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1790. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

et elle se prête peu à ces égorgements d’un homme par un autre, ce dernier eût-il tous les talents du monde. […] Dangeau avait de la littérature ; il rimait en homme du monde, faisait des impromptus au moment où on le croyait tout occupé ailleurs, et gagnait des gageures par des tours de force d’esprit : ce sont là des mérites bien minces de loin, mais qui sont comptés de près ; et lorsque l’on voit dans la notice des éditeurs tous ses talents divers, un peu à la guerre, un peu dans la diplomatie, sa manière de s’acquitter de bien des emplois avec convenance, ses assiduités surtout, ses complaisances bien placées, sa sûreté de commerce et son secret, on n’est pas étonné de sa longue faveur, et on est obligé de convenir qu’il la méritait ou la justifiait.

1791. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Au commencement du xviie  siècle, le Tasse et son poème eurent la vogue, et on lisait en France La Jérusalem presque autant que L’Astrée ; mais, à partir de la seconde moitié du xviie  siècle, le Tasse lui-même s’éclipsa pour nous ; la France, si ornée de talents illustres et de grands poètes originaux, semblait vouloir se suffire à elle-même, et le goût sévère de Despréaux, avec ses exclusions, vint en aide à notre paresse qui se dispense si aisément de connaître ce qui est né ailleurs. […] Les beautés de La Divine Comédie, les difficultés qu’elle continue d’offrir, les disparates qui nous y frappent, ses rapports avec l’histoire, ce qui est du temps et ce qui semble en avant du temps, tout cela était touché, parcouru, soulevé avec ce talent unique qui caractérisait le professeur en M. 

1792. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

On saura de plus que le fils du maréchal, le duc de Villars du xviiie  siècle, et qui succéda à son père dans le fauteuil académique, possédait au plus haut degré le talent de la déclamation dramatique et était un excellent tragédien de société. […] En lisant cette partie de ses Mémoires, telle qu’il paraît l’avoir rédigée ou dictée lui-même, on est très sensible à ce ralentissement d’ardeur et de mouvements, qui trahit dans le corps des armées une lassitude générale et une diminution dans les talents militaires de ceux qui commandaient en chef.

1793. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Saint-Évremond, en parlant ainsi d’un homme qui avait plus d’un rapport avec lui par les talents comme par la disgrâce, nous laisse cependant bien apercevoir les différences. […] Imaginez un militaire de courage et de talent qui a peut-être en lui de quoi gagner dix batailles, de quoi s’illustrer s’il arrive au premier poste, et qui, pour un travers incurable, se crée toutes sortes d’entraves et des impossibilités.

1794. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

Nulle part peut-être, excepté à Édimbourg et en remontant à quelques années en arrière, on n’aurait trouvé réunis sur un aussi petit espace et dans des conditions de société plus favorables une aussi grande variété d’esprits, de talents et d’idées, une culture aussi diverse, aussi complète, et aussi honorablement désintéressée, de toutes les branches de l’intelligence, un ensemble aussi supérieur, aussi éclairé, aussi paisiblement animé, aussi honnête. […] L’improvisation était le véritable talent de Marius. » Il se vante, dans une élégie, d’avoir, avant l’âge de quarante-cinq ans, plus écrit que Virgile et qu’Ovide : « Me brevior Naso, meque Maro brevior.

1795. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

Ces quelques mots nous indiquent déjà le tour d’esprit de Bonstetten et un léger défaut dont son talent plus tard se ressentira. […] Je ne sais si Bonstetten avait deviné juste et si le secret de la mélancolie de Gray était dans ce manque d’amour ; je le chercherais plutôt dans la stérilité d’un talent poétique si distingué, si rare, mais si avare.

1796. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Ainsi, point de corporations enseignantes, elles ressemblent à ces statues antiques qui servaient autrefois à guider les voyageurs, et dont le doigt immobile indique encore, après des milliers d’années, des routes qui n’existent plus. » Voilà du talent. — Je me suis étendu à dessein sur le plus ancien et le plus chaleureux des écrits de M.  […] ce savant éclairé, de plus de sagesse et d’étendue que de vigueur, manque aussi d’invention dans le style et de nouveauté dans le discours ; là non plus il n’est pas créateur ; il n’a pas le génie ni même le talent de l’expression ; il n’en a que la clarté, la netteté et l’élégance connue et prévue.

1797. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Poète des champs, pourquoi se montrer agressif contre ceux que vous appelez de libres penseurs, et dont quelques-uns sont de grands talents ? […] C. de Lafayette ne s’attribue en rien cette supériorité dont il ne peut s’empêcher cependant d’avoir conscience, et il n’en fait pas honneur à son propre talent ; il aime à la rapporter à des maîtres, à des devanciers qu’il nomme et que parfois même il exagère un peu (nous avons le droit de le remarquer).

1798. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Des gens de talent proprement dits eussent été de dangereux témoins, des rapporteurs suspects et d’une fidélité équivoque. […] L’Imprimerie Impériale a donc fait ce qui était le plus naturel et le plus indiqué ; elle s’est adressée aux artistes de nos jours que leur talent désignait pour un tel travail.

1799. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Mais la force qui sera vaincue n’est ici que la force toute morale du talent. […] Les difficultés de l’art s’accroissent sans doute en même temps que le talent se développe.

1800. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Or, sans faire d’hypothèse gratuite, sans demander aux hommes plus que leur siècle ne comporte, on conçoit, ce me semble, dans cette atmosphère de souvenirs et d’affections, une âme tendre, chaste, austère, effrayée de la contagion croissante et du débordement philosophique, fidèle au culte de la monarchie de Louis XIV, assez éclairée pour dégager la religion du jansénisme, et cette âme, alarmée, avant l’orage, de pressentiments douloureux, et gémissant avec une douceur triste ; quelque chose en un mot comme Louis Racine, d’aussi honnête, et de plus fort en talent et en lumières. […] Il avait reçu comme une lettre morte les traditions du règne qui finissait ; il s’y attacha obstinément ; ses antipathies littéraires et sa jalousie contre les talents rivaux l’y repoussèrent chaque jour de plus en plus ; il tint pour le dernier siècle, parce que le petit Arouet était du nouveau.

1801. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

Tel homme de cœur et de talent, d’Argenson, fut surnommé « la bête », parce que son originalité dépassait le cadre convenu. « Cela n’a pas de nom, cela ne ressemble à rien », tel est le blâme le plus fort. […] En acquérant les talents qui conviennent aux temps de calme, ils ont perdu ceux qui conviennent aux temps de trouble, et ils atteignent l’extrême faiblesse en même temps que l’extrême urbanité.

1802. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Pendant les trente-cinq ans qui séparent la mort de Henri II de l’entrée de Henri IV à Paris, deux hommes se tirent de pair par le talent oratoire : L’Hôpital et Du Vair. […] Ce parti, qui n’avait ni les armes ni le nombre, avait les lumières et le talent : il lutta par sa parole et par toute sorte d’écrits, s’efforça de gagner le sentiment national, de l’obliger à prendre conscience de soi-même et de ses pressants intérêts.

1803. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Becque973 y a usé son rare talent, son ironie aiguë, son observation sèche et perçante : le public a méconnu l’originale valeur de ces œuvres dont l’impression était douloureuse et dure. […] Lemaître a commencé de s’acquitter par deux remarquables pièces : l’Age difficile et le Pardon (saison théâtrale de 1891-1895), où se poursuit avec bonheur le développement de son fin et vigoureux talent.

1804. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Rappelez-vous aussi le petit croquis plus discret et non moins réjouissant de Mlle Alice Lavigne : Est-ce du talent ? […] On devine chez lui cette arrière-pensée que, pour un homme de talent, il faisait bon vivre dans ce monde du dernier siècle : le mérite personnel s’y imposait peut-être mieux, y était traité avec plus de justice que dans une société démocratique, bureaucratisée et enchinoisée à l’excès.

1805. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Dargaud, un écrivain de talent, et dont le livre a été beaucoup loué et beaucoup lu. […] Moins de six mois après son mariage, Marie dégoûtée se consolait avec l’Italien David Riccio, homme de trente-deux ans pour lors environ, également propre aux affaires et aux plaisirs, qui la conseillait et la servait comme secrétaire, et qui avait ce talent de musicien si propre à en recouvrir et à en introduire quelque autre auprès des dames.

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