Comment la raison prononcera-t-elle, par exemple, sur la ressemblance ou la différence de deux termes, si ces termes ne lui sont pas préalablement donnés ? […] La raison de Newton aurait eu beau se dire pendant des siècles : « Tout a une cause et les révolutions des astres ont une cause » ; ces deux rapports ne lui auraient jamais donné le terme inconnu : gravitation. […] Le principe de la succession des idées est donc nécessairement autre que la raison : elles se suggèrent par une action originairement indépendante de la réaction intellectuelle qui saisit actuellement leurs rapports. […] Si les idées ou images survivent dans la lutte et se conservent, la vraie et radicale raison, c’est qu’elles enveloppent à des degrés divers des sentiments tendant à se satisfaire par tels mouvements ; les idées sont des forces parce qu’elles recouvrent des appétits plus ou moins vagues ou précis. […] Ce n’est jamais dans la première idée que se trouve la raison de l’apparition de la seconde ; « les rapports des ombres résultent de rapports entre les causes des ombres elles-mêmes. » Nous verrons plus loin que la réaction intellectuelle peut cependant lier des idées.
Rappelons d’abord qu’en tout état de cause l’unification des sociétés n’est nullement à nos yeux la raison suffisante de leurs tendances égalitaires, mais une des conditions, entre beaucoup d’autres, qui favorisent le succès de ces tendances. […] Pour toutes ces raisons, on comprend que l’unification sociale est directement contraire à cette distribution des individus en classes nettement tranchées, qui elle-même est contraire au succès de l’idée de l’égalité. […] C’est pourquoi il ne faut pas dire qu’il y a contradiction entre la démocratie et la centralisation223, mais bien plutôt, pour toutes les raisons que nous ayons rassemblées, qu’il y a filiation de celle-ci à celle-là. […] La question qui nous importe reste entière : il ne s’agit pas de décider par quelles raisons la centralisation est provoquée, et si elle est fille du militarisme ou de l’industrialisme, mais de savoir si, par elle-même, elle est ou non contraire au progrès de la démocratie. […] Il est invraisemblable, pour toutes les raisons que nous avons rappelées, qu’un pouvoir central fort veuille tolérer ces États partiels qui, accaparant leurs sujets, divisent la totalité des siens en groupes hétérogènes aussi fermés que compacts, et s’opposent à leur égalisation.
À plus forte raison s’il s’agit d’un corps inanimé tel que le soleil, qui dure aussi certainement qu’il est étendu, mais dont la durée, ignorée de lui-même ainsi que son étendue, échappe à toutes nos facultés. […] Impérieuse et spontanée comme les connaissances de la raison et de la conscience, elle est digne de foi comme les connaissances de la raison et de la conscience. […] Pour achever, allez à la Salpêtrière : là, des hallucinations persistantes, d’une netteté accablante, indestructibles à la conscience la plus éclairée et à la raison la mieux avertie, vous montreront l’idée représentative dans toute sa plénitude et dans tout son ascendant. […] Malebranche a raison : le soleil qui brille là-haut nous est invisible. […] Quelles raisons avons-nous pour nous fier à des témoignages d’imposteurs et pour affirmer un dehors inaccessible ?
Première raison, artistique. […] Cette première raison n’est donc pas très bonne ici. Seconde raison. […] Et voyez-vous, par parenthèse, la raison de certaines mesures qui nous ont paru arbitraires et de peu de raison ? […] Il a songé à Scribe et il a eu parfaitement raison.
Mais qu’est-ce, en pareille matière, que la raison ? La raison, au théâtre, c’est de plaire. […] Descartes va nous en rendre raison. […] Et c’est une raison encore de son étonnante fortune. […] Et les belles raisons dont on étage les revendications tapageuses !
Ils doivent en partie cet avantage à la raison profonde des écrivains qui les ont précédés. […] Des réflexions morales se mêlent à leur poésie descriptive ; on croit apercevoir des regrets et des souvenirs dans tout ce que les poètes écrivaient alors ; et c’est sans doute par cette raison qu’ils réveillent plus que les Grecs une impression sensible dans notre âme. […] Quelle impression ne produit-elle pas, cette langue créée pour la force et la raison, alors qu’on la consacre à l’expression de la tendresse ! […] Il existe des histoires appelées avec raison histoires philosophiques ; il en existe d’autres dont le mérite consiste dans la vérité des tableaux, la chaleur des récits et la beauté du langage ; c’est dans ce dernier genre que les historiens grecs et latins se sont illustrés.
Le premier éloignait de l’antiquité, et poussait la raison moderne à ne compter que sur soi : le second ramenait à l’antiquité, et invitait le génie moderne à s’appuyer toujours sur les exemples des Grecs et des Romains. […] Le xviie siècle qui finissait n’avait-il pas raison de s’admirer dans son œuvre ? […] Les adversaires des anciens, Perrault, Fontenelle, sont des cartésiens : ils appliquent à la littérature l’idée cartésienne du progrès, et, au nom de cette idée, ne voyant dans toute la poésie et dans toute l’éloquence que des œuvres de la raison essentiellement et nécessairement perfectible, ils déclarent les écrivains modernes supérieurs aux anciens. […] Et les gens du monde n’hésiteront pas : ils reconnaîtront dans ces modernes leurs préjugés, leur esprit, leur confiance dans la raison de leur temps et de leur classe, leur penchant à ridiculiser tout ce qui n’est pas conforme à leurs manières et accessible à leur intelligence, leur incapacité artistique, leur impuissance à goûter d’autres beautés que celles de l’esprit de conversation et de la vie élégante.
Le secret des mécanismes grammaticaux, des étymologies, et par conséquent de l’orthographe, étant tout entier dans le dialecte ancien, la raison logique des règles de la grammaire est insaissable pour ceux qui considèrent ces règles isolément et indépendamment de leur origine. La routine est alors le seul procédé possible, comme toutes les fois que la connaissance pratique est recherchée à l’exclusion de la raison théorique. […] Le livre sacré pour les nations antiques était le dépositaire de tous les souvenirs nationaux ; chacun devait y recourir pour y trouver sa généalogie, la raison de tous les actes de la vie civile, politique, religieuse. […] Là sont les racines de la nation, ses titres, la raison de ses mots et par conséquent de ses institutions.
Mais à peine a-t-il retrouvé la raison, qu’il la perd de nouveau à la vue d’Hippolyte. […] Il fit ses plus belles pièces ayant passé l’âge mûr, alors que l’imagination n’a plus de fumées, la raison plus d’illusions, le goût plus d’incertitude : c’est l’âge où Bossuet écrivait l’oraison funèbre du prince de Condé. […] La langue suit ces deux dispositions du poëte tantôt relâchée et vague, et tantôt forcée ; ce qui est le vice caractéristique des poésies de Desportes et de toutes les poésies que n’inspire ni la passion ni la raison. […] C’est là cette grande discipline du xviie siècle, plus jalouse de perfectionner dans chacun la raison générale que d’y encourager l’humeur et le caprice individuel ; toujours en défiance de la liberté, forçant le poëte à choisir entre ses pensées, mais, par là, lui assurant l’empire sur les âmes. […] Et pourtant il eut le courage de s’imposer un si rude travail, afin de donner raison à sa discipline par ses écrits.
« C’est, écrivait-on alors, cet art qui commande à tous les autres ; qui ne se contente pas de plaire par la pureté du style et par les grâces du langage, mais qui entreprend de persuader par la force de la doctrine et par l’abondance de la raison. » Qui donc en donnait une idée si exacte, en des termes si nobles et si précis ? […] Heureusement qu’aux époques favorisées il n’entre pas moins de raison que de frivolité dans la mode ; l’effet de la frivolité est passager, l’effet de la raison demeure. […] Mais c’était de la raison de remarquer dans Balzac ce style relevé, ce beau choix de paroles, cet ordre et cet arrangement d’où elles tiraient leur force, tant de perfectionnements de détail dont ses critiques mêmes étaient d’accord avec ses apologistes. […] Soit esprit de corps, soit que le jeune feuillant n’eût été que le prête-nom de sa jalousie, il répondit à l’Apologie par des lettres qui, parmi beaucoup de critiques passionnées ou puériles, exprimaient les vrais principes et donnaient les vraies raisons du refroidissement qui suivit le premier enthousiasme pour les écrits de Balzac. […] Pascal, par le langage de la raison animée et piquante, mettra de son côté tous ceux qui cherchent la vérité dans ces sortes de querelles, comme tous ceux qui n’y veulent trouver qu’à rire.
Pauvre ou riche, heureux ou malheureux, il avait la raison suffisante de toute chose. […] Il y avait autrefois une raison pour qu’il y eût des inférieurs dans la société : il n’y en a plus. […] Vous avez raison, mille fois raison ; c’est la société, c’est l’union des hommes entre eux, c’est l’organisation enfin qui produit la richesse. […] sans doute, mais par la même raison que je viens de montrer qu’il en faut une au peuple, et non par une autre raison. […] Non, me crient les philosophes ; et ma raison, éclairée par eux, est obligée de convenir que le paradis des chrétiens est un monde imaginaire.
Le réel du discours c’est encore la raison raisonnante et les raisons raisonnées. […] Y a-t-il un usage pur des mots, des mots proprement dits, et des grands mots (vers, poème), analogue à cet usage pur de la raison, exposé et imposé par Spinoza dans l’ordre de la raison théorique, par Kant dans l’ordre de la raison pratique, — une poésie pure comme il y a une physique pure et une mathématique pure ? […] Un rêve de vigilance et de tension que ferait la Raison elle-même ? — Et que rêverait une Raison ? […] Cela pour deux raisons.
C’est donc à la physiologie et à la psychologie qu’il faut demander la raison primitive d’où résulte la connexion du sentiment avec la vie. […] La modération, comme telle, n’est pas le plaisir même ni la loi primitive de la vie ; elle est une nécessité que la vie rencontre et subit en raison des nécessités mêmes de l’organisme. […] Par exemple, le plaisir intellectuel et artistique, pris en soi et indépendamment des organes qui se fatiguent à la longue, croit en raison directe de l’activité exercée et de son succès. […] Voilà une nouvelle raison pour laquelle le choc, à notre avis, n’est pas primitif. […] Telles sont, croyons-nous, les vraies raisons scientifiques pour lesquelles la sensibilité supérieure est libre du besoin et de la « faim », tandis que la sensibilité inférieure en est esclave.
J’aurais raison en pensant ainsi, mais je ne serais pas sûr d’avoir raison. […] Pour toutes ces raisons, M. […] Resterait à donner mes raisons. […] Il a raison, M. […] Si elle consent à renoncer à ses droits, il la délivrera ; car il est bon fils et il veut bien que sa mère ait sa raison, — pourvu qu’elle entende raison.
Les petites intrigues de société, les éloges mendiés des Journalistes, la gauche admiration de quelques zélateurs, l’aveugle protection de quelques Mécenes, l’autorité même, sont de foibles remparts contre les traits du goût & de la raison offensés. […] Office, toutes les fois qu’il s’agit d’accabler le Citoyen éclairé qui brave leur délire, & qui devroit, par cette raison même, être plus à l’abri de leurs manœuvres. […] Au mérite de bien analyser un Ouvrage, d’en faire connoître les défauts, de donner d’excellens préceptes de goût, tous fondés sur la nature & la raison, M.
Ce n’est pas qu’on ait toujours été de bonne foi dans les disputes, qu’on ait toujours voulu s’éclaircir, démêler le vrai, entendre & faire entendre la raison. […] Ces raisons nous ont engagé à parler de toutes sortes de querelles, des personnelles comme des autres, en choisissant néanmoins celles qui nous ont paru les plus dignes d’attention, ou par le nom des auteurs, ou par leur objet. […] Il les justifie encore sur leur familiarité avec les auteurs Latins, dont ils prennent insensiblement le ton, les manières & le stile injurieux ; sur l’indépendance attachée à la profession d’homme de lettres ; sur le goût du public pour la satyre ; plaisantes raisons pour dispenser un sçavant de la première science dont tout homme doit se piquer, celle de sçavoir vivre.