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239. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XII » pp. 100-108

Louis XIV, roi à l’âge de 5 ans, sous la régence d’Anne d’Autriche sa mère, assistée du cardinal de Mazarin, avait passé l’intervalle de 1643 à 1648, époque de sa minorité, à écouter chaque jour le récit des victoires que le prince de Condé, âgé seulement de 22 ans, remportait sur les ennemis de la France. […] Quelle imagination n’a été frappée du récit de ces fêtes somptueuses et magiques où le jeune roi n’était pas simple spectateur et qu’il embellissait par son grand air, sa bonne grâce, et sa galanterie !

240. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre quatrième. »

Ce ton sérieux emprunté des récits de bataille d’Homère, est d’un effet piquant, appliqué aux rats et aux belettes. […] Ses larmes ne sauraient… La Fontaine ne néglige pas la moindre circonstance capable de jeter de l’intérêt dans son récit.

241. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 46, quelques refléxions sur la musique des italiens, que les italiens n’ont cultivé cet art qu’après les françois et les flamands » pp. 464-478

Dans le récit que le Corio fait de la mort du duc Galeas Sforce Viscomti, qui fut assassiné en mil quatre cent soixante et seize dans l’église de saint étienne de Milan, il dit : le duc aimoit beaucoup la musique, … etc. . […] Enfin les sens sont si flatez par le chant des récits, par l’harmonie qui les accompagne, par les choeurs, par les symphonies et par le spectacle entier, que l’ame qui se laisse facilement séduire à leur plaisir, veut bien être enchantée par une fiction dont l’illusion est palpable, pour ainsi dire.

242. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Et voici le théâtre, au lieu des récits. […] Les sujets de ses récits ? […] Ils ne ressemblent pas aux récits symboliques d’autres écrivains, récits spécialement inventés pour être les représentations de doctrines. […] Les admirables récits et drames de M. de Villiers ne vivent point pour nous en tant que drames et récits. […] Mais j’éprouvais devant ce récit ce qu’éprouvent devant des récits pareils tous les enfants européens depuis 1789 : un sincère dédain et une incrédulité mêlée de pitié.

243. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Dans un petit récit, dont l’intention philosophique importe peu ici, Stendhal a assez bien représenté l’imprévu du dictamen moral. […] II, p. 82-83 pour le récit de Louaut lui-même.] […] Desclée de Brouwer, 1962, t. 14, Les Confessions, livres VIII-XIII, p. 65-69 pour tout ce récit). […] Despine faisait de Socrate un somnambule cataleptique, en se fondant sur deux témoignages également dénués de valeur historique : l’un est d’Aulu-Gelle ; dans l’autre, qui est un passage célèbre du Banquet, Platon dégage lui-même sa responsabilité en mettant son récit dans la bouche d’Alcibiade et d’Alcibiade ivre. […] Nous ne tenons pas pour authentique le Théagès, dont l’auteur s’est emparé de ce mot […], et en a abusé pour donner à son récit plus de couleur et un caractère plus merveilleux ; mais le texte de l’Apologie l’autorisait du moins à s’en servir.

244. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

A force d’avoir versé sa douleur dans ses lettres, de l’avoir mêlée à seslectures, promenée dans la campagne et partout épandue, il l’avait presque tarie ; si bien que Mme Arnoux était pour lui comme une morte dont il s’étonnait de ne pas connaître le tombeau, tant cette affection était devenue tranquille et résignée. » En cette forme de style Flaubert s’exprime dans ses romans, quand apparaît une scène ou un personnage qui l’émeuvent ; dans Salammbô et la Tentation, quand l’exaltation lyrique succède au récit. […] C’est ainsi que fréquemment, à défaut d’un vocable nombreux, il modifie par une virgule la prononciation d’un mot indifférent, contraignant à l’articuler tout en longues : « Ça et là un phallus de pierre se dressait, et de grands cerfs erraient tranquillement, poussant de leurs pieds fourchus des pommes de pin, tombées. » Joints enfin par des transitions ou malhabiles ou concises et trouvées, telles que peut les inventer un écrivain embarrassé du lien de ses idées, les paragraphes se suivent en lâches chapitres qu’agrège une composition Ou simple et droite comme dans les récits épiques, ou diffuse, et lâche comme dans les romans. […] Une exhalaison s’échappait de ce grand amour embaumé et qui, passant à travers tout, parfumait de tendresse l’atmosphère d’immaculation où elle voulait vivre. » Puis des récits d’imagination1, aussi nombreux chez Flaubert que les récits de débats intérieurs chez Stendhal, complètent ces comparaisons, dévoilent en Mme Bovary l’ardente montée de ses désirs, l’existence idéale qui ternit et trouble son existence réelle. […] Un énoncé de faits, une métaphore, un récit d’imaginations se prêtent parfaitement à être conçus en termes précis, colorés et rhythmés. […] Détestant la réalité de toute la haine d’un idéaliste qui se trouve contraint de la voir, il s’est enfui du monde moderne en un monde antique embelli ; et non content de cette évasion vers le splendide, il a sans cesse tendu et parfois réussi à échapper radicalement au réel, en substituant aux individus les types, à un récit de faits particuliers, un récit de faits allégoriques.

245. (1898) Essai sur Goethe

Derrière son récit, d’ailleurs si tranquille, Goethe, avec sa belle figure sereine, nous apparaît agité par la passion la plus commune aux héros : la vanité. […] Le récit de sa vie, c’est le simple exposé des circonstances qui ont favorisé cet heureux développement. […] Ce récit est décevant. […] Bien que le duc se soit écrié, comme dans le récit de Muratori : « Il perd l’esprit ! […] Si encore elles n’étaient qu’intempestives, si elles ne faisaient que ralentir l’intérêt ou troubler la tonalité générale du récit !

246. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Ce serait, on le sent, aborder les Mémoires de M. de Chateaubriand par un bien étroit côté, que d’y chercher simplement un récit explicatif qui comblerait les lacunes biographiques et aiderait à compléter une psychologie individuelle. […] Mais, chemin faisant, au milieu des peintures et des caractères, des récits enjoués ou des idéales rêveries, les indications abondent : on y sent passer les secrets voilés ; on saisit surtout cette continuité essentielle du héros, qui s’étend du berceau jusqu’à la gloire, qui persiste de dessous la gloire jusqu’à la tombe. […] Le corps intermédiaire du récit, les trente années de l’Empire et de la Restauration ne sont encore tracées que par endroits et ne présentent pas, à l’heure qu’il est, une ligne ininterrompue et définitive. […] Cette langue du moyen âge, qui se trouve condensée, refrappée en cet endroit avec un art et une autorité dont on ne peut se faire idée, laisse çà et là des traces énergiques dans tout le courant du récit de M. de Chateaubriand. […] En 1821, M. de Chateaubriand, ambassadeur à Berlin, continue le récit de cette vie de jeunesse.

247. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

J’aime qu’il reproche à La Mettrie de n’avoir pas les premières idées des vrais fondements de la morale, « de cet arbre immense dont la tête touche aux cieux, et dont les racines pénètrent jusqu’aux enfers, où tout est lié, où la pudeur, la décence, la politesse, les vertus les plus légères, s’il en est de telles, sont attachées comme la feuille au rameau, qu’on déshonore en l’en dépouillant. » Ceci me rappelle une querelle qu’il eut un jour sur la vertu avec Helvétius et Saurin ; il en fait à mademoiselle Voland un récit charmant, qui est un miroir en raccourci de l’inconséquence du siècle. […] Les moindres récits courent alors sous sa plume, rapides, entraînants, simples, loin d’aucun système, empreints, sans affectation, des circonstances les plus familières, et comme venant d’un homme qui a de bonne heure vécu de la vie de tous les jours, et qui a senti l’âme et la poésie dessous. […] Ses goûts, ses mœurs, la tournure secrète de ses idées et de ses désirs ; ce qu’il était dans la maturité de l’âge et de la pensée ; sa sensibilité intarissable au sein des plus arides occupations et sous les paquets d’épreuves de l’Encyclopédie ; ses affectueux retours vers les temps d’autrefois, son amour de la ville natale, de la maison paternelle et des vordes sauvages où s’ébattait son enfance ; son vœu de retraite solitaire, de campagne avec peu d’amis, d’oisiveté entremêlée d’émotions et de lectures ; et puis, au milieu de cette société charmante, à laquelle il se laisse aller tout en la jugeant, les figures sans nombre, gracieuses ou grimaçantes, les épisodes tendres ou bouffons qui ressortent et se croisent dans ses récits ; madame d’Épinay, les boucles de cheveux pendantes, un cordon bleu au front, langoureuse en face de Grimm ; madame d’Aine en camisole, aux prises avec M.  […] Trois ou quatre ans avant la mort de Diderot, Garat, alors à ses débuts, publia dans quelque almanach littéraire le récit d’une visite qu’il avait faite au philosophe, récit piquant, un peu burlesque, où les qualités naïves de l’original sont prises en caricature.

248. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVe entretien. Ossian fils de Fingal »

dit le chef d’Erin, et j’aime à entendre les récits des temps passés. […] « Ton récit, ô chef des guerriers, est triste et touchant, dit le barde Carril. […] Je me plais à entendre les récits des temps passés. […] Près de lui était mon jeune, mon cher Oscar, penché sur sa lance ; il admirait le roi de Morven, et son âme s’agrandissait au récit de ses actions. […] Viens-tu pour être témoin de nos combats, ou pour entendre le récit des actions d’Oscar ?

249. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

au Petit-Pont de Paris. » On est frappé, dans le récit que donne Joinville, et en y joignant les témoignages des autres contemporains, de l’absence totale de plan et de tactique des deux côtés, soit dans l’attaque, soit dans la défensive. […] Mais tout cela se rencontre chez Joinville sans ordre ni méthode ; son récit marche comme cette guerre elle-même. […] Joinville est Champenois, et sa naïveté champenoise se sent agréablement dans tout son récit. […] Mais laissons-le achever lui-même ce récit familier et charmant : En ce point que j’étais là, le roi se vint appuyer à mes épaules et me tint ses deux mains sur la tête ; et je pensais que c’était monseigneur Philippe de Nemours, lequel m’avait fait trop d’ennui tout ce jour-là pour le conseil que j’avais donné, et je dis ainsi : « Laissez-moi en paix, monseigneur Philippe. » Mais, comme je tournais la tête, voilà que par aventure la main du roi me tomba au milieu du visageaj, et je connus que c’était lui à une émeraude qu’il avait en son doigt ; et il me dit : « Tenez-vous tout coi, car je vous veux demander comment vous fûtes si hardi, vous qui êtes un jeune homme, pour m’oser conseiller ma demeurée, à l’encontre de tous les grands hommes et les sages de France, qui me conseillaient mon départ… » Le reste de la scène et la réponse se prévoient aisément : Joinville seul avait deviné le cœur chrétien du saint roi.

250. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Mme de Créqui, née au commencement du xviiie  siècle, pouvait-elle, en parlant de je ne sais quelle cérémonie monastique dont elle avait été témoin dans son enfance, ajouter ce trait classique plus convenable chez une lectrice de La Gazette : « Je n’ai rien vu dans les nouveaux romans qui fut aussi romantique que cette scène nocturne et qui fût aussi pittoresque surtout. » Pouvait-elle, en citant une complainte du vieux temps qui se serait chantée au berceau de son petits-fils, dire à ce dernier : « Vous vous rappellerez peut-être, en lisant ceci, que Mlle Dupont, votre berceuse, vous chantait précisément la même complainte, et qu’elle en usait toujours de la sorte, en guise de somnifère et pour le service de votre clinique. » On rencontre à chaque pas de ces anachronismes évidents de couleur et de langage, et qui donneraient droit de conclure avec certitude que, quand même il y aurait eu un fonds primitif d’anciens papiers, d’anciens récits, l’éditeur les avait retouchés et arrangés à la moderne. […] Il faut lire dans les prétendus mémoires le dédaigneux et insolent chapitre qui commence d’une façon toute triomphante : « Écoutez le récit d’un désastre à faire pâlir… », et qui finit par ces mots jetés d’un ton leste : « Et voilà ce qu’il est convenu d’appeler la banqueroute du prince de Guemené ». […] Or on a, dans les lettres aujourd’hui publiées, le récit même, le vrai récit de la marquise au moment de cette scandaleuse nouvelle.

251. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Ce récit de Pétion fait autant d’honneur à Barnave qu’il en fait peu au narrateur lui-même, et, par un oubli étrange, celui qui parle n’a pas l’air de s’en douter. […] Quant à Barnave et à Maubourg, desquels il se méfie beaucoup, Pétion leur rend justice par cette méfiance même ; il témoigne à quel point, en cette circonstance, ils étaient préparés à sentir autrement que lui : Depuis longtemps, dit Pétion en commençant son récit, je n’avais aucune liaison avec Barnave ; je n’avais jamais fréquenté Maubourg. […] Le récit de Mme Campan, bien qu’inexact sur plusieurs points, et trahissant dans son ensemble une légère teinte romanesque qui sied peu à Barnave, ne semble point permettre de doute là-dessus. […] Une telle déclaration, placée en regard du récit de Mme Campan, ne laisse pas d’embarrasser, je le répète, et de jeter dans une vraie perplexité ; car on se refuse à admettre que Barnave ait parlé simplement ici comme un avocat qui se croit en droit de nier tout ce qui n’est pas prouvé.

252. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

Si ses excès ont fatigué les lecteurs qui veulent surtout trouver dans le récit imaginatif un divertissement, l’influence de ses promoteurs demeure plus actuelle et plus durable, aujourd’hui même, que l’action déjà étrangement caduque des naturalistes exagérés. […] Nous n’avons pas à rappeler aux lecteurs de la Revue les beautés du récit et la magnificence de son cadre ; il importe pourtant de faire admirer l’enthousiasme et l’éternelle jeunesse de cœur qui brûle, comme un feu mystérieux, sous la conception de l’artiste. […] Le goût pour les évocations du passé a exigé non plus de secs et graves récits, mais des tableaux vivants, des narrations animées, des anecdotes, des souvenirs intimes. […] Bordeaux qui leur a mérité cette attention sympathique, acquise également aux récits provinciaux de M.  […] L’aisance du récit se retrouve dans le style même qui, net, souple, fluide, poétiquement rythmé même, unit la couleur intense à la plus rare sobriété.

253. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

Et quelle scène historique, refaite après coup, vaudrait le récit suivant que nous donnons dans toute sa simplicité et dans son premier jet sincère ? […] Peut-être l’ai-je mal rendu, et alors mon récit serait assez plat ; peut-être aussi faut-il, pour y trouver quelque sel, avoir devant les yeux le personnage lui-même, avec ses grandes culottes à la mameluck et la pipe à ses moustaches. […] fin du récit de roederer.

254. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Quand je vois, depuis le commencement de ce récit, le grand-duc, le futur Pierre III, ne pas faire un seul pas qui ne l’achemine à l’abîme et à la ruine profonde, il me semble constamment voir dans le même temps, derrière lui et au-dessus de lui, debout et voltigeant, ce fantôme fatal qui, le pied sur la tête des mortels, les pousse aux actes insensés, et qu’Homère appelle l’Imprudence. Catherine a lu dans l’avenir, et elle a pris son parti de bonne heure ; on l’entrevoit d’après son récit. […] Les autres intrigues plus légères s’entre-croisent, et on les suit sans trop de peine à travers son récit.

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