Il n'en est pas de même de son Histoire des progrès de l'esprit humain dans les Sciences exactes, dans les Sciences naturelles & dans les Arts qui en dépendent.
La Géographie est une science si amusante qu’il n’est pas étonnant que dans ce siécle de la lexicomanie, on ait cherché à la mettre en Dictionnaire. […] Ce n’étoit pas assez d’avoir des Dictionnaires portatifs sur la Géographie, on nous a donné de petits livres sur cette science qui se perdent presque entre les mains. […] des voyages par terre, faits dans toutes les parties du monde : contenant ce qu’il y a de plus remarquable & de mieux avéré dans tous les pays où les voyageurs ont pénétré, touchant leur situation, leur étendue, leurs limites, leurs divisions, leurs climats, leur terroir, leurs productions, leurs lacs, leurs rivieres, leurs montagnes, leurs mines, leurs habitations, leurs principales villes, leurs ports, leurs rades, &c. ; avec l’histoire, les mœurs, & les usages des habitans, leur religion, leur gouvernement, leurs arts, leurs sciences, leur commerce, leurs manufactures, &c. : ouvrage enrichi de Cartes géographiques nouvellement composées sur les observations les plus authentiques, de plans & de perspectives, de figures d’animaux, de végétaux, habits, antiquités, &c. […] Il fait donc voyager un Provençal qui part de Marseille pour se rendre dans le Levant, écrit de tous les endroits où il a séjourné, & rend exactement compte à une Dame de tout ce qu’il y a d’intéressant à savoir sur la position des lieux, sur les singularités de la nature, sur les loix, sur les mœurs, les usages, la religion, le gouvernement, le commerce, les sciences, les arts, l’habillement, les édifices, les productions naturelles, &c. […] La Description historique & critique de l’Italie ou Nouveaux mémoires sur l’état actuel de son gouvernement, des sciences, des arts, du commerce, de la population & de l’histoire naturelle, par M. l’Abbé Richard, en six volumes in-12. 1766. , est un livre infiniment curieux, rempli de goût, d’érudition, de sagacité, de critique.
Charles V, un des plus sages et par conséquent des plus grands princes qui aient jamais régné, quoique moins célébré dans l’histoire qu’une foule de rois qui n’ont été qu’heureux ou puissants, fit quelques efforts pour ranimer dans ses États le goût des sciences. […] Je ne doute point en conséquence, que si les hommes vivaient séparés, et pouvaient s’occuper dans cet état d’un autre objet que de leur propre conservation, ils ne préférassent l’étude des sciences qu’on appelle exactes à la culture des sciences agréables ; c’est pour les autres principalement qu’on se livre à celles-ci, et c’est pour soi qu’on étudie les premières. […] Elles sont moins nécessaires aux gens de lettres qui s’occupent des sciences exactes, et dont le mérite pour être fixé a moins besoin de la mesure des autres. […] La Prusse par une raison contraire sera redevable à Frédéric des progrès qu’elle va faire dans les sciences et dans les arts. […] Son goût pour les sciences et pour les beaux-arts, est d’autant plus éclairé, d’autant plus vrai, et d’autant plus louable, qu’il ne prend rien sur des soins plus importants, et qu’il sait être roi avant toute autre chose.
Rabelais, outre la poésie, où il passait pour exceller, s’occupait aussi de théologie, mais, à ce qu’on peut croire, sans vocation particulière, et seulement comme d’une des branches de la science universelle. […] En même temps, mêlant le plaisant au sévère jusque dans la science, il faisait des recherches sur la fameuse saumure du garum, si vantée par Horace et Martial, et il en donnait la recette dans une épigramme latine. […] L’auteur avait écrit51 : « Les premiers jours je te ferai passer docteur en gaye science » Dolet y substitue docteur en Sorbonne » ; comme si la gaie science n’eût pas été à un pôle, et la Sorbonne à l’autre. […] Il lui a dû peut-être l’acte le plus original de sa vie : c’est cette prudence qu’il sut garder jusque dans la furie bachique de son style, ne se liant avec les protestants que par la science, et n’attaquant dans les catholiques que les abus. […] Ensuite, la variété du génie grec, son enjouement dans les matières sérieuses, sa hardiesse spéculative, sa netteté et sa précision dans les sciences, s’ajustaient mieux à l’esprit de Rabelais que la sévérité du latin, outre que le latin était la langue de la discipline et des interdictions.
La philosophie, jusqu’alors abîmée dans une science bien plus vaste et bien plus positive, la théologie, commençait à s’en retirer et à se séculariser. La politique, comme science générale du gouvernement, avait suscité de profonds penseurs ; la politique française proprement dite, celle de l’unité nationale, avait inspiré un pamphlet qui est demeuré. […] Je veux parler de la disposition qui nous a fait substituer, dans toutes les parties des connaissances humaines, la science à la croyance. […] Mais qui donc s’attache aux principes eux-mêmes, c’est à savoir à la moelle même de la science ? […] On pouvait croire que, pour Charron, la religion n’était que la théologie, c’est à savoir, la science et la discussion des sources de la religion, une science d’obligation dans un pays chrétien, mais d’ailleurs sans application à la conduite de la vie, dans les rapports purement humains.
La science recueille donc lentement les petits faits, amassés un à un par d’humbles travailleurs ; elle laisse le temps, le nombre et la patience accroître lentement son trésor. […] Faire une synthèse, créer, c’est toujours de l’art, et, sous ce rapport, le génie créateur dans les sciences se rattache lui-même à l’art ; les inventions de la mécanique appliquée, la synthèse chimique sont des arts. […] Même dans la science, si on trouve la vérité « en y pensant toujours », on n’y pense toujours que parce qu’on l’aime. « Mon succès comme homme de science, dit Darwin, à quelque degré qu’il se soit élevé, a été déterminé, autant que je puis en juger, par des qualités et conditions mentales complexes et diverses. Parmi celles-ci, les plus importantes ont été : l’amour de la science, une patience sans limites pour réfléchir sur un sujet quelconque, l’ingéniosité à réunir les faits et à les observer, une moyenne d’invention aussi bien que de sens commun. […] L’« amour de la science » dont il se pique se résolvait ainsi dans un goût passionné pour les objets de la science, dans l’amour des êtres vivants, dans la sympathie universelle.
Elle est, comme un livre de science, un recueil d’observations. » Il s’agirait, croyons-nous, de préciser le degré de vérité de ces attitudes glacées et de ces poses marmoréennes. « L’insensibilité professionnelle », monnaie courante dans la banque des clichés populaires — pas plus que l’impassibilité naturaliste — n’est absolue, authentique et foncière. […] Difficile en matière de science et de métier, l’impassibilité est, a priori, impossible à l’artiste10. […] C’est que cette recherche du vrai, but et seul but de la science, n’est, pour les littérateurs, qu’un moyen artistique.
De l’excellence de leurs chants L’art des pantomimes, celui des comédiens qui sçavoient executer la déclamation partagée en deux tâches, l’art des compositeurs de déclamation, en un mot, plusieurs des arts subordonnez à la science de la musique seront péris, suivant les apparences, quand les représentations somptueuses qui avoient donné l’être à la plûpart de ces representations, et qui faisoient subsister ceux qui les cultivoient, auront cessé sur le théatre de Marcellus et sur les autres théatres vastes et capables de contenir des milliers de spectateurs. […] Quand il y avoit un si grand nombre de personnes qui faisoient leur profession des arts musicaux ; faut-il s’étonner que les anciens eussent tant de méthodes et tant de pratiques relatives à la science de la musique, lesquelles nous n’avons pas. […] La science de la musique subsista bien après la cloture des théatres, mais le plus grand nombre des arts musicaux périt donc pour toujours.
Les limites de sa science sont celles de sa nature. […] Non seulement les hommes ont commencé par la science, mais par une science différente de la nôtre et supérieure à la nôtre, parce qu’elle commençait plus haut, ce qui la rendait même très dangereuse ; et ceci vous explique pourquoi la science dans son principe fut toujours mystérieuse et renfermée dans les temples, où elle s’éteignit enfin lorsque cette flamme ne pouvait plus servir qu’à brûler. […] C’est un arsenal de science ecclésiastique. […] Quant à la science, c’est une chose très dangereuse pour les femmes : on ne connaît presque pas de femmes savantes qui n’aient été ou malheureuses ou ridicules par la science. […] La science, de sa nature, aime à paraître ; car nous sommes tous orgueilleux.
MAUPERTUIS, [Pierre-Louis Moreau de] de l’Académie Françoise, & de celle des Sciences de Paris & de Berlin, né à Saint-Malo en 1697, mort à Bâle en 1759. Aussi bon Philosophe qu’habile Littérateur, il a fait marcher de pair les Lettres & les Sciences.
C’est aux parents qu’il appartient de les diriger dès l’enfance dans le sentier de la vertu, de la bonne éducation, des mœurs sages et chrétiennes… Quant à les forcer d’étudier telle science plutôt que telle autre, je ne le trouve ni prudent ni sage, bien que leur donner des conseils sur ce point ne soit pas nuisible. Lorsqu’il ne s’agit pas d’étudier pour gagner sa vie, et si l’étudiant est assez heureux pour que le Ciel lui ait donné des parents qui lui assurent du pain, je serais volontiers d’avis qu’on le laissât suivre la science pour laquelle il se sentirait le plus d’inclination ; et bien que celle de la poésie soit moins utile qu’agréable, du moins elle n’est pas de ces sciences qui déshonorent ceux qui les cultivent La poésie, seigneur hidalgo, est, à mon avis, comme une jeune fille d’un âge tendre et d’une beauté parfaite, que prennent soin de parer et d’enrichir plusieurs autres jeunes filles, qui sont toutes les autres sciences ; car elle doit se servir de toutes, et toutes doivent se rehausser par elle. […] Quand les rois et les princes trouvent la miraculeuse science de la poésie dans des hommes prudents, graves et vertueux, ils les honorent, les estiment, les enrichissent et les couronnent enfin avec les feuilles de l’arbre que la foudre ne frappe jamais, pour annoncer que personne ne doit faire offense à ceux dont le front est paré de telles couronnes. » Que d’élévation et quelle pureté de sentiments ! […] Gustave Doré n’a pu ni dû échapper à la science moderne plus ambitieuse, et son crayon en a contracté du caractère.
Et selon ces lois, les œuvres se classent d’après leur degré d’universalité et d’intelligibilité : la littérature se construit sur le même plan que la science. […] Perrault était l’homme de confiance de Colbert, auprès de qui il avait remplacé Chapelain : esprit ouvert, inventif, un peu trop assuré et présomptueux, comme sont souvent les gens qui se sont formés eux-mêmes, incapable de douter de son savoir, comme de se douter de ses ignorances, ayant plutôt la curiosité d’un amateur et l’intelligence d’un directeur des beaux-arts que les dons d’un écrivain ou d’un critique, faisant une forte cabale avec ses deux frères, le receveur des finances et le médecin, fort appliqués comme lui aux sciences et aux arts, et fort répandus aussi dans le monde. […] Il annonçait l’intention de passer en revue tous les arts, toutes les sciences et tous les genres littéraires : architecture, sculpture, peinture, astronomie, géographie, navigation, physique, chimie, mécanique, éloquence, poésie ; et dresser le bilan des progrès de l’esprit humain. […] Mais le principal objet de Perrault, c’était la littérature ; et les sciences et les arts lui servaient surtout à fonder cette induction assez téméraire : puisqu’il y a progrès dans les arts « dont les secrets se peuvent calculer et mesurer », il faut donc aussi qu’il y en ait dans l’éloquence et dans la poésie, dont les éléments ne se laissent pas mesurer ni même, souvent, atteindre par le raisonnement. […] Il le trouve grossier, prolixe, n’ayant nul sens des bienséances, ignorant des sciences, dépourvu à l’occasion de sens commun : Homère avait du génie, mais qu’en pouvait-il faire en son temps ?
Il aidait de tout son pouvoir à l’organisation de l’Académie des sciences qui se fit vers ce temps, et dans laquelle son frère entra l’un des premiers. […] Sur toutes les branches d’art, de métier et de science, il a encore gain de cause assez aisément, du moins pour l’ensemble. […] Perrault leur fait tenir cinq dialogues sur les arts, les sciences, l’éloquence, la poésie. […] Il ne l’entend pas, et pourtant il jette à ce propos mille pensées fort neuves, fort spirituelles, et que la science critique a depuis plus ou moins exploitées ; il a des ouvertures imprévues et heureuses. […] Il y a donc un âge pour certaines fictions et certaines crédulités heureuses, et, si la science du genre humain s’accroît incessamment, son imagination ne fleurit pas de même.
Il ne l’a pas trouvé même en France, sa belle patrie ; car le livre que voici, qu’on a republié avec une obstination courageuse, y existait depuis plus de trente ans comme un diamant dans une caverne, et les têtes philosophiques de la Revue des Deux-Mondes, qui revoit, mais qui ne voit pas, n’en ont jamais dit le moindre petit mot, et les lunetiers de l’Académie des sciences morales n’ont pas aperçu le diamant. […] VI « Les hommes — dit Saint-Bonnet dans son livre de la Douleur — ont divisé les sciences. […] La science, la seule science qu’il reconnaisse, avec raison, et qui importe à l’homme : la science de son être et de l’Être, il ne l’entend que dans le sens révélé du mot. […] … » Vous le voyez, c’est l’exaltation la plus intense, la plus ascensionnelle de cette activité humaine, que la science et la sagesse de cette civilisation consommée, selon Schopenhauer et Hartmann, seraient d’anéantir !
L’amour des Sciences, heureusement uni au goût des Lettres, a fait de cet Académicien un Savant presque universel & un habile Ecrivain. La partie des Sciences, & sur-tout la Physique, a fixé particuliérement ses travaux, sans doute par le désir d’être utile, préféré à celui de n’être qu’agréable.
Il cultiva les Lettres & les Sciences avec les plus grands succès. […] Le plus estimé de ses Ouvrages est sa Chronologie universelle, ou Science des Temps, publiée en 1627.