croit-on avoir beaucoup gagné à remplacer des rêves dorés par une réalité brutale et bornée ? […] La vie même de Balzac était un mélange de réalité et de fantaisie, de cupidité et de splendeurs hyperboliques, de vérité et de mensonge. […] de cette réalité brutale, de cette existence toute matérielle on a su faire jaillir encore quelques gerbes de poésie. […] Il y plana comme un aigle, loin des bruits et des réalités de la terre. […] Mais là encore il ne touche à la réalité qu’en la caressant du bout de l’aile.
Si donc la réalité est dans la détermination, il s’ensuit que Dieu est le plus déterminé des êtres. […] N’est-il que le copiste de la réalité ? […] Le comble de l’art pour une pièce de théâtre serait de vous persuader que vous êtes en présence de la réalité. […] Tout y est frappant de réalité, grave et sévère, avec une douceur pénétrante. […] Laissons là toutes ces hypothèses : pour connaître la réalité, étudions-la, ne l’imaginons pas.
George Sand, elle aussi, se débattait entre une chimère et la réalité. […] Ils éprouvèrent un froissement douloureux, en se trouvant en face d’une réalité si plate, presque dégradante. […] A peine l’avait-il quittée, que la réalité s’effaçait de devant ses yeux ; il n’apercevait plus que la chimère enfantée par leurs imaginations enflammées. […] Ce qu’on a pris pour une pure fantaisie, dans cette pièce merveilleuse, repose sur un fond de réalité. […] Le goût du singulier les a ressaisis, et celui des déformations de la réalité.
Je crois que Flaubert n’est jamais un réaliste à proprement parler, c’est-à-dire un simple observateur de la réalité moyenne. […] Anatole France, lui, ne croit pas à la réalité objective et surnaturelle des visions de Jeanne d’Arc. […] Comme ils se froissent aux réalités ! […] Moi qui me suis dit mage ou ange, dispensé de toute morale, je suis rendu au sol, avec un devoir à chercher et la réalité rugueuse à étreindre. […] En définitive, il semble bien que ce soit à une notion d’impératif catégorique, à une sorte de mysticisme moral qu’il ait obéi en étreignant la rugueuse réalité.
Ce récit qui, pourtant, n’est point fait pour émouvoir, et qui a toute la sécheresse impersonnelle et rapide d’un procès-verbal, vous hante comme L’Homme et le Pendule d’Edgar Poe ; la même terreur s’en dégage, avec cette aggravation que nous savons ne plus être dans la fiction littéraire, mais dans la réalité. […] Léon Daudet, aussi bien les larmes que le rire, les idées comme les sensations, les réalités qui désespèrent, et le rêve qui, après l’exaltation de la minute divine, ne vous laisse que cette affreuse angoisse de n’avoir jamais été atteint. […] Et dans cette nouvelle série, la première œuvre, Fécondité, oppose les réalités où nous sommes, aux réalités idéales vers quoi nous aspirons, le présent douloureux à l’avenir heureux, la médiocrité d’aujourd’hui à la Beauté de demain. […] C’est toute réalité et tout idéal, un pamphlet et une leçon, une utopie et un microcosme. […] Dans Monna Vanna, les êtres et les choses se concrètent, se dessinent, nettement, en traits vifs, sur des fonds de réalité.
La réalité devenait moins absorbante et moins poignante. […] Si la réalité est au fond, l’idéal est venu dorer d’un de ses rayons la réalité. […] Comme si l’âme n’avait pas une souveraine réalité ! […] Dumas a pu le croire, le sentiment de la réalité, elle le diminue par le contraste. […] Ce sont là des apparences qui voilent la réalité sans la changer.
Il enjoint à la réalité de se conformer à son rêve, et, pour l’y contraindre, nulle violence, j’allais dire nulle amputation, ne lui coûte. […] Il laisse la réalité entrer en lui et s’y ordonner en chefs-d’œuvre. […] Furetière avait donné un grossissement épais de cette réalité qu’il exprime au juste. […] un tableau de réalité composé, poussé ? Non, la réalité ne les touchait guère.
ou est-elle une réalité complète ? […] De la simple puissance, elle la fait passer à la réalité entière et complète. […] Sans doute la nature et la réalité ne changent pas ; et le génie, quand il applique sa puissance à les observer, peut d’un premier effort les pénétrer et les comprendre tout entières. […] L’art a fait beaucoup sans doute pour les dialogues de Platon, mais la réalité a fait encore plus.
C’est bien d’avoir été fidèle à Fouquet ; mais pas un moment cette chrétienne ne paraît se figurer dans sa réalité le cas moral de cet homme de finances. […] L’esprit, au début, s’accommode aux parcelles de réalité qu’il a pu saisir ; mais, dès qu’il s’agit d’une réalité plus étendue, et de toute la réalité, c’est elle que nous accommodons à notre esprit ; c’est notre esprit qui complète les faits, et qui les pétrit, et qui suppose entre eux des relations afin de justifier des lois.
D’après Wagner, l’Univers, que nous croyons formé d’êtres multiples, est, dans la réalité, simple et un. […] Ayons donc devant nous la Vie, dans sa réalité (R. et A.). […] « Ayons donc devant nous la vie, dans sa réalité : et ce sera toute la religion, et nous rachèterons le bonheur naturel, dit Wagner. » Où donc est ce bonheur ? Quelle est la réalité de la vie ?
Mais s’il est certain que de la simple action réflexe par laquelle l’enfant tette, jusqu’aux raisonnements compliqués de l’homme adulte, le progrès se fait chaque jour par degré infinitésimal ; il est certain aussi qu’entre les actes automatiques des êtres les plus bas et les plus hautes actions conscientes de la race humaine, on peut disposer toute une série d’actions manifestées par les diverses tribus du règne animal, de telle façon qu’il soit impossible de dire à un certain moment de la série : Ici commence l’intelligence. » Si du savant qui poursuit ses recherches avec la pleine conscience des procédés de raisonnement et d’induction qu’il emploie, nous descendons à l’homme d’une éducation ordinaire, qui raisonne bien et d’une manière intelligente, mais sans savoir comment ; si de là nous descendons au villageois, dont les plus hautes généralisations ne dépassent guère les faits locaux ; si de là nous tombons aux races humaines inférieures qu’on ne peut considérer comme pensantes, dont les conceptions numériques dépassent à peine celles du chien ; si nous mettons à côté les plus élevés des primates, dont les actions sont tout aussi raisonnables que celles d’un petit écolier ; si de là nous arrivons aux animaux domestiques ; puis des quadrupèdes les plus sagaces à ceux qui le sont de moins en moins, c’est-à-dire qui ne peuvent plus modifier leurs actions selon les circonstances et sont guidés par un immuable instinct ; puis si nous remarquons que l’instinct, qui consistait d’abord en une combinaison compliquée de mouvements produits par une combinaison compliquée de stimulus, prend des formes inférieures dans lesquelles stimulus et mouvements deviennent de moins en moins complexes ; si de là nous en venons à l’action réflexe et « si des animaux chez qui cette action implique l’irritation d’un nerf et la contraction d’un muscle, nous descendons encore plus bas chez les animaux dépourvus de système nerveux et musculaire, et que nous découvrions qu’ici c’est le même tissu qui manifeste l’irritabilité et la contractilité, lequel tissu remplit aussi les fonctions d’assimilation, sécrétion, respiration et reproduction ; et si, finalement, nous remarquons que chacune des phases de l’intelligence, énumérées ici, se fond dans les voisines par des modifications trop nombreuses pour être distinguées spécifiquement, et trop imperceptibles pour être décrites, nous aurons en une certaine mesure montré la réalité de ce fait : qu’on ne peut effectuer de séparation précise entre les phénomènes de l’intelligence et ceux de la vie en général. » L’autre base de la doctrine, c’est la corrélation nécessaire de l’être et de son milieu, que l’auteur exprime en disant que la vie est une correspondance, « un ajustement continu des rapports internes aux rapports externes. » L’être vivant quel qu’il soit, arbre, infusoire ou homme, ne peut subsister s’il n’y a harmonie entre son organisme et son milieu ; et si à la vie physique s’ajoute la vie psychique, l’ajustement deviendra plus complexe. […] De l’entozoaire confiné dans un tissu, à la pensée de Shakespeare ou de Newton, qui reproduit la réalité concrète ou abstraite du monde, il y a place pour tous les degrés possibles de correspondance ; mais le parallélisme existe toujours entre l’être et son milieu. […] Le groupe des effets subjectifs produit est totalement différent du groupe des causes ; les rapports entre les effets sont totalement différents des rapports entre les causes ; les lois de variation d’un groupe diffèrent des lois de variation de l’autre groupe ; et cependant tous se correspondent de telle façon que tout changement dans la réalité objective cause un état subjectif exactement correspondant. […] L’auteur, prenant la vie psychologique à son plus bas degré, l’amène par additions successives à sa plénitude ; son caractère fondamental, c’est d’être « ne correspondance, qui, à mesure qu’elle se complète, reproduit subjectivement la réalité objective du monde.
Voilà comment les choses se passent dans la réalité et sans tant de solennel. […] Grâce à Dieu, cette moralité de convention est chaque jour démentie dans la réalité et dans la pratique : les filles de femmes célèbres et même trop célèbres, de celles qui ont été le plus bruyamment admirées ou critiquées, ont chance, si elles sont belles et pleines de mérite, de devenir, selon les rangs et les fortunes, ou femmes d’avocats distingués, ou marquises et même duchesses.
Tandis que, sous la Restauration, on aimait surtout dans Talma finissant et grandissant un novateur, une espèce d’auteur et de poëte dramatique (et non, certes, le moindre), qui rendait ou prêtait aux rôles un peu conventionnels et refroidis de la scène française une vie historique, une réalité à demi shakspearienne, — il arrive que ce qu’on a surtout aimé dans notre jeune et grande actrice, ç’a été un retour à l’antique, à la pose majestueuse, à la diction pure, à la passion décente et à la nature ennoblie, à ce genre de beauté enfin qui rappelle les lignes de la statuaire. […] Et pourtant cela ne laisse pas d’être agréable ; car, en ces choses d’amoureux désir, l’espérance a plus de douceur encore que la réalité. » Mais comme ces Grecs, dans leur malice même, s’arrêtent naturellement à la grâce !
Aux mêmes songes sans doute, aux éternels fantômes que, par contraste avec la réalité, il s’attachait à ressaisir de plus près et à embellir. […] La première doit être d’avant 1830, lorsqu’avec un peu de complaisance on se permettait encore de rêver un roi suzerain en son Louvre ; les deux autres portent leur date et nous rendent avec une grâce exquise le très-proche reflet d’une réalité douloureuse.
Souvent il fallait, sous la monarchie, savoir concilier sa dignité et son intérêt, l’extérieur du courage et le calcul secret de la flatterie, l’air de l’insouciance et la persistance de l’intérêt personnel, la réalité de la servitude et l’affectation de l’indépendance. […] On ne croirait pas, dans la réalité, à la douleur d’un homme qui pourrait exprimer en vers ses regrets pour la mort d’un être qu’il aurait beaucoup aimé.
Les faits sont déjà trop souvent difficiles à établir, témoin les discussions interminables que soulève la réalité de certains événements historiques. […] Par suite, une juste proportion entre l’histoire et la réalité qu’elle veut retracer exige qu’on mette en pleine lumière la tragicomédie dont l’apparition est devenue une date du théâtre français en laissant dans la pénombre ses deux sœurs mal nées.