/ 1810
507. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

L’homme qui n’a pas souffert ne sait rien de la vie ; il en ignore les abîmes et les hauteurs, les ombres et la lumière. […] dût le chemin qui mène à ma patrie Être plus rude encore, et ma tête meurtrie Ne pas trouver de pierre où se poser le soir ; Dussé-je n’avoir pas une table où m’asseoir, Pas un seul cœur ému qui de moi se souvienne, Pas une main d’ami pour étreindre la mienne ; Comme le lépreux d’Aoste, au flanc de son rocher, Dussé-je cultiver des fleurs sans les toucher, N’avoir pour compagnon, dans ma triste vallée, Qu’un chien, et pour abri qu’une tour désolée, Et quand je souffre trop pendant les longues nuits, Qu’une sœur pour me plaindre et bercer mes ennuis, Une sœur qui, souffrant de la même souffrance, Prie et veille avec moi jusqu’à la délivrance…, Je veux aller revoir les lieux que je chéris, De mon bonheur au moins retrouver les débris ; Si ce ne sont les morts qui dorment sous la pierre J’embrasserai leurs fils, hélas !

508. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

Je goûte, je souffre, je me souviens. […] Toujours est-il que, si l’on descend la série animale, on les voit devenir de plus en plus exactes ; la dépendance mutuelle des centres nerveux devient alors moins étroite ; chacun d’eux souffre moins du retranchement des autres ; isolé, il fonctionne moins incomplètement et plus longtemps.

509. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Je ne saurais souffrir, à moins que ce ne soit dans une apothéose ou quelque autre sujet de verve pure, le mélange des êtres allégoriques et réels. […] Je ne puis souffrir qu’on me montre l’écorché sous la peau ; mais on ne peut trop me montrer le nu sous la draperie.

510. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Ni Baudelaire, ni Poe, n’ont souffert plus continûment de ce vague mystérieux qui, tout vague qu’il soit, oppresse l’âme comme l’objet le plus lourd et le plus physique, et auquel le visionnaire préférerait la vue nette et positive de l’enfer. […] Le poète, sensible comme ces sybarites qu’on appelle des poètes, a pu s’en plaindre et en souffrir, mais ce n’est pas moi !

511. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

Qu’on le nie devant les monuments irréfragables de l’histoire, ou que l’on confesse que la lumière naturelle n’est pas si faible pour nous avoir révélé tout ce qui donne du prix à la vie, les vérités certaines et nécessaires sur lesquelles reposent la vie et la société, toutes les vertus privées et publiques, et cela par le pur ministère de ces sages encore ignorés de l’antique Orient, et de ces sages mieux connus de notre vieille Europe, hommes admirables, simples et grands, qui, n’étant revêtus d’aucun sacerdoce, n’ont eu d’autre mission que le zèle de la vérité et l’amour de leurs semblables, et, pour être appelés seulement philosophes, c’est-à-dire amis de la sagesse, ont souffert la persécution, l’exil, quelquefois sur un trône et le plus souvent dans les fers : un Anaxagore, un Socrate, un Platon, un Aristote, un Épictète, un Marc-Aurèle ! […] Il est un peu poète : le danger est plus grand encore : il transformera la philosophie en une symphonie métaphysique, qui entraînera tous les esprits, qui l’entraînera lui-même, qui lui fera traverser le Rhin, au risque d’y perdre pied, avec la certitude de s’en souvenir et d’en souffrir toujours.

512. (1884) La légende du Parnasse contemporain

En un mot, puisque vous êtes homme, aimez, espérez, souffrez (cela est fatal, d’ailleurs !) […] Il souffrait, — mais il ne le disait pas. […] Il souffrait, il se cachait pour souffrir. […] Ces deux malheureux, ou ces deux heureux, puisqu’ils avaient connu la joie de s’aimer et de souffrir ensemble, s’en allèrent de compagnie. […] S’il souffrit, ce fut en rêvant.

513. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Donec eris felix… »

Car, à moins qu’il ne soit devenu un grand sage pour avoir vu les hommes de près ou qu’il n’ait été secouru par une heureuse frivolité de caractère, cet homme si rudement tombé, et de si haut, doit, à l’heure qu’il est, souffrir infiniment.

514. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Le théâtre annamite »

Ils m’ont trop fait souffrir.

515. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVII. Sort des ennemis de Jésus. »

Sans cesse pressé par cette femme ambitieuse, qui le traitait de lâche parce qu’il souffrait un supérieur dans sa famille, Antipas surmonta son indolence naturelle et se rendit à Rome, afin de solliciter le titre que venait d’obtenir son neveu (39 de notre ère).

516. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 196-203

Quand il fallut se mettre en campagne, la gloire & l'intérêt réveillerent Annibal, qui reprit sa premiere vigueur & se retrouva lui-même ; mais il ne retrouva plus la même armée ; il n'y avoit plus que de la mollesse & de la nonchalance, & s'il falloit souffrir la moindre nécessité, on regrettoit l'abondance de Capoue ».

517. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Appendice. Note concernant M. Laurent-Pichat, et Hégésippe Moreau. (Se rapporte à la page 395.) » pp. 541-544

Je plaisante, mais je vous assure que je souffre beaucoup.

518. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre IV. De quelques poèmes français et étrangers. »

C’est un sophisme digne de la dureté de notre siècle, d’avoir avancé que les bons ouvrages se font dans le malheur : il n’est pas vrai qu’on puisse bien écrire quand on souffre.

519. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 19, qu’il faut attribuer aux variations de l’air dans le même païs la difference qui s’y remarque entre le génie de ses habitans en des siecles differens » pp. 305-312

Je crois donc que le genre de vie, que la mode de se vêtir plus ou moins en certaines saisons qui a lieu successivement dans le même païs, dépend de la vigueur des corps qui les fait souffrir principalement du froid, plus ou moins, suivant qu’ils sont plus ou moins robustes.

520. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre ix »

On connaît le camarade qui l’entonné ; on l’a vu souffrir, être un brave ; on sait que son âme est simple, pure, fraternelle, Tout s’achevait et s’épurait dans la Marseillaise.

521. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Celui qui, au commencement de cette courte analyse, a tenu ce beau et fier langage, le parle d’autant mieux que son cœur a souffert et souffre encore par d’indignes amours. […] Peu à peu le bruissement régulier de l’eau le calme, il se reprend, mais c’est pour se rappeler et souffrir… Quelle femme ! […] Quelles amours, et j’en appelle à ceux qui ont le plus souffert de passions folles, quelles amours ressemblent à celles de ces deux insensés ? […] Il faut avoir vécu, aimé, souffert, il faut regretter et espérer, pour écrire ces pages qui renferment tant de choses consolantes. […] Elle avait tellement souffert de la chaleur dans ces salons qu’elle venait de quitter !

522. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

L’« Inconnue » fut jalouse de cette maîtresse âgée qui, dit-on, ne souffre pas de rivales. […] Elle souffre d’un gros rhume. […] Et puis, il a tant souffert ! […] Je sais que je souffrirai par vous ; tant mieux. […] Mais à son âge, on ne souffre pas sans révolte.

/ 1810