/ 2495
716. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Bernis ne pouvait, sans être pédant et ridicule, paraître s’apercevoir de toutes les irrévérences de son confrère et encore moins s’en choquer : il lui suffisait de les détourner indirectement d’un mot, et quelquefois, s’il allait trop loin, de le rappeler à la convenance en déguisant le conseil en éloge. […] Averti que l’Assemblée nationale avait décidé qu’il fallait un serment pur et simple, et prévenu qu’il s’exposait à être rappelé s’il persistait dans sa restriction, il répondait le 22 février : « La conscience et l’honneur n’ont pu me permettre de signer sans modification un serment qui oblige de défendre la nouvelle Constitution dont la destruction de l’ancienne discipline de l’Église fait une partie essentielle. » Le rappel fut prononcé. […] [NdA] J’ai sous les yeux une notice manuscrite très bien faite qui rappelle les principaux services politiques du cardinal de Bernis en ces années du pontificat de Pie VI ; cette notice a été rédigée en 1806 par M. 

717. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Moreau, de la bibliothèque Mazarine, apportant sur ce sujet une critique exacte et bienveillante, a depuis considéré Saint-Martin dans le fond même et le principe de ses doctrines, et s’est attaché à montrer comment il avait servi la vérité à son heure, et en quoi aussi il y avait manqué, en quoi c’était un chrétien peu orthodoxe, un hérésiarque qui en rappelle quelques-uns du temps d’Origène46. […] Dans l’intervalle, il fit imprimer plusieurs ouvrages dont le premier, composé à Lyon, fut publié en 1775, sous le titre Des erreurs et de la vérité, ou les Hommes rappelés au principe universel de la science. […] Il me rappelle ce verset de l’Écriture (Matthieu, V, 4) : Beati mites, quoniam ipsi possidebunt terram !

718. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

L’armée était sans vêtements, sans chaussures, sans solde : On donna des fusils aux lieutenants et sous-lieutenants ; cette mesure, dont les officiers de ces grades se seraient bien passés, était bien entendue : nous devions faire la guerre sur les crêtes de l’Apennin, et l’effectif sous les armes était tellement réduit, qu’un seul officier, le capitaine, suffisait au commandement d’une compagnie en ligne… Un jour, je ne me rappelle pas la date, le citoyen Chiappe, commissaire du gouvernement près l’armée d’Italie, présenta à notre acceptation la Constitution de l’an iii. […] La conversation roulait sur les événements politiques ; s’interrompant au milieu d’une de ces périodes à effet comme il savait les faire, le général lui dit : « Rappelez-vous, Pelleport, et vous êtes trop jeune pour que vous ne puissiez un jour ou l’autre mettre à profit mon avertissement, rappelez-vous qu’en révolution il ne faut jamais se mettre du côté des honnêtes gens : ils sont toujours balayés. » — « Après ce court dialogue, ajoute Pelleport, la conversation reprit son cours ordinaire, et je me promis bien de désobéir à mon général. » De retour en France, Pelleport continue sa marche d’un pas égal.

719. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Vénus, pour le toucher et l’apitoyer, énumère et rappelle tous les grands moments où elle a dû déjà recourir à son père et où il s’est montré bon pour elle : — quand elle fut blessée par Diomède ; — quand elle voulut sauver Énée ; — quand elle perdit Adonis, etc. […] Ceci rappelle et l’Ode de Sapho assez bien rendue, quoi qu’on en ait dit, par Boileau, et ces vers de Catulle que Fénelon donnait comme un modèle de simplicité passionnée : « Odi et amo… J’aime et je hais à la fois, etc… » Mais ce que ce vigoureux sonnet rappelle plus nécessairement encore, c’est le tableau que Louise a tracé ailleurs des mêmes symptômes amoureux, et qui avait sa place tout indiquée dans le plaidoyer de Mercure, quand celui-ci réplique à Apollon en faveur de la Folie et de sa liaison si naturelle avec Amour.

720. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Je ne puis cependant m’empêcher, dans ce personnage de d’Albert qui est son René à lui, de noter ce touchant passage de la confession à son ami d’enfance Silvio, lorsque, déplorant la forme de corruption précoce et profondément tranquille, qui lui est survenue et qui lui est propre, il lui rappelle avec une sorte de vivacité attendrie le court éclair de leur pure et commune adolescence : « Te souviens-tu de cette petite île plantée de peupliers, à cet endroit où la rivière forme un bras ? […] Et je rappellerai cette autre stance encore de la fin de l’épisode : Tout ce bonheur n’est plus. — Qui l’aurait dit ? […] M. de Narbonne, causant avec Napoléon qui, dans une heure de mécontentement, avait parlé d’établir une Église nationale, disait ce mot qu’on rappelait tout récemment : « Il n’y a pas assez de religion en France pour en faire deux. » Serait-il vrai aussi qu’il n’y a pas en France assez de poésie pour en admettre deux et trois et plusieurs ?

721. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Je viens vous rappeler aujourd’hui que, parmi nos concitoyens, il existe, pour nous et pour la postérité, un vieillard vénérable qui fut aussi le précurseur de l’apôtre de la liberté, et dont la vieillesse est flétrie par un décret lancé contre sa personne et ses écrits : c’est l’abbé Raynal, qui réclame aujourd’hui par ma voix la justice, les principes et la protection de l’Assemblée nationale. […] Il paraît bien qu’après le premier tumulte toute la fin de la lettre avait été entendue assez patiemment ; Robespierre tira de là son exorde : « J’ignore quelle impression a faite sur vos esprits la lettre dont vous venez d’entendre la lecture ; quanta moi, l’Assemblée ne m’a jamais paru autant au-dessus de ses ennemis qu’au moment où je l’ai vue écouter avec une tranquillité si expressive la censure la plus véhémente de sa conduite et de la Révolution… Je ne sais, mais cette lettre me paraît instructive dans un sens bien différent de celui où elle a été écrite… Je suis bien éloigné de vouloir diriger la sévérité, je ne dis pas de l’Assemblée, mais de l’opinion publique, sur un homme qui conserve un grand nom ; je trouve pour lui une excuse suffisante dans une circonstance qu’il vous a rappelée, je veux dire son grand âge. […] Il ne se dit point que l’autorité de Raynal (si autorité il y avait) ne pouvait se séparer du fond des doctrines qu’il avait si ostensiblement soutenues et proclamées ; que son changement d’idées graduel et sincère, remontant à quelques années et connu seulement de quelques amis, ne pouvait que lui nuire en éclatant comme une conversion subite et en s’étalant comme un exemple de plus de la versatilité humaine ; que les hommes célèbres et les personnages publics ne sont pas seulement ce qu’ils sont, mais ce qu’ils paraissent ; que l’auteur de l’Histoire philosophique était le dernier des hommes qui eût le droit de rappeler si solennellement à la modération ceux qu’il avait de longue main excités et échauffés ; que c’était tout au plus ce qu’aurait pu tenter un Mirabeau, se transformant de tribun séditieux en tribun conservateur : et encore aurait-il eu de terribles difficultés personnelles à vaincre : Quis tulerit Gracchos de seditione querentes ?

722. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Ce qu’il en est sorti de productions nouvelles, marquées au coin d’un nouveau grand siècle, et dignes de prendre rang dans le trésor humain à la suite et à côté des premières reliques de l’antique héritage, je n’ai pas à le rappeler, les œuvres parlent : cette tradition-là est d’hier, et la mémoire en est vivante. […] et Du Bellay rappelle cette parole de Molon de Rhodes qui, entendant déclamer Cicéron, en fut saisi de tristesse : « Il ne nous restait plus que la gloire de l’éloquence, et ce jeune homme va nous l’enlever !  […] — Et je crois me rappeler à ce propos qu’un classique très ingénieux de nos jours, M. 

723. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Dans le Dernier Jour d’un Condamné, il s’est plu à rappeler le vieux puisard, la charmante Pepita l’Espagnole, et le tome II des Voyages de Spallanzani ; ailleurs il parle de l’escarpolette sous les marronniers ;le dôme gris et écrasé du Val-de-Grâce, si mélancolique à voir entre la verdure des arbres, lui apparaît sans doute encore toutes les fois qu’il se représente des jardins de couvent : c’est aussi dans ce lieu de rêverie qu’il commença de connaître et d’aimer cette autre Pepita non moins charmante, la jeune enfant qui, plus tard, devint sa femme. […] On se rappelle, en effet, les scènes délicieuses de cet ouvrage étrange, la pureté virginale d’Ordener, le baiser d’Éthel dans le long corridor ; le reste n’eût été qu’un fond noirci, un repoussoir pour faire ressortir le tableau, une ombre passagère et orageuse de désespoir. […] L’hiver, on eut quelques réunions plus arrangées, qui rappelèrent peut-être par moments certains travers de l’ancienne Muse, et l’auteur de cet article doit lui-même se reprocher d’avoir trop poussé à l’idée du Cénacle, en le célébrant.

724. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

Allez flatter Agnès de couplets caressants, Les échos neustriens rappellent vos accents ; Et le soir, suppliant au seuil de la coquette, Sommeillez sous le myrte, et rêvez-vous poëte. […] Elles rappellent assez bien celles qui devaient s’échanger à toutes les époques dans les folles parties de jeunesse, du temps de Théophile comme du temps de Bussy, dans les après-midi sous la tonnelle, à la butte Saint-Roch, entre Chaulieu, La Fare et le chevalier de Bouillon. […] détourne la vue De ton étincelant berceau, De peur qu’une voix dans la nue Ne rappelle un Ange si beau.

725. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Villemain, à ce devancier heureux, dont il diffère d’ailleurs avec originalité, et qu’il a pu même continuer d’autant mieux pour sa part qu’il le rappelle moins. […] Ampère a rappelé la Chine à propos d’Ausone et de ses périphrases : « Il existe entre les lettrés, a-t-il dit, surtout quand ils écrivent en vers, une langue convenue comme celle des précieuses, et dans laquelle rien ne s’appelle par son nom. » Le Père Garasse sent si bien qu’il est sujet à cette espèce de chinoiserie de style, qu’en tête de sa Somme thèologique, voulant être grave, il avertit qu’il tâchera d’écrire nettement et sans déguisement de métaphores ; ce qui n’est pas chose aisée, ajoute-t-il, « car il en est des métaphores comme des femmes, c’est un mal nécessaire. » Le Père Lemoyne de la Dévotion aisée n’est pas moins ridicule (et dans le même sens) que le plus mauvais des rimeurs allégoriques du ive  siècle. […] Singlin, lequel, à son tour, rappelait dans ses prédications saint Césaire.

726. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

Voilà bien l’amour, tel qu’il mérite d’être rappelé sans cesse, tel qu’on l’a vu en de tendres exemples. […] Plus tard elle se rappela qu’un jour, un soir, six mois environ après le mariage, elle qui était inquiète d’ordinaire et toute à la minute quand son époux ne rentrait pas, avait laissé sonner l’heure à la petite et à la grosse horloge sans faire attention et s’oubliant à quelque rêverie. […] Il ne fit qu’entrevoir et saluer en chemin Mme de Noyon, qu’une visite, au même moment, rappelait au salon, et il se trouva seul en face de Mme de Pontivy qui ne l’attendait pas, assise ou plutôt couchée sur un banc, au pied d’une statue de l’Amour qui semblait secouer sur elle son flambeau, et dans une effusion d’attitude à faire envie aux nymphes.

727. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Il voit les choses concrètes, et il en rappelle l’image. […] Et rappelez-vous avec quelle franchise hardie d’expressions Boileau nous présente tous ces plats qui défilent : le potage où paraît un coq, les deux assiettes,               … Dont l’une était ornée D’une langue en ragoût de persil couronnée, L’autre d’un godiveau tout brûlé par dehors Dont un beurre gluant inondait tous les bords ; le rôt où trois lapins de chou s’élevaient Sur un lièvre flanqué de six poulets étiques ; et le cordon d’alouettes, et les six pigeons étalés sur les bords du plat, Présentant pour renfort leurs squelettes brûlés ; et les salades : L’une de pourpier jaune et l’autre d’herbes fades, Dont l’huile de fort loin saisissait l’odorat, Et nageait dans des flots de vinaigre rosat ; et le jambon de Mayence, avec les deux assiettes qui l’accompagnent, L’une de champignons avec des ris de veau, Et l’autre de pois verts qui se noyaient dans l’eau. […] Ces chantres agenouillés qui enragent, ou fuyant éperdus la main qui les bénit, cela est vrai d’une vérité si spéciale et si propre, que notre meilleur peintre de la vie ecclésiastique l’a repris dans un de ses chefs-d’œuvre : rappelez-vous l’abbé Tigrane en présence de son évêque.

728. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Bonnard rappelle tantôt l’Odyssée et tantôt les Économiques ou l’Oedipe à Colone. […] Et ce sont tous ceux qui rappellent le plus, chez nous, l’inconscience et la vanité des bons nègres : les bohèmes graves et grotesques, les ratés sublimes, les quarts d’homme de génie, les imaginatifs et les maniaques. […] Faut-il rappeler quelques traits de ces histoires enfantines ?

729. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Mais il est très-vrai que ce prince avait assez peu de lumières, malgré le vernis d’une éducation tardive, et quelques vers heureux qui rappellent ceux de son aïeul, Charles d’Orléans. […] Or sont de là les plus gros feux passés ; Rien n’ay mesfaiçt ; au roy doulceur abonde ; Tu es sa sœur ces choses sont assez Pour rappeler les plus pervers du monde38. Moyennant une promesse d’abjuration, on le rappela en France.

730. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Mais voilà que ce dialogue nous rappelle, comme un air, joué sur un piano de salon bourgeois, pourrait rappeler quelque idéale mélodie de harpe éolienne suspendue aux branches d’un pin d’Italie dans l’Isola bella, le duo virginal de la Ninon et de la Ninette d’Alfred de Musset : Ninon L’eau, la terre et les vents, tout s’emplit d’harmonies Un jeune rossignol chante au fond de mon cœur. […] Ses personnages, lorsqu’ils s’avisent de pindariser et d’admirer le ciel bleu, me rappellent tout à fait les Philistins de la chanson d’Henri Heine : « Des Philistins, dans leurs habits du dimanche, se promènent à travers bois et vallons ; ils poussent des cris de joie, ils frétillent comme des poissons, ils saluent la belle nature.

731. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Cette Bonne Vieille rappelle, sans du tout l’effacer, certain sonnet admirable de Ronsard à sa maîtresse, ce qui n’empêche pas Béranger de donner, dans sa préface de 1833, un petit coup de patte à Ronsard, qui était peu en faveur alors. […] Je crois littérairement ce point très essentiel à rappeler. […] Il faut connaître sa mythologie pour comprendre cela ; il faut se rappeler qu’autrefois, en Thrace, un scélérat de roi appelé Térée fit un mauvais parti à la pauvre Philomèle.

/ 2495