Puisqu’il s’est rendu ainsi justice à lui-même, on ne doit pas le priver des louanges qu’il mérite, pour les vues profondes, les pensées vives, les critiques justes, & sur-tout pour la maniere nerveuse & précise avec laquelle il y exprime toutes ses idées.
Ses Lettres sont une nouvelle preuve du peu de naturel qu’il mettoit dans ses Productions, ou, pour mieux dire, il y est toujours Bel-Esprit, Ecrivain élégant, mais homme trop plein de lui-même, ne craignant pas d’ennuyer ses amis par la jactance perpétuelle de son mérite, ni le Public, qu’il avoit vraisemblablement en vue, en écrivant à des particuliers.
Pour bien décider sur ces sortes de matieres, il faudroit non seulement remonter aux sources, suivre les traces, saisir les rapports, ne jamais perdre de vue son objet, mais avoir encore une sûreté de tact pour saisir les caracteres, un esprit de sagacité pour découvrir & recueillir les débris dispersés, & une adresse pour les concilier & en former un Tout, capable de remplir le but qu’on s’est proposé.
Cet Ecrivain est comme Montagne, il perd continuellement son objet de vue, mais n’a pas, comme lui, l’art de répandre de la force & de l’agrément dans ses écarts.
À notre vue l’univers se meut : ou le mouvement est, de toute éternité, la loi et le propre de la vie — ou le geste métaphysique qui brise le sceau de l’unité et pose l’objet devant le sujet, déclenche aussi le ressort qui engendre dans le temps et dans l’espace le mouvement du multiple sons l’influence de la cause.
La lettre se termine ainsi par une dernière feuille datée du 17 au matin : « … J’ai repris mes petits Grecs qui grossissent à vue d’œil. […] Il y a déjà quarante-quatre jours que je suis ici, et cinquante-sept que je ne vous ai pas vue. […] Je n’y ai pas trouvé Mme de Staël, mais l’ai rattrapée en route, me suis mis dans sa voiture, et ai fait le chemin de Nyon ici (à Lausanne) avec elle, ai soupé, déjeuné, dîné, soupé, puis encore déjeuné avec elle, de sorte que je l’ai bien vue et surtout entendue. […] Qu’on ne demande pas au témoin qui parle d’elle d’être tout à fait impartial, car on n’était plus impartial dès qu’on l’avait beaucoup vue et entendue. […] Huber lui avait vue à Lausanne.
Schelling n’avait que des vues fort générales, sans nulle étude approfondie. […] Ne perdez pas cela de vue. […] Ici encore l’erreur n’est qu’une vue incomplète. […] L’humanité aspire à se connaître, et ne pouvant se bien connaître qu’après avoir traversé toutes les vues incomplètes d’elle-même, elle tend, de vue incomplète en vue incomplète, à la connaissance complète d’elle et de tous ses éléments essentiels successivement dégagés, éclaircis par leurs contrastes, par leurs conciliations momentanées, par leurs guerres sans cesse renaissantes. […] De là deux histoires de la philosophie dans des vues différentes : Tiedemann et Tennemann.
Il faut en général, lorsqu’on raisonne, ne point perdre de vue la nature humaine. […] Peut-être serait-il possible encore de le guérir. — J’avais commencé de lui exposer mes vues à ce sujet, mais il ne me laissa point achever. […] Un spectacle animé, mais peu agréable, s’offrit à ma vue. […] Mais le nuage grandit à vue d’œil… il s’allonge par-devant et s’avance comme une voûte. […] Quelle vue on découvre du haut de cette montagne !
Je suis plus indulgent que l’autre fois ; c’est que je l’ai vue, elle, hier, et qu’elle est toujours belle et spirituelle.
En cette grande épopée littéraire, où le génie, chose qu’on n’avait point vue encore, disons-le à l’honneur de notre temps, ne se sépare jamais de l’indépendance, Frédéric Soulié était de ceux qui ne se courbent que pour prêter l’oreille à leur conscience et qui honorent le talent par la dignité.
Je ne nomme point les phénomènes littéraires, en vue desquels nous devons étudier tous les autres ; cependant il y aura lieu de réserver une place à certaines institutions ou à certains groupements ayant un caractère spécialement littéraire.
« Il considere ce progrès insensible, mais si rapide de la vie vers sa fin, la mort toujours prochaine, ou plutôt toujours présente, le tombeau, la cendre, le tribunal de son Juge, les peines & la gloire de l’Eternité ; il attache sa vue sur ces dernieres fins de l’homme, si propres à régler sa course, &, prosterné chaque jour devant Dieu, il lui demande la grace de bien vivre, pour avoir celle de bien mourir ; sacré soin, précieuse solitude, sceau de Dieu dans les ames prédestinées, vigilance nécessaire, mais rare dans tous les hommes, plus rare dans les Grands, & plus nécessaire encore aux Grands qu’aux autres hommes ».
Ces figures colossales ont quelque chose d’effrayant & qui choque la vue.
« Un homme qui écrit l’Histoire, dit M. de Fénélon, doit en embrasser & en posséder toutes les parties ; il doit la voir toute entiere, comme d’une seule vue.
C’est dans cette vue que j’indiquerai les livres que tout homme, de quelque état qu’il soit, peut se procurer.
Les vues très-avancées et d’une sagacité presque divinatoire que l’auteur exprimait sur l’avenir littéraire et poétique de la France, ses éloquents et ingénieux présages à ce sujet, un an avant l’apparition de M. de Lamartine, compliquaient encore la question de succès, en choquant des préjugés non moins irritables en tout temps que les passions politiques. […] Magnin, les symboliques réminiscences et les instinctifs pressentiments de l’auteur d’Orphée ont-ils un degré de vraisemblance que nous ne retrouvons pas dans l’Homme sans nom : « Dans ce dernier poëme, ajoute le même critique, la proximité de l’objet nous paraît déjouer l’œil profond du mystique interprète : la double vue ne s’applique bien qu’à l’invisible. » Et pourtant, chose remarquable ! […] Il a emprunté davantage à Charles Bonnet, à savoir le nom même et l’idée de la palingénésie, de cette interminable et ascendante échelle des existences progressives ; mais il s’en est approprié la vue en la transportant dans l’histoire, tandis que l’illustre Genevois ne l’avait que pour l’ordre purement naturel. […] Il vit une fois Hoëné Wronski, lequel, dans son Prodrome, revendique l’honneur d’avoir le premier émis, en 1818, une vue politique que l’Essai sur les Institutions exprimait en même temps que lui. […] J’acquis dans cette circonstance des lumières qui me furent très-utiles, sur l’esprit de parti, sur le peu de profit que tirent les vrais littérateurs et les esprits critiques à se mêler à des groupes politiques toujours plus ou moins intolérants ; car il faut, d’un côté ou d’un autre, se fermer des vues et consentir absolument à condamner des jours à son intelligence.