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404. (1890) L’avenir de la science « V »

Disons donc sans crainte que, si le merveilleux de la fiction a pu jusqu’ici sembler nécessaire à la poésie, le merveilleux de la nature, quand il sera dévoilé dans toute sa splendeur, constituera une poésie mille fois plus sublime, une poésie qui sera la réalité même, qui sera à la fois science et philosophie. […] Cette considération est bien propre, ce me semble, à rassurer sur les résultats futurs et éventuels de la science, comme aussi à justifier toute hardiesse et à condamner toute restriction timide. […] La vieille manière d’envisager l’immortalité est à mes yeux un reste des conceptions du monde primitif et me semble aussi étroite et aussi inacceptable que le Dieu anthropomorphique. […] À l’instant, la langue s’altère, on ne parle plus pour tout le monde, on affecte les formes mystiques, une part de superstition et de crédulité apparaît tout d’un coup, on ne sait d’où, dans les doctrines qui semblaient les plus rationnelles, la rêverie se mêle à la science dans un indiscernable tissu. […] Il me semble que parfois j’ai réussi à reproduire en moi par la réflexion les faits psychologiques qui durent se passer naïvement dans ces grandes âmes.

405. (1890) L’avenir de la science « XVI »

Chose étrange, car la théologie et le sacerdoce étant la forme complète du développement primitif, il semble qu’ils devraient disparaître avec cet état. […] Le véritable progrès semble parfois un recul et puis un retour. […] Dans l’âge réfléchi, au contraire, de tels dogmes semblent absurdes ; chacun ne paie que pour lui, chacun est le fils de ses œuvres. […] Non seulement toute division coûte à leur esprit, mais elle leur fait peine, leur semble un démembrement. […] Le vrai, ce semble, est qu’à l’origine les divers caractères qui, en se groupant, ont formé plus tard le syriaque, l’hébreu, etc., existaient syncrétiquement et sans constituer encore des dialectes indépendants.

406. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Cependant quelques âmes blondes, et plus que toutes Jésus, semblent dans le brouillard des sourires de lumière. […] L’un d’eux, un des plus ternes pourtant, semble intéresser le démiurge inférieur. […] Dans le premier élan de la jeunesse, il se donne presque entièrement à ce qui lui semble la vérité. […] Dans ses tout derniers livres, Bourget semble pourtant s’efforcer d’arracher la grise livrée stendhalienne. […] Celui qui semblait pouvoir être le noble pamphlétaire de sa propre conscience est devenu bassement le pamphlétaire d’un parti.

407. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

Telle page de ses remarquables préfaces semble traduite, par un satirique, du traité De Matrimonio, de Sanchez. […] L’entrevue semble périlleuse ; car la dame, comme pour un duel, a pris un témoin. […] Les raffinements qu’elle y mêle semblent les vocalises d’une lascive mélodie. […] La maîtresse lui semblait fade, la courtisane lui paraît exquise. […] Chaque mot marque, chaque trait déchire ; il semble qu’on entende frémir un fer rouge et siffler un fouet.

408. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Saint-Simon, si amer quand il blâme, trouve, pour la louer, des grâces qui semblent inspirées par elle ; Dangeau la fait aimer par le simple récit de ses moindres actions. […] Je l’ai montrée de temps en temps à ceux qui s’approchaient, et je l’ai considérée de toutes manières pour vous mander ce qu’il m’en semble. […] La moralité à tirer de cette première lettre ne me semblerait pas complète toutefois, si l’on ne mettait en regard une page des plus mémorables de Saint-Simon. […] Il semble trop, d’après ce gracieux et discret auteur, que la duchesse de Bourgogne fût une personne accomplie et parfaite, et que cette éducation de Saint-Cyr l’eût réellement atteinte au fond. […] Quelque élection, déjà oubliée, et qui semblait ultra-démocratique.

409. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Pour moi, il me semble qu’il est bon, utile et nécessaire à l’équilibre du monde qu’en regard du groupe de ceux qui sont amers, misanthropes et trop aisément violents, il y ait la famille de ceux qu’une indulgence inaltérable inspire. […] J’ai assez présenté, ce semble, M.  […] La Restauration, tant qu’elle se tint dans les voies modérées, semblait faite pour satisfaire ses vœux et pour répondre à son idéal politique. […] Lucas-Montigny, semblaient avoir tout donné ; M.  […] Il s’éteignit un jour sans douleur dans les bras des siens, et sembla justifier en tout cette belle pensée de Marc Aurèle : « Il faut passer cet instant de vie conformément à notre nature, et nous soumettre à notre dissolution avec douceur, comme une olive mûre qui, en tombant, semble bénir la terre qui l’a portée, et rendre grâces au bois qui l’a produite. » En ces temps de mélange et de turbulence, cette vie et cette nature de M. 

410. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Quoi qu’il en soit, l’idée de travail et de paix, qui, malgré les échecs qui lui arrivent de temps en temps, semble devoir dominer de plus en plus les sociétés modernes, doit beaucoup à Franklin. […] Tous les fous et les rêveurs semblaient s’être donné le mot pour prendre cet homme sensé qui venait de loin, pour leur confident et pour leur juge. […] Je n’entrerai dans aucune discussion de vos principes, quoique vous sembliez le désirer. […] Cet homme positif n’avait rien qui décourageât de l’utopie ; il y conviait plutôt par les nouveautés et les facilités de vue qu’il semblait ouvrir du côté de l’avenir. […] Les récentes découvertes d’Herschell semblaient l’appeler à un futur et sublime voyage de découverte céleste à travers les sphères.

411. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Il leur impose des lois ; il semble leur maître. […] Il semble, quand on l’a lu, qu’on vient d’apprendre pour la première fois ce qu’est une bataille. […] Peut-être, de votre côté, me trouvez-vous malheureux, et il me semble que vous pensez vrai. […] La vie réelle semblait un songe. […] Les Tudors semblèrent absolus ; leur despotisme eut des bornes.

412. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Elle semble reflétée plutôt que sculptée. […] L’être pensif semble étranger en lui à l’homme impérial. […] Tous les griefs semblaient égaux devant sa rancune. […] Leur costume favori semble l’emblème de ce jeu féroce. […] — il semblait que Dieu l’eût fait, — ô Marie !

413. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

La jeunesse, en qui la vie semble inépuisable, parce qu’elle est neuve, se complaît à ces images de mort ; elles ne sont pour elle que la mélancolique poésie de la destruction et du renouvellement des choses humaines. […] J’ignorais tout de ce site jusqu’au nom, mais il semblait m’attacher à ce banc comme si l’âme du site, genius loci, avait parlé à voix basse à mon âme. […] Nous possédons une lettre de Bernardo Tasso qui semble confirmer ces soupçons. […] Un sang héroïque coulait dans ses veines, il rougissait de polir des vers au lieu de tenir l’épée de ses pères ; célébrer des exploits guerriers lui semblait associer son nom aux héros qui les avaient accomplis sur les champs de bataille ; la religion, la chevalerie et la poésie, la gloire du ciel, celle de la terre, celle de la postérité, se réunissaient pour lui conseiller cette œuvre. […] La nature, en effet, semblait s’être complu à personnifier la poésie dans le poète ; son portrait par le marquis Manso, son ami, qui l’avait décrit dans son adolescence, à Sorrente et à Rome, rappelle le gracieux portrait de Raphaël d’Urbin, le génie enfant, avec un trait de plus dans le regard, la fierté martiale du chevalier qui sent l’héroïsme dans son sang.

414. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

Il avait plutôt l’air de quelqu’un qui recule au lieu de quelqu’un qui avance, il semblait pétrifié par les murs de sa prison. […] Il me semblait que je buvais du lait par les pores, et qu’une douceur que je n’avais jamais éprouvée me coulait dans toutes les veines et m’alanguissait tous les membres, comme si j’allais mourir et que la mort fût à la fois une mort et une résurrection. […] Les colombes mêmes battaient des ailes comme de plaisir à m’entendre, ces jolies bêtes se regardaient, se becquetaient, se lissaient les plumes et semblaient se dire : « Tiens ! […] si c’est ensemble, dit-il, en me jetant un regard qui semblait réfléchir le firmament et éclairer le cachot tout entier ; oh ! […] Elle pleurait en me les remettant, et ses doigts semblaient vouloir retenir ce que me tendait sa main.

415. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

Auguste Lacaussade, dans l’édition elzévirienne des Œuvres de Marceline, semble en savoir plus long qu’il n’en dit. […] Et il semble aussi que, en général, les hommes qui l’ont connue, même les secs, les défiants ou les distraits, aient été bons pour elle. […] Il me semble que je les ai reçues trois fois, tant mon âme en est pleine ! […] Ne te semble-t-il pas, mon ange, que la raison vacille plus devant ces prodiges humains que devant les merveilles incompréhensibles de l’Auteur éternel ? […] Je n’ose pas penser à cette rue de Seine : il me semble que je vais retrouver là l’horrible hiver de l’an passé.

416. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Tous les classiques, et avant eux les chantres épiques du Moyen-Âge, l’ont appliquée soigneusement et il semble qu’elle s’offre naturellement à l’instinct de qui veut écrire. […] Il semble qu’elle procède, chez lui comme chez nous, du désir de mettre en relief les divers membres d’une phrase et j’ajouterai, — pour le Poète, — qu’elle fournit en quelque sorte une matière à la mesure ou au rythme. […] Tout semble enfin s’unir pour favoriser le développement libre du rythme21. […] Vielé-Griffin, après avoir hésité semble-t-il, soudain s’élança joyeusement au plus fort de la bataille. […] Il semble naturel que son caractère — car cela ne tient-il pas de l’instinct plutôt que de la raison ? 

417. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Comme les peintres japonais, il semble parfois jeter au hasard des touches inconnexes que relie subitement en un tout le rapide trait final. […] Les épouvantes du cimetière et du charnier semblent attirer Poe dont l’implacable génie tire du spectacle de la putréfaction charnelle de brutaux effets de terreur. […] Il semble qu’elles soient laminées à froid, trempées dans une eau polaire, aérées d’éther, nimbées d’un halo boréal. […] Il semble qu’en envisageant ces facultés comme les forces d’une mécanique cérébrale, on oublie leur caractère, de manifestations vitales et transitoires. […] Il semble que le pouvoir même de se détacher de soi dans l’exercice de ses hautes facultés, les ait retranchés de sa vie entière.

418. (1772) Éloge de Racine pp. -

Cette marche si claire et si distincte dans une intrigue qui semblait double, cet art d’entrelacer et de conduire ensemble les deux branches principales de l’action, de manière qu’elles semblent n’en faire qu’une ; cette science profonde, ce mérite de la difficulté vaincue, où se trouvaient-ils avant Racine ? […] C’est un tout qui semble éternel. […] Il semble qu’il ait à se venger d’une surprise faite à son jugement, ou d’une injure faite à son amour-propre ; et le génie a tout le temps d’expier par de longs outrages ce moment de gloire et de triomphe que ne peut lui refuser l’humanité qu’il subjugue en se montrant. […] Qui peut méconnaître cette création majestueuse, cette simplicité touchante et sublime, cette diction céleste qui semble inspirée par la divinité ? […] Ainsi cet excellent esprit semblait né pour tout ce qu’il voulait faire.

419. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Au bout de chacun de ses baisers se trouvait la pensée de l’enfant ; car tout amour qui n’avait pas l’enfant pour but lui semblait inutile et vilain. […] Ainsi réduite, la transition est dure et inadmissible ; mais l’enchaînement des faits qui l’amènent semble la rendre toute naturelle. […] M… C…, que je ne connais pas ; mais il me semble un bien aimable homme. […] Je m’arrête ; si justes qu’elles soient, ces représailles me semblent aussi des crimes. […] Il semble que M. 

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