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908. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

Ils sont en bien des cas le produit du jeu spontané, quoique surveillé, des idées et des images, de tous les petits systèmes qui vivent dans l’esprit. […] Il y avait là des éléments qui aspiraient à vivre d’une vie plus déterminée, et que l’ensemble favorisait. […] L’idée pressentie dès la jeunesse s’était constituée peu à peu, plus remarquable comme réalisation que comme théorie, et Godin a su la faire vivre. […] Sa bonne foi et son génie n’ont pu faire vivre une bonne partie de ses idées de détail. […] Après la mort de Godin l’œuvre a continué à vivre et à prospérer.

909. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VIII. Du crime. »

Quelle que soit l’horreur qu’inspire un scélérat, il surpasse toujours ses ennemis dans l’idée qu’il se fait de la haine qu’il mérite ; par-delà les actions atroces qu’il commet à nos yeux, il sait encore quelque chose de plus que nous qui l’épouvante, il haït dans les autres l’opinion que, sans se l’avouer, il a de son propre caractère ; et le dernier terme de sa fureur serait de détester en lui-même ce qu’il lui reste de conscience, et de se déchirer s’il vivait seul. […] de quelle nature est celui qui sait braver tout ce que cette idée a de solennel et de terrible, cette idée dont le retour immédiat sur soi-même devrait effrayer tout ce qui veut vivre.

910. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Jules Laforgue » pp. 36-47

Il compte, pour vivre, sur sa plume. […] C’est le prophète de l’inconscient ; son esprit fatigue aspire au nirvanah, à n’être plus que l’algue flottante ou le madrépore sous-marin, à vivre de la vie végétative des plantes.

911. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IV » pp. 38-47

En 1620, il avait dix-neuf ans, et la reine dix-huit ; leur jeunesse ne les empêchait pas de vivre ensemble très froidement. […] Ici il suffit de remarquer que le trouble et le désordre étaient dans la maison du roi comme dans l’État, et que la manière de vivre adoptée à l’hôtel de Rambouillet s’embellit et s’agrandit par son contraste avec ces désordres et ces petitesses.

912. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XI » pp. 89-99

C’était un homme avec qui il fallait compter, pour qui le roi n’eut toujours des égards infinis et beaucoup de confiance, et monseigneur une déférence totale tant qu’il vécut, et qui bien que peu affligé de sa mort, a conservé toujours pour tout ce qui lui a appartenu, et jusques à ses domestiques, toutes sortes d’égards et d’attentions. » Saint-Simon ajoute à ces graves notions, celle-ci, qui n’est pas sans mérite : « La propreté de M. de Montausier, qui vivait avec une grande splendeur, était redoutable à sa table, où il avait été l’inventeur des grandes cuillers et des grandes fourchettes qu’il mit en usage et à la mode. »

913. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXV » pp. 402-412

Elle vivait fort mal avec madame de Montespan, qui, par les lettres qu’elle écrivait au roi, réussissait toujours à regagner, non son cœur, mais sa faveur. […] Pour moi, j’aimerais mieux ce haillon loin que près. » Le 4 septembre, elle raconte à sa fille cette anecdote : « Un homme de la cour disait l’autre jour à madame de Ludres : Madame, vous êtes, ma foi, plus belle que jamais. — Tout de bon, dit-elle ; j’en suis bien aise, c’est un ridicule de moins. « J’ai trouvé cela plaisant. » Le 6 septembre, elle écrivait de Vichy : « Madame disait l’autre jour à madame de Ludres, en badinant avec un compas : Il faut que je crève ces yeux-là, qui font tant de mal. — Crevez-les, madame, puisqu’ils n’ont pas fait tout ce que je voulais. » On voit dans les mémoires de Madame, que madame de Ludres finit par se retirer dans un couvent à Nancy, où elle vécut jusqu’à un âge fort avancé.

914. (1899) Le monde attend son évangile. À propos de « Fécondité » (La Plume) pp. 700-702

Il sait que nous sommes des hommes ordinaires, que nous voulons vivre avant tout, que nos ambitions ne sont point vertueuses. […] La beauté que confère l’amour fécond et fort, tous les hommes peuvent l’atteindre, elle est à leur portée, ils n’ont qu’à vivre, à croître, à grandir, à agir, à développer leur race.

915. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — V »

Que l’on juge de ce point de vue les diverses attitudes adoptées par les hommes et où ils témoignent de leur foi en une vérité objective, celles des anciens Grecs qui crurent à la nécessité de recevoir des aliments dans le tombeau pour vivre heureux après la mort, celle de l’ascète à qui la vérité commande de supprimer la volupté, celle du skoptzy à qui la vérité commande d’en supprimer les moyens. […] En même temps cette réalité qui continue de vivre et do prospérer en se mouvant dans la pérennité et comme dans le relâchement du moule qui la pétrit, va se dissoudre et périr sitôt que le principe d’une forme idéologique différente, l’idée chrétienne, marque son empreinte sur ses institutions.

916. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

Il peut refuser le fruit, mais peut-il vivre sans Ève ? […] Ève lui propose de vivre dans la continence, ou de se donner la mort, pour sauver sa postérité.

917. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 29, qu’il est des païs où les ouvrages sont plûtôt apprétiez à leur valeur que dans d’autres » pp. 395-408

Or, nous vivons en France dans une suite continuelle de plaisirs ou d’occupations tumultueuses qui ne laissent presque point de vuide dans les journées et qui nous tiennent toujours ou dissipez ou fatiguez. […] Bien des courtisans ont vécu trente ans à Versailles, passant régulierement cinq ou six fois par jour dans le grand appartement, à qui l’on feroit encore accroire que les pelerins d’Emaüs sont de Le Brun, et que les reines de Perse, aux pieds d’Alexandre, sont de Paul Veronese.

918. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XI. Mme Marie-Alexandre Dumas. Les Dauphines littéraires »

— et que sous l’empire de cette Grâce, elle avait quitté son mari comme on ne le quitte guère dans les ouvrages de son père et de son frère, pour se jeter en pleines œuvres de haute dévotion et de prosélytisme, mais tout cela avec une telle gesticulation théâtrale, que les prêtres français de Jérusalem s’étaient inquiétés en leur prudence, de ce trop de gesticulation… Revenue en France, ajoutait-on, elle était entrée chez des religieuses de Passy, sans pourtant se faire religieuse, et elle y vivait dans une piété exaltée, peignant des sujets religieux ; mortifiant ainsi de la toile, si elle ne se mortifiait pas elle-même ; s’entretenant la main de cette façon et mortifiant toujours quelque chose ! […] … Quant au talent, il est nul tout le temps qu’elle christianise, mais il y en a cependant dans le récit de l’adultère et du duel ; seulement un talent à la Dumas, sans esprit, tout de récit et de faits, et d’une personne qui a vécu dans une atmosphère où pendant trente ans et plus, on n’a parlé, arrangé, inventé que de ces choses-là.

919. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVI. Mme de Saman »

Assurément la passion a dû chauffer parfois cette organisation de bas-bleu enragé qui n’a pas toujours vécu, comme elle le raconte, de la vie de l’écritoire, quoique l’écritoire, le livre, le cahier, l’idée de faire son petit roman ne la lâchent jamais, même dans les débris de son cœur. […] Vous n’avez donc vécu que pour cette infamie !

920. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

Il n’a pas, lui, la joie de vivre ! […] À Rebours est l’histoire d’une âme en peine qui raconte ses impuissances de vivre, même à rebours !

921. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XI. Des éloges funèbres sous les empereurs, et de quelques éloges de particuliers. »

Il vécut à peu près autant que Louis XIV, et comme lui, vit périr presque toute sa famille ; mais Louis XIV ne prononça point dans Paris l’éloge du grand dauphin et du duc de Bourgogne. […] Ensuite il vanta la tranquillité dont l’État avait joui sous son règne, à laquelle il n’avait pas plus contribué, que ceux qui vécurent deux cents ans après lui.

922. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Sainte-Beuve dit même un jour, avec un sentiment mouillé, que « Diderot était le seul homme du xviii e siècle avec lequel il eût aimé à vivre », et qu’est-ce que cela pouvait nous faire ? […] S’il avait vécu du temps de M.  […] C’est un morne, un plâtre creux qui se donne les airs de l’antique, mais qui ne vit pas, qui n’a jamais vécu. […] Voltaire, seul, se doutait de quelque chose : « Mes frères, qui vivra verra !  […] Plus de bourgeois rappelant par l’attitude de la phrase et de la pensée les bourgeois drapés, posés et idéalisés par David dans son serment du Jeu de Paume, dont, à coup sûr, Diderot eût fait partie s’il eût vécu jusqu’à la Révolution.

923. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Ils vivent dans la vie contemporaine. […] Il a vécu par la pensée et pour la pensée. […] Il y a vécu d’une vie ample, large et joyeuse comme un athlète grec vivait de la vie du corps. […] Cela vivait d’une façon intermittente. […] Ils ne vivent point du tout, du moins comme les êtres vivants ont accoutumé de vivre, c’est-à-dire avec une certaine suite dans le développement de leurs passions.

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