Le génie était la vertu, la bravoure était la gloire.
Mais comme au lac profond et sur son limon noir Le ciel se réfléchit, vaste et charmant à voir, Et, déroulant d’en haut la splendeur de ses voiles, Pour décorer l’abîme y sème les étoiles, Tel dans ce fond obscur de notre humble destin Se révèle l’espoir de l’éternel matin ; Et quand sous l’œil de Dieu l’on s’est mis de bonne heure, Quand on s’est fait une âme où la vertu demeure ; Quand, morts entre nos bras, les parents révérés Tout bas nous ont bénis avec des mots sacrés ; Quand nos enfants, nourris d’une douceur austère, Continueront le bien après nous sur la terre ; Quand un chaste devoir a réglé tous nos pas, Alors on peut encore être heureux ici-bas ; Aux instants de tristesse on peut, d’un œil plus ferme, Envisager la vie et ses biens et leur terme, Et ce grave penser, qui ramène au Seigneur, Soutient l’âme et console au milieu du bonheur.
Les « violets expirés » et les « roses agonisants » surprirent moins que ne scandalisa la transformation de Vénus en « Sodomita Libido », figure allégorique de la luxure, extraite de la Psychomachie de Prudence qui met en scène plusieurs duels de vices et de vertus.
Oui, il était foncièrement bon, Flaubert, et il pratiqua, je dirais, toutes les vertus bourgeoises, si je ne craignais de chagriner son ombre avec ce mot, sacrifiant un jour sa fortune et son bien-être à des intérêts et à des affections de famille, avec une simplicité et une distinction, dont il y a peu d’exemples.
La plupart semblent croire que, depuis Eschyle jusqu’à Ponsard, la tragédie soit une forme immuable et douée de certaines vertus (ou défauts) intrinsèques ; pour les uns elle est la forme suprême, la seule bonne, du théâtre sérieux ; pour les autres, elle est la prison où les talents s’étiolent.
Tel est son principe de la corrélation des formes, en vertu duquel : 1° aucune partie ne peut changer sans que les autres changent aussi ; 2° étant donné la forme d’un organe, il est possible de calculer celle des autres. Tel est encore son principe des conditions d’existence, en vertu duquel chaque animal possède exactement ce qu’il lui faut pour assurer son existence dans les conditions où il est placé.
Historien aussi net que ceux-là même qui, se bornant à leurs impressions personnelles, pratiquent forcément la vertu de sobriété, observateur minutieux non seulement des phénomènes scrutés par lui-même, mais encore des nuances devinées, suggérées ou saisies au vol de la conversation, Balzac, riche entre tous, et n’ayant d’autre tort que de mettre en œuvre, un peu au hasard, le trésor de matériaux amassés par lui, a pu écrire cent romans de la vie actuelle, historiques au plus haut point possible, et dont l’ensemble, si incomplet qu’il soit resté faute de temps, excuse l’ambition immodérée de son titre : La Comédie humaine. […] Ingres, avec lequel son talent a plus d’un trait de ressemblance, savant et naïf comme lui, prenant comme lui ses modèles aux belles époques du passé, comme lui persévérant dans l’unité de sa vie, toujours semblable à soi et marquant du même cachet ses œuvres capitales : Lucrèce, Agnès de Méranie, Charlotte Corday, L’Honneur et l’argent, Le Lion amoureux, dépassées, au point de vue de l’éloquence, par l’épique inspiration de son Galilée ; Émile Augier, ce frère jumeau du début de Ponsard, son second dans la querelle des deux écoles, cet autre talent fait de clarté, de vigueur, de hardiesse et de liberté gauloise ; plus souple et moins convaincu ; plus curieux, plus attentif aux mouvements de la littérature ; prompt à se porter du côté où va celui qui marche, non pas pour marcher à la suite, mais pour aller plus loin encore ; né pour oser, étonné d’avoir remporté un prix de l’Académie Française, se sachant meilleur gré d’avoir fait L’Aventurière que Gabrielle, et heureux de s’être racheté par Le Mariage d’Olympe ; main hardie, résolue à lever les masques de la société ; père de ce drôle cynique que nous avons vu tout à l’heure, qui se nomme Giboyer comme Figaro se nomme Figaro ; petit-fils lui-même de Regnard et de Beaumarchais ; qui fait de la prose son arme de combat, garde le vers pour la comédie de passion ou d’aventure, et, un moment trahi par la fortune du théâtre, se prépare un quatrième triomphe avec une grande œuvre écrite dans la grande forme littéraire ; Octave Feuillet, écrivain d’élite, que la lecture d’Alfred de Musset a d’abord révélé à lui-même, mais qui est entré en possession de sa nette et gracieuse originalité ; Marivaux d’un siècle sérieux, sérieux comme son siècle, et dont l’esprit a vécu plus intimement dans la confidence du cœur ; plume finement taillée pour les délicates et ingénieuses analyses ; auteur dramatique d’un ordre à part ; nature charmante et distinguée qui a fait des sentiments de l’honnête homme et de l’homme de famille son exquise élégance ; qui ne veut pas laisser à ce qui est en dehors du bien le privilège de la séduction ; qui prête l’attrait au bon conseil, à la foi simple, à la pratique des vertus douces et modestes ; champion de la province dont il est l’hôte et qu’il a raison d’aimer parce qu’il y garde bien sa physionomie personnelle, parce qu’il y emporte, pour les mieux étudier à l’écart, les souvenirs avec lesquels il s’est élevé aux hardiesses de Dalila, et qu’il y trouve les modèles, discrètement, ingénument supérieurs, du Village et du Cas de conscience ; Georges Sand, nom illustre même au théâtre, talent androgyne comme Mme Ém. de Girardin, plus mâle à son début, mais où la femme tend peut-être à se dégager chaque jour davantage, tandis que Mme Ém. de Girardin, par une contraire évolution, arrivait dans ses dernières œuvres au caractère complet de la virilité ; Georges Sand, écrivain supérieur, plume douée d’un don de magie, passion pénétrante et subtile, séduction qui trouble et qui égare, charme inquiétant vis-à-vis duquel il faut veiller sur soi, de peur d’être surpris et d’admettre, en applaudissant, que la lignée d’Adam est toujours égoïste, irrésolue, sans grandeur et sans courage ; que la descendance d’Ève est toujours dévouée, intrépide, héroïque ; que, dans ce monde mal fait où rien n’est à sa place, on doit toujours chercher la plus pure vertu au fond de toutes les chutes et le plus légitime orgueil au fond de toutes les misères : conclusion inévitable d’un théâtre qui n’en est pas moins essentiellement aristocratique dans sa forme précieuse et distinguée, exquis par la vérité délicate du détail, par la finesse lumineuse du dialogue et la grâce vivante du tableau, consacré enfin par trois grands succès : François le Champy, Le Mariage de Victorine et Le Marquis de Villemer ; Alexandre Dumas fils, l’aîné, par le succès, des auteurs de la comédie moderne, celui qui l’a émancipée et mise en état de tout dire ; riche et complète nature, mélangée de rêverie, de chimère, d’audace et de justesse d’esprit ; praticien consommé, fécond en expédients, rompu à toutes les combinaisons de la scène, et attiré vers les thèses dangereuses où s’endort quelquefois l’action alanguie ; tenté de se perdre dans le discours, dans la discussion et le paradoxe ; prêt à sauver telle pièce qui se sent sombrer et lui fait un signal de détresse ; risquant tout pour lui-même et ne hasardant plus rien pour les autres ; sûreté de coup d’œil impitoyable ; main d’opérateur qui coupe dans le vif et dégage de tout ce qui le gêne le succès du Supplice d’une femme ou celui d’Héloïse Paranquet ; Théodore Barrière, qui devait être journaliste s’il n’eût été auteur dramatique, et qui a fait du vaudeville le précurseur de la petite presse : chroniqueur avant la chronique quotidienne, oseur, improvisateur, Parisien-né comme la Fronde, hardi à l’escarmouche, prompt aux hardiesses de la comédie satyrique, recommençant Aristophane selon notre mesure et s’incarnant avec éclat dans le Diogène nouveau dont il a créé la figure et le nom ; mais impatient, capricieux, obéissant à deux instincts qui le poussent l’un vers le pamphlet, l’autre vers l’élégie et l’idylle ; trop pressé de produire pour choisir entre les deux, d’arriver à temps pour finir, et de finir pour achever ; esprit fécond qui sait bien que les revers ne comptent pas, mais qui a le droit de compter fièrement ses grandes victoires ; moraliste vigoureux qui a eu le coup de fouet et le coup de dent, qui vise ailleurs aujourd’hui et va un peu à l’aventure, mais qui retrouvera la voie des belles soirées quand, au lieu d’allumer sa lanterne pour chercher où en est le succès chez les autres, il se reprendra tout simplement à étudier Les Faux Bonshommes et Les Filles de marbre, avec le cigare étincelant de Desgenais ; Victorien Sardou, venu après les autres, et qu’ils rencontrent aujourd’hui sur toutes les scènes ; comparable par sa fécondité à Eug.
Un esprit fortement constitué vaut par lui-même et force l’attention du public par sa vertu propre. […] Mais vous insistez avec une telle vertu qu’enfin je m’installe sur le chevalet de votre Question. […] Sont-elles autre chose que d’harmonieux phénomènes émanés de causes vicieuses qui s’amendèrent jusqu’à telle vertu réalisée ? […] Déjà ces poètes regrettent le vieil avenir : éloigné hanaan où les œuvres d’art seront des Idées sensifiées ayant l’existante vertu d’une source, d’un amour, d’un triomphe, d’une colline ou d’un océan, Chanaan où les Odes se mireront dans les fontaines, les Élégies déperleront sur les colonnes abattues, les Passions s’agiteront sur la scène des vallons. […] Riches de tous les péchés sans doute, assurément de toutes les vertus — d’où l’étrange miséricorde — ils seront reconnaissables, ayant à la fois cet air de revenir de l’enfer qu’avait l’homme de Florence et cet aspect de retourner au firmament qu’avait l’homme de Nazareth.
Tout aussitôt après ceux qui en furent les renommées brillantes et les gloires, on dira qu’il en a été l’un des talents les plus vrais, un des caractères les plus purs, une des vertus enfin et un exemple.
Mais nous comptions sans le beau-frère qui nous interdit toute joie profane, et nous ramène à des sentiments sérieux par cette exhortation finale tout à fait pathétique : Souhaitez que son cœur en ce jour Au sein de la vertu fasse un heureux retour ; Qu’il corrige sa vie en détestant son vice, Et puisse du grand prince adoucir la justice92.
Il avait des vertus.
Le principe d’économie que nous avons exposé dans un chapitre précédent, et en vertu duquel tous les matériaux qui forment un organe inutile à son possesseur sont épargnés autant que possible, doit aussi probablement jouer son rôle, et tendre de plus en plus à causer l’entière oblitération de l’organe rudimentaire.
Nos habitudes associationnistes sont là, en vertu desquelles nous nous représentons des sons qui évoqueraient par contiguïté des souvenirs auditifs, et les souvenirs auditifs des idées.
C’est si bon de se croire honnête, de passer une soirée à manger de la vertu en tirades, quitte à reprendre le lendemain son petit négoce plus ou moins louche ! […] Paul Deroulède qui passe du coup auteur dramatique, en criant simplement, le plus fort qu’il peut : « Je suis l’armée, je suis la vertu, l’honneur, la patrie, je suis les beaux sentiments !
On songe en leur présence à ce fils de prince comblé dès sa naissance de talents, de vertus, de grandeurs, mais qu’une méchante fée a rendu aveugle, et qui languit inerte, impuissant, misérable dans son berceau tout chargé de couronnes et brodé d’or. […] « Si hasardeuse que soit l’issue, — ô dieux, je la mets sur vos genoux. — On vous loue d’être véridiques, et vous l’êtes. — Montrez-le donc par votre assistance, « et glorifiez par moi la vérité. » On entend le généreux accent de cette voix frémissante ; on voit ces bras de canéphore se lever vers l’autel de la déesse ; c’est la prêtresse qui parle, c’est la fille des héros, c’est une enfant des vieux poètes, mais c’est aussi la créature humaine, qui « soulevée hors d’elle-même et portée jusqu’à des hauteurs inconnues, aperçoit, par-delà son culte temporaire, la divinité de la vertu. […] Il a cessé de considérer la vertu comme un fruit de l’instinct libre, et d’allier les délicatesses de l’âme à la santé du corps. […] Parfois même, par la seule vertu de l’analogie, il arrive à des conceptions qui, pour devenir des théories prouvées, n’ont plus besoin que de preuves.
On ne gagnerait jamais des qualités qui manquent, des vertus que l’on n’a pas. […] Qui autant que moi a su lire, a su mesurer du premier coup votre merveilleuse Histoire de quatre ans, qui autant que moi en a vu, en a proclamé du premier coup la vertu comme singulière, les approfondissements mystérieux, les reculées presque invraisemblables, les troubles horizons d’inquiétude, les avenues infinies, les avancées, les détresses, les grandeurs souvent uniques. […] Seigneur, de vos bontés il faut que je l’obtienne ; Elle a trop de vertus pour n’être pas chrétienne : Avec trop de mérite il vous plut la former, Pour ne vous pas connoître et ne vous pas aimer, Pour vivre des enfers esclave infortunée, Et sous leur triste joug mourir comme elle est née.