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1708. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

Dans Le Joueur, le caractère principal a beaucoup de vérité : cet homme, qui a joué, qui joue et qui jouera, qui, toutes les fois qu’il perd, sent revenir sur l’eau son amour, mais qui, au moindre retour de fortune, lui refait banqueroute de plus belle, cet homme est incurable ; il a beau s’écrier dans sa détresse : Ah ! […] Voilà de ces vers encore, entre tant d’autres de Regnard, qui m’aideront à définir sa manière, et dans lesquels il se sent comme un rejaillissement de l’esprit de Rabelais. […] Je ne sais, madame, si vous avez vu Trianon dans cette saison-ci ; mais, il faut vous l’avouer, je serais plus à mon aise dans une cave, la paix étant faite à des conditions raisonnables, que je ne le suis dans un palais enchanté et parfumé comme celui-ci. » Qu’on pense ce qu’on voudra de Mme de Maintenon, cette manière de sentir est plus honorable.

1709. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

Physiologiquement, ce n’est pas de la science non plus, de la science pour de la science, comme en fit Goethe à son déclin, peut-être (il ne nous l’a pas dit) par désespoir de sentir fléchir son génie. […] Il le crut avec cette simplicité sainte, ordinaire aux hommes qui se sentent le canal d’une grande grâce. […] On sent cela sans être savant, et l’ignorant le voit très bien à l’œil nu de son ignorance.

1710. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

On sent dans tous les poèmes homériques un reste de poésie lyrique et un commencement de poésie dramatique. […] Mais à côté de ces trois états d’esprit, essentiels, qui se succèdent l’un à l’autre, étant provoqués et nourris par le changement des choses, il y a d’autres façons de voir et de sentir, d’une importance secondaire mais d’un caractère permanent, parce qu’elles sont provoquées par une qualité durable des choses ; nous touchons ici à un problème important de méthode. […] Les isoler, en individualités, cela paraît d’abord assez légitime ; c’est surtout commode ; mais ne sentons-nous pas que, par la forme et le fond, ils se rattachent intimement au tout ?

1711. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

Moins il s’épanchait, plus on le sentait brûler. […] Ce moment fut affreux, et, quand vers le matin je me jetai épuisé sur mon lit, il me sembla sentir ma première vie, si riante et si pleine, s’éteindre, et derrière moi s’en ouvrir une autre sombre et dépeuplée, où désormais j’allais vivre seul, seul avec ma fatale pensée qui venait de m’y exiler et que j’étais tenté de maudire. […] « Je souffre, disait-il, toutes les fois que je-suis obligé de traduire en paroles des phénomènes intérieurs ; les expressions de la langue suggèrent à l’esprit des images qui ressemblent si peu aux phénomènes que sent la conscience, que de telles descriptions font toujours pitié à ceux qui les donnent61. » Les grands romanciers donnent des descriptions aussi difficiles que celles des psychologues, et néanmoins très-claires ; c’est qu’ils les composent de petits faits62.

1712. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Écoutez ce passage, sentez ce style, et dites si un Français de 1815 pouvait y résister.  […] Qui n’eût été ravi de respirer tant de bouquets philosophiques, si bien choisis, si bien formés, si éclatants, si habilement présentés par une main si légère, si variés, et pourtant variés par des transitions si fines, que tout le monde croyait n’en sentir qu’un seul ? […] De ce côté, toute espérance n’est pas perdue ; on est déjà bien revenu du rêve, des aspirations vagues et des grands mots ; la chute de vingt systèmes réformateurs nous a mis en défiance ; nous ne pensons plus que la poésie soit un instrument de précision, et nous commençons à soupçonner que le cœur est fait pour sentir et non pour voir.

1713. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Il est très vraisemblable que, dans la surprise, c’est parce qu’on sent trop qu’on connaît mal. […] Appliquez sans pression la pulpe du doigt sur une table, au bout de quelques minutes le contact n’est plus senti. […] Ou sent très clairement la différence quand on change rapidement la direction de l’attention de l’œil à l’oreille. […] Czermak et après lui Stricker ont fait remarquer que si, après avoir contemplé intérieurement l’image d’un objet supposé très proche, on passe brusquement à la vision mentale d’un objet très éloigné, on sent un changement net dans l’état d’innervation des yeux. […] Or c’est là un moment initial différent du moment de l’effort senti, qui est un effet.

1714. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Plaignons l’auteur qui sent en lui tout ce qu’il faut pour créer l’œuvre qui le hante et qui ne trouve, hors de lui, rien pour l’y aider. […] nous le sentirons là. […] bien sûr : une œuvre dramatique qui sent l’huile perd une grande partie de son pouvoir. […] Il admire surtout Shakespeare, il le sent et il l’aime, et non en théoricien, mais en ami. […] Qui ne s’y sentirait à l’aise ?

1715. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lavergne, Antonin (1863-1941) »

On sent qu’ils ont été pensés comme ils ont été écrits et qu’ils sont bien tombés sur le papier selon les circonstances, « au cours des jours », comme dit un sous-titre du volume.

1716. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 238

François de Sales, de Madame de Chantal, & de l’Abbé de Rancé, sont parsemées de traits, qui, aux défauts près dont nous avons parlé, sont encore mieux sentir les dispositions qu’il avoit pour ce genre d’ouvrages.

1717. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » p. 402

Il étoit d’ailleurs trop éclairé, pour ne pas apercevoir l’énorme intervalle qui séparoit ces deux Poëtes, & pour ne pas sentir qu’un Mécène n’a pas plus le crédit de faire valoir un Auteur médiocre, que les Auteurs médiocres n’ont celui d’illustrer leurs Mécènes.

1718. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 233

Celle qui a été donnée depuis par M. l’Abbé Batteux, n’a servi qu’à en faire mieux sentir tout le mérite.

1719. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

On sent assez que ces trois genres rentrent souvent l’un dans l’autre. […] On ne peut mieux sentir cette différence, qu’en comparant les endroits que Racine, & Campistron son imitateur, ont traités. […] Il sentira un dégoût involontaire au vers suivant : Ou qu’un beau desespoir alors le secourût. […] Ce n’est qu’avec de l’habitude & des réflexions qu’il parvient à sentir tout-d’un-coup avec plaisir ce qu’il ne déméloit pas auparavant. […] Habile  ; le lecteur sent combien il seroit aisé & ennuyeux de déclamer sur ces matieres.

1720. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

Tel était mécontent à force de ne rien faire, tel autre parce qu’il sentait qu’on ne l’aimait pas. […] Et un homme ne peut découvrir ces nuances que quand il sent l’œuvre, quand il se place directement en contact avec elle. […] En nous montrant la souffrance isolée des êtres voués à la destruction, elle nous fait plus vivement sentir l’éternité de la substance. […] Dès le début, nous nous sentons en présence de courants divergents, mais aussi d’un grand courant unique qui les contient tous. […] Et c’est Nietzsche qui nous le fait mieux sentir !

1721. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Ils ne se cachèrent pas de la sentir et d’en souffrir. […] Que sent ce bourreau-sauveur sur qui pèse une responsabilité si redoutable ? […] Je sentis ma poitrine se gonfler d’une oppression soudaine, et mes yeux s’emplirent de larmes. […] Il le sentait, et s’en repentait. […] Il sent sa force à la fois et la règle de sa force.

1722. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Je ne m’attendais certes pas à sentir battre mon cœur un peu plus vite en ouvrant le livre de M.  […] Il sentait bon l’eau de Chypre. […] Lilia le suivit, d’un long regard de femme éprouvée, qui, aux trahisons du cœur, sent l’amour s’en aller et l’automne de l’âge venir. […] On sent que la tenue est de rigueur. […] Elle dit ce qu’elle sent à ce moment-là, et c’est le moyen d’être toujours vraie.

1723. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

bien, qui aime la littérature ne se laisse pas tromper : il la devine et il la sent. […] Il faut alors qu’on sente le refus. […] Mais il sentait le besoin d’écrire. […] Ce n’est pas tout : de la sentir, de la goûter, de l’entendre. […] Sentez les miennes !

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