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500. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

Son Nabab n’est pas le Nabab anglais, cuit et recuit au soleil de l’Inde, jaune comme son or, malade du foie, dévoré de spleen et de l’ennui de cet argent qui ne le fait que riche en Angleterre, où les rangs ne sont pas encore confondus. […] … Toujours est-il que plus de vingt-cinq ans après lui le romancier que voici a ramassé cette glane, qui vaut une gerbe, dans le riche sillon de Balzac. […] C’est la royauté qui n’est plus le Dieu Terme de nulle part, qui abdique aussi lestement qu’une écuyère descend de cheval après sa représentation du Cirque, et qui, riche de tout, excepté de sa couronne, — la seule richesse à laquelle elle devrait tenir, — la sacrifie et l’oublie, avec la facilité des philosophes et des viveurs, pour les délices de cette Capoue qui s’appelle Paris, comme ce prince souverain de Brunswick — un type de roi exilé — qui troqua si facilement sa royauté contre les diamants laissés et emportés aux boutonnières de sa culotte !

501. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

Si vous n’êtes pas riche vous aurez tout ce qu’il vous faut, avec une maison à un étage, simple, propre, un toit caché, un enduit de couleur, quelques bas-reliefs en plâtre, ou un encadrement rustique, un ruisseau large et rapide, s’échappant d’un vrai rocher, un pont tremblant comme celui d’Aline, quelques bancs, peut-être une table de pierre ; une cabane de berger, salon ambulant, monté sur quatre roues ; quelques pins, fiers sans orgueil, quelques peupliers d’Italie, élevés, sans faste, lestes et obligeants ; un saule pleureur, un arbre de Judée, un acacia, un platane, trois plates-bandes de fleurs jetées au hasard, des marguerites sur une partie de votre pelouse, un petit champ de coquelicots et de bluets… Je supprime ici le chapitre des allégories, inscriptions, hiéroglyphes, dont il ne veut pas qu’on abuse, mais que toutefois il accorde, tribut payé au goût du temps : Avec tout cela, dit-il, et un haha 36 environnant et ignoré, qui fait jouir des coteaux, des plaines, des bois, des prairies, des villages et des vieux châteaux des environs, je surpasserais et Kent et Le Nôtre, et, avec vingt mille francs pour tout l’ouvrage et deux cents francs d’entretien, je détournerais de dix lieues tous les voyageurs. C’est ainsi qu’il construit son Tibur selon le rêve d’une médiocrité dorée ; mais, si vous êtes riche, il travaille sur d’autres frais ; il vous proposera les colonnes, les marbres, les galeries avec dôme de cuivre doré ou terrasses en plomb, tout un ordre de fabriques à la romaine : « Et je veux que tout cela soit éloigné l’un de l’autre dans un grand espace, et joue avec l’eau, le gazon et les plus beaux chênes. » Je ne veux, par ces citations, que rendre le sentiment qui circule dans tout ce qu’a écrit le prince de Ligne sur les jardins.

502. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

Son père, homme riche, amateur de philosophie et de savoir, grand et intime ami de Gassendi, au point qu’on pouvait dire à celui-ci que M.  […] Les autres croyaient Monsieur de Scudéry Un homme de fort bonne mine, Vaillant, riche et toujours bien mis ; Sa sœur une beauté divine, Et Pellisson un Adonis.

503. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

D’Argenson se plaît donc à relever les éloges qu’il a entendu faire de son père au cardinal de Fleury et à d’autres qui autrefois étaient peu de ses amis, et cela le remettant en veine filiale, il trace à diverses reprises des esquisses vigoureuses et franches de cette figure où le sourcil redoutable recouvrait tant de qualités diverses, et une riche ou même une aimable nature. […] Rien ne supplée à cela, et la langue en était d’autant plus riche… On entendait en même temps de bonnes et d’aimables qualités avec quelques défauts : enfin cela présentait une image… De dire C’est une jeune personne, ne dit point cela.

504. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Ainsi ma vie, à l’interruption subite des carrières impétueuses que je fournissais à traversées vallées, frémissait dans tout mon sein… « La jeunesse est semblable aux forêts verdoyantes tourmentées par les vents : elle agite de tous côtés les riches présents de la vie, et toujours quelque profond murmure règne dans son feuillage. […] qui a dit en cette prose épaisse, et riche, grassement paysanesque et roturière ; ce que Guérin a dit dans sa langue élégante et choisie, ce qu’il a exprimé de son ciseau mythologique, et fin ?

505. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Un groupe de jeunes écrivains catholiques distingués, de doctrinaires du parti, qui, à l’envi du Globe, s’étaient essayés dans le Correspondant sur la fin de la Restauration, se joignirent, sans s’y confondre, avec le groupe des amis de M. de Lamennais : à côté du vigoureux et sombre Breton, du doux, aimable et savant abbé Gerbet, du brillant et valeureux Lacordaire, du jeune comte leur ami91, alors dans toute la fraîcheur acérée de son talent, on eut Edmond de Cazalès, riche esprit, cœur plus riche encore ; Louis de Carné, esprit sage, écrivain consciencieux, s’instruisant toujours, désireux d’acquérir et de combiner tout ce qui est bien, se nuisant par là peut-être à la longue ; on eut un Franz de Champagny, jouteur sincère, peintre studieux, sévère pour les Césars comme un élève de Tacite qui eût été chrétien ; plusieurs Kergorlay, au nom jadis hostile, mais tous d’une autre génération plus adoucie, tous réconciliés entièrement ou en partie avec le siècle.

506. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Abbé de Jumiéges, le jeune Harlay n’en était pas plus riche ; car l’oncle retenait la plus grande partie des revenus. […] Je serais heureux de pousser à un pareil travail dont on a tous les éléments, les plus riches et les plus triés.

507. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

La Renaissance, en Angleterre, ne se comporta point comme chez nous ; elle ne mit pas fin brusquement au Moyen-Age ; elle ne produisit point un sens-dessus-dessous dans l’art, dans la poésie, dans le drame, une inondation destructive ; elle trouva un fonds riche, solide, résistant comme toujours : elle le recouvrit par places et s’y mêla en se combinant. […] Les prosateurs de la Renaissance, dont Bacon est le plus célèbre, mais dont quelques autres ont repris depuis peu faveur et ont obtenu un riche regain de renommée, trouvent une juste place dans le livre de M. 

508. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

J’ai pris pour Tacite une sorte de passion ; je le lis pour la quatrième fois de ma vie avec un goût tout nouveau, je le saurai par cœur ; je ne puis me coucher sans en avoir savouré quelques pages. » Et elle redit la même chose dans ses Mémoires : « Il me semble que nous voyons de même (Tacite et moi), et avec le temps, sur un sujet également riche, il n’aurait pas été impossible que je m’exprimasse à son imitation. » Mais pourquoi imiter Tacite ? […] Supposez Porcie infidèle de cœur à Brutus, elle ne parlerait pas autrement. — Mais je ne puis tout dire cette fois, et mieux vaut remettre que d’écourter une si riche matière.

509. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Quand il n’y a plus de quoi subsister au logis, nobles et serfs, riches et pauvres, se serrent le ventre avec une ceinture et vont dans les champs disputer de maigres plantes aux troupeaux. […] — Ces hommes, les Touareg, tu les prends pour des lâches ; — cependant ils savent voyager et même guerroyer ; — ils savent partir de bon matin et marcher le soir ; — ils savent surprendre dans son lit tel homme couché ; — surtout le riche qui dort au milieu de ses troupeaux agenouillés ; — celui qui a orgueilleusement étendu sa large tente ; — celui qui a déployé en leur entier et ses tapis et ses doux lainages ; — celui dont le ventre est plein de blé cuit avec de la viande, — et arrosé de beurre fondu et de lait chaud sortant du pis des chamelles ; — ils le clouent de leur lance, pointue comme une épine, — et lui se met à crier, jusqu’à ce que son âme s’envole

510. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Mme de Gasparin n’a pas cru devoir en mettre ; elle a puisé à pleines mains autour d’elle dans sa langue romande, dans cette riche flore rustique dont elle est éprise et où l’on dirait qu’elle se plonge à cœur-joie ; elle a moins songé à nous agréer qu’à se satisfaire. […] Quelle différence de cette châtelaine de Valleyres riche, heureuse, glorieuse épouse, avec l’autre châtelaine du Cayla, noble, fière, pauvre, qui fait ses bas, qui vaque aux plus humbles soins du ménage, et qui est si imposante et si aisée dans sa modeste dignité !

511. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

. — Et en un autre jour de moins belle humeur : « Monsieur de Talleyrand, comment avez-vous fait pour devenir si riche ?  […] Qu’on n’aille point s’imaginer pour cela qu’elle est moins riche et plus stérile, et que la brusquerie militaire y avait supprimé les combinaisons romanesques ou les menées diplomatiques qui se pratiquaient sous le couvert des galanteries ; ce serait se tromper étrangement ; mais les mémoires particuliers n’ont point paru, les contemporains qui savaient ont cessé de vivre, et les fils, les descendants tiennent eu échec jusqu’à présent les révélations posthumes.

512. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

dit l’enfant, nous sommes donc devenus riches ?  […] Dans une jolie pièce de vers, adressée à un riche agriculteur de Toulouse qui lui donnait ce conseil, il réfute agréablement les raisons flatteuses par un tableau de ses goûts et de ses simples espérances : « Dans ma ville, où chacun travaille, laissez-moi donc comme je suis ; chaque été, plus content qu’un roi, je glane ma petite provision d’hiver, et après je chante comme un pinson, à l’ombre d’un peuplier ou d’un frêne, trop heureux de devenir cheveux blancs dans le pays qui m’a vu naître.

513. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre II. Les privilèges. »

Il ne faut pas s’étonner s’ils sont restés puissants et surtout riches ; rien de plus stable qu’une forme de société. […] Et ce gros lot est en même temps le plus riche ; car il comprend presque toutes les grandes et belles bâtisses, palais, châteaux, couvents, cathédrales, et presque tout le mobilier précieux, meubles, vaisselle, objets d’art, chefs-d’œuvre accumulés depuis des siècles. — On peut en juger par l’estimation de la part du clergé.

514. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Ce vieillard possédait des champs de blés et d’orge ; Il était, quoique riche, à la justice enclin ; Il n’avait pas de fange en l’eau de son moulin, Il n’avait pas d’enfer dans le feu de sa forge. […] Mieux vaut appeler la chose par son nom, qui évoquera mieux les idées et les images qui s’y sont associées : à cet égard, le mot mer est plus expressif, traîne un plus riche cortège d’impressions, que le mot Thétis.

515. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Ce furent ensuite des drames liturgiques : une action plus développée, des personnages plus nombreux, une mise en scène plus riche. […] La grande commune picarde, riche, populeuse, remuante, toujours avide d’action et d’émotion, que nous avons vue déjà dérober aux cours féodales les formes aristocratiques de leur lyrisme, s’empara aussi de bonne heure du drame élevé à l’ombre de l’église : elle l’amena sur ses places publiques, et y versa tous les sentiments naïfs ou vulgaires qui bouillonnaient dans les âmes de ses bourgeois.

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