Toujours le modèle idéal exprime la situation réelle, et les créatures de l’imagination, comme les conceptions de l’esprit, ne font que manifester l’état de la société et le degré du bien-être ; il y a une correspondance fixe entre ce que l’homme admire et ce que l’homme est. […] Nous sommes, comme lui, à mille lieues de la vie réelle, hors des prises de la pitié douloureuse, de la terreur crue, de la haine pressante et poignante. […] Il n’y en avait qu’un, celui de la chevalerie, car nul n’est plus éloigné du réel. […] Si fantastique que soit son monde, ce monde n’est point factice ; s’il n’est pas, il pourrait être ; même il devrait être ; c’est la faute des choses si elles ne s’arrangent pas de manière à l’effectuer ; pris en lui-même, il a cette harmonie intérieure par laquelle vit une chose réelle, même une harmonie plus haute, puisque, à la différence des choses réelles, il est tout entier jusque dans le moindre détail construit en vue de la beauté. […] Il engage les mathématiciens à quitter leur géométrie pure, à n’étudier les nombres qu’en vue de la physique, à ne chercher des formules que pour calculer les quantités réelles et les mouvements naturels.
Pour les fidèles, c’est le drame des drames et un drame réel auquel le Fils de Dieu participe en personne chaque matin. […] Ce défenseur du vrai, ce champion de l’homme, travaille en vase clos, sans contact, sans amour réel. […] La prise directe sur le réel, — oh ! […] Ses défauts, ses lacunes furent celles de l’autodidacte qui, grisé de ses découvertes, leur fait un sort hors de proportion avec leur réelle valeur. […] À la réflexion, son esthétique sort directement de celle du Théâtre Libre qui tendait à reproduire exactement les apparences du réel.
Cette vieille opinion que la littérature reflète l’état des mœurs étant admise, il est certain qu’on serait autorisé à croire que la nôtre, qui pose en principe que le vulgaire est seul réel, est la logique expression d’une dégradation de la conscience, de l’esprit et conséquemment du goût. […] Certes, on avait raison de ne pas vouloir s’en tenir aux Grecs et aux Romains, d’autant qu’ils n’avaient pas représenté à la scène tous les sentiments humains, bien qu’ils n’y fussent pas étrangers dans la vie réelle. […] N’a-t-on pas écrit à Victor Hugo : « Monsieur, vous êtes le dernier poète ; on vous pardonne d’avoir été un lyrique, en raison de votre réel talent que vous avez employé à une mauvaise cause. […] Mais si le romancier est doublé du biologiste, du physiologiste, du sociologiste, les personnages qu’il vous représente ne sont plus fictifs, ce sont des types réels. […] L’accomplissement de tous les devoirs n’est doux pour personne, parce que la plupart des devoirs ne correspondent pas à des sentiments profonds, à des sympathies réelles qui nous rendent faciles les abnégations.
Aussi le parterre est-il plein et les lieux de la misère réelle sont-ils vides. […] Les premiers des sauvages qui virent à la proue d’un vaisseau une image peinte la prirent pour un être réel et vivant ; et ils y portèrent leurs mains. […] Il y a des nuées, mais un ciel qui devient orageux ou qui va cesser de l’être n’en assemble pas davantage ; elles s’étendent ou se ramassent et se meuvent, mais c’est le vrai mouvement l’ondulation réelle qu’elles ont dans l’atmosphère ; elles obscurcissent, mais la mesure de cette obscurité est juste. […] - tu l’hai detto. — Et c’est pour rompre l’ennui et la monotonie des descriptions que vous en avez fait des paysages réels et que vous avez encadré des paysages dans des entretiens ? […] Je voyais toutes ces scènes touchantes, et j’en versais des larmes réelles. ô mon ami, l’empire de la tête sur les intestins est violent sans doute ; mais celui des intestins sur la tête l’est-il moins ?
On a beaucoup parlé, depuis tantôt deux années, de la réaction classique ; elle est assez réelle, très-légitime ; il n’y faudrait pourtant pas voir plus qu’il n’y a véritablement. […] Son succès devant cette salle d’élite a été réel ; à quelques endroits on a pu regretter que le peu de force de son organe ne lui permît pas l’expansion. […] Je n’aborde pas la Marie Stuart réelle, celle de l’histoire approfondie ; des travaux récents ont beaucoup fait pour l’éclairer jusque dans les plus secrets replis et pour désenchanter du personnage.
Seulement il fallait prendre garde qu’en donnant plus de place à l’action et à la pompe, on n’ôtât quelque chose à l’essentiel de l’art, et que pour être plus près du réel on ne s’éloignât du beau. […] Je m’explique par cette passion pour le grand, par cette vie de son esprit au sein du grand, ce qu’on raconte de sa candeur, de son ingénuité, de ses absences, de sa maladresse pour les choses de la vie réelle. […] Il y en a eu depuis lors, et d’éminents, aux yeux de qui Agamemnon est un bon ouvrage ; et la preuve que l’étude des modèles n’inspire pas si mal, c’est que l’originalité très réelle de Lemercier, — et il la poussa souvent jusqu’à se lasser d’être raisonnable, — ne lui a rien suggéré de mieux.
Disons-le pourtant, la parenté de la Grèce avec l’Orient, parenté haïe des grecs, était réelle. […] Rien de plus réel que cette grandiose transmission de la nouvelle de la prise de Troie en une nuit par des fanaux allumés l’un après l’autre, et se répondant de montagne en montagne, du mont Ida au promontoire d’Hermès, du promontoire d’Hermès au mont Athos, du mont Athos au mont Macispe, du Macispe au Messapius, du mont Messapius, par-dessus le fleuve Asopus, au mont Cythéron, du mont Cythéron, par-dessus le marais Gprgopis, au mont Egiplanctus, du mont Égiplanctus au cap Saronique (plus tard Spiréum), du cap Saronique au mont Arachné, du mont Arachné à Argos. […] Indépendamment du fait Évergète et Omar que nous avons rappelé, et qui, très réel au fond, est peut-être légendaire dans plus d’un détail, la perte de tant de belles œuvres de l’antiquité ne s’explique que trop par le petit nombre des exemplaires.
Il ne peut le faire qu’en évoquant une à une les représentations de ces sensations ou, pour parler comme Bastian, les « images kinesthésiques » des mouvements partiels, élémentaires, composant le mouvement total : ces souvenirs de sensations motrices, à mesure qu’ils se revivifient, se convertissent en sensations motrices réelles et par conséquent en mouvements exécutés. […] Mais, d’abord, le schéma dont nous parlons n’a rien de mystérieux ni même d’hypothétique ; il n’a rien non plus qui puisse choquer les tendances d’une psychologie habituée, sinon à résoudre toutes nos représentations en images, du moins à définir toute représentation par rapport à des images, réelles ou possibles. C’est bien en fonction d’images réelles ou possibles que se définit le schéma mental, tel que nous l’envisageons dans toute cette étude.
Qu’on veuille bien se rendre compte de l’état réel du monde et du milieu de société où nous vivons. […] Toutefois, je confesse ma crainte : si Franklin et son système s’étaient trouvés nettement en face de Rollin et de sa religion des anciens, s’il y avait eu guerre ouverte et déclarée entre eux, je ne sais comment le bon recteur se serait défendu en définitive ; comment il aurait maintenu l’utilité sociale et perpétuelle de sa méthode, comment il aurait fait pour persuader qu’il avait suffisamment de quoi pourvoir à toutes les nécessités du monde réel et de la vie moderne.
À l’égard de Paris, vous savez comme je pense ; si je pouvais m’y tenir, je n’aurais point d’autre patrie… Et il expose quelques-uns des motifs et des obstacles trop réels (sans pourtant articuler le principal de ces obstacles) qui l’empêchent de se livrer à ses goûts et d’aller se fixer à Paris pour y étudier, y cultiver les gens de mérite qu’il y rencontrerait, et y devenir lui-même peut-être un écrivain. […] Elle n’est pas également sensible à tous les hommes ; il faut qu’elle trouve certaines dispositions dans leur cœur : la musique et la poésie ne flattent pas tous les goûts, ni la gloire ; mais cela n’empêche pas qu’elle ne soit réelle… Je crains que le goût de la littérature n’arrête trop vos pensées.
Guérin, sans tant y songer, ressemblait mieux aux lakistes en ne visant nullement à les imiter : il n’est point chez eux de sonnet pastoral plus limpide, il n’est point dans les poétiques promenades de Cowper de plus transparent tableau, que la page qu’on vient de lire, dans sa peinture si réelle à la fois et si tendre, si distincte et si émue. […] Heureux d’un mariage tout récent avec une jeune et jolie créole, assuré désormais du foyer et du loisir, il fut pris d’un mal réel qui n’éclaira que trop les sources de ses habituelles faiblesses.
Il a fait des découvertes réelles, bien qu’il les ait un peu exagérées dans le principe ; mais à lui tout est permis, et il a, par son talent d’écrivain et par ses retouches successives, des manières de compenser ou de réparer, et, une fois averti, des empressements à rentier dans le vrai, qui ne retirent rien aux effets d’un premier éclat. […] Il avait dû croire, dès l’avènement d’Anne d’Autriche, de cette reine dont il était depuis des années le serviteur dévoué et qui l’avait surnommé publiquement son martyr, à un crédit réel, à une influence, à une participation dans l’exercice du pouvoir ; il s’était pu considérer un moment comme futur ministre.
Mais personne, je le répète, ne rendit en ce temps un plus réel et plus signalé service à la langue que ce grammairien médiocrement philosophe, excellemment pratique, sage, avisé, poli, scrupuleux, dont on plaisante quelquefois, mais qu’on estime dès qu’on y regarde d’un peu près. […] Mais Vaugelas ne dit pas qu’on ait raison de faire ainsi et de décrier un mérite réel à cause d’un ridicule.
Au lieu d’un dard au cœur comme les combattants, J’eus le venin caché que le miel insinue, Les tortueux délais d’une plaie inconnue, La langueur irritante où se bercent les sens ; Tourments moins glorieux, moins beaux, moins innocents, Mais plus réels au fond pour la moelle qui crie, Qu’une resplendissante et prompte idolâtrie ! […] Son mal réel l’obligeant à garder le repos, on ne se tenait plus dans la pièce du devant ; une personne qu’Hervé avait indiquée, une ancienne femme de charge, capable et sûre, y passait le jour, à des conditions modiques, et, tout en suivant son travail d’aiguille, répondait aux venants.
Le sentiment est le troisième, parce que, à la vue ou au souvenir de ces choses survenues et repeintes dans notre âme, cette sensibilité fait ressentir à l’homme des impressions, physiques ou morales, presque aussi intenses et aussi pénétrantes que le seraient les impressions de ces choses mêmes, si elles étaient réelles et présentes devant nos yeux. […] c’est renvoyer à Dieu ses plus souveraines facultés, de peur qu’elles n’offusquent les yeux jaloux et qu’elles ne fassent paraître le monde réel trop obscur et trop petit, comparé à la splendeur de l’imagination et à la grandeur de la nature !
Garnier305 abonde en rhétorique vigoureuse : il a parfois des phrases oratoires d’une réelle ampleur, mais il s’est particulièrement exercé au dialogue pressé, où les répliques se choquent, courtes et vives, vers contre vers : ce sera plus tard la coupe cornélienne. […] Tout érudit qu’il était, il ne suivait pas Aristote, mais la raison, lorsqu’il impliquait dans l’unité de temps l’unité de lieu dont la Poétique n’avait rien dit, et lorsqu’il réduisait l’unité de jour à cinq ou six heures pour la rapprocher autant que possible de la durée réelle du spectacle.