La vertu en ce bas monde, à cause du rebours trop habituel, consiste presque entièrement à s’abstenir, à sacrifier ; à assister, sans y participer, aux choses et à leur dire non en face bien souvent. […] A partir de ce temps, Bettine soigna, peigna, lava si exactement et si longuement chaque matin le petit Casanova dans sa chambre, qu’il faillit en résulter mille accidents ; cette fille malicieuse et ce précoce enfant s’en tirèrent, l’une avec duplicité et coquetterie consommée, l’autre avec une fermeté rare et une sorte de vertu qu’il ne devait pas garder longtemps. […] Il se peut que la lecture de plusieurs soit la perte de bien des jeunes personnes ; mais il est certain que la lecture des bons leur apprend la gentillesse et l’exercice des vertus sociales. » A la bonne heure ! […] Aussi le jeune abbé, sous un tel maître, fut-il promptement au fait des vertus sociales, si bien qu’un jour M. de Malipiero, en finissant sa sieste plus tôt que de coutume, le trouva trop tendrement engagé dans son salon avec la jeune Thérèse, dont lui-même était épris, et dut y mettre ordre à coups de canne.
Dans les tragédies de Shakespeare, l’enfance et la vieillesse, le crime et la vertu, reçoivent la mort, et expriment tous les mouvements naturels à cette situation. […] Lorsque les sorcières annoncent à Macbeth qu’il sera roi, lorsqu’elles reviennent lui répéter cette prédiction au moment où il hésite à suivre les sanglants conseils de sa femme, qui ne voit que c’est la lutte intérieure de l’ambition et de la vertu, que l’auteur a voulu représenter sous ces formes effrayantes ? […] En Angleterre, les troubles civils qui ont précédé la liberté, et qui étaient toujours causés par l’esprit d’indépendance, ont fait naître beaucoup plus souvent qu’en France de grands crimes et de grandes vertus. […] Le théâtre de la France république admettra-t-il maintenant, comme le théâtre anglais, les héros peints avec leurs faiblesses, les vertus avec leurs inconséquences, les circonstances vulgaires à côté des situations les plus élevées ?
Roselly de Lorgues sur Colomb, dans ses deux volumes de six cents pages qui attestent en leur auteur une persévérance de volonté à exprimer de ce fruit mystérieux qui n’avait jamais été ouvert, — la gloire de Colomb, — toute la pulpe d’une vertu divine que ne connaissaient pas les hommes, il y aurait assez pour intéresser tous les esprits qui s’occupent d’histoire. […] Il s’agit, dans l’histoire de ce grand Colomb, bien moins de supériorité d’intelligence que de vertu et bien moins de génie que de sainteté. […] L’étude approfondie de Christophe Colomb, de ses plans, de ses écrits dans ce qui nous reste de ce grand homme, la connaissance de ses travaux, de son malheureux gouvernement sur le terrain de sa conquête où il déploya l’inutilité de trop de vertus pour les hommes qu’il avait à conduire, la pureté de sa gloire et la beauté céleste de ses infortunes, ont pu forcer l’historien à conclure que cet homme, plus grand que nature et de hauteur de prophète, était le dernier missionnaire de la Providence sur la terre. […] S’il n’a pas été aussi heureux de vérité et de clarté de regard avec Isabelle, c’est que les vertus de la Catholique agissent sur son catholicisme, et qu’elle, du moins, comprit et protégea Colomb.
Là, ce sont ces Bataves qui ont de l’esprit par bon sens, du génie par industrie, des vertus par froideur, et des passions par raison. […] Inquiets et volages dans le bonheur, constants et invincibles dans l’adversité, formés pour les arts, civilisés jusqu’à l’excès, durant le calme de l’État ; grossiers et sauvages dans les troubles politiques, flottants comme des vaisseaux sans lest au gré des passions ; à présent dans les cieux, l’instant d’après dans les abîmes enthousiastes et du bien et du mal, faisant le premier sans en exiger de reconnaissance, et le second sans en sentir de remords ; ne se souvenant ni de leurs crimes, ni de leurs vertus ; amants pusillanimes de la vie pendant la paix ; prodigues de leurs jours dans les batailles ; vains, railleurs, ambitieux, à la fois routiniers et novateurs, méprisant tout ce qui n’est pas eux ; individuellement les plus aimables des hommes, en corps les plus désagréables de tous ; charmants dans leur propre pays, insupportables chez l’étranger ; tour à tour plus doux, plus innocents que l’agneau, et plus impitoyables, plus féroces que le tigre : tels furent les Athéniens d’autrefois, et tels sont les Français d’aujourd’hui.
Il se lia d’une amitié étroite avec Jacques Colonna, de la grande famille romaine de ce nom ; cette amitié, fondée sur un goût commun et passionné pour les lettres antiques et pour la vertu, fut pour lui une consolation et une fortune. […] Cette publicité de culte n’offensait ni la vertu de son idole ni la susceptibilité de son époux. […] Est-ce de leurs vertus ? […] La vertu, la beauté, la politesse, sortiront de ce monde avec Laure. […] Son âme, prête à quitter sa belle demeure, rassemblant en elle-même toutes ses vertus, semblait avoir rendu l’air plus serein.
Soyez sociable ; faites honneur à la vertu dans le monde. » Et il redouble lui-même de légèreté en écrivant, comme pour lui donner l’exemple avec le précepte : « On a besoin d’être sans cesse la faucille en main, pour retrancher le superflu des paroles et des occupations. » Jamais la piété de Fénelon ne se montre mieux ce qu’elle est que dans ces lettres au vidame d’Amiens, c’est-à-dire une piété douce, commode, simple, exacte, ferme et gaie tout ensemble, une piété qui s’allie avec tous les devoirs et qui se ressouvient du grand seigneur devant les hommes jusque dans la perfection de l’humilité devant Dieu : Un homme de votre rang ne fait point assez, et il manque à Dieu quand il ne s’occupe que de curiosités, que d’arrangement de papiers, que de détails d’une compagnie, que de règlements pour ses terres. […] Aux prises avec le duc de Vendôme qu’on lui avait donné pour conseil militaire et pour guide, et qui offrait avec lui tous les genres de contraste, il rendait la vertu méprisable et ridicule aux yeux des libertins. […] Il voudrait le voir s’émanciper enfin, ne plus être soumis toujours ni docile à l’excès et subordonné ; il l’excite à prendre sur lui et à user de toute l’étendue des pouvoirs qu’il a en main, pour le bien du service : « Un prince sérieux, accoutumé à l’application, qui s’est donné à la vertu depuis longtemps, et qui achève sa troisième campagne à l’âge de vingt-sept ans commencés, ne peut être regardé comme étant trop jeune pour décider. » Le duc de Bourgogne lui répond avec calme, avec douceur, peut-être même avec raison sur certains détails, mais sans entrer dans l’esprit du conseil qui lui est donné ; et, quand il a tout expliqué et froidement, un scrupule d’un autre genre le prend, et il dit à Fénelon dans une espèce de post-scriptum : « Je me sers de cette occasion pour vous demander si vous ne croyez pas qu’il soit absolument mal de loger dans une abbaye de filles : c’est le cas où je me trouve. […] Ce que Fénelon écrit en cette année 1708 au duc de Bourgogne, il ne cessera de le répéter et de le lui faire arriver par le canal du duc de Chevreuse durant les années suivantes ; il est affecté dans sa religion de chrétien éclairé, dans sa tendresse de père nourricier et de maître, dans son patriotisme de citoyen, de voir un prince qui devrait être si cher à tous les bons Français, et dont il sait les vertus essentielles, devenu l’objet d’un dénigrement et d’un déchaînement si général. […] C’est à lui à faire aimer, craindre et respecter la vertu jointe à l’autorité.
La vertu ou vraie prud’homie, que Charron veut édifier là-dessus, est à son tour « libre et franche, mâle et généreuse, riante et joyeuse, égale, uniforme et constante, marchant d’un pas ferme, fier et hautain, allant toujours son train, sans regarder de côté ni derrière, sans s’arrêter et altérer son pas et ses allures pour le vent, le temps, les occasions ». […] Toutefois, sa pensée et sa recommandation, pour être appréciées comme il faut, ne doivent point se séparer des temps où il écrivait : qu’on se reporte, en effet, à ce lendemain des guerres civiles et des fanatismes sanglants, à ces horreurs récentes exercées des deux parts au nom de la religion et d’une fausse piété, et l’on concevra tout le sens et l’application de cet endroit ; il redoute la confusion si facile à faire quand un zèle excessif s’en mêle ; il craint à bon escient et par expérience que l’on ne traite comme malhonnêtes gens et criminels tous ceux qui ne pensent point en matière de foi comme nous-mêmes, et il cherche, en émancipant moralement la probité, à bien établir qu’il y a des vertus respectables qui peuvent subsister à côté et indépendamment de la croyance. […] Dans l’analyse et la description qu’il donne des quatre vertus essentielles, à l’article « De la prudence », il traite de la prudence politique, de celle qui est requise dans le souverain pour gouverner ses États. […] Il a beaucoup d’expressions de cette sorte, fraîches ou fortes, et presque toujours vives, dont il nourrit et anime sa diction ; il dira, parlant des enfants : « Il faut leur grossir le cœur d’ingénuité, de franchise, d’amour, de vertu et d’honneur. » Il dira, parlant de la ditférence trop souvent profonde et de l’abîme qu’il y a, — qu’il y avait alors, — entre le sage et le savant : « Qui est fort savant n’est guère sage, et qui est sage n’est pas savant. […] » Et ici vient l’exemple des mouches à miel qui n’emportent point les fleurs comme les bouquetières (dont il vient de parler), mais s’asseyant sur elles comme si elles les couvaient, en tirent l’esprit, la force, la vertu, la quintessence, et s’en nourrissent, en font substance, et puis en font de très bon et doux miel, qui est tout leur : ce n’est plus thym ni marjolaine.
Malgré les vertus et les lumières du comte Firmian qui le faisaient aimer et respecter des Milanais, Bonstetten discerna l’incompatibilité radicale qu’il y avait entre le régime allemand et le génie italien ; il s’explique là-dessus très nettement. […] Ramené encore une fois à Berne après tous ces retards et tous ces longs tours, déjà averti de mûrir par la mort de son excellent père qui, en disparaissant, lui laissait ses recommandations plus présentes avec l’exemple de ses vertus, il se résigne enfin à cette vie publique dont l’heure pour lui a sonné. […] En vain son ami Muller le prêche à son tour, essaye de le piquer d’honneur, de le rappeler à la vertu, comme disent les Italiens, à l’idéal, comme disent les autres, à la religion de l’art, à la spéculation et à l’accomplissement d’une œuvre immortelle : Pourquoi, mon ami, vous consumer dans une oisiveté pleine de fatigues ? […] Il se raillait (ce qui est un signe de légèreté) des choses même auxquelles il prenait part ; il n’entrait pas dans l’esprit de ce ferme et stable gouvernement bernois, et il ne commença à le respecter, à l’apprécier et à en reconnaître les vertus qu’au moment où il le vit s’écrouler sous le choc de la Révolution : jusque-là il n’en avait guère aperçu que les défauts. […] On ne s’est jamais mieux rendu compte du monde des émigrés, de leurs qualités et de leurs défauts : Les emplois qu’au temps de la Révolution j’occupais dans ma patrie m’ayant mis en rapport avec quelques milliers d’émigrés, j’ai pu les observer d’assez près pour être étonné de voir combien il y avait de vertus utiles dans les mœurs aimables des Français.
En un mot, ce qu’on appelle vertu publique se sera-t-il accru d’un atome dans votre âme et dans l’âme des générations à venir ? […] Encore une fois, non ; son histoire est sans vertu, bien qu’elle ne soit pas sans honnêteté, mais honnêteté bourgeoise et timide qui semble craindre d’aborder corps à corps une si grande ombre ! […] Thiers, pour tous contre quelques-uns ; le sentiment du gouvernement est à nos yeux une des formes les plus saintes, non seulement du bon sens, mais de la vertu publique. […] Thiers apprécie et fait apprécier cette capacité de gouvernement au-dessus de tous les historiens dans son héros ; il fait du génie une légitimité ; il l’élève souvent jusqu’au rang de vertu, quelquefois au-dessus de la vertu même ; il semble lui reconnaître le droit de mépriser les hommes et d’abuser d’eux, parce qu’il les domine. […] Cet égoïsme au fond qui semble tout remplir est un grand vide, car c’est le vide de tout droit et de toute vertu dans les choses humaines.
Après avoir présenté le tableau touchant des vertus & des bienfaits sans nombre du Duc de Lorraine, qui lui mériterent le surnom de Grand, l’Orateur Historien finit par observer qu’il ne manque à la gloire de ce grand Prince qu’une statue. […] Au reste, si les Gens de Lettres sont plus estimables par l’affection qu’on leur porte dans la Société, que par la considération publique dont ils jouissent ; s’ils sont plus grands par leurs vertus que par leurs talens, par leurs actions que par leurs Ouvrages, il en est peu qui aient su se concilier à un plus haut degré que M.
Comment dire : la vie est cela ; la vertu Est cela ; le malheur est ceci : — qu’en sais-tu ? […] Quelle différence y a-t-il « entre un événement et une saison, entre un chagrin et une pluie, entre une vertu et une étoile ? […] Cependant, ce caractère symbolique peut s’inférer de la doctrine soutenue par Hugo que tout vit, même les choses, et que les animaux sont les « ombres vivantes » de nos vertus et de nos vices. […] Ce qu’on fit, Crime est notre geôlier, ou vertu nous délivre. […] un amour entièrement fait de vertu.
La Philosophie du Fabuliste, il est vrai, ne ressemble en rien à cette manie audacieuse qui tourmente, dégrade & ruine l’humanité, en prétendant l’instruire ; elle est puisée, au contraire, dans la saine raison, présentée avec décence, avec intérêt, & est toujours d’accord avec la politesse & la vertu. […] Les Vertus devroient être sœurs, Ainsi que les Vices sont freres ; Dès que l’un de ceux-ci s’empare de nos cœurs, Tous viennent à la file, il ne s’en manque gueres ; J’entends de ceux qui, n’étant pas contraires, Peuvent loger sous même toit. A l’égard des Vertus, rarement on les voit Toutes, en un sujet éminemment placées, Se tenir par la main sans être dispersées.
Car le sentiment dont je plaide la cause compromise porte avec lui une double vertu. […] Car il aura vu distinctement, à travers les chefs-d’œuvre admirés, le plus sublime des spectacles, la vertu couronnée par le génie ! […] » dans la science, plus haut dans la vertu, plus haut dans l’amour de la patrie, plus haut dans l’amour de Dieu !
Mais, comme en même temps il y a dans chaque siècle un caractère qui s’imprime à tout, la servitude de l’Asie s’étendit dans les Gaules, et l’éloquence corrompue et faible n’y fut, comme ailleurs, que le talent malheureux ou d’exagérer quelques vertus, ou de déguiser des crimes. […] Il eût mieux fait, je crois, de célébrer les vertus de Constance-Chlore, car il en avait. Il eût mieux valu dire que sa valeur n’était rien à son humanité ; qu’empereur il fut modeste et doux ; que maître absolu, il donna, par ses vertus, des bornes à un pouvoir qui n’en avait pas ; qu’il n’eut point de trésor, parce qu’il voulait que chacun de ses sujets en eût un ; que les jours de fêtes, il empruntait la vaisselle d’or et d’argent de ses amis, parce qu’il n’en avait point lui-même ; qu’il fut humain en religion comme en politique ; et que, pendant tout le temps qu’il régna, tandis que les autres empereurs, persécuteurs des chrétiens, lui donnaient l’exemple d’une superstition inquiète et féroce, il ne fit jamais, dans ses États, ni dresser un échafaud, ni allumer un bûcher.
Mes discours ne roulait que sur la pitié qu’inspirent les vertus proscrites, que sur la terreur que produisent les crimes triomphants ! […] « Le même jour qui met un homme libre aux fers, « Lui ravit la moitié de sa vertu première. […] Le nommer, c’était rappeler toutes les vertus, et conséquemment inquiéter tous les vices en possession de sa couronne héréditaire. […] Tout véritable disciple des muses n’est point un homme de faction, mais un libre interprète des vertus durables : son impartialité louera les grandeurs des institutions populaires ainsi que les meilleures lois des empires. […] D’où tiennent-ils ce pouvoir, si ce n’est de la vertu ?
Nous avons encore quelques petits langes tachés de vertu, dit Vautrin à voix basse. […] La vertu ainsi présentée n’est qu’un prêt à usure et sur gages. […] Une situation semblable a produit les mœurs, les sentiments, les vertus et la morale du moyen âge. […] La vertu est toujours sur le bord de deux précipices, la niaiserie et l’emphase. […] Chez Racine, la vertu n’est point bruyante ; il faut la remarquer pour la sentir.