Cooper est allé se perfectionnant de jour en jour ; il a mieux connu son talent, à force de le mettre à l’œuvre ; sa manière, d‘abord timide et douteuse, est devenue plus ferme, plus large, plus originale ; il a osé avoir ses qualités et ses défauts propres ; en un mot, sans jamais cesser d’appartenir à la famille du romancier écossais, il a suivi sa route à part, et le colon s’est émancipé. […] Cooper, en effet, ne conte pas pour conter, mais pour décrire : cette remarque bien entendue nous donnera la clef de son talent.
Scribe continue à produire, sans que cette facilité surprenante, qui est la plus grande partie de son talent, en éprouve la moindre lassitude. […] Les acteurs ont fait preuve de talent.
Malebranche, le talent de mettre à la portée de tous les esprits, les idées les plus profondes & les plus abstraites. […] Malebranche, est comparable à celui que Platon fait jouer à Socrate ; ce personnage a même un talent supérieur à celui du Grec, pour faire accoucher ses Auditeurs de vérités dont ils ne se doutoient pas, quoiqu’elles fussent en eux.
Ceux dont je parle n’auroient pas mérité l’estime qu’on a pour eux, s’ils n’avoient donné des preuves de quelque talent. […] On y voit Jules représenté comme le plus grand guerrier de son siècle, parce que, dépourvu de fortune & de talent, il avoit fait, dans sa jeunesse, quelques campagnes en Italie, en qualité de simple soldat ; comme le plus habile médecin de l’Europe, parce qu’il avoit pris des dégrés dans la faculté de médecine de Padoue, & qu’il exerçoit cet art, moins pour guérir les autres, que pour s’empêcher de mourir de faim ; comme meilleur latiniste qu’Erasme, & supérieur en tout à Cardan, parce qu’il fut l’ennemi juré de l’un & de l’autre.
Ces exercices publics soutiendront l’émulation entre les maîtres et les élèves, ils constateront le talent des uns pour apprendre, et le talent des autres pour enseigner.
Le poëte dont le talent principal est de rimer richement, se trouve bien-tôt prévenu que tout poëme dont les rimes sont négligées ne sçauroit être qu’un ouvrage médiocre, quoiqu’il soit rempli d’invention, et de ces pensées tellement convenables au sujet, qu’on est surpris qu’elles soient neuves. Comme son talent n’est pas pour l’invention, ces beautez ne sont que d’un foible poids dans sa balance.
Mais il est d’autres professions où les derniers venus n’ont pas le même avantage sur leurs prédecesseurs, parce que le progrès qu’on peut faire en ces sortes de professions, dépend plus du talent d’inventer et du génie naturel de celui qui les exerce, que de l’état de perfection où ces professions se trouvent lorsque l’homme qui les exerce fournit sa carriere. […] C’est que le talent de discerner le temperament du malade, la nature de l’air, sa temperature présente, les symptomes du mal, ainsi que l’instinct qui fait choisir le remede convenable et le moment de l’appliquer, dépendent du génie.
Rien ne nourrit davantage l’amour-propre, quelque peu de talent qu’on ait, et quelque peu de cas qu’on fasse de cette sottise qu’on nomme réputation. […] On est obligé de s’avouer qu’on ne connaissait pas l’homme à un certain degré de profondeur auparavant, La misanthropie de La Mennais, à cette heure, déborde même sur le talent singulier, sur le talent par excellence qui lui a été accordé : il en a fait fi, que dis-je ? […] Mais que le talent est donc une puissance trompeuse et capable de faire illusion ! […] Il écrivait, le 27 décembre 1817, à l’occasion d’une brochure de Chateaubriand : « Cet homme a un grand talent, mais son esprit a peu de racine, et c’est ce qui fait que sa gloire séchera promptement.
Une personne dont on ne saurait assez reconnaître le bienfaisant génie revêtu de charme, Mme Récamier, de bonne heure avertie par M. de Latouche du talent et de la situation de Mme Valmore, s’était mise en peine pour l’obliger. […] Il me reste à vous supplier de prendre sur vous mes vifs remerciements et mon respectueux refus ; c’est à votre adorable bonté que j’ai dû la distinction d’un homme illustre qui m’ignorait, et c’est à vous, madame, que mon âme demeure éternellement acquise. » Dans cette même lettre toutefois, sachant les démarches de Mme Récamier pour lui faire obtenir une pension régulière par l’entremise du vicomte de La Rochefoucauld, Mme Valmore ajoutait : « Je vous la devrai, madame, et avec joie, si quelque jour on accorde à votre demande ce dont vous ne me jugez pas indigne ; je voudrais avoir bien du talent pour justifier votre protection qui m’honore, et pour mériter l’encouragement vraiment littéraire que vous entrevoyez dans l’avenir ; je serai contente alors de l’obtenir de vous, et je n’aurai ni assez d’orgueil ni assez d’humilité pour m’y soustraire… » Mais lorsque cette petite pension fut obtenue, — une pension au nom du roi, — ce fut de la part de l’humble et généreux poète un sentiment de peine et de résistance morale à l’aller toucher. […] Le malheur qui le frappe m’atteint très sensiblement. » On n’est pas habitué, je l’ai dit, à considérer Mlle Mars par le côté du sentiment : cette femme, d’un talent admirable, passait, dans ses relations de théâtre, pour une personne assez rude, peu indulgente aux camarades et au prochain ; mais, pour ceux qu’elle aimait, elle était amie sûre, loyale, essentielle et positive. […] … » — Et à ce seul point de vue du talent littéraire et poétique, qui se révèle en tout ce qui s’échappait de sa plume, vers ou prose, qu’on me permette de joindre encore un dernier témoignage, comme appréciation de cet art exquis et naturel qu’elle portait en elle. […] C’est un talent naturel, lors même qu’on serait parfois tenté de croire à quelque recherche.
Comme poëte, comme artiste, comme écrivain, on a souvent rabaissé sa qualité de sentiment, sa manière de faire ; il a eu peine à se pousser, à se classer plus haut que la vogue, et malgré son talent redoublé, malgré ses merveilleuses délicatesses d’observation, à monter dans l’estime de plusieurs jusqu’à un certain rang sérieux. […] L’auteur de Louis Lambert et d’Eugénie Grandet n’est plus un talent qu’il soit possible de rejeter et de méconnaître. […] Il me semble exactement en effet un magnétiseur, un alchimiste de la pensée, d’une science occulte, équivoque encore malgré ses preuves, d’un talent souvent prestigieux et séducteur, non moins souvent contestable ou illusoire. […] Pourtant le non-succès de sa tentative industrielle le rendit vite à la seule littérature, mais sur un tout autre pied que devant. « L’imprimerie, dit-il, m’a pris tant de capital, il faut qu’elle me le rende ; » et redoublant d’activité, révélant enfin son talent, il a tenu son dire. […] Lamartine. — Le dramaturge Mercier, qui, pour l’exubérance, les inégalités et les hasards de talent (bien qu’avec moins de finesse), n’est pas sans rapport avec M. de Balzac, eut en son temps une vogue presque semblable.
Il est insupportable de voir la Harpe le compter, avec Pascal et Buffon, « parmi les trois hommes qui ont eu le génie de la science et le talent d’écrire », et le louer « de ce style élégant et ingénieux qui se proportionne à tous les sujets et se plie à tous les tons. » D’Alembert y a tâché ; il a bien connu les convenances du genre ; mais lorsqu’il réussit, c’est par savoir-faire plutôt que de veine. […] Il avait trop de célébrité et de talent pour n’en être pas tenté, et il n’était pas fait pour elle. […] La politique ne fit pas de Chateaubriand un homme d’Etat, et elle gâta son talent littéraire. […] Mais la politique n’a pas seule à s’imputer la corruption d’un grand talent et d’une belle langue. […] Il y avait pourtant des beautés dans ce travail ; je n’en regrettai que plus de voir se dissiper ainsi les restes d’un talent encore puissant, et une œuvre de vieillard à laquelle manquait la gravité.
On peut lire sa première intrigue avec la jeune veuve de qualité qu’il rencontre à Guise, son autre intrigue avec la belle comtesse qu’il voit à Moulins, et les scènes bizarres et un peu grotesques du château délabré qu’il décrit avec complaisance et avec un véritable talent littéraire. […] Il avait de la foi et de la probité aux grandes occasions, et il était né insolent et sans égard mais l’adversité lui avait appris à vivre… On voit que Bussy avait le talent de peindre les physionomies et les caractères, et d’assembler les contraires dans un même point de vue, sous un même coup d’œil. […] Son véritable talent, qui est, à mon avis, le plus estimable à la guerre, était de rétablir une affaire en méchant état. […] Pour commenter en quelque sorte, et démontrer cette supériorité distinctive du talent de Turenne, qui consistait à tirer bon parti d’une affaire déjà compromise, et à la rétablir à force d’habileté de détail, de ténacité et de prudence, Bussy, dans ses Mémoires, se plaît à exposer en ce sens les opérations de la campagne de Flandre de 1656, pendant laquelle Turenne fit preuve de toutes ces qualités combinées qui caractérisent sa première manière militaire. […] Quoi qu’il en soit, avec tous ses défauts, son inclination aux plaisirs, son goût connu et son talent irrésistible pour les épigrammes et les chansons, avec ses désordres de conduite, son grain de libertinage et d’esprit fort, sa fureur du jeu, où il avait un bonheur insolent, Bussy, vers 1659, était en passe d’arriver à la plus haute fortune militaire, lorsque la paix vint le livrer sans distraction à ses périlleux penchants.
J’en risque l’affaire, et je vous parlerai désormais du génie de conteur de La Fontaine, ou plutôt de son talent de conteur de son joli talent dramatique, de son charmant talent de touriste et enfin de son génie comme fabuliste. […] La traduction de l’Eunuque ne doit pas compter dans une étude générale du talent de La Fontaine. […] En s’exerçant avec Clymène, La Fontaine n’a pas fait autre chose qu’expérimenter son talent et s’essayer dans l’ordre d’art qu’il devait plus tard adopter et ne jamais quitter.
Les journaux, tenus alors comme aujourd’hui par des médiocrités jalouses, et livrés aux prostitutions qui rapportent, ne dirent pas un mot de l’auteur du Centaure, et comme ces journaux, qui déshonorent la gloire en la faisant, sont, en définitive, les seuls moyens de publicité qu’ait le talent littéraire dans une époque qui ne lit plus, eux se taisant, le nom de Maurice de Guérin retomba naturellement dans l’oubli. […] Nous qui avions l’intention de dire plus tard, dans un détail qui éclaire le talent par la vie, ce que fut Maurice de Guérin, nous avions senti, en lisant ces lettres, que jamais, quoi qu’il pût arriver, il n’inspirerait désormais un pareil langage, et nous voulûmes que ceux qui l’avaient aimé pussent en juger. […] Depuis qu’il était sorti du collège et qu’il était entré dans le monde, Georges-Maurice de Guérin avait été toujours errant, tantôt chez M. de Lamennais, en Bretagne, où il vit le Lucifer du sacerdoce pencher longtemps sa tête d’astre sur le gouffre au fond duquel il allait se précipiter ; tantôt à Paris, ici ou là, obligé aux luttes familières à tous les membres de cette pauvre société déclassée, et sauvant de ces luttes qui auraient dû l’écraser, le talent le plus fait pour le repos, la contemplation, la position horizontale, et ce que les gens, qui suent aux mécaniques de ce temps, appelleraient peut-être l’oisiveté. […] On a vu déjà combien la gangrène du bas-bleuisme se forme et s’étend vite sur les chairs lumineuses des talents les plus naturels et les plus sains. […] Et c’est pour cela qu’elle est mise ici, dans ce livre sur les bas-bleus, pour montrer que la vraie gloire du talent chez les femmes, c’est surtout de ne pas faire partie de cet abominable bataillon !
* * * — Il y a des écrivains dont tout le talent ne fait jamais rêver au-delà de ce qu’ils écrivent. […] Il y a la signature du caractère et la griffe du talent dans cette main de l’homme. […] Il n’y a qu’à Rome que nous trouvons le gras des contours. » Celui-là était Carpeaux5, un jeune sculpteur de grand talent. […] Or, à l’heure présente, il n’y a pas un homme de génie ou de talent, depuis Hugo jusqu’au dernier de nous, qui ne remplacerait cette généralité par un détail. […] Ce soir, nous avons failli nous faire lapider pour soutenir que Hébert, l’auteur du Père Duchêne — que du reste personne de la table n’a lu — avait du talent.
J’oserai dire, quoique une telle affirmation prenne une singulière allure de paradoxe, que le talent ne peut pas mentir. […] On peut dire que la mesure de sa valeur historique, — je reprends le terme, — est celle même du talent d’un auteur. […] Mais le bilan d’un siècle ne se dresse pas d’après les talents des hommes qui l’ont illustré. […] La valeur du talent est donc une chose. La valeur des idées que sert ce talent en est une autre.