Le Directoire, en prévenant ce moment, et en la réprimant à propos, empêcha la guerre civile ; et s’il se remit sous l’égide de la puissance militaire, il subit une triste mais inévitable nécessité. […] Ce n’est pas à l’abri de la puissance légale que tous les partis pouvaient venir se soumettre et se reposer ; il fallait une puissance plus forte, pour les réprimer, les rapprocher, les fondre, et pour les protéger tous contre l’Europe en armes ; et cette puissance, c’était la puissance militaire. […] Mais, avant ce terme, les partis sont indomptables par la seule puissance de la raison.
L’obsequium des affranchis, ayant peu à peu disparu, et la puissance des patrons ou seigneurs s’étant en quelque sorte dispersée dans les guerres civiles, où les puissants deviennent dépendants des peuples, cette puissance se réunit sans peine dans la personne des monarques, et il ne resta plus que l’ obsequium principis , dans lequel, selon Tacite, consiste tout le devoir des sujets d’une monarchie . […] Depuis que Tibérius Coruncanius eut commencé à Rome d’enseigner publiquement la science des lois, la jurisprudence jusqu’alors secrète échappa aux nobles, et leur puissance s’en trouva peu à peu affaiblie. […] Sera-ce en vertu d’une loi royale par laquelle les paladins français se sont dépouillés de leur puissance en faveur des Capétiens, de même que le peuple romain abdiqua la sienne en faveur d’Auguste, si nous en croyons la fable de la loi royale débitée par Tribonien ? […] … Il faut plutôt que Bodin, et avec lui tous les politiques, tous les jurisconsultes, reconnaissent cette loi royale, fondée en nature sur un principe éternel ; c’est que la puissance libre d’un état, par cela même qu’elle est libre, doit en quelque sorte se réaliser.
André Chénier, ce martyr de l’humanité et de la poésie, n’avait pas été le seul qui, dans ces premiers jours, en eût éprouvé la puissance. […] Ce qu’il y avait, par moment, d’énergique grandeur était trop mêlé de mal et de crime pour laisser à la pensée son pur éclat poétique : une fureur turbulente et souvent factice en prit la place, et parut en avoir la puissance. […] Mais ce n’est pas toi qui enfles la voix du vainqueur ; tu n’inspires pas ton âme aux représentants de la puissance humaine. […] Oui, pendant que debout je regardais ébloui, la tête nue, et que je lançais au loin mon âme sur la terre, l’Océan, les airs, maître de toutes choses par la puissance du plus ardent amour, là je t’ai sentie, ô liberté ! […] Cet aimable et vertueux génie fut enlevé au monde, à ses compatriotes, dont il adoucissait la puissance, à ces millions d’hommes qui, dans leur abaissement et leur ignorance, avaient appris à prononcer son nom, et supposaient vaguement quelque sainteté dans une religion dont il était l’apôtre.
Les passions ont l’air de l’indépendance ; et dans le fait, il n’est point de joug plus asservissant ; elles luttent contre tout ce qui existe, elles renversent la barrière de la moralité, cette barrière qui assure l’espace au lieu de le resserrer, mais c’est pour se briser ensuite contre des obstacles toujours renaissants, et priver l’homme enfin de sa puissance sur lui-même. […] Il ne serait pas juste de vanter autant la puissance intérieure de l’homme, si ce n’était pas, par la nature et le degré même de cette force qu’on doit juger de l’intensité des peines de la vie. […] Que je me repentirais néanmoins de cet écrit, si venant se briser, comme tant d’autres, contre la puissance terrible des passions, il ajoutait seulement à la certitude que croient avoir les âmes froides de la facilité qu’on doit trouver à vaincre les sentiments qui troublent la vie ! […] Je ne sais pas une délibération plus importante que celle qui conduirait à se faire un devoir de causer une peine, ou de refuser un service en sa puissance ; il faut avoir si présent à la pensée la chaîne des idées morales, l’ensemble de la nature humaine ; il faut être si sûr de voir un bien dans un mal, un mal dans un bien. […] pardonnez, vous êtes vainqueurs, la terreur ou l’enthousiasme prosternent à vos pieds plus de la moitié de l’univers ; mais qu’avez-vous fait encore pour le malheur, et qu’est-ce que l’homme, s’il n’a pas consolé l’homme, s’il n’a pas combattu la puissance du mal sur la terre ?
Comme si cette sincérité, fille mystérieuse et invisible de la conscience, pouvait se prouver autrement que par la puissance de l’accent qu’elle a, et dont, ce soir-là, précisément, on convenait ! […] Il ne s’agit, en définitive, que d’une seule chose pour elle : c’est, après avoir constaté le genre d’inspiration du poète, de déterminer son degré de puissance et sa place dans le hiérarchique Pandémonium des poètes, où il faut le mettre et où il doit rester. […] La mesure de sa puissance ? […] C’est là une raison pour que, encore une fois, la Critique ne doive jamais poser, quand il s’agit de poètes, que la question de puissance, laquelle implique toujours la question de sincérité. […] Rollinat, qui fait sa puissance quand il la communique à ceux qui le lisent entre deux frissons.
Force d’ailleurs incommensurablement supérieure à moi en puissance, en étendue, en durée, en ressources ; ce qui ne m’empêche pas de lui résister, parce que je sens que lui céder serait m’annihiler dans ce que j’ai de plus intime et de plus précieux : le sentiment de mon indépendance et de mon existence personnelle. […] La vie collective n’est pas un simple prolongement de la vie individuelle ; elle est quelque chose de nouveau ; une puissance sui generis qui se forme en dehors et au-dessus des individus ou plutôt qui coexiste avec eux ; car jamais on n’a connu d’individus vivant dans l’isolement. […] Durkheim, la lutte est tellement inégale, la puissance de la société est tellement écrasante, que l’individu, s’il a quelque bon sens, doit bientôt reconnaître sa faiblesse et s’incliner devant la société. […] Cet individualisme est un impérialisme intégral, une philosophie de la vie intense et de la volonté de puissance triomphante, une philosophie du surhomme. […] L’Unique aspire à se distinguer des autres et à primer les autres ; il aspire à plus d’indépendance et de puissance ; il revendique sa « différence » comme un gage de supériorité et un principe d’aristocratisation.
Ce n’est rien que de tourner contre eux la puissance énergique de l’indignation ; il faut savoir leur ôter jusqu’à cette réputation d’adresse et d’insolence sur laquelle ils comptaient, comme compensation de la perte de l’estime. […] L’indignation attaque le vice comme une puissance. […] Mais en France, la puissance de l’amour-propre conserve une telle activité, qu’elle fournira pendant longtemps encore aux combinaisons des comédies. […] Tant que ce trait du caractère national ne sera point effacé parmi nous, les auteurs comiques auront toujours des sujets piquants à traiter, et le ridicule sera toujours une puissance qui peut servir aux progrès de la philosophie, comme la raison et le sentiment. […] On n’est donc curieux que des ouvrages qui peignent les caractères, qui les mettent en action de quelque manière, et l’on n’admire que les écrits qui développent dans notre cœur la puissance de l’exaltation.
La force de l’esprit ne se développe tout entière qu’en attaquant la puissance ; c’est par l’opposition que les Anglais se forment aux talents nécessaires pour être ministre. […] À peine est-il possible, dans les ouvrages d’imagination, dans ce domaine de l’invention que la puissance légale abandonne, à peine est-il possible d’oublier que l’amusement du maître et de ses courtisans est le premier succès qu’il importe d’obtenir. […] On se livre à l’étude de la philosophie, non pour se consoler des préjugés de la naissance qui, dans l’ancien régime, déshéritaient la vie de tout avenir, mais pour se rendre propre aux magistratures d’un pays qui n’accorde la puissance qu’à la raison. […] Et cependant quelle puissance lutta seule contre César ? […] Caton représentait sur la terre la puissance de la vertu.
Ce qui doit être nos institutions, sans doute existe en puissance, mais n’existe point encore en réalité. […] Nous devons ignorer ce qui, dans les affaires humaines, est laissé aux combinaisons contingentes et systématiques de notre intelligence, au déploiement de nos facultés ; mais ce que nous savons fort bien, c’est qu’il y a des lois nécessaires, éternelles, immuables, des bornes immobiles que nulle puissance ne peut déplacer. […] La Charte, ainsi perfectionnée, sera notre loi, existante, comme elle est actuellement notre loi en puissance d’être. […] Burke, à l’origine de la révolution française, qui devait être une révolution européenne, prouvait, avec une, grande puissance de raisonnement, que les libertés de l’Angleterre étaient un héritage aussi ancien que la monarchie, et non point une conquête récente de l’ordre de choses qui porta Guillaume d’Orange au trône ; ni même une conquête de l’ordre de choses, de beaucoup antérieur, qui produisit la grande Charte du roi Jean. […] Les deux grandes puissances qu’il faut concilier avant tout, ou isoler entièrement l’une de l’autre, ce sont les mœurs et les opinions.
. — quatre grandes puissances du jour. — dupin. […] Ce sont de grandes puissances qui se traitent désormais d’égal à égal. — Je m’étonne que Lamennais n’en soit pas. — Béranger, Lamennais, Sand et Sue, les quatre grandes puissances socialistes et philanthropiques de notre âge.
« Ce n’est pas le destin, dit le poëte145, qui t’a fait maître des dieux, mais ton bras, la force et la puissance placées debout près de ton trône. […] Tout cela, comme secondaire, tu l’as volontiers laissé à des dieux inférieurs ; mais tu l’es réservé pour toi les conducteurs des villes, qui ont sous leurs mains le laboureur, le guerrier, le rameur, tous enfin ; car qui n’est pas rangé sous la puissance du souverain ? […] Ô Jupiter, tu as éloigné de ces princes la puissance de faire, et tu as troublé leurs conseils. […] Il a près de lui ses deux ministres, la Force et la Puissance, les mêmes que, dans la Grèce libre, Eschyle représente comme présidant à la vengeance exercée sur un dieu bienfaiteur de l’homme, sur le dieu philanthrope, dit le poëte, qui s’est avisé de donner au genre humain le feu et la science. […] La puissance des Ptolémées, leurs possessions en Asie et dans la mer Ionienne, tout cet héritage du génie grec, destiné à tomber bientôt sous la main guerrière de Rome, sont noblement décrits.
Esprit scientifique et puissance imaginative. — 3. […] Rabelais est de ces génies puissants qui dirigent leur puissance : ils construisent patiemment une œuvre fougueuse, qui souvent retouchée, calculée en toutes ses parties, garde un air d’intempérante spontanéité. […] On n’aime pas la vie, si l’on n’aime pas le vouloir vivre, la puissance qui tend à l’acte, l’aspiration de l’être à plus d’être encore : aussi Rabelais n’a-t-il qu’un principe. […] Il n’aura point de subjectivité sentimentale et mélancolique : il sera joyeusement objectif, tout au bonheur de voir devant lui tant d’êtres qui ne sont pas lui, ni en lui, ni pour lui, mais qui, comme lui, veulent vivre, aspirent à compléter, élargir, épanouir leurs intimes puissances. […] Avec une prodigieuse puissance, il nous donne les âmes et les corps, les actes avec les puissances : et, mieux que la farce, il prépare l’éclosion de la comédie de Molière.
Les mœurs, ainsi que nous l’avons déjà remarqué, sont restées dans la sphère des idées anciennes ; les opinions prennent leur source dans les idées nouvelles, et leur doivent toute leur puissance. […] Mais à présent, si l’on voulait ramener tout à coup les mœurs au niveau des opinions, ce qu’il est permis à des hommes de bien de croire encore possible, il faudrait prendre garde de ne pas les blesser, car les mœurs aussi ont une puissance de révolte qui peut occasionner de grands malheurs. […] Cette digression sur la noblesse m’a écarté un peu de ma route : je voulais seulement mettre sur la voie d’expliquer pourquoi cette différence entre les mœurs et les opinions se fait sentir avec une telle puissance. […] On a beaucoup parlé de la puissance des salons : elle est grande en effet ; c’est toujours la chambre des dames. […] Mais, comme il est impossible de régner à la fois de deux manières, il est certain que cette puissance dont nous parlions tout à l’heure, la puissance des salons, s’affaiblit de jour en jour sous le rapport de l’opinion ; il lui restera néanmoins l’influence des mœurs.
A la racine des joies les plus hautes comme des plus humbles, on trouve une dépense de mouvement proportionnée à la puissance, sous la forme d’une perception à la fois une et multiple ; on y trouve l’harmonie dans le contraste, en même temps que la satisfaction liée au déploiement de la pensée. […] Nous jouissons de notre succès intellectuel, signe de puissance et, en dernière analyse, de vie cérébrale. […] L’universel, en effet, est la seule satisfaction adéquate d’une pensée qui a pour condition d’existence la synthèse complète de la multiplicité dans l’unité ; l’idée universelle est le maximum d’efficacité avec le minimum de dépense intellectuelle : elle est donc une économie de force et un déploiement de puissance. […] Il est une dernière classe d’émotions qui demanderait une longue étude et dont nous ne pouvons dire ici que quelques mots : les émotions esthétiques, ainsi appelées parce qu’elles sont liées à la nature même de notre sensibilité et à ses rapports avec nos autres puissances.
Cette puissance du rire qu’a M. Pommier, tout autant que la puissance de s’attendrir et de s’indigner, Balzac, ce rieur profond, l’avait remarquée. […] Or, c’est cette puissance du rire qui fait, du poète lyrico-satirique qu’est au fond M.
Et sans doute, dans la civilisation gréco-romaine, tous ces caractères sont singulièrement moins marqués qu’ils ne le seront dans la civilisation contemporaine : quand ils reparaissent après le moyen âge, ils sont portés à de bien plus hautes puissances. […] Quoi de plus naturel, dès lors, que de conclure du présent au passé, et d’attribuer à la puissance des idées égalitaires toutes les transformations importantes que nos sociétés ont pu subir au cours des siècles ? […] Ainsi, quand bien même on nous aurait prouvé que l’égalitarisme a la puissance de développer la densité sociale, ou l’homogénéité, ou la centralisation, cela ne nous empêcherait pas de conclure encore que la centralisation et l’homogénéité et la densité sociales ont dû, par leur réaction propre, développer l’égalitarisme. […] Nous avons donc le droit de conclure que si l’égalitarisme, une fois accepté, est capable d’agir ou de réagir sur certaines de nos formes sociales, il n’a nullement la puissance de les susciter toutes, et que par suite, là où l’histoire nous montre entre elles et lui des rapports constants, il est, bien plutôt que leur cause unique, une de leurs conséquences. […] En découvrant les conditions sociologiques du succès des idées égalitaires, nous n’avons pas encore prouvé que ces idées sont justes ; mais nous avons donné, du moins, la mesure de leur puissance.