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2323. (1874) Premiers lundis. Tome II « Des jugements sur notre littérature contemporaine à l’étranger. »

Dieu sait avec quelle horreur on parlait alors de Voltaire dans les honnêtes familles d’Angleterre, de Voltaire que l’auteur oppose à Jean-Jacques, comme un homme de génie à un fou. […] Sa manière de commencer le procès qu’il nous intente par l’examen sérieux et appliqué de Paul de Kock, doit faire sourire les gens de talent qu’il inculpe, et d’un sourire plus fin et plus malicieux que l’auteur ne voudrait assurément, s’il savait sa méprise : mais il faut l’y laisser. […] On a bien de la peine à leur expliquer que ce n’est plus du tout la même chose, qu’il peut bien avoir son mérite, qu’il l’a probablement ; mais qu’on ne sait pas au juste, qu’on ne l’a pas lu. […] Athènes enfin n’est pas si anéantie qu’on s’en vante là-bas : elle existe, je ne dis pas à l’Académie tous les jours, ni dans le gros des journaux ; mais, bien qu’éparse, c’est un plaisir de plus de la savoir là et de la retrouver.

2324. (1875) Premiers lundis. Tome III « L’Ouvrier littéraire : Extrait des Papiers et Correspondance de la famille impériale »

La pensée napoléonienne, si elle daigne s’arrêter un instant sur cette question, saura y mettre ce cachet qu’elle met à tout. […] L’on sait, jusque dans la mêlée du combat, observer l’honneur littéraire, les délicatesses du métier. […] Ce qu’il a dû éprouver (et je n’en excepte aucun) de rebuts, d’ennuis, de mortifications d’amour-propre, de piqûres à découvert ou d’affronts secrets, il le sait plus qu’il ne le dit, car c’est un gueux fier. […] Lui, s’il ne parvient pas à être une des fonctions utiles et nécessaires d’un journal, une des quatre ou six roues qui le font aller, il reste nomade et errant ; il végète ; il est obligé d’offrir son travail : on ne sait pas tout ce que cette offre amène avec soi de lenteurs, de désagréments et de mécomptes.

2325. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la religion. »

Quand le vrai chrétien s’est acquitté de ses devoirs, son bonheur ne le regarde plus ; il ne s’informe pas quel sort lui est échu, il ne sait pas ce qu’il faut désirer ou craindre, il n’est certain que de ses devoirs ; les meilleures qualités de l’âme, la générosité, la sensibilité, loin de faire cesser tous les combats intérieurs, peuvent, dans la lutte des passions, opposer l’une à l’autre, des affections d’une égale force ; mais la religion donne pour guide un code, où, dans toutes les circonstances, ce qu’on doit faire est résolu par une loi. […] Je ne sais si l’on a détruit la foi religieuse du peuple en France, mais on aura bien de la peine à remplacer pour lui toutes les jouissances réelles dont cette idée lui tenait lieu ; la révolution y a suppléé, pendant quelque temps. […] Cet homme cependant, qui manqua de la force nécessaire pour préserver son pouvoir, et fit douter de son courage, tant qu’il en eut besoin pour repousser ses ennemis ; cet homme, dont l’esprit naturellement incertain et timide, ne sut ni croire à ses propres idées, ni même adopter en entier celle d’un autre ; cet homme s’est montré tout à coup capable de la plus étonnante des résolutions, celle de souffrir et de mourir. […] Par-delà ce qui est commandé, tout ce qu’on refuse, est légitime ; la justice dégage de la bienfaisance, la bienfaisance de la générosité, et contents de solder ce qu’ils croient leurs devoirs, s’il arrive une fois dans la vie où telle vertu clairement ordonnée exige un véritable sacrifice ; il est des biens, des services, des condescendances de tous les instants, qu’on n’obtient jamais de ceux qui ayant tout réduit en devoir, n’ont pu dessiner que les masses, ne savent obéir qu’à ce qui s’exprime.

2326. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre V. Des personnages dans les récits et dans les dialogues : invention et développement des caractères »

Un écrivain dramatique de notre temps, qui certes a su donner à ses caractères une rectitude et une consistance merveilleuse à travers les surprises de l’intrigue et les incohérences de la passion, nous a fait quelque part la confidence qu’il se faisait la biographie de chaque personnage qu’il voulait introduire dans une pièce, qu’il le dotait d’une existence antérieure, d’un long passé, où son tempérament et ses habitudes étaient minutieusement décrits. […] Pour savoir mettre ainsi aux prises un tempérament avec une situation, il faut avoir observé comment notre caractère se manifeste dans les petits faits de la vie journalière, se modifie à leur contact, se décompose et se recompose sans cesse insensiblement, et se trouve parfois renouvelé alors qu’il ne s’est rien passé, comme il reste le même d’autres fois à travers les plus grandes catastrophes. […] S’il vous est arrivé jamais de concevoir l’idée d’un enfantillage, d’une équipée, d’une folie, pure fantaisie de l’esprit inquiet et désœuvré, et de passer à l’exécution sans autre raison que l’idée conçue, sans entraînement, sans plaisir, mais fatalement, sans pouvoir résister ; — si vous avez repoussé parfois de toutes les forces de votre volonté une tentation vive, si vous en avez triomphé, et si vous avez succombé à l’instant précis où la tentation semblait s’évanouir de l’âme, où l’apaisement des désirs tumultueux se faisait, où la volonté, sans ennemi, désarmait ; — si vous avez cru, après une émotion vive, ou un acte important, être transformé, régénéré, naître à une vie nouvelle, et si vous vous êtes attristé bientôt de vous sentir le même et de continuer l’ancienne vie ; — si par un mouvement de générosité spontanée ou d’affection vous avez pardonné une offense, et si vous avez par orgueil persisté dans le pardon en vous efforçant de l’exercer comme une vengeance ; — si vous avez pu remarquer que les bonnes actions dont on vous louait n’avaient pas toujours de très louables motifs, que la médiocrité continue dans le bien est moins aisée que la perfection d’un moment, et qu’un grand sacrifice s’accomplit mieux par orgueil qu’un petit devoir par conscience, qu’il coûte moins de donner que de rendre, qu’on aime mieux ses obligés que ses bienfaiteurs, et ses protégés que ses protecteurs ; — si vous avez trouvé que dans toute amitié il y a celle qui aime et celle qui est aimée, et que la réciprocité parfaite est rare, que beaucoup d’amitiés ont de tout autres causes que l’amitié, et sont des ligues d’intérêts, de vanité, d’antipathie, de coquetterie ; que les ressemblances d’humeur facilitent la camaraderie, et les différences l’intimité ; — si vous avez senti qu’un grand désir n’est guère satisfait sans désenchantement, et que le plaisir possédé n’atteint jamais le plaisir rêvé ; — si vous avez parfois, dans les plus vives émotions, au milieu des plus sincères douleurs, senti le plaisir d’être un personnage et de soutenir tous les regards du public ; — si vous avez parfois brouillé votre existence pour la conformer à un rêve, si vous avez souffert d’avoir voulu jouer dans la réalité le personnage que vous désiriez être, si vous avez voulu dramatiser vos affections, et mettre dans la paisible égalité de votre cœur les agitations des livres, si vous avez agrandi votre geste, mouillé votre voix, concerté vos attitudes, débité des phrases livresques, faussé votre sentiment, votre volonté, vos actes par l’imitation d’un idéal étranger et déraisonnable ; — si enfin vous avez pu noter que vous étiez parfois content de vous, indulgent aux autres, affectueux, gai, ou rude, sévère, jaloux, colère, mélancolique, sans savoir pourquoi, sans autre cause que l’état du temps et la hauteur du baromètre ; — si tout cela, et que d’autres choses encore ! […] Mais, pour l’appliquer, il faut savoir quels changements dans les effets répondent à tels changements dans les causes, mesurer la valeur de chaque donnée, afin de faire varier le produit selon que varieront les facteurs.

2327. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Le livre latin est admirable de correction classique et d’énergie personnelle : c’est le chef-d’œuvre d’un grand humaniste, et l’on sait que Calvin n’était pas même dénué d’érudition hébraïque. […] Et par là sa réforme est bien française : le principe et la fin en sont la pratique, l’ordonnance de la vie, et non la spéculation, la poursuite de je ne sais quels résultats métaphysiques. […] J’y retrouve, sous l’éminente autorité de l’Écriture, sans cesse alléguée et impérieusement dressée, j’y retrouve une pensée nourrie et comme engraissée du meilleur de la sagesse antique, et un sens du réel, une riche expérience qui donnent à tout ce savoir une efficacité pénétrante. […] De même les traductions des divers écrits de Luther faites depuis 1525 ne sauraient diminuer l’originalité ni l’importance de la traduction de l’Institution.

2328. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Réponse à M. Dubout. » pp. 305-316

Vous dites : « À quel moment Prétextat saurait-il que la confession de Frédégonde n’est pas sacramentelle ?  […] La question est, exactement, de savoir si une personne est dans les conditions requises pour la confession sacramentelle dans l’instant où elle se vante d’avoir préparé un assassinat et où elle déclare, avec la plus furieuse insistance, qu’elle va l’accomplir. […] Vous n’avez pas su prendre ce parti, et combien je le regrette ! […] Voici mon texte : « … Que si, malgré tout, on ne s’en est pas aperçu, je n’en sais que dire, sinon que cela nous donne le niveau intellectuel du public », etc.

2329. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Régnier, Henri de (1864-1936) »

Ils contemplent avec lui les ruines du passé ; ils savent qu’en se retrouvant là, le Maître oubliera la vie d’apparence et d’action qu’avec eux il a menée, qu’il ne lui en restera que des regrets. […] Remy de Gourmont M. de Régnier est un poète mélancolique et somptueux : les deux mots qui éclatent le plus souvent dans ses vers sont les mois or et mort, et il est des poèmes où revient, jusqu’à faire peur, l’insistance de cette rime automnale et royale… M. de Régnier sait dire en vers tout ce qu’il veut, sa subtilité est infinie ; il note d’indéfinissables nuances de rêve, d’imperceptibles apparitions, de fugitifs décors ; une main nue qui s’appuie un peu crispée sur une table de marbre, un fruit qui oscille sous le vent et qui tombe, un étang abandonné, ces riens lui suffisent, et le poème surgit, parfait et pur. […] Il sait les affinités mystérieuses par où lu nature éternelle répond à notre cœur fragile. […] Henri de Régnier excelle à ces accompagnements, de son invention, je sais, discrète et fière comme le génie qu’il instaura et révélatrice du trouble transitoire chez les exécutants devant l’instrument héréditaire.

2330. (1890) L’avenir de la science « IX »

Tant il est difficile de savoir apprécier la nécessité et la légitimité des révolutions successives de l’esprit humain. […] Le monde n’est-il pas le premier objet qui excite la curiosité de l’esprit humain, n’aiguise-t-il pas tout d’abord cet appétit de savoir, qui est le trait distinctif de notre nature raisonnable, et qui fait de nous des êtres capables de philosopher ? […] Et déjà même de nos jours, bien que les sciences particulières soient loin d’avoir atteint leur forme définitive, combien de données inappréciables n’ont-elles pas fournies à l’esprit qui aspire à savoir philosophiquement ? […] Et, si on ne l’a pas résolu, comment dire qu’on sait l’homme et l’humanité ?

2331. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Préface. de. la premiere édition. » pp. 1-22

Les esprits y sont divisés, les sentimens arbitraires, les regles méprisées, les rangs confondus, les Grands Maîtres insultés ; le savoir y est peu honoré, la médiocrité accueillie & même célébrée, la hardiesse y supplée au génie. […] Il seroit également injuste de se récrier contre certains traits de critique, où la plaisanterie nous échappe comme d’elle-même, à la vue du ridicule : si nous savions d’autres moyens plus propres à le faire sentir, nous les aurions employés. […] Les Lecteurs éclairés nous les pardonneront d’autant plus aisément, qu’ils doivent sentir par eux-mêmes, que lorsqu’il s’agit de venger la Religion, les Mœurs & le Goût, contre les erreurs de plusieurs Ecrivains accrédités, on ne sauroit s’exprimer avec trop de force. […]   Les Auteurs vivans, si nous en avons passé quelques-uns sous silence (comme cela est très-vraisemblable), ne doivent pas nous savoir mauvais gré de cet oubli : leur nom ou leurs Ouvrages ont échappé à nos recherches.

2332. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

En haut du netzké, un peu plus grand qu’une pièce de deux francs, se voit incisée, dans le fer, une patte d’oiseau, une patte de grue ; mais de la grue absente, volante en dehors du petit rond de métal, il n’y a que la patte — et ce qu’a représenté au milieu du tout petit disque noir le ciseleur, le savez-vous ? […] Enfin un jour, Hayashi, en train de visiter ma collection, tirait l’écritoire d’un tiroir, et je voyais ses doigts pris d’un tremblement religieux, comme s’ils touchaient une relique, et je l’entendais, le Japonais, me dire d’une voix émotionnée : « Vous savez, vous possédez là une chose… une chose très curieuse… une chose fabriquée par un des quarante-sept ronins !  […] On conçoit, après le déchiffrement de l’inscription par Hayashi, l’intérêt que j’eus à savoir la part qu’il avait pu prendre à l’expédition contre la résidence de Kotsuké ; part dont je ne trouvais trace ni dans le roman de Tamenaga Shounsoui, ni dans les légendes du vieux Japon de M.  […] Il sut ainsi que le 14e jour du 12e mois, était le jour du grand nettoyage, et que ce jour le monde s’enivre et dort de fatigue.

2333. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

On peut dire que jamais homme n’a mieux su que lui remplir le précepte, qui veut que la Comédie instruise en divertissant. […] On sait de quelle manière il y a excellé, non seulement comme Acteur, par le grand nombre d’Ouvrages qu’il nous a laissés, et qui ont tous leurs beautés proportionnées aux sujets qu’il a choisis. […] Toutes ses Pièces n’ont pas d’égales beautés, mais on peut dire que dans ses moindres il y a des traits qui n’ont pu partir que de la main d’un grand maître, et que celles qu’on estime les meilleures, comme Le Misanthrope, Le Tartuffe, Les Femmes savantes, etc. sont des chef-d’œuvres qu’on ne saurait assez admirer. […] Il n’y a plus présentement dans Paris que cette seule Compagnie de Comédiens du Roi entretenu par sa Majesté : Elle est établie en son Hôtel rue Mazarini, et représente tous les jours sans interruption, ce qui a été une nouveauté utile aux plaisirs de cette superbe Ville, dans laquelle avant la jonction il n’y avait comédie que trois fois chaque semaine, savoir le Mardi, le Vendredi et le Dimanche, ainsi qu’il s’était toujours pratiqué.

2334. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Quatrième faculté d’une Université. Faculté de théologie » pp. 511-518

Si l’apprenti prêtre a fait son cours entier des arts, il saura le latin et le grec. […] Le second professeur en hébreu prendrait ses étudiants après quelques mois de leçons de grammaire hébraïque, alors ils en sauraient assez pour entendre son explication littérale de la Bible. […] Il suffit de savoir ce que l’Écriture sainte, les conciles et les Pères ont prononcé sur chaque dogme en particulier ; s’interdire les recherches curieuses, les systèmes qui ne produisent que des erreurs et des partis. […] Or qui sait ce que cette souche abandonnée à sa libre végétation peut produire de monstrueux ?

2335. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution d’Angleterre »

Plus avant que la biographie dans l’Histoire, je ne sais rien. […] Eh bien, ces philosophies de l’Histoire, filles de l’orgueil de la pensée, aussi coupable que l’autre orgueil, ces théories où la science se dilate et se fausse au lieu de se circonscrire pour se simplifier et s’approfondir, Guizot y répond, et, selon moi, d’une façon bien frappante et bien éloquente, en écrivant des biographies de cette grande plume qui a prouvé si elle savait aller aux ensembles et si elle avait la puissance de ses ambitions ! […] Je ne sais pas si Guizot, à une autre époque de sa vie intellectuelle, n’a pas cru à cette généralisation, à cette abstraction, à cette panthéification (qu’on me passe le mot !) […] Il faut être un philosophe en quête de savoir avec quels atomes imperceptibles se font les plus grandes choses, pour se préoccuper au xixe  siècle de personnages aussi oubliés, malgré l’aristocratie de leur race ou l’éclat momentané de leur nom, que le sont aujourd’hui lord Hollis, sir Philippe Warwick, sir Thomas Herbert, sir John Reresby, Sheffield, duc de Buckingham, Thomas May, John Lilburne, Edmond Ludlow, etc.

2336. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Eugène Hatin » pp. 1-14

… Pour notre compte, nous ne savons pas si la liberté de la presse, à fond de train et sans réserve, qui s’est dite si longtemps une institution et dont les journaux ont la prétention, avouée ou secrète, d’être les fils, aussi inviolables que leur mère, nous ne savons pas si cette liberté est la civilisation tout entière, mais, si Μ.  […] III On ne saurait en dire autant du chapitre où Μ.  […] Lorsque l’auteur de l’Histoire de la Presse en France ne s’appesantit que sur des inutilités, comme, par exemple, quand il nous cite, dans le dessein transparent de faire son volume, les platitudes difficiles, nugas difficiles , de la Gazette en vers de Loret, pu quand encore, sous prétexte de nous donner l’histoire du Mercure, il nous transcrit je ne sais combien de passages de la comédie du Mercure galant de Boursault, que nous savons bien où trouver sans avoir besoin de la relire dans l’histoire de Μ. 

2337. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sismondi, Bonstetten, Mme de Staël et Mme de Souza »

II Ainsi, — je le répète, — ce n’est point l’affirmation de Saint-René Taillandier, quelle que soit l’épouvantable peine qu’il se donne pour paraître enthousiaste, et il l’est peut-être, que sait-on ? […] Découvrir l’âme de Sismondi, voilà, en effet, un fier tour de force d’acuité naturelle ou de lunettes… car qui ne sait ce qu’était Sismondi ? […] On sait que Gibbon avait été amoureux de Madame Necker. […] », au lieu de nous donner de vraies lettres inspirées, comme Mesdames de Souza et de Staël savaient en écrire à ceux qui avaient le bonheur d’être aimés d’elles ou de leur plaire, — car on n’écrit bien les lettres qu’à ces conditions ! 

2338. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VI. Jules Simon »

Dans l’état actuel du journalisme et de nos mœurs, une réclame quelconque ne saurait étonner personne, mais celle-ci avait du caractère, et d’ailleurs, qui sait ? […] « Philosophiquement, dit-il, nous ne savons le comment de rien : mais voilà pourquoi, ajoute-t-il, il y a une religion naturelle. » Moi, je dirais plutôt : Voilà pourquoi il doit y avoir une religion positive, une religion qui, sur toutes les questions important à l’homme et à sa destinée, prend un parti net et lui impose une solution. […] Dieu trouvé au fond du cœur, quand on l’y trouve ; Dieu inné, étoile inconnue du monde invisible, aimable et brillante, — pas trop brillante cependant, si elle est aimable, — Dieu qui promet par la souffrance et le spectacle de l’injustice une immortalité… probable, et n’ayant pour tout culte qu’une prière qui ne demande rien, par respect pour les lois générales du monde, mais qui remercie, on ne sait trop pourquoi, telle est cette religion naturelle, mêlée d’un stoïcisme incertain qui voudrait bien qu’on lui payât les appointements de sa vertu, mais qui n’est pas sûr de les toucher.

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