La riche bourgeoisie parisienne a, de tout temps, produit des esprits fins, des railleurs distingués et libres, ayant le ton de la meilleure compagnie et parlant la plus pure des langues ; au xviie siècle, Mme Geoffrin, cette douairière de la bonne société, en était sortie. […] Cette quantité d’idées comiques et de germes qu’il a mis en circulation ne lui ont jamais coûté que la douceur de les produire. […] Théodore Leclercq continua de produire encore et de publier le recueil de ses volumes : pourtant, si sa réputation était dès lors tout à fait établie, le grand moment de vogue et d’attention était passé.
Ce livre de Bonald appartenait à cette littérature française du temps du Directoire et extérieure à la France, qui se signala par de mémorables écrits et des protestations élevées contre les productions du dedans : cette littérature extérieure produisait de son côté, à Neuchâtel en Suisse, les Considérations de Joseph de Maistre sur la Révolution française, 1796 ; à Constance, le livre de Bonald ; à Hambourg, la Correspondance politique de Mallet du Pan en cette même année 1796, et Le Spectateur du Nord, brillamment rédigé par Rivarol, l’abbé de Pradt, l’abbé Louis, etc. ; à Londres, l’Essai sur les révolutions de Chateaubriand, 1797. […] Tel est véritablement l’effet que produit la méthode à demi scolastique de Bonald, mise en regard de la marche naturelle et large de Bossuet dans les mêmes matières. […] Il y avait longtemps qu’il s’était dit : « C’est par l’état social des femmes qu’on peut toujours déterminer la nature des institutions politiques d’une société. » On peut regretter seulement que, là comme ailleurs, il ait compliqué les excellentes raisons de tout genre qu’il produisait, par d’autres trop absolues, trop abstruses et trop particulières.
Lorsqu’on sut qu’une copie furtive de ces Mémoires était livrée à l’impression et sur le point de paraître, le Régent demanda au lieutenant de police d’Argenson quel effet ce livre pouvait produire. […] Né en octobre 1614, d’une famille illustre, destiné malgré lui à l’Église avec « l’âme peut-être la moins ecclésiastique qui fût dans l’univers », il essaya de se tirer de sa profession par des duels, par des aventures galantes ; mais l’opiniâtreté de sa famille et son étoile empêchèrent ces premiers éclats de produire leur effet et de le rejeter dans la vie laïque. […] Ce fut là la première pensée sérieuse d’où sortit la Fronde, pensée qui ne se produisit dans le Parlement qu’à l’occasion de griefs particuliers, et qui, lorsque les troubles éclatèrent, fut bien vite emportée dans le tourbillon des intrigues et des ambitions personnelles, mais que Retz exprime nettement au début, que le Parlement ne consacra pas moins formellement dans sa déclaration du 24 octobre 1648 (une vraie Charte en germe), et qu’il y aurait de la légèreté à méconnaître.
Il remarque que, quoiqu’il y ait dans les Essais une infinité de faits, d’anecdotes et de citations, Montaigne n’était point à proprement parler savant : « Il n’avait guère lu que quelques poètes latins, quelques livres de voyages, et son Sénèque, et son Plutarque » ; ce dernier surtout, Plutarque, « c’est vraiment l’Encyclopédie des anciens ; Montaigne nous en a donné la fleur, et il y a ajouté les réflexions les plus fines, et surtout les résultats les plus secrets de sa propre expérience. » Les huit pages que Grimm a consacrées aux Essais de Montaigne sont peut-être ce que la critique française a produit là-dessus de plus juste, de mieux pensé et de mieux dit. […] Les services qu’il rendit par ses notices et ses livres agréables sur les sciences, par l’esprit philosophique qu’il y mit avec art et mesure, furent réels et se répandirent utilement dans la société de son temps : son style et son faux goût littéraire faillirent produire un mal durable. […] En philosophie, il le traite avec le dédain d’un homme qui n’en est pas resté aux demi-partis et dont l’incrédulité, du moins, n’est point inconséquente : Voltaire, au contraire, s’arrête à mi-chemin et, en continuant de mal faire, s’effraye par moment de sa propre audace : « Il raisonne là-dessus, dit Grimm, comme un enfant, mais comme un joli enfant qu’il est. » À partir de Tancrède, tout ce que Voltaire produit pour le théâtre lui paraît marqué du signe de la vieillesse ; mais, à sa mort, il se reprend à l’envisager dans son ensemble, et avec l’admiration qu’une telle carrière inspire ; il exprime très bien le sentiment de la décadence littéraire que, selon lui, Voltaire retardait, et qui va précipiter son cours : « Depuis la mort de Voltaire, un vaste silence règne dans ces contrées, et nous rappelle à chaque instant nos pertes et notre pauvreté. » Il écrivait cela à Frédéric (janvier 1784).
Ils se superposent ainsi l’un à l’autre et produisent un système de franges d’interférence qu’on peut observer, du point M, dans une lunette dirigée selon MO. […] Or, rien de tel ne se produit. […] Entendons-nous : aucun changement ne s’est produit dans le mécanisme de l’horloge, ni dans son fonctionnement.
J’ai un regret ; c’est que depuis des années (et il y a trente ans que cela devrait être fait) le fonds de papiers et de manuscrits que possède la Bibliothèque de Neuchâtel, joint aux autres fonds particuliers, tels que celui de la famille Moultou qui se produit aujourd’hui, n’ait pas été l’objet d’un dépouillement régulier et méthodique, de manière à fournir une couple de tomes, complément indispensable de toutes les éditions de Jean-Jacques. […] Ravenel, ce patient et ingénieux érudit, a besoin d’être un peu forcé, et, plus qu’aucun érudit peut-être, il trouve moyen d’unir au zèle de chercher et d’amasser la crainte de produire.
Feydeau l’idée, la situation et le talent, j’avais fait des réserves suffisantes ; mais, me souvenant de nos propres débuts, déjà si lointains, et des accusations, au moins exagérées, dont nous-même fûmes autrefois l’objet de la part d’adversaires prévenus, je ne saurais admettre que le meilleur moyen d’encourager ou de redresser un talent qui se produit soit de lui lancer d’abord un écritoire à la tête ou de le lapider. […] Le savant Brunck l’aurait recueillie dans ses Analecta veterum poetarum ; le président Bouhier et La Monnoye, c’est-à-dire des hommes d’autorité et de mœurs graves (castissimae vitae, morumque integerrimorum), l’auraient commentée sans honte, et nous y mettrions le signet pour les amateurs, en nous rappelant le vers d’Horace : “Tange Chloen semel arrogantem”. » — Je lui aurais dit cela et bien d’autres choses encore, tenant compte surtout à Baudelaire, comme il en faut tenir compte à Bouilhet, comme il le faut pour un récent auteur de sonnets très distingués, Joséphin Soulary, de ce qu’ils viennent tard, quand l’école dont ils sont a déjà tant donné et tant produit, quand elle est comme épuisée, quand toutes les voix d’autrefois se taisent, hors une seule grande voix67.
Aujourd’hui, une preuve positive et des plus curieuses de la manière dont les amis du grand écrivain le jugeaient in petto, nous est produite dans une lettre confidentielle de M. […] J’ai une méthode pourtant, et quoiqu’elle n’ait point préexisté et ne se soit point produite d’abord l’état de théorie, elle s’est formée chez moi de la pratique même, et une longue suite d’applications n’a fait que la confirmer à mes yeux.
La critique, en effet, cette espèce de critique surtout, ne crée rien, ne produit rien qui lui soit propre ; elle convie au festin, elle force d’entrer. […] Nous avons essayé de caractériser, dans la majesté de sa haute et sombre philosophie, ce produit lyrique de la maturité du poëte ; mais nous n’avons qu’à peine indiqué le charme réel et saisissant de certains retours vers le passé, les délicieuses fraîcheurs à côté des ténèbres, les mélodies limpides et vermeilles qui entrecoupent l’éternel orage de la rêverie.
Pour qu’en 1845 une telle opinion puisse sérieusement se produire et qu’elle trouve place dans un esprit aussi cultivé que paraît l’être celui de l’éditeur, il ne suffit pas d’une dose d’illusion ordinaire ; c’est un phénomène qui exige une explication plus appropriée ; Victorin Fabre a eu ses dévots, et M. […] En revanche, nous le verrons affirmer sans sourire (page 25) que cette littérature de la république, tant calomniée, comptait deux grands écrivains en prose, Bernardin de Saint-Pierre et Garat, comme si Bernardin de Saint-Pierre, qui avait produit tous ses grands ou charmants ouvrages sous le règne de Louis XVI, pouvait être dit un littérateur de la république, et comme si Garat, bon littérateur, pouvait être, dans aucun cas, appelé un grand écrivain.
En fait d’architecture, il a été l’un des premiers chez nous qui ait promulgué des idées générales et produit une théorie historique complète de génération pour les époques du moyen âge : sur ces points-là, bien des notions, aujourd’hui vulgaires, viennent de lui. […] il est des talents jactancieux qui se font gloire d’étaler et de produire au jour les tristes objets dont ils ont rempli leur vie.
Le plus souvent cette vive action s’est produite dans des circonstances toutes particulières et sur des questions très-déterminées. […] Quand on ne le considérerait, après tout, que comme une méthode historique pour aborder l’examen des systèmes de philosophie dans le passé, il faudrait reconnaître qu’il a produit de positifs et féconds résultats.
Jouffroy dit : « À l’exception de la cause que nous sentons penser et agir en nous, toutes les autres causes échappent à notre observation. » Et par le fait d’agir, il n’entend pas l’action réelle, l’activité qui se produit, mais simplement l’intention, le désir d’agir ; ce qui mutile encore et appauvrit la cause. Nous, nous disons : Il n’y a qu’une cause que nous connaissons directement, c’est celle que nous sentons penser et agir, comprendre et pouvoir en nous, sentir, aimer, vivre en un mot ; vivre de la vie complète, profonde et intime, non-seulement de la vie nette et claire de la conscience réfléchie et de l’acte voulu, mais de la vie multiple et convergente qui nous afflue de tous les points de notre être ; que nous sentons parfois de la sensation la plus irrécusable, couler dans notre sang, frissonner dans notre moelle, frémir dans notre chair, se dresser dans nos cheveux, gémir en nos entrailles, sourdre et murmurer au sein des tissus ; de la vie une, insécable, qui dans sa réalité physiologique embrasse en nous depuis le mouvement le plus obscur jusqu’à la volonté la mieux déclarée, qui tient tout l’homme et l’étreint, fonctions et organes, dans le réseau d’une irradiation sympathique ; qui, dans les organes les plus élémentaires et les plus simples, ne peut se concevoir sans esprit, pas plus que, dans les fonctions les plus hautes et les plus perfectionnées, elle ne peut se concevoir sans matière ; de la vie qui ne conçoit et ne connaît qu’elle, mais qui ne se contient pas en elle et qui aspire sans cesse, et par la connaissance et par l’action, par l’amour en un mot ou le désir, à se lier à la vie du non-moi, à la vie de l’humanité et de la nature, et en définitive, à la vie universelle, à Dieu, dont elle se sent faire partie ; car à ce point de vue elle ne conçoit Dieu que comme elle-même élevée aux proportions de l’infini ; elle ne se sent elle-même que comme Dieu fini et localisé en l’homme, et elle tend perpétuellement sous le triple aspect de l’intelligence, de l’activité et de l’amour, à s’éclairer, à produire, à grandir en Dieu par un côté ou par un autre, et à monter du fini à l’infini dans un progrès infatigable et éternel.
Durant la seconde période de la doctrine et dans les relations avec les femmes, surtout quand des jeunes gens, convertis à peine depuis quelques mois, couraient en prosélytes, s’adressant aux imaginations provençales, c’est bien sous cette forme vaguement attrayante et affadie, que le saint-simonisme, naguère austère au sortir du Producteur, menaçant au sortir des ventes, se produisait en se corrompant. […] Ballanche sous les diverses formes et dans l’ordre de génération où elle s’est produite : on désirera vivement surtout l’achèvement de cet édifice grandiose, dont on aura traversé le péristyle et dont on aura vu se dessiner l’enceinte.
Leur supériorité consiste dans le talent d’exprimer vivement ce qu’ils voient et ce qu’ils éprouvent ; ils ont l’art d’unir intimement les réflexions philosophiques, aux sensations produites par les beautés de la campagne. […] On croirait d’abord que l’immoralité, ne reconnaissant point de bornes, devrait étendre la carrière de toutes les conceptions romanesques ; et l’on s’aperçoit, au contraire, que cette facilité malheureuse ne peut rien produire que d’aride.
La raison du dix-septième siècle ne fut comme les autres que locale et temporaire, et son Dieu ne fit comme les autres que réfléchir le monde qui l’avait produit. […] Au fond ils s’y produisent comme dans la nature, sans formules préconçues et au moyen de détails isolés, mais selon des directions générales et en vertu d’un besoin inné.