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1105. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Francis Wey »

Présentement, il est surtout un homme de lettres très compétent et très sérieux.

1106. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

Tel est un morceau sur la cour ; sur ce mélange éternel qu’on y voit des plaisirs et des affaires ; sur ces jalousies sourdes au-dedans, et cette brillante dissipation au-dehors ; sur les apparences de gaieté, qui cachent une ambition si ardente, des soins si profonds, et un sérieux, dit l’orateur, aussi triste qu’il est vain.

1107. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Deschanel prend ou affecte de prendre cette note au grand sérieux. […] Peut-être lui avons-nous su mauvais gré de changer nos habitudes et permettons-nous difficilement le sérieux à ce grand amuseur. […] Si je me pose ces questions, c’est que j’ai pris Patrie tout à fait au sérieux. […] Le tableau de la revue, celui de la bataille, celui de la retraite, d’autres encore, sont d’une réelle et je dirais presque d’une sérieuse beauté. […] Ce que je fis avec tout le sérieux dont je suis capable.

1108. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Or c’est un préjugé assez répandu parmi les hommes de tous les temps et qui l’était très fort chez les Grecs, que le philosophe n’est pas un homme très sérieux. […] Dans l’hygiène rentre la morale ; donc l’hygiène est un art sérieux, c’est un art. […] Et, comme les enfants ne peuvent souffrir rien de sérieux, il a fallu déguiser ses enchantements sous le nom de jeux et de chants et les leur faire accepter ainsi. […] Le poème épique étant un poème sérieux, le public exige de lui la beauté morale. […] Or elle n’admet pas la vie idéale sans beauté morale ou plutôt, pour elle, la beauté morale est le genre de beauté attaché aux actions sérieuses.

1109. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Je n’avais jamais manié un outil de ma vie, et cependant avec le temps, par le travail, l’application, les expédients, je vis enfin que je ne manquerais de rien que je n’eusse pu faire, surtout si j’avais eu des outils ; même sans outils, je fis quantité de choses1029. » Il y a un plaisir sérieux et profond dans cette pénible réussite et dans cette acquisition personnelle. […] C’est à ce moment1036 que paraissent le Tatler, le Spectator, le Guardian, et tous ces essais agréables et sérieux qui, comme le roman, vont chercher le lecteur à domicile pour l’approvisionner de documents et le munir de conseils, qui, comme le roman, décrivent les mœurs, peignent les caractères et tâchent de corriger le public, qui enfin, comme le roman, tournent d’eux-mêmes à la fiction et au portrait. […] Il donne à ses fictions un but pratique, et les recommande en disant que le ton sérieux et tragique aigrit, tandis que le style comique « dispose les gens à la bienveillance et à la bonne humeur1082. » Bien plus, il fait la satire du vice ; il considère les passions non comme de simples forces, mais comme des objets d’approbation ou de blâme. […] Mais en même temps, pour civiliser cette barbarie et maîtriser cette violence, une faculté paraît, commune à tous, auteurs et public : la sérieuse réflexion attachée à observer les caractères.

1110. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

On est de l’Institut, on est sérieux, on a tout. […] Soirée sérieuse ainsi que l’est une soirée d’hommes. […] La femme de l’historien, une femme au visage à la fois sérieux et jeune, se tient sur une chaise, à côté du bureau, où est placée la lampe, le dos à la fenêtre, dans la pose un peu rigide d’une teneuse de livres dans une librairie protestante. […] Alors, il nous esquisse, comme en des devis de poète, le logis à l’italienne du xvie  siècle, et les immenses escaliers au milieu du palais ; puis les grands plain-pieds amenés par la disparition des escaliers, et introduits à l’hôtel Rambouillet ; puis le Louis XIV incommode et sauvage ; puis ces merveilles d’appartements des fermiers généraux, à propos desquels il se demande si c’est l’argent de ces financiers, ou le goût particulier des ouvriers d’alors, qui les ont fait naître… puis enfin notre appartement moderne, même le plus riche… sérieux, démeublé, désert.

1111. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Ils sont là dix, sérieux, impassibles, muets. […] Le sérieux a gagné les auditeurs, le sérieux fermé, cadenassé, qu’on cherche à interroger, à surprendre. […] » Et le travail reprend, sérieux, acharné, coupé de dépêches télégraphiques jaunes, que la princesse déchire à mesure et roule en boulettes.

1112. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Au troisième, la plaisanterie a tourné au sérieux, à la privation. […] La foule devient sérieuse, se recueille dans sa tristesse. […] Les hommes sont pâles, sérieux. […] La journée d’hier m’a fait faire des études très sérieuses d’acoustique. […] Madeleine, sérieuse et pâle, a des tressautements à chaque détonation.

1113. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

Ce sérieux qui semble banni aujourd’hui d’une ville immense, devenue le centre des plaisirs, devoit regner dans une ville alors petite. dénuée d’amusemens : l’esprit des Parisiens a change en cela malgré le climat. […] Le défaut le plus condamnable & le plus ordinaire dans le mélange des styles, est celui de défigurer les sujets les plus sérieux en croyant les égayer par les plaisanteries de la conversation familiere. […] Le grave est au sérieux ce que le plaisant est à l’enjoüé : il a un degré de plus ; & ce degré est considérable. On peut être sérieux par humeur, & même faute d’idées. […] Les Romains, tout sérieux qu’ils étoient, n’ont pas moins enveloppé de fables l’histoire de leurs premiers siecles.

1114. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Ils sont graves alors, ils sont sérieusement émus, (et en même temps, par une délicieuse, par une désarmante ironie (sur eux-mêmes), par un amusant retour sur soi-même ils appellent en effet cela, souriants de connivence, ou sérieux apparemment, être (un peu) émus.) ils sortent, non sans peine, des raisonnements serrés, des raisonnements invincibles, (alors tu vois ben), des raisonnements victorieux, des raisonnements généreux, des raisonnements sévères, des raisonnements éloquents sur le gouvernement des peuples, des raisonnements logiques, en tenant la rampe, des raisonnements prodigieux. […] Il marche d’un certain pas rituel, d’un certain pas de procession, d’un certain pas cérémonieux, d’un certain pas content, lent et pressé, un pas de foule, un pas de province, affecté pressé, qui sait bien qu’il arrivera toujours (où sont nos pas, nos hâtes de Paris), (un pas de foule, affecté foule, officiellement de foule ; conscient, content, se sachant, se sentant foule ; il faut bien qu’on sache qu’il y a foule à Orléans) défilant sous les auvents des petites baraques, pour les petits marchands, (aujourd’hui si gros, apparemment si cossus), s’attroupant, sérieuse et pressée, sage et s’amusant, sagement, (follement), devant les boniments, que dis-je, devant les parades des grandes baraques, des vraies baraques, des baraques proprement dites, et partout aussi hélas, un peu partout s’arrêtant devant les pavillons des phonographes. […] Qu’un homme que nous avons presque connu, si nous n’étions pas né en province, que nous pouvions connaître, que nous pouvions toucher, dont nous voyons encore la grande barbe blanche dans les dernières images, dans les images de la fin, dans des apothéoses aux murs des chambres de toutes les maisons, et les grosses paupières, surtout les deux paupières inférieures, comme un peu gonflées, (il avait tant regardé le monde), un homme que nous avons suivi pendant onze ans, pendant douze ans, je veux dire que nous avons historiquement, biographiquement, chronologiquement doublé pendant douze ans, que nous avons vu censément enterrer sous la troisième République, (les journaux étaient pleins de son enterrement ; nous étions déjà au lycée, en sixième, et je me vois encore discutant gravement en cour, comme un gamin sérieux, sur ce qu’il valait ; déjà j’étais un gamin sérieux ; un enfant pauvre et sérieux ; soucieux ; il faut me le pardonner sur ce que je suis un gamin encore, mais que je ne suis plus sérieux ; déjà j’en étais fou fanatique, surtout encore plus je crois parce que je venais d’apprendre pour l’excellent M.  […] Qu’il ait senti ce jour-là qu’il balançait tout un monde, lui Hugo, (il n’était pas si bête, quand il s’agissait de sa carrière, de ses réussites, de son talent, de sa gloire, et surtout quand il y allait de son génie), que ce jour-là était pour lui un jour d’élection certainement unique, qu’il s’était produit ce jour-là, ce jour unique, pour lui Hugo, à l’avantage de lui Hugo, (on ne sait pas pourquoi, mais c’est toujours ainsi), on ne sait quelle contamination entre le royaume du génie et le royaume de la grâce, on ne sait quel écoulement, quel épanchement (charnel spirituel), quelle dérivation, quel déversement du royaume de la grâce dans le royaume du génie ; qu’il s’était passé ce jour-là dans sa tête quelque chose d’extraordinaire ; qu’il avait peut-être été choisi pour on ne sait pas bien quoi ; par un décret nominatif ; en tout cas pour quelque chose de sérieux ; pour quelque chose d’unique ; pour quelque chose de grand ; et sûrement pour quelque chose de réussi ; pour une unique, pour une grande, pour une sérieuse réussite ; qu’il fallait en profiter ; que c’était toujours ça de pris ; que ce jour-là il atteignait un faîte ; qu’il n’eût peut-être pas, certainement pas atteint tout seul ; que de pareils bonheurs n’arrivent pas toujours ; qu’ils n’arrivent peut-être même qu’une fois ; qu’ils n’arrivent peut-être même jamais ; qu’il faut donc en profiter, et s’en donner ; qu’ensuite on verra bien ; qu’après on ne sait pas ce qui peut arriver ; qu’après on ne sait pas de quoi la vie est faite : je n’en veux pour preuve, je n’en veux pour signature. […] Car tels étaient nos sérieux Délassements Comiques.

1115. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Jeunesse pensive, sérieuse, exemplaire, en somme ; aurore indécise et touchante d’une journée d’orage. […] L’affaire de Toulon fut plus sérieuse. […] Les garçons sérieux sont toujours attirés par les coquettes qui commencent à se faisander. Napoléon excessivement sérieux, était de ceux qui épousent. […] Ce mariage est un établissement sérieux, par lequel la famille Bonaparte sera classée définitivement parmi les dynasties régulières.

1116. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Je croyais n’avoir plus de goût que pour les soins de l’épiscopat et pour les règles de la discipline de l’Église ; mais j’ai senti que j’aimais encore les sonnets, les stances et les idylles, et qu’au milieu des occupations les plus sérieuses j’étais encore capable d’amusement. […] Ajoutez qu’à mesure qu’on s’éloigne de ces temps anciens et de ce régime aboli, il devient d’un intérêt historique sérieux d’en bien connaître les mœurs, les usages, les particularités, les excès ; de voir toute une province et des plus rudes, saisie au vif et prise sur le fait dans ses éléments les plus saillants et les plus heurtés, dans sa noblesse, son clergé, son tiers état et ses paysans, d’assister à l’enquête et à la justice, souvent bien expéditive, qu’on y fait au nom de l’autorité royale, treize ans seulement après les rébellions de la Fronde.

1117. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Après les épanchements lyriques et les confidences qui avaient resserré l’union des poëtes, après les feux des Orientales, entremêlés du trépas de Madame de Soubise et des jeux de la Frégate la Sérieuse, les plus forts songèrent au théâtre, à cette arène où la poésie peut arriver au public face à face, en le prenant par ses sensations, en le domptant. […] « 7 mai 1829 » Cependant les réunions qui se rapportaient à cette période dite du Cénacle continuaient, et, à chaque ouvrage nouveau, qu’il s’agît de Roméo, d’Othello, de Mme de Soubise, ou de la Frégate la Sérieuse, De Vigny nous conviait à ses lectures, de vraies agapes de poésie.

1118. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Petite de taille, d’un visage charmant, elle avait quelque chose d’angélique et de puritain, un caractère sérieux et ferme, une sensibilité pure et élevée. […] Tout est sérieux, tendre et honorable dans le choix réciproque.

1119. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

XVII « Quand elle eut traversé le pont au Change et les quartiers tumultueux de Paris, le silence et la contenance sérieuse de la foule indiquèrent une autre région du peuple. […] Les hommes légers au commencement de l’action deviennent peu à peu sérieux, dévoués, tragiques comme la pensée qui les enveloppe et les élève dans son tourbillon.

1120. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Guillaume, ayant rejoint Campe, son premier instituteur, à Brunswick, alla avec lui assister avec une joie sérieuse, à Paris, à l’éclosion d’une philosophie politique, en 1789. […] XI À cela près, il entra dans la science avec tous les heureux privilèges de son aristocratie, riche, libre, au niveau ou au-dessus de tout le monde, se consacrant exclusivement, non aux vains plaisirs de son âge, mais aux sérieuses études de la vie scientifique : véritable savant allemand transporté dans Paris.

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