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826. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

Dans une suite de chapitres ou de livres traitant de la religion, de la propriété, de la famille, du travail, de l’association, des rapports privés et du gouvernement, il a parcouru et approfondi tous les aspects, les modes de combinaison et les ordres de sentiments et de faits sous lesquels se présentent les sociétés modernes, et il a proposé en détail dans chaque ordre son plan raisonné de réforme. […] Jusqu’à une époque que je fixerai vers l’an 1750, l’aisance du peuple français avait toujours augmenté, c’est-à-dire que la quantité des subsistances s’accroissait plus que celle des habitants, et que, pour le même travail, ils en obtenaient tous les jours une ration plus forte… » Paris, l’énorme capitale qui s’est accrue successivement de tant de richesses et aussi recrutée de tant de cupidités et de misères, cette cité-tête-monde et gouffre que nous définissait admirablement hier M. le baron Haussmann qui a si bien qualité pour cela32, était, on le conçoit, l’épouvante et le cauchemar de ce M.  […] Germain pour ses beaux travaux sur la Commune de Montpellier33.

827. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

Zeller en résume ainsi les préceptes, qui tiennent à la fois de la culture ou de l’hygiène locale et de la morale universelle : « Entretenir avec un soin religieux le feu, chose sacrée, dans le temple et au foyer domestique ; respecter l’eau qui coule et qu’on ne doit jamais souiller par un contact impur, surtout celui d’un cadavre ; couvrir, purifier, embellir la terre en multipliant, par le travail et les arrosages, la moisson jaunissante, la forêt qui tamise les rayons du soleil, et les arbres qui portent les doux fruits ; élever, nourrir les animaux nobles et faire une guerre sans relâche aux impurs, voilà comme le sectateur de Zoroastre combat le mal physique dans la nature. […] Association de pères de famille, agriculteurs et guerriers, qui couvre peu à peu les sept collines, ayant au-dessous d’elle des clients nombreux, la cité est d’abord un patriciat jaloux qui retient d’une manière incommunicable, non-seulement le gouvernement, mais le culte, le droit civique, et comme la famille même et la propriété. » On sait toutes les crises par où l’on dut passer avant de forcer une à une les barrières : patriciat hautain et féroce, révoltes populaires, sécessions à main armée et droits conquis, puissance des tribuns ; puis, en dehors de Rome, le travail des peuples latins et italiens, leur révolte aussi, la guerre sociale, et les alliés vaincus faisant irruption pourtant dans la cité et gagnant en définitive leur cause. […] Zeller hésite un peu sur ce point ; mais il n’hésite pas quand il attribue à César l’idée de fonder, sous un nom ou sous un autre, une monarchie populaire, universelle et, en quelque sorte, humaine : « Étendre le droit de cité à tous les hommes libres de l’Empire, régner sur le monde pour le monde entier, non pour l’oligarchie ou la démocratie quiritaires ; abaisser les barrières entre les classes comme entre les nations, entre la liberté même et la servitude, en favorisant les affranchissements et en mettant le travail en honneur ; avoir à Rome une représentation non du patriciat romain, mais du patriciat du monde civilisé ; fondre les lois de la cité exclusive dans celles du droit des gens ; créer, répandre un peuple de citoyens qui vivent de leur industrie et qu’on ne soit pas obligé de nourrir et d’amuser : voilà ce qu’on peut encore entrevoir des vastes projets de celui qu’on n’a pas appelé trop ambitieusement l’homme du monde, de l’humanité ; voilà ce dont témoignent déjà les Gaulois, les Espagnols introduits dans Rome, Corinthe et Carthage relevées, et ce qu’indiquent les témoignages de Dion Cassius, de Plutarque, de Suétone, bien qu’ils aient pu prêter peut-être à César quelques-unes des idées de leur temps. » César (s’il est permis d’en parler de la sorte à la veille d’une publication par avance illustre), César, au milieu de tous ses vices impudents ou aimables, de son épicurisme fondamental, de ce mélange de mépris, d’indulgence et d’audace, de son besoin dévorant d’action, et de cet autre besoin inhérent à sa nature d’être partout le premier, César, à travers ses coups de dés réitérés d’ambitieux sans scrupule et de joueur téméraire, avait donc une grande vue, une vue civilisatrice : il n’échoue pas, puisque son idée lui survit et triomphera, mais il périt à la peine, parce qu’il avait devancé l’esprit du temps, tout en le devinant et le servant, parce qu’il vivait au milieu de passions flagrantes et non encore domptées et refoulées.

828. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

On a vu dernièrement, on a surpris la façon de travail et d’étude d’André Chénier : on a assisté aux ébauches multipliées et attentives, dans l’atelier de la muse. […] On a les bénéfices de sa gloire ; il faut bien avoir pour elle quelque révérence en retour. « Vous savez comment je les écris, ajoute-t-il en parlant de ses pièces de vers, vous savez combien je les apprécie à leur peu de valeur ; vous savez combien je suis incapable du pénible travail de la lime et de la critique sur moi-même. […] Dès qu’on n’est plus inspiré par un sentiment souverain, impétueux, unique, qui décide et apporte avec lui l’expression ; dès qu’on flotte entre plusieurs sentiments, et qu’on peut choisir ; qu’on en est à redire les choses profondes, à exhaler le superflu des émotions nouvelles, il faut que le travail, l’art, ou, pour exiger le moins possible, un certain soin quelconque aide à l’exécution, et y ajoute, y retranche à l’extérieur par le goût ce que l’âme, tout directement et du premier coup, n’a pas imprimé.

829. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

En revenant sur lui après tant de panégyristes et de biographes, après les travaux de M.  […] Au premier abord, et à ne juger que par les œuvres, l’art et le travail paraissent tenir peu de place chez La Fontaine, et si l’attention de la critique n’avait été éveillée sur ce point par quelques mots de ses préfaces et par quelques témoignages contemporains, on n’eût jamais songé probablement à en faire l’objet d’une question. […] Il ne faudrait pourtant pas mettre sur la même ligne, pour l’ensemble des travaux, La Curne de Sainte-Palaye, qui en a fait d’immenses, et Tressan qui n’en a fait que de fort légers.

830. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Mais plus tard, à Lyon, quand pour vivre il ajoute à ses travaux d’humaniste, à sa médecine, à ses almanachs une bouffonne imitation des vieux romans, il y tire sa principale inspiration des profondeurs de son expérience ; le souvenir de ses plus essentiels instincts comprimés et menacés pendant tant d’années met dans l’œuvre comme deux points lumineux : la lettre de Gargantua à Pantagruel, et l’abbaye de Thélème. […] Rabelais en effet n’est pas seulement un helléniste, un médecin, un curieux investigateur de l’antiquité et de la nature : il sait beaucoup, mais surtout il y a en lui une âme, un esprit de savant ; il a eu le culte et la notion de la science, et son programme d’éducation, chimérique même pour ses géants, est le programme du travail de la raison moderne. […] Et je le croirais : il a regardé la vie en mouvement, en travail.

831. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Il entend vivre de son travail. […] Car la vie matérielle soumet à ses nécessités le travail littéraire ; le besoin d’argent règle la production. […] Prévost d’Exiles (1697-1763). novice chez les jésuites, volontaire à l’armée, revient aux jésuites, retourne à l’armée, fait profession et reçoit la prêtrise chez les bénédictins de la réforme de Saint-Maur, qui l’emploient, à enseigner, à prêcher, puis, à Saint-Germain-des-Prés, au travail de la Gallia Christiana.

832. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Tous les contemporains s’accordent à dire qu’il n’était pas homme de grand travail : « Il travaille peu parce qu’il veut trop bien faire », disait Chapelain. […] N’oublions pas l’état de la langue sous Richelieu et le travail qui était en train de s’accomplir. […] C’est ainsi que le travail du Dictionnaire dit de Richelet fut enlevé en quinze ou seize mois.

833. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Ce rude travailleur en choses éphémères, ce bénédictin de robe… trop courte, avec ses vastes connaissances, son encyclopédisme littéraire, son amour des idées et de tout ce qui ressemblait à une idée, son besoin plus pressant que sûr de généraliser, son style fringant, piquant, brillant et trempé aux sources de tous les idiomes, Philarète Chasles, n’a pas laissé, en somme, un grand livre pense et voulu, construit avec art, ferme sur sa base, une œuvre centrale, enfin, qui eût donné exactement sa mesure et qui aurait empêché de la chercher confusément, ainsi qu’on le fait aujourd’hui, dans des travaux éparpillés, —  disjecta membra poetæ . […] Moins impétueux et moins facile dans le travail, Sainte-Beuve, ce lécheur qui quelquefois se débarbouillait en se léchant, et que ses secrétaires — les sages-femmes de sa pensée — accouchaient d’enfants malingres à mettre dans des bocaux d’esprit-de-vin, n’avait pas la fécondité spontanée, le jaillissement, l’improvisation bien portante et robuste de Chasles, qui lui était très nettement supérieur, hormis en un seul point : il n’avait pas fait et il n’aurait pas fait Joseph Delorme. […] V Petit résultat pour de si grands travaux Les œuvres de Chasles publiées depuis sa mort, n’ajouteront rien à ce résultat.

834. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

Quand on a passé toute sa vie dans la chasteté du travail, dans le recueillement de l’étude, quand on est — par la science, du moins, — un moderne bénédictin de l’histoire, quelle fin à faire que le livre de Michelet ! […] Puis, ce fut une Histoire de la Révolution, dans laquelle, se distançant lui-même, l’auteur de l’Histoire de France sautait à pieds joints par-dessus la tête de je ne sais combien de règnes et violait l’ordre et l’économie de son grand travail historique, avec la hâte d’un homme qui court raide au sujet qui fait dans notre temps tout livre populaire : la Révolution ! […] Mais à cela près de cette tempête, hommage rendu au sujet et coup de rhétorique dont l’ancien professeur n’a pas voulu se priver, Michelet n’est plus partout dans son livre qu’utilitaire, progressif, homme des travaux publics, appliquant la philanthropie et les congrès de paix aux baleines, parlant, parlant, parlant télégraphie sous-marine, lois des tempêtes, phares, bains de mer (bains de mer pour les femmes !

835. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

J’ajoutai qu’en ce moment j’avais recours à lui, ne pouvant achever seul ; si je ne faisais clairement cette exposition, mon travail restait inutile ; il serait sot de montrer les fautes sans indiquer les moyens de les éviter ; ayant affirmé que la méthode de l’école est mauvaise, je devais expliquer la bonne ; pour dégager les gens d’une voie, il fallait les engager dans une autre, et pour cela j’avais compté sur lui. […] Cette substitution est le vrai progrès des sciences positives ; tout leur travail et tout leur succès depuis trois siècles consistent à transformer les grosses masses d’objets qu’aperçoit l’expérience vulgaire en un catalogue circonstancié et détaillé de faits chaque jour plus décomposés et plus nombreux. […] Jouffroy lui-même avouait qu’il n’enseignait rien de neuf à ses auditeurs, que tout son travail était d’éclaircir leurs idées obscures, qu’il les acceptait pour juges, et que leur assentiment ou leur incertitude vérifiait ou réfutait ses descriptions.

836. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 343

Sa santé altérée par le travail, répandit sans doute sur son style une sécheresse que ses mœurs n’avoient pas.

837. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 520

On pourroit former un très-bon Recueil de son Journal, sous le titre d’Esprit de le Clerc ; il faudroit pour cela qu’un homme de goût se chargeât de ce travail.

838. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 188

Ce genre de travail peut être utile ; il suppose de l’étude, des recherches, de la méthode, & cet Auteur peut avoir ces bonnes qualités ; mais ce ne sont pas les qualités que le Siecle estime.

839. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Parrocel »

Quand j’ai regardé ce morceau ; que j’y ai aperçu quelque dessin, un peu de couleur, un grand travail, et que je me suis dit, Cela est détestable, j’ai ajouté tout de suite, Ah, que l’art de peindre est un art difficile.

840. (1888) Portraits de maîtres

Seul, pauvre et triste, Chateaubriand n’eut d’autre refuge que le travail acharné. […] Tout phénomène est préparé, toute production élaborée par un travail intime, une maturation lente. […] Son travail, si intéressant d’ailleurs, trahit, sinon le panégyrique, au moins l’apologie continue. […] C’est d’abord le banquet mystique de Lyon, la ville du travail et du rêve. […] Salut au banquet de la Révolution, à la cène du sacrifice, où rien n’est donné qu’à l’effort et au travail.

841. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

. — Ce que nous appelons crédit, entreprise, travail en grand, est inconnu. […] D’autres, oubliant le travail et la vie, restent immobiles sur la plage, perdus dans la contemplation du miroir magique. […] Un troisième cours a pour objet le travail et la richesse. […] Toute la journée il est aux champs et le travail agricole cloue la pensée de l’homme à la terre. […] Déjà écrivain, il devint en outre professeur, et, jusqu’à la fin, il ne vécut que de son travail.

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