membre de phrase, comme Jean-Jacques le voulait pour son monologue de Pygmalion, et vous sentirez quelle est, en ce genre du pittoresque écrit, l’habileté de MM. de Goncourt : « Sept heures du soir. […] Qu’on veuille regarder la date où j’écrivais cela dans le Constitutionnel, et l’on verra que sur cette question, tant agitée, de la statue de Voltaire, j’avais pris les devants, du moins en théorie 116.

1705. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Reboul est un poëte français, de l’école des Méditations ; il écrit et chante en notre français classique avec pureté, harmonie ; son originalité consiste bien plutôt dans le contraste de ses écrits avec sa profession, que dans le caractère même de sa poésie. […] Si Jasmin avait vécu au temps des troubadours, s’il avait écrit en cette littérature perfectionnée dont il vient, après Goudouli, Dastros et Daubace, et, à ce qu’il paraît, plus qu’aucun d’eux, embellir encore aujourd’hui les débris, il aurait cultivé la romance sans doute, et quelques heureux essais de lui en font foi ; mais il aurait, j’imagine, préféré le sirvente, et, en présence des tendres chevaliers, des nobles dames, des Raymond de Toulouse et des comtesses de Die, il aurait introduit quelque récit railleur d’un genre plus particulier aux trouvères du Nord, quelque novelle peu mystique et assez contraire au vieux poëme de la vie de sainte Fides d’Agen. […] Si Agen a été appelé l’œil de la Guyenne, Jasmin écrit dans le pur patois agenais ; il y a là quelque chose d’attique, en un certain sens. […] Jasmin, par la façon dont il travaille ses vers, par son soin de la composition et ses scrupules de style, est véritablement de l’école de Boileau et d’Horace, beaucoup plus que tel de nos grands poëtes contemporains qui écrivent en français. […] Depuis que ceci est écrit, nous lisons dans le Journal grammatical (avril et mai 1836) un article philologique sévère sur le patois de Jasmin, par M.

1706. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Je confesserai pourtant, avant d’aller plus loin, ma faiblesse : je suis de ceux qui ont toujours reculé devant cette poésie Louis XIII, et je n’ai jamais pu m’en inoculer le goût ; tout en désirant qu’il s’en écrivît une histoire exacte et critique, et en croyant qu’il en résulterait des jours curieux et utiles sur la formation définitive du genre Louis XIV, il m’a été impossible d’admirer à aucun degré (j’excepte bien entendu Corneille et Rotrou) aucun de ces poëtes. […] La part des inadvertances est à faire, je le sais, dans tout écrit, même consciencieux. […] On aime, indépendamment du jugement critique, à savoir avec précision ce qu’a écrit l’auteur qu’on juge, ce qu’il a laissé d’imprimé ou d’inédit, et même ce qui a été pensé par d’autres à son sujet. […] J’y distingue les stances écrites pour le Prince de Chypre dans un ballet, et où l’on croirait entendre à l’avance quelque accent de Quinault ; je me rappelle aussi que madame Tastu aime particulièrement les stances qui ont pour titre les Nautonniers. […] Philarète Chasles)50, a fort loué sa prose et y a cru voir comme une espèce de chaînon intermédiaire entre Montaigne et Pascal ; ce sont de bien grands noms, et la prose de Théophile se borne à des opuscules facilement et spirituellement écrits, mais de bien peu de gravité, sauf les requêtes apologétiques où son malheur l’inspire.

1707. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

Quand il concourait à l’académie de Lyon en 91, il avait du ton de l’abbé Raynal ; quand il écrivait en 96 des lettres passionnées à Joséphine, il se souvenait encore de La Nouvelle Héloïse. […] Dans l’ordre des genres, il semblerait plus naturel de le comparer aux grands rois, aux grands ministres qui ont laissé des écrits. […] Pascal, dans les immortelles pensées qu’on a trouvées chez lui à l’état de notes, et qu’il écrivait sous cette forme pour lui seul, rappelle souvent, par la brusquerie même, par cet accent despotique que Voltaire lui a reproché, le caractère des dictées et des lettres de Napoléon. […] Car, sachons-le bien, cet homme qui a fourni à tant de déclamations oratoires et autres, Napoléon, quand il écrit, est la simplicité même. […] Il n’était pas fâché de voir déclamer les autres ; il se réservait pour lui la simplicité, et cela est surtout vrai quand il écrit.

1708. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Lacordaire une notice exacte et très bien faite, écrite par un de ses amis d’enfance, M.  […] L’aîné, dont on a lu des écrits dans la Revue des deux mondes, est, depuis plusieurs années, professeur d’histoire naturelle à l’université de Liège ; il a voyagé quatre fois en Amérique du Sud, et compte en première ligne parmi les entomologistes les plus distingués de notre temps, esprit net, investigateur patient, observateur précis et sévère. […] Je pourrais citer de lui là-dessus des pages charmantes, poétiques, écrites pour un ami et placées dans un livre où l’on ne s’aviserait guère de les démêler. […] Il fit un Mémoire pour le rétablissement en France de l’ordre des Frères prêcheurs, qu’il dédia pour premier mot « À mon pays » ; il écrivit une Vie de saint Dominique, qui serait à discuter historiquement, mais où respire et reluit l’intelligence vive du Moyen Âge. […] Les princes lui écrivaient avec orgueil.

1709. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Il affectionnait les sujets et les titres d’ouvrages singuliers, l’Histoire des flagellants, De l’habit court des ecclésiastiques : son latin, car il écrivait généralement en latin, était dur, bizarre, hétéroclite. […] Vous écrivez au hasard ; sur dix vers, sur vingt et sur cent, vous n’en avez quelquefois qu’un ou deux de bons, et qui se noient dans le mauvais goût, dans le style relâché et dans les fadeurs. » L’œuvre de Boileau, ce fut, non pas de revenir à Malherbe déjà bien lointain, mais de faire subir à la poésie française une réforme du même genre que celle que Pascal avait faite dans la prose. […] Voilà donc Boileau le premier qui applique au style de la poésie la méthode de Pascal : Si j’écris quatre mots, j’en effacerai trois. […] Le roi à table s’informait souvent de sa santé ; les princes et princesses s’y joignaient : « Vous fîtes, lui écrivait Racine, l’entretien de plus de la moitié du dîner. » Boileau était chargé avec Racine, depuis 1677, d’écrire l’Histoire des campagnes du roi. […] Voici l’une de ces anecdotes qui est toute neuve ; je la tire d’une lettre du père Quesnel à Arnauld ; les deux poètes ne sont point à l’armée cette fois, mais, simplement à Versailles, et il leur arrive néanmoins mésaventure : Mme de Montespan, écrit le père Quesnel (vers 1680), a deux ours qui vont et viennent comme bon leur semble.

1710. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Le prince de Conti, un des hommes les plus spirituels de cette époque, lui dit : J’irai à l’Académie, et j’écrirai à votre place, tu dors, Brutus. […] Rassurons-nous : cette tristesse systématique de leurs écrits n’empêche pas que leur humeur ne soit gaie et leur existence joyeuse ; de même que le génie, qu’ils appellent une maladie, ne porte heureusement aucune atteinte à leur brillante santé. […] L’originalité elle-même, don précieux et rare, n’est plus qu’une recette vulgaire, mais sûre, qui consiste à n’écrire comme personne, ce que personne n’a jamais pensé. […] Soyez religieux et graves dans vos écrits ; mais ne soyez pas éternellement tristes : rappelez-vous que, dans les livres sacrés, tout n’est pas du ton des lamentations de Jérémie, ou des plaintes de Job, et qu’on y trouve aussi des hymnes de bonheur ou des cantiques d’allégresse. […] Quoi que vous écriviez, enfin, respectez cette langue qui a suffi à l’expression de toutes les pensées et de tous les sentiments, et qu’on ne viole jamais que par l’impuissance de la bien employer.

1711. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « X » pp. 37-38

Gautier écrivait dans le journal de l’auteur de Judith et sous le canon de Hugo. Molènes a écrit sa note précautionnée et amphigourique sous le sourcil jaloux de Buloz, le commissaire royal des Français, le directeur rival opposé aux succès de l’Odéon.

1712. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 150-151

Les Lettres d’Osman sont écrites avec la légéreté qui convient à ces sortes de productions. […] Nous ne jugeons tous les Auteurs, en général, que sur leurs Productions ; & ce n’est pas un petit sujet d’éloge pour un Homme du monde & de plaisir, d’avoir non seulement respecté la Religion dans ses Ecrits, mais encore de s’être élevé avec zele contre ceux qui l’attaquent.

1713. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 426-427

Les immenses Productions qu’on a de lui, prouvent d’abord son amour pour l’étude & son opiniâtreté pour le travail, & c’est déjà beaucoup en faveur de cet Ecrivain ; mais son style toujours diffus & incorrect, la marche de son esprit plus méthodique que subtile, son érudition plus étendue que choisie, sa critique plus minutieuse que profonde, dérobent à ses Ecrits la plus grande partie de la gloire qu’il auroit pu en retirer. […] Les Productions érudites exigent plus d’indulgence que les Productions frivoles, qui souvent n’ont pas même l’avantage d’être bien écrites.

1714. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 417-418

Comme ses Ouvrages sont plus d’un Physicien que d’un Littérateur, nous n’en jugerons point le fond ; nous nous contenterons de dire qu’ils sont écrits d’un style aisé & assez clair pour instruire le commun des Lecteurs sur toutes les matieres qu’il traite. […] L’Abbé Nollet lui fit une visite, & lui présenta un Exemplaire de ses Ouvrages ; celui-ci répondit froidement, en jetant les yeux sur le titre, qu’il étoit sensible à sa politesse, mais qu’il ne lisoit pas ces sortes d’Ecrits.

1715. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 552-553

On a retenu plusieurs de ses Madrigaux, un, entre autres, adressé à Mlle Bernard qu’il aimoit, & qui ne lui répondoit que par des plaisanteries : Vous n’écrivez que pour écrire, &c.

1716. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 76-77

Si ces Mémoires étoient cependant écrits par-tout de la même force, les meilleurs Historiens Grecs & Latins n'auroient rien qui leur fût supérieur ; mais il s'en faut bien que le style soit également soutenu dans le cours de la narration ; l'assoupissement & les inégalités s'y font sentir dans mille endroits. […] D'après de tels sentimens, il ne faut plus s'étonner de la franchise avec laquelle il raconte des événemens si opposés à l'esprit de son état & à sa propre gloire ; il semble qu'il n'ait écrit que pour médire de lui-même.

1717. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 248-249

Ce n'est pas que Saumaise n'eût des talens, mais il a trop écrit, & par cette raison trop mal écrit, pour que les défauts de ses Ouvrages méritent quelque indulgence, en faveur des bonnes choses qu'on peut y rencontrer.

1718. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface et note de « Notre-Dame de Paris » (1831-1832) — Préface (1831) »

Ces majuscules grecques, noires de vétusté et assez profondément entaillées dans la pierre, je ne sais quels signes propres à la calligraphie gothique empreints dans leurs formes et dans leurs attitudes, comme pour révéler que c’était une main du moyen-âge qui les avait écrites là, surtout le sens lugubre et fatal qu’elles renferment, frappèrent vivement l’auteur. […] L’homme qui a écrit ce mot sur ce mur s’est effacé, il y a plusieurs siècles, du milieu des générations, le mot s’est à son tour effacé du mur de l’église, l’église elle-même s’effacera bientôt peut-être de la terre.

1719. (1927) Des romantiques à nous

Elles sont vibrantes, et, exception faite de quelques pages d’amphigouri comme il lui advenait d’en écrire vers 1830, elles ont le charme. […] J’écris, sans m’enfler, ce mot qui pourrait être trouvé présomptueux. […] Ils jugeaient l’œuvre pleine de traits de génie, débordante de personnalité, mais très grossièrement écrite et remplie de défaillances musicales. […] Le jour où il a écrit cette immortelle composition, Saint-Saëns s’est dépassé lui-même. […] Depuis que j’ai écrit ces pages, j’ai perdu Raymond Diriart, enlevé prématurément à sa famille et à sa carrière.

1720. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « SUR ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 497-504

En un mot, si André Chénier eût vécu, je me figure qu’il aurait pu être le grand poëte régnant depuis 95 jusqu’en 1803 ; réaliser admirablement ce que son frère, et Le Brun, et David dans son genre, tentèrent avec des natures d’artiste moins complètes et avec une sorte de sécheresse et de roideur ; exprimer poétiquement, et sous des formes vives de beauté, ce sentiment républicain à la fois antique et jeune, qui respire dans quelques écrits de Mme de Staël à cette époque, et surtout dans sa Littérature considérée par rapport à la Société. […] Ce qu’il avait écrit dans la première et au sein d’une retraite d’étude et d’intimité ne parut que trente ans plus tard, et il se trouva, par son influence au milieu de la Restauration, contemporain de Lamartine, de Victor Hugo, de Béranger. […] Lorsque les Poésies d’André Chénier parurent, sous la Restauration, les circonstances étaient fort différentes de celles au milieu desquelles il avait écrit, mais elles n’en étaient que plus propices au succès du poëte.

1721. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Laurent (de l’Ardèche) : Réputation de l’histoire de France de l’abbé de Montgaillard  »

Il importait de rabaisser à sa juste valeur un ouvrage incomplet, incohérent, plein de mensonges, de contradictions et d’erreurs, qui, grâce à une certaine causticité originale et à une affectation cynique de franchise, mais grâce avant tout au patronage influent de ses tuteurs, a usurpé en peu de mois un succès de vogue que n’ont obtenu que lentement et à grand’peine d’admirables écrits sur les mêmes matières. […] Thiers, dit-il, écrivait ceci au sein d’une paix profonde, et loin des circonstances qui entraînèrent des hommes non moins sensibles que lui à suivre un drapeau ensanglanté, qu’ils regardaient comme celui de l’indépendance de la liberté du pays. […] Ajoutions seulement que cet écrit annonce chez M. 

1722. (1874) Premiers lundis. Tome II « Deux préfaces »

S’il se permet donc aujourd’hui de réimprimer ces morceaux en les recueillant, c’est qu’il les a conçus au moment où il les écrivait comme devant former une espèce de tout, et comme ayant peut-être à gagner à ce rapprochement. […] Mais dans ces charmants écrits de moyenne mesure, les renseignements critiques, précieux et fins sont mis en œuvre avec intérêt et art. […] Bien qu’écrits dans le but d’être rassemblés, ces morceaux qui ont paru successivement, gardent trace, en plus d’un endroit, de circonstances et de dispositions qui se sont modifiées et ils offrent ainsi de légers désaccords.

1723. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Bilan des dernières divulgations littéraires. » pp. 191-199

… Elle écrit : « Je n’aimerai donc plus », et, deux mois plus tard, elle était folle de Musset, chérubin alcoolique et génial. Elle écrit : « L’amour me fait peur » et, dans la même année, elle aime Sandeau, Mérimée, Musset et Pagello, tout en demeurant persuadée de la froideur de son tempérament. […] Ce sera chez tel homme complètement obscur ou chez telle humble femme qui n’a jamais écrit.

1724. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Maeterlinck, Maurice (1862-1949) »

Je sais seulement qu’aucun homme n’est plus inconnu que lui, et je sais aussi qu’il a fait un chef-d’œuvre, non pas un chef-d’œuvre étiqueté chef-d’œuvre à l’avance, comme en publient tous les jours nos jeunes maîtres, chantés sur tous les tons de la glapissante lyre — ou plutôt de la glapissante flûte contemporaine ; mais un admirable et pur et éternel chef-d’œuvre, un chef-d’œuvre qui suffit à immortaliser un nom et à faire bénir ce nom par tous les affamés du beau et du grand ; un chef-d’œuvre comme les artistes honnêtes et tourmentés, parfois, aux heures d’enthousiasme, ont rêvé d’en écrire un et comme ils n’en ont écrit aucun jusqu’ici. […] De même aussi, l’œuvre nouvelle est moins enfoncée vers l’absolu, moins baignée des vents de l’infini que les deux drames qui la précédèrent, et l’épisode des voix lontaines, du chant des matelots sur le navire qui s’éloigne, semble avoir été écrit dans le souci d’élargir le cadre comme un peu envoûté de la fable.

1725. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Retté, Adolphe (1863-1930) »

On jugera mieux ce poème, écrit en une prose comme déshabillée de tout l’inutile, lorsque les rêvasseries des Sébastien Faure n’intéresseront plus que la pathologie mentale ; de toutes les déclamations de plusieurs déments ou faibles d’esprit, il demeurera, avec le souvenir d’une période d’aberration, renouveau des fraticelles, des camisards, des flagellants ou des hurleurs, — qu’un poète aura bien voulu se joindre à ces jeux et mener ces danses au son de belles phrases, agitées lentement comme des saules par le vent du matin ; et croyant détruire, M.  […] Il n’est pas resté, digne d’être lu, un seul écrit saint-simonien ; voici un écrit anarchiste auquel je souhaite d’être durablement représentatif, car, après toutes mes critiques, je l’avoue, sa lecture m’enchanta.

1726. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Pol-Roux (1861-1940) »

Remy de Gourmont L’un des plus féconds et les plus étonnants inventeurs d’images et de métaphores… Le Pèlerinage de sainte Anne, écrit tout entier en images, est pur de toute souillure, et les métaphores, comme le voulait Théophile Gautier, s’y déroulent multiples, mais logiques et très bien entre elles : c’est le type et la merveille du poème en prose rythmée et assonancée. […] Saint-Pol-Roux a écrit la tragédie de la Mort d’une autre façon que M.  […] Cette œuvre fera date — ainsi l’a écrit justement M. 

1727. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXX » pp. 330-337

Dans cette même année 1673, sa situation éprouva un nouveau changement : madame de Coulanges écrit à madame de Sévigné, le 20 mars : « Nous avons enfin retrouvé madame Scarron, c’est-à-dire que nous savons où elle est ; car, pour avoir commerce avec elle, cela n’est pas aisé. » La suite de cette lettre prouve que madame de Coulanges était instruite de bien des particularités concernant madame Scarron. […] Le 1er septembre 1673, madame de Sévigné écrit à sa fille : « J’ai soupé avec l’amie de Quanto (avec madame Scarron). […] Une lettre que madame Scarron écrit à son frère, de Tournay, le 16 juin 1673 (elle était alors en chemin avec le duc du Maine pour aller consulter un empirique hollandais sur l’état de cet enfant), montre qu’à cette époque elle était brouillée avec madame de Montespan.

1728. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’Empereur Néron, et les trois plus grands poëtes de son siècle, Lucain, Perse & Juvénal. » pp. 69-78

Il n’ignora rien de ce déluge d’écrits répandus contre sa personne. […] Le poëte, enhardi par l’impunité, déclama, écrivit encore, & toujours contre les comédiens dont le crédit & les airs de hauteur révoltoient la noblesse Romaine* : Un histrion pourra ce que n’ont pu les grands ! […] Il n’a été donné qu’à un seul prince d’écrire aussi bien qu’il gouverne, de mêler les lauriers de Mars à ceux d’Apollon.

1729. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Addisson, et Pope. » pp. 17-27

C’est un petit poëme en cinq acte, plus galant & plus enjoué que le Lutrin de Boileau, aussi légèrement écrit que le Vert-vert. […] Ce nom de sage, qu’il a reçu pour avoir cherché, dans tous ses écrits, à plier le génie Anglois à l’ordre, aux règles, aux convenances, il le mérita également par son caractère & sa bonne conduite. […] Elles sont une espèce d’écriteau où l’on lit, en gros caractère, ce qui vous a mérité ce traitement si dur. » Les ennemis de Pope, terrassés par la Dunciade, & voyant qu’il étoit plus fort qu’eux en écrits satyriques, se relevèrent furieux & lui portèrent un coup accablant.

1730. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Les dîners littéraires »

I Si les livres que l’on publie aujourd’hui sont, à bien peu d’exceptions près, des productions assez tristes et assez maussades, — comme, du reste, les gens malades, malsains ou mal faits le sont presque toujours, — la littérature, mère de ces livres, n’en vient pas moins d’écrire une des pages les plus gaies du siècle. […] pourquoi des gens de talent et d’esprit, fatigués d’écrire, appesantis, ne dîneraient-ils pas ensemble, pour se donner le ton qu’ils n’ont plus ? […] avec une énergie qui n’est pas de rigueur au vaudeville, la plus grande partie de la littérature est venue à ce dîner de Lucullus chez Lucullus, puisque chacun payait son écot, et, lorsqu’elle n’est pas venue, elle a écrit, pour s’excuser, des lettres qu’on publiait, — ce qui était une manière d’y venir encore, — des lettres presque aussi travaillées, aussi brossées, aussi époussetées que les mots qu’elle y apportait… dans ses agendas !

1731. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Auguste Nicolas »

Or, l’histoire de la philosophie remplaçant la philosophie, qu’est-ce à dire, sinon qu’il n’y a plus de philosophie ; car jamais l’histoire ne s’écrit que sur le tombeau de quelqu’un ou de quelque chose. […] Ils avaient reconnu, avec le tact des hommes qui savent la place que tient la sensibilité dans les décisions de l’esprit et de la conscience, qu’il naissait à l’Église un bon serviteur de plus, un missionnaire de parole écrite, dont le talent agirait sur les âmes peut-être avec une force plus efficace et plus pratique qu’un talent beaucoup plus élevé, car il serait toujours à la hauteur de cœur, à ce niveau où, qui que nous soyons, forts ou faibles, il faut un jour se rencontrer. […] Un jour Guizot, qui a le triste génie des coalitions, et dont la tête d’homme d’État rêve des fusions qui ne seraient que des coalitions encore, avait écrit que le catholicisme et les diverses communions protestantes devaient unir leur effort contre ce socialisme qui menace la société moderne telle qu’après tant de siècles la voilà faite par le génie de la double Rome, la Rome politique et la Rome chrétienne.

1732. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « ??? » pp. 175-182

Il y a là une habitude d’écrire et une imagination cultivée qui pouvait dire son nom sans se compromettre, mais qui, en ne le disant pas, ne nous fera pas mourir de curiosité. […] entasser stérilement les naucléas, les sirichas, les lianes des bahinias, le teckt, le nyctanthes, le negtali, le bignonia, le mouzzenda (nous pourrions aller comme cela longtemps), c’est écrire une nomenclature de Trissotin botaniste, mais ce n’est pas rendre vivantes pour l’imagination des beautés pittoresques absentes. […] En voyant cette nuance si supérieure à tout le reste du livre, nous avons cru qu’il y avait eu deux mains pour l’écrire.

1733. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Barbier connaît aussi bien que nous toute l’importance de l’unité ; pourquoi donc a-t-il écrit un poème sans unité ? […] À l’entendre, tous les historiens qui ont écrit sur le règne de Louis XIV se sont mépris sur le caractère de cette conspiration. […] Si Clara consentait à lui céder, il n’écrirait pas à Louvois, il ne lui révélerait pas le nom des conjurés. […] Il écrit pour démontrer la supériorité poétique du christianisme, et met dans son style une coquetterie presque toujours païenne. […] Aussi les trois premiers drames qu’il a écrits pour la scène sont-ils exclusivement lyriques.

1734. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Si je n’avais que vingt ans, j’écrirais ça. […] Très réellement, il compose sa pièce autant avec ce qu’il n’écrit pas qu’avec ce qu’il écrit. […] Sardou ait écrites. […] En tout cas, Flipote a été écrite dans la joie. […] Je ne l’ai pas encore vu au moment où je les écris.

1735. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Émile Zola écrit, et quelle que soit la fable qu’il ait à raconter, quel que soit son cadre, il y fait entrer tout ce qu’il a de couleur et d’observation sur sa palette. […] On peut rien que par ces quelques lignes juger de l’ensemble de ce livre, digne des autres écrits de M.  […] Parodi a écrit de sa meilleure plume de beaux vers dont je ne puis donner autant d’extraits que je le voudrais. […] Paul de Musset, très prestement, très spirituellement écrite. […] Je vous écrirai autant que je le pourrai.

1736. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Il y avait cela si bien écrit sur sa figure : trompez-moi ! […] » Ceci pourrait s’écrire au fronton du Café des Comédiens. […] Il haïssait les faquins, les beaux parleurs et les écrivains compassés : « Écris, écris, disait-il de M.  […] Quant à écrire un mot de remerciement à ces dames, Monsieur ne daigne. […] Il écrit donc : — Je n’aime pas Lucinde !

1737. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLIII » pp. 173-174

Félix Pyat a été autrefois très-lié avec Janin ; il a même écrit, dit-on, dans le roman de Barnave de celui-ci, le chapitre de Séjan, de même qu’Étienne Becquet avait écrit par complaisance la préface, ce que Janin a su très-bien dire lorsqu’il a voulu se disculper ensuite de cette philippique si injurieuse à la famille d’Orléans.

1738. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 122-123

Rien de plus moral & de mieux écrit encore, que son Poëme en prose de la Paresse, prétendu traduit du Grec, Ouvrage plein de chaleur & d’imagination, qui annonce une grande connoissance de la Mythologie, & l’art de la mettre en œuvre sans ostentation. […] En un mot, c’est dans les Ecrits de ce jeune Auteur qu’on trouve la saine Philosophie, & non dans les productions de ces Ecrivains orgueilleux qui la font consister dans des maximes ampoulées, dans des sentences froides & de commande, dans des déclamations aigres & séditieuses, faute de pouvoir mieux faire.

1739. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 126-127

De tous les Ministres Protestans, de l’autre Siecle, qui ont écrit chez l’Etranger, il est celui dont le style est le plus pur & le plus modéré. […] Ces Histoires sont écrites d’ailleurs d’un style, tantôt simple & tantôt noble, tantôt grave & tantôt rapide, selon la différence des objets qui se présentent.

1740. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 283-284

Qu’on réunisse à la fois l’esprit, l’étendue des connoissances, la facilité pour écrire, un style guindé & précieux, un goût peu sûr, & quelquefois mauvais ; on se fera une juste idée des Productions de cet Auteur. […] Ces deux Ouvrages sont écrits avec intérêt & avec chaleur ; mérite que ses Poésies n’ont en aucune façon.

1741. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre I. Malherbe »

En effet, si l’on regarde les quatre mille vers qu’il a écrits, ce n’est ni l’abondance des idées, ni la force de l’imagination, ni la profondeur du sentiment qu’on y peut admirer. […] La mort de son fils Marc-Antoine l’affola : bien des années auparavant, il avait écrit à sa femme, sur la mort de leur fille, une lettre déchirante. […] Théophile disait fièrement : Malherbe a très bien fait, mais il a fait pour lui… J’aime sa renommée, et non pas sa leçon… La règle me déplaît, j’écris confusément, Jamais un bon esprit ne fait rien qu’aisément. […] Il déterminait la position qu’en somme l’esprit classique gardera à l’égard de l’antiquité, quand il traduisait selon son jugement plutôt que selon le texte, déclarant qu’« il n’apprêtait pas de viandes pour les cuisiniers » : entendez qu’il écrivait pour les gens du monde et non pour les savants ; c’était soumettre l’antiquité au sens commun.

1742. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

Dans la boue stendhalienne, je ramasse d’abord la fille qui a écrit cyniquement : « Sous un succès, il y a toujours une vertu » et qui a osé, raccrocheuse sans vergogne, l’appel au soldat. […] D’autres disent que vous écrivez bien. En effet, Monsieur, vous écrivez, d’ordinaire, comme un excellent élève de philosophie, en phrases soignées, lentes, grises : des platitudes bien rabotées. […] Mais il leur arrive aussi, pauvres fils de soldat, d’écrire des énormités telles : « Comme aux tirs de foires autrefois, sur le mail, avec un plaisir d’enfant, fouetté d’un âpre vertige, il charge, épaule, tire.

1743. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 10, continuation des preuves qui montrent que les anciens écrivoient en notes la déclamation » pp. 154-173

Si cette déclamation n’eut point été couchée par écrit, auroit-elle pû se conserver si long-temps ? […] Oserons-nous condamner une opinion si generale sur des choses de fait et qui se passoient sous les yeux de ceux qui les ont écrites, quand nous n’avons qu’une connoissance imparfaite de la musique des anciens ? […] Comme Horace a écrit après Ciceron et avant Quintilien, il est curieux d’examiner ce qu’il dit sur les changemens arrivez dans la déclamation théatrale, et sur la difference qu’il y avoit entre la nouvelle maniere de réciter, et l’ancienne. […] Pline le jeune qui avoit été disciple de Quintilien, écrit à un de ses amis qu’il a honte de lui raconter ce qu’avoient dit les orateurs qu’il venoit d’entendre, et de l’entretenir des diminutions de voix efféminées, dont leur déclamation étoit remplie.

1744. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

Renée resta Français, et Français de Paris, et nous eûmes une histoire pénétrante souvent, brillante parfois, mais vivante toujours, et toujours écrite ; car il est toujours ce que Sismondi n’est jamais, dans le sens aiguisé du mot : je veux dire un lettré et un écrivain. […] Sismondi, qui n’était pas peintre et qui était économiste et philosophe, n’eût pas conçu de cette façon le règne de Louis XVI, et, s’il avait eu le temps de l’écrire, ne l’aurait pas concentré sous ce titre, qui est une manière de voir très entière et très accusée : Louis XVI et sa Cour. […] Il a été le peintre à fond de ce triste roi ; mais en le peignant ressemblant, non plus à faire peur, mais à faire pitié, il a agi comme les grands peintres qui, à force d’art, savent idéaliser les réalités les plus basses, et ici ce n’est plus magnanimité d’historien, c’est de l’art, l’art de l’homme qui sait écrire. […] Il le tenait lui-même ; il l’écrivait scrupuleusement de sa main.

1745. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

Pelletan est trop journaliste pour écrire correctement l’histoire ; mais, en revanche, il sait faire de la fantaisie et même de la fantasmagorie avec elle. […] Où est le temps où il écrivait sa Profession de foi du xixe  siècle ? […] L’homme qui écrit des choses de ce calibre de fausseté n’a plus le droit d’être cru sur rien. […] Ôtez le pittoresque de l’expression dans cette page terrible des Soirées de Saint-Pétersbourg, écrite ainsi pour faire mieux sentir la vérité de sa thèse, de Maistre, en parlant du bourreau, n’a posé que la nécessité de la peine de mort pour la conservation de tout ordre social, ce qu’on peut soutenir, n’est-il pas vrai ?

1746. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gustave Rousselot  »

Lord Byron, qui ne s’appelait point Rousselot, et qui, malgré la médiocrité radicale de son premier recueil, devait sentir s’agiter en lui sourdement le génie qui écrivit plus tard Childe Harold et Don Juan, aurait été d’un ridicule à faire très justement pâmer de rire la Revue d’Edimbourg, s’il s’était campé devant la Critique comme Rousselot se campe devant nous tous… Je sais bien qu’on passe beaucoup de choses à l’orgueil insignifiant des poètes. […] Je sais trop de quoi il est fait pour annoncer qu’il vient de naître un homme de génie de plus à la littérature française, et pourtant il est vrai de dire que le Poème humain de Gustave Rousselot, malgré les énormes défauts que j’y signalerai tout à l’heure, a plusieurs des qualités fortes qui constituent le génie poétique, et je suis d’autant moins suspect lorsque j’affirme qu’il les a, que le poème en question, avec son titre que je n’aime pas, est écrit tout entier dans une inspiration que je déteste. […] Le panthéiste qui a osé écrire de lui-même ; Et je sens bien qu’en moi lentement s’élabore La cristallisation d’un Dieu ! […] De poésie forte et dans un autre accent, nous n’avons vu surgir, et bien récemment encore, que le livre qui a monté tout à coup dans la renommée comme un faucon décapuchonné, écrit par cette femme étrange, par ce sphinx de génie terrible qui a proposé l’énigme de son sexe à la Critique, presque épouvantée de tant de virilité… Gustave Rousselot vient après madame Ackermann.

1747. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Soulary. Sonnets humouristiques. »

IV Le livre des Sonnets humouristiques est divisé en plusieurs livres, composés, à leur tour, d’un nombre déterminé de sonnets, et ces différents livres, dont nous donnerons seulement les noms, parce qu’en donnant ces noms on donne aussi les teintes de l’imagination qui les a écrits, s’appellent : Pastels et Mignardises, — Paysages, — Éphémères, — Les Métaux, — En train express, — L’Hydre aux sept têtes, — Les Papillons noirs, — et déjà, à ne considérer que ces grandes divisions de l’œuvre des Sonnets humouristiques, on entrevoit la forte originalité de l’esprit qui a concentré tant de vigueur dans de si petits espaces et sous un nombre si rare et si choisi de mots. […] Le poète qui a écrit L’Influenza, La Note éternelle, Un soir d’été, La Colombe, L’Ancolie, A Éva, Sur la Montagne, Dans les Bois, Dans la Grotte, Dans les Ruines, Stella, La Canne du Vieux, Abîme sur Abîme, Hermès, ou, pour mieux parler, car il faudrait tout citer, les Cent soixante-douze Sonnets du recueil, qui sont, à bien peu d’exceptions près, presque tous, à leur façon, des chefs-d’œuvre, est certainement plus qu’un artiste de langue et de rythme, introduisant, à force d’art et de concentration, je ne sais quelle téméraire plastique dans le langage. […] En vérité, quand on lit quelques-uns des sonnets du recueil qu’il publie aujourd’hui, on se dit que l’Inspiré doit être bien près du Volontaire dans le nouveau poète qui vient de nous naître, et que le souffle sacré, — qu’on a ou qu’on n’a pas, mais qu’aucun travail ne donne quand il manque, — doit reposer en puissance, dans l’homme qui a écrit des vers comme ceux-ci, en attendant l’heure des œuvres vastes : Toi, Moi. […] Quel dommage qu’un poète de ce faire émouvant et pensé passe dix ans de sa vie à rimer des sonnets comme ce niais, souvent sublime, de Wordsworth, qui, du moins, écrivit l’Excursion, — une œuvre d’ensemble, un grand poème, — et voue sa vie (mais l’a-t-il réellement vouée ?)

1748. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Théodore de Banville »

pas pu écrire, où le poète funambule, qui s’était grisé d’air sur la corde de son vers, reprend son aplomb de Cariatide et ce tempérament gaiement lyrique dans lequel l’esprit d’Aristophane et de Rabelais se joue de Pindare, et où le très étrange et très charmant poète bouffe que voici exécute des ponts-neufs et des pots-pourris sur une harpe aux cordes d’or. […] Le poète des Funambulesques écrivait prophétiquement à la date de 1857 (il était et nous étions alors dans le bleu) : « Sommes-nous sûrs que les chevaux indomptés ne viendront plus jamais mordre l’écorce de nos jeunes arbres ? […] Tel l’honneur de ce livre, et telle la meilleure gloire du poète qui l’a écrit et dont le lyrisme, autrefois éclatant et gai, et la plaisanterie couronnée d’étoiles, avaient reçu ce coup de foudre qui leur avait courbé la tête comme à des saules pleureurs, sur les rivières du sang de la France qui coulait. Ces poésies, ces noires poésies de circonstance, appelées des Idylles par le poète avec une atroce ironie, écrites, comme il le rappelle : « au jour le jour du siège, quand les obus prussiens éventraient nos maisons », sont moins des hymnes qui entraînent en avant que des élégies désespérées, poinçonnant dans le cœur qu’elles déchirent des impressions qui ne doivent plus jamais s’en effacer… Memoranda terribles (seront-ils féconds ?)

1749. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Madame Sand et Paul de Musset » pp. 63-77

— l’empêcher d’écrire ce livre d’Elle et Lui dont elle croit orner son déclin, il n’y aurait ici qu’un roman, triste en soi, ni meilleur, ni pire, ni plus nouveau en talent et en morale, que les autres productions de l’auteur d’Indiana, de Jacques et de Leone Leoni 9 ! […] Il y a toujours de la supériorité forcée dans les livres que nous écrivons ; car avec quoi écririons-nous nos livres, si ce n’était avec les expériences de notre vie et les sentiments de nos cœurs ? […] seulement deux lignes plus bas, ce pauvre cerveau chancelant, que les critiques galantins de ce temps appellent une tête forte, écrit, de sa plume titubante de femme littéraire : « L’exercice de la vie est le combat éternel contre soi », et elle ne s’aperçoit pas qu’elle est en pleine contradiction avec elle-même ! […] Littérairement (s’il est permis de finir par un mot de littérature en présence de livres pareils), le roman de Paul de Musset est écrit avec le goût un peu sec, mais ferme, d’un homme qui a beaucoup lu les romans du xviie  siècle et qui s’est tapissé l’esprit de leurs formes.

1750. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Sandeau » pp. 77-90

et qui nous tue plutôt, et qu’on traîne à la tombe, la passion, qui n’eut dans ses écrits qu’une seule page, qui s’appelle Mariana, n’eut peut-être aussi qu’une page dans sa vie. […] III Et qu’importe, du reste, que La Maison de Penarvan soit un roman ou une histoire ; qu’elle soit quelque touchante anecdote racontée à son auteur au coin du feu ou dans un coin de voiture ; que ce soit un livre déjà connu, déjà écrit et qu’on a repris en sous-œuvre pour y ajouter ! […] Walter Scott, le greffier aux mains gourdes de la vieille Enfumée d’Edimbourg, apporte dans la conception de son Dominus l’éther rectifié du génie, et celui-là qui écrivit d’une plume si légère Rose et Blanche, avec une conception semblable, a la pesanteur d’un pataud ! […] Donc, pour nous résumer, œuvre médiocre, vulgairement écrite, nulle de couleur et de caractère, nulle de conviction quelconque, convenable en décence, mais sceptique, avec deux ou trois situations, que l’auteur a trouvé le moyen de gâter encore, voilà l’œuvre à propos de laquelle on a dit que M. 

1751. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Deux romans scandaleux » pp. 239-251

et de distiller, si on dit vrai, sa goutte de poison homicide, — nous venons de le lire avec soin, et nous pouvons bien affirmer que sans la célébrité et l’intimité trop publique de Mme George Sand et d’Alfred de Musset, qui donnent à tout des significations terribles et qui auraient dû, en fierté, en délicatesse et en pitié, puisqu’elle s’en targue, de pitié, l’empêcher d’écrire ce livre d’Elle et Lui dont elle croit orner son déclin, il n’y aurait ici qu’un roman triste, en soi, ni meilleur, ni pire, ni plus nouveau en talent et en morale, que les autres productions de l’auteur d’Indiana, de Jacques et de Leone Leoni 24 ! […] il y a toujours de la supériorité forcée dans les livres que nous écrivons, car avec quoi écririons-nous nos livres, si ce n’était avec les expériences de notre vie et les sentiments de nos cœurs ? […] Deux lignes plus bas que celles dans lesquelles Thérèse se donne et qu’il ne faut pas se lasser de citer : « J’ai été coupable envers toi, et n’ayant pas eu la prudence égoïste de te fuir, il vaut mieux que je sois coupable envers moi-même », oui, seulement deux lignes plus bas, ce pauvre cerveau chancelant, que les critiques galantins de ce temps appellent une tête forte, écrit de sa plume titubante de femme littéraire, « l’exercice de la vie est le combat éternel contre soi », et elle ne s’aperçoit pas qu’elle est en pleine contradiction avec elle-même ! […] Littérairement (s’il est permis de finir par un mot de littérature en présence de livres pareils), le roman de M. de Musset est écrit avec le goût un peu sec, mais ferme, d’un homme qui a beaucoup lu les romans du dix-septième siècle et qui s’est tapissé l’esprit de leurs formes.

1752. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Gogol. » pp. 367-380

Mais si ce livre n’était pas vrai, — pas vrai même dans le sentiment d’observateur de celui qui en a tracé les pages, — que mériterait, dans la mémoire de ses compatriotes, l’homme qui a osé l’écrire, pour avoir tenté, satirique impie, de déshonorer si abominablement son pays ? […] Charrière, qui a pour Gogol les bontés d’un homme d’esprit pour la personne qu’il a pris la peine de traduire, n’hésite pas à mettre les Ames mortes à côté de Gil Blas, et, si cela lui fait bien plaisir, nous ne dérangerons rien à cet arrangement de traducteur, car la réputation de Gil Blas, — ce livre écrit au café entre deux parties de dominos, — a dit le plus fin et le plus indulgent des connaisseurs, — n’est pas une de ces gloires solides qui aient tenu contre le temps. […] « Je n’ai jamais écrit d’imagination, dit-il »  ; — et plus loin : « J’avais besoin pour travailler d’infiniment plus de notions qu’un autre. » Et voilà qu’après avoir confessé son indigence intellectuelle, il se fait mendiant hardiment en sa Correspondance et quête, pour finir son livre, aux renseignements et aux détails. […] Écoutez cette plainte fatiguée : « Toutes les personnes, écrit Gogol à un de ses amis, toutes les personnes qui lisent, en Russie, sont persuadées que l’emploi que je fais de ma vie est de me moquer de tout homme que je regarde et d’en faire la caricature… » Bientôt cette société qu’il avait blessée par cette suite de caricatures qui forment les divers Chants de son poème des Ames mortes, les fonctionnaires de cette Chine de fonctionnaires, dont il avait dit les bassesses les petitesses, le néant, l’aristocratie puérile, les femmes, les prêtres, tout se souleva contre lui.

1753. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

Nous allons aujourd’hui vous entretenir de la sculpture, littérature éternelle, qui, au lieu d’écrire des sons pour la voix humaine, ou au lieu d’écrire des couleurs sur une toile pour l’œil, ou au lieu d’écrire des lettres sur un papier fragile pour la pensée, écrit en lettres de bronze ou de marbre des formes pour le toucher. […] Les Phidias, les Michel-Ange, les Canova, sont nés : ces grands littérateurs, ces grands historiens, ces grands philosophes, ces grands poètes du marbre ou du bronze, ont écrit la religion, la fable, l’histoire, la gloire des peuples, en statues qui bravent le temps. […] Le nec plus ultra est écrit sur tout ce qui est humain, c’est-à-dire borné. […] Je voulais emporter pour moi un souvenir vivant, un souvenir écrit de ce moment de ma vie ! […] Écrivons donc : ce ne sera pas le Parthénon, mais ce sera du moins une ombre de cette grande ombre qui plane aujourd’hui sur moi.

1754. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

Pour suffire à tous ses emplois, et écrire encore tant de pièces, il fallait que Molière improvisât : et cela se sent. […] Mais, d’abord, le succès l’a justifié, et, sans lui, on ne saurait guère si Boisrobert ou Cyrano ont écrit des scènes si plaisantes : c’est à lui qu’ils doivent de n’être pas plus oubliés qu’ils ne sont. […] A ce genre appartiennent les Plaideurs de Racine, comédie demi-aristophanesque, énorme et superficielle d’invention, délicate et légère de style, grosse farce écrite par le plus spirituel des poètes. […] Dancourt400 manque de style : il écrit à la diable, et ne fait guère que des pochades. […] Regnard (1655-1709), né à Paris, fils d’un riche bourgeois, voyagea en Italie, en Alger (où il fut esclave), en Hollande, en Pologne, en Suède, en Laponie, en Allemagne ; il écrivit pour la Comédie-Française, pour les Italiens et pour la Foire.

1755. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Ainsi font-ils tous… J’ai écrit, selon quelques-unes des règles que tu aimes, ô Théonoé, la vie du jeune dieu que servis dans mon enfance ; ils me traitent comme un Évhémère ; ils m’écrivent pour me demander quel but je me suis proposé ; ils n’estiment que ce qui sert à faire fructifier leurs tables de trapézites. Et pourquoi écrit-on la vie des dieux, ô ciel ! […] J’étais fait en arrivant à Paris ; avant de quitter la Bretagne, ma vie était écrite d’avance. […] Ces fables, d’une naïveté sans pareille, vrai trésor de mythologie celtique et d’imaginations populaires, n’ont jamais été complètement écrites. […] J’écrivais ceci en 1876.

1756. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Elle espéra un époux, un jour, lorsque Beethoven écrivit, Schiller aidant, la neuvième symphonie. […] Martin Luther confia ses doctrines à leur esprit méthodique progressivement élargi et il écrivit, pour eux, plus d’un choral. […] Ceux-là, du moins, j’ose m’en flatter, me sauront gré d’avoir entrepris cette petite étude, écrite pour leur agrément et leur édification. […] La seconde partie de l’article est consacrée à Opéra et Drame, ouvrage théorique de Wagner écrit en 1850-1851, formant avec L’Œuvre d’art de l’avenir (1849) ce qu’on appelle habituellement « les écrits de Zurich ». […] La seconde période voit un Wagner proscrit, réfugié en Suisse, qui écrit : Opéra et Drame et L’Œuvre d’art de l’avenir.

1757. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Qu’écrira-t-il ? […] Et pourquoi Molière s’est-il avisé d’écrire en vers ce divertissement sans prétention ? […] Nous sommes de grands niais d’écrire encore. Toutes les choses jolies ou belles ont été écrites voilà longtemps. […] Il ne saurait écrire vingt lignes sans dialoguer.

1758. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Harley, le premier ministre, lui ayant envoyé un billet de banque pour ses premiers articles, il se trouva offensé d’être pris pour un homme payé, renvoya l’argent, exigea des excuses ; il les eut, et écrivit sur son journal : « J’ai rendu mes bonnes grâces à M.  […] Rejeté vers la politique, il écrivit un pamphlet whig, les Dissensions d’Athènes et de Rome, reçut de lord Halifax et des chefs du parti vingt belles promesses, et fut planté là. […] De Londres, pendant ses combats politiques, il lui envoyait le journal complet de ses moindres actions ; il écrivait pour elle deux fois par jour, avec une familiarité, un abandon extrêmes, avec tous les badinages, toutes les vivacités, tous les noms mignons et caressants de l’épanchement le plus tendre. […] Un interne de l’Hôtel-Dieu n’écrirait pas plus froidement un journal plus repoussant. […] C’est l’esprit logique et technique d’un constructeur qui, imaginant le raccourcissement ou l’agrandissement d’un rouage, aperçoit les suites de ce changement et en écrit la liste.

1759. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Colbert m’écrivit, de son propre mouvement, que le roi trouverait bon que j’exemptasse de logement la terre de Négrepelisse, qui était la seule que possédât M. de Turenne, qui avait bien mérité cette distinction. […] Une lettre de Colbert (18 octobre 1680) dictait à Foucault sa ligne de conduite ; mais celui-ci n’avait pas besoin d’y être poussé : « Sa Majesté, était-il dit dans cette lettre que Colbert écrivait sans doute à contre-cœur, m’a ordonné de déclarer aux fermiers qu’elle voulait qu’ils les révoquassent (les commis qui étaient de la Religion) ; elle leur a donné seulement deux ou trois mois de temps pour exécuter cet ordre, et Sa Majesté m’ordonne de vous en donner avis et de vous dire, en même temps que vous pourriez vous servir de cette révocation et du temps qu’elle ordonne, pour les exciter tous à se convertir, Sa Majesté étant convaincue que leur révocation de leur emploi peut beaucoup y contribuer. » C’était la morale administrative avouée en ce temps là ; Foucault l’affiche et la professe avec la plus grande ingénuité dans ce Journal, écrit pourtant dans les premières années du xviiie  siècle et sous la Régence. […] « J’ai lu au roi la lettre que vous avez pris la peine de m’écrire pour demander des troupes pour essayer d’obliger les religionnaires de votre département à se convertir ; Sa Majesté m’a commandé de vous faire savoir qu’elle ne juge pas présentement de son service de vous en envoyer. » Il y eut bien des va-et-vient dans cette affaire de la Révocation, il y eut des flux et des reflux. […] Non content d’écrire à Louvois pour réclamer des mesures de rigueur, et avant même d’avoir la réponse, Foucault s’adresse au Père de La Chaise pour lui suggérer d’autre part des moyens auxiliaires plus doux ; il propose non plus ici des cavaliers et des dragons, mais d’autoriser une conférence, par exemple, où les points controversés soient agités, disant que les ministres et les principaux religionnaires de ces contrées ne cherchaient qu’une porte honnête pour rentrer dans l’Église : « Ceux, ajoute-t-il, qui sont les plus considérés et les plus accrédités dans le parti m’ont assuré que c’était la seule voie qui pût faire réussir le grand projet des conversions ; que celles de rigueur, de privation des emplois, les pensions et les grâces seraient inutiles. » Dans un voyage qu’il fait à Paris, il en parle également au chancelier Le Tellier, lequel a d’ailleurs peu de goût pour Foucault, et qui ferme l’oreille à sa proposition : « Il la rejeta absolument, disant qu’une pareille assemblée aurait le même succès que le Colloque de Poissy ; que le pape trouverait mauvais que l’on fît une pareille conférence sans sa participation, et me défendit d’en parler au roi.

1760. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Puis, l’érudit a ce mérite de n’écrire que pour quelques centaines d’érudits, comme le poète écrit pour une cinquantaine de poètes. […] Ils préparent les matériaux qui servent à écrire les beaux livres. […] Rien ne me touche plus que de savoir ce qu’ont été mes pères lointains, ce qu’ils ont dit, ce qu’ils ont écrit, ce qu’ils ont pensé, ce qu’ils ont souffert, comment ils ont songé le songe de la vie — et de retrouver leur âme en moi. […] Paris absout des milliers d’érudits et justifie leur existence, et qu’il faut que d’innombrables chartistes préparent l’histoire pour qu’un seul puisse l’écrire.

1761. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

S’il parle d’un homme célèbre, il le voit dans sa famille, dans sa race, dans sa province, dans ses relations de toutes sortes ; s’il parle d’un des écrits de son auteur, il met de même cette production dans tout son jour ; il la rapproche des événements qui lui ont donné naissance ; il explique tout ce qui peut s’y renfermer d’allusions personnelles et de peintures de la société. […] Ainsi, au tome III de ses Mémoires sur Mme de Sévigné, s’il veut nous raconter l’histoire de cette séduisante et fragile marquise de Courcelles, au lieu de lui emprunter les expressions incomparables de sa propre confession, il les traduit, il les polit, il les modernise, c’est-à-dire il les altère ; il ne paraît pas croire avec Paul-Louis Courier que la moindre femmelette de ce temps-là écrit et cause mieux qu’un académicien de nos jours. […] Pascal, Retz ou La Rochefoucauld n’écrivent point comme La Bruyère, et la langue exquise et juste que Mme de Maintenon dans sa vieillesse apprend au duc du Maine ne se laisse confondre avec nulle autre nuance de la langue du même temps. […] Les Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné commencèrent à paraître en 1842, et l’auteur, je l’ai dit, corrigeait hier de sa main mourante les épreuves du cinquième volume, qui en demandait un sixième encore. […] Walckenaer ces remerciements que lui écrivait un bibliophile déjà cité (M. 

1762. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Il a beaucoup écrit et médité sur l’essence de Dieu. […] Enfin, un jour, il fut plus heureux, et il écrivit aussitôt l’espèce d’allocution et de prière où il s’empressa de l’encadrer ; car, chez Anselme, c’est toujours la prière qui précède et qui suit les opérations de la science ; chez lui, ce n’est pas la raison qui cherche la foi, c’est la foi fervente et sincère qui cherche simplement les moyens de se comprendre et, pour ainsi dire, de se posséder par le plus de côtés possible ; c’est la foi, comme il le définit excellemment, qui cherche l’intelligence d’elle-même. […] Le poète Callimaque a fait une épigramme où il dit à peu près : « Ce lièvre que le chasseur poursuit par monts et par vaux avec toutes sortes de fatigues et par toutes les intempéries de l’air, donnez-le-lui tout tué, il n’en voudra pas. » Anselme, pour le résumer dans sa double carrière, reste mémorable à deux titres : historiquement, il a été l’un des patrons, des défenseurs, des militants et des patients pour la liberté de l’Église en face de l’État, scientifiquement, il est l’inventeur d’un argument métaphysique pour l’existence de Dieu, ce qui, joint à ses autres écrits, fait de lui l’un des rares successeurs de saint Augustin et de Platon, l’un des prédécesseurs de Descartes et de Malebranche. […] Vitet, n’écriviez-vous pas cela hier dans un recueil littéraire que vous enrichissiez au moment même48 ? […] »   Post-scriptum. — Cet article était écrit lorsqu’au moment de le faire paraître, nous trouvons avec bonheur, dans Le Moniteur de ce matin (8 août), le décret qui remplit notre vœu.

1763. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

Il écrivait alors dans sa seconde préface une petite phrase décisive, si décisive qu’il l’a supprimée dans les dernières éditions, depuis qu’ayant changé de doctrine, il s’est fait horreur à lui-même. […] C’est qu’alors, en effet, Schelling avait déjà publié son écrit le plus net : Bruno ou de l’Unité absolue, et que, pour n’y point voir le panthéisme, il faudrait se crever les yeux. […] Il écrit vingt ouvrages qui sont l’explication et remploi de cette méthode. […] Il le corrigera pour plus de sûreté, et y joindra, pour l’édification du lecteur, la plus étonnante préface qu’un philosophe ait jamais écrite. […] Oui, c’est à vous que nous adressons particulièrement cet écrit, jeunes gens qui ne nous connaissez plus, mais que nous portons dans notre cœur, parce que vous êtes la semence et l’espoir de l’avenir.

1764. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

D’ailleurs, un goût de vérité général s’est répandu ; moins il y en a dans nos mœurs, plus on en exige dans les écrits. […] Mais la même raison qui a dû faire tomber tous ces genres d’éloges déclames ou chantés, écrits ou parlés, ou ridicules ou ennuyeux, ou vils ou du moins très inutiles à tout le monde, excepté à celui à qui on les paie, a dû au contraire accréditer les panégyriques des grands hommes qu’on peut louer sans honte, parce qu’on les loue sans intérêt, et qui, dans des temps plus heureux, ayant servi l’humanité et l’État, offrent de grandes vertus à nos mœurs, ou de grands talents à notre faiblesse. […] On ne peut donc douter que ces sortes d’éloges ne soient utiles ; mais on peut demander comment et dans quel genre ils doivent être écrits. […] Osez mêler un ton mâle aux chansons de votre siècle ; mais surtout ne vous abaissez point à d’indignes panégyriques : il est temps de respecter la vérité ; il y a deux mille ans que l’on écrit, et deux mille ans que l’on flatte ; poètes, orateurs, historiens, tout a été complice de ce crime ; il y a peu d’écrivains pour qui l’on n’ait à rougir : il n’y a presque pas un livre où il n’y ait des mensonges à effacer. […] songez que chaque ligne que vous écrivez ne s’effacera plus ; montrez-la donc d’avance à la postérité qui vous lira, et tremblez qu’après avoir lu, elle ne détourne son regard avec mépris.

1765. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 74-75

Ce qu’on peut lui reprocher, à plus juste titre, c’est d’avoir écrit la Vie du grand Sobiesky, à-peu-près comme il a écrit ses Bagatelles.

1766. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 80-81

Est-il facile de bien écrire, quand on fait parler le vice ? […] Aussi ses Lettres de la Marquise de ***, les Egaremens du cœur & de l’esprit, sont-ils mieux écrits & plus agréables que ses autres Romans.

1767. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 208-209

Il semble, au contraire, qu’il n’ait voulu écrire que pour les Artistes, sans s’embarrasser des Amateurs ; ce qui n’est pas un moyen d’intéresser le grand nombre. Puisqu’il a écrit en vers, n’eût-il pas mieux fait de joindre l’agréable à l’utile ?

1768. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 517-518

Quoique les fragmens trouvés par Nodot soient reconnus pour des Ecrits supposés, M. […] du Jardin a fait aussi une Histoire de Rienzy, moins bien écrite & plus abrégée que celle du P.

1769. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 120-121

Cette Histoire est en effet écrite avec pureté, avec noblesse, & de ce ton sensible & communicatif, qui fait passer, avec l'instruction, l'amour de l'objet qu'on présente. […] Quel objet plus intéressant peut se procurer tout homme qui écrit !

1770. (1818) Essai sur les institutions sociales « Avertissement de la première édition imprimée en 1818 » pp. 15-16

La cause qui a retardé la publication de cet écrit importe fort peu, et même serait assez difficile à expliquer : il suffira donc de prévenir que l’ouvrage ne vient pas d’être composé, et qu’il aurait dû être imprimé beaucoup plus tôt. […] Au reste, ce qui aurait dû être changé ou modifié dans cet écrit, pour qu’il se trouvât au niveau du moment où il paraît, n’en est ni le fond, ni même une partie essentielle.

1771. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Politien le devina et l’aima par analogie de génie. « Donnez-lui une bonne chambre dans le palais de Laurent », écrit-il à ceux qui en disposent sous ses ordres. […] » VI Son second fils, Jean de Médicis, écrivit de Rome à Pierre de Médicis, qui héritait de sa place et de son influence : « De quoi puis-je aujourd’hui t’entretenir, si ce n’est de ma douleur ? […] Nous vous traduisons cette lettre, qui fit pleurer l’Italie et qui est écrite pour faire pleurer la France. […] Je vous en écris une qu’il m’a été permis de savoir : « Les citoyens te reconnaîtront pour mon successeur, je n’en doute pas. […] Que de travail et d’industrie ne mit-il pas dans la recherche et l’achat, dans tous les coins du monde, des livres écrits dans les diverses langues !

1772. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

Il écrit Sapho à leur adresse et jette son réquisitoire à la méditation de leurs vingt ans. […] Et l’atavisme religieux pèse aussi sur lui : « Tous ces baisers ont un goût de terre. » À la même heure, Charles Guérin écrit : Toute chair à ma bouche a le goût du Péché. […] Jean Ajalbert nous montre, dans l’un de ses romans, un amant s’éloignant de sa maîtresse, qui implore un rendez-vous, avec ces simples mots : « Je t’écrirai !  […] Il juge la morale, simple affaire de convention, de mode, et de préjugé, nuisible surtout à l’œuvre d’art, ce qui ne l’empêche pas de condamner, en son nom, les « mauvaises mœurs » à travers les écrits de son temps. […] « J’ai la passion de la ligne jusqu’à la dépravation », écrit Jean de Tinan.

1773. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Quoique Boileau respecte profondément Aristote, qu’il n’ait jamais été accusé d’être galant à l’excès, qu’il ait même fait une lourde satire contre les femmes, il écrit : Bientôt l’amour, fertile en tendres sentiments, S’empara du théâtre ainsi que des romans. […] Il faudrait se demander si le désir de gagner une élite féminine très remuante n’a pas contribué à donner leur allure vive et cavalière aux Provinciales de Pascal, qui font pour la théologie ce que les. écrits de Descartes avaient fait pour la philosophie, je veux dire qui la sécularisent, la mettent à la portée des profanes, la font pénétrer dans les causeries et les discussions du monde. […] Il est clair qu’en ces moments-là poètes et poètereaux, romanciers et conteurs, littérateurs de tout genre écrivent surtout en vue du soi-disant sexe faible qui a su adoucir et amollir à son image le prétendu sexe fort. […] Qui donc prenait la peine d’écrire pour eux ? […] Quand un homme ou une femme écrivait ses Mémoires, il ou elle passait avec un dédain superbe sur ces premières années de la vie qui sont pourtant si fécondes.

1774. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Si l’on considère les débauches élégantes de la cour et du grand monde, le goût de persiflage qui règne dans les salons à la mode, la grivoiserie qui gâte alors tant d’écrits et des plus sérieux, on est tenté de lui assigner un rang peu élevé sur l’échelle de la moralité. […] Il voit essentiellement dans l’homme un être qui pense. « Ô pur esprit », lui écrira Gassendi, adversaire railleur, mais d’abord impuissant, de sa doctrine. […] Il se moque de la morale rigide telle que l’ont faite certains moralistes : elle touche l’homme, écrit-il, autant que l’astronomie. […] Rousseau même ne posera-t-il pas en dogme absolu l’infaillibilité de la passion, quand il écrira : « Tout est bien sortant des mains de l’auteur des choses. » Est-il malaisé de deviner dès lors ce qui va dominer dans les personnages du théâtre de Voltaire ? […] Il écrit sans sourciller : « Qui aura le proufict aura l’honneur ! 

1775. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

., ces originaux complexes qui sont un résumé et un assemblage d’un tas de choses, ces hommes au langage concret, dont la vie, selon la phrase du dessinateur, « se passe à être un objet d’étude et de jouissance pour l’intelligence de ceux qui boivent avec eux, et cela sans qu’il reste rien de cela dans une œuvre écrite ou peinte ». […] Il nous parle des choses qui, n’ayant que deux qualités, comme la fièvre ou la musique : l’intensité et le temps, — marqués par un bâton montant et descendant sur un plan fixe, — devraient écrire leur forme. […] Il est obligé par là à une défiance de toute poésie : « Il faut s’astreindre à écrire cela comme un maître d’école de village. » Il faut aussi commencer par des choses qui ne renversent personne, et ne venir qu’après aux grandes révolutions, à celle qu’il veut tenter contre le calcul différentiel, contre l’X. […] Ils ne me semblent plus écrire, mais couler. […] que c’est bien écrit ! 

1776. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

La poésie écrite, pour être lue silencieusement, marque un premier avènement de la prose. […] Jusqu’alors la langue n’a pu être écrite. […] Nul penseur n’a été plus constamment identique à lui-même dans tous ses écrits. […] Écrivons-le sur la première page de notre livre. […] Dans l’antiquité classique on ne trouve pas d’œuvre d’imagination écrite en prose.

1777. (1894) Propos de littérature « Bibliographie » pp. 144-146

Collaboration à Lutèce, aux Écrits pour l’Art (1re série), aux Entretiens politiques et littéraires, à la Jeune Belgique, à l’Art Moderne, au Mercure de France, à Floréal, à l’Ermitage, à la Société Nouvelle, à la Revue Blanche, etc. […] Collaboration à Lutèce, aux Écrits pour l’Art (1re série), à l’Ermitage (où parut « Swanhilde »), au Mercure de France, à la Wallonie (entre autres pages les « Jeux Parnassiens » et « le Tombeau d’Hélène »), à la Revue Blanche, à Floréal. etc.

1778. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 385-387

L’édition qu’il a donnée de Tacite, est la meilleure réfutation du sentiment de ceux qui prétendent qu’on ne sauroit bien écrire dans une langue morte ; non seulement elle offre la connoissance la plus profonde de la Langue Latine, mais encore l’imitation la plus heureuse du meilleur Historien qu’aient eu les Romains. […] Huet avoit écrites à la marge de la premiere édition de Pline, donnée par le P.

1779. (1763) Salon de 1763 « Conclusion » p. 255

Je vous l’écris au courant de la plume. […] Et surtout, souvenez-vous que c’est pour mon ami, et non pour le public que j’écris.

1780. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Voltaire s’éprit de Virgilius-Delille (il était fort en sobriquets), et écrivit à l’Académie française pour l’y pousser (4 mars 1772)  : « Rempli de la lecture des Géorgiques de M.  […] Piron l’eût écrite s’il eût vécu ; c’est une protestation un peu crue du Dieu des Jardins contre les oripeaux du poète glacé. […] Une lettre écrite par lui en France sur son voyage était à l’instant un événement de société ; un bon mot qu’il avait dit sur des pirates fit fortune. […] L’Institut national lui faisait écrire pour le prier de rentrer en son sein, et ce ne fut qu’après trois ans d’un silence par trop boudeur, qu’on le remplaça dans la section de poésie. […] Voir au Discours sur la Critique, premiers Mélanges, une des plus jolies papes qu’on ait écrites sur Delille.

1781. (1929) Dialogues critiques

Pierre Qu’importe, puisque vous prétendez que la plupart des académiciens n’écrivent pas ? […] Et si l’expéditeur tenait tant au secret éternel, il n’avait qu’à ne pas écrire. […] Mais les auteurs ont un œil de père pour tous leurs écrits, vers ou prose, y compris leurs lettres. […] Pierre Il laisse échapper des vérités imprudentes qu’il n’écrirait pas telles quelles. […] Et comment voulez-vous écrire un article intéressant sur un ouvrage qui ne l’est pas ?

1782. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Est-ce que ces écrivains sans lettres ne vous représentent pas, dans leurs génies divers, dans leurs œuvres différentes, dans leurs manières distinctes, tous les genres, toutes les œuvres, toutes les manières de la littérature écrite ? […] Nous vous l’avons dit vingt fois dans ce Cours à propos de la littérature écrite ; il faut le redire à propos de la littérature peinte. […] Parce que la partie divine de la nature, l’idéal ou le beau, éclate davantage dans l’œuvre de l’artiste, et que vous sentez plus de Dieu dans la pensée et dans la main de l’homme qui a écrit, chanté, peint ou sculpté ce chef-d’œuvre. […] Rousseau, les Études de la Nature de Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie, et quelques alphabets en grosses lettres pour enseigner à lire et à écrire aux enfants quand ils seraient d’âge. […] « Je me sens, écrivait-il à cette époque, malade du mal de ceux qui désirent trop. » On croirait lire un vers de Dante.

1783. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Ou, s’il faut croire que quelques parties de l’orateur lui ont manqué, nous, pour qui tout le mérite de l’action oratoire est perdu, et qui, les yeux sur un livre inanimé, ne pouvons plus sentir que la muette éloquence des paroles écrites, nous n’en donnerons pas moins la première place au prédicateur qui a écrit le plus fortement. […] Il faut que cela s’écrive sur le tard, ou par un homme de génie qui a su dès sa jeunesse toute la vie humaine. […] Vauvenargues juge pour les lecteurs de sa façon, pour ceux qui jugent par sentiment ; mais ils sont rares ceux qui lisent comme ceux qui écrivent avec le cœur. […] avait écrit en note Voltaire. […] « Si vous étiez né quelques années plus tôt, écrivit-il à Vauvenargues, mes ouvrages en vaudraient mieux », Voltaire était-il sincère ?

1784. (1933) De mon temps…

Sans Elémir Bourges et son Crépuscule des dieux, je n’aurais peut-être pas écrit la Double Maîtresse et le Bon Plaisir. […] Ce qu’il y a dans la nature de plus imperceptible et de plus fugitif, c’est ce qu’il s’acharne à fixer, mais cet acharnement même lui impose de bizarres façons d’écrire. […] Paul Adam me parla plus d’une fois de ces écrits qui contenaient de grandes beautés, mais qui attestaient chez Poictevin un état d’exaltation et de tension spirituelles excessif. […] Pour Maurice Maindron, « le meilleur parti » était d’écrire des romans, et il ne renouvela pas cette unique tentative théâtrale. […] Il n’était impitoyable qu’en paroles et avec une certaine affectation, sinon envers les gens qui écrivaient en mauvais français.

1785. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Valéry, Paul (1871-1945) »

Paul-Ambroise Valéry, qui est né à Cette (Hérault) le 30 octobre 1871, jusqu’ici n’a guère écrit que pour ses amis et dans des Revues fermées, comme La Conque, de M.  […] Paul Valéry a plutôt peu écrit.

1786. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 259-261

Il a beaucoup écrit sur les Antiquités, & particuliérement sur celles qui ont rapport à l’Histoire de France. Ses Ouvrages, peu lus aujourd’hui, parce qu’ils sont écrits d’un style dur & ennuyeux, dégoûterent, comme on sait, Louis XIII de toute autre espece de lecture.

1787. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 75-77

Le Traducteur s’est attaché à rendre l’Original selon le style dans lequel il est écrit, c’est-à-dire qu’il traduit tantôt en vers, tantôt en prose, & qu’il emploie quelquefois des vers alexandrins sans rimes, qu’on appelle vers blancs, fort en usage en Angleterre, & qui y rendent la versification bien plus facile que parmi nous. […] Othello croit sa femme infidelle, à la vue d’un mouchoir qu’on lui persuade qu’elle a donné à un de ses Rivaux ; Orosmane entre en fureur à la vue d’une Lettre écrite par Zaïre à Nérestan, qu’il croit son Rival.

1788. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 113-114

LELONG, [Jacques] Bibliothécaire & Prêtre de la Maison de l’Oratoire, né à Paris en 1665, mort en 1721 ; Auteur laborieux & utile, à qui nous devons deux Bibliotheques, l’une sacrée, écrite en Latin, l’autre historique & écrite en François, dans laquelle il a rassemblé tous les Ouvrages qui ont rapport à notre Histoire.

1789. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 171-172

Si l'Auteur nous accusoit de contradiction, nous pourrions lui répondre que se corriger n'est pas se contredire, & que dans le temps même que nous ne connoissions qu'imparfaitement son Ouvrage, nous lui avions reproché le défaut de précision, de correction, d'égalité dans le style, de sévérité dans le choix des Auteurs qu'il cite, ainsi que dans celui des morceaux de leurs écrits qu'il copie. […] Il est sans doute dans la regle que la foiblesse & la timidité ne jouissent point, aux yeux du Public, de la gloire d'un Ecrit qui ne peut être que l'effet du zele & du courage ; mais cette timidité va jusqu'à la crainte servile, quand elle s'empresse avec affectation de désavouer ce que tout honnête Littérateur voudroit avoir fait pour l'honneur des Lettres, les intérêts de la justice & de la vérité.

1790. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 406-407

Quand il voyoit dans les Ecrits des autres quelques-unes de ses pensées qu'il s'imaginoit sottement venir de lui, il se mettoit en colere de ce qu'on ne lui en rendoit point l'hommage, ou de ce qu'on ne chantoit point ses louanges comme il le demandoit….. […] Il louoit peu & blâmoit beaucoup ; il aimoit fort à censurer les Ecrits d'autrui, & ne pouvoit souffrir qu'on trouvât la moindre chose à redire aux siens. » Le portrait est naïf, & ne doit pas paroître suspect, après un témoignage aussi recevable.

1791. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 424-425

La Philosophie du Siecle y est mise en action & ridiculisée par une apologie ironique de ses principes les plus dangereux, fidélement puisés dans les écrits de ses Apôtres. […] Depuis Pascal, en effet, on n'a rien écrit de plus piquant dans ce genre, que ces douze Lettres.

1792. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Un attaché d’ambassade chinois publié, sous son nom, des livres spirituels écrits en français. […] Le mot, écrit ou parlé, excite un sens, la vue ou l’ouïe, et dégage une activité du cerveau, c’est vrai. […] « Le coup d’œil le plus superficiel sur l’état du monde nous montre », écrit M.  […] Morice et Kahn écrivent. […] Où est l’effet sonore du mot, quand il est murmuré sourdement ou n’est visible que sous forme d’image écrite ?

1793. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

dirent les jeunes gens, vous avez écrit à Victor Hugo que vous ne connaissez pas ? […] Nous n’avons pas de calendrier, personne ne nous écrit : le pire est d’ignorer quand nous en sortirons. […] Il écrivit et montra à son père une tragédie qui fut soumise au jugement de M.  […] Il écrivait et pensait le pour, tout en disant le contre en toute chose. […] J’avais écrit souvent pour mon amusement personnel.

1794. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

À seize ans, il avait écrit les plus beaux vers du monde, dont de nombreux extraits furent par nous donnés naguère dans un libelle intitulé Les Poètes maudits. […] des Tuileries, vers le 10 août 1792, où vraiment c’est par trop démoc-soc, par trop démodé, même en 1870, où ce fut écrit ; mais l’auteur, direz-vous, était si, si jeune ! […] Je ne prétends pas établir par là que, pour être bon critique, il soit indispensable d’écrire comme messieurs tels ou tels. […] Même il se l’exagéra au point d’écrire — Un grand sommeil noir. […] Il est question également, dans celle diatribe, de ma « facilité » à écrire des lettres de félicitations à qui veut.

1795. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Il est plus probable que Philippe écrivit, longtemps après, quelque chose d’analogue au fils de son médecin. Il était digne d’avoir écrit cette lettre, comme Aristote était digne de l’avoir reçue. […] Il ne se souvenait donc plus d’avoir promis d’accréditer par ses écrits l’opinion qui faisait de ce prince un fils de Jupiter Ammon ? […] Comme Solon, il a écrit un petit nombre de poésies, dont l’une fut la cause de sa mort. […] Aristote écrivait, pensait, parlait quatre cents ans avant la naissance de Jésus-Christ.

1796. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Victorin Fabre est exactement sorti du xviiie  siècle ; il en a les convictions (en tant que déisme), l’inspiration politique, les habitudes d’analyse, les procédés d’écrire laborieux, fermes et raisonnés. […] Villemain, quand il écrit, gagne sans doute en perfection, en poli, en pensée plus nourrie et mieux ménagée, mais il y a quelque chose qu’il n’a plus ; quand il est lui écrivain, il n’est pas lui orateur. […] Quand il a écrit dans les journaux, soit en littérature, soit en politique, il y a moins réussi qu’en tout autre genre. […] (Note de 1836.) — Les Œuvres de Victorin Fabre ont depuis été publiées en effet, et j’ai écrit à cette occasion deux articles qui résument toute ma pensée à son égard (Revue de Paris, 11 juin 1844 et 8 février 1845). […] (Écrits de Neumann ; Berlin, 1834, dans le premier volume.)

1797. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Au xvie  siècle, les honnêtes femmes écrivaient et lisaient l’Heptameron, et le grave parlement, dans les Grands-Jours de Poitiers, célébrait sur tous les tons la Puce de Mlle des Roches. […] J’ai sous les yeux de très-agréables poésies publiées avant juillet 1830, et qui n’ont pas fait un pli, je vous assure ; de touchantes élégies dans lesquelles une jolie femme du monde écrivait : ….. […] Ainsi, pour parler du tour du soleil, elle écrira : Quand Phébus a son cerne fait en terre. […] ainte-Beuve, mais on y trouve écrites sur les feuillets de garde, par une main qui doit être contemporaine de l’édition, les deux petites pièces que voici : I. […] On peut chercher une de ces chansons diffamantes et tout à fait fescennines dans un petit écrit intitulé Documents historiques sur la vie et les mœurs de Louise Labé, Lyon, 1844 ; mais de telles malignités, ainsi exprimées, ne prouvent rien.

1798. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

« Chaque individu dans l’état sauvage, écrit Chénier, est un tout indépendant ; dans l’état de société, il est partie du tout ; il vit de la vie commune. […] au bas de ces huit vers bucoliques, on lit sur le manuscrit : vu et fait à Catillon près Forges le 4 août 1792 et écrit à Gournay le lendemain. […] Entre autres manières dont cela peut être placé, écrit Chénier, en voici une : Un voyageur, en passant sur un chemin, entend des pleurs et des gémissements. […] Viendrait alors la notice que M. de Latouche a mise dans l’édition de 1819, et d’autres morceaux écrits depuis, dans lesquels ce serait une gloire pour nous que d’entrer pour une part, mais où surtout il ne faudrait pas omettre quelques pages de M.  […] Toute édition d’écrits posthumes et inachevés est une espèce de toilette qui a demandé quelques épingles : prenez garde de venir épiloguer après coup là-dessus.

1799. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Mais souvenons-nous que le bonhomme est poète, même quand il écrit en prose. […] Il écrit comme il cause, ou plutôt moins bien qu’il ne cause : car sa verve courte et sèche n’est pas faite pour le monologue ; il lui faut des répliques pour la reposer et de la contradiction pour l’animer. […] Comme ils n’écrivent point pour s’épancher ni pour s’amuser, et qu’ils parlent de leurs affaires, leurs lettres en perdent un peu d’éclat et d’intérêt littéraire. […] La littérature prenait un train qui n’était pas pour le réjouir : on arrivait à l’Académie par les femmes, sans avoir écrit une ligne. […] Boileau, retrouvant sa malice des bons jours, écrivit au père Thoulier un billet de désaveu si méprisant et si fin, que le père Tellier ne dut pas avoir envie de s’en faire honneur.

1800. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Et qui d’amour se sentira saisir, Connoistra bien que je voulus choisir Vie pour moi, et non pour mes écrits. […] Du Bellay y confond dans une proscription commune et ceux qui par dédain de la langue vulgaire écrivaient en latin, et ceux qui écrivaient en français, sans études grecques ni latines, les cicéroniens et les poëtes à la mode. […] Que j’aime à voir, dans des écrits qui ont trois siècles, la tradition des grands principes littéraires exposée en termes si vifs par des esprits neufs à la découverte et à la possession de la vérité ! […] On ne songe pas assez qu’à la fortune de l’écrit est attaché le repos de l’écrivain, et que, dans la carrière des lettres, les revers de réputation sont plus douloureux que dans toute autre. […] Il ne reste plus qu’à donner les motifs de ce jugement, dont la sévérité était si opportune et si courageuse dans une poétique écrite en présence et à la face de ce qu’on appelait alors la queue de Ronsard.

1801. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

Hellman, qui possède l’original entièrement écrit de la main de Wagner. […] Remarques sur la façon d’écrire, l’orthographe, etc. […] Glasenapp d’un article écrit par H. […] C’est à quoi doivent nous servir les paroles si jeunes et si chaudes qu’il a écrites sur Bellini, il y a cinquante ans. […] Le salon de 1877 le fit connaître et il écrivit dans plusieurs revues artistiques comme L’art ou La Gazette des Beaux-Arts.

1802. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

… Lannelongue, qui a écrit cent pages, sur sa maladie, croyait à un morceau de truffe du déjeuner, qui lui avait donné une indigestion. […] Je voudrais que la contexture fût différente, que ce livre eût le caractère de Mémoires d’une personne, écrits par une autre… Décidément le nom roman ne nomme plus les livres que nous faisons. […] le beau livre qu’il y aurait à écrire sous le titre : Histoire du vice. […] On change de conversation et l’on passe à table, et Daudet se met à parler de l’article biographique, qu’il est en train d’écrire sur Tourguéneff, pour l’Amérique, me disant : « Vous savez, c’est vrai, il est parfaitement fou… Charcot m’a raconté que la dernière fois qu’il a été le voir à la campagne, où il a été transporté, il lui a confié qu’il était à tout moment attaqué par des soldats assyriens… et même il a voulu lui jeter, dans les jambes, un bloc de pierre des murailles de Ninive. » Dimanche 27 mai Daudet m’avait dit, en me quittant jeudi, qu’il m’écrirait le lendemain. Je n’avais rien reçu, et je croyais l’affaire avec Delpit arrangée, quand hier soir, je trouve cette lettre : « Mon Goncourt, je vous écris de la gare de l’Ouest, les épées prêtes, le médecin attendu.

1803. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Ceux qui chercheront de ces observations savantes dans les lettres que je vous écris se tromperont fort…, etc. » Voilà ce qui est bien du caractère domestique et familial. […] Si les lettres étaient écrites pour le public, il y aurait certainement l’indication du lieu, de l’église, du palais où se trouve ce saint Michel garni de son diable. […] Dans des lettres écrites en vue du public cette répétition serait une faute ; elle serait contre l’art. Dans de véritables lettres, écrites pour sa femme, cette répétition de la taquinerie n’a rien que de très naturel. […] Aucun terme savant, bien entendu, quand il écrit à sa femme, et il l’a prévenue à cet égard.

1804. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

Il faut que nous ayons la peau bien tendre à la tentation… d’admirer, pour que nous admirions, dans les mêmes termes, bien des années plus tard, des choses écrites dans les mêmes termes qu’autrefois ! […] Ce qui le poussa à écrire Cromwell fut le besoin d’esprit du même ordre qui le poussa, depuis, à nous donner une bucolique de parti pris de quatre mille vers presque tous dans le même rythme, énorme caprice, mais qui n’a pas voltigé ! […] Les idées que les ignorants qui lisent reçoivent de la plume des ignorants qui écrivent, les idées qui présentement filtrent partout et grimpent comme l’eau du déluge jusque dans les esprits qui semblent pourtant assez élevés pour leur échapper, sont ici affirmées une fois de plus, et Victor Hugo leur donne, pour les faire monter plus haut, le coup de piston d’un talent qui passe pour un génie. […] Jamais rien de plus doux, de plus miséricordieux, de plus généreux, et, diront peut-être beaucoup de pauvres chrétiens, — imbéciles quoique chrétiens (cela se voit), — de plus chrétien ne fut écrit… On se fond, vraiment, en lisant cela ! […] Au moment où le Pays publia mon premier article sur les Misérables, je reçus une lettre signée Omnès, où l’on me menaçait, si je continuais ma critique, d’écrire sur tous les murs de Paris : « Barbey d’Aurevilly, idiot » Et comme une telle menace ne m’arrêta pas, la chose fut faite immédiatement, — avec un ensemble et une rapidité électriques.

1805. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 371-373

Ses Dissertations littéraires & philosophiques ont tout à la fois le merite de la réflexion, & celui d’être écrites avec clarté & précision, quoiqu’avec trop de subtilité quelquefois. […] Il contient trois Discours remplis d’une métaphysique profonde, de raisonnemens solides, & écrits d’un style noble, facile, & nombreux.

1806. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 430-432

La fermentation de son esprit, plus fait pour la solitude & le recueillement, que pour l’escrime littéraire, ne produisit que des Libelles aussi absurdes que platement écrits. […] Peu content d’exposer ses propres idées, qui nous ont paru solides & toujours conformes à la saine Morale, il a rassemblé dans cet Essai ce que nos Ecrivains les plus célebres ont écrit de plus ingénieux sur le bonheur, & qu’un d’entre eux définit le passage d’un état agréable à un plus agréable.

1807. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 128-130

Si l’Abbé Dufresnoy eût pu se persuader qu’il valoit mieux ne rien écrire, que d’écrire sans regles & sans égard, il se seroit épargné bien des désagrémens.

1808. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 430-432

ne lui donneroient pas le droit de figurer parmi les Littérateurs qui écrivent avec le plus de sagesse & de naturel, nous nous serions fait un devoir de le placer dans notre Ouvrage, en faveur des vûes patriotiques qui ont animé ses travaux. […] Il est facile de juger par la maniere dont il a écrit sur les matieres scientifiques, qu'il eût pu se faire, s'il l'eût voulu, un nom distingué dans les Belles-Lettres ; mais cet Auteur n'en est que plus louable d'avoir préféré l'utilité générale à de vains agrémens qui sont souvent pour le Public un sujet de raillerie ou de mépris.

1809. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Le bon Hardouin de Péréfixe, qui écrit l’Histoire de Henri le Grand pour l’instruction de Louis XIV, n’accorde à Sully qu’une place médiocre dans son ouvrage, et, préoccupé encore de l’idée d’impopularité qui s’attachait au nom de Rosny, il s’applique à justifier Henri de la faveur qu’il lui avait accordée, et à montrer qu’elle n’était pas ce que supposait l’envie. […] Il avait de tout temps écrit ou fait rédiger les journaux et mémoires des actions principales et des événements importants de sa vie ; il chargea en définitive quatre secrétaires d’en faire un extrait considérable et un recueil à l’usage du public : Monseigneur, est-il dit dans la dédicace, Votre Grandeur ayant commandé à nous quatre, que vous connaissez assez, de revoir et considérer bien exactement certains mémoires que deux de vos anciens serviteurs et moi avons autrefois ramassés et depuis fort amplifiés, etc., etc., de toutes lesquelles choses nous nous sommes acquittés le mieux qu’il nous a été possible, etc. […] Son père lui écrivit alors qu’il eût à obéir en tout à son maître le roi de Navarre, et à conformer sa conduite à la sienne, à aller à la messe, s’il le fallait, à son exemple, et à courir enfin toutes ses fortunes jusqu’à la mort. […] Le chapitre vie des Mémoires a cela de remarquable qu’il est copié sur un ancien recueil écrit tout entier, disent les secrétaires, de la main de Sully et qui doit être de sa composition même. […] Quelques années après, ayant eu à traiter avec lui de la part du roi de Navarre, et lui ayant été présenté par M. de Villeroi à Saint-Maur (1586) : Nous vous avons ouï dire, écrivent ses secrétaires, que vous le trouvâtes dans son cabinet, l’épée au côté, une cape sur les épaules, son petit toquet en tête et un panier pendu en écharpe au cou, comme ces vendeurs de fromages, dans lequel il y avait deux ou trois petits chiens pas plus gros que le poing.

1810. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

Voltaire, dans sa liste des écrivains français du siècle de Louis XIV, lui accorde du moins ce genre de mérite : « Michel, abbé de Villeloin, composa soixante-neuf ouvrages, dont plusieurs étaient des traductions très utiles dans leur temps. » Un écrivain de ce temps-là même, Sorel, dans sa Bibliothèque française, semble mettre ce fait d’utilité hors de doute, lorsque dans une page laudative, et que Marolles n’eût pas écrite autrement si on la lui eût demandée, il disait : Entre tous les auteurs qui se sont occupés à traduire dans ce siècle-ci, on n’en saurait nommer un qui ait travaillé à plus d’ouvrages et avec une assiduité plus grande qu’a fait M. de Marolles, abbé de Villeloin. […] C’était peut-être une injustice pour quelques-unes de ces versions qui pouvaient donner une certaine idée de l’auteur latin, en attendant mieux ; et, comme il le disait naïvement en une de ses préfaces : « Si je n’ai pas rendu en cela un grand service au public, je crois facilement aussi que je ne lui ai pas fait beaucoup de mal. » Il écrivait ces paroles d’innocence dans la préface de son Tibulle, en 1653, et s’y plaignait dès lors du peu de cas qu’on faisait de son travail, du malheur de n’avoir point pour amis « ceux qu’on tenait pour arbitres de la réputation des livres », et du silence barbare qu’affectaient de garder au sujet de ses productions quelques personnes sur l’amitié desquelles il avait cru pouvoir compter. […] En tête de son Histoire des rois de France (1678), il déclare avoir hésité quelque temps et délibéré s’il mettrait une préface, « dans la crainte que j’ai eue, dit-il, d’avoir été cause en partie de ce qu’on les a blâmées par écrit et de vive voix, sans en excepter aucune ». […] il aurait envoyé son livre à nos illustres, dont plus d’un lui eût répondu : « Je n’en ferais pas autant, mon cher, et vous n’avez rien écrit de mieux. » Pauvre vieillard mortifié ! […] [NdA] Dans un écrit de Furetière, Nouvelle Allégorique, ou histoire des derniers troubles arrivés au royaume d’Éloquence (1659), on lit : « Il y vint (à l’armée du Bon Sens) un illustre abbé de Marolles, qui poussa ses conquêtes jusques dans les terres de Tibulle, Catulle, Properce, Stace, Lucrèce, Piaule, Térence et Martial ; terres auparavant inconnues à tous ceux de sa nation ; cependant il les dompta, et les mit sous le joug de ses sévères versions, et il les traita avec telle exactitude et rigueur, que de tous les mots qu’il y trouva, il n’y eut ni petit ni grand qu’il ne fît passer au fil de sa plume, et qu’il n’obligeât à parler français et à lui demander la vie… » Ce jugement ne ferait guère d’honneur à la critique de Furetière qui était d’ailleurs un homme d’esprit, mais il est à croire qu’il ne parlait pas sérieusement quand il écrivait cela.

1811. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Il a des vues neuves et sensées sur quantité d’objets d’utilité publique ; il écrit des mémoires aux ministres pour les faire approuver, et il en vient résolument à l’application : C’est moi, dit-il (avril 1720), qui ai le premier proposé, imaginé et exécuté la fourniture aux troupes, de grain, pour ensuite être, par les soldats, donné à la mouture et fait du pain (Passez-lui cette première phrase, il en aura bien d’autres). […] Le maniement des hommes, le tact, ne fut jamais sa qualité distinctive : Moi qui écris ceci, dit-il quelque part, j’ai pensé être détrôné en intendance, ou du moins j’ai été dégoûté de gouverner davantage par un hôtel de ville d’une grande ville où je voulais leur plus grand bien ; mais j’y allais, étant jeune alors, sans flegme ni expérience, avec brutalité et offense contre le torrent ; je respectais mal leurs usages ; je ne regardais pas leur bien patrimonial comme étant à eux ; je maltraitais le prévôt qui était l’homme du peuple, quoiqu’un coquin. […] D’Argenson a écrit quelque part, dans cette supposition favorite de son futur ministère : « Si j’étais premier ministre et le maître, certainement j’établirais une académie politique dans le goût de celle de M. de Torcy. » Et voilà à quoi, certainement, il était le plus propre : établir une Académie des sciences morales et politiques, faire une société de l’Entresol en grand et au premier étage, y lire, en compagnie de gens de savoir et de mérite, des mémoires nourris, instructifs, à vues nombreuses et touffues, à projets drus et vifs, et dans lesquels d’autres que lui verraient ensuite ce qui est à prendre ou à laisser, ce qui est pratique ou ce qui ne l’est pas. […] Je dissimulerais mon impression si je ne disais que, tel qu’il se dessine dans ce premier volume de son Journal, d’Argenson paraît plus ambitieux qu’on ne le jugerait d’après l’ensemble de sa carrière, et qu’il s’y montre aussi moins bonhomme, plus brutal et plus désagréable de nature qu’on ne se le figurait d’après ses écrits jusqu’ici publiés et tous plus ou moins arrangés ou morcelés à dessein. […] Il avait écrit là-dessus un premier, puis un second mémoire, dans lesquels il proposait un plan de partage et concluait à l’établissement d’un équilibre italique dont la première condition était l’entière expulsion des Allemands.

1812. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

Bonhomme a écrit sur lui cette note incroyable au point de vue de la logique ; « L’abus de l’esprit et la recherche puérile déparent ses Lettres, qui, du reste, ont une juste célébrité. » Comment accommoder cette célébrité juste avec cette recherche puérile sans rien entre deux qui corrige et qui explique ? […] « Nous écrivons avant d’avoir appris, même parfois avant d’avoir pensé », dit-il quelque part ingénument. […] Ce Collé, si grivois et si licencieux en ses écrits, était, il faut le savoir, le meilleur, le plus tendre des maris et le plus fidèle ; et en général, bon frère, bon parent, ce classique de la gaudriole se permettait d’avoir toutes les vertus domestiques. Maté et rangé d’assez bonne heure, il avait trouvé dans sa femme une maîtresse, une amie, une épouse ; il la consultait sur tous ses écrits, et on sourit de se représenter Mme Collé donnant jusqu’au bout des avis à son mari sur certains détails dans les sujets habituels de sa muse libertine. […] Faites naître les occasions sans fin de lui écrire.

1813. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Alfred d’Arneth, ayant à écrire une histoire de l’Impératrice Marie-Thérèse, s’occupa préalablement à rassembler une collection, aussi complète que possible, des lettres écrites par cette grande et laborieuse souveraine. […] Je ne sais quel est son projet dans ce moment : nous vivions fort bien ensemble, et même, depuis quelque temps, on me faisait compliment de mes attentions pour lui et sa femme ; il a imaginé de chercher l’intimité, et, pour s’y introduire, il a écrit (c’est son expédient ordinaire dans les grandes affaires, quoique jusqu’ici il y ait assez mal réussi) ; sa lettre est adressée à un homme de sa maison, mais en même temps il lui a indiqué un homme en qui j’ai confiance, pour me la montrer. […] Des mots terribles échappent de temps en temps à la plume de Marie-Thérèse, adjurant sa fille et la pressant de se corriger ; je sais qu’il n’y faut pas attacher un sens qu’ils n’ont pas et qu’ils ne pouvaient avoir au moment où elle les écrivait ; l’histoire aussi a ses superstitions rétrospectives, dont un esprit juste doit se garantir. […] Marie-Antoinette a écrit à sa mère que MM.  […] On rabattra tant qu’on voudra des pronostics, mais ils éclatent à chaque page, et ces mots sont écrits en toutes lettres dans la Correspondance : « Vous perdez beaucoup dans le public, mais surtout chez l’étranger… Votre avenir me fait trembler.

1814. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Mais je ne peux approuver un William Jones, qui, sans être philosophe, déverse son activité sur d’innombrables sujets, et, dans une vie de quarante-sept ans, écrit une anthologie grecque, une Arcadia, un poème épique sur la découverte de la Grande-Bretagne, traduit les harangues d’Isée, les poésies persanes de Hafiz, le code sanscrit de Manou, le drame de Çakountala, un des poèmes arabes appelés Moallakat, en même temps qu’il écrit un Moyen pour empêcher les émeutes dans les élections et plusieurs opuscules de circonstance, le tout sans préjudice de sa profession d’avocat. […] Les résultats n’ont d’ordinaire toute leur pureté que dans les écrits de celui qui le premier les a découverts. […] Tel philologue a consacré de longues dissertations à discuter le sens des particules de la langue grecque ; tel érudit de la Renaissance écrit un ouvrage sur la conjonction quanquam ; tel grammairien d’Alexandrie a fait un livre sur la différence de [en grec] et [en grec]. […] Eugène Burnouf écrire sur la littérature indienne de savantes généralités ! […] Les historiens du XVIIe siècle, qui ont prétendu écrire et se faire lire, Mézerai, Velly, Daniel, sont aujourd’hui parfaitement délaissés, tandis que les travaux de du Cange, de Baluze, de Duchesne et des bénédictins, qui n’ont prétendu que recueillir des matériaux, sont aujourd’hui aussi frais que le jour où ils parurent.

1815. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Il sied encore de regarder dans l’intérieur même de la France les provinces où subsiste une autre langue que celle de la capitale ; à certains moments les patois, ces parents pauvres, prêtent des mots à la sœur plus riche et plus brillante qui les éclipse ; la Bretagne, demeurée fidèle à l’idiome des ancêtres, fut au moyen âge un des chemins par lesquels ont pénétré dans nos romans les vieilles légendes celtiques ; en notre siècle, la résurrection d’une poésie en langue d’oc n’a pas été sans effet sur l’inspiration des poètes du Midi qui ont écrit en français. […] A défaut de traité formel et signé, une sympathie instinctive vient-elle à créer une liaison entre la France et un peuple luttant pour son indépendance, cela se traduit vite dans une foule d’écrits. […] Il faut donc plonger au cœur des écrits de tout genre, pour y saisir le genre étranger qui a pu les vivifier ou les gâter ; après quoi, l’attention doit se porter sur les formes dont les écrivains ont revêtu leurs sentiments et leurs pensées. […] Cousin, l’amoureux de Mme de Longueville, a travaillé et réussi parfois à écrire comme les contemporains de son héroïne. […] J’ai écrit ailleurs (Études sur la France contemporaine, p. 69) ces lignes que je me permets de reproduire, parce qu’elles achèvent ma pensée : « Les idées vont vite en notre siècle ; il leur faut cependant un temps appréciable pour passer de leur pays natal dans les autres.

1816. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Jasmin était alors de passage à Montpellier : Monsieur, lui écrivait Peyrottes (24 décembre 1847), j’ose, dans ma témérité qui est bien près de la hardiesse (je ne donne pas Peyrottes comme très fort sur les synonymes)43, vous proposer un défi. […] Elle vend sa maison, et, légère, elle court porter au curé la somme complète : « Monsieur le curé, lui dit Marthe à genoux, je vous porte tout ce que j’ai ; maintenant vous pourrez écrire ; achetez sa liberté, puisque vous m’êtes si bon ; ne dites pas qui le sauve ; oh ! […] « Mais, du fond de son presbytère, l’homme du ciel aurait mieux su déterrer le péché, la maligne pensée, que le soldat sans nom au milieu d’une armée, et qui, depuis trois ans, n’avait pas écrit. » Cependant le bon curé en viendra à bout. […] La langue dans laquelle Jasmin écrit est le patois du Midi ; mais ce mot est bien vague et ne donnerait pas une juste idée de son doux idiome et du travail d’artiste avec lequel il l’a réparé. […] Peyrottes m’a écrit pour réclamer contre cette bien légère épigramme ; il me dit que L’Écho du Midi, qui a imprimé sa lettre, a fait ici une bévue dont il n’est pas coupable, et qu’il avait mis ces autres mots : « J’ose dans ma timidité qui est bien près de l’audace… » Je lui donne acte de son Errata, sans que cela ôte rien au piquant de l’épisode où il figure, et à la moralité littéraire que j’en veux tirer.

1817. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Il conçut à l’instant l’idée de plusieurs pamphlets ou diatribes pour les opposer aux feuilles de Fréron (La Wasprie, L’Âne littéraire) ; il les écrivit ou les fit écrire par son frère, et s’occupa de les répandre partout pour démonétiser l’adversaire : « Ne serait-il pas heureux, écrivait-il à Voltaire, de venger à la fois le bon goût qu’il offense, et de réduire ce coquin à la mendicité, en attendant qu’il aille aux galères ? » Le Brun, dans ces divers petits écrits, en revenait toujours à justifier et à venger son ode des critiques injustes ; mais il y marquait un ressentiment outré, et il s’attira de Voltaire lui-même, si bon juge dès qu’il s’agissait d’un autre, cette leçon de tactique et de goût : Il y a des choses bien bonnes et bien vraies dans les trois brochures que j’ai reçues. […] Dans le seul voyage qu’il fit, il était allé jusqu’à Marseille et y avait vu la mer : « J’ai donc vu la mer, écrivait-il, ou plutôt je n’ai fait que la revoir, car mon imagination me l’avait mille fois représentée, même plus imposante et plus vaste. […] Le Brun, que l’on supposait un des auteurs du journal et qui y était fort loué en même temps que ses ennemis y étaient bafoués, écrivit pour démentir le bruit de sa collaboration ; mais il avait certainement part à cette feuille, qui contenait d’ailleurs des morceaux critiques distingués.

1818. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

. — Et qui n’aimerait, écrivait le chevalier d’Aydie à Mme Du Deffand, qui n’aimerait pas cet homme, ce bonhomme, ce grand homme, original dans ses ouvrages, dans son caractère, dans ses manières, et toujours ou digne d’admiration ou adorable ? […] C’est de ce même Esprit des lois que le studieux Gibbon disait, en parlant de ses lectures : « Je lisais Grotius et Pufendorf ; … je lisais Barbeyrac ; … je lisais Locke et ses traités ; … mais mes délices, c’était de lire et de relire Montesquieu, dont l’énergie de style et les hardiesses d’hypothèses furent si puissantes pour éveiller et stimuler le génie du siècle. » Et Horace Walpole, parlant de l’ouvrage dans sa nouveauté, écrivait de même : « Je le considère comme le meilleur livre qui ait jamais été écrit, — au moins je n’ai jamais appris la moitié autant de tout ce que j’ai jamais lu. […] Son secrétaire et sa fille lui faisaient les lectures qu’il ne pouvait plus faire lui-même : « Je suis accablé de lassitude, écrivait-il (31 mars 1747) ; je compte de me reposer le reste de mes jours. » L’idée d’ajouter à son ouvrage une digression sur l’origine et les révolutions des lois civiles en France, ce qui forme les quatre derniers livres de L’Esprit des lois, ne lui vint que tout à la fin : J’ai pensé me tuer depuis trois mois, disait-il (28 mars 1748), afin d’achever un morceau que je veux y mettre, qui sera un livre de l’origine et des révolutions de nos lois civiles de France. […] Buffon, si opposé à cette manière d’écrire, l’expliquait chez Montesquieu par le physique ; « Le président, disait-il, était presque aveugle, et il était si vif, que la plupart du temps il oubliait ce qu’il voulait dicter, en sorte qu’il était obligé de se resserrer dans le moindre espace possible. » Montesquieu est convenu lui-même qu’en causant, s’il sentait qu’il était écouté, il lui semblait dès lors que toute la question s’évanouissait devant lui. […] Il disait un jour à Suard jeune et à d’autres qui l’écoutaient : « Je suis fini, moi ; j’ai brûlé toutes mes cartouches ; toutes mes bougies sont éteintes. » — Il écrivait vers le même temps cette pensée d’une mélancolie haute et sereine : J’avais conçu le dessein de donner plus d’étendue et de profondeur à quelques endroits de mon Esprit, j’en suis devenu incapable ; mes lectures m’ont affaibli les yeux, et il me semble que ce qui me reste encore de lumière n’est que l’aurore du jour où ils se fermeront pour jamais.

1819. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie militaire du général comte Friant, par le comte Friant, son fils » pp. 56-68

. — Les lettres qui lui sont adressées par le général Bernadotte à cette date et depuis, sont écrites encore du style républicain et sur le pied d’égalité. […] « La rapidité et la précision de votre marche, lui écrivait le général Bonaparte, vous ont mérité la gloire de détruire Mourad Bey. » Mais Mourad Bey détruit renaissait sans cesse. « Je désire fort, lui récrivait le général Bonaparte, que vous ajoutiez aux services que vous n’avez cessé de nous rendre, celui bien majeur de tuer ou de faire mourir de fatigue Mourad Bey. […] Après la mort de Kléber, Friant fort apprécié de Menou, qui lui écrivait : « Soyez assuré que nous ferons de bonne besogne toutes les fois que l’on emploiera, comme vous, activité et moralité » ; fut moins content sans doute de ce général en chef qui, avec des qualités estimables, n’était pas à la hauteur de sa position et qui ne sut pas accueillir les bons conseils. […] Après la capitulation, et en mettant le pied en France, Friant écrivit au général Bonaparte, premier consul, une lettre où il n’accusait personne, mais où sa réserve seule parlait assez : Vous avez sans doute appris les malheurs de l’armée d’Orient et la perte de la colonie, et vous aurez appris également combien les divisions qui ont régné entre plusieurs de nous y ont contribué.

1820. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers populaire  »

Or, en même temps qu’Ovide, en même temps que Musée, en même temps, sans aucun doute, que tel poète d’aujourd’hui, — un rapsode inconnu, ignorant Ovide, Musée et tout ce qui est écrit, puisant dans une tradition strictement orale chantait, lui aussi, mais pour un autre public, « Héro et Léandre ». […] Adieu, ô mes père et mère, adieu tous mes amis, je m’en vais au ciel. » Une telle ballade ne provient ni des latins, ni des grecs, ni des poètes d’académie, ni d’aucune littérature écrite ; l’art en est très spécial, si spécial que nul poète, même un poète allemand, n’en pourrait faire un pastiche acceptable . […] Une poésie non écrite doit avoir des règles de versification toutes différentes des règles de la poésie littéraire, naguère admises sans révolte, aujourd’hui, il est vrai, presque démodées. […] Dante, notamment, n’écrit-il pas, en vue de la rime : dolve pour dolse ; vui pour voi ; morisse pour morissi : soso pour suso ; diede pour diedi ; lome pour lume, etc.

1821. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

On sent tout ce qu’il y a de hardi dans cette idée ; et si on trouvait une telle fable dans les écrits de ceux qu’on nomme philosophes, on se récrierait contre cette audace. […] Le genre dans lequel La Fontaine a écrit, est celui qui se prêtait le plus à cette variété de mesure, de rimes et de vers ; mais il faut convenir qu’il a été merveilleusement aidé par son génie, par la finesse de son goût, et par la délicatesse de son oreille. […] Cette fable écrite du style le plus simple, et bien moins ornée que les précédentes, n’est pas d’une grande application dans nos mœurs ; mais elle en avait beaucoup dans nos anciennes démocraties. […] Tout ce que dit le poète, est exprimé avec autant d’exactitude que pourrait en avoir un philosophe qui écrirait en prose.

1822. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre premier. Astronomie et Mathématiques. »

Hobbes a écrit plusieurs traités150 contre l’incertitude de la science la plus certaine de toutes, celle des mathématiques. […] « Notre connaissance, dit-il, étant resserrée dans des bornes si étroites, comme je l’ai montré, pour mieux voir l’état présent de notre esprit, il ne sera peut-être pas inutile… de prendre connaissance de notre ignorance, qui… peut servir beaucoup à terminer les disputes… si, après avoir découvert jusqu’où nous avons des idées claires… nous ne nous engageons pas dans cet abîme de ténèbres (où nos yeux nous sont entièrement inutiles, et où nos facultés ne sauraient nous faire apercevoir quoi que ce soit), entêtés de cette folle pensée que rien n’est au-dessus de notre compréhension 153. » Enfin, on sait que Newton, dégoûté de l’étude des mathématiques, fut plusieurs années sans vouloir en entendre parler ; et de nos jours même, Gibbon, qui fut si longtemps l’apôtre des idées nouvelles, a écrit : « Les sciences exactes nous ont accoutumés à dédaigner l’évidence morale, si féconde en belles sensations, et qui est faite pour déterminer les opinions et les actions de notre vie. » En effet, plusieurs personnes ont pensé que la science entre les mains de l’homme dessèche le cœur, désenchante la nature, mène les esprits faibles à l’athéisme, et de l’athéisme au crime ; que les beaux-arts, au contraire, rendent nos jours merveilleux, attendrissent nos âmes, nous font pleins de foi envers la Divinité, et conduisent par la religion à la pratique des vertus. […] Le Père Castel, à son tour, semble se plaire à rabaisser le sujet sur lequel il a lui-même écrit. […] Une page éloquente de Bossuet sur la morale est plus utile et plus difficile à écrire qu’un volume d’abstractions philosophiques.

1823. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

Eh bien, ce rapprochement, qu’il faudrait faire beaucoup pour voir juste, nous croyons utile de l’essayer à propos de deux livres que la Critique, qui reconnaît ceux qui les ont écrits pour des maîtres, a traités avec un silence par trop respectueux. […] Ils sont les semeurs d’un grain invisible qu’ils jettent, pour ainsi dire, par-dessus le mur de leur œuvre et qui doit lever plus loin… Cependant, ne soyons pas injuste : si l’histoire de la Grèce antique par Lerminier est un ouvrage où nul mot n’a été écrit en dehors ou à côté du sujet qu’il traite, si le respect des faits et de l’unité de leur ensemble y est poussé jusqu’à la stoïque abstinence de ces déductions ou de ces inductions qui s’en élancent naturellement, et qui devaient tenter la verve philosophique de l’auteur, n’oublions pas qu’au seuil de ce livre il y a une préface dans laquelle l’historien, qui s’est imposé une réserve si haute et si sévère, signale néanmoins fort bien renseignement pratique qu’on peut tirer de son histoire. […] Il fallait attendre, que les renseignements vinssent par l’effort d’une érudition patiente et acharnée, et il fallait aussi pour l’écrire que l’homme s’attendît lui-même. […] C’est à Lerminier qu’il faudrait appliquer ce mot, écrit par lui de Montesquieu « : Il a la passion de l’impartialité, mais c’est une passion contenue, surveillée, sûre de son désir et de son effort, moins une passion qu’un art réfléchi, calculateur et caché, qui va du rayonnement du Beau jusqu’au rayonnement, plus pur encore, de la Justice, par le fait de cette loi magnifique qui veut que toutes les vérités se rencontrent, à une certaine profondeur. » Nous avons dit qu’après avoir lu cette histoire il n’était plus possible de garder la moindre illusion sur la valeur morale et politique des Grecs, mais, en exprimant une telle opinion, nous n’avons point entendu parler des partis.

1824. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes d’Amérique » pp. 95-110

Si le nom, assez peu connu, du reste, de Bellegarrigue, n’était pas au front de ce petit livre, on pourrait se demander par qui une pareille… chose a été écrite. […] En effet, son admiration a des manières tellement ingénieuses de se traduire et de s’affirmer, que très souvent on se demande, en le lisant, si l’homme qui a écrit de telles pages, qui brûle un encens de ce fumet pour la plus grande gloire des dames américaines, s’entend lui-même, ou s’il ne serait pas plutôt un mystificateur de premier ordre, un ironique profond, un Masque-de-Fer d’ironie, comme on a prétendu que l’avait été Machiavel-le-Sphinx quand il écrivit la tactique de la Tyrannie. […] Quant aux Américains, que depuis longtemps les philosophes de l’École radicale s’obstinent à regarder comme le peuple de l’avenir qui doit renouveler tous les autres, s’ils sont peints ressemblants dans ce livre scandaleux, écrit à leur gloire, l’Europe peut être bien tranquille.

1825. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

Renée est si littéraire qu’il semble regretter que madame de Montmorency n’ait pas été une des lionnes (c’est le mot de ce temps-là comme du nôtre) de l’hôtel de Rambouillet, et il écrit, pour s’en consoler : « Il est vrai que les beaux jours de cette société n’étaient pas venus encore, et que l’histoire s’est médiocrement occupée de ces premières années. » Ah ! […] On y reconnaît la plume d’un homme fait pour mieux que pour écrire des biographies, si réussies qu’elles soient, et très capable de lutter contre les grands sujets historiques et leurs excitantes difficultés. […] Renée a écrit le mot de justice — justice orgueilleuse, il est vrai, — à la page 144 de son livre. […] Au moment de mourir, Montmorency lui avait écrit : « Mon cher cœur (et c’était bien son cœur, en effet !)

1826. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Nicolas Gogol »

Mais si ce livre n’était pas vrai, — pas vrai même dans le sentiment d’observateur de celui qui en a tracé les pages, — que mériterait, dans la mémoire de ses compatriotes, l’homme qui a osé l’écrire, pour avoir tenté, satirique impie, de déshonorer si abominablement son pays ? […] Charrière, qui a pour Gogol les bontés d’un homme d’esprit pour la personne qu’il a pris la peine de traduire, n’hésite pas à mettre les Âmes mortes à côté de Gil Blas, et, si cela lui fait bien plaisir, nous ne dérangerons rien à cet arrangement de traducteur ; car la réputation de Gil Blas — ce livre écrit au café, entre deux parties de dominos, a dit le plus fin et le plus indulgent des connaisseurs, — n’est pas une de ces gloires solides qui aient tenu contre le temps. […] Du reste, cette tête indigente avoue très bien sa pauvreté : « Je n’ai jamais écrit d’imagination », dit-il. […] Écoutez cette plainte fatiguée : « Toutes les personnes, — écrit Gogol à un de ses amis, — toutes les personnes qui lisent, en Russie, sont persuadées que l’emploi que je fais de ma vie est de me moquer de tout homme que je regarde et d’en faire la caricature… » Bientôt, cette société qu’il avait blessée par cette suite de caricatures qui forment les divers chants de son poème des Âmes mortes, les fonctionnaires de cette Chine de fonctionnaires dont il avait dit les bassesses, les petitesses, le néant, l’aristocratie puérile, les femmes, les prêtres, tout se souleva contre lui.

1827. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVII. Saint-Bonnet »

Il se tient si loin de la forge aux réputations, il fait si peu antichambre dans les boutiques où nous brassons la renommée ; moitié aigle et moitié colombe, c’est un esprit si haut et si chaste dans la solitude de sa province, qu’on est obligé de rappeler qu’à vingt-trois ans il achevait son ouvrage de L’Unité spirituelle, trois volumes, étonnants d’aperçus, malgré leurs erreurs, et qui donnaient du moins la puissance de jet et le plein cintre de cet esprit qui s’élançait, et que plus tard il s’élevait d’un adorable Traité de la douleur, jusqu’à cette Restauration française, l’ouvrage le plus fort d’idées qu’on ait écrit sur notre époque. […] Saint-Bonnet est aussi grandement et artistement écrit qu’il est fermement pensé. […] Quel que soit le retentissement ou le silence du nouvel écrit qu’il publie, il ne s’en étonnera pas ; il est trop métaphysicien pour s’en étonner. […] Saint-Bonnet se distingue par une chose d’un mérite absolu et impérissable comme la métaphysique elle-même, et cette chose, fût-elle seule, suffirait pour classer très haut l’écrit où elle paraît pour la première fois.

1828. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Funck Brentano. Les Sophistes grecs et les Sophistes contemporains » pp. 401-416

Appartiendrait-il à la famille de ce Clément Brentano qui fut un poète et qui devint l’ardent secrétaire de la sœur Emerich, la sublime Extatique dont il écrivit les extases ?… Je ne sais rien de lui, sinon qu’il est professeur, comme il nous l’apprend, du reste, dans le titre même de son livre, et qu’il a, malgré son nom allemand, la précision française du langage, et un mépris très français aussi pour les idées allemandes… Il range, en effet, Kant et Hégel — mais trop en passant, il est vrai, — parmi les sophistes dont il écrit l’histoire. […] Funck Brentano l’a écrite, cette histoire, à grand traits, peut-être trop rapides (il fallait s’appesantir) dans le commencement de son livre, et il a déterminé avec beaucoup de pénétration et de relief les caractères de cette sophistique… Eh bien, disons-le-lui ! […] Funck Brentano relève, il ne faut pas oublier qu’il a écrit cette phrase, qui enveloppe tout : « En vain l’idéalisme et le sensualisme changeront de nom et d’enseigne et deviendront le criticisme, le synthétisme, la philosophie du bon sens, « le positivisme, l’éclectisme, l’évolutionnisme, le nihilisme, on ne pourra conduire à, aucune solution sans un principe supérieur. » Le spiritualiste, dans M. 

1829. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XIX » pp. 76-83

Sue écrit (comme il a fait mercredi 19) dans les Débats un petit mot sur sa santé pour rassurer le salon et l’antichambre. […] Balzac ruiné, et plus que ruiné, est parti pour Saint-Pétersbourg en faisant dire dans les journaux qu’il n’allait là que pour sa santé et qu’il était décidé à ne rien écrire sur la Russie. […] — Frédéric Soulié écrit toujours, mais de plus en plus obscurément : les chiffres en disent plus que le reste ; on ne le vend plus qu’à 500 exemplaires. — Sue a été très-riche ; on l’a dit un peu ruiné, mais il n’a jamais eu l’air de l’être.

1830. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « [Addenda] »

Feuillet de Conches, au moment où la discussion avec M. de Sybel était déjà engagée et où, comme pour me tâter, il m’écrivait que le baron de Reumont, alors à Aix-la-Chapelle, lui apprenait que j’inclinais de ce côté-là. Je lui répondais, le 2 septembre 1865 : « Je n’ai pas l’honneur de connaître personnellement M. de Reumont ; je n’ai certainement rien écrit et je ne me rappelle avoir rien dit qui puisse motiver cette conclusion. […] J’emprunte ces paroles à un fort bon écrit de M. 

1831. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre V »

Brissaud90, sont coupables de conserver et surtout d’inventer des formes bâtardes, métissées de grec et de latin, dans les cas où le fond de notre langue suffirait amplement. » Et il cite le mot excellent de cailloute, nom d’une phtisie particulière aux casseurs de cailloux ou provoquée par des poussières minérales ; les nosographes, le trouvant trop clair et trop français l’ont biffé pour écrire pneumochalicose. […] « On parle, ajoutait-il, et l’on écrit, en général, pour être compris et les mots qui s’appliquent nettement et exclusivement à la chose qu’on veut désigner sont nettement les meilleurs. » 91 « Il ne s’agit pas, développe encore Rémy de Gourmont en l’ouvrage précité, il ne s’agit pas de bannir les termes techniques, il s’agit de ne pas traduire en grec les mots légitimes de la langue française et de ne pas appeler céphalalgie le mal de tête. […] On ne peut — toute question de censure mise à part — dire et faire dire tout ce que l’on écrit : le même mot qui, aperçu avec sa forme propre et son aspect typographique se pardonne ou s’admire, devient vite, entendu et défiguré par l’acoustique artificielle de la rampe, insupportable d’invraisemblance ou de pédantisme. — Et cela même lorsqu’il sort d’une bouche autorisée — Les rôles de médecins sont particulièrement délicats à traiter, car ils oscillent forcément entre la terminologie vague des mentalités moyennes, ou le répertoire magistral de l’enseignement technique.

1832. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 1. Éléments et développement de la langue. »

Nous n’aurons pas à étudier la littérature de langue d’oc, bien qu’elle ait vécu surtout sur le territoire français : non plus que nous n’étudions la littérature gallo-romaine ou les écrits latins de notre moyen âge. […] Pendant un temps, l’Angleterre, l’Italie méridionale et la Sicile appartiennent à la langue d’oïl : une riche littérature de langue française s’épanouit des deux côtés de la Manche dans les possessions des successeurs de Guillaume le Conquérant, et le Jeu de Robin et Mur ion fut écrit au xiiie  siècle pour divertir la cour française de Naples. […] Dès le moyen âge, la séduction de nos idées et de nos écrits fait délaisser à des étrangers leur langue nationale pour la nuire ; le Florentin Brunetto Latino, au xiiie  siècle, se fera une place parmi les prosateurs français comme au xviiie le Napolitain Galiani et le Prussien Frédéric.

1833. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Prosper Mérimée. »

Cela ne paraît pas « écrit », et cela est sans défaut. […] Vigny écrivait dans le Mont des Oliviers : « Si le ciel est muet, aveugle et sourd au cri des créatures… Le juste opposera le dédain à l’absence, Et ne répondra plus que par un froid silence Au silence éternel de la Divinité. […] Il goûte par-dessus tout les époques et les pays de vie ardente, de passions fortes et intactes : le XVIe siècle, la Corse des maquis, l’Espagne picaresque  Et ce sceptique a écrit le plus beau récit de bataille qui soit : L’enlèvement de la redoute.

1834. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Pronostics pour l’année 1887. »

… Ce drame sera expressément écrit pour la Comédie-Française, et le rôle du Pape sera joué par M.  […] On sait que l’auteur des Batailles de la vie écrit alternativement un roman de passion et un roman d’« études sociales ». […] Henri Meilhac écrira un acte, un seul, mais où il y aura trois pièces.

1835. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Guy de Maupassant »

J’écrivis alors, étourdiment :    « Tels sont les lieux communs développés par M. de Maupassant. […] Il semblait se plaire, on l’a dit, aux compagnies « joyeuses » ; il aimait la naïveté des « Boule-de-Suif » ou des « grosses Rachel » ; parfois, avec une grande affectation de sérieux et une grande dépense d’activité, et comme si ces choses eussent été infiniment plus importantes que les livres qu’il écrivait (rarement il consentait à parler littérature), il organisait des « fêtes » compliquées, volontiers un peu brutales ; mais, sauf les minutes où il s’appliquait, jamais on ne vit pareille impassibilité en pleine fête, ni visage plus absent. […] C’est donc avec le sang de son âme qu’il écrivait, lui, ses lamentables variations sur des lieux communs tristes.

1836. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre X. Zola embêté par les jeunes » pp. 136-144

On exalte, sans y regarder, la Fille Élisa, roman écrit, selon la déclaration de l’auteur, pour « parler au cœur et à l’émotion de nos législateurs » et auquel, en effet, les parlementaires ont pu s’intéresser sans effort, roman dont l’émotion demeure à la préface, livre pauvre d’humanité et mince de littérature, bien loin, ce me semble, des chefs-d’œuvre que fabriquait, avec son frère, M.  […] Zola a publié des écrits de théorie, courageusement faibles ? […] Maupassant vieilli écrivait pour les salons, mais il avait fait quelque autre chose jadis.

1837. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 372-383

On peut juger de son zele à cet égard, par sa Réponse à un de ses parens qui lui avoit écrit une Lettre en Vers, dans laquelle il faisoit l’apologie de l’Homme machine de la Métrie. […] Nous connoissons peu d’Ouvrages aussi solidement pensés, aussi sagement écrits, & plus capables de former l’esprit & le cœur des jeunes gens. […] « Ce n’étoit point Catinat, ce n’étoit point Fénélon * qui punissoient le Militaire ou l’Ecclésiastique qui avoient manqué, c’étoient les Loix écrites ; & Catinat & Fénélon n’aggraverent jamais la peine que ces Loix pouvoient imposer, par des propos durs qui révoltent & qui sont une punition inutile, & souvent plus cruelle encore que celles que la Loi fait subir.

1838. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean de Meun, et les femmes de la cour de Philippe-le-Bel. » pp. 95-104

Il est plus croyable que, pour obtenir le pardon, il leur dit seulement que ce qu’il avoit écrit n’étoit que contre les méchantes femmes perdues d’effet & de réputation, tellement qu’il ne croyoit pas que ce fût à elles à s’en ressentir. […] Ils écrivirent qu’elles avoient mal pris le sens de son livre ; que le roman étoit une allégorie soutenue ; que, par cette rose, l’objet des vœux de l’amant, il falloit entendre la sagesse, ou l’état de grace, ou la sainte Vierge, ou bien l’éternelle béatitude. […] Ces deux abbés, plus célèbres encore par la causticité de leur caractère, que par le mêrite de leurs écrits, craignoient si fort la répétition de ces espéces d’exécutions militaires, qu’ils n’osoient jamais souper en ville.

1839. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre VI. Suite des Moralistes. »

Les métaphysiciens parlent de cette pensée abstraite, qui n’a aucune propriété de la matière, qui touche à tout sans se déplacer, qui vit d’elle-même, qui ne peut périr, parce qu’elle est indivisible, et qui prouve péremptoirement l’immortalité de l’âme : cette définition de la pensée semble avoir été suggérée aux métaphysiciens par les écrits de Pascal. […] Dans quelle partie de ses écrits le solitaire de Port-Royal s’est-il élevé au-dessus des plus grands génies ? […] Les insultes que nous avons prodiguées par philosophie à la nature humaine ont été plus ou moins puisées dans les écrits de Pascal.

1840. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre II. Des Orateurs. — Les Pères de l’Église. »

« Nous mourons et nous changeons à toute heure, écrit-il à un de ses amis, et cependant nous vivons comme si nous étions immortels. […] Nous nous écrivons souvent, mon cher Héliodore ; nos lettres passent les mers, et à mesure que le vaisseau fuit, notre vie s’écoule : chaque flot en emporte un moment185. » De même que saint Ambroise est le Fénélon des Pères, Tertullien en est le Bossuet. […] » Tertullien était fort savant, bien qu’il s’accuse d’ignorance, et l’on trouve dans ses écrits des détails sur la vie privée des Romains, qu’on chercherait vainement ailleurs.

1841. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

L’Argonne, c’est la patrie des grands bois historiques. « Expérience faite, a écrit M. Taine, j’éprouve plus de plaisir devant les choses naturelles que devant les œuvres d’art ; rien ne me semble égal aux montagnes, à la mer, aux forêts et aux fleuves. » A mon goût, il n’a écrit sur rien avec un sentiment plus profond et plus passionné que sur les arbres.‌ […] S’il est vrai que les nations sont constituées par une poussière de fellahs, cet homme savant et vénérable en prend trop aisément son parti ; il a trop peur que la raison pure intervienne et dérange ces sommeils, cette belle ordonnance animale…‌ Mais, à peine ai-je écrit ce mot « servilité » que je l’efface et je reviens au terme exact : discipline.

1842. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre III. Trois espèces de jurisprudences, d’autorités, de raisons ; corollaires relatifs à la politique et au droit des Romains » pp. 299-308

. — Que l’on demande à tous ceux qui ont écrit sur l’histoire du Droit romain, pourquoi la jurisprudence antique, dont la base est la loi des douze tables, s’y conforme rigoureusement ; pourquoi la jurisprudence moyenne, celle que réglaient les édits des préteurs, commence à s’adoucir, en continuant toutefois de respecter le même code ; pourquoi enfin la jurisprudence nouvelle, sans égard pour cette loi, eut le courage de ne plus consulter que l’équité naturelle ? […] Ce langage et ces caractères servirent à promulguer, à écrire les lois dont le secret fut peu à peu dévoilé. Ainsi le peuple de Rome ne souffrit plus le droit caché, jus latens dont parle Pomponius ; et voulut avoir des lois écrites sur des tables, lorsque les caractères vulgaires eurent été apportés de Grèce à Rome.

1843. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

On n’écrit pas dans tel ou tel but. […] Pourtant Voltaire est un secco, Voltaire écrit par petits jets courts et saccadés. […] Il avait écrit des livres d’une objectivité complète, d’un saisissant relief. […] Ainsi périrent Charles Baudelaire, victime du beau devoir d’écrire, Henri Heine et tant d’autres. […] Il a écrit jadis sur Villon des pages inoubliées.)

1844. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Le père Porée ne lui avait pas appris à bien écrire, s’il lui avait appris à s’exprimer ainsi. […] Rome sauvée n’est pas plus fortement écrite, mais plus sèchement, plus froidement, avec moins de naturel et de grâce que Zaïre ; aucune de ces deux tragédies n’est fortement écrite. […] « Eh bien, me voilà Chinois (écrivait-il à M. d’Argental) ! […] C’est bien là le style d’un écolier ; et Voltaire, lorsqu’il était vraiment écolier, écrivait beaucoup mieux. […] Ainsi, au mépris des lois, des ordres de son père, au risque de perdre la vie sur un échafaud, elle écrit à Tancrède de venir l’épouser et régner dans la république de Syracuse, comme si cela était aussi aisé à faire qu’à écrire.

1845. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

Je me retirai pour toujours alors ; ma page était écrite ; l’honneur me condamnait à un éternel ostracisme. […] Je le dis de souvenir plutôt que par un sentiment actuel et présent ; car à l’heure où j’écris ces lignes, engagé plus que jamais dans la vie critique active, je n’ai plus guère d’impression personnelle bien vive sur ce lointain passé. […] Je vous écrivis en effet alors une épître en vers, qui exprimait très mal mes pensées, qui me donnait un air protecteur de critique, tandis qu’au fond de l’âme j’étais ému et enthousiasmé d’amitié et d’admiration. […] « Lamartine, dites-vous encore, me l’écrivit en des termes plus indulgents pour moi que justes pour A. […] « La Fontaine disait à la Champmeslé : Nous aurons la gloire, moi pour écrire, et vous pour réciter. » Il a deviné.

1846. (1894) Propos de littérature « Appendice » pp. 141-143

Appendice Si nous laissons de côté les quelques pièces subjectives de M. de Régnier et d’autre part les premiers écrits de M.  […] Enfin, en comparant ceci à ce qui fut écrit plus haut, j’aimerais à terminer par cette affirmation : Le rythme nous avertit de la vie en sa marche incessante vers le but ignoré ; l’harmonie, qui en procède, est le signe de notre Prédestination.

1847. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Préface de la première édition »

Rien ne peut tenir lieu de quelques écrits excellents, publiés de nos jours, sur des points particuliers de l’histoire de notre littérature, les uns plus curieux de détails de biographie intime, les autres plus occupés des applications morales. Et quelle histoire réussirait à rendre moins précieuses les leçons d’un professeur illustre, écrivain du goût le plus délicat et de la raison la plus ornée, qui a élevé la critique littéraire au rang de l’histoire, et qui, à l’exemple des antiques orateurs retravaillant leurs harangues pour l’épreuve de la lecture, a changé de brillantes improvisations en écrits durables ?

1848. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Préface de la première édition du quatrième volume »

Rousseau en particulier, je sens que l’apaisement qui s’est fait en moi n’a guère modifié mes sentiments, et j’ai eu fort peu à changer, quant au fond, au chapitre qui lui est consacré, le plus anciennement écrit de ce volume. […] Qu’un livre ait été écrit dans le contentement ou dans la peine, qu’il soit sorti d’un esprit tranquille, ou que chaque page en ait été disputée à des préoccupations douloureuses, peu lui importe.

1849. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 198-200

Dans les Ouvrages de prose, le style étoit l’objet dont on s’embarrassoit le moins : pourvu que l’expression ne fût point barbare, qu’elle rendît la pensée de l’Auteur, on croyoit avoir le talent d’écrire. […] Balzac a doublement contribué aux progrès de l’éloquence, par ses Ecrits & par ses bienfaits : on ne doit pas oublier qu’il est le premier fondateur du prix d’Eloquence à l’Académie Françoise.

1850. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 184-186

Il n’avoit, soit dans ses Ecrits, soit dans ses mœurs, d’autres regles que ses propres opinions ; &, selon le génie des esprits sans principes & sans frein, il traitoit de fables les dogmes de la Religion, & d’entraves ridicules les loix de la probité. […] Les principes de cet Ouvrage monstrueux sont précisément les mêmes que ceux de Dolet, & le sort de Dolet a sans doute rendu plus prudens ceux qui ont voulu écrire comme lui.

1851. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 167-169

Un célebre Critique a eu raison de dire de cet Ouvrage, « qu’il étoit la Production d’un excellent Citoyen, qui n’écrit que pour se rendre utile, qui voit tous nos travers & tous nos vices, non pour en plaisanter avec légéreté, mais pour nous en corriger ; qui gémit sur cet abîme-de corruption où nous sommes plongés, & qui voudroit nous en faire sortir ; qui nous offre la perspective la plus effrayante des maux que nous preparent des révolutions qu’amenera cette mollesse hébetée, qui tient nos sens engourdis : car le voile est aisé à lever ; ce tableau de la Grece est un miroir où la France doit se voir elle-même. […] Puisse cet Ecrit tomber entre les mains de nos jeunes gens !

1852. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 235-237

Ses Ecrits sur la Grammaire Françoise & Latine conviennent également aux Maîtres & aux Disciples ; les derniers y apprennent les élémens du langage, & les premiers la maniere de les développer. […] Le Public lui a attribué quelques petites Brochures assez mal écrites contre la Religion, mais elles ne sont pas de lui.

1853. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 408-410

Jamais les anciens Philosophes, encore moins ceux de notre Siecle, n’ont rien écrit de plus sensé & de plus instructif sur l’homme, sur ses devoirs, sur ses passions, sur l’usage qu’il doit faire des biens & des maux de la vie. […] Nous ne parlons pas de ses Notes sur les Provinciales, ni de ses Ecrits en faveur de Jansénius & contre les Jésuites.

1854. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — O. — article » pp. 430-432

ORLÉANS, [Pierre-Joseph d’] Jésuite, né à Bourges en 1641, mort à Paris en 1698 ; un des Ecrivains du Siecle dernier, qui ont montré le plus de talent pour écrire l’Histoire. […] Un des plus grands défauts de ceux qui ont écrit l’Histoire, est de tout raconter sans aucun choix ; par-là, ils surchargent la mémoire & dégoûtent l’esprit.

1855. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 502-504

Petis a plus servi à étendre l’honneur du nom François, c’est par une Histoire de Louis XIV, écrite en Arabe, & par la Traduction en Langue Persane, de l’Histoire de ce même Prince par les Médailles. […] Son fils, qui succéda à ses Places & à ses connoissances, nous a donné son Eloge historique, très-bien écrit.

1856. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 42-44

Ils consistent dans une Histoire de la Vie & des Ouvrages de Fénélon ; Histoire qui ne se borne pas, comme les autres, à raconter des faits particuliers, mais où la sagacité, l’art de l’analyse, l’heureuse faculté de tout voir & de tout saisir, le talent de penser & celui d’écrire avec solidité, ne permettent pas de méconnoître le Littérateur éclairé, l’habile Observateur, & le bon Juge : dans un Discours sur le Poëme épique, qui n’a pu être que le fruit de la lecture la plus réfléchie des Ouvrages des Anciens, & d’une connoissance raisonnée des regles de la Poésie héroïque : dans un Discours sur la Mythologie, où il seroit impossible de réunir plus de raison, plus de goût, & plus d’élégance. Les Voyages de Cyrus ne méritent pas les mêmes éloges, mais donnent l’idée d’une érudition très-étendue, d’une morale judicieuse, & sont écrits d’un style dont la noblesse & le sentiment forment le caractere principal.

1857. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 346-348

Nous expliquerons ceci, en disant qu'elle est écrite d'un ton noble & intéressant, mais défigurée par une latinité peu sûre, & surchargée d'une infinité de noms qu'il a rendus barbares, sous prétexte de les latiniser. […] D'ailleurs, la maniere dont il est mort, en soumettant tous ses Ecrits au jugement de l'Eglise, est une preuve convaincante de l'orthodoxie de ses sentimens.

1858. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 369-371

De tout ce qu’il a écrit [& le nombre de ses Productions est assez considérable], le seul Ouvrage qui lui ait donné de la célébrité, est son Livre des Mœurs ; nouvelle preuve que la plupart des Esprits de ce Siecle n’ont cru pouvoir se faire un nom qu’en s’écartant des routes ordinaires, & en débitant des systêmes opposés à toutes les idées reçues. […] L’expression est heureuse ; mais ces Messieurs devroient savoir que, si cet Auteur, réprouvé parce qu’il est décent, honnête, raisonnable dans la plupart de ses sentimens, n’a pas mérité d’être célébré par eux, comme tant d’autres, il n’en a pas moins le mérite d’écrire d’une maniere bien supérieure aux Auteurs de la Philosophie du bon sens, du Code de la Nature, du Christianisme dévoilé, & de tant d’autres rapsodies aussi insupportables par l’extravagance des idées, que par la bizarre contexture du style.

1859. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface de janvier 1823 »

L’auteur de cet ouvrage, depuis le jour où il en a écrit la première page, jusqu’au jour où il a pu tracer le bienheureux mot FIN au bas de la dernière, a été le jouet de la plus ridicule illusion. […] Il se bornera seulement à faire remarquer que la partie pittoresque de son roman a été l’objet d’un soin particulier ; qu’on y rencontre fréquemment des K, des Y, des H et des W, quoiqu’il n’ait jamais employé ces caractères romantiques qu’avec une extrême sobriété, témoin le nom historique de Guldenlew, que plusieurs chroniqueurs écrivent Guldenloëwe, ce qu’il n’a pas osé se permettre ; qu’on y trouve également de nombreuses diphtongues variées avec beaucoup de goût et d’élégance ; et qu’enfin tous les chapitres sont précédés d’épigraphes étranges et mystérieuses, qui ajoutent singulièrement à l’intérêt et donnent plus de physionomie à chaque partie de la composition.

1860. (1932) Le clavecin de Diderot

L’année précédente, Aragon avait publié « Front rouge », un poème militant écrit à la gloire de l’URSS qui vaudra à son auteur d’être inculpé en janvier 1932. […] D’une pierre, deux coups : les bords du Léman sont également chers à Mme de Noailles qui écrivit, à Amphion, ses premiers vers et à M.  […] Primauté du spirituel, écrit Jacques Maritain. […] Comme l’a écrit Lénine, ce n’est point à coups de syllogismes qu’on finira de venir à bout de l’idéalisme. […] Il a vu aussi des ovales de Braque et des pages comme celles que j’écris et qui ne sont damnantes, ni pour lui, ni pour moi on peut en être sûr.

1861. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

Rousseau, le premier des hommes doués du don d’écrire, était par sa nature, par son éducation, par sa place subalterne dans la société, par sa haine innée contre l’ordre social, par son égoïsme, par ses vices, le dernier des hommes comme législateur et comme politique, faux prophète s’il en fut jamais, et dont les dogmes, s’ils étaient adoptés par l’opinion séduite de son siècle, devaient nécessairement aboutir aux plus déplorables catastrophes pour le peuple qui se livrerait à ce philosophe des chimères. […] » Si la brute la plus dénuée de toute moralité écrivait un code de démocratie pour les autres brutes, c’est ainsi qu’elle écrirait ! […] Cette propriété de la vie par celui qui la possède est tellement instinctive, unanime et de droit divin, puisqu’elle est d’inspiration de la nature, que vous ne trouvez pas une législation primitive ou un code moderne où elle ne soit écrite à la première page. […] C’est le décret de la souveraineté de la nature, et, en l’écrivant dans ton droit de vivre, elle a écrit en même temps ta destinée d’être sociable : car, sans la société naturelle, tu ne vivrais pas, et, sans la société légale, tu aurais bientôt cessé de vivre. […] Si tu fais mourir, tu mourras, est la première aussi des lois écrites par la souveraineté sociale.

/ 3846